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Theologieal Seminary,
PRINCETON, N. J.
C«se, D-ivlsior^^Jx...
Shelf, Section. /Q^^^.
Booh,
Mo y,
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i.'M^ A ,■: : V
H I s T O I
DE ^
LEDIT DE NANTES.
CONTENANT
Les chofes les plus remarquables qui fe font
paflees en France avant & après fa publication ,
à l'occafion de la diverfité des Relisions :
Et principalement les Contraventions , Inexécutions ^
Chicanes i Artifices, Violences, & autres InjuJUces, que
les Reformez fe plaignent d'y avoir fotiffertes y
jufques à
LEDIT DE REVOCATION.
en Odobre k^Sj.
Avec ce qui afuivi ce nouvel Edit jufques à prefent,
TOME PREMIER.
A D E L F T,
Chez ADRIEN B E M A N,
M D C X C I I I.
Avec Trivilége,
PRIVILEGIE.
DE S fat en van Holland en de WeH-VrieJland^ do en
te weten : Alzoo 0ns vertoond is by Adriaen Beman , Bock-
verkooper totT>elft <, dat hy Suppliant bezig ztjnde -^ met groote
kojîenende moeite y te drukken zeker Èoek ^ genoew d Hiûoirc del'E-
dit de Nantes , contenant les chofes les plus remarquables qui (è
font paflees en France avant 8c après la' publication , à l'occafion de
la diverllté des Religions, &c. in quarto -^ in vier^eelen^ beducht
was dat Itchtelijk ttmant anders hier tn Onzen Lande , tôt zijn Sup-
pliants groote Jchade ende nadeel , V zelve Boek zoude trac ht en na
te drulzken , zoo keerde hy Suppliant zich in aile onderdamgheid toi
Ons , biddmde dat ÏVy hem Suppliant geliefden te begunjitgen met een
JpecïaalO^roy ofte Privilégie ■> by't welke aan hem Suppliante zijn
Erven , of aCîie verkrijgende , werde ^vergunt V voorn. Boek , geduu-
rende den tijd i)an v^ftien eerftkomende jaren 5 alleenlijk in Onzen
Lande te mogen drukken -^ uitgeven ende njerkoopen-^ inzoodanigeta-
len ende format en als hy Suppliant zoude konnen goedvinden i met
*verbod dat niemant *tzelve Boek^ in 't geheel ofte ten deele , in eeni-
gerhande manier en , zoude vermogen na te drukken ^ uitgeven ofte
verkoopen^ of elders nagedrukt zijnde in onzen Lande zoude mogen
^juerden ingebragt , verkocht ofte verhandelt , op zekere groote pœne
by de overtreders te verbeuren : Z O O I S 'T , dat ÏVy de zake ende
V verzoek 'voorfz. overgemerkt hebbende , ende genegen wezende ter
bede van den Suppliant y uit Onze rechte wetenfchap ^ Souveraine
magt ende authoriteit -i den zelven Suppliant -^ zijn Erven ^^ of aBie
'Verkrijgende geconfenteert y geaccordeert ^ ende geo^royeert hebben^
confenteeren , accordeeren , ende oBroyeeren mit s dezen , dat hy ge-
duurende den tijd van vijftien achter-een-volgende jare7i , het voorfz.
Boek genoemd Hiftoire de l'Edit de Nantes , contenant les chofes les
plus remarquables qui fe font pafTées en France avant & après fa
publication , à Toccafion de la diverfité des Religions , ùc m quarto^
in vier T>eelen , binnen den voorfz. Onzen Lande alleen zal mogen
drukken , doen drukken , uitgeven ende verkoopen -, verbiedende daar-
om allen ende eenygelijken het zelve Boek , in V geheel ofte ten deele^
na te drukken , ofte elders nagedrukt binnen den zelven Onzen Lan-
de te brengen , uit te geven ofte te verkoopen , op verbeurte van aile
de nagedrukt e y ingebragte ofte verkochte Exemplaren ^ ende eenboete
van
van drie honderâ guldcns daar bàven te verheuren , te appliceerm een
derde-part njoor den Officier dïe de caîange doen zal , eeyi darde-part
'uoor denArmen derplaqtfe daar h et çajus voorvalltn zal^ ende ket
reft^eerende derde-part njmr den Suppliant. Ailes in dienverjlandcy
dat JVy den Suppliant met dezen Onzen 05îroye alleen willende gra-
tifiée er en 5 tôt verhoediyige van ztjne fchade door h et nadrukken van
joet vcorfz. Boek , daar door in geenigen deele verfiaan den inhoude
''Uan dien te autorifeeren ofte te avoiieeren , ende veel min bet zelve
onder Onze prote5fie ende befcherminge eenig meerder crédit , aan-
zien ofte reput atie te geven ; nemaar den Suppliant , in cas daar inné
iets 07ibekoorlijks zoude mogen influeeren , aile het zelve tôt zijnen
lafte zal gehouden wezen te verantwoorden : En tôt dien einde njvel
expreffielijk begeerende , dat by aldien hy dezen Onzen OEîroye voor
hét zelve Boek zal willenfiellen^ daar van geen geabbrevieerde ofte
gecontraheerde mentie zal mogen maken^ nemaar gehouden zal we^*
zen V zelve 05îroy in *t geheel , ende zonder eenige omiffie^ daar
voor te drukken ofte doen drukken : Ende dat hy gehouden zal zijn
een Exemplaar van het voorfz\~ Boek , gebonden ende wel gecondi-
tioneert , te brengen in de Biblïotheek van Onze Univerpteit tôt Lei-
den , ende daar van behoorlijk te doen blijken : ailes op pœne van het
effeh van dezen te verliezen. Ende ten einde den Suppliant dezen
Onzen Confient e ende Oâîroye moge genieten als naar behooren^ laflen
Wy allen ende een ygelijken dien V aangaan mag , dat zy den Suppliant
van den inhoude van dezen doen , laten-, ende gedoogen y ruftelijky
vredeltjk ende volkomentlijk genieten ende gebruiken , cejfieerende aile
belet ter contrarie. Gedaan in den Hage -, onder Onzen groot en Ze-
gelé hier aan gehangen , op den drie-en-twintigften Februanj , in V
jaar onze s Heeren ende Zaligmakers duizend zes h onder d drie -en'
tne^entig.
A. H E IN S I U S, vt.
Ter ordonnantie van de Staten,
y
Simon, van BEAUMaNX»
A JMESSEIGNEURS,
MESSEIGNEURS
CONSEILLERS
DEPUTEZ
DES ETATS DE HOLLANDE
ET DE WEST-FRISE
S
OBLES ET PUISSANS
SEIGNEURS,
I je n'imite pas icy les Ecrivains , qui mettent à
la tête de leurs livres un éloge étudié de ceux
a 3 qu ils
E P I T R E
qu'ils ont choifîs pour leurs Proteéleurs , je n'en
fuis empêché ni par la crainte d y reûflîr mal , fi
j'en formois le deflein ,• ni par celle de m'expofer
au dégoût qu'on a depuis long-tems pour cette
forte d ouvrages. J'avoue que je n'aurois pas rai-
Ion de comptçr beaucoup fur mon éloquence ;
mais jetrouverois dans la richefle du fujet dequoy
fuppléer au défaut de mon art & de mes lumiè-
res : , &; je pourrois efperer de ne déplaire pas au
Leéleur , parce que j'aurois à luy dire des choies
qu il voit rarement dans de femblables écrits. Il
eft difficile aujourdhuy d'y faire entrer quelque
trait d'efprit ou de Rhétorique , qui ait encore
f>our luy les grâces de la nouveauté : & il femble
fur tout que la vérité a perdu la coutume d'y pa-
roître. Mais je n'aurois pas de peine à donner un
tour peu commun à la matière que j'aurois entre
les mains ^ & fi loin que je pufle porter les louan-
ges que je voudrois y mêler , elles ne pourroient
pafler pour fufpeéles, ni pour exceflîves. Je n'au-
rois qu'à confiderer Vos Nobles Puissances
comme un Augufte Corps , à qui appartient tout
.le mérite des Illuftres Membres qui le compofent.
Il me feroit aifé par ce moyen de donner à mon
difcours
D E D I C A T O I R E.
difcours mille ornemens peu ordinaires: & il n'y
auroit perfonne qui ofât me foupçonner d'élever
trop haut la gloire de tous enfemble ; puis que fî
on prenoit à-part chacun de ceux qui font appel-
iez à ces dignitez éminentes , on trôuveroit dans
fon nom , dans fes qualitez , dans importance de
fes emplois & de fes fervices, autant de fujets d'un
jufte Panégyrique. Mais je fais bien , Nobles
ET PuissANs Seigneurs, que les folides
vertus ne fe font point un honneur de ce vain en-
cens. Il n y a que les âmes vulgaires qui s'entê-
tent de cette fumée» Ceux qui ont le cœur vé-
ritablement grand , aiment mieux être utiles au
Public par de belles aélions , que d'entendre par-
ler avantageufement de leur perfonne & de leur
conduite. Je ne doute point que Vos Nobles
Puissances neftiment bien plus digne d'Elles,
de graver leur éloge dans le cœur & dans la mé-
moire des Peuples par un fage Gouvernement,
que de le lire dans une Epître Dedicatoire. Sans
m'engager donc à un travail qui ne feroit pas
agréable à Vos Nobles Puissances, je
leur rendrai compte feulement des raifons qui
m ont infpiré la hardiefle de leur prefenter l'Ou-
vrage
E P I T R E
vrage que je mets au jour. Je n ay pas aflez bon-
ne opinion de moy. Nobles ET Puis s ans
Seigneurs, pour m'imaginer que les fruits de
mes peines méritent de Vous être offerts : mais la
nature du fujet que je traitte dans l'Hiftoire que
je Vous dédie , peut fervir d excufe à la liberté
que je prens de la mettre fous la proteétion de
Vos Nobles Puissances: & après avoir
tout examiné , on peut reconnoître aifément qu'il
n'y a perfonne à qui elle pût être plus raifonnable-
ment adreflee. Elle contient le récit des malheurs
arrivez en France, à ceux qui depuis près de qua-
tre-vingts-dix ans j y ont vécu fous la foy de TE-
dit le plus folennel qui ait jamais été publié. Elle
reprefente ce qu'ils ont fouffert jufques à la revo-
cation de cette Loy , qui avoit été fi long-tems ,
pour ainfi dire , le bouclier de leur Religion , &le
rempart de leur liberté. Elle fait voir plufieurs mil-
liers de leurs familles réduites , par la violence &
par l'injuftice , à renoncer aux avantages & aux
douceurs de leur Patrie ; & à chercher de tous cotez
un azile pour leurs perfonnes , & du repos à leurs
confciences. Dans tous les Heux de l'Europe où
ces fidèles perfecutez ont été conduits par la Pro-
vidence :,
DEDICATOIRE.
vidence , ils ont reçu de grandes marques de la
compaflion & de la bienveillance des Etrangers:
mais il n y a point d'Etat où ils ayent été ni ac-
cueillis avec plus de tendrefle , ni confolez avec
plus d'affeélion que dans celuy-cy. La charité de
Nos Tres-Puissaks Souverains eft
allée au devant de leurs requêtes. Ils ont trou-
vé en arrivant des fecours tout prêts. Ils ont par-
tagé, pour ainlî dire, les commoditez & les ri-
chefles du pais avec fes naturels habitans , par
la communication libérale qui leur en a été faite.
Dès le moment qu'ils en ont refpiré l'air , ils en
ont goûté l'abondance. Ceux même que la com-
mune tempête a jettez ailleurs, ont feutileurpart
de cette héroïque beneficence : non feulement par-
ce qu'elle y a fervi d'exemple ? mais parce que fes
effets ne fe font pas renfermez dans les bornes de
cette Province. Si la première gloire de cette li-
béralité effc due à nos Souverains , de qui le zèle
& la pieté fe font iignalez par cet éclatant témoi-
gnage, on ne peut nier au moins , Nobles et
Pu ISS AN s Seigneurs , que la féconde ne
Vous appartienne. Vous avez trouvé. Vous avez
diftribué les fonds où ces immenfes charitez ont
Toîne L h été
E P I T R E a
été puifées. C eft par les mains de V o s Nobles
Puissances que tant de Confefïèurs , tant de
NoblefTe , tant de Pafteurs , tant de familles rui^
nées , tant de perfonnes de l'un & de l'autre fexe
que la perfecution a fait tomber dans l'indigence ,
ont reçu jufques à prefent ;, & reçoivent tous les
jours ces neceflaires foulagemens. Au milieu des
prodigieufes depenfes que caufe une grande guer-
re, les foins que Vous prenez pour le public, ne
refroidiflent point ceux que Vous donnez à la
confolation de tant d affligez : & Vôtre inépuifa-
ble charité fait pour leur procurer les moyens de
pafler doucement leur vie, ce que Vôtre infatiga-
ble vigilance fait pour ne laifler rien manquer à
TEtat de ce qui luy eft neceflaire dans fes légiti-
mes dejGTeins. On ne peut douter apr^s cela.
Nobles et Puissans Seigneurs, qu'il
ne foit jufte de Vous dédier l'Hiftoire de ceux de
qui Vous adoucilTez fî genereufement la mifere.
Comme elle fera l'apologie de leur innocence ,
elle fera de même l'éloge de Vos liberalitez : & en
démontrant que ce ne font pas les feditions, les
confpirations , les guerres civiles , qui ont attiré
fur les Reformez ces effroyables naalheurs , elle
fera
D E D I C A T O I R E.
fera connoître auflî que Vos bienfaits font d'autant
plus dignes d une immortelle louange , qu'il ctoit
impoffible de les mieux placer ; qu'une compaflîon
purement Chrétienne les a produits ; & que Vous
n'avez foulage ces familles defolées , que parce que
Vous avez eu pitié d'une alBiétion qu'elles n'a^
voient pas méritée. Je puis ajouter même après
ces confiderations , Nobles et Puis sans
Seigneurs, qu'en Vous prefentant cette Hif-
toire , je prens moins une liberté qui ait befoin
d'être excufée , que l'occafion de m'aquitter d'un
hommage neceflàire. C'eft une marque de recon-
noiflance , que tous les Réfugiez Vous offrent en
quelque façon par mes mains , comme pour ren-
dre à Vos Nobles Puissances, jufques dans
les fiecles à venir , les aélions de grâces qui Leur
font dues : & j'ofe dire qu'ils fe fervent de ma
plume , pour Vous protefter qu'ils penfent moins
à conferver à la pofterité la mémoire de leurs fouf-
frances , que celle de l'afliftance & des confola-
tions que Vous leur avez données, je ne hafardc
rien en me chargeant de repondre de leurs inten-
tions & de leurs penfées , parce que la conformi-
té de notre commune condition doit nous infpi-
^ i rer
E P I T R E a
rer à tous une égale fenfibilité pour les bontez
des généreux Proteéteurs, de qui lesfecours nous
ont été fi falutaires. D'ailleurs il ne meft pas
mal-aifé de favoir ce qui fe paffe dans le cœur des
autres fur ce fujet. Ils s'expliquent eux-mêmes af^
fez hautement , & publient par tout qu'ils font
redevables de leur vie & de leur repos à Vôtre
feule beneficence. Pour moy , Nobles Et
PuissANS Seigneurs, je fouhaite moins
pour mon intérêt de voir mon Ouvrage bien re-
çu du public y que pour celuy deVosNoBLES
Puissances: &: j'aurois moins de plaifir à voir
mon nom confacré à l'immortalité , fi mes écrits
me pouvoient aquerir le droit d'y prétendre , qu'à
immortalifer Vôtre gloire , en apprenant à tous
les fiecles quelle part Vous avez eue au foulage-
ment d'un fi grand nombre de malheureux. Mais
fi mes efforts ne peuvent aller fi loin , il me fuffi-
ra , Nobles et Puissans Seigneurs,
d'obtenir au moins une chofe où j afpire , comme
à une légitime recompenfe de mon travail. C eft
que fuivant l'extrême bienveillance dont Vos
Nobles Puissances donnent des preuves à
tout le monde , elles ayent agréable d'accepter
THifloire
DEDICATOIRE.
l'Hiftoire que je Leur prefente comme une mar-
que de mes profonds refpeâs ;, & comme un en-
gagement à erre toute ma vie avec autant de zê^
le , de foumiflîon & de fincerité que le cœur hu-
main en eft capable,
NOBLES ET TU ISS ANS
SEIGNEURS,
De VOS NOBLES PUISSANCES,
te 10. Avril
1695.
Le tres-humble i tres-obeiff'anî & tres-fideîe
ferviteuvy
B M. A. D.
^3 . ,P R E-
PREFACE GENERALE-
/M(^f?: I l^Hiftoîve esî proprement confacrée a con-
S^^|^i#^yJ-^^ fervcr pour la pvfierité le fouventr des cho-
i^^tv^ffi^^jO l'es les pins remarquables qu'on voit ar-
'^■-g^Pf-^^ nver dans le inonde^ on ne peut mer que
^M^}^^Â^^^% /i? tr'ifte Jju des lïherîezdont les Reformez
i&M^'v^k^ m:"^ ont jouï lilonç'-tems en France , ne [oit un
^9^^^^"%^ événement des plus mémorables , dont elle
Je puijje charger d'ïnflruïre ceux qui vi-
vront aprl'S nom. Ihfy a rien dans cette malheur eufe révolu-
tion cfui ne mérite des re flexions particulières. A cpiehiue cir-
conftance de cette horrible defolation que Pelprit s"^ attache , il y
trouve de quoy s"^ exercer ^ ou en s* étonnant de la malignité de
ceux qui Pont caujée , ou en admirant la patience , c^ peut-
être en murmurant de la foiblefje & du peu de courage de ceux
qui en ont été enveloppez. Qu^un Clergé compofe a la vérité de
grands Seigneurs , inais aufji de perfonnes bien plus entêtées de
la grandeur àr des maximes^du monde , cpie fen/ibles aux vrais
intérêts de la Religion , ou capables 7nê7ne de les connoUre , fe
foit fait une fi grande affaire d"* exterminer de pauvres gens ,
qui n' et oient plus en état de luy dii^uterfes pojfejfions àrfes pri-
vilèges ^ & quui'avoient plus de diferens avecluy ([ue fur le
droit de croire , àr de prêcher en de certains lieux ce qui leur
fembloit le plus véritable : c^B de quoy donner de Ntonnement
d ceux qui favent qu'ail faut au inoins un prétexte jpecieux ,
pour fe porter avec quelque excufe aux extremitez de la cruau-
té ér de Vinjujlice. Ou"* un Roy , qui pouvoit paffer pour iephi^
puiffant de touj ceux cpii ont porté avant luy la même Couronne^
& qui pouvoit être le plus glorieux , s'il avoit donné autant de
raifons d fes fujets cP admirer [on équité ^ & la fermeté de fa
parole^ qu'il en a donné aux Etrangers de craindre fes prol})e-
ritez
"PREFACE GENERALE,
ritez &fes conquêtes , ait porté fa complaifance pour un Con-
fejfeur-, & deux ou trois autres Ecclejiafiiques >, pifqu'' a révo-
quer fans caufe apparente le plm folennel de tous les Edits ,
& le plm digne d'être refpeâê , au moins a caufe de fon Auteur:
que ce Trince ait trait té avec pliLS de rigueur qu"" il n\n auroit
tu pour des rebelles , despeuples paifihles , innocens , afeâion^
nez 5 qui fe tenoient loin des [éditions & des intrigues j a qui
pendant plus de cinquante -cinq ans on n'^avoit vu les armes a la
main , ciue pour le fervice de l'Etat 5 & qui lors qu'ails les
avoient prifcs dans une conjon&ure importafite , Pavoient fait
aulfi utilement pour le Tetit-fils de Henri le Grande que leurs
ancêtres t* avoient fait près de cent ans auparavant , pour fou-
tenir les droits de ce Trince d'^heureufe & triomphante meinoire:
c'^efl ce qu'ion auroit peine a croire , fi on n'^avoit pas devant les
yeux mille témoignages qui en convainquent. Qu'un Confeil
dont laPolitique eB fi profonde & fi raffinée •, & qui donne a
toutes fes entreprifes un air de hauteur , qui fembie pajfer- les
bornes de la condition humaine , ait néanmoins conduit ce deffein
particulier d'une manière fi peu proportionnée 7i fes maximes
ordinaires , que pour opprimer des gens qui ne pouvoient fe dé-
fendre , il ait pris le chemin des nijuftices & des chicanes les
plus grofficres ^ les plus baffes ^ les plus malignes s jufqu''a ne
garder pas même de certaines bienfeances , qti'on ne doit jamais
négliger dans les chofes qui fe font fom le nom d'' un Roy : c''esl
ce que la pojîerité ne fe perfuaderoit pas , f on ne luy en con-
fervoit de fidèles preuves. Qu'un peuple qui potivoit encore
fournir plus de cent mille hommes capables de porter les armes ;
qui en plufixurs lieux furpafihit les Catholiques en nombre^ en
richefifes , en crédit \ qui ne manquoit pas d/Offciers braves ,
expérimentez , pleins de zèle pour leur Religion ; qui voyoit naî-
tre afi^ez fouveut des conjonâures favorables au retablijfement
de
TREFACE GENERALE,
de fesaf aires; que ce peuple ^ dn-je^ ait fou fert trente ans
de vexations injufles , cent fois plus difficiles a fupporter pour
des gens de cœur que des violences outrées ; qiûd fe foit vu
prendre par tous les cotez ou on luy pouvoit porter quelque coup
fenfihle \ réduire par mille rufes honteufes a des extre?nitez fi
cruelles , qu'ail ne voyoit de tous cotez cfue des pièges ou des pré-
cipices 'y contraindre non feulement jufqti'a n''ofer fe plaindre^
& donjier par fes paroles des marques de fa douleur , inais jtf
qti'dnofr croire ce qtCil fentoit -^ & a defavou'ér fes propres
penfées \ ([lûd ait vu traîner durant une longue fuite d"* année Sy
par la malice de fes enne7nis , une perfecution cni on pouvoit
finir en un jour ; comme fi on s"* et oit moins propofé de le détrui-
re que de le fatiguer , & de luy faire perdre patience : cpi'au
milieu de tout cela , ce peuple affligé foit demeuré dans les termes
de laplus fcrupuleufe foumiffion , fans chercher d'autre confia-
tion quefesfoupirs dffes larmes \ fans s'^oppofer au deffein de fes
oppreffeurs autrement que par des Requêtes réitérées , par des
Remontrances humbles , reffeclueufes , toucha^ites , capables
d'attendrir tous ceux qui auroient eu encore un refte d'humanité
dans le cœur \ ([u' il ait pratiqué a la lettre le précepte Chré-
tien de prier pour fes perfecuteurs \ qu'il ait continué jufques
auboutd rendre ferviced ceux ([ui drcffoient li fes yeux l'ap-
pareil de famine \ qu'il fe foit fait un devoir d'être fidèle a
ceux qui luy juanquoient de foy tom les jours ; c'e^ ce que peut*
être les fiecles a venir auront de la peine a s'imaginer : & je
ne fay inême fi le témoignage de l'Hifloire fera fiffifant , pour
perfuader a un Lecteur un peu difficile toutes les cir confiance s
d'un événement fi extraordinaire.
Comme il y a des chofes tr'es-fauffes ciui fe couvrent quel-
quefois fi heureufement des apparences de la vérité , que les
plm prudens & les plus circonffeâs peuvent s'y tro?nper , il y a
quelque*
TREFACE GENERALE,
quelquefois aufjîdes verifez^ a qui je nefay qmy de rare & cP in-
ouï fait perdre la vraifemhlance : & ïhnefemhle que cela peut
bien i' appliquer a la perfecution dont je me charge de rejidre
compte au public. On pourra bien douter quelcjue jour des faits
les plus fignalez qui regardent cette Hijloire ; puis que ceux mê-
me qui les ont vus^ qui en ont fait defenfibles expériences^ ont de
la peine a les croire-, & nepeuvejit comprendre que le fruit d'aune
longue fidélité^ de plujieursfervices import ans , d'une innoaence
au def[us de tous les reproches , d^ une Joumijfion a toute épreuve^
& principalement d'une invincible patience -, ait été la neceffité
de renoncer aux douceurs & aux commoditez d'aune agréable pa-
trie-, d'abandonner Tes biens érfes avantages temporels-, de per-
dre laplusprecieuje & la plus naturelle partie de la liberté , qui
eB celle de fervir Dieu félon la règle qu'on eBperfuadé cju'il en
a dominée -, & de chercher enfin feus une autre Domination , &.
dans un air étranger , ce qu^on fe voyoit cruellement refufépar
les ordres de fen T rince naturel , &par ceux avec qui on avoit
refpiré un même air depuis la naiffance. Il esl arrivé quelque-
fois qu'ion a pu prendre pour prétexte de femb labiés cruautez^
les faâions & les entreprifes politiques de ceux contre qui on les
a exercées -, é* comme le fervice de Dieu a fouvent fervi de
voile aux ambitieux -, pour couvrir le deffein de leurs brouillerieSf
Une faut pas s^ étonner qu'ion ait quelquefois fait valoir cette
r ai fon contre ceux de cjui on vouloit détruire la Religion^ quoy
qu'ails n\*uffent au fond nu Ile penfée qui tendît a troubler le re-
pos public. Mais iltPy avoit rien de tel qui put donner la moin-
dre couleur a la dernière oppreffion des Reformez. Ils n'^avoient
pliLsniProteBeur ^ niarjjieSj ni villes ^ ni union: ér la crainte
au'' ils avoient de donner une occafton de les perfecutcr a ceux
qui la cher choient depuis filong-tems , les obligeoit a porter Vo-
beijfance jufqu^au dernier fcrupule. On leur avoit tant prê-
Tome î. c cM
TREFACE GENERALE.
ché que la fermeté de la parole Royale ^ & la bienveillance de
leur Souverain , valoit mieux pour eux que toutes les Places de
fureté , qu'ails évitoient ayec de grands foins tout ce qui pou-
voit les en rendre indignes. On leur avoit oté les moyens de fè
fignaler dans les emplois publics , parce qu'on les avoit ckcIus
peu a peu de la plupart des Offices qu'ils auroient été capables de
remplir : mais dans les Charges dont on n' avoit pu fe difpenfer
de les pourvoir , parce qu'elles leur étoierit affectées par les
Edits ; dans les emplois des Finances , o)i leur exaâitude & leur
fidélité les ont long-tems jnaintenus ; dans le commerce , dont
leur intelligence & leur bonne foy leur avoient attiré la meilleur,
re partie entre les 7nains \ dans la guerre , oïi on les voyoit cou-
rir aujjî-tôt que lefervice du Roy les y appelloit ; dans toutes les
chofes^ en un mot ^ ou il leur et oit permis de fe diflinguer ^ il
n'y avoit point de François qui te7noignaffent plus de zèle qu'eux
pour la gloire de leurTrince^ ni qui fiffent plus d'honneur a
l'Etat par leurs aâions. Jepourroïs faire icy un dénombrement
ajfez confiderable de ceux qui depuis la prife de la Rochelle ,
avoient forcé par leur mérite &par leurs fervices , tous les oh-
ftacles cjue la Religion formoit a leur avancement ; ^ ér étoient
parvenus aux premiers emplois de la Robe ou de l'Epée. On fait
que les plus belles avions du Maréchal de Turenne y & celles
qui avoient le plus profité a l'Etat , avoient précédé fin chan-
gement de Religion. Mais je ne puà taire que dans le tems mê-
me de la revocation de l'Edit de Nantes , les deux plus grands
Capitaines qui fufient au fervice de la France étoient Refor-
fnez. Le célèbre Maréchal de Schomberg avoit porté la réputa-
tion des armes de fon Maître auffiloin qu'elle pouvoit aller : ér
apr^es la mort du Maréchal de Turenne y ons'efiijna heureux de
trouver en luy un homme qui pouvoit fiutenir la gloire du Roy ,
fort ébranlée par une fi grande perte. Le feu Prince de Condéy
i!i qui
/PREFACE GENERALE.
quifavoit juger de la capacité et* un hofume de guerre , ne faU
foit pas difficulté d"* égaler Pun a l"* autre , & de trouver mêine
dans le Maréchal de Schomberg je ne fay quoy de plus vif^ de
plus prefent , de plus promt , quand il fallait prendre party
dans une rencontre imprévue. Le Marquis du Quêne ^ qui
commandoit les forces maritimes de la France , n"* avait plus
perfonne depuis la mort de l'Amiral de Ruiter , qui luy difputât
le premier rang dam cette profejjion. De forte que le mérite
avoit élevé deux Reformez , malgré la haine qtt^on portait a
leur Religion , aux plus hautes dignitez de la profejjion militai--
re^ par mer & par terre.
Quelle apparence que dans un tems oïi tant de chofes par^
latent en faveur des Re farinez , on ait entrepris , on ait achevé
leur ruine ? Qj^on ait pris pour les détruire un teins ou Nn ne
pouvait ni les accu fer de rébellion , ni les regarder comme inuti-^
les a PEtat ? On 7ie s'' imaginerait pas fans doute a cent ans d^i--
cyy que la France ait voulu deiiatretems s* expofer par cette
injujtice aux reproches de toute P Europe : ou du moins on fuppo^
ferait qu^ il y aurait eu quelque raifon cachée ^ de traiter avec
tant d* inhumanité des gens , qui par leur efprit paijible , pour
ne dire pas maintenant par leurs fervices , fembloient mériter
toute autre ehofe. On ne foupçanne pas aifément qu'ion exerce
contre quelqu'un toutes les fureurs de la haine , fans avoir au
mains un Jpecieux prétexte de le haïr. Quel moyen donc de
croire^ qu'on fe fût porté en France a des rigueurs ex trêin es
contre un million de perfonne s innocentes , par la feule raifon
d'une haine mal fondée ? Ce il néanmoins tout ce qu'on peut
dire des motifs de la dernière perfccution. La haine feule , jnais
une haine fans caufe , fans prétexte ^ fans excufe , l'a excitée
contre un peuple fans defenfe , qui ne cher choit il vaincre cette
àverjion de fes ennemis , que par la patience é'par les fer vi--
c % ces.
"PREFACE GENERALE.
ces. Ilefl jujle fans contredit d'en inftrnire clairement la pofi-^
terit.é , afin qiCelle feit en état de porter un jugement éciuita-
ble fur un événement fi peu comînun : & qu'^elle fafie la même
jufiice aux auteurs de ces cruautez , que nous fatfons aujour-
dhuy a ceux qui en ont dominé le modèle dans les premiers fiecles
du Chrifiianifjne ; ou fom le Règne fanglant de Charles IX.
Mais outre cette rai/on générale de conferver la mémoire de
cette perfecution ,- il y en a deux autres qui ?neritent d'être con^
fiderées. Vune eft que ceux qui Pont confeiUée', ont tâché de pré-
venir lapofleritéfur ce fu]etpar divers artifices. Je nefay com-
bien d'' Ecrivains , gagez pour deguifer les affaires , érpour oter
a la vérité fin poids érfa ma'] eft é naturelle , ont rempli l'Euro-
pe décrits fort propres d faire que ceux quiont fiujfert aujour-
dhuy tous les effets de la violence & de finjuftice , foient encore
un jour blâmez comme des criminels , pour qui on a eu beaucoup
de clémence. D'un coté on les dépeint avec les plus noires .& les
plus affreufis couleurs. On exaggere avec une éloquence enve-
7îimée tout ce qui peut donner un prétexte de les accufer \ & ne
trouvant rien dans leurs aâions qui puijfe fervir de fondement
aux inve&ives , on en va chercher des raifons dans leurs pen-
fées 5 dans leurs defirs , dans leurs inclinations , qu''on décrit
d'aune manière fort odieufe. On leur irnpute un efprit brouillon^
faBieux , inquiet \ des fnaximes Républicaines ; de faverfion
pour la Monarchie \ une herefie incompatible avec le repos des
Etats 5 & qui in (pire un génie ambitieux , etttr éprenant , tou-
jours en aâion , s'il ;/Vj7 reprimé par une force majeure . A la
vérité cette accufation femble démentie affez hautement par le
longrepos ou les Reformez ont vécu : & il feroit bien difficile a
ces calom7iiateurs de dire y ce qu'' eB devenu cet ejprit fcditieux
& remuant pendant cinquante-cinq ans : cojnment il a pu laif-
fer perdre Nccafion d^une Minorité , & d'une guerre civile >
fans
"PREFACE GENERALE,
fans profiter d^im teins fi coimnode : comment il n^ a point éclaté
durant trente ans d'une opprejfion fort douleur eufe ? Il feinble
qu'ail y a de la témérité dans une accu fat ion fi importante ,
quand Un'' y a point de preuves de fait qui la foutiennent , à*
qiC elle 11' efl appuyée que de f impudence de fes atiteurs. Mais
cela 71* arrête pas des Ecrivains qui font payez pour débiter des
impoflures , & qui fe coiifolent de P affront d'un démenti , par
l'ejperance de trouver parmi les autres quelques Leéleur s cré-
dules-^ qui fans fe donner la peine d'' examiner la chofe ^ s'en
rapporteront a leur bonne foy. Dhm autre coté on exténue les
fujets de plainte qu'ion a donnez aux Reformez durant tant
d'années. On ne parle que de moyens doux ér charitables^ qiCon
a employez pour les ramener de leurs erreurs ; que de foins pa-
ternels , que d'' excitations fpirituelles. On ne voit pas paroi-
tre le moindre livre , oïi l'Auteur ne trouve le fnoyen d''en glijfer
quelque mot , ir de dire qn^il n''y a rien de plus charitable & de
plus Evangelique , que les expediens dont on s''eB fervi pour la
converfion des Hérétiques. Cette faujfe té efl devenue une
partie efifencielle des Epîtres Dedicatoires. Il fembkroit qu''il
y mancjuât quelque chofe , fi on n''y faifoit entrer , a cjuelque
prix que ce (oit , V éloge de cette nouvelle efpece de tendre fié &
de bienveillance , qui ne fe fait connoître que par les condam-
nations d amende honorable ou pécuniaire , les emprïfonnemens^
les confifcations ^ l'exil-, les galères^ les gibets ^ la roué ^ &
d^ autres femblables douceurs. Mais comme on n'''a ofé fe pro-
mettre ^ que tous les hommes priffent ces extrêmes violences
pour des marques de charité , on a pris aufiun autre tour pour
contenter ces efprits difficiles , qui appellent la cruauté cruauté^
ér finjuftice injuflice. Ils'e^ trouvé des Ecrivains capables de
nier des faits connus de toute l'' Europe ; é' de crier a Pimpofiu-
rcy quand ceux même qui portoient fur leur corps les fnarques
c 3 de
TREFACE GENERALE,
de leurs Joufrances , en ont fait des plaintes dans les pais
étrangers. On a ofé démentir les yeux & le te?noignage de tous
ceux qui ont vu ce qui s^B pajfé \ comme s'il n'^y avoit pas eu
non feulement un nullion de gens qui en et oient la preuve vivan-
te , mais une infinité d'^AB es publics , qui faifoient foy de tout
ce qui étoit arrivé. Enfin pour n^ oublier rien de ce qui pouvoit
deguifer les chofes ^ il y a eu des auteurs qui ont voulu faire
paffer toutes les inju/lices , toutes les violences , toutes lesfrau^
des qu'ion a faites aux Reformez ^ pour des effets d'une jufticç
exemplaire. Si on leur a oté des lieux d"* exercice , on Va fait ,
difent-ils , parce que ces lieux et oient ufurpez \ fi on les a gênez
par mille Ordonnances f a ch eu fe s , rVi? , difent-ils , parce qu'on
leur a retranché des libertez qu'ils avoient prifes , fans quil y
eût rien d'exprès dans les Edits qui les autor'ijat d'en jouir : fi
on les a jouez inhumaiyiement par des confirmations de fEdit ,
& des promeffes de Pobferver qui le violoient dans f es plus effen*
cielles concevions ^ ce font ^ difent-ils , des interprétations de
fon véritable fens , qui avoit été malentendu : fi on les a tour-
mentez par mille procès perfonnels 5 par des logemens de gens
de guerre , a qui on permettoit de vivre a difcretion , par di-
vers outrages^ par divers fupplices ^ c'efi^ difent-ils j parce
qu'ails P avoient mérité , en faifant des chofes qui leur avoient
été défendues par les dernières Déclarations, En effet on don-
noit des Déclarations exprès , pour leur faire un crime des chofes
ou les plus innocentes , ou les plus indifpenfabks , afin qti'on
fût ajfûré d'' avoir toujours un prétexte de les mal-traitter ,
parce qti^ih auvoient fait quelque chofe qu'ils ne pouvoient évi-
ter j ou qu'ils éîoient obligez en confcience de faire pour leur
propre falut , ou pour celuy de leur s familles, C'eft ainfi qu'on
les a condamnez aux galères , quand ils ont voulu fortir du
Royaume , ou envoyer leurs femmes & leurs eh fan s dans des
lieux
•
"PREFACE GENERALE.
lieux de fureté : qu'on les a ruinez par des gartiijons , ou traU
nez de cachot en cachot , ou tranjportez dans un autre tnonde y
quand ils 07ît r e fufé d"* aller a la, Mejje. Vun leur étoit defen^
du y l'autre leur et oit commandé. Tout le mal qu'ails ont fouf^
fert pour y avoir defobei f n^étoitdonc^ dit-on^ qtiune jufle
peine de leur defobeïjfance : co?mne Ji c'' étoit un crime effeBif^
que de ne s'^ahftenir pas des chofes injujlement défendues , ou
que de ne faire pas celles qui étoient injujlement commandées»
Tous ces artifices , & d'' autres femhlahles , peuvent tellement
changer le dehors des chofes , qu'' il fer oit impofjihle que la polie--
rite en fût jamais bien informée , fi on ne f'e donnoit la peine de
les luy reprefenter dans leur état naturel , ér dans leurs verita*
blés circonjîances.
La féconde raifon d'' écrire t'HiJloire de ceséveneffienS'i eB
qu'ion ne voit rien depuh la mort de Henri le Grande (fui donne
une exaBe connoiffance des affaires de la Religion , par rap^
port aux Eglifes de France, tAvant cela on trouve afjez de Mé-
moires^ ajfézd'^ écrits^ ou les affaires de cette nature font ex--
pliquées ; & comme les Catholiques ont fait de gros Volmnespour
donner le tort de tout aux Reformez j ceux-cy ne font pas de^
meurez muets , & rCont pas manqué de fe bien défendre. Il y
a eu de part & d^ autre des Ecrivains pajftonnez , qui ont parlé
des affaires générales avec violence , & qui ont outré les plain-
tes ér les inveBive s. JMais il y en a eu aujjîde plm modérez^
qui ont traitté les mêmes chofes dUme manière plm modefle &
plus équitable. Le Trefident jaques ^Augufie de Thou^ &
l'^Hifforiographe Jïiezerai font du nombre de ceux qui 07ît écrit
fur ce fujet avec le plus de douceur & de retenue : &fi dans le
tour qu'ails donnent a leurs récits on reconnoît bien qu'ails font Ca-
tholiques , ér prévenue en faveur de leur Religion , il ne laiffe
pas d''y reluire une bonne foy , dont un LeBeur érfuit cible peut
fi
TREFACE GENERALE,
fe cont-enter. Oh dcmêle aifément dans le ftile de ces Hi/forienSj
ce qui esî tnipiré par le zèle de Religion , ér ce qui eB la vérité
toute pure & toute nue : & le fait étant naïvement récit é ^ le
juge?nent de l' Ecrivain n' ôte 7î perfonne la liberté d'être d'un
avis contraire. 3iais depuis la nwrt de ce Prince il n'^y a plm
cŒifloire fidèle, Tlufieurs Catholiques ont écrit ce ciui s'eB
pajjé fouj le Règne de Louis XIII: maisilsont mêlé a leurs
écrits tant de violence & tant de fureur , qu'ion 7ie peut même
lire leurs livres fans impatience. Ceux qui en voudront faire
nnejfay ^ n''ontqu^d jetterlesyeuxfurli-M'A.oiïQ de la Rébel-
lion , ou fur celle de l'infidèle Du Tleix. Ceux même qui ne fe
font pas portez aux mêmes excès que ces Auteurs du plm bas
rang , n'ont pas néanmoins gardé a fez de mefures , pour méri-
ter le nom d'équitables: & ils ont rempli leurs écrits de tant
d'exprefons enveiiimées ^ de tant de reflexions malignes >, de
tant de témoignages depafion & de haine , que ce caraâere per-
pétuel d^ aigreur & de partialité les rend fufpeâs dans tout ce
qu'ils difent 5 & fait qu'on n'ofe les croire même quand ils difent
vray. h^s Reformez n'' ont pas eu le foin d'oppojer de meilleures
Hifioires de leurs a f air es a ces Hifioires injurieufes : & il fem-
h le c[ue par leur filence ils ayent autorifé les inve clives de leurs
opprejfeurs , com??ie s' il n'y a voit eu rien de folide a leur repon-
dre. A la vérité il y a eu quelcfues perfonnes ou chargées ^ ou
approuvées par les Synodes Nationaux , qui ont entrepris de re^
cueillir les Meinoires des évenemens import ans qui regardoient
la RefK^ion : 'mais les uns ont écrit avec'plm de zèle que de lumiè-
re ; les autres ont été obligez d'abandonner leur entreprife ,
parce que le tems ne per7?iettoit pas de dire fes fentimens avec
liberté. Les dcffeins formez avant le commencement desguer^
res civiles fous Louis XIII. ne pouvaient plus être exécutez avec
fureté , après que les projperitez de ce Prince eurent fait per-
dre
TREFACE GENERALE.
dre aux Refor?nez la force & le cœur, Cétoit alors un crime
d'Etat , de dire que la Cour avoit ?nanqué de parole. Excufer
les aclions de ceux qui avoient pris les armes , ou faire voir la
juflice des plaintes qu'ion avoit a faire fur tant de contraven^
tionsaPEdit', que la Cour n'* avoit jamais voulu réparer^ rV-
toit affez pour expofer un homme aux peines des plus infâmes re^
be liions. Depuis que le Roy co?nmença a faire des affaires aux
Miniflres , fous le prétexte qu'ails avoient commis ou dit quelque
choj'e contre fin firvice \ & que les moindres pm'oles quifepou^
voient prendre en un mauvais fens , leur at tir ère fit des defefi^
fes de fe trouver aux Synodes \ des commandemens d'attendre
de nottveaux ordres dans de certains lieux , qui leur étoient don-
nez pour prifon ; des iîiterdiâions de leur Jiiiniflere dans le
Royaume \ des menaces dun traittement plus fevere Ji Ncca-
Jion le demandoit-, il ne fe trouva plus perjonne qui ofât fe
charger d'' apprendre auhuhlic ces veritez , f mal reçues par
ceux qui s'en tenoient offenfez , & fi fatales a ceux qui avoient
la hardieffe de les débiter. Ce n'^eBpas le tems de faire fin apo-
logie ^ quandon esî réduit pour fe c on fer ver a paffer condam-
nation fur toutes chofes , ér a tenir compte a fes eymemis comme
dhme grâce , de ce qu'ails donnent la vie a des innocens , a con-
dition qu'ils fe confejfent coupables. Tel a été néanmoins l' état
des Reformez^ depuis qu'ils n'ont plus eu déplaces de fur été,
Defarmez , défunts , vaincus , ils étoient obligez de parler de
leur propre conduite comme les vainqueurs en parlaient j de con-
damner avec eux tous les mouvemens du pajfé , comme fi 'fa-
mais on n' avoit eu ni de juftes craintes , ;// de bonnes rai fins de
fe plaindre : & de les rejnercier comme d'une faveur precieufe^
de ce qu'apfes avoir oté aux Eglifes tous les nwyeîis de fe main-
tenir , ils ne les avoient pas encore tout a fait exterminées. Il
ne faut donc pas trouver étrange que dans un tems ou il et oit fi
Tome L d dan^
"PREFACE GENERALE,
dangereux de dire vray , àrfi^iecejfaire de garder lefilence , on
n'hait pas écrit /' Hi/loire des Reformez , qui jie pouvoit manquer
de jetter fou ^Auteur dans de fâcheux embarras. Jetais corn-
me la venté devient quelquefois moins adieu fe en vieiliijfant , //
fe trouve avec le tems plus de fureté a la dire 5 & on fe donne
la liberté de la tirer des ténèbres , ou la terreur des peines avoit
contraint de la retenir.
Ces diverfes canjiderations m"* ont fait fouhaitter il y a long-^
tems y que quelque perfmne capable fe donnât la peine de tra^
vaille-^- à une Htlioire Ji nccejjaire \ & d'oppofer a tant d'' invec-
tives dont la conduite des Reformez a été noircie depuis foixante
& dix ans , ou le récit nàif & fincere de ce qui leur eB arrivé ,
ou P Apologie des allions qui ont donné le plm de prife a leurs ca-
lomniateurs. Je ne doutois point qu''ilne fût defavanîageux j
de laiffer parler feuls fur cette 7natiere ceux qui avoient in-
térêt a tromper le monde \ & qu'Hun jour les Reformez perfe-
cutez avec tant de violence y d^injufice , de mauvaife foy , ne
fuffent encore expo fez aux plws fâcheux jugemens de la pofle-
Vite y Ji ellefii^étoït in for?née des peines qu'ails ont foujfértes que
par les livres de leurs ennemis. Elle n''y trouver oit que des Ta-
neo^yriques outrez y ([ue des éloges hyperboliques y ([ue des com-
parai fbns étudiées de ces longues chicanes , oir de cette oppreffion
infultante au:i plus belles actions des plus grands Héros : ér
elle ferait fort ex eu fable , // au travers de ces degnifcmens elle
nereconnoifjoit pas l'innocence des malheureux y dont on n^ au-
rait pas eu le fjin de luy conferver de bons témoignages. Il esî
vrayqueksRc^iîresduCoufeily desParlemens^ de toutes les
furifdiclions fouver aines & fubalternes , font pleins cfAâes
^dont la feule leciurepeut fervk de preuve a l^in?iocence de ceux
même contre qui on les a drefjez : & qu'on en a pajfela plupart
avec fi peu de précaution -> qu'ils font bien plat Ci des denion^
flrations
9REFACE GENERALE,
({rations de la mauvaife foy des accufateurs , & de la honteufe
complaifance des Juges , que des preuves du crime ifnputé aux
accufez. ,!Mais premièrement ^ il eBimpo(Jible que dans /V-
tat oïl font les chofes , quelquUm entreprenne de rajfembler ces
Aâes , doiît la recherche jnême r endroit fulpeâ celuy qui la
voudr oit faire : & il eB encore plm incroyable ^ qu"* a cent ans
iPicy quelqu'^un fe fit un f grand devoir de ju fît fier des inno^
cens , qu''il voulût bien fe charger cYune perqnifition qui ne
pourroit reujjtr qu'^avec beaucoup de foins , de tems , de tra*
. vail & de depenfe. D'ailleurs la Politique de VEglfe Romaine
efî connue a toiit le monde. Elle fait bien fupprimer les chofes
qui font capables de luy faire tort. On ne trouve plus aujour*
dhuy dans les Regitres une infinité d^AHes , qui luy ayant été
utiles dans le tems qu'ails ont été paffez , luy ont fait honte dans
la fuite. Elle a caché par ce moyen la four ce de la plus gran*
de partie de fes îfurpations. Elle a réduit ceux qui ont voulu
remonter jufqu'^a P origine de la corruption , qu'acné a introduite
dans toutes les parties de la Religion , a rejnuer toutes les Bi^
hliotheques de P Europe , pour trouver quelque monument qui
découvrît les occafions & le progrès de fes entreprifes. Elle ^
même fi bien reiiffi dans plufieur s chofes important es ^ qu\Ue a
rendu de certains faits prefque douteux ér problématiques y
quoy qiPelle n'hait pu po^'ter le fuccés de fes foins jufqu''a leur
Ster un c'ara&ere de probabilité & de vraifemblance , qui dans
les chofes dont le reproche fait rougir ceux qu'ion accufe de les
avoir faites , donne un légitime foupçon qu''ils en ont fupprimé
les meilleures preuves. CV/? peut-être ainfi quelle a préparé
a fes Ecrivains le droit de mettre en doute l hifloire fameufe de
cette fentme , qui occupa , dii-on , durant quelques années
le Siège de Ro?ne , fouF le nom de Jean VI IL fefroà touché '
de quelcpies obfervations hifioriques^ qui femhknt détruire ce
d 1 qu^ou
T RE F ACE GENERALE,
qu'ion en dit , Ji je nefavois bien que la prudence de fuppvimèr
les inonmnens des chofes hont eu/es , ér. d'' embrouiller par quel^
que fau/fe date , ou par l"" altération de quelque parole decijive
les circonjlances des faits odieux ^ îî'eB pas une prudence nou-
velle. Mais quand je joins a cette conjideration tant de preu-
ves plus que probables-, qui fervent de fondement a cette hijloi-
re , j"* avoue que je me trouve apeupr^es convaincu de fa vérité.
Dans les chofes de cette nature t le jujle foupçon qu'on a de la
mauvaife foy des accufez , quand ils ont de fa été fouvent con-
vaincm d'avoir aboli les monumens par lefquels la vérité des
faits et oit confervée , fait fans contredit contre eux une preuve
imparfaite : mais quand il e^ foutenu d'ailleurs fur le fait en
que/lion , par une multitude d'indices prejfans & de fortes pre-
fomptions , on ne peut nier que cette preuve imparfaite ne de^
vienne équivalente a une bonne démon flrat ion, \
Mais pour ne m' engager pas dans une digreffion inutile , fa-
jouterai feulement que l'illuflre Auteur qui a écrit l'Hifloire de
la Re formation d'Angleterre , a bien fait plus d'une fois l'ex-
périence de ce foin que les Catholiques ont prù , d'abolir la me-^
moire des chofes dont ils ne vouloient pas que la poflerité fût in-
flruite \ & que les Regitres publics defonpaïs qui dévoient être
inviolables , n'ont eu rien de facré pour eux , quand ils y ont
trouvé des AH es qui ne leur et oient pas avantageux. Je con-
clus delà ([u' on trouveroit peut-être a cent ans d'icy\ que les
Jejuites auroient pris les mêmes précautions , pour abolir la
mémoire des injuflices qu'ils ont faites ou confeillées ; & qu'ils
n' auroient rien laiffé dans les Regitres publics de ce qui
pourrait donner la conmiffance , de ce qui s'eB paffé de nos
jours en France touchant la Religion. De forte que je ne
puis que /> n'efïme necejfaire de prévenir l'effet de ces ar-
tifices^ & de mettre au jour , (^u moins par forme d'Apolo-
gie 5
"PREFACE GENERALE.
gie ^ des preuves de P innocence des Reformez ^ é* de la fnau--
vaïfe foy de leurs ennemis : afin que fur les faits qu'ion ne peut
nip' ni départ ni d^ autre ; & fiir les inveélives des accufateurs^
&les defenfes des accufez ^ la pofterité p ni jfe rendre un juge-
ment plm équitable. J'^eus lieu d^f^erer-^ il y a quelques années-^
que je verrois mes Jouhaits accomplis^ quand j"^ appris qu^un
homme dont le 7iom efi célèbre dans toute l"* Europe , & de ([ui les
Ecrits ont fait admirer , même a fes adverfaires , fa péné-
tration , Jôn exaBitude , fa bonne foy ir fa folidité , fe char-
geoit de ce grand Ouvrage. Mais quelques raifons luy ayant
fait changer d'avis , fay été obligé de prendre Jà place , & de
fu"* expo fer a reïijfir mal dans une entreprife trop au deffus de
fnoy fans contredit , puh qu'acné auroit été digne d'un Ji habile
Imnme. Je ne tâcherai point de prévenir les efprits en ma
faveur , par d'humbles excufes de ma témérité ; & de les difpo-
fer a me pardonner les fautes que j'' aurai pu faire dans un fi
pénible Ouvrage ^ en confie ffant par avance que je ne fuis pas
impeccable , & en déclarant que je me foumets a leur cenfure ,
pourveu qu'ails la prononcent avec équité, f^e fay bien ce qu'ion
a dit autre fiois , & ce qu'ion peut dire aujourdhuy a ceux ([ui
tâchent de gagner la bienveillance du Le&eur par cette métho-
de. Il va adroit 7meux s'^abfienir de fiaire des fautes , dans les
chofis dont on eB le maître^ que den demander pardon^ pour les
rendre plus tolerables. ffaurois pu ne me mêler point décrire^)
puis que je ri' y et ois pas contraint: & fii favois eu peur de ne
plaire pas a tout le monde dans un Ouvrage de cette importan-
ce ^ ilnetenoit ([u^imoy de ne déplaire a per faune ^ ér d'éviter
toccafion de faire des fautes , que perfonne ri'aura peut-être
la bonté de me pardonner. Une fia lioit pour cela que demeurer
en repos , àr n'' écrire point. 3iais f avoué cjue la crdmte de
voir abandonner le dejfiein d'une Hi/Ioire fii necefidire , a été
d 3 plus
TRE FACE GENERALE.
plus forte que toutes les conjiderat'wns qui auroient pu me de-
tourner de P entreprendre 5 & que fay cru plus utile pour lepu^
h lie , de luy donner un Ouvrage tel que je fim capable de le pro-
duire fur cette matière , que de le laiffer malinformé d'aune aujji
pitoyable révolution^ que celle qui eft arrivée aux affaires des Re-
formez. Ce qui ;//' a le plus confirmé dans ce fentiment , eft que
d'autres perjonnes ayant travaillé fur le même fujet peu de
tcms avant que je m'y fois appliqué , fay trouvé dans leurs
Ecrits trop d'apologie^ & trop peu dh'iftoire y ([uoy que fy re-
warquafje beaucoup de folidité.
Or c\ft la ce qui m'a paru principalement indifj>enfable , en
écrivant ce qui s' eft pajfé pour ér contre les Reformez^ que de
donner une ]u(le étendue aux faits qui les regardent 5 afin qu'il
foit plus aijé en les confiderant de tous les cotez ^ avec leurs cir-
conftances les plus re^narquables , de juger s'ils font des marquées
d^un efprit faBieux , libertin , remuant , comme les ennemis de
la Religion le publient ; ou des effets cP une prudence necejfaire^
ér d'une précaution légitime , comme les Refomiez le préten-
dent. Quand on lit une Hiftoire abrégée , les faits trop nuds
értropjlmples ne donnent pas affez de champ au jugement du
Leâeur \ érpour dire (on avis fur ce que l'Hflorien luy expofe ,
il demande fort fouvent a connoître des cir confiances que la briè-
veté du récit luy cache. Il eft aifé d'expliquer par un exemple
ce cjue fentens. Si quelqu'un trouve dans les Ecrits d'un Alaim-
bourg-) d' un Soulier >) d'un La Croix ^ ou d'autres femblables
^Auteurs , qui n'ont pris la plume que pour rendre les Reformez
odieux ; // quelqu'un , dà-je , y trouve en abrégé que les Refor-
mez ayant per/everé huit ou neuf ans dans la pour fuite de cer-
taines Recjuêtes , que le Roy Louis XIIL ne trouvoit pas bon de
leur accorder , ce 'Prince tmportmié de leurs follicitaîions , prit
ks, mines pour les réduire a fa volonté ^ leur ut a leurs Places
d'otage-,
TREFACE GENERALE.
d^ otage-, rompit kîir union ', les depotiilla de plnjièurs de lettre'
privilèges : voilà un fait fort véritable , mais dont la brièveté
ne fatkfait pas le Le&eur. tAfin qu'ail juge de la chofe avec con^
noijjance-f il faut qu'ail foit informé de la. nature des chofes de^
mandées par les Reformez , é" des raifons de les demander avec
tant de perfeverance : il faut qu^iljàche fur quoy la Cour fon-*
doit fes refus \ & quelle occafion elle eut de prendre les armes ,
pour arrêter le cours de ces demandes dont elle et oit importunée..
On ne peut favoir fans cela ^ fi lesRefor?nez aboient de piflei
terreurs \ fleurs plaintes et oient légitimes \ fi les refus de la
Cour venoient plutôt de fa ?nauvaifè volonté , que de finpiftice
des Requêtes: ni par confequent juger fit les Reformez ont été
ou punis comme des rebelles , ou opprimez comme des innocem
malheureux , par la guerre que la Cour leur a déclarée. Il faut
donc développer ce fait aux yeux du Le fleur; luy expUc[uer de
quoy les Reformez fé plaignoient ; pour quoy ils fe donnoient tous
les jours de nouvelles craintes ; par quelle raifon ils accufoient la
Cour de n'' avoir f as de bonnes intentions pour eux , & de ne cher*-
cher qu'Ali les fiurprendre pour les détruire. Le Leclcur ayant
appris par ce moyen rétat de la que [lion ^ eft en droit de piger
s'ils ont eu de vaines terreurs^ ér fi la Cour a eu raifon ckles
accabler alors. S'il ne prononce pas avec équité j ce 7f eft plus
la faute de PHiftoire ', parce qu"" elle luy a donné ajfez de lumie-^
re pour juger avec connoiffance.
Cette remarque pouvant être appliquée à tous les faits un
peu import ans qui regardent la Religion , j''ay cru que ce n'^étoit
pas afiéz que de donner au public une Hiftoire abrégée des mah
heurs desEglifies de France-, qu''ils meritoient bien cfêtre de^
crits avec étendue ; qu^en prenant la chofe des P origine , &
marquant le progrés ér Penchaînew,ent de ce qui leur eft arrivé
de bien ir de mal , non feulement la diverfité r en droit la leâure
de
T RE FACE GENERALE,
de l^ Ouvrage plus agréable ; ?nais le détail des plus importan-
tes clr confiances la r endroit plus utile \ ér fcrviroit cPun plus
follde fondement a P Apologie de ces Troupeaux defolez , qui
rcmplijjent aujourdhuy toute P Europe de leur débris. Je me
fuis donc propofe de faire ce que fay vu que nul autre n^^itre-
prenoit ; &pour donner lieu de juger plus famement fi la révo-
cation de l'Edlt de Nantes^ que nom avons vu faire de nos jour s j
eft un aHe de jufnce & de bonne foy , j'^ay tâché de rapporter
tout ce cjue fay pu fivolr de la 7nanlere dont lia été pourfulvi ,
obtenu , public , exécuté ou violé , pendant qii'on a eu quelque
reJpeB pour fon nom àrpour fon Auteur. ^Je me fuis engagé
par ce dejfeln a écrire PHlfiolre de ce qui s'efi pajjé en France a
Nccafio/i de la Religion , depî/is Luther jufques au teins que cet
Edlt fut donné : afin qu''ll fût plm alfe de connoitre quel droit
les Reformez avolent eu de le demander ; quelles raljons les ont
obligez de s"* en contenter \ pourcfuoy H y a eu tant de conte fi a-
tlons fur quelques-uns des articles qu'il contient \ d'où vient que
le Roy eut tant de peine a l'accorder , le Clergé tant de regret
d'y confeutlr , les 'Parlemens tant de répugnance a le vérifier.
Il a fallu pour cela faire voir cpielle figure les Reformez fal^
folent dans le Royaume \ quelles llalfons Us avolent avec le Roy
quand II vint a la Couronne ; qui et oient leurs a?nis ou leurs en-
fiemls\ quelles étoleîit leursralfons ou d'elperer ou de craindre.
J'ay cru c[u'll fujfrolt pour ce deffeln , de reprefenter en peu de
mots les évenemens les plia Import ans & les plus Incontefiables ,
depuis la Reformation jufqu'd lamort de Henri IIL parce que
c'en esl a (fez pour donner au moins quelque idée & cfuelque goût
des affaires générales de ce tems-la. 3iais II m' a fcmblé que je
devols étenare plus au long les évenemens qui appartiennejit au
règne de Henri IV. parce qu'Us ont tant de llalfon avec les
affaires de l'Edlt , que fans les f avoir un peu nettement ^ il
fer oit
"PREFACE GENERALE,
fero'it maUaifé de juger combien cetEdït étoit juflc ^ f^g^é*
necejjaire.
C^ projet qui ni' a fait entrer dans une Hi/ioire de plu^ de
quatre-vingt s-quinze ans , fans parler de l^ abrégé qui contient
celle de plus de foixante & dix autres , a rendu ma peine plus
grande ; c^ nî'a donné plus de lieu de craindre que je ne fujfe
pas capable d'un fi grand effort. Je connois affez mes forces ,
pour ne prefumer pas beaucoup dalles. Je ne me pique pas
d"* avoir une étendue d'écrit extraordinaire : &je fuis fort con^
vaincu que ni la force , ni la délicat efj^e ne 7ne font pas tombées
en partage. Il y a même peut-être de la vanité a me flatter
de tenir rang entre les efprits médiocres : ér fi cpuelqu'un trouve
que je ne doive pas m* élever fi haut , /V fuis tout prêt a défen-
dre encore un degré plus bas. D"" ailleurs fay paffé prefque
toute ma vie dans un genre d"^ études ([ui ne me forrnoit pas a
écrire PHifloire-^ &?7ion afjiduité a une autre efpe ce d'' Ouvra-
ges ne me Mffoit pas de loifir de refte , pour pcnfer a d"* autres
chofes. Les perfecutions cjui ont été faites aux Egltfes durant
tant d'^ années , 7n^ont caufé en mon particulier de longues , de
fréquentes , de fâcheufes diftraBions , qui m'^Oîit obligé a des
foins fort diferens de ceux quHl faut prendre ^ quand on fe
prépare a devenir Hiftorien. De forte que de ma part je n^ay
pu apporter a P Ouvrage dont je me fuis chargé , ;;/ les dons cfun
naturel excellent >, ni les lumières d'aune (prit cultivé avec au-
tant de foin qu^ilauroit été nece (faire. Je n'^ay pu aquerir la
connoîfiance de plufieurs profeffions , dont il faut entendre au
moins les termes les plus cofmnuns , pour en parler d'aune maniè-
re qui plat fe & qui inftruife ^ lors que Nccafion s^en prcfente.
Il m"* a été par confequent impoffible de ne tomber pas en diverfes
fautes y par défi us le [quelle s on voit paffer les Lefleurs équita-
bles \ mais que lèse (prit s Critiques, qui font toujours en plus
Toîue L e grand
"PREFACE GENERALE.
grandnomhre que les autres , ne pardonnent jainais aux au-
teurs. Cria pourra foulever contre moy tous ceux qui fe croycnt
plus habiles que les autres^ mon pas parce qu'ils font capables
de mieux faire-, 7nais parce ([ue n"" ayant jamais étudié dans les
livres ([ue les défauts a" autruy ^ ils croyent avoir aquis Part de
les relever , & le droit de les reprendre. Je dois principalement
craindre ceux ([ui auront intérêt a me décrier , pour empêcher le
fuit que mon Ouvrage pourvoit faire -^ s^ilétoit bien reçu dans
fe monde. Ce si la coût urne de ces gens-la^ que de s'attacher a
ce au' il y a de moins elfenciel dans les livres ^ & de faire beau-
coup de bruit des fautes cju' ils y remarquent-, afin ([ue ceux qui
lie regardent pas les chofès jufques au fond ^ jugent par la que
l'Ouvrage entier esf a rejet ta'. Le fcfuiteTalavicin a trou-
vé par cet artifice trou cens foixante fautes de compte fait dans
l'Uifioire du Concile de Trente^ écrite par leT.TaoloSarpio.
Mais il a fallu pour remplir ce 7iombre faire jouer tous les ref
fors de la fraude & de la chicane : faire pajjer pOM' une faute
'capitale une date mal marquée , un certain no7nbr épris pour un
autre , fx pour cinq , vingt pour vingt-é'-nn , & d'autres
chofes femhlahles\ éfur tout donner comme des chofes qui fe
contredifent des faits ([ui peuvent être véritables tous enfem-
ble^ è' fuhfijlerr un avec r autre. Quitte croir oit qu'un livre
ou on marque 7,60. fautes bien comptées , doit pajjer pour un
mauvais livre ? Cependant fi on rabat fur ce Jiombre les pures
bagatelles j qui ne changent rien a la 7iature des faits ^ & les
meprifes qui ne paroififent jneprifes , que parce que le Cenfeuv
qui lesobferve diffimule les rai fous quiles juflifient ^ on verra
peut-être tout d'un coup dil}aroître les trou (quarts de ces fautes
prétendues \ & le quart qui reftrra ne pourra encore pafferpour
bien prouvé , jufqu^d ce (pu' on ait comparé le car aB ère des deux
Bijhricns; les raijons qui fondent les oppofitions ou ils fe trou-
vent-,
"PREFACE GENERALE,
vent ; les motifs qui ont pu obliger Pim ou l'autre a tromper le
mondes ér la pureté des/ourcesou ilsont puifê les preuves de
ce qu'ails difent.
Mah je n'a} pa^ cru que la crainte de ces inconveniens dût
tn' arrêter. La caufe de la venté ér de t* innocence feroit trop
abandonnée^ [ton n'^ofjit la défendre de peur de s"* attirer fur les
bras- les gens qui favcnt mentir & démentir avec une égale har-
die Ife. Il faut renoncer a écrire pour le public , ou s'endurcir
contre ces traverfcs inévitables. Trincipalement quand il eB
quejliond^ Ufie Hiftoire , & d'une Hiftoire qui en faveur de l'in-
nocence opprimée^ attaque les plus redoutables PuiJJances du
monde ^ il faut s' attendre a un orage d'injures ^ de reproches ^
de démentis , & de tout ce qui peut décrier un livre ér fon kAu-
teur dans les ef^rits du vulgaire. Co?nme je prévois que cela
pourra 77i' arriver , je ne m'en étonnerai pas s'il arrive \ &j'ay
truque je ne me devois armer contre ces traits d'une m-alîgnité
intereffée que de la Jincerité >, de la bonne foy ^ de l'exaâttu-
de \ Jàns me mettre en peine de ce que la chicane & Pimpoflure
pourroient me faire d'affaires. On ne doit écrire que pour les
aînés bien-faites ; & celles de ce car a cl ère ne jugent des cbojes
que par le fond , érpajfent aifément par dejjus des fautes qui
n'ont rien d'important ni d'ejjenciel. Ûr j'efpere qu'on ne ine
pourra furpr en dre dans des fautes de cette dernière qualité.
^Jf'ay tâché de ne rien deguifer ; & peut-être que je n'ay parlé
que trop ouvertement deplufieurs chofes^ qu'un autre aur oit en-
veloppées d'un prudent filence. Mais ([u and on ne peut jufli-
fier des innocens qu'en révélant des veritez un peu délicates , , il
faut neceffairement pajfer par dejfus de certains rejpe cl s , qiion
ne peut garder fans trahir la caufe qu'on veut défendre. Cefl
la feule ex cufe que je veux faire a ceux qui trouveront que je
parle de certaines chofes avec trop de liberté. J'ay cru le de-
e z voir
"PREFACE GENERALE.
voir faire pour être de meillenre foy , à* pour farre mieux cm*
mitre aux Leâeurs les four ces des évenemens , & les principes
de mes re flexions particulières.
La même bonne foy dont je fais prof efion dans l'Hifloîi'e,
m'oblK^e a reconnoître en ce lieu cpûil peut y avoir des fautai
dans mon Ouvr âge ^ qui paieront pmtr ejfen délies ) & que jere--
connoîtrai peut-être moy-7nême pour telles , quand on me les au^
r a marquées. JHais elles ne me feront point imputées par les
juges équitables^ quand f aurai dit d'houe lies peuvent venir. Il
eB certain que je n'ay pas eu tous les fecours ciui m'auroient été
neceffaires , dans une entreprife au/fi grande que celle dont je fue
fuh chargé. Il y a fans contredit bien des cbofes ([ui me font
échappées par ce moyen , ér qui nt'ont réduit a faire en diver^
fes occajions des récits moins pleins , moins étendm , moins cir*
conftanciez que je ne Pauroà fouhaitté. Le LeBeur pourvoit
demander que je luy euffe donné de plus grands éclairciffemens
fur de certaines matières , ér cfue f eufje prévenu plufcur s (fuef-
t ions qui luy re lieront a fiire^ apr^es cfu'' il aura pris connoiffan^
ce des faits que je luy rapporte, JMai^ je n^ay pu faire mieux ;
é'ilm'^afemblé qu'il et oit plus a-propos de demeurer court fur
d^ certains fujets^ que de fuppléer au défaut desTitres& des
Mémoires par la hardieffe de ?nes conjeêlures, ^e ne p'ctens
pas diminuer par la l"" obligation que f ay a ceux qui m^ont aidé
de plujicurs pièces importantes , & qui par la communication
qu^ils ni^ont gêner eufement doj^inée de leurs livres & de km' s
manufcrits , m'' ont fouryii la principale matière de mon Ouvra^
ge. J''avouêqu^il y a eu beaucoup de perfonnes qui m'^ont en-^
voyé , de cent & de deux cens lieu'és d^icy > tout ce qu^ils avoknS
de propre 7i me fervir: & que comme j^ay reçu beaucoup d^ af"
f fiance de ces lieux éloignez* , ; V9/ de même été bien fe couru par
heaucQHp de curieux de mon voifmage. Les Bibliothèques publia
ques
TREFACE^ GENERALE.
ques & particulières , /es Cabinets des curieux , m les pièces
fugitives fe confervent , é'plujkurs autres four ces ou PHftoire
peut être puifée m'' ont été ouvertes, ^e no?mnerois avec plaifir
ceux qui ni* ont donné ces fe cours \ non feulement parce quil fe^
voit jufle qu* ils part âge affent avec moy la recommffance du pu^
hlic , a NnftruBion de qui ils ont libéralement contribué 5 mais
parce qu'ails font aujjilesgarans de ce cpief avance -^ & que le jeul
V07n de plufieurs d"* entre eux fufjiroit a de7?iontrer la vérité des
Titres d^ ou j'^ay tiré la watiere de mon travail : mais la plu-
part ayant dejiré de n'outre pas nommez , }i caufe des liaifons qui
leur re fient avec des perfonnes encore fu] et tes a Nppreffion , je
ne puis ni leur rendre les témoignages que je leur dois de leur
bienveillance , ni tirer de leur nom l"^ avantage epue f en p<iurr(>is
prendre , // ]e n^ et ois obligé d'' avoir de la déférence pour le dejir
qu'ails ont de demeurer inconnus. Je parlerai ailleurs du Re^
eueil préparé par feu Mr. Teffereau , homme connu de tout le
nwnde pour laborieux , exaB , curieux , & fort capable (Ta*
maffér ce qui peut fer vir a un grand Ouvrage : ér je ne diffî^
mulerai point ce que f aurai pu tirer de fe cour s des Mémoires
qu^il a la\ff}%^ quoyqu^au tems de fa mort ils fe foient trou*
vez dans un grand de [ordre.
' Mais ces fe cour s n'^efnpêchent pas qu'ail 71e ni* en ait manqué
beaucoup d"* autres y d'^ou j''aurois pu tirer de grandes Imnieres,
Lors que le Confcil de France commença la recherche des droits
tt* exercice , il trouva bon d'' obliger les Eglifes a produire en ori-
ginal les Titres dont elles pretendoient fe fervtr. C/étoit une
ehofe fort peu neceffaire au fond ^ comme je Pay remarqué en
fin lieu : mais comme on prenoit des me fur es des ce tems-lli ,
pour iter la connoiffance de ces chicanes a la policrité , on vou-
hit fe rendre' maître de tous les mmumens qui pouvoient en
conferver la immoire \ & ne lai^er aux 'Reformez que des pie-
e 3 ces
TREFACE GENERALE.
ces dont on auroit lieu de leur conteflerP autorité , parce que ce
ne fer oient pa$ des originaux. Le Confeil a retenu la plus
grande partie de ces Tilres ; même apris que les affaires ont été
jugées. Il y a eu peu d'^Eglifes ([ui ayent pu fe les faire rendre.
On dijoit a celles qui avoient perdu leur caufe , que leurs papiers
ne pouvoienî phi^ leur fervir de rien ; &on payoit de quelque
mauvaife défaite celles qui avoient été plm favorablement
traittéeSy ajhi d"* éluder les in flanc es qu"* elles faifoient pour re^
tirer leurs produâious. On leur dijoit quelquefois que le der-
nier Arrêt valoit tom leurs Titres j & qu\ainji les autres leur
étaient ah folument inutiles. De même dans les dernières an-
nées j on s'^avifa de contraindre les Conjljloires a produire tout
ce qu'ails avoient de papiers , foit originaux , foit copies : & la
moindre pièce recelée et oit une r ai/on de bannir les JMiniJlres ,
& de démolir les Temples, De forte qu'ail y eut fort peu d'E-
glifes cpû ofajfent fe hafarder^, a ne livrer pas tout ce qu' elles
avoient d^enfeignejnens & de Titres. Le prétexte de cette ve-
xation étoit cpiî'on vouloit découvrir tout ce qiC elles avoient de
biens >, a la confifcation defquels leurs perfecuteurs afpiroient
avec une grande paffion. Mais une raifon aujfi forte , quoy
que plm cachée , étoit qiûon vouloit leur oter tom les moyens de
conferver des Meinoires , d^olt la poflerïté pouvoit apprendre la
vérité des injujiices qiion leur a faites. Adiré le vray toutes
ces précautions n''ont pas empêché qu*ilne foit reflé de quoy for-
mer un corps d^Hi/loire ajfez étendu : mais on ne peut îiier qu'^eU
les n'' ayent privé beaucoup d'Eglifes des fnoyens de me fournir
les fe cour s cpe fen aurais pu atteindre \ principalement celles
cjui avoient en dépôt les Titres communs de chaque Province\.
D'' ailleurs on peut bien s"* imaginer que les Manufcrits de la Bi-
bliothèque du Roy , de celle du Collège des quatre Nations , & de
quelques autres ou publiques ou particulières , ne m^ont pas été
com-
TREFACE GENERALE.
mnmuniquez 5 & que je lî'ay pu trouver perfonne qui voulût
fehajarder a m\n faire des extraits utiles pour mon dejjein.
^\aurois trouvé la toutes les négociations de PEdit , toutes les
in/h'uélions des Corn?niJJ'aires , toutes les intrigues de la Cour
dans le tems des Affemblées Générales , tout le projet des guer-
res j & des violences que le Confeilde Louis XIII. pr a tiqua j pour
la ruine des Reformez, On ne peut douter (pue je îi^eujje trou-
vé dans la multitude des volumes de ces Manujcrits des chofes
particulières j que jen'^ay pu trouver ailleurs <; àtou jen'*aypu
atteindre par mes conjeâures. Mais on peut faire trois conji-
deralions pour fe confoler de ce défaut. L J'^ay recueilli le
mieux ([ue fay pu des Mémoires qui me font tombez entre les
mains Jafubftance des chofes qu'ion auroit trouvées dans ces Ma-
nufcriîs plus étendues & plus expliquées ; & j\iy fuppleé par
les pièces imprimées , dont on trouve un a fez bon nombre , au
défaut des manufcrites. I L Ces Bibliothèques ayant été d^mi
facile accès pour tous ceux qui ont écrit contre les Reformez j
pour Meynier ^ par exemple ^ Bernard^ Maim bourgs Soulier j
la Croix , & autres infatigables pcrfecuteurs des Eglifes de
France-, on peut dire que tout ce qu'ail y a de de f avantageux
pour elles dans ces Manufcrits , a été rapporté par leurs ennemis
dans leurs Ouvrages ; que s'ils en ont extrait peu de chofe , c^efi
figne qu'ils y ont trouvé peu de fecours pour leur paffmi \ à*
qiCainfi le défaut de ces Manujcrits ne fait perdre qiï'd moy
les lumières que fen aurois tirées , pour la jufiifi cation de ceux
dont fay entrepris la defenfe. Or il n''y a pas d'' apparence que
€eux qui fe font appliquez avec tant de paffîon a nous détruire ,
me fajfent un grand crime d'avoir o^ub lié quelque chofe qui eût
pu mettre leurs injuftices dans une plus grande évidence,
III. Si quelque un fe mêle de réfuter mon Ouvrage^ il fau-
dra qu^ il tire de ces Manufcrits des armes pour me combattre',
S'il
7 RE F ACE GENERALE,
SHtle fait fans hmie foy , fa reponfe ne me fera pas beaucoup
de peine : mais s* il s'en aquitte en honnête homme ^ il faudra
qu^ il donne entiers les fondemens de fes re flexions \ & quHl pu-
blie par confequent bien des fecrets qui confirmeront peut-être
les miennes.
fAu fond ces confidcrations me doivejit valoir au moins dans
la caufe que je defens , ce que valent dans le Droit aux parti-
culiers les preuves , ou les fortes prefomptions iun pillage ,
dUm incendie ^ ou de quelque autre accident fans remède^ par
lefquelles ils démontrent quHls ont perdu les Titres juflificatifs
de leurs prétentions ^ ou des reponfe s qu'ails font aux demandes
de leurs parties. Je ftm abfolument dans le même cas. Je
prouve que les Titres qtCon pourroit me demander font retenm^
ou ont été enlevé'^ par une force majeure : & ce qui eB le plus
important , je démontre que les Auteurs de cette violence & de
te pillage , font ceux même qui me demandent ces preuves qu'ils
m^ont ravies y qu'il y a de lamauvaife foy dans leurs infcrip-
tions de faux , parce qu'ails m'ont ùté par force , c^ pour ainfi
dire a main armée , les moyens de mes légitimes falvations :
qu'ail leur faut de grands & d'évidens argumcns pour me con-
vaincre , parce qu'ails font fufpecls de fraude dans leur condui-
te y & que de légères prefomptions me fuffent contre eux ,
parce quHls nï'ont injuflement arraché les monumens d'^ou fau-
rois pu tirer des preuves plus fortes. Mais je «' en fuis pas ré-
duit aux feules prefomptions : & 7nalgré tous les artifices d'aune
malif^ne prudence , il s''eB fauve du pillage une infinité de
monumens autentiques des maux que les Reforw.cz ont fou f-
ferts. La plupart même conpfteiit dans des pièces publiques ,
qui ne peuvent être de [avouées.
^pres ces réflexions générales fur l'^Hifloire que ;V publie ,
il me refte encore en particulier a rendre compte de la méthode
que
TREFACE GENERALE,
que j^ay fuivie pour la compofcr. Et cr abord H faut que jt re^
ponde a ceux qui pourront trouver mauvais que je prenne par^
ty , & que je fa/Je trop paroître ma Religion , & P intérêt que
je prens aux chojes que je reitte. On veut qu'Hun Hifiorien gar^
de une fcrupuleufe 7ieutr alité ; qu^il ne laijfe jamais entrevoir
fin fentiment particulier -y qu'ail ne prévienne point les Leâeurs
parfis raifinnemens j & que s^ arrêtant a une defcription toute
nue des faits & des cir confiances , ilnepremie jamais le carac-
tère ni de partie , ni ci* Avocat , ni de Juge. Je me fuis difi
penfé de ces loix feveres ; 'fay raifonné \ fay dit mon avis ; j^ay
prouvé j j^ay refuté quelquefois , félon que fay cru que le fu-
jet le dejnandoit. ^Mais je pourrois juftifier ma conduite par
diverfes raifins , fi je ne voulois abréger. V exemple de prefi
que tous ceux qui fe font mêlez d'écrire^ me firviroit d'aune
boîme apologie. On n'*en voit gueres qui fe fiient renfermez
fcrupuletfiment dans ces homes: & a dire le vray c'^eBune
chofe fi peu pojfible que de 5'j/ réduire , ([ue fi ceux même qui
donnent ces loix aux autres fi meloient de rendre compte de
quelque événement -, ils ne pour r oient s'' empêcher de violer les
préceptes de cette pénible exa&itude. Mais je me conteriterai
de dire deux chofe s pour ma defenfi. La première e§l ^ cjue
mes avis é'mes raifonnemens doivent être confi devez comme
ceux des perfonnes pour qui je parle ; foit parce qu''ils font ex-
traits des difiours faits en leur faveur , foit parce qu''ils naifi
fient des chofe s mê^nes , ér qu'ails repre fient ent ce c[ue tous les Re-
formez aur oient a dire , fi on les interrogeoit juridiquement fur
cette ?natiere. La ficonde efi , qu''il étoit d'aune mdif^en fable
necejfité que je donnajfe a mon Hifloire un caraêlere apologéti-
que-, parce que je N'crivois pour fier vir de réplique aux vio-
lentes déclamations de ceux qui nous ont perfiecutez. Il étoit
donc inévitable que je înêlaffe quelquefois mes réflexions au re-
^»v Tome I. ^ f cit
TREFACE GENERALE.
itt des faits , afin que je pujfe mieux prouver la fraude &
i'injufiice de ceux que 'f acctife ^ & mettre en plm beau jour
l'innocence de ceux que je jufiifie. Néanmoins on peut s' af-
fûrer y que dans plufieurs occajions ou il femble que c'eB moy
qui parle ^ j'ay pris garde de fi pr'es a ce ([ue je dk ^ qu'il y
aura peu de Reformez quini'ofent defavouer. ^t^ fond cet-
te liberté de due fin avis propre y n' e H pm incompatible avec
te desintereffement d'unHiflorien. Ce que la fincerité exige
de luy y esl qu'Une dcguife ni ne d'tjfimule leschofis; &jeme
fuis impofé fur cela des loix affez feveres pour contenter les
plus rigides cenfeurs. Mais comme l'avis particulier de l'Hif
torien n'afiujettit point les LeBeurs , & demeure aujji fiu?nà
a leur iu<rement que le récit jnême des faits qu' il rapporte ^ ils
fe plaindre qu'il les a prévenus par la liberté de dire fin fc^
ment. Ils trouvent ainfi la jnatiere toute prête -^ & fans fe
fatiguer a raifonner fur les chofes ^ ils n'ont qu' a prononcer fi
P Auteur les a bien prifes & bien entendues.
fe me fuis donné la liberté de changer quelquefois les ex-
prèffions des ^Bes que j'ay citez. Mais cela ne doit faire de
peine 7i perfoune ; parce qu'il e^ impojfible d'en ufer autre-
ment y quand on a deffein d'abréger. D'ailleurs comme je
donne au public plufieurs de ces ABes , on doit moins trou--
ver a redire que je n'aye pas rapporté mot a mot dans le corps
de l'Ouvrage y ce ([ue j'ay mis tout du long au rang des preu-
ves. De plm quand il y a eu des exprejjions dans cestABes
qui ont été remarquables & importantes ^ je les ay toujours re-
iemies: ér dans celles que j'ay fubftituées aux termes mêmes
de ces pièces , j'ay toujours exaBement retenu le fins & la fub-
^:ancsdelachofi. Or cela fiufft aux perfinnes éciuitables. Il
TREFACE GENERALE.
ne s* agit pas des niots , mais des faits : ér il importe peu que
ceux-ld joient changez , quand ceux-cy font reprefentez avec
me fidèle exaclitude,
^''ay rapporté prefque tous les Edits & les Déclarations fous
la datte du jour qifilsont pajjé au Sceau , plutôt que de celuy
de leur vérification aux Par le m en s ; cfUDy que ce Joit du jour de
Venregitrement que ces A&es commencent a prendre force de
Loy. Mais f ay cru le devoir faire ain fi ^ parce que la )furif
di&ion du Royaume de France étant partagée en plufieurs Par-
lemens , il arrive rarement & que Nnregîtreinent fe fafjepar
tout , & qu'ail s'^y faffe en un même jour. De forte que cela au-
voit fait un peu â* embarras ^ & auroit encore dejjeché la ma--
tiere , qui cfelle-mêjne w'o? pas trop riche & trop gaye , fi fa^
vois rapporté fur chaque Edit tant de dates di fer entes. Je fay
bien qu'ion s'arrête ordinaireme^it au jour de la vérification fai^
te au Tarlejnent de Paris , • comme ayant quelque privilège qui
le diftingue des autres : mais puis qtî'unEdït ([u'^ilaenregïtrè
7ie paffé néanmoins en force de loy dans un autre Parlement ,
que quand la même Joleimité y a été obfervée , fay cru plus ?/-
propos de me tenir a la date du Sceau , c[ui eB fixcér commune
pour tout le Royaume. D"* ailleurs c'^eB aujourdhuy la maxime
du Confeilde France , que les Edits ne prennent point de /V;/-
rcgîtrement la force de Loy ; cpî^ils la tiennent de la feule vo-
lonté du Roy , & de l'empreinte de fin Sceau ; ir que le Parle^
ment ri* a point d"" autre autorité que de la publier , & d'^cn être
P exécuteur. De forte cpie fay eu rai fin de préférer la date
d'oïl ces AH es prennent leur force , d celle qui ne leur donne
rien-, & qui ne fer t qu'7î 6 ter aux peuples Pexcufe de t igno-
rance.
"J'avertis aufi fur le fujet des dates ^ que f f y fuis tombé
dans quelque erreur j ce n'eB pas a moy qu'il s'en faut pr en-
f z dre.
TREFACE GENERALE,
dre, J^(^y. ftiïvi celle que fay trouvée dans les pièces ptih tiques
dont je me fim fcrvi , & qui aymit été prefque toutes mïfes au
jour par les Catholiques ^ ont reçu d'yeux toutes les altérations
qui s'^y trouvent. De même s'' il arrive (jue je fajfe quelque fau-
te au nombre des articles , en quoy je divife de certaines pièces:^
Une m'' en faut rien ijnputer. Cette divijion efl prefque arbi-^
traire \ & fouvent on la trouve diverfe dans les diverfes édi-
tions d'un même Edit ér d"" un même Arrêt ^ cpioy qu"* elles foient
toutes également autentiques.
On trouvera qu'yen de certains lieux j^ fuppofe que le Le fleur
fait de certaines chofes , fans la connoijfance defquelles il fera
mûl-aifé d'entendre le fait dont je luy rens compte, J^ fay
bien que cela peut pajfer pour un défaut ; & que j^ay trouvé
quelquefois mauvais moy-mêine , ciiCun Hijlorien ait négligé de
m\xplî([uer des chofes qu'ail prefuppofoït que je devois favoir f
parce qu'acnés luy et oient connues. ,JMais j'^ avoué que je ri'ay pas
cru pojfible d'' éviter ce défaut ; parce que s'ilavoït fallu en fa-
veur des Etrangers expliquer tout ce qui peut leur faire de la
peine , faute d'' avoir une exaéle conm'ifjance des ufages , par
exemple , des familles , de la Jituation des lieux , & de cent
autres chofes particulières , le fond de mon Hifloire auroit été^
pour ainji dire ^ englouti par les Epifodes dont j^aurois été con-
traint de le charger. Ainf malgré moy je fuis contraint de
renvoyer le Le Heur ^ qui voudra favoir ce que je riay pu luy
dire , aux Auteurs qui ont particulièrement traitté de cette
matière, .
Je ne croy pas qtion me fâche mauvais gré de ne m'' être pas
fort étendu fur les affaires étrangères^ parce qu'' elles et oient
hors de mon fujet. J'*ay 7nar que néanmoins quand jePay crjs
necejfaire , ta liai fan qu^ elles avoient avec celles des Eglifes Re-
formées, J^e ne 7ne f m point attaché au récit des fieges & des
com-
TREFACE GENERALE.
combats , lors que fay parlé des guerres civiles ; parce qut
d'autres Hïftorïens en ont fait de longues defcriptions ; ér que
d^ ailleurs je me ferois trop éloigné de ma principale vue ^ qid
étoit de parler feulement de la manière dont pEdit et oit objèr-
vé, "Je me fuis donné la liberté de répandre c[uel([ues fentences
dans mes récits, Jay fait en cela ce que tous les Hijtoriens ont
fait. Si elles font judicieufes , le Lecleur n"" en fera pas ojjénfé:
ér fi elles font peu a-propos , il ne les trouvera ni ajfez longuesy
ni ajfez fréquentes pour ni" en faire une grojje affaire.
On dira peut-être que je nt* attache trop aux Hifioires des
Seigneurs , comme du Maréchal de Bouillon , du Duc de la Tri^
?nouille , du Connétable de Lefdiguieres , ér de plufieurs autres,
Mais une feule réflexion fuffira pour montrer c[ue je n'^ay pu
faire atutrement. Ces Seigneurs ont fait prefque tout le bien
& tout le maldesEglifes : leur hien^ quand ils ont renoncé a
leurs intérêts propres pour les fervir ; leur jnal-, quand ils les
ont engagées dans leurs afaires particulières. De forte qu'on
les trouve par tout ^ é' qiion ne peut parler desEglifes fan$
avoir occafion de parler de ces perfonnes éminentes , qui les ont
ou aff'ermies par leur proteâion , ou ruinées par leurs brouille^
nés. -"-'-' ■-' '''^'■
Il y a quelquesfnotscjuim'^ontinis dans Rembarras. Ceux de
Converfion , ^/'Herefie , ^/'Hérétiques , & d"* autres femblables
ont un tout autre fens dans la bouche d"^ un Reformé ^ que dans
celle dhm Catholicjue. Aîais il auroit fallu recourir à de per--
petuelles circonlocutions , fij^avois voulu éviter d^ employer
quelquefois ces mots au fèns ou les Catholiques les prennent.
Jay cru qiCil fufifoit de diftinguer les lieux ou ces mots fe trou-
vent en ce fens ^ enles faifant ifuprimer d'^un autre car aB ers
que le texte de POuvrage. Il ny a pas d\'ipparence que les Ca^
tholiques s'offenfent de ce que je les no7n?ne par tout Catholmies,
TREFACE GENERALE,
Ce0 un mm dont ils font gloire ; éril y avoit des Edits en Fran-
ce qui defendoient de les nommer autrement. Je n'ay pai cru
devoir leur en donner un autre dans mon Ouvrage , parce qu'ail
j a long-temsqu\ïl ne tire plm a confequence ; qu'ail n'efl plm
Jynonimeaceluy d'^Orthodoxe j & qu'il Jignifie dans le langage
commun ceux qui reconnoifjent le Pape pour Chef de PEglife
Vniverfellc. Cejlence fensque je le leur don?ie\ &j^ay mieux
aimé avoir cette complaifance pour eux , que de leur donner
quelque autre nom qui leur eût été nio'ms agréable. Celuy de Re-
formé que je donne aux Proteflans de France , a quelque chofe
d'incommode. Il donne lieu quelquefois a des équivoques. Un Of-
ficier Reformé , un Capitaine Reformé , ne fignifient pas toû^
jours en François des perfonnes qui font profejjion de la Religion
Reformée, Mais je n-en ay pu trouver de plus commode. CVi7
un défaut dont toute PexaUitude de V Académie , & la bonne
opinion que les Françoh ont de leur langue , n'^a pu encore la de^
faire , que cP avoir des termes qui font fouvent de femhlables
équivoques , dont la feule matière avertit le Le Heur de fe don-
ner garde, ^e n'^ay pas cru cjue cette incommodité dût m\m^
pêcher de me fervir dhm ?not , qtii nPépargnoit la peine de cher-
cher des perïphrafes , & des tours d'exprejfon quipujjent expli^
quer ce qiCil jignifie : & il me femble cjue quand on écrit pour
le public ^ on n'' efl pas obligé d'' avoir en vue le chagrin de ceux
que de femblables équivoques peuvent arrêter,
jjfe ne veux pas faire icy t apologie de mes fentimens fur l'au-
torité des Rois , ér fur les devoirs des fujets. Il eB vray que le
jugement qtfon fera de fnon Ouvrage dépend en partie de la vé-
rité des maximes cfue je foutiens : mais j'' allongerois inutilement
cette Préface , par la ilifcuffion d^une ?natiere qui eB devenue
ûujomdhuy celle de toutes les converfations , & de plufieurs li-
vres. Il n'y a rien de plus a la mode que de trait ter ce fujet im-
portant-^
9REFACË GENERALE.
portant ', & jamais on n^a eu peut-être une plus belle occajton
d^eflïmer que cette que/lion difficile efl decidéi'. Toute l"" Europe a
pris party y & toifJ les Etats ^ horsmis la France ^^ ayant ap"
prouvé les révolutions de la Grand"* Bretagne , ont prononcé
par confequent en faveur des peuples contre les prétentions des
Souverains. La liberté a gagné fa caufe ; & le pouvoir arbi-
traire eB généralement condamné. Les droits des fujets Jônt
éclair cis ; & les tifurpations des Vuijjances (ont de/approuvées.
Les loix des Etats font remifes dans leur vigueur ; & le pouvoir
Souverain cjl réduit a fes bornes légitimes. Il n'^eft donc pas
necejfaire que je ni' engage a donner icy des raifons de mes fenti-
7nens j ptùs que toute P Europe les publie pour moy , ir que d"* ail-
leurs je ferai obligé d'en parler expr^es dans un autre lieu.
Ilnemerefte plmqw: trois remarques a faire y avant que
de finir cette Préface. La première efl , qu'ion pourra fe plain-
dre de fie voir pas marqué a la marge le nojn des Auteurs y &
le lieu des Ouvrages ou f ay trouvé les cho fes que je recite. Il
femble que cela eft devenu neceffaire dans les Hifloires , anIJi
bien que dans les Ouvrages polémiques. Mais j"* avoue que c\ft
un ufage a quoy je n'^ay pas cru me devoir foumettre. Premie--
rement f ay pour moy l'exemple de tous les Hifloriens qui ont
quelque réputation , & principalement de ceux qui s^étant ap--
pliquez les premiers a ce genre d"" écrire , doivent être confldere^
comme le modèle des autres. D"* ailleurs il femble que cet abus
ne s'introduit que par une profondeur de chicane rainée , qui fe
prépare fecr et tement par la un jnoyen de décrier les Hiftair es
ks plus fidèles , fom prétexte de quelque citation qui femblera
donner prife a la cenfure. Ce ne font pas les Auteurs du pre-^
mier ordre cjui s'impofent cette Loy. Ce font les Maimbourgs &
les Souliers-^ gens qui s'' ils trouvoicnt lieu de vetiller fur quel-
que citation , croir oient avoir détruit tout le crédit de leur ad-
verfaire:.
TREFACE GENERALE.
ver/àire. Cela feroit fâcheux , qu'un homme qui a pajfé plu-
Jieur s années a lire des centaines de volumes imprimez ^ & des
milliers de pièces manufcrites , vît le fruit de fin travail rui-
7jé par les chicanes de quelque Moine ^ ou de quelque ej^rit mal
tourné qui luy feroit un procès fur la venté , ou fur la juf
tejfè d'aune citation marginale. Il ejl plus a-propos que ceux
qui voudront réfuter mon livre , prennent la peine de lire ce que
fay lu , afin qii'ils puiffent piger après cela , fi fay rapporté
fidèlement ce ([ue f ay trouvé dans les Auteurs que f ay conful-
tez. Cependant afin c[u''on reconnoiffe que je ne fuis pa^ le com-
bat^ mais feulement la chicane ér P impudence -, fay imité en
deux chofes les plm exacts Hifioriens. Vune eft que fay domié
lin catalogue des livres du fay pris la matière de mon Ouvrage:
r autre eft que je donne au public les principales pièces dont je
me fuis fervi^ pour en tirer les faits dont je luy fais le récit.
On les trouvera imprimées a la fuite de chaque Partie.
La féconde rejuarque regarde le langage. On n''y trouvera
pas la grande délie ateffe , qui fait aujourdhuy toute la beauté
des livres. Il y en a beaucoup ou le Leâeur ne trouver oit rien^
fi ce fui trait en étoit oté. Pour moy f avoué qu^on trouvera
dans mon flile bien des négligences , bien de petites fautes dont
les Critiques feront de grands monftres. Je le leur permets j àr
je ne m'' en étonnerai point. Je ne fuis peut-être pas perfiiadé^
que ce qu'ails prennent pour des beautezfoient des beautez vé-
ritables : & il efl peut-être vray (pue cette pureté fi chantée
qiCon n^ apprend que dans les ruelles , ér dans la converfation
des perfonneS'i a qui pour en bien juger il ne manque rien que
des lumières & du bon fens , fait plus de tort a la langue ^i
qu'acné ne luy fait d'honneur. Elle feroit plm riche & plm fnâ-
le , fi on en cher choit les règles dans une meilleure four ce. Quoy
qiûtlen foit , je rPay travaillé cpira me faire entendre. Je n'^ay
pas
"PREFACE GENERALE.
pas même pris la peine de donner a mon fîïle de certains agré-
mens , que fatirois pu trouver comme un autre , fi favois cru
necejjaire de les chercher : & a ce prix je veux bien ne plaire
pas à ceux qui s'' arrêtent a ces bagatelles , parce qiCils ne font
capables de rien de plm grand. Si on faifoit néanmoins des
remarques pidicieufes é* équitables fur mon travail^ foit quel-
les regardajfent les chofes , foit qu"* elles eujfent leur rapport au
flile ou a la manière , je promets a ceux qui les auront faites ,
qu'ails trouveront en moy une docilité dont les Auteurs fe piquent
fort rarement ; & que fi jamais on fait une féconde édition de
mon Hifloire , ils verront bien que f aurai profité de leurs jufies
correBions.
La troifiéme remarque regarde la jnaniere dont je parle du
Clergé de France^ ér principalement des Jefuïtes. On s"^ ima-
ginera que je me fuis laifié emporter a lapaffion^ quand j'^ay
euPoccafion de dire quelque chofe d'yeux -, & quHl y a de l'^ai-
greur dans mes exprc fions , parce que j''en ay dans le cœur. "Je
répons a cela qiCon fe trompe. Je n'^en ay dit du mal que par la
ne ce (fit é de dire vray , ciue je me fim ijnpojée. Z)' ailleurs tout
le mal que j''en ay dit , ne va pas a la centième partie de celuy
qu'ails ont fait a tout le monde. Il me femble même que les Je-
fuites ne fe fer oient pas reconnus dans cette Hifloire ^^ fi je les
avois flattez. Ils font fi accoutumez a fe voir dépeints avec
de noires couleurs , dans toute forte d'écrits , qti^ils aur oient
cru que j'^aurois parlé de quelque autre Inflitut , // favovs
fait deux une autre peinture. Ils f aven t même fi bien que
leur fanglante & perfide Toliticfue e'B la caufe de tous nos mal-
heurs ; & ils fe font tant d"* honneur de ne garder avec les Hé-
rétiques , non plus qu'^avcc le refle du monde , nulles mefures
de bonne foy ni d'humanité , qii'ils prendront peut-être pour
un éloge tous les reproches dont je les couvre-^ & qu'ails regar^
Tome I. g deront
TREFACE GENERALE,
deront tous les traits dont je les noircis , comme autant de
rayons de la gloire qui leur eH due. Enfin après les maux
qiî'ils nous ont fait Jouffrir durant tant d"^ années , rV// une
petite vengeance , qui ne doit déplaire a perfonne , ciue celle
qui confifte a les appeller par leur nom \ & a renouveller
contre eux les reproches dont les plus fages Catholiques ont
chargé leur Société des fa naijfance.
PRE-
C M
P R E F A
DE LA
PREMIERE TARTIE.
"'i-X tp rr -'
Uoy que je raportc en abrégé , dans le premier li-
vre de cette Hiftoire , ce qui s'^ft pafle en France
touchant la Religion, depuis le commencement des
diiputcs de Luther jufques à la mort du Roy Henri
III. néanmoins cette partie tient fi peu de place dans
mon Ouvrage , qu'elle ne doit pas m'em pêcher de
dire qu'il commence precifément à cet accident, par
lequel Henri I V hérita de la Couronne. De forte
que mon delîèin embrafTe le règne de trois Rois :
dont le premier, qui a le moins régné, adonné aux Reformez unEdit
Se des furetez > le fécond leur a ôté les furetez i & le troifiéme a cafTé
l'Edit. Ayant donc à reprefenter trois évenemens fi divers , à chacun
defquels on peut raporter cequieft arrivé déplus memxorable fous chaque
rogne, mon fujet fe divife naturellement en trois Parties. La première
embrafle tout ce qui a précédé l'Edit de Nantes -, ou qui depuis qu'il a été
donné, regarde fon exécution pendant la vie de fon Auteur. La féconde
recite les moyens par lefquels, fous le nom & l'autorité de Louis XI IL
on a ôté aux Reformez les Villes & les Afl'emblées qui faifoient leur fu-
reté : d'où s'enfuivit la décadence de leurs affaires. La troifiéme parle
de tout ce qui s'eft paffé fous le règne du Prince qui porte aujourdhui la
Couronne, jufqu'àla révocation de l'Edit j àquoy j'ay ajouté les évene-
mens de quelques années fuivantes , qui en font des fuites naturelles : com-
me la retraitte de tant de familles perfecutéesj leurs établifîemens dans les
pais étrangers , & d'autres choies pareilles.
Comme il s'agiffoit de montrer que la conduite des Reform z a tou-
jours été fort différente du portrait que leurs ennemis en on fait, j'ay cru
que dans chaque Partie , & principalement dans la première &z dans la
féconde, où ils paroifîcnt les armes à la main , je devois raporter les cho-
fcs qui donnent le plus de jour à pénétrer dans leurs intentions : afin
qu'on puilîé mieux juger s'ils n'étoient pas réduits à ces remèdes extrê-
mes par une neceffité qui ne Ibuffroit point de difpenle. Je parlerai dans
un autre lieu de ce qu'ils firent après la mort de Henri IV. Mais j'ay def-
g 2 fcin
PRE FA C E
fein de dire icy un mot de ce qu'on pourroit blâmer dans leurs adions j
pendant que ce Prince a vécu. Je ne répéterai pas ce que j'ay ait pour
les juftifier dans le cours du livre : mais je remarquerai en peu démets
les principales circonftances des affaires, qu'on verra plus amplement re-
prefèntées dans l'Hiftoire même.
On peut donc confiderer les Reformez dans trois états pendant le rè-
gne de ce Prince. Dans le premier , ils avoient un Roy de leur Religion >
mais qui voyant combien il luy coûteroit de peines pour furmonter
une Ligue, qui fous le prétexte de la Religion foulevoit contre luy la
moitié de fon Royaume, fe refolut à changer, auili-tôt quille pourroit
faire avec quelque apparence d'utilité. Dans le fécond , on les voit au ier-
vice d'un Roy , qui après avoir abandonné leur Religion fembloit avoir
changé de cœur pour eux ^ & ne fe mettre en peine que de fon repos , /ans
s'inquiéter beaucoup de ce que deviendroient ces tideles fujets , qui luy
avoient rendu de fi grands fervices. Dans le troifiéme on les voit vivre
fous l'autorité d'un Edit, qu'ils avoient enfin obtenu après de longues
follicitations ; qu'on avoit été quatre ans à pourfuivre , & encore plus
long-tems à exécuter.
On ne peut leur rien reprocher pendant qu'il demeurèrent dans le pre-
mier état , puis qu'ils furent attachez au fervice du Roy , & qu'ils por-
tèrent les armes pour luy, auili long-tems qu'il eut des ennemis au dedans
ou au dehors Si on dit qu'ils ne le fervoient pas alors avec la même cha-
leur 5 & la même affedion qu'ils avoient accoutumé de faire paroîtrej qu'ils
ne firent pas les efforts qu'ils auroient pu faire > qu'ils laifferent échaper
quelques reproches & quelques murmures : je répons que , quand cela
feroit allé encore plus loin, ce ne feroit pas aux Catholiques à en parler.
On verra par l'Hiiioire queceux-cynecraignoient rien tant que de voir fi-
nir la guerre, avant qu'ils eulTent obligé le Roy à changer de Religion j
& qu'ils avoient même far cela des intelligences avec les Ligueurs, qui
auroient paflë pour bien criminelles , files Reformez avoient été les cou-
pables. D'ailleurs on verra que les Reformez étoient auffi obligez de fe te-
nir fur leurs gardes contre les Catholiques de l'armée Royale , que contre
les autres i & qu'il étoit juftc par confequent qu'ils nemiffent pas toutes
leurs forces à la diicrecion de ceux qui auroient pu fe defeire d'eux en une
nuit, pour fe réconcilier plus facilement avec la Ligue, & difpofer avec
elle du Royaume &: de la perfonne du Roy, comme ils l'auroient trouvé
bon. Il y avoit de la prudence à referver une partie de leurs forces pour la
necelfité ^ afin que celle qui refi:eroit pût fervir de reflource à leurs affai-
res
DE LA PREMIERE PARTIE.
res, &même à celles de l'Etat, fi Pautre étoit opprimée. On verra de
plus depuis Ton avènement à la Couronne , jufqu'à la converjîon , que le Roy
leur donna de jour en jour de plus grandes marques de Ton refroidiiîe-
menti &: qu'ils a voient, par confcquentraifbn de croire , que plus ils le
mettroient par leurs grands efforts en état de fe palier d'eux, plus ils luy
donneroient de lieu de négliger leur établilîement & leur fureté. D'où il
s^enfuivoit que s'ils employoïcnt toutes leurs forces, ils feroient à leurs
propres dépens les affaires des Catholiques leurs ennemis , fans en retirer
le moindre fruit pour eux-mêmes. Mais au fond on verra qu'ils reconrturent
le Roy fans condition j & qu'ils ne marchandèrent pas avec luy comme
les Catholiques , pour demeurer à fon ferv ice. Ils l'auroient fins doute
bien embarraflé, s'A?, avoicnt voulu faire les difficiles comme les autres.
Cette dureté auroit été fa ruine, & celle de tous les Officiers de la vieille
Cour, bien plus odieux à la Ligue que les prétendus Hérétiques: ôcs'il
y avoit entre les autres Catholiques Royaux quelques gens d'honneur , ils
auroient eu part à la peine. On a relevé contre les Reformez , comme
une parole fort criminelle, qu'ils avoicnt dit quelquefois qu'ils s'étoient
contentez de l'Edit, dans un temsoù ils auroient pu , s'ils avoient voulu >
partager l'Etat avec les Catholiques. Je ne fay pas li c'ell un crime que de
dire vray : mais je lay bien que 11 les Reformez le fullent unis pour leur in-
térêt feul, fins le mêler avec celuy du Roy & de l'Etat j s'ils avoient gardé
pour eux plus de trois cens Places , & àç.s Provinces prefque entiei-cs j ap-
pliqué les deniers publics à leur ccnfervation particulière j ménagé leurs
Troupes aguerries &: difciplinées , pour fe jetter fur celuy à(:% divers partis
qui âuroit eu le deflus àç.s autres , ils auroient peut-être pu prétendre à quel-
que chofe de plus que la moitié du Royaume. Leur feparation d'avec le
refte du Corps en auroit entraîné infailliblement le dcmembrcment entier :
& jp ne fay comment onpourroit nier, que ficela fl'it arrivé, la pièce qui
leur feroit demeurée auroit été la meilleure. Mais leur franchilè tira le
Roy & tousfes ferviteurs de cet embarras. Ils ficrifiercnt tous leurs in-
térêts & oute leur Politique à leur devoir. Ils n'écoutèrent point le con-
feil de leurs juftcs défiances-, & quoy qu'ils fufientaffez éclairez pour pré-
voir les confequences de leur faciUté, ils virent fans s'émouvoir conclure
le marché des autres, dont un àç,s articles alloitàleur ravir la perlonne &
les affedions du Roy. Ce definterefiement affermit lur la tête de ce
Prince la Couronne prête à tomber > & ce lèrvice meritoit bien que ceux
qui en ont profité n'en perdilîent jamais la mémoire.
Dans le fccond état où ils fe trouvèrent j après que le Roy eut quitté
g 5 ' leur
PREFACE
leur Religion , Se principalement depuis qu'il eut reçu les fbumiflîons des
Chefs &: des Villes de la Ligue, ils parurent plus attachez à leurs intérêts
qu'ils ne l'avoient été juiques-là. Leurs demandes furent plus hautes j
leur union plus folide j leurs defîeins plus concertez -, leurs Afîemblées
plus nombreufes & plus inflexibles. Mais iln'yauroit rien de plus injuf-
te que de leur en faire un crime : & l'Hiftoire fait voir des raifons de leur
conduite que les perfonnes équitables ne peuvent defapprouver. Ils vi-
rent ce Prince porter Tes complaifances pour le Pape un peu plus bas que
l'humilité > livrer Ion erpritôc foncœur aux Catholiques j s'abandonner à
leur Politique & à leurs confcils. Il acheta les Chefs de la Ligue non feule-
ment par de bons Gouvernemcns, par degrofîès penfions, par des fbm-
mes immenfes qu'il leur fit payer comptant: mais principalement par des
concefiions qui faifbient de grandes brèches aux Edits , ibus la proteélion
defquels les Reformez avoient efperé de vivre. Pendant quatre ou cinq
années on commit dans toutes les Provinces du Royaume mille injufbi-
ces, mille violences contre les Reformez > commçfih cû?iverfionduR.oY
avoit aquis aux Catholiques l'impunité de toutes leurs entreprifes. Ce
Prince eut tant de peur d'offenfer les Catholiques , qu'il voulut bien par
complaifance pour eux tenir les Reformez en fijfpens durant plufieurs
années, fans leur accorder autre choie que des promefles générales , dont
ils voyoient reculer l'effet de jour en jour , ibus mille prétextes defbbli-
geans : & en effet il n'entendit à leur accorder une paix telle quelle ,
qu'après que tous les Catholiques ftirent contens. De forte qu'il eut
bien plus de foin de gratifier ceux qui avoient tant fait d'efforts pour luy
rendre le Trône inacccifible, que de mettre à couvert de la perfecution
ceux qui luy avoient aidé par tant de fervices à y monter. D'ailleurs
plus Ces afEiires s'établifToient par la reconciliation des Ligueurs , plus U
devenoit difficile pour les Reformez : & il leur accordoit de jour en
jour d'autant moins de grâces, qu'il fe voyoit mieux en état de fepafîer
de leurs armes. Il faut avoir bien peu d'équité', pour croire que dans
cette fituation des affaires générales, il falloit encore que les Reformez
s'abandonnalïènt aveuglément à la bonne foy des Catholiques qui les
haiflbient , Se d'un Confèil qui fe moquoit d'eux : & pour les condamner
d'avoir pris quelques précautions contre l'infidélité, dont ils avoient fait
tant de fois de funefles expériences. Au fond puis qu'après tant d'inftan-
ces & de Ibllicitations ils obtinrent fi peu de chofe , il eft ailé de juger
qu'on leur eût encore accordé moins , s'ils avoient témoigné moins de re-
folution &c moins de confiance.
Mais
DE LA PREMIERE PARTIE.
Mais dans le troifiéme état , après avoir obtenu un Edit&des furetez,
il femble que la continuation de leurs inftances n'avoit plus d'excufes -, que
lapaiîîon qu'ils conferverent de le maintenir dans les Villes de fureté, ôc
d'en augmenter même le nombre j que les Requêtes de leurs Afîemblées
Politiques , & de leurs Synodes Généraux j que le renouvellement & le fer-
ment de leur Union , & d'autres pareilles démarches n'avoient plus de pré-
texte légitime. L'Edit vérifié dans tous les Parîemens du Royaume s'ob-
(èrvoit par tout > le Roy expliquoit d'ordinaire en faveur des Reformez les
difficultcz qui fè prefentoient lur fon exécution ^ il fe fervoit d'eux de bon
cœur 'y tous les Etrangers Proteftans étoient dans fon alliance. Il femble
qu'après cela cet efprit défiant qu'ils faifoient paroître en mille rencontres
n'étoit plus tolerable j & qu'il pouvoit autorilèr les Ibupçons qu'on avoit
de leur humeur inquiète &: fa£lieufe. Mais l'Hiftoire donne de quoy re-
pondre à cette Ipecieufe objection. Il ne faut fiiire que deux confidera-
tions 5 pour montrer que comme ces défiances n'étoient pas fans fondement,
les précautions qu'elles confeilloient n'étoient pas illégitimes. La pre-
mière de ces coniiderations efl tirée des chofes prefentes -, &c la féconde eft
prife de l'avenir.
Le prefent même n'étoit pas fi tranquille pour les Reformez , qu'ils
n'euflent tous les jours de nouveaux prefages d'une décadence prochai-
ne, dont la conftitution des affaires les menaçoit, s'ils ne fetenoient pas
fur leurs gardes. Les altérations faites à pluiieurs articles de l'Edit par le
Roy même, & de fi feule autorité, dans l'unique vue de complaire au
Clergé & aux Parlcmens , n'étoient pas fi légères , quoy qu'on en dit ,
qu'elles ne fuflènt au moins fuffilantes pour montrer que le Roy, d'ail-
leurs Il jaloux de fa parole, avoit laille prendre far luy un puifiantafcen*
dantaux Catholiques. Ceux qui avoient pu l'obliger à violer neuf arti-
cles d'un Edit négocié avec tant de longueurs, & conclu avec tant dcfo-
lennité , pouvoient bien quelque jour le difpofcr par leurs artifices à
éluder le refte de ks concefîîons. D'ailleurs l'excès de fa complaifance
pour le Pape -, la paflion de régner dans les Conclaves , 8c defe faire des
amis & des Créatures dans la Cour de Rome -, fon alliance avec une
Princefîe Italienne , à des conditions fecrettes que le Pape avoit didées 5
le métier de Controverfifle & de Convertifleur dont il faifoit gloire ;
l'affront qu'il fit recevoir à Fontainebleau à du Plellîs, l'un de lès plus
anciens & de fes plus fidèles ferviteurs -, & plufieurs autres chofes fem-
blables , donnoient lieu de craindre qu'à la fin fon cœur ne s'aliénât tout
à fait des Reformez : & qu'il ne devint capable , dans quelque affaire im-
pôt-
PREFACE
portante, d'en faire tout d'un coup un plein facrificc à la Religion Ro-
maine. Cela étoit d'autant plus vraifemblable , qu*on raccufoit d'inconftan-
cc dans Tes amitiez -, & qu'il manquoit à Tes héroïques qualitez celle de
reconnoiilant. Encore donc que lefouvenirdesfervices que les Reformez
kiv avoient rendus ne fût pas entièrement étoufféj le tems en pouvoit venir à
bout, hts années pouvoient rendre fenfible aux craintes des peines d*u-
ne autre vie, un Prince dont la vie avoit été fort peu régulière ^ & qui
même, pour dire la chofe telle qu'elle eft, avoit porté la débauche à de
grands excès On fe racheté de ces terreurs à quelque prix que ce foit,
quand elles troublent une fois la confcience. On ne fe fouvient ni de fervi-
ces ni d'amitié , quand il s'agit de fe precautionner contre la mort éternelle.
Quand il ne faut qu'une vicVimc pour s'en délivrer , on ne regarde point ce
qu'en coûte le facrifice. Le rappel qqs Jefuites , où le Roy fe laifla por-
ter par la feule crainte de leur couteau, contre le defir de tous les bons
François, & tout évidemment contre l'interét des Reformez , faifoit
voir quelle force la crainte avoit fur luv; & ce qu'il étoit capable de faire,
pour fe mettre à couvert de l'aflalTinat. Mais le crédit que cette pernicieufe
fe£be prit à la Cour, auffi-tôt qu'elle y eut mis le pied j la complaifance
aveugle du Roy pour le Jefuite Cotton , qu'il élut pour fon Confcfleur;
la tolérance qu'il avoit pour les fraudes, les attentats , les perfidies de ce
fcelerat, qui comme s'il eût été bien affùrc qu'on n'oferoit l'en punir , ne
iè donnoit prefque pas la peine de les cacher j la foiblellè qu'il eut de luy
confier l'éducation du Dauphin -, & celle qui l'obligea d'accorder fon cœur
à cette Société , pour en faire un ornement de l'Egliié de la Flèche , donnè-
rent encore de plus légitimes fondemens aux défiances que les Reformez
prirent de luy. Il y en avoit afîcz pour obhger des gens que tant d'expérien-
ces avoient rendu fages, Sz qui avoient été fi fou vent châtiez de leur cré-
dule fimplicité, à garder bien ce qui faifoit leur fureté j afin d'avoir de
quoyfe défendre, fi on vouloitrenouvelîer contre euxun jour les inj ufl:i-
ces&: les violence s.
Mais l'avenir exigeoit d'eux principalement qu'ils veillaflent à leur con-
lèrvation. Le Roy pouvoit mourir. On faifoit de fréquentes confpira-
tions contre fa vie. Sa lànté même étoit aflez fouvent interrompue par de
fâcheux accidens. Quand il auroit pu vivre encore vingt ou trente ans, &
conferver afiTcz de vigueur dans une extrême vieilleilé pour maintenir
Tes Edits, ce n'étoit enfin que vingt ou trente ans de patience, après quoy
il de voit à la nature le même tribut que le reftc du genre humain. Mais on
voyoit les chofes fe préparer pour ce tems-là d'une manière à faire crain-
dre
DE LA PREMIERE PARTIE.
drede grandes révolutions. Les Jefuïtes auroienteu letemsde s'emparer
des affaires , & de corrompre les cœurs par leurs deteftables maximes.
Un Roy élevé par leurs mains, èc nourri par eux dans la haine pour les
prétendus Hérétiques , & dans les plus balles pratiques de la fliperftition ,
faifoit peur aux Reformez , comme un Prince qui ne fe piqueroit pas d'ob-
fèrver fidèlement les Edits. Une Reine Italienne de naiffance , Efpagnolc
d'inclination, imbuë delà Politique de Rome, perfiaadée que les Refor-
mez pouvoienr ébranler la fortune de fcs enfans, & appuyer contre leurs
intérêts tout autre Prince qui voudroitfè mettre à leur tête , étoit unerai-
fbn nouvelle de s'attendre à quelque fâcheufe révolution. Les projets
d'une double alliance avec la Maifbn d'Autriche > à la vérité peu écoutez
du Roy , mais fort agréables à la Reine , appuyez de la Cour de Rome ,
pouflèz par les Jefuïtes , par les Ligueurs, par ceux, qui recevoient de
l'argent d'Efpagne , étoient une autre railbn de penfcr à l'avenir, &
de prendre des mefiires contre les furprifes. Le Dauphin étant encore au
berceau , il n'y avoit pas de quoy s'étonner que le Roy ne prêtât pas l'oreil-
le aux propofitions d'une aUiance û hors de fàilbn : mais il pouvoit chan-
ger d'avis , quand (on fils leroit parvenu à l'âge convenable pour le maria-
ge : & au fond le Roy venant à mourir , laifîoit une Cour qui afpiroit toute
entière à cette alliance des deux Couronnes, que les Reformez ne pou-
voient regarder que comme funefle à leurs Eglifes. Il ne faut pas dire que
c'étoient là de vaines terreurs : l'événement les a toutes jufîifiées. La
mort du Roy, l'alliance d'Efpagne, l'engagement de Louis XIII. dans
la fuperftition , fa haine naturelle pour les Reformez , fa déférence aux
confeils des Jefuïtes-, tout ce que les Reformez avoient pu craindre arriva
prefque en même tems j & avança par degrez la décadence de ce party qui
n'avoit plus de Protedeur.
L'Hilloire donne des preuves de tout celaj & fait voir clairement que
tous les évenemens de la vie de HemilV. & toute la conjondure des affai-
res menaçoient les Reformez d'une prochaine defolation, i\ fe tenant à leurs
anciennes maximes de tout croire , de tout elperer , de ne fe défier jamais de
la bonne foy d'autrui^ de ne prendre pour bouclier que la fimplicité, la fran-
chilé & l'innocence > de ne penlér à l'avenir qu'avec une refignation lans
prudence , ils ne prenoient de meilleures furetez qu'ils n'avoient Fait avant
les maflàcres. Je conclus de là que les craintes des Reformez n'étant
que trop bien fondées, il y a de l'injuftice à les accufer de ce qu'ils ont
pris des mefures pour s'en guérir : & puis que le tems a fait connoître qu'ils
n'en avoient pas encore allez pris , ce qu'on en peut conclure efl: qu'ils
Tome 1. h avoient
P R E F A C E &c.
avoient aflez de prudence pour prévoir le mal 5 mais qu'ils n*ont pas euaA
fez de bonheur pour le prévenir.
Au refte j'avertis qu'il ne fera pas impofïïble que j'aye fait quelque fau-
te à la date des années , dans le premier livre de cette Partie. La coutume
de commencer Tannée à Pâques n'ayant ceflé que fous Charles IX. je
ne me fuis pas aflùjetti à compter les années félon cet ufage -, mais aufîî je ne
Tay pas évité. Il a donc pu arriver que j'ay raporté fous la date d'une an-
née, ce qui félon la coutume du tems devoit être mis fous la date de la
précédente. Si je me fuis difpenféd'y prendre garde, maraifon eft que
dans un abrégé aulfi court que celuy que je fais dans ce premier livre , une
fèmblable erreur de date , qui renvoyé au commencement d'une année ce
qui appartient à la fin de l'autre, ne peut tirer à confequence. J'auroisété
plus exadt, ii j'avois traitté cette partie de l'Hiftoire d'une manière plus
étendue.
L Epître du célèbre Jaqties Augufte de Tkou au Roy Henri IV. qui
fert de '^Préface à Jon Hijioïre , ayant toujours pajjé pour une pièce achevée y
é^ non Ji ulement pour un des quatre écrits de cette nature qui ont le plus mé-
rité l^ approbation dts Comioijftîtrs , mais pour un monument autentique
des ftntimens oîi tous les honnêtes gens de fa Religion étoïent de f on tems
touchant la violence ér la perfecution , /// a eu beaucoup de per formes qui
ont e^iim? que cet Ouvrage avoit quelque affinité avtc le mien , o" que
j* obliger oi s le LeBeur , jï je luy en donne is une verjïon Jidele. J'ay déféré à
leur avis. Je donne icy cette ^Préface traduite par une perfonne q^ui eft ca-
pable de plus que d'uîie ïraduciion. Elle eft aujji literale qu'elle peut l'étrcy
fans parler Latin en François : & fi on a pris quelques libertez , peur
donner plus de clarté aux chofes que le tour de l'expreffion^ & la longueur des
périodes pouvoient un peu embrouilltr , elles 71e font pas telles qu'on les
puiffie rendre fufpe^es de la moindre infidélité.
EPI-
EPITRE DEDIGATOIRE
D E
JAQJLJES AUGUSTE DE THOU
,A U R 0 V
HENRI IV.
Servant de Préface à fon Hiftoire.
SIRE,
-^^^s^t^i^^g Ors que je me fuis mis à
'\) ff/'^^^^ écrire l'Hifio'tre de notre
l Ouvrage que j entrepre-
yj^ mis ne juanqueroit pas de
^^' m'atîirer diverfes cenfu-
res 'y m.iis je m'en fuis confole , parce que
je me fenîois uniquement engagé dans ce def-
fein par le mouvement d'une bonne confcien-
ce ; fans ji être porté par des vues d'ambi-
tion ou de vaine gloire. D'ailleitrs j'efperois
que les haines venant a fc refroidir avec le
tems , l'amour de la vérité reprendroit un
jour le dejfus : ce que je pouvais attendre
fur tout fous le Règne de Votre Majefié; qui
ajant par une faveur toute particulière du
Ciel étonné les monfires des rebellions , c^
éteint les femences des fanions y a rendu Li
faix à la France j & avec cette paix a fait
voir alliées deux chofcs qu'on croyait incom-
patibles, je veux dfre la liberté & la fou-
veraine puijfance. D'autre <4té j'ay mis U
main à cet Ouvrage, dans uniems-oii je
voyois avec douleur que les caufes de la guer-
re étoient attachées aux intérêts de quelques
particuliers ambitieux ; & que le Confeil
qui prefidoit fur les affaires publiques, notts
otoit toute efperance de paix. C'eïi pour-
qitoy fay cru qu'il métoit d'autant plus per^
mis de dire libremetit les chofes comme elles
etotcnt , en tachant néanmoins de n offenfet
perfonne. Mais avec le tems cet Ouvrage
qta avoit été commencé dans les armées, an
milieu du bruit & des ravages de la guerre >
s'étant accru dans votre Cour , cjr enfn ayant
été continué jufquau Règne de Votre Ma~
jejlé , parmi les foins du Barreau , les
voyages & les autres affaires , je me fuis
trouvé dans des difpofuions fort différentes
des premières. Alors mon cfprit appliqué ^
coiifderer la divcrfté & l importance des
chofs que j'avais a décrire, (^cherchant
un fouligement à la douleur que je reffentois
des mifcns publiques^ s'eit donné tout en-
tier a cette occupation ; & j'ay commencé ^
craindre que ce que favois écrit pendant le
bruit des armes , & qui pour lors était peut-
être capable de plaire , ou du moins d'être
excufé, ne vint a déplaire, & même a cho'
qucr quelques perfonnes chagrines & diffici'
les , à prejent qut les chofes font pat i fées.
Tel eH le défaut de l cjprit humain , qu'on
cH plus enclin à mal faire . qu'à fupporter
le récit ou le reproche du mal qu'on a fait.
Mais fins în arrêter à cela , puis que c'efi le
premier devoir d'un Hijlorien de ne rien dire
de faux , c^ qu'en fuite il ne doit point
craindre de dire ce qui ejî vray , je me fuis
h z efforcé
e for té de tirer la vérité Ae dejfous lesobfcu'
rite'^ où die dtmctire fouvent cachée i ^
quclqtiefois comme profondément ahiniée , à
caufe des haines qui régnent entre les partis.
Après l'avoir recomm'é , fav travaillé à U
tranfmeitre fidtlcment à la pcflcrité j &
jay cm que fi dans une fi ji-fie caufe je
manquais à ce devoir par une affettation de
faujfe prudence , je ferais tort a ce rare bon-
heur de votre temSi oùilcsl permis a cha-
cun de penfer ce qu'il veut , & de dire ce
qu'il penfe. Tour ce qui me regarde -, je
niaffùre que ceux qui connoiffent à" moy &
ma manière de vivre , favent combien je
fuis éloigné. de la diffimulation\ & je nay
^as mené une vie fi cbf me , que i innocence
de ma conduite n'ait pu parotire par des ac-
tions publiques , même aux yeux des moins
équitables. Depuii que votre valeur & vô-
tre clémence nous ont réconcilie? en pacifiant
nos dijferens , j'ay telkment oublié les inju-
res pirfonncUcs qnon pouvoit m' avoir faites,
& fen ay fi bien étouffe le reffentiment , tant
en public qu en particulier , que je fuisper-
fuadé qu'en ce qui regarde le fouvenir des
chofes paffees , on n'aura pas fujet de me
reprocher que je manque d équité ni de mo-
dération, y en prens même à témoin ceux
que je nomme fotivent dans cet Ouvrage ,
qui s'ils ont eu be foin de moy dansl'cmploy
dont Votre Ma je fié m'a honoré ^ m'ont tou-
jours trouvé difpofé à leur rendre fervice
avec toute l'intégrité poffble. Ce que les
bons Juges doivent donc faire lors qu'ils déli-
bèrent fur la vie & fur les biens des homme Sy
j'ay taché de le faire en écrivant cette Hifioi-
re, J'ay confultéma confcience , pour voir fi
elle n'étoit point trop fenfible a rien qui pût
m' emporter hors du droit chemin que je m'é-
tois propofé de fuivre. J'ay adouci l'aigreur
des chofes par mes expreffions autant que
j'ay pu ; j'ay faf^endupar tout le jugement
qtie j'en pouvais faire; j'ay évité toutes les
digreffwu j je me fuis fervi d'une manière
d'écrire nué&fimple , peur me montrer auffi
exemt de haine & de faveur , que de degui-
fement & de vanité. Je demande a mon
tour tant a nos François , qu'aux Etrangers
qui pourront lire cet Ouvrage , qu'ils n'ap-
portent point de préjugé à cette lectbre , &
qu'ils n'en donnent Uur jugement qu'après
qu'ils l'auront achevée. J'avoue que ce que
j'entreprens est au delà de mes forces ; & je
ne nie pas que pour le bien exécuter , il ne
f allât avoir bien des qualitez, qui me maU'
quent : mais le bien public , & l'ardent défit
de rendre fervice à mon fiecle & a la pcfie-
rite, l'ont emporté fur toutes les autres con^
fiderations ; & pour fatisfaire cette paffioiîi
j'ay mieux aimé m'expofer àpaffer pour te-'
meraire que pour ingrat. Au refie je ne me
mets pas tant en peine de ce qu'on penfera
de ma bonne foy , au fujet de laquelle je
nay rien a me reprocher ; ni de ce qu'on
pourra juger de mon habileté j dont les dé-
fauts trouveront des excufes , comme je l'ef-
pere , dans vôtre clcmence , & dans la
candeur des Lecleurs •, que je crains que U
plupart des chofes que j'écris ne paroiffent
enuuyeufes a prefque tous ceux , qui étant
comme il leur femble hors de danger , re-
gardent les malheurs d'autruy ou fans équité^
ou fans y prendre intérêt. Outre tous les
maux qui affligent ce fiecle ennemi de U
vertu , // tft encore travaillé des differens de
la Religion , qui ont agité tout le Cbriftia-
nifme depuis près de cent ans ; & qui y eau-
feront encore de nouveaux ravages à l ave-
nir , fi ceux qui ont le principal intérêt à les
faire ccfier , n'y apportent des remèdes con-
venables ^ autres par confequent que ceux
qu'ils ont employC^jufquicy, Car l'expé-
rience nous apprend ajjf:^ que le fer , les
feux , l'exil , les profcrtptions , font plus
capables d irriter , que de gucrir un mal qui
A fa racine dans l'efprit , ér qui par cette
raifon ne fe peut fouUger par des remèdes
qui nom d'effet que fur le corps, il n'y er} a
poim
point de phu utiles pour cela qu'une bonne
do^rine , & une fiinte ïnjiru^ïon, qui
s'infwuë aifcment dans l'amey quand elle y efi
verfée par la douceur. Car au lieu que tou-
tes les autres chofes s'établijfent par l'antorné
fouverahie des Magijirats & du Prince, la
Religion feule fie dépend ^as d'un comman-
dement. Elle nentre dans Ls efprits , que
i^itand ils y font bien prépare":^ par le préju-
gé de la verué , aidée par le jtcours de l'Ef-
prit de Dieu, Les fupplices ny fervent de
rien ; cs" au lieu de fléchir le cœur ou de l a-
battre , ils ne font que le roidir & le rendre
plus objliné. Ce que les Sîoiques ont dit de
leur Sagejje avec tant de fafie , nom le pou-
vons dire à metlkur titre de la Religion, Les
îourmens & U douleur paroiffcnt légers a
ceux quelle anime. Ils étouffent le fentiment
de toutes les incommodité? -, par la confiance
que cette prcrention leur infpire. Rien de ce
quil faut foiiffrir pour elle ne leur fait peur.
A quoy que l'homme, foit fuj et , ils ne fe plat-
•gnent point delendurer. Quelque connoif-
ftnce qu'ils ayent de leurs forces , ils fe
croyent capables de tout fupporter , pendant
quils s'afurent que la grâce de Dieu les ap-
puyé. Oiftls voyent le bourreau à leurs côfe':^
qu'on étale devant leurs yeux le fer & les
flames , ils nen feront pas ébranlez,-, &
fans fe mettre en peine de ce qu'ils auront à
foi{jfrir , ils ne [ongeront qua ce quils ont a
faire. Us poffcdent au dedans d'eux ce qui
fait leur félicité ; & tout ce qui vient de de-
hors leur paroit léger, & ne fait, pour ai nfi
dire-, qu effleurer la peau. Si Epicure , dont
la Pbilofopbie eft d'ailleurs f dccriée chez, les
autres Fhilofophes , a dit du Sage, q'.'.e quand
il ferait dans le taureau ardent de Pbalaris ,
Une laifferoit pas de s'écrier. Cela m'cft
ngrenblc; je ne piens point d'iiitcrct au
mal qu'on me fait: croit-on que ceux-là euf-
fent moins de courage , qui depuis près de
cent ans font péris pour la Religion par diver-
fes fortes de fupplices r" Ou que les autres en
auront moins à t avenir , fi on perfevere dans
ces cruautez. f Ceft une chofe digne de re-
marque , que ce que dit , & que fît l'un
d'eux, lors qu'on le lioit au poteau oiiilde-
voit être brûlé. Il fe mit à genoux , (jr com-
mença a entonner des Hymnes , qu'à peine U
fumée & la flame purent interrompre ; &
apercevant que le bourreau mettoit le feu par
derrière, de peur de l'effrayer , Vien, luy
dit-il , ik l'allume par devant ; car fi j'a-
vois craint le feu je ncfuois pasicy , puis
cju'il n'a tenu qu'à moy de l'éviter. Cesi
donc en vain qu'on prétend de reprimer pat
les tour mens l'ardeur de ceux qui tachent
d'introduire des nouveautez. dans la Religion:
cela ne fait que les affermir , & les rendre
capables de fouffrir & d'entreprendre de plus
grandes chofes. Ouand des cendres de ceux
qu'on a fait mourir il en renaît de nouveaux-^
& que le nombre devient fins grand , la pa-
tience fe change en fureur : au lieu de de-
meurer fupplians , ils deviennent preffans é*
importuns ^ & fi d'abord ils avoient fui les
fupplices , ils prennent enfn les armes volon-
tairement. C'eH ce que nous voyons en Fran-
ce depuis plus de quarante ans , & ce qu'on
a vu au Pais-Bas depuis un peu moins de
tans. Les chofes font enfin venues à de fi
grandes extremitez. , que ce feroit inutile-
ment qu'on efpereroit d'arrêter le mal par le
fupplice d'un petit no7nbre , comme on a pu
le faire peut être au commencement. Défor-
mais qu il est répandu fur des peuples & des
nations entières , à" même fur toute l Euro-
pe , il nefl plus a propos d'employer Vépée dit
Uagifirat • il faut celle de la parole de Dieu
pour y apporter du remède : car cettx qu'on
ne peut plus contraindre , tlfaut tâcher de les
attirer doucement à des converfations modé-
rées , cr à d'amiables conférences. C'eff ce
qui avoit obligé St. Augi<ftin à y convier par
une de fes lettres Proculien , Eve que du par-
ty Donatifle. Jl prioit même Denat, Procon-
jul d'Afrique , qu'on ne fit point mourir ceux
fo 5 de
de cette fecte ; parce qu'il ejl'imoit bien con-
vcnabU À ceux qui fuirent la vraje Religion^
de demeurer conjUns daus leur pcrpettielie
refoluuon , de jurmefiter le mal par le bien.
Il dit dans le même fens , écrivant au Gou-
verneur Cecilien , qu'il vaut mieux guérir
l' enflure de leur furilege vanné en les inti-
midant , que de la retrancher par des fup-
plices. Aufft ajomc't-il dans cette belle Epî-
tre qu'il écrit a Boniface , que dans ces [dit f-
mes ou il ne s'agit pas de la perte d'une ou de
deux perfonnes , mais où il y va de la ruine
des peuple^ eniien , il faut relâcher quelque
chofe de la feverité , & prévenir de plus
grands maux par la chanté, Sentimens qui
ont fi fort prévalu d.ms l Eglife , que dans le
Décret de Gratien on Us trouve une ou deux
fois. St. Augujlm donc qui avait l efprit doux
était de ce fenîimenl^ que le cours de ces fortes
de maux ne fe doit pas arrêter par la rigueur^
far la violence , par l'autorité ^ qu'on avan-
ce plus par les inftruciions , que par les com-
mandemens ; par les avis modtriz. , que par
les menaces : que c'eïl ainfi quil faut agir
lors que c'eft la multitude qui pèche, & qnon
lie doit ufer de feverité , que lors qu'il n est
quejiion que d'un petit nombre. Que fi ceux
qui en ont l'autorité font obligez, quelquefois
d'employer les menaces ^ ils le doivent faire
avec regret , & ne faire peur de la peine que
far des paff.iges de l'Ecriture ^ afin de faire
plutôt craindre Dieu qui menace par leur
bouche , que de fe rendre eux- mêmes redou-
tables par leur propre puiffj,nce ^ comme il le
dit dans l'Epî'.re à l Eveque Aurelius. Et cer-
tes il faut confcffer , qu'il n'y a point dans tous
les monumensde la faine antiquité d' exem-
ples approuvez, du fupplice des Hérétiques ;
& que l'ancienne Eglife a toujours eu en hor-
reur l'ejfufton du fang ; ou fi on s'eft porté
quelquefois à cet excès , les Eveques qui
iivoient une véritable pieté l'ont detcflé hau-
tement. Cela parut dans l'affaire de Prifcil-
lien , qui ayant épandu dans les Gaules , &
fur tout dans V Aquitaine , le poifon de f<t
mauvaife doctrine y fut puni du dernier fup-'
fltce avec fes feciateurs dans la ville de Trê-
ves ^ vers l'un ^ii^. de]. Chki ST. il y fut
condamné par Maxime , d'ailleurs affei bon
Prince , mais qui avait tifurpé l'Empire fur
Grauen , quil avait fait mourir a Lion\
quoy que St. Martin eût tiré parole de l'Em-
pereur qu'il ne conclurait rien de fanglant
contre les coupables , é" qu'il eût fortement
exhorté Itactus & les autres Eveques à defif-
ter de leurs accufations. Auffi tous les autres
Eveques de fapprouverent- ils cette procédure
comme très mauvaife ; & quoy qù'Itacius
devenu plus avife après le mal commis , &
cragnant que le reproche n'en tombât fur luy,
eût tâché en vain d'échapper , ;/ ne laifjâ pas
d'être condamné par Theoguijie. Ce ne fut
même qu'a l'extrémité & comme pur force^
que St. Martin confentit d'entretenir cammU"
won avec le party des Itaciens. De même St,
Ambrotfe qui fut envoyé en ce tems-la vers
Maxime par l'Empereur Valeniinien II. frère
de Graticn qui avait été tué ■> témoigne dans
fa relation » que pendant qu'il fut a Trêves
il s'abftmt de la communion de ces Eveques
partifans d'Itacius , qui voulaient qu'on pu-
nît de mort les Hérétiques. Et lors que ces
Eveques furieux eurent porté Maxime a en-
voyer en Efpagne des Commiffaires armez.)
avec plein pouvoir de rechercher les Héréti-
ques , & de procéder contre eux jufqu'â la
confifcatian de leurs biens, & au dernier fup-
plice, le même St. Martin obtint de luy qu'il
révoquât cet ordre inhumain : tant ce bon
Eveque avait a cœur non feulement de can fer-
ver les chrétiens > qu'on eût pu tourmenter
fous ce prétexte , mais aujjt de délivrer les
Hérétiques ; prévoyant bien que cette tempê-
te -, fi on ne la détournait , emporterait une
grande quantité de fidèles. Il y avait alors en
ejjet peu de différence fenfible eîïtre les Or-
thodoxes & les Hérétiques , defquels on fai-
foit le difcernement plutôt far la faleur du
vifa-
rifage & par thahit , que par U diverfité
des fenîtmens. Au refie l'berefte qui avoit
fris racine pendant la vie de PnfciUicn , ne
fut point réprimée par fi }nort: au contraire
elle s'affermit) & je repandit davantage -y &
(es fixateurs qui l'avoitnt honoré d'abord
comme un Saint , vinrent a le vénérer com-
me un Martyr ,' aj/ant rapporté en Lfpagne
fou corps y & ceux des autres quon avoit jait
mourir avec luj , & leur ayant fuit de ma-
gnifiques oh fe que s. Us poujjtrcnt tnéme leur
fuperjlitiûnfi avant , qu'ils regardèrent com-
me le ferment le plus religieux ctliij qu'ils
faifoienîpar le nom de PrifciUien. Il s'tnfui-
vit de là une fi longue divifion entre les Evê-
qucs des GaiiUsi qu'après plus de quinz.e ans
de guerre y à peine put-elle être ajfoupie ; le
peuple Chiêiien ô' tous les gens de bien étant
cependant expofct. à lu raillerie-, & a l'inful-
te des ennemis de la Rtlis^ion. Toittes les fois
que je lis ceU dans Sulpiie Severe -, qui a
écrit des affaires de fon tems avec autant d'é-
legance que de bonne foy , je me remets en
mémoire l'état des chofes tel qu'il éioit en mon
enfance ^ lors que les mouvemens de la Reli-
gion étant funenus-, on marquait de l'œuil
comme digne de la mort une Vifinite de per-
fonnes , f.ifpecles non par leurs mœurs ou par
leur conduite paÇjée , mais pur l air de leur
vifage , & par la minière de leurs habits.
Alors la chaleur des difputes, la haine, la fa-
veur-, ta crainte-, l'imovflance-, laparcffcy
l'oifiveté , l'orgueil de ceux qui avoient le
maniement des affaires-, dechiroient le Royau-
me en factions, cr niettoicnî la Religion mê-
me dans un danger évident , par Us troubles
& les agitations de l'Etat. Depuis le tems de
St. Mirtin , on eut plut de modération dins
l'Eglife pour les dévoyez, de la Foy. On fe
contenta de Us bannir-, ou de Us mettre a l a-
mende \ m.iis on épargna toujours le fang.
De forte que l'an 1060. quelques-uns des
fe^atetirs de Berenj^ir Archidiacre d'Artgcrs-,
ayant fcmé fa do^rme dans le pais de Liège,
de Juliers , & en d'autres endroits des Tais-
Bas , Brunon ArcbevCijue de Trêves fe con-
tenta de Us chaffer de fon Diocefe , mais il
ne les fit pas mourir. L'Eglife nufa point de-
puis cela de plus grande feverité jufquaU
tetns des Vaudois ; contre le f quels Us plus
cruels fupplices ayant été inutilement mis en
tiftge , & le mal ne faifant que s'augmenter
par ce remedcidont on s'étoit ftrvi mal a-pro-
pos , on leva de puiffantes armées contre eux,
& on leur fit une guerre d'auffi grande con-
fequence , que celle qu'on avoit eue aupara*
vant contre Us Sarrafms. Tout l'effet que
cela prodmfit , fut qu'ils furent plutôt taiUe7
en pièces , chafit?-, depouille7de leurs biens
& honneurs , dtjperjez. de tous côtcz., que
convaincu de leurs erreurs , & ramené? an
giron de l'Eglife. Enfin Ci'smiferables qui
avoient eu recours aux armes pour fe deffen^
dre , ayant été eux-mêmes vaincus par Us ar-
mes , s'enfuirent dans la Provence-, & dans
cette partie des Alpes qui est voifine de nôtre
Trame • oii ils trouvèrent une retraitte pour
eux & pour leur doctrine. Une partie fe re-
tira dans la Calabre , où ils fe maintinrent
Ung^icms , même jufqii'au Pontificat de Pie
1 V. Une autre partie p^iffa en A llemagne , &
s'établit dans la Bohême , dans la Pologne &
da;is la Livonie ; & d'autres enfin fe tour-
nant du côté d Occident i fe retirèrent en An~-
gUtcrre : & on croit que de ceux-cy esi forti
Jean Wiclef , qui après avoir enfigné long-
tcms la Théologie à Oxford , & y avoir eu
bien des difputes & des contentions fur la Re-
ligion , mourut enfin d une mort naturelle , il
y a environ 500. ans : car ce ne fut que Icng-
tems après fa mort , q?:e U M.rg'Jîrat s'uvifa
de hy f^irc fon procès , & defiire brûler fes
os pubUqiu ment. Depuis d a paru pluficurs
autres fiâes jufqu'à notre tems -y ou après
avvi.- malheureufement cffayé la ftvirité des
fupplices , on en esi venu des dtfptites à des
guerres ouvertes ^ é" a des foulevemens en-
tiers dépeuples ; comme il efi arrivé en Alle-
magne ,
magne, en Angleterre & en France. Il fe-
roit mal-aiféde dire lequel y a le flusfouffert
de dommage , de la tranqttiU'ué publique , ou
de la Religion^ le fchijme s' étant formé-, &
i étant affermi , pour avoir été trop long-îems
négligé pur ceux qui pouvaient & qui dé-
voient y Apporter du remède. Au refie je ne
dis point cecy pour remuer de nouveau cette
qucflion qu'on a tant agitée, fi l'on doit punir
de mort les Hérétiques. CcLi ne convient ni
au tems ou nom fommes , ni a ma profcffion.
Je riay pour but que de faire voir , que les
Princes qui ont mieux aimé terminer amia-
blement, & même a des conditions defavan-
tageufes, que par la force des armes^ les guer-
res caufées par la Religion , ont agi prudem-
ment , & conformément aux maximes de
l'ancienne Eglifc. C'est ce que comprit fort
bien l'Empereur Ferdinand, Prince très fige,
qui ayant appris dans les grandes & longues
guerres ou il avait été exercé en Allemagne
fous fon frère Charles- quint, combien avaient
mal rcuffi les armes qu'on avait employées
contre les Protefians , ne fut pasfi-tot parve-
nu à l'Empire , qu'il établit la paix de Reli-
gion par un Décret folennel, qu'il confirma
encore depuis a diverfes fois. Et parce qu'il
avait remarqué que les affaires de la Religion
s' accommodoient mieux par des conférences
amiables, comme il en avait fait lejjai aux
Diètes que fon frère avait tenues à Ratisbone
& à normes , il refolut un peu avant fa
mort , & immédiatement après la célébration
du Concile de Trente , de fuivre l'avis de fon
fils Maximilien , Prince de très-grande pru-
dence ; & afin de fat is faire les Protefians qui
ne s'étaient point trouvez, a cette AjJ'emblée ,
il voulut bien leur accorder encore une confé-
rence nouvelle y & choifitpour cet effet Geor-
ge Cajfander , homme également favant &
modéré , afin d'examiner amiablement avec
les Docteurs Protefians , les articles de la
Confcffion d'Ausbourg qui étaient en difpute.
Mais la mauvaife faute de ce bon perfonnage.
& la mort précipitée de l'un & de l'autre ,
privèrent l'Allemagne des fruits qu'on avait
fujet d'en efperer. A l'exemple des Allemans,
les Grands de Pologne firent le même regle-_
ment dans leur pats. Mais Emanuel Philibert
Duc de Savoye, après qu'il eut été remis enfes
Etats, a la faveur de l'alliance qu'il avoit faite
avec nous , s étant engagé mal-a-propos dans
une guerre dommageable avec les habitans
des Valées de Piémont-^ fait qu'il eut pris cette
refolution pour faire parler de luy en Italie »
foit qu'il voulût fiire plaifir à d'autres, mê-
tne àfes dépens^ il repara bien-iôt cette faute
en changeant d'avis , & accorda liberté de
confcience a ces pauvres peuples, de qui la vie
était d'ailleurs innocente ; & garda toujours
depuis religteufcment la paix qu'il leur avait
donnée. Je viens à prefent a ce qui nous re^
garde, & je vais mettre le doigt fur iineplaye
fi délicate , que je crains de ni attirer des af-
faires pour avoir eu feulement la penfee d'y
toucher. Mais puis que j'ay commencé , j'a-
chèverai en un mot, & je dirai librement y
puis que cela efl permis fous Votre Règne, que
la guerre n'ejl pas un moyen légitime de re-
médier aufchifme de l'Eglife. Car les Prote-
fians de ce Royaume , qui pendant la paix
étaient extrêmement diminuez, de nombre &
de crédit , fe font toujours accrus pendant les
guerres, & au milieu des divifians-^ & les nô-
tres ont commis une danger eufe faute, quand
ou par un z.êle indifcret de Religion , ou par
une vaine ambition & un defir de chofes nou-
velles , ils ont fait renaître , au grand péril
de la Religion , & fous des aiifpices funefies a
la France , une mortelle guerre tant de fois
finie é" recommencée. A quoy fervent les pa-
raies ? La chafe parle d'elle-même. Apres
bien des troubles, pendant lefquels ils s'étaient
faifis de pliifteurs villes en divers endroits du
Royaume , la paix s" étant faite f« 1 565 . ^
les villes étant rendues, ne fut-ce pas une chafe
merveilleufe devoir tout d'un coup la tran-
quillité fe rétablir : & combien ce calme qui
dura,
dura quatre ans fut agréable aux bonnes âmes ,
& avantageux à la Religion , qui fe trouva
dans une grande fureté, par les bonnes loix q»é-
tablit celuj qui avoit la première Charge de U
Robe {' Loix dont la France n'aura jamais fu-
jet de fe repentir , f\ elle esl capable de les ob-
ferver. Mais par une fatalité ennemie de notre
bonheur , nous nous lajfames de la fureté publi-
que quelles avaient rétablie , & remettant les
confeils de paix , nous nous engageâmes dans
une nouvelle guerre , qui fut également fine fie
& au peuple , & à ceux qui l'avoiem confeiUée.
Ceux qui favem ce qutfe pajfa à la malheur eu-
fe entrevue de Bayonne, entendent bien qui font
ceux dont je veux parler : car depuis ce tems-la
tout fe tourna chez, nous a i artifice & à la guer-
re , par nilufion que nous fit la fr.aide des
"Etrangers. Ce fut alors que le Duc d'Albe étant
envoyé en Flandres avec une puijjante armée ,
èîd pretnierement l'Autorité à la Duchcjfe de
Varme-, qui avait toujours gouverné ces Provin-
ces avec une grande modération. En fuite il
porta par tout le fer & le feu j il bâtit des Ci-
tadelles de tous cote?', il chargea ces pats libres
d'impôts extraordinaires, pour fournir aux frais
de la guerre ; & ruinant U liberté des villes
opulentes, il les reduifxt à un état pareil a celuy
d'un puijfant corps , a qui on aurait retranché fa
nourriture. Ces confeils violens & précipite?
furent fiiivis du defefpoir , c^ enfin du foulcve-
ment des peuples. Et quoy qu'on ait cru pour
quelque tems pouvoir y remédier , l'if[ué en a
pourtant été telle, que la plus grande (^ la meil-
leure partie de ces Vrovinces, & la plus commo-
de pour la navigation , qui fait la grande ri-
chejfe du pais , s'e^ comme arrachée du rcfle du
corps , é" tjl à prefent gouvernée par les Etats-,
qui depuis ont toujours fait la guerre , même
avec d'heureux fuccés , tant contre les autres
Vrovinces, que contre toute la pui^.ince d'Ejpa-
gne. Pour détourner ce malheur, François Bau-
douin natif d'Ar ras , l*un des plus célèbres Ju-
rifconfulres du tems, avait long-tems aupara-
vant confeillé aux Etats de ces Provinces , de
Tome I.
prefenter Requête à Philippe 1 1. pour luy de-
mander la liberté des Protejtans, qu'on perfecu-.
tait alors par tout, & le fupplttr quH fur fit les
rigueurs des fupplices & de ilnquifnion. Il en
écrivit même un Traitté François, ou il prouvait
par de fortes raijans , qu'on pouvait bien mieux
appaifer ces differens de Religion par des confe^
rences amiables, & par un droit égal qu'on fe-
rait obferver entre ceux qui avaient part a ces
controverfes , que par la force , & par la voye
des armes: au lieu que fi l'on continuait à fe
fervir de la violence , // prévoyait que les farces
des Protejians , qui n'étaient encore que médio-
cres, O' partagées en diverfes fuciions , vien-
draient à fe reunir, & qu'enpn des difputes
verbales an en viendrait aux armes & a la re^
volte. J'allègue d'autant plus librement, & fur
tout 4 Votre Majejlé, ce prefige d'un Flaman
fur les affaires de fan pais, que cet ho'mme ayant
d'abord embrajfela dociri/ie des Protcftans, mais
l'ayant en fuite abandonnée, après une foigneufe
levure des Pères , il garda néanmoins toujours
U même modération d'ijprit ; & au lieu d'en-
trer dans des fenîimens de haine contre ceux
dont il avait abandonné le party , comme font
la plupart des autres , il apprit de fa propre f r-
reur , par un exemple de chanté fart rare juf-
qii'a prefcnt , a être touché de compaffion pour
celle des autres ; é' a tâcher de tout fan pouvoir
de corriger , par un bon ufige de l'antiquité, le
mal que la témérité & l'amour des nouveauté?
avait introduit. Etant dans ces fentimens é^a-
lemenî pleins de prudence (jr de pieté, il repajfa
d'Allemagne en France , ou en ayant conféré
avec le Seremffxme Roy Père de Votre Majefté ,
il n'eut pas de peine a les luy faire goûter. En
fuite de quoy il tint toujours un rang honorable
dans la Cour de ce Prince, il eut quelquefois
part aux confeils , à" fut mis auprès du Prince
votre frère naturel, pour avoir foin de fan édu-
cation. Qu'an ne nous vante donc point le ?êle
de ces gens , qui comme s'ils étaient plus atta-
che':^que nous a la vraye Religion , ont fait fi
long-tems vanité, à deffein de deshonorer le nom
i Iran-
Yrxnco'ut de n avoir jamitis foufcritles Trait-
mz. de pAix avec les Hereriques^ Qu'Us voient
4prefent à qiioj fe font tcrmme':^tous ces beaux
(onfeils ) cr qu'ils pleurent à toifir U perte de
tant de belles Provinces , & la ruineufe diffipa-
tion de leurs propres rkbejfcs. Qu'ils xoudro'iem
À prefent de tout leur cœur avoir été fages com-
me nous , quils blamo'tent autrefois avec tant
d'affectation l Qu'ils racheter oie ut volontiers au
flus haut prix tant d'années qu'ils ont perdues
à leurs guerres civiles , & qui s'ils les avoient
employées contre l'ennemi commun des Chré-
tiens, auroient pu fu^re a le chaffer de la Hon-
grie & des deux Mauritanies , ce qui leur eût
été également glorieux & profitable. Mais il ejl
à craindre que ceîtt imprudence que nom blâ-
mons dans les autres , ne nous puiffe être juge-
ment reprochée : foit par notre propre fureur ,
foit que nou6 y ayons été pouffez, par ces mau-
vais confeillers dont nous venons de parler , nous
avons donné lieu a une infnité de troubles fu-
nejies ; pendant lefquels îious avons vu piller
nos villes , rafer nos Temples , que la fureur
des premières guerres avoit épargne"^, dcfoler
nos Provinces , renouveller les haines que la
faix avoit affoup'tes i augmenter les foupçons-,
relever les armes , qu'on n avoit quittées pour
quelque tems que pour les reprendre avec plus
de violence. On ft a la vérité enfin U paix ;
mais plus elle devait être agréable & precieufe ,
fins elle fut violée par un noir attentat, que nous
devons fauhaitter qui s'enfeveliffe dans un éter-
nel oubli ■■, fentens cette horrible boucherie qui
fe fit deux ans après , dans laquelle peu s'enfa-
lut , Sire , que Votre Majefié, que le Ciel avoit
deftinêe au retabl'ijjement des affaires de la
France , ne fe trouvât enveloppée, A peine
avions-nous évité ce terrible écueil , que dans
ïefpace de deux ans il s'en rencontra plitfieurs
autres , contre lefquels nous allâmes faire nau-
frage avec la même imprudence. La vengeance
divine nous pourfinvit de prés , & punit le cri-
me de la France par la mort de fon Frince ; qui
ayeitfait cette faute plus par le confeil d'autriù.
que par fa propre inclination. Queft en fuite
fon fucceffeur ? Etatit revenu de Pologne > //
n'eut point d'égard aux falutaires avis de l Em-
pereur MaximiUen, & de la République de Ve-
nife , par les Etats de qui il avoit paffé -^ & à
fon arrivée en France , // préféra le parti de U
guerre qu'ils luy avoient deconfeillée , a celui
de la paix que les Proteflans luy demandaient a
mains jointes. Mais s'en étant bien- tôt repenti,
il leur accorda trois ans après un Edit de Pacif-
cation , dont il fe ft depuis toujours honneur >
l'appeUant fon Edtt -^ & pendant fept ans entiers
il y eut une profonde paix , qui ne fut troublée
que par quelques légers mouvemens , & par
quelques courfes de gens de guerre , tantôt dans
un endroit > tantôt dans un autre. Mais il n'y
eut point de pr'ife d'armes importante , jufqua
ce qu'enfin des gens ennemis du repos , ne pou-
vant fouffrir que la France fe paffât d'eux dans
la paix dont elle joutffoit , excitèrent tout-À"
fait a contre-tems une funefie guerre , a k-
quelle ce Roy fe laiffa contraindre par un aveu-
glement fatal , & par les mauvais confeils de
ceux qu'il avoit autour de fa perfonne. Et quoy
qu'il femblât d'abord que ce fût â vous , Sire >
qu'on en vouloit; ce fut pourtant fur luy que
retomba bien-tot tout le faix des armes. Je fré-
mis d'horreur au fouven'ir de ce deteflable par-
ricide, qui a lai ffé un éternel opprobre fur U
France > comme il doit couvrir a jamais de
honte & d'infamie ceux qui en témoignèrent
alors tant de jove^ Ce malheur attroit entraîné
l'Etat & la Religion dans une ruine fans rejfour-
ce , fi par une faveur celejle que nous n'ejperions
pas, vôtre Majeflé , que Dieu qui ve'illoit pour
nôtre faltit avoit refervée â nôtre tems , neut
fcrvi de colomne & d'appiiy a l'Etat ébranlé -^ &
n'eût, pour ainfi d'ire, arrêté par fa vertu U
roué de la calamité publique , qui alloit tout
écraftr par fon mouvement preiipité. En quoy
cependant vous avez, jufltfépar vôtre exemple,
qu'encore que toutes chofa foicnt affujetties aux
loix humaines , // en faut panant excepter U
Religion, qui ne veut être, comme je lay déjà
diti
4it , ni contrainte , ni commandée. Car ayant
été dès votre enfance agité de tant d'adverfite:^y
fendant les guerres civiles ; ayant été comme
affiegéde plifieuïs armées en même tems , après
tant de batailles gagnées ou perdues , lors que
fdr le malheur du tems il était également affli-
geant de vaincre ou dètre vaincu -^ vous ave:^
éiH milieu de cela perfeveré dans vos premiers
fentimens pour la Religion , comme dans un
combat de pied ferme , ou il neH permis ni de
gauchir , ni de reculer. Vous ne vous êtes lai0
ni flatter par l'ejpaance , ni ab.ittre par la
crainte. Mais enfin quand vous ave"^ vu que
tout cedoit à votre valeur , vous vous ê.es rendu
^e vous même aux très-humbles prières de vos
fujets -, & vous étant laiffé vaincre au milieu
même de vos vicaires, vous êtes revenu par un
effet de la Grâce À la Religion de vos Ancêtres.
Depuis cela vôtre équité vous a toujours fait
garder à vos fujets cette même modération-, dont
vous aviez, éprouvé vous-même l'utilité. Vous
Avex. révoqué tous les Edits qui avaient été ren-
dus contre les Protefians, & contre vous même,
malgré le Roy vôtre predeceffeur^ & après avoir
fait une glorieufe paix , tant avec vos fujets
qu'avec les Etrangers , vous avez, confirmé par
untroiftéme, un ou deux Edits donnez, en fa-
veur des Proteflans j vous les avel^ rétablis dam
leurs maifons , dans leurs biens & dans leurs
honneur s \ vous en ave? même avancé quelques-
lins d'entre eux aux premières dignité"^, dans
l'efperance que les haines & les animofxtez. ve-
nant a fe rallentir , la concorde prefcrite par
vos Edits fe retahliroit phis aifément , les efprits
reprendraient leur première ferenité , & ayant
écarté le nuage des paffions^ feraient plus ca-
pables de choifir ce qui eH le meilleur dans la
Religion , cefl-à-dire, ce quil y a de plus con-
forme à l'antiquité. Auffi efi-ce le chemin que
les plus excellens d'entre les Pères ont toujours
cru qu'ils dévoient tenir , pour ramener a la
communion de l'Eglife ceux qui s'en étaient fe-
farez,y par quelque entêtement d'erreur ou d'a-
mmofué. En quoy cesfages Dateurs faifoient
voir , que céioit la charité qui les fat fait agiry
bien plutôt quel envie de vaincre. C'eHdans
cet efprit que St. Augufiin traitte toujours les
Pelagiens de frères ; & qu Optât de Mileve ,
qui vivait dans le même tems , en fait de mêfng
À l'égard des Donattfles. C'eft ainfi qu'avant
eux St. Cyprien difoit y qu'il fouhaitterait &
qu'il confeiileroit toujours a iEglife , de ne laif-
fer périr aucun des frères s'il était poffiblet
mais de les recueillir toujours dans fon fein ,
avec une joye de mère affectionnée , comme un
peuple qui ne ferait qu'un corps par l'uniformité
defes fentimens. Et défait entre ceux qui font
à prefent fe parez, d'avec nous , il y en a plU'
fleurs , qui pour me fcrvir des paroles de St,
Augufiin , ne demanderaient pas mieux que de
revenir , fi la tempête était appaifccy au lieu
q'te U voyant continuer , & craignant même
quelle ne renaiffe , ou quelle n'augmente après
qu'ils fe feront reunis > ils gardent la volonté
de foulager les infirmes parleurs confeds : &
fans fe feparer des affemblées particulières, dans
lefquels ils fe trouvent engage? , ils deffendent
jufqua lafn de leur vie , par leurs paroles <^
par leur témoignage , la foy qu'ils favent qui
s'enfeigne dans l'Eglife Catholique, llsfouffrent
cependant avec patience, pour la paix de iE-
glife , les injures qui fe font des deux côtez^ ;
& montrent par leur exemple avec quelle ar-
deur , quelle fincerité, quelle charité il faut
fervir Dieu. Pour ces confédérations , ce que
j'ay appris de l'expérience , auffi bien que de
vôtre exemple , Sire , m' ayant fait juger que
je devais contribuer de tout mon pouvoir a U
paix de l'Eglife , j'ay afftclé de ne parler mal
de perfonnc : j'ay parlé même des Protejîans
avec efiime , principalement de ceux qui fe
font difiingucz.par leur favoir ^ ér d'autre coté
je n'ay point difftmule les fautes de ceux de nô-
tre party ; perfuadé avec plufieurs honnêtes gens
que ceux-là fe trompent extrêmement , qui
croyent que toutes les herifies qui travaillent au-
jourdhuy le monde par leur nombre , & par
leur diverfité , tiïent plus de force de la mali-
i a gnité
gnîti & des artifices des SeStaircs , que de nos
vices & de nos [caudales. Je croy auffi que le
vray moyen de remédier tant aux egaremens du
farty oppofe , qu'a nos propres défauts , eH
de bannir de l'Eghfe & de l'Etat toute forte de
trafic ) de recompinfer le mente , d'établir
four conducieurs de l Eglïfe des personnes de Ça-
voir î de picté\ d une vie exemplaire , d'une
prudence & d'une modération déjà éprouvée ;
d^ de pourvoir aux Charges de l Etat , non des
gens de néant , que la faveur & l'argent y
fourraient élever :, mais ceux qui s'en rendraient
dignes par une intégrité reconnue , par une fo-
lide pieté j par leur defimereffement y en un mot
far U feule recommandation de leur vertu. Au-
trement fi on y admet fans difïtnciion les gens de
bien & les autres , il eH évident que la paix ne
fauroit être de durée. Il faut neceffairement que
les Etats fe ruinent , dont les Souverains ne fu-
rent pas dijlinguer Us bons d avec les methans ,
& ou , félon le proverbe des Anciens , on laiffe
manger aux bourdons , ce qui n'appartient
qu'aux ubi-illes. Il n'y a rien de plus oppofe a la
fidélité que nom devons premièrement à Dieu,
& en fuite a vous , Sire , & à vos fujets , nous
tous qui fommes dans les Charges & dans les
offices du Royaume-, que l'efperance d'un profit
honteux. Si nous entrons par la dans nos em-
plois, il ejlfort a craindre que nous ne tournions
enfin toutes nos vues de ce feul coté, comme vers
notre pôle 'y & que nous laifjunt aveugler à l'a-
varice , nous ne mettions fous les pieds toutes les
confiderations de lafoy que nous avons promife a
Dieu & aux hommes. L'avarice efl un monflre
cruel & infatiable , & qu'on ne peut tolérer,
"Elle ne dit jamais , cell aHez. Quand on luy
donnerait avec le^ immenfes richeffes de la Fran-
ce , les montagnes d or de Vcrfe-, & les trefors
des deux Indes , on ne raffafuroit pas fon avi-
dité. En effet les vices ne gardent point de me-
fure : ils ne fe peuvent borner. Leur progrés ref-
femble a celuy des corps qui roulent dans un pre-
cipice-> rien ne les fuit ceffer que la ruine de ceux
qu'ils entraînent. Au contraire la vertu, com-
me dit Simonides , efi femblable à Un cube : eUe
refijie par la fermeté de fa bafe a toutes les vi'
cifjitudes de la for tune, & des affaires humaines;
O" s'affujettifjant À la nature > qui diverfifie le$
aciidens de la vie en plufieurs manières, elle
tient iefprit de l homme dans une incorruptible
liberté. Elle eH contente d elle-même ; propre à
tout par elle-même. Etant donc d'un fi grand
ufage aux hommes , fi on la lonfidere dans urt
Etat , & qu'on luy faffe tenir 'le rung quelle
mérite , il y aura fans fur charger l'Epargne y &
même en fouUgeant les peuples , de quoy faire
des liber alitez, a ceux qui n'en feront pas indi-
gnes. Pour ce qui eji du gouvernement de l'Egli"
fe , quoy que fon adminifîration ne regarde pas
dirtctement vôtre Majejie , il eji pourtunt digne
de fes foins quelle prie , qu'elle preffe , quelle
interpofe mtme fon autorité envers ceux qui y
prefident-) afin qu'on s'y conduife de même. Que
vôtre Mujcjté, Sire j afpire a s'emparer de cette
nouvelle gloire ; qu'elle penje continuellement
que cet heureux loifir, dont nousjouifjons tous a
prefent , ne fauroit être de durée > fi on ne l'em-
ployé à avancer la gloire de Dieu qui nous l'a
donne ■,& fion ne s applique puijfumment a ter-
miner les differens de la Religion . ] / femble que
c'eH un grand defftin que je vous propofe , &
qui au jugement de plufieurs perfonnes , qui fe
contentant de la douceur de leur condition pre-.
fente , ont du degout pour les confcils qui peu-
vent être falutaires à l'avenir , ne doit pas être
témérairement formé dans le temps ou nous fom-
mes. Mais fil entreprife eH grande y larecom-
penfe y fera proportionnée ; & un grand genie^
tel qu'eft celuy que Dieu vous a donné , ne peut
ni ne doit s'attacher a rien de médiocre. Et cer-
tes après avoir reprimé les depenfes fuperfiués,
é" la licence des voler les , & apris aux particu-
liers a régler leur entretien par leurs moyens ,
chofe en quoy la France vous a & vous doit
avoir des obligations éternelles ^ il n'y a rien de
plus digne de l'élévation où vous êtes , que de
remettre dans un bon ordre les loix divines &
humaines -^ ouïes guerres civiles j qui ont dure
tant
Unt dUnnées , ont jette tant de confufion. Vo-
tre Muujte j trouvera, cet avantage , que la
coUrt'de Duuetant appaifee envtts nou^ -, &
tant les PreUis que les J:ige^ s'aqtmtant digne-
ment de leurs Cbaiges, la vente trmnpheïa du
.menfonge ^ la candeur & la cburite jinccre-, du
degutjiment & de la dif/umUtion. Les loix
Viendront a bout de l'avance & du luxe 3 vues
quitoutoppojc7qt'ilsjonty ne Liijj'ent pus de
Je trouver meltz. dans la malignité du ftecle.
X^s bonnes mœurs [tr ont cultivées-^ la piidtur &
la modijtte , dont on fe moquoit ouvert ementi
reviendront en ejîime j la vertu reprendra fou
prix , & l'argent au contraire perdra le crédit
(^l'autorité' exdfjive, que la corruption des
coeurs luy avoit donnée. Ce font là vos vœux ,
îSire. J'ay fouvent oui dire à Votre Majefié ,
quelle voudroit avoir acheté une telle felictté
far la perte de [on bras : ce font ceux de tous
vos fi jets. C eft mon jenti?nent touchant le bien
public; fur lequel fi je me fuis trop étendu-, &
ft j'enuj parle un peu librement. Votre Ma-
jtjie le pardonnera , s'il luy pUtt , à la fran-
chife d un homme , qui a eu élevé dans la li-
berté que vôtre Règne a rendue à nôtre pairie;
(^ qui seïi cru obligé, pour aller au devant de
l'envie & de la calomnie, d'abuftr de votre
tems par une fi longue Préface. J'étois prêt de
la finir , lors que quelques-uns de mes amis
m'ont averti qu'il ne manquerait pas de fe
trouver des perfonnes , qui diront que faarois
bien punie p^ijfr de venir , comme j'ay fait,
au détail des chojes qui regardent nos liber tcz, ,
nos immunité":^, nos loix , nos privilèges ; (j
qui jugeront que lela fait moins a la gloire de
votre Règne , qu'il ne fait de tort aux particu-
liers. .Quoy que je pujfe repondre bien des cho-
fesàcela, je cramdrois en m'y étendant , de
donner lieu de dire que je prens plaifirame
forger des fantômes pour les combattre ^ & f au-
rais peur anfi en ne difint rien du tout , que
je ne donnafie occafion à la critique de mes en-
nemis. Je dirai donc en peu de mots la cbofe
telle qu'elle efi. J'ay reçu comme par une tradi-
tion dôme fit que , non feulement de mon père >
quiionnne tout le monde jait , étoii un treS"
honneie homme , & jon attache a l'ancienne
Religon, mats au j fi de mon ayeul & de mon
bifuyeul , & j'ay apporté a l adnnnijiratwn
des ajjaires de l ttat ce jeniiment , qu'upres ce
que je dois à Dieu rien ne me devoit être
plus cher ô" pli^^ facré , que l'amour & le ref-
peù que je dots a ma patrie ; & que je devais
toujours jaire céder toutes les autres conjidera-
tio/ii a celle la j perjuide que félon le dire des
Anciens, la patrie efi une féconde Divinité '^
& que les loix ont quelque chofe de divin : de
forte que ceux qui les violent , de quelque prc
texte mandié de Religion qu'ils fe couvrent ,
font au'.ant de facrileges & de parricides. Si
donc il y a parmi nous des gens , cr plut à
Dieu qu'il ny en eût point , qui ne pouvant
ruiner le Royaume à force ouverte, tachent par
des voyes fourdes & obliques de l'ébranler , en
violant les loix fur lefqiielles il est appuyé, &
par lefquiUes il s'est accru jufqu'au degré de
piiijfiam e& de grandeur ou nous le voyons ; en
veriié nous fommes indignes de porter le nom
de François , & de pajjer pour de fidèles fu-
jets, fi principalement fous vôtre Règne, nous
ne nous oppofions de toutes nos forces à ce tnal,
qui pourvoit fe glijjer infenfiblement. Car le
jentiment de nos Ancêtres , dont la pieté était
au plus haut degré , a toujours été que ces loix
font le gage facre de la confervatian publique ,
& comme le Palladium de nôtre France \ que
tant que nous le garderons , nous n'avons rien
a craindre de ceux de dehors ; qtte fi nous le
laijfons perdre , nous n'avons rien qui foit en
fureté contre leurs attaques ; que s'il nous e^
ravi par nôtre lâcheté ou par nôtre négligence »
nous avons a craindre que fUlijfe, qui nous
l'aura volé par [es artifices , ne fuborne quel-
que Sinon , pour introduire au milieu de nôtre
France un cheval fatal , plein d'ennemis étran-
gers, & détruire la plus fiorijfante partie de
l Europe, par un auffifunefte embrafement que
le fut celuy de Troye, Mais Dieu nous preferve
i 5 d'un
d'un tel malheur , qui n'arriveu pas pendant
qutl nom conservera votre perfonne facrée , &
celle de Monseigneur le Daufin, Ce feroit icjf
le lieu de m étendre fur les loUanges , & fur les
glorieux exploits de Votre Majejié, à quî nous
fommes redevables de nôtre efperance , de nôtre
patrie , & de nos biens ^ & c'est fans doute à
quoy ^attendent ceux , qui fans avoir égard à
la médiocrité de mon génie , n envi figent que la
riche matière de vous louer , que vous fourni f--
fez. k tout le monde. Hais outre que mon def~
fein na. point été de dreffer icj/ un Panégyrique^
je fajr d'ailleurs que vous prene'^^ plus de plat fr
à mériter les loiianges, qu'a Us entendre. Vo-
tre Majefîé est defccnduc par les milles , de la
plus illujtre & de la plus ancienne famille qui
ait jamais porté le Sceptre. Ne aux extremi-
teTdu Royaume dans Us monts Pire-nées > vom
vous êtes avancé au milieu des guerres & des
difficultés, • vous avez, évité heureufement tous
les pièges , & toutes les embûibes qu'on avoit
drejfées contre vôtre enfance ; dans vôtre ado-
lefcence , & dans vôtre âge parfait vous avC^
reprimé courageufement les efferts de vos enne-
mis ; vous ave? été conduit comme par la main
de Dieu du fond de l'Aquitaine , ou appelle
auprès du Eoy dans un tems de brouilleries &
de confufions , afn qu'il n'y eut perfonne qui
fut s'emparer du Trône y qui devoit bien- tôt
demeurer vacant , que le fucceffeur légitime.
Depuis que vous êtes parvenu a la Couronne ,
vous avc7 tempéré l'autorité fouveraine par la
clémence & par la douceur , aimant mieux ga-
gner par vos bienfaits Us coeurs qui étoient alié-
nez, de vous , que de Us tenir dans le devoir
par la crainte. CViî pour quoy ceux qui étaient
auparavant vos ennemis , ont pris une telle con-
pance en vous , qu'ils ont cru trouver plus de
fureté dans vôtre clémence , que dans la force
de leurs itrmes. Ils nont pas été fi fache':^d'ê-
tre vaincus , qtuls ont eu de joye de ce que c'efl
vous qui avez, été le vainqueur. De fuppUans
qu'ils étoient i ils font devenus vos amis & vos
familiers ; & ils ont eu plus de douleur de leurs
fautes pafféest que vous n* en ave:^ettderefT
fentiment. Votre facilité à pardonner Us a fait
repentir de n'être pas plutôt rentrez, dans leur
devoir. Mais quel autre party auroient-ils pu
prendre , voyant la rapidité de vos viàoires y
a qui rien ne pouvoit refijter , que dt fe fou-
mettre a vôtre Majefté à qui tout cedoit j àr
que d'avoir recours a vôtre cUmence , plutôt
que de hafarder des combats dont l'iffué étoit
incertaine ? En ejfet vous avez, porté la vail"
lance fh loin , que vous aviez, comme fxé Us
évencmens de la guerre , ordinairement com-
muns aux deux partis , & que Ut victoire ,
comme ayant perdu fes ailes , ne pouvoit plus
paffer de vôtre party a un autre. Ce bonheur
qui accompagnait vos armes , a été d'autre côté
foutenu par vôtre vigilance -, par vos travaux
infatigables , par vôtre patience à fupporter le
froid & le chaud , & par la coutume de vous
réduire aifément à la plus fimple nourriture >
qui fe pouvoit trouver félon les lieux & les occa-
fions; affidu dans la tranchée , n'interrompant
point les fatigues du jour par le repos de la nuit,
marchant à toutes heures par Us pluyes & les
glaces , dormant peu , & reprenant quand il
vous plaifoit , fans altérer vôtre fanté , tantôt
fur un cheval , & tantôt fur la dure enveloppé
d'un manteau , le fommeil que vous aviez, été
obligé d'interrompre. Ainf par l'exemple ■> qui
eH la plus flatteufe manière de commander ,
vous reteniez, dans une étroite difcipline , dans
un tems ou la paix n'étoit pas trop affurée , Us
foldats que Us autres ont bien de la peine a ré-
gler par le refpeêl de l'autorité abfoluë. Ce
bonheur vous rendait ft redoutable a vos enne-
mis i qu'ils nofoient paraître devant vous , &
que quoy qu'ils vous furp.iffijfent fouventpar le
nombre de leurs Troupes , ils fe tenaient a cou-
vert dans des Places fortes , & croyoient aufji
glorieux pour eux de fe défendre , que pour
vous de vaincre. Il ne faut donc pas s'étonner
qu'après tant d'offenfes qu'ils avoient commifes
contre vous , ils ayent embraffé avec tant d'af^
feétion , l'occafion que Dieu leur prefentoit de
faire
fAire leur paix ; vojfAnt d'un coté leur grâce
djfûrce , en recourant a voire clémence , &
noftnt efperer de l'autre un retour favorable
de la viâotre , qui vous accompagnoit toujours.
Mais fi la guerre vous rend fi terrible à vos en-
nemis i le repos ne vous rend pas moins aima-
ble a vos fujets ; parce que vous avez, encoura-
gé tout le monde aux arts de la paix , par les
immunités & les recompenfes. Cefi ce que
témoignent hautement ces jomptueux & dura-
bles édifices , quon a vu s'élever de tous cô:e'^
en fi peu de tems ; ces jlatuéi d'un ouvrage ad-
mirable ^ ces peintures exqjiifes i ces riches ta-
fijferies travaillées avec tant d'art ; qui feront
autant de monumens a la poflerité de la gran-
deur de vôtre aine , & du foin que vous ave':^
pris de la paix. Mais ce quon doit confiderer
plus que tout cela , ceïi le retabliffement des
belles lettres , dans les lieux d'où elles avaient
été bannies par la fureur de la guerre. L'Uni-
verfité a repris [on premier luflre fous votre
protection ; & vous l'ave"^ même embi llie d'un
rare ornement , en jr appe liant l'illufire Cafau-
bon , l'une des deux plus grandes lumières qu'ait
aujourdbuj/ la République des Lettres, a qui
vous ave? confié a jufle titre la garde de vôtre
Bibliothèque véritablement Royale. Par toutes
ces chofes il parott que tous les lauriers que vous
avez, cueillis , ne vous ont pas animé à porter
plus loin vos conquêtes ^ tnais à cultiver la paix
avec vos voifins , & a faire goûter agréable-
ment le repos a vos fujiîs , fatigue? des lon-
gues guerres qu'ils ont effuyées. Continue? ^
Sire y dans un dejfcin fi généreux , & en ren-
dant aux loix leur jufte autorité , comme vous
l'avez, cofnmencé , conferve":^ a vos peuples
cette paix y que vous leur avez, aquife au prix
de tant de travaux. Afluri'':^vous que l'ame
d'un Etat ce font les loix ; w qu'il ne peut non
plus fe fervir fans elles de fon fang , de fes
nerfs , & de fes membres , que nôtre corps de
fes organes, fins cet efprit qui l'anime. Les
Magifirats par confequent & les 'Juges n'en
[ont que les interprètes & les minifires , &
mas devons tous en porter le joug avec fourni f-
fion , fi nous voulons être véritablement libres.
C'a été dansl'efpcrance du retour de cette //-
berté fous vôtre Règne , cr dans fes premiers
avantages que fay déjà reffentis , depuis que
nous l'avons recouvrée par vôtre moyen , que
j'ay compofé l'Hifioire de nôtre tems , dont jô
mets À prefent la première Partie en lumière.
Si j'ay pris la hardteffe de la dédier à Vôtre
Majefîé, je m'y fuis fenti obligé par des rai'
fons qui regardent ou moy, ou l'Ouvrage même.
Je ferais coupable d'une noire ingratitude, fi
j' oubliais qu'ayant commencé a être avance dans
les Charges , par le Roy vôtre predecejfeur de
glorieufe mémoire, vôtre Majefié m'a encore
élevé plus haut : & comme ma» employ m'obli"
geoit d'être toujours dans le Camp & a la Cour^
& que même Vôtre Majefié m'a confié leîna-
niement de plufietirs affaires importantes , j'a/
aquisdans leur négociation la cormoijfince de
pliifieurs chofes neceffaires à l'Ouvrage que j'ay
entreprit', & par la fréquentation des perfon-
nés qui avaient vieilli à la Cour , j'ay eu le
moyen d'examiner fur la règle de la vérité, ce
qui fe trouvait y epandu touchant nos araires
dans les écrits de quelques Auteurs inconnus.
J'ay toujours cultivé ces connoiffances pendant
que fay été a la fuite de Votre Majefié , &
que j'ay été employé dans les affaires ; jufquk
ce qu'enfin le devoir de ma Charge m'a attaché
au Barreau, Au refie ce nesl pas depuis peu
que fay l'honneur d'être connu de Votre Ma-
jefié-^ car il y a vingt-deux ans que le feu Roy
m' ayant envoyé vers vous en Guyenne, avec,
quelques autres Députe? du Parlement , vous
me ttmoignates une bienveillance toute particu-
liere , qui me fit concevoir des lors l'ejpcrance^
que les fruits de mon efprit , s^il était capable
un jour d'en produire , ne vous feraient pas
defagreables. Mais il y a encore une autre
raifon , qui m'oblige a vous dédier mon Ouvra'
ge : c'est que mon entreprife étant également
importante & délicate , // me faut un puiffant
appuy contre la malvuàllance & la calomnie ',
&
^)Ay hefo'm frincipalement pour examiner U
vérité des chofes paffées , de cette vive pénétra-
tion avec laquelle yôtre M^jefié fait ordonner
celles qu'il faut faire. C'e^ a ce jugement que
j'ajf refolu de mefomnettre; fott qm vous rnau-
torifiez. de mettre le refie en lumière , foit que
vous trouviez, à-propos de fupprimer cette pre-
mière Partie -, que je donne moins a prefent au
public , que je ne vous la pre fente à examiner-,
comme un ejjai de tout l'Ouvrage. Je déférerai
comme a un oracle , à tout ce qu'il vous plaira
d'en ordonner -y & je ne doute pas que ce qui
aura eu vôtre approbation , n'ait auffi celle de
tout le monde. Que s'il y en a qui ne goûtent
pas ce que vous aurez, approuvé , ce feront ces
perfonnes , qui ayant été élevées en un degré
éminent par le caprice de U fortune j & n'ayant
rien fait dans cette élévation qui foit digne de
mémoire , prendront pour un auront qu'on rap-
porte les chofes comme elles fe feront paffées.
Mais je ferais tort a ma réputation > parla com-
plaifance que je pourrais avoir pour leurs in-
jufies defxrs j & ma confcience d'ailleurs ne me
permet pas de paffer fous filence leurs défauts ,
qui ont pre f que toujours été fmwfies à la pa-
trie, je ne puis mieux finir cette Préface que
par des vœux. Grand Dieu auteur de tous
biens , qui avec votre Fils unique & le St. Ef-
prit êtes Dieu en trois perfonnes , mais un feul
Dieu en bonté, en f'igeffc', en mifericorde,
tn puijfance ; qui êtes toujours en toutes chofes,
qui êtit":^ avant toutes chofes , qui ferez, tou-
jours avec toutes chofes • qui conduife^^par vo-
tre fageffe les Empires légitimes, fans lefquels
ni les familles , ni les Etats , ni les peuples ,
ni le genre humain , ni la nature même , que
vous ave? créée de rien , ne peuvent fubftfter ;
je vous fupplie au nom de toute la Nation, qu'il
vous plaife de nous conferver comme un bien
propre & infeparable de nous , ce aue vous
ave^ donné à la Vrance , & même k toute U
Chrétienté ^ que vous le mainteniez, par votre
grâce, & que pour comble de vos bienfaits ^
vous y ajoutie? une perpétuelle durée. Al com-
piliez, un fouhait trés-fwiple , & qui renferme
tous les autres \ conferve'i^^le Roy & le Dauphin,
puis que de leur confervation dépend notre paixt
notre union, notre jâr été, tout noire bonheur,
Injpire? au Roy de jalutaires confetls pour bien
régir cet Empire , qu'il a fauve d'une ruine
évidente -, pendant que le Dauphin croîtra com-
me un arbre heureux & de bon augure , plante
le long d'un fleuve agréable , afn qu'après une
longue fuite d'années il puiffe fervtr d'ombre a
notre pofierité, enla faifant jouir d'un loifir
tranquille , pour cultiver les glorieux arts de la
paix , & favorifer le progrès de la pieté & des
belles lettres. Laijfe? régner l'un & l'autre
long-tems fur les François , dans l'ordre le plus
agréable aux gens de bien : de forte que fous
leur Règne l'ancienne Religion , les anciennes
mœurs , les coutumes de nos Ancêtres, les loix
de l*Etat foient rétablies ; que les monfires des
nouvelles jectes , que les Religions inventées de-
puis peu , que toutes les chofes controuvées k
loifxr pour faire illufion a l'écrit , foient abolies^
(^ quatnfi le fchifme & les divifions cejfant »
la maifon de Dieu foit en paix , nos confciences
en repos , & l'Etat dans une parfaite fureté.
Enfin Grand Dieu je vous prie , & vous conju-
re par cette grâce Divine , fans laquelle nous ne
fommes ni ne pouvons rien , que tous ceux qui
a prefent ou a l'avenir liront ce que j'ay défor-
mait a dire , y trouvent la liberté , la vérité,
la bonne foy d'un Hijtorien fincere ; & que
mon di\cours demeure au(fi exemt de tout foup-
çon de flatterie & d'envie, qutly a peu de
raifons qui eujfent pu me contraindre a parler
le langage de ces honteufes paffions.
HIS-
Pag. I
HISTOIRE
D E
LEDIT DE NANTES:
C O N T E N A N T
les chofes les plus remarquables qui fe font paflees
depuis fa publication, julques à
LEDIT DE REVOCATIONj
Avec ce qui a fuivi ce nouvel E D I T
julques à prefent.
LIVRE PREMIER.
Sommaire du I. Livre.
^^Ê%_ Ccafton 5 dejjein & plan de l'Ouvrage, Commencement
( C^® / ^^ ^^ Re formation , fin progrez & fis caufis. Son en-
^^^^ tree et} France. Comment elle e H: reçue à Me aux ^ & en
Bearn. Supplice de Jean le Clerc ^ & de Loiiù Berquin.
Etat de la Religion en Allemagne. Schifme d Angleterre. ^Pan-
chant de François I. pour la Refirmation ; dont le Cardinal de
Tournon le détourne. Accommodement propofe. Synodes de Bour-
ges & de Taris. Commencement de la do^rine de Calvin. Année
des Tlacards. Revotions & fupplices. Edits contre les Lu-
thériens. Concile de Trente^ & fa translation. Mort du Roy.
Henri II. perfecute les Reformez. Edit de Chateauhrianî. Le
Roy protefie contre le Concile remis à Trente. T>acheffe de Va-
lentinois cruelle aux Reformez. Crédit du Cierge. Affaires de
Merindol & Cabrieres. Kouveaux fupplices qui aident au pro-
Tome I. A gresi
HISTOIRE
grez de la Reformation. Eglifes formées à Taris & ailleurs.
Vefprit de modération gagne quelques Juges. AJJemblée à Ta*
ris. Caradiere de Catherine de Medtcis. Calom?iies contre les
Reformez. Chant des Tfeaumes en public. Origine des fac-
tions. Fermeté de dAndelot & fa difgrace. ConfeiUers au Tar-
lement de Taris fu[peUs dans la doàrine. Tremier Synode Na-
tional. Mort de Henri II. Etat de la Cour. Nature des in-
trigues : comment la Religion y entre. Chambres ardentes. Su-
perftitions envers les Images. Supplice du ConfeiUer du Bourg.
Ecrits apologétiques des Reformez , qui irritent les Tui(]ances.
Trojet contre la Tuijfance arbitraire. Entreprife d'Amboife.
Cruauté z de la Cour. Origine du nom de Huguenot. Appa-
rence de modération. Trifon du Trince de Condé. Mort de
François IL faujjement imputée aux Reformez. Etats affem-
blez j ou il femble qu'on les favorife. Naiffance du Triumvirat.
Colloque de Toiffy. Etablijfement des Jefuïtes à Taris. In-
confîances du Cardinal de Lorraine^ & du Roy de Navarre.
Sédition à Taris contre les Reformez. MaJJacre de Vafft ^ après
l'Edit de Janvier. Forces des Reformez. Courte faveur de
l'Amiral. Tremiere guerre , entreprife par les ordres de la Rei-
ne , puis defavoiiée. Ligue du Tape , du Roy d'Efpagne &
des Guifes contre les Reformez. Cruautez de Monluc & de
^es Adrets: &des Catholiques en gênerai. MaJJacre à Sens.
Etrangers en France. Bataille de 'Dreux. Siège d'Orléans.
Mort du 'Duc de Guife : dont l'auteur charge l'Amiral. Taix
arrêtée. Mariage du Cardinal de Châtillon i & fe s fuites. T>if-
mes adjugées au Clergé. Reprife du Havre de Grâce fur les
Anglois. Tourfuites contre l'Amiral. Fin du Concile de Tren-
te. Révolution enBearn. Nouveaux fuj et s de défiances pour
les Reformez. Voyage de la Cour , & confeil du Duc d'Albe.
Trogrez des Eglifes. Reconciliation de l Amiral avec les Gui-
fes. Entreprife de Meaux , & fes fuites. Taix faite devant
Chartres , fans dejfein de l'obferver. Troifiéme guerre. Mort du
Trince de Condé , & ded'Andelot. Batailles perdues. L'Ami-
ral rétablit le party. Taix frauduleufe. Artifices incroyables
de la Cour. Maffacre de la St. Barthelemi. Les Trinces chan-
gent de Religion par force, hiconftance de Des Roziers. Siè-
ges de là Rochelle & deSancerre. Fanions en France. Duc
d'Alençon
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. I. j
^Alençon prote6teur des Reformez & des Politiques. Mort du
Roy. Henri III. de retour continue la guerre. Retraite des
^jrinces. Taix aujf/itôt rompue que faite. La Ligue : fermera
■ du Roy 5 qui néanmoins fait la paix. Edit de ii^-j-j. Synodes.
Confereyices de Nerac c^' de Fleix. Le Roy eliîde l'Edit fous
l'apparence de le garder. Outrages faits par la Ligue au Roy :
qui fait par force la guerre aux Reformez. Courage du Roy de
Navarre. La Trifnoitille fe fait Reformé. Bataille de Coutras.
Refaite des Reîtres. Mort du T rince de Condé. Edit d'union.
Audace des Ligueurs. Etats de Blois. Mort du ^uc de Guife ,
& du Cardinal fon frère. Le T>uc de Mayenne échapé relevé la
Ligue. Extrémité des affaires du Roy ^ qui fait trêve avec les
Reformez. Sesaffaires fe rétabli fferît. Il ajjiege T arts . Ileft
afi affiné par un Moine.
A Reformation qui changea la face de la Re-
ligion dans toute l'Europe au commence-
ment du fiécle pafîe , trouva de grandes op-
pofitions par tout où elle fiit prêchée. La
Cour de Rome fit tous ïç^s efforts pour étein-
dre dès fa nailîànce une lumière il fatale à ia
grandeur -, Se mit en mouvement tous les ref^
Ibrts de fa Politique , pour maintenir les er-
reurs & les abus dont elle tiroit tant de profit , contre ces nouveaux
ennemis , qui reveloient fi clairement fon ambition & fes artifices.
Elle fouleva contre eux les ditFerens corps de fon Clergé , dont ils
attaquoient vivement la corruption & l'ignorance. Elle n'épargna
point fes Bulles , ni (es anathêmes , pour les rendre odieux à tout
le monde. Elle arma contre eux les Puiflances temporelles , par
tout où elle eut afiez de crédit, pour faire goûter (es maximes:
& d'autre côté les Princes , qui avoient leurs vues fecrettes , pour
raccroillemeiit de leur autorité , embrafl^rent avec avidité cette oc-
cali on de fe latisfaire . La paillon du pouvoir arbitraire commençoit
à entêter les Souverains , qui croy oient leur puiiîànce trop bor-
née par de certains reiles de liberté 5 que les Loix confervoient aux
Peuples. C'eil pourquoy ils fc fervirent du prétexte de la Religion ,
pour engager une partie de leurs fujets à ruiner l'autre: étant per-
lùadez qu'après avoir opprimé la plus éclairée & la plus laine , ils
A 2 n'au-
4 HISTOIRE
n'auroient pas de peine à venir à bout du refte. La Cour de Ro-
me eut peur à Ton tour , quand elle eut pénétré dans les intentions
des Princes , & comme elle vouloir garder le pouvoir ablblu pour
elle , jamais elle n'allifla iincerement ceux dont la puilîance luy
failbit ombrage. Cependant il s'en fallut peu , que cette occafion
ne mit toute l'Allemagne fous le joug de Charles V. Mais enfin
fçs affaires eurent un luccez malheureux -, & après la défaite des Pro-
teftans , une révolution imprévue reduifit en fumée les profperitez
de toute fa vie. Philippe IL fon fils fut encore moins heureux j
& par fès attentats contre les libertez des dix-fept Provinces , il
donna le premier branle à la décadence de faMaiibn. La Fran-
ce a mieux reùili dans fon defiein , quoy qu'elle fe fbit viië plus d'u-
ne fois fur le bord de fa ruine : & la Religon a été fi utile à fes
Roisj pour étendre leur autorité au delà des bornes , qu'ils n'en
reconnoifïènt plus aujourdhuy d'autre mefiare que leur volonté.
Toutes les oppofitions que ces divers intérêts formèrent au pro-
grez de la Reformation 5 n'empêchèrent pas néanmoins qu'elle ne
fe répandît par tout en fort peu d'années. Elle étoit trop necef-
faire & trop jufte , pour ne trouver pas des cœurs difpofèz à l'em-
brafîèr -, &ciiy avoir trop longtems que les bonnes âmes gemiffoient
ibus le joug des fuperftitions &c de la tyrannie de Rome , pour ne
recevoir pas à bras ouverts ceux qui prêchoient avec tant de force
contre fes corruptions, tant à l'égard de la doctrine & du culte,
qu'à l'égard de la difciplineôc des mœurs. Mais elle ne trouva pas
en tous Heux les mêmes contradictions , ou les mêmes facihtez.
Il y eut des Etats où on la reçut prefque fans refiftance : d'autres
où elle trouva des obftacl es qu'elle ne put vaincre : d'autres enfin ,
où les difiîcultez qui fc rencontrèrent ne purent être levées , qu'a-
près un nombre infini de traverfes & de peines. La France fiât
un des lieux où on luy forma les plus longues oppofitions. Elle
étoit afi^ermie en beaucoup de lieux de l'Europe , avant qu'on fût
encore en France quelle feroit fa dellinée -, & fi on excepte les dix
ou douze dernières années du règne de Henri I V. on peut dire-
avec venté qu'elle n'y a jamais été paifible. Depuis le premier
éclat qu'elle fit dans ce grand Royaume , jufques à prefent , elle y
a toujours été perfëcutée 5 & s'il a femblé quelquefois qu'on luy
donnoit quelque relâche , & qu'on renonçoit aux moyens vio-
lens de l'opprimer , c'étoit feulement pour y travailler par d'au7
trcs
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. I. ^
très plus cachez , & par confequent plus dangereux Se plus effica-
ces. On y a mis en ufage contre elle iucceilivement les fupplices,
les guerres , les traitez frauduleux , les maflàcres , les artifices d'u-
ne fine & profonde Politique : &:lors qu'on a cru trouver un tems
favorable , on n'a pas eu honte de reprendre à diverfes fois pour
la ruiner les voyes les plus odieufes , & les plus décriées de la mau-
vaiie foy & de la chicane. De nos jours même on y a pourfuivi en-
core les reftcs des Reformez par les fupplices&par les mafïïicres,
parce qu'on avoit éprouvé qu'ils étoient trop foiblcs & trop defunis
pour fe défendre. On ne fàuroit preique s'imaginer ce qui s'cft
pdïfé fur ce fujet, principalement depuis une trentaine d'années.
Jamais la force majeure ni l'infideUté n'avoient produit des effets,
ou fi reprochables à leurs auteurs , ou fi triiles & fi funeftes pour
des millions de perfbnnes innocentes , qui ne demandoient que
la liberté de leurs confciences -, & qui ne donnant par leur conduite
nul prétexte de les craindre ou de les haïr , ne dévoient s'atten-
dre à rien moins, qu'aux cruautez &c aux injudices qu'on leur a
faites.
J'ay entrepris d'informer la pofleritédece qu'on a fait en Fran- occa/^o^t,
ce, pour conduire ce deflein au but qu'on s'étoit propofé. Mais*^!^""^
mon projet feroittrop au deiÏÏis de mes forces, fi je me chargeois roLn».
de l'hifloire de tout ce qui eft arrivé dans ce Royaume iur ce fujet , £^*
depuis la première prédication de la Reformation jufques à nos
jours. Cet ouvrage feroit afièz grand , pour mériter d'être parta-
gé entre plufieurs perfonnes. C'ell pourquoy j'ay confideré que le
tems qui s'efi: écoulé , depuis que ce nouveau jour a commencé à
éclairer le monde jufqu'à prefent , fe divife naturellement en deux
périodes , à peu prés égaux dans leur durée : l'un qui coudent ce
qui ell arrivé dans l'efpace d'environ quatrevingt ans , jufqu'aux
années de l'Edit de Nantes , où les Eglifes obtinrent un peu de re-
pos: l'autre comprenant ce qui ell arrivé depuis cet Edit célèbre ,
jufqu'à nôtre tems. J'ay cru que je pouvois laifier le premier pé-
riode fans m'y étendre fort au longj foit parce quelesHilloires
de ce tems~là font plemes des évenemens qui regardent la Reli-
gion, dont les affaires étoient fi mêlées alors aux affaires d'Etat ,
qu'on ne peut ieparer les unes d'avec les autres : foit parce que l'a-
brégé que j'en donnerai peut fuffire à informer le Ledeur, de ce
. qu'il doit fâvoir de:> atîairci de ce cems-là , pour entendi-e celles qui
A 3 ont
6 HISTOIRE
ont fuivi. Mais je m'attacherai aux évenemens du fécond pério-
de , parce que les affaires de la Religion qui apartiennent à cet ef-
pace de tems font moins connues , & que nous n'avons point
d'Hiftoire Hdéle où elles foient recueillies.
Le fond de mon iiijet fera donc proprement l'Edit de Nantes ,
dont j'entreprens de raporter toutes les fuites &: les dépendances ,
telles que j'ay pu les aprendre par les Mémoires publics & par-
ticuliers 5 qu'il m'a été poffible de recouvrer : m'étant fcrupuleufe-
ment impofé de n'écrire rien dont je n'euflè de bons garans. Mais ^
afin que ceux qui n'en font pas inftruits d'ailleurs , aprcnnent icy
au moins en gros ce qui a précédé cet Edit , dont on ne peut con-
noîrre fans cela parfaitement la juftice & l'utilité , je raporterai fom-
mairement ce qui s'étoit pafle en France touchant la Religion , juf
qu'à la mort de Henri I II : & parce que Henri I V. qui luy lùc-
ceda 5 fut l'auteur de l'Edit dont je veux parler principalement ,
& qu'il le donna aux Reformez fès flijets , comme une recompenle
de leur fidélité & de leurs fervices , je commencerai à traiter ample-
ment des chofes qui touchent la Reformation , depuis le tems que
la Couronne échût à ce Prince. On verra mieux après cela fi l'E-
dit fut une faveur extorquée , ou un pur effet de reconnoiflance
& de juftice : & fi les contraventions continuelles des Succefi^urs
de ce grand Roy à cet ouvrage de fa fagefïè , Se la Revocation
qu'on en a faite depuis peu d'années , au grand étonnement de toute
l'Europe , feront propres à faire bénir par la pofterité la mémoire
de leurs auteurs.
15^7- Depuis que Luther eut commencé à prêcher contre lePapifine
en Allemagne , il fe pafla peu de tems avant que fa doctrine le com-
if^o. niuniquât à la France: & quoy que les Facultez de Théologie,
commen- ^ ^elle de Sorbonne comme les autres , l'euflènt condamnée , elle
cernent ne laifÏÏi pas de trouver par tout des difciples , qui la reçurent
ûrma-' ^^'^^ avidité. Les belles lettres , que la faveur de François I. fai-
<m?, /o» foitrenaitre, éclairèrent bien des gens, &leur firent honte d'un
^■'^^^r g^^î"^^ nombre d'erreurs , qui s'étoient introduites & affermies
cm/es. pendant les fiécles de l'ignorance. La bienveillance de ce Prince
attiroit dans ks Etats tout ce qu'il y avoit de peribnnes doctes dans
les autres pays de l'Europe , parce que les penfions & les privilèges
qu'il leur accordoit, les mettoient à couvert du mépris &: de la
milere. Il y en avoit parmi ceux-là qui venoient d'Allemagne,
où
DE LEDIT DE NANTES, Liv. I. 7
où ils avoient pris quelque teinture de h dodlrine qu'on appelloit 1520.
nouvelle, Ibitparles prédications & les livres de Luther, ibit par
la lecture de rÈcriture Sainte , qu'on avoit miie entre les mains de
tout le monde. Ceux-là firent part de leurs lumières à d'autres : son en.
& plufieurs prirent goût à ces opinions qu'on difoit nouvelles , ^^^^^^^
parce qu'ils y étoient préparez par le mépris qu'ils avoient pour
leurs Conduileurs. L'ignorance des Falleurs ordinaires étoit 11
grande , que plufieurs d'cntr'eux ne favoient que Hre, Prefque
tous menoient une vie fcandaleufc : &z leur corruption étoit fi o-ene-
ralcj qu'on pouvoit appeller gens de bien , en compara ifon des au-
tres , ceux qui n'avoient pomt d'autre vice qu'une avarice infatia-
ble , &z une ambition demeilirée.
Dans le Clergé même , ceux qui avoient quelque fentiment de
pudeur & de pieté eurent honte des abus dont l'Eglife Romaine
étoit accufée : &c quoy que la plupart aimafl!ènt mieux garder leurs
vices & leurs erreurs , que de hafàrder en fe reformant leur gran-
deur & leurs revenus , ou d'afTujettir leur vie à une Morale plus fe-
vere , il ne laifîa pas d'y avoir des Evêques même , qui flirent fra-
pcz de cette lumière. Brilîbnnet Evêque de Meaux fut de ce 102.
nombre. Il prit quelque teinture de la Reformation à Paris,
dans les entretiens de trois ou quatre perfbnnes favantes , qu'il
écoutoit avec plaifir. Il les mena même dans Ton Diocefe , &: leur comment
permit d'y répandre leurs fentimens. Il laifîa lire l'Ecriture Sainte *^^ ''\
à Tes peuples i il ne s'oppofa point aux conférences & aux afTem- Î2ei«^.
bléesj illuy échapoit même quelquefois de prêcher la même do-
ctrine que ces particuliers debitoient : de forte qu'en peu de tems
on vit à Meaux plus de quatre cens perfonnes , imbues des opinions
que Luther avoit avancées. Mais les reproches des autres Evêques ,
les menaces d'un procez d'herefie , la crainte de perdre un Evêché ,
û commode à ceux qui aiment la Cour , à caulè du voifinage de
Paris , ébranlèrent Brifibnnet , & le ramenèrent à la profelTion de
iès premières erreurs. Ses Doéleurs après cela , n'étant plus en fii-
reté dans fon Diocefe , s'écartèrent chacun de fon côté. Le Fevre ,
l'un d'entr'eux , trouva un afile à la Cour de Navarre , où il fut Et e>*
bien reçu de la Reine , qui étoit fœur de François I. Se aufiî favora- ^''"''^
ble aux gens de lettres que le Roy fon frère. Rouffel, un de fes
compagnons, après avoir fait un voyage en Allemac^ne revint en
Bearn, où la même PrmceiTe luy fit un accueil femblable : &:tous
deux
8 HISTOIRE
1525. deux luy infpirerent leurs fentimens, qu'elle conferva jufqu'à h
mort , quoy que pendant quelques années on crût qu'elle s'en étoit
défaite.
Ces deux hommes ne perdirent pas leurs tems dans ces Provin-
ces éloignées -, & ils préparèrent les efprits à recevoir plus aife-
ment la dodrine de Calvin 5 quand elle y fut prêchée dix ou douze
ans après. Leur retraite n'empêcha pas l'Eglife , qu'ils avoient à peu
près formée à Meaux , de fe conferver & de s'accroître. C'eft pour-
quoy ce fut le premier lieu , où la Juftice prit connoiflance de ces
Supplice prétendues nou veautez. Un nommé J ean le Clerc , qui avoit une
' icuîc R^ediocre intelligence de l'Ecriture Samte , feul hvre qu'il avoit
étudié , fer^^oit de Condu6teur à ce peuple converti. On le punit
corporellement pour avoir appelle le Pape AntecPjriH j & ayant été
banni de Meaux pour ce fu jet , il fut peu de tems après bnUé à
^J^^ Mets 5 où fon zèle luy lit brifer quelque image. Six ans après Louis
Ber<iuin. Berquiu fut condaniné à Paris au même fupplice , pour y avoir
1525». enfeignéla do£trine de Luther.
£^^, ^i^ Le cours de la Reformation étoit plus rapide en Allemagne , où
/«'R-e/r- elle fut embraflce par plufieurs Princes ou Communautez , qui dès
^^emu l'^i^r^ée 1530. prefenterent leur Confellion de Foy à l'Empereur , &
gne. qui peu après fe trouvèrent allez forts pour iè liguera Smalcalde,
1528. contre ceux qui les vouloient opprimer. Le Ichifine que Hen-
schifmt ri V 1 1 L fit en Angleterre ne fut qu'une ouverture , qui donna
ît'jTf'^^^" ^^^" ^ ^^ P^^^ grand ouvrage fous les règnes fuivans. Mais ce
Prince qui avoit fait l'honneur à Luther d'écrire contre luy , & à
qui ce Docteur avoit repondu alîèz durement , ne voulut jamais
fouffrir que les fentimens de fon adverlàire s'établiflent dans fon
Royaume. Néanmoins il voulut obliger François L à rompre
comme luy avec le Pape. Le Roy de France n'y voulut point en-
Tcin- tendre, & luy repondit qu'il étoit ^;^//y^/^'^«x /z///i?/r. Mais il
^Trmtii ^^^ ^^^ P^^ toujours fi fcrme , & peu s'en fallut qu'il ne cédât aux
j.^poTr' empreflèmens de la Reine de Navarre. Elle luy avoit donné quel-
'^^.^/""-quepanchantpourla dodrine qu'elle avoit goûtée elle-mxême : &
dont elle avoit auili inlpiré quelque chofe au Roy fon mari , qu'elle
avoit mené fecrercment aux prêches de {^s Douleurs. La Duchefîè
d'Etampes , qui polTedoit le cœur de François L pouvoit avoir
contribué à luy faire prendre ce panchant j puis qu'elle étoit imbue
& perfuadée àes opinions Luthériennes , qu'elle favorifoit ouver-
tement
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. I. p
tcment ceux qui avoient les mêmes pcnfées ; & qu'après h mort
du Roy elle vécut fort retirée , dans tous les exercices de la
Religion Proteftante, protégeant de tout fon pouvoir ceux qui
en failbient profefîîon.
Il eft certain au moins que le Roy écrivit à Melanchton, le plus 1534.
renommé des difciples de Luther, & celuy qu'on eflimoit le plus I5'3f.
modéré. Il l'invitoit à venir en France , & luy temoignoit qu'il
prendroit plaifir à l'entendre. Mais pendant les délais de Melanch-
ton , le Cardinal de Tournon rompit le coup -, & changea fi ab- Dont le
folumcnt l'efprit du Roy, qui luyavoitlailîe prendre fur luy un cardwai
fort aicendant, qu'il n'écouta plus ni Ibeur ni Maîtrefîe, & qu'il nlnhAe'- '
ne fît jamais la moindre faveur à ceux qu'on accufoitd'herefie. Il tourne.
n'y a point de doute que le Cardinal n'eût reçu des ordres de
Rome fur ce fujet. Le Roy s'étoit découvert luy-même , dans les 1535.
inftrudions qu'il avoit données au Cardinal du Bellai qu'il y en-
voyoit. Il le chargeoit de rendre conte au Pape de la lettre écri-
re à Melanchton , & de la reponfe de ce Dodteur : & il luy or-
donnoit principalement de faire confentir le Pape à une efpéce d'ac-
commodement, qu'il avoit dcfTein de ménager en Allemagne par
une amballàde cxprefîe. Le plus important article de cet accom- Accom-
modcment devoit être , qu'on reconnût le Pape pour Chef de l'E- ""'^''
gliiè univerfèlle : & du refle le Roy vouloir prendre des Protef^ ^j^!
tans le plus qu'il pourroit , & le plus avant qu'il pourroit. C'efl-
à-dire qu'il confentiroit à contenter les Protellans en beaucoup de
choies qui rcgardoient la Foy , la Religion , les cérémonies , les
inftitutions O' do^rines , au moins en attendant le Concile. On
étoit même déjà prefque convenu de ce qu'on leur relâcheroit, qui
coniidoit en fept articles, en quoy on reformeroit la Mefîè, fans
rien changer dans les cérémonies de la célébration. Premièrement
on ne déçoit jamais célébrer fans communion publique. 1 1. on
devoit retrancher révélation; III. & aboHr l'adoration. IV. on
rcndroit le Calice à tous les communians. V. on ne feroit nulle
commémoration des Saints ni des Saintes. VI. on fè ferviroit de
pain commun , que le Prêtre romproit pour le diflribuër au peu-
ple: VII. & le mariage feroit permis aux Prêtres. Le vulgaire ap-
pelle ic la MefTe ainfi reformée, la MeJJ'e à fept points. Un ac-
commodement de cette nature ne pouvoir être goûté à Rome, ou
on ièntoit bien que l'autorité du Siège ne pouvoit êtrefuffifamment
Tome I. B apuyée
10 HISTOIRE
apiiyée par le titre qu'on vouloit conferver au Pape , &: qu^elle
avoit befoin pour Ce maintenir , de toutes les erreurs qui luy
avoientaidé à s'accroître oc à s'affermir. C'eft pourquoy la Cour
de Rome employa toute fon adreflè , pour détourner le Roy de
ces dangereufes penfées.
Le Cardinal de Tournon avoit déjà fignalé fon zélé contre la
I 5" 2 8. Reformation, dans un Synode afîemblé à Bourges, dont il étoit
fe^Bour ^J'^^'^cvêque i & il y avoit condamné la doctrine de Luther. Le
ges, & Cardinal du Prat fît la même chofe dans le même tems, par un
Je Paris. Syuodc de la Province de Sens qu'il fit tenir à Paris : peut-être y
étoit il porté par la crainte que la Reformation ne ruinât le Con-
cordat, qui étoit (on ouvrage-, & par lequel il avoit achevé de
corrompre en France la Difcipline Ecclefiaflique. Mais tout ce-
la n'empêchoit point le nombre des Reformez de croître : prin-
15-34,. cipalement depuis que Jean Calvin eut commencé à prêcher, & à
Corn- écrire flir la Religion. Il y avoit déjà plu-lîeurs années qu'il avoit
ZZl'Je P^'^^ ^^^ dégoût pour la dodlrine Romaine : & il avoit déjà cou-
ladoari- ru dc grauds rifques (lir ce fujet à Paris > où il avoit des difciples.
cl/v/«. ^^ s'étoit fait connoître dans le Berri , pendant qu'il étudioit en-
core en Droit dans l'Univerfité de Bourges j & un Seigneur du
voif inage luy avoit permis de faire quelques prédications fecretes
dans fa paroifîe. Il avoit conféré depuis de la Religion à Ne-
rac, avec Roufîèl &leFevre, qui fe rencontrèrent avec luy à peu
près dans les mêmes principes. Mais il repandit fur tout fa doàri-
ne dans la Saintonge & dans le Poitou , & on tient que ce fîït dans
cette dernière Province 5 qu'il donna la première forme d'Eglife aux
afîemblées de ceux qui embrafîerent fes fèntimens La perfecu-
rion l'ayant contraint de fe retirer du Royaume, il fit quelque fe-
jour à Baie, où il publia fon inftitution, dédiée à François I.
Mais ce Prince, prévenu contre cette forte d'ouvrages , ne la vou-
lut jamais lire. De là Calvin pafîà en Italie , où il fut bien reçu
de la Duchefîe de Ferrare, fille du Roy Louis XII. & qui té-
moignoit une grande affeftion à ceux qui travailloient à reformer
les abus. Au retour il fut retenu à Genève , qui avoit fecoùé
le joug de fon Evêque^ & après y avoir efîiiyé quelques oppofî-
tions & quelques combats, il y établit fa demeure pour le refle
de fà vie. De là il rempiifîbit l'Europe de fes écrits , qui étoient
lus avec avidité à caufè de leur éloquence, &de leur matière.
Il
DE LEDIT DE NANTES, Liv. I. ir
Il fèmbloit alors que François I. qui avoitunefi grande incli-
nation à raccommodement, diflimuleroit les progrés de la Re-
formation dans Ton Royaume , principalement à caufe des liaiibns
qu'il avoit avec les Proteflans d'Allemagne , qui étoicnt toujours
ou en guerre , ou en défiance avec l'Empereur. Mais il arriva le
contraire : & les Placards qu'on afficha par tout Paris , & même à la j^ 2±.
Cour fur la fin de cette année , qui pailoient des myfteres de laRe- Année
ligion Romaine en termes fort injurieux , èc du Cierge d'une f" J^**"
manière très-dure, mirent le Roy dans une extrême colère. Pour ex-
pier ces blafphémes prétendus , il fit faire une proceflion folennelle 1 5-2 5*. '
à la prière du Clergé, où il affiila luy-même avec lès enfans & Devo.
toute fà Cour : &c cette pompe fut terminée par le fuppiice de ^"'"^^
quelques milerables qu on ut brûler. 11 donna en même tems un Edit
Edit fort fevere contre les Luthériens -, où il afilijettiiîbit ceux '^°"'^^ ^"
qui les receloient aux mêmes peines qu'eux , & promettoit aux rilns!
dénonciateurs le quart des confilcations. Les AUemans s'enof-
fenferent: mais quelques Luthériens de leur nation, qui rap-
portèrent en leur pais qu'on les avoit bien traitez en France , dillî-
perent leurs refîèntimens & leurs craintes. Néanmoins le Roy
donna encore à cinq ans de là un nouvel Edit,qui excitoit tout ordre j ^a^,
de gens contre les Luthériens de France : & l'Empereur faifant de
nouveau la guerre à ceux d'Allemagne, le Roy leur donna peu
de fecours , parce que le Cardinal de Tournon luy remplifîbit
l'eiprit de fcrupules , touchant l'alliance des Hérétiques : & mê-
me il eut tant de pouvoir fur ce Prince , qu'il luy perfuada de re-
nouveller les fiipplices par toute la France, afin de ne paroitrc
pas moins religieux , & moins ennemi de ces prétendues herefies
que l'Empereur, qui avoit pris la voye des armes pour les dé-
truire.
Le Pape ne pouvant plus fe défendre contre les inftances de
l'Empereur , & les defirs de toute l'Europe , après avoir été fbl-
licité longtems d'ailèmbler un Concile , & avoir éludé longtems
les pourfuites des Princes par divers artifices , s'étoit enfin refolu de Condie
le mettre à Trente , & avoit publié la Bulle de l'indiftion dès f^^ ^"*"
l'année i5'42. mais l'ouverture ne s'en fit que trois ans après , 15-45'.
à caufe des difficultez qui renaiflbient tous les jours. Le Roy
voulut aider au fuccés de cette aficmblée j il fit venir à Melun
plufieurs Doâ:eurs illuftres, pour y conférer enfemble , &ypré- 1544.
B 2 pa-
12 HISTOIRE
parer les choies qu'il feroit à-propos de reprefenter au Concile
Mais il y alla peu de Prélats j l'un defquels, qui étoit Evéquedc
Lavaur, y parut comme Ambalîadeur. Il s'y fit remarquer prin-
cipalement par laréponfe qu'il fit à unpartifan de la Cour de Ro-
me 5 qui avoit voulu tourner en raillerie les remontrances d'un
Douleur François 5 fiir les abus qui fe commettent dans les matières
bcneficiales. Ce Courtifan faiiant allufion au mot Latin , quifig-
nifie également un François & un Coq , avoit dit à un de fes
voifins pendant la harangue de ce Dodeur, c'eji un Coq qtù
chante. L*Evêque gardant la même allufion, & l'appliquant à
l'hifloire de S. Pierre, dont le Pape fe dit fiiccefieur, luy répon-
1547. dit fiir le champ, ^ieu viietlle qne par ce chant du Coq T terre
É^ [(i foit excité à la repentance & aux larmes. Quelque tems après ,
iZhn. la translation du Concile à Boulogne, & la mort du Roy change-
Mortdu rent l'état des affaires, & firent prendre de nouvelles mefiires à
''^' la plupart des Puilîances.
Mais la condition des Proteftans n'en fiit pas meilleure en
15-48. France. Le nouveau Roy Henri IL fut encore plus rigoureux
Henri II. quc fou pcrc 3 pouflepar le Duc d'Aumale, qui fut en fuite Duc
\7sRe'^' de Guife , & en faveur de qui la terre d'Aumale fut érigée en
formez. Duché Pairric. Il fit donc faire à Paris une procefllon pareille
à celle de François I. & la termina comme luy par la mort de
quelques malheureux condamnez au feu. D'ailleurs quoy qu'il ciit
été d'abord en bonne intelligence avec Paul III. jufqu'à fe decla-
1545?. rer pour la translation du Concile, & à faire comparoître iés
Ambafladeurs à Boulogne avec de bonnes inftruftions , il fe
1^5-1. brouilla bientôt avec Rome, après l'exaltation de Jules II I. ce
qui redoubla encore la perfècution contre les Reformez^ & fit don-
zditde ner contre eux un fevere Edit à Châteaubriant , où il étoit même
^^7- défendu de folliciter pour ceux qu'on accufoit d'herefie. On a
iritint. remarqué depuis ce tems-là, que cette politique a fouvent été
fuivie en France , de perfecuter les Reformez quand on avoit
des démêlez avec le Pape : & que jamais il n'y a eu pour eux de
Le Rcy plus mauvais tems à pafi^er , que celuy àçs brouilleries entre la
frotefte Cour dc Francc & celle de Rome. Elles furent grandes alors >
c7ndh & elles produifirent la proteftation que le Roy fit faire parl'Ab-
remiik \y^ ^c Bellofaiic contre le Concile, que le Pape avoir remis à
Trente rT->
1 rente
La
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. I. i^
La Duchefle de Valentinois , Maîtrelîè du Roy , l'aigrifloit nuchif-
auiîî contre les Reformez, foit pouç faire dépit à la Duchefle^'^^^ ^''*-
d'Eftampes leur protedrice , qu'elle haïObit mortellement : fbit !rilZT
par intérêt, pour profiter des biens des condamnez , dont elle fè -^''^R'-
faifoit donner les confifcations. Principalement après TEdit de^"'^'"^*'
Chateaubriand, on Taccuia de faire Ion profit des rigourcufcs
pourfuites qu'on faifoit contre les Reformez: & on tenoit même
qu'elle avoit des émiflaires , par qui elle faifoit dénoncer ceux qui
avoient afîez de bien pour exciter fa convoitiic. Le Clergé de
fon côté prenoit plaifir à voir mettre en cendres tant d'innocens
pour fcs intérêts. Mais il avoit d'autre part beaucoup d'indul-
gence pour luy-mêmc : & pour ôter au monde l'elperance de la
correction des Ecclefiafliques , il obtint au Confeil du Roy la credu
cafîàtion d'un arrêt du Parlement de Touloufe, qui ne tendoit'*'"^^"'-
qu'à reprimer le libertinage & la débauche des Prêtres. Le Par- '^'^'
lement fut déchiré par de fanglantes fatyres, que le Clergé pu-
blia fur ce fujet -, & l'un des principaux membres de cette Cour
ayant écrit une apologie pour ce veuerable Corps, où les vices
des Ecclefiafliques étoient repris trop à découvert, ils eurent en-
core aflez de crédit pour la faire cenfurer.
Cela n'empêcha pas qu'on ne fit une efpece de juftice des i<^o.
cniautcz que d'Oppede, exécuteur d'un arrêt du Parlement de
Provence, avoit exercées quelques années auparavant, contre ifxf.
certains refies de Vaudois habitansde Merindol& de Cabrieres. ■4f'">^^
On n'avoit rien dit de cette affaire pendant la vie de François L '/j„^5"^
parce qu'on fbupçonnoit le Cardinal de Tournon , qui pouvoit cabrie-
alors beaucoup à la Cour , d'avoir été le confeiller ou le com- ''*^*
plice de cette barbare a£tion. Mais quand le gouvernement fut
paflë en d'autres mains , ce Cardinal fut éloigné des affaires : &
Je Connétable , qui ne luy vouloit pas de bien , fut Ibupçonné
à fon tour d'avoir excité les reftes de ces malheureux à deman-
der juflice, afin d'embarraiier le Cardinal dans le fuccés de leurs
plaintes. On eut peine à convenir déjuges pour cette affaire, iffo.
Le Grand Confèil en prit connoifîance le premier : enfuite le
procès fut évoqué au Roy, enfin on le renvoya au Parlement de
Paris , où il fut plaidé pendant cinquante audiences -, mais tout
ce grand bruit fut fùivi de peu d'effet. Les principaux coupables
échapérent. L'Avocat du Roy au Parlement de Provence fut le
B 3 , feul
14 HISTOIRE
feul à qui il en coûta la vie. Le Comte de Grignan n'eut que
la peur de perdre Tes biens , que la faveur du Duc de Guife luy
conferva. D'Oppede ftit abfous, parce qu'il montra fès ordres,
&c que le Duc le fervit de tout fon crédit Les Proteftans ne ti-
rèrent point d'autre vangeance de fes cruautez, que celle de fa-
voir qu'il mourut d'une mort horrible , & de dire hautement qu'il
l'avoit foufferte par un jufie jugement de Dieu.
Now Les fupplices ne faifoient point diminuer le nombre des Refor-
leaux j^£2 5 la conllancc de ceux qu'on faiibit brûler failant même plus
alfli!^' d'imprelîion fur les efprits , que les prédications & les livres. Mais
dent au d'aillcurs le Roy étoit inexorable : & quoy que le fpectacle de
^JefaL- ceux qu'il avoit fait brûler après la procefÏÏon dont j'ay parlé, & leurs
forma- ci'is horriblcs dans les tourmens du flipplice , euilënt tellement frap-
"^"' pé fon imagination , qu'il luy en demeura toute la vie ^e fâcheux
rejjbuvemrs , il ne rclâchoit rien des rigueurs. On brûla encore
I f f . quelques gens venus de Berne en France , où ils prêchoient la doc-
^ trine de leur païs. On remarqua entre les autres Louis de Mar-
fac 5 qui avoit porté les armes toute fa vie , & à qui on ne mit
point la corde au cou comme aux autres , par refpe^l pour cette
noble profellion. Il fe plaignit de cette différence qu'on avoit faite
entre luv&ies frères-, comme 11 en retranchant quelque chofède
l'infamie de fon fupplice, on avoit voulu diminuer la gloire de fà
confiance.
On vit cette année mis en ufage la première fois le bâillon ,
inventé afin d'empêcher les Reformez qu'on faifoit mourir de
parler au peuple,- ou déchanter desPfeaumes pour leur confola-
tion, quand on les conduifoit au fuppHce. On dit que l'Aubefpine,
qui en étoit l'inventeur , Rit quelques années après frapé d'une mala-
die pediculaire, qui le mit dans un fi grand defelpoir , qu'il voulut fe
laifTer mourir de faim. Cette furieufe refolution obligea ceux qui
étoient auprès de luy à le bâillonner, pour luy faire prendre de la
nourriture par force. De forte qu'il augmenta le nombre de ceux
qu'on a Vû fouffi'ir eux-mêmes le fuppUce, dont ils ont été les in-
venteurs.
^.gUfes Au milieu de ces exécutions les Eglifes s'affermifToient ; & il y en
formées à ^yq\^ déjà quclqucs-uncs qui avoient une difcipline formée, &des
aUieurT Pafteurs affedez. A Paris même où les feux ne s'éteignoient point ,
1 55 5. & fous les yeux du Roy , il y en avoit une qui avoit un Pafteur
*' pro-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. I. 15
propre. Les diverlës jurisdi£tions du Royaume s'accufoient re
ciproquement , de ne tenir pas la main afTez rigoureufement à l'exé-
cution des ordonnances. C'efI: pourquoy on attribuoit la con-
noillànce du crime d'herefie quelquefois aux juges Royaux ,
quelquefois aux juges Ecclefiailiques j & quelquefois on parta-
geoit la jurisdicVion entre les deux Tribunaux : en forte que depuis
que cette forte de procès avoit commencé à s'introduire, on
avoir donné cinq ou fix Editsfur la compétence des juges, quife
revoquoient alternativement: & dans les règnes fuivans même on
n'eut rien de bien arrêté fur cette matière. Le Cardinal de Lor-
raine lit cette année ôter aux Parlemens malgré leurs remon-
trances , pour faire plaifirau Pape, le pouvoir d'informer des
herefies, qui fut attribué aux Evêques, &onne laiiîa aux juges
Royaux que la punition des coupables. Selon l'intérêt du Cler-
gé le Cardinal avoit raifon. 11 commençoit à fe gliffer dans
les Parlemens des fentimens modérez. On y voyoit quelquefois
des gens, qui ne convenoient pas de la juftice des rigueurs. Il iff^.
y eut des juges qui foutinrent à Bordeaux , qu'il étoit inoùi qu'on y^7?"''>
eût jamais pratiqué tant de cruautez , qu'on en avoit exercé depuis \ati0n
quarante ans y qu'on ne devoit pas condamner à la mort pour de fim- S'^g^^
pies erreurs, au moins avant que d'avoir travaillé à initruire & àj,^^^^''"
corriger le coupable j que le Concile étant encore fur pied , puis
qu'il n'étoit que fufpendu, &: devant juger de la choie au fond ,
il falloit attendre ks decifions , avant que de condamner les pré-
venus à des peines fi extraordinaires. Le party de ces modérez fe
trouva fi fort, qu'il y eut partage entre les juges. Mais le zélé
de la Religion l'emporta fur l'ordre de la juftice , & au lieu qu'on
fuit communément le party le plus doux en matière criminelle ,
quand les avis font partagez , on renvoya l'aflàire à la Grand
Chambre, où le partage tîit vuidéj & l'avis le plus fevere fut
préféré au plus équitable.
L'embarras où la Cour fe trouva parla perte de la bataille de S. I5'5'7''
Quentin, fit efpcrer aux Reformez qu'on leur donneroic un peu de
relâche. C'elt pourquoy ils firent des allemblées avec moins de
précaution qu'auparavant : & entre les autres ils en firent une à
Paris dans la rue S. Jaques, fi nombreufe qu'elle ne put être ca- ^jlff»-
chée. Le peuple, qui les vit fortir de îamaifon où ils s'étoient p^li^,,
affemblez , le jetta fur eux 3 la juilice y vint pour empêcher le def^
or-
é-
i6 HISTOIRE
ordre : quelques-uns fe défendirent contre les aggrefleurs, Se fe
fauverent -, d'autres échaperent par divers moyens : mais il en fut
arrêté plus d'un cent , &: dans ce nombre il fe trouva quelques filles
caracte- de la Reiuc. Cette PrincefTe même, qui n'étoit rien moins que
^h'^i^e*' ^^ qu'elle vouloitparoître, & qui vouloir pafTerpour prude, n'é-
y S;- toit pas fâchée qu'on la foupçonnât de donner dans les fentimens
*■"• des Reformez. Les plus honnêtes gens avoient une haute opinion
d'eux, & les tenoient pour irréprochables dans les mœurs. Mais
le peuple étoit animé contre eux par d'horribles calomnies. Tan-
cdcm. tôt on en faifbit des Juifs, qui mangcoient un agneau de Pâque
»ies ft'w-dans leurs aflèmblées nodurnes j tantôt on dilbit qu'ils y man-
Tefcr- geoient un cochon au lieu de l'agneau -, tantôt qu'ils y rôtifToient des
9nez. enfans, & qu'ils failbient grand chère dans ces monllruëux re-
pas j après lelquels ils fe mêloientà chandéles éteintes, par toute
forte d'accouplemens illicites. Il fe trouva même des gens d'un zélé
fi furieux, qu'ils oferent dire qu'ils avoient participé à ces infernales
dévotions. On fit brûler plufieurs de ceux qui avoient été arrêtez:
les autres fe fèrvirent heureufement de tous les tours delà chicane,
pour différer le jugement : & pendant ce tems-là les AUcmans &z les
Suifîès, dont le Roy avoit befoin , intercédèrent pour eux j &on
laifîà ralentir ces rigueurs peu à peu, pour n'offenfer point des
amis fi nécefïàires.
1 5*5 8. L'Eté fuivant le peuple s'avifa de chanter dans le Pré aux Clercs ,
chorit lieu où toute la ville avoit accoutumé de prendre le plaifir de la
Peaumts promenade,les Pfeaumes que Marot avoit mis en rime,&: qu'on avoit
en pu- mis en Mufique fiar de fort beaux airs. Cette nouveauté plut
^^"'' d'abord , & dès le lendemain le Roy & la Reine de Navarre s'y
trouvèrent , avec une multitude incroyable de peuple. Le Cler-
gé en prit une forte alarme -, & s'employa de toute fa force à faire
interdire de pareilles afîemblées. Son zélé eut en cela quelque
chofe de fort fingulicr -, il ne put fouffrir qu'on chantât en pleine
campagne, ce qu'il y avoit déjà quelques années qu'on chantoit
librement dans lesmaifons, &:à la Cour même: fans que ce chant
eût été regardé comme une marque d'herefie. Mais depuis cette
première entreprife jufqu'à ces dernières années, le chan^des Pfeau-
mes a toujours été inf upportable au Clergé -, & quoy qu'il n'ait
jamais fait de ferieux eflbrts, pour empêcher le chant des airs
profanes & fàles, qu'on n'a que trop multipliez en touttems, au
con-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. I. 17
contraire il n'a jamais rien pourfuivi avec tant d'inftance, que 1558.
d'ôter aux Reformez la confblation de chanter librement ces fa-
crez Cantiques.
Ge fut environ ce tems qu'on vit naître en France la concurren- origine
ce de deux partis, quipenferent la ruiner dans la fuite, & qui fut J^^//f'''
comme la fburce de toutes les autres factions. L'un étoit celuy
des Princes Lorrains, qui profitèrent pour s'agrandir de la de-
faite & de la prife du Connétable : l'autre étoit celuy du Con-
nétable même & de fà famille , qui pofledoit la plupart des char-
ges. Ce Seigneur précipita le Traité de Cateau en Cambrefîs,
afin que la paix luy procurât la hberté , & le moyen de revenir à
la Cour , pour empêcher la décadence de fà Maifbn. Mais le
Cardinal de Lorraine fe fervit du même Traité , pour chercher les
occafions de le perdre. Il eut une conférence fecrete avecGran-
velle Cardinal Evéque d' Arras , qui fe plaignit à luy qu'on favori-
(bit à la Cour de France des perfbnnes imbues de l'herefie -, & nom-
ma en particulier d'Andeîot, frère de l'Amiral de Chaftillon,
& neveu du Connétable. C étoit un artifice pour engager le
Cardinal , dont Granvelle connoiflbit le génie , dans un démêlé *
avec la famille de ces Seigneurs -, s'attendant bien que Toppofition
de ces deux partis mettroit le Royaume dans de grandes confLifions,
dont la Maiibn d'Autriche pourroit profiter. Le Cardinal hom-
me vain &c entreprenant, & qui dans fes grandes vues n'avoit pas
toujours la prudence & la fermeté neceflaires , crut trouver Ion '
compte dans cette nouvelle qu'on luy àprenoit : le (bupçon d'herefie
étant propre à détruire dans l'efprit de Henri IL l'homme le plus
avancé dans la faveur. Il accufa donc d'Andeîot , que le Roy fit iffp.
venir devant luy pour fàvoir la vérité de fa bouche. Il répondit d'une Fermeté
manière ferme , &:dic fes fentimens flir les mylteres de l'Eglife Ro- 'ji^if^^''
maine en termes fi forts, que les Hiftoriens n'olènt rapporter fes ex-
preiîions. Le Roy s'en mit dans une furieufe colère j s'emporta
même à des allions indécentes , le voulut tuer , Se blefla dans l'em-
portement le Dauphin fbn fils qui étoit auprès de luy. Enfin &fadif.
d'Andeîot fut mis en prifon, & fiit privé de fes charges. Mais ^'■'"'^"
quand la colère du Roy fut pafîee, le Connétable, après un peu
de peine , eut affez de crédit pour le rétablir. Ainfi l'artifice
du Cardinal n'eut point d'autre effet alors , que d'irriter contre
luy ces puillàntes Maifons , Ôc d'apprendre aux Reformez qu'il y
. Tome I. C avoit
i8 HISTOIRE
avoit des plus confiderables Seigneurs de la Cour dans leurs fen-
timens.
I cro. Cela n'empêcha donc pas la Reformation de continuer fes pro-
o-rés. Elle fut embralFée par des perfonnes de toutes les condi-
tions. Elle gagna grand nombre de gens d'Eglife, & de gens
ccnfeii- de lettres. Elle mt même goûtée par les plus honnêtes gens duPar-
lers au lemcnt de Paris. De forte que les rigueurs y étoient moindres qu'à
^em'je l^ordinaire, quoy que le Roy preflat toujours fortement l'execu-
Faris tion de fon Edit de Chateaubriand. Ayant donc envoyé au Parle-
^daifu ^^^^ "ï^ nouvel ordre de l'obferv^er exadement , quelques efpions
Joarine. l'avertirent que les avis ne laiflbient pas d'aller à la modération. Il
y furvint fans être attendu , la délibération étant déjà fort avancée :
& après avoir écouté patiemment jufqu'à ce qu'on fût à la fin des
avis, il en fit arrêter plufieurs. Du Bourg Se du Faur furent pris
dans leurs maifons : & on en chercha encore d'autres qu'on ne
trouva point. On fit le procès aux prifonniers par CommifTaires -,
mais quoy qu'on fe preffat fort de le terminer, pour contenter
Mort ^f l'impatience du Roy , il n'eut pas le plaifir d'en voir la fin. La mort
Henri IL j^ provint lors qu'il ne fongeoit qu'à fe réjouir > & il fut tué par
Mongommeri, qu'il avoit contraint de rompre une lance contre
Tremter luy. Ce fût pcu avant ce renouvellement des rigueurs, que les Dcpu-
synode f^z dcs Eglilès déjà formées dans les Provinces , tinrent à Paris au
^ai."' fauxbourg S. Germain le premier Synode National j ôcdreflerent
la Confeflîon defoy telle qu'on la voit encore aujourdhuy, & les
premiers articles de la Difcipline qui a depuis été obfervée dans tou-
tes les Eglifes du Royaume. Ce Synode dura quatre jours, au
milieu des bûchers &'des gibets, qui étoient dreffez dans tous les
quartiers de la ville: & on y garda tant de fecret, que l'aflèmbléc
ne fût ni découverte ni empêchée.
.Tra»foh Après la mort de Henri 1 1. toutes chofes changèrent à la Cour
•T^- excepté les vices, qui s'y étant enracinez pendant le luxe de fon
Scmr. règne , y prirent encore plus d'empire fous celuy de Ces enfans. Les
intérêts y étoient fort divers > & les intrigues fort embrouillées.
Nature La Reine Catherine ambitieufe , voluptueufe , cruelle , vindica-
^IVs"'"' tiv^' ^^^^^ ^^7' ^ d'humeur à facrifiertout à ies pallions, vouloit
^""' retenir l'autorité entre Ces mains. Le Roy de Navarre inégal &
incertam dans la Rehgion , foible , timide , aimant le plaifir , &
facile à gouverner par ceux qui favoient le prendre à leur avantage,
fai-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. I. ip
faifoit àla Cour plus de figure que d'effet. Le Prince fon frère iffp.
étoit hardy, vaillant, entreprenant, ferme dans Tes refolutions ,
attaché à la Religion Reformée par des motifs mêlez d'ambition
& de probité i mais extraordinairement pauvre, pour un homme
de fa qualité. Mompenfier 6c la Roche-fur-Yon avoient en ma-
tière de Religion plus d'entêtement que de connoifîance. Les
Guifes avoient une ambition outrée , & d'ailleurs iis pouvoient
tout à la Cour , & par le mérite du Duc , & parce qu'ils étoient on-
cles de la jeune Reine femme de François II. belle Princeflè, qui
pouvoit prendre un grand empire fur le Roy , dont l'efprit étoit
facile jufqu'à la fimplicité. D'ailleurs elle pouvoit favorifer puif^
famment l'ambition de (hs oncles , parce qu'elle étoit capable d'i-
miter fa belle-mere dans toutes les maximes de la Politique, com-
me il parut affez parla fuite de fa vie Le Connétable étoit un
peu intereflë : mais d'ailleurs fliperflitieux & peu éclairé en matière
de Religion. Le titre de premier Baron Chrétien , Oc le cri * de guer- • Dieu
re de fa Maifon , fondé fur la même fable d'où ihs predecef leurs ^^'^^ *."
avoient tiré cet éloge , étoit pour luy un argument decifif de toutes c'hrê-
les controverlés. Les Colignis étoient puifîans , braves & gens tien.
de bien, ôc fi leur oncle ne les eût pas abandonnez, ilsauroient
pu aifément tenir tète aux Princes Lorrains. Mais il trouva mieux
ion compte à fé joindre aux Guifes , comme firent aufli Mompenfier
& la Roche-fur-Yon : ce qui obligea Ces neveux à fe joindre au
Prince de Condé , de qui la confiance & la bonne foy les afR'iroient
qu'il ne les facrifieroit jamais à fa fortune. Toutes ces liaifons n'é-
toient dans leur origine que des intrigues de Cour, & la Religion com.
n'y entra que par accident. Les Guifes voulurent fe fervir d'elle , *"'"^.^*
1- -11 -111 Religion
pour éloigner ceux qui leur donnoient de l'ombrage -, & les autres rii- y entre.
rcnt obligez à s'imir d'intérêt, avec ceux qui avoient les mêmes fen-
timens qu'eux fur la Religion, pour être en état de fe défendre.
Philippe IL alors Roy d'Efpagne, fuiA^oit les maximes deFerdi-
nant ion bif àyeul , & faifant valoir comme luy en toutes chofes le
prétexte de Religion, il s'étoit fignalé par la perfecution des Re-
formez dans tous fés Etats i jufqueslà qu'il n'avoitpas épargné la
mémoire de fon propre père. Il n'eut donc garde de manquer l'oc-
caf ion que la Religion luy donnoit de brouiller la France, en excitant
Tun de ces partis à la ruine de l'autre. Tout cela joint à l'extrême
corrruption de la Cour, où la débauche & l'mipieté devinrent
C 2 bien-
20
hres ar-
dentes.
Superfli-
tion en-
vers les
images.
Supplice
du Con-
feiller 4(t
Bourg,
HISTOIRE
bientôt les plus puifîântes machines de la Politique, fut caufequc
la condition des Reformez ne fut pas meilleure qu'auparavant.
On créa dans les Parlemens des Chambres ardentes , qui firent
brûler allez de ceux qu'on appelloit Hérétiques , pour mériter le
titre qu'on leur donnoit. Le Prefident de S. André fe fignala par
fes cruautez dans le refîbrt du Parlement de Paris : bien fécondé
par le Moine Inquifiteur De Mouchi, ainfi nommé du village de
fa naiilànce, d'où aufîiceux qui luy fervoient d'efpions pour dé-
couvrir les afîemblées prirent le nom de Mouchards , qui eft de-
meuré aux gens du même métier. Ce bourreau changea Ion nom
au nom barbare de Demochares , fous lequel il eft connu dans les
hiftoires. Ce furent ces efpions ou leurs pareils, prefque tous
apoftats de la Reformation , qui publièrent contre les Reformez
les calomnies que j'ay rapportées. Peu après le peuple, pour
connoître mieux ceux qui étoient imbus des fentimens Reformez,
poulTé ou par fa propre fuperftition , ou par les bigots , s'avilà
d'élever des images au coin des rues , & de contraindre les paflàns
à les faluër. Ceux qui le refufoient fe trouvoient bienheureux d'en
être quittes pour être battus , parce qu'on les prenoit à ce reftis
pour des Hérétiques. A la vérité on fit ôter en partie au peuple
ces objets de fuperftition: mais au lieu de les abolir, oh les mit
dans les Eglifes. Depuis cela on a vu cette paflion pour les ima-
c;es s'accroître d'une manière fi prodigieufe, qu'il n'y a point de
ville oii on n'en ait drefTé de nouvelles , & où le peuple ne fe Ibit
accoutumé à les peindre , à les habiller , à leur allumer des lam-
pes & des cierges , à s'aflembler devant elles , à fe mettre à genoux
au milieu àQs rues à certaines heures , pour chanter des hymnes
.& des litanies : & tous ces excès fe commettent aujourdhuy plus
que jamais, à la vùë des mêmes condudeurs, qui prennent le
ciel & la terre à témoin dans leurs écrits , qu'ils ne fervent point
•les images.
Cependant on avoit continué le procès aux prifonniers , de la
plupart defquels la peine fut fort légère. Mais Du Bourg, après
avoir témoigné quelque foiblefte , dont il revint par les exhorta-
tions des Miniftres , & autres qui luy écrivirent ou le vifitercnt , fut
condamné au feu comme les gens du commun. On tâcha de le
noircir, en l'accufànt d'avoir été complice de l'aflàllinatdu Prefi-
dent de S. André , qui avoit été un de fes Commifîàires : mais cet-
te
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. I. 21
te accufation, détruite par la probité reconnue de ce vénérable i ^ y n
Sénateur, tomba d'elle-même. Ca Prefident agit beaucoup plus
dans toute l'inftrudtion en partie palllonnée , qu'en juge équi-
table: ce que Du Faur, un des prifonniers, luy reprocha un jour
avec beaucoup de courage. Ce cruel homme fut tué , avant que
ceux qu'on avoit arrêtez fufîent jugez, &c un Ecoflbis du nom de
Stuart, qui fe difoit parent de la Reine, mais qui fut defavoùé
par elle pour faire plailir à fes oncles, fut pris fur le (bupçon qu'on
eut qu'il avoit commis ce meurtre. On y joignit encore d'autres
noires accufations : mais on ne put l'en convaincre par des preu-
ves fuffifantes, ni en tirer la confeiîion de fa bouche, même par
les tourmens de la queftion , qu'il fouffrit avec coniiance. On
ne voulut pas le condamner fur des preuves imparfaites j & on
n'ofa l'abfoudre ni le relâcher, parce qu'on avoit peur de luy.
Pendant qu'on poufîbit ainfi les Reformez , le defelpoir les fit ^'^rifs
parler & écrire pour fe défendre : mais leurs apologies irritèrent ^^-Lf/'
les Puilîances, parce qu'elles tendoient à exclure du Gouverne- iies Re-
ment les femmes & les étrangers -, & à mettre l'autorité entre les fi'''"^^!
mains des Etats Généraux & des Princes du fàng, pendant la mi- tem les
norité des Rois, qu'il nevouloient pasreconnoitremajeursàqua- ■^"'^^'*-
torze ans.- Ils fe firent encore plus de mal trois ans après, quand
ils lurent dans un Synode un écrit drefie par quelqu'un , qui les ex- Projet
hortoit à s'unir contre le pouvoir defpotique -^ la'Fapaute o" lachï- '^ZlZnu
€ane , qu'ils appelloient les trois peftes du genre humain. Ceux urbitrai-
qui vivent de la corruption de la Religion & de la Jufrice , n'ont ^^'
pas manqué de relever contre eux cette averlion qu'ils témoi-
gnoient pour le pouvoir arbitraire > & de fonder l'ur ceja le reproche
qu'on leur fait encore aujourdhuy , qu'ils ibnt Républicains , & en^
nemis de la Monarchie : comme fi ne flatter point la tyrannie étoit la
mêmechofe, que d'être rebelle à un légitime Gouvernement.
La puiiîance des Guiiescommençoit à devenir infupportable: & 1560.
il fe forma dès lors entre eux , & la Royale Maifbn de Bourbon, une
concurrence qui dégénéra bientôt en inimitié déclarée: de Ibrte
que depuis ce tems-k\, ces deux Mailbns furent irréconciliables.
•Ce fiit là l'occafion de l'entreprife d'Amboife , qu'on a voulu fai- ^"'^^pri-
re paffer pour une affaire de Religion. Je îaiife à d'autres le foin '^'^i>î "*'
"de traitcer ce fujet plus amplement : ècdcCe fervir du témoignage de
ceux qui affûrent, que la Reine Catherine avcut fecretemcjit Ibllicité
C 3 l'A-
22 HISTOIRE
l^6o\ l'Amiral de la tirer d'entre les mains des Guifès, qui s'emparoient
de l'autorité. Pour moy il me fuffira de dire que la Religion n'y
entra que par accident > parce que ceux qu'on privoit de la
part qui leur appartenoit dans le Gouvernement par leur naifïan-
ce , faifoient profelîîon de la Religion Reformée. Entre près de
douze cens malheureux qui périrent' en cette occaflon par divers
fupplices , &: dont la plupart fbufFrirent toutes les rigueurs de la
quertion, il ne s'en trouva que deux à qui les tourmens firent dire
ee qu'on voulut: mais tous les autres foûtinrent qu'on ne vouloit
que fe faifir des Lorrains, &: les dépouiller d*une autorité qui ne
leur appartenoit pas , au préjudice des Princes du fang. Il y a donc
aufli peu de raifbn de charger la Religion Reformée du blâme de
cette entreprife, fuppofé qu'elle en méritât, félon les maximes de
la Politique , que d'imputer à la Religion Romaine les conjura-
tions des Princes & Seigneurs Catholiques contre la t)Tannie du
Maréchal d'Ancre ^ ou celle du Duc d'Orléans, contre le pouvoir
outré du Cardinal de Richelieu -, ou celles des Parlemens & du Prin-
ce de Condé contre le miniltere du Cardinal Mazarin , qui mar-
choit liir les traces de fon predecefleur , pour l'opprellion de la li-
berté publique. Les Chefs & les membres principaux de ces con-
fpirations étoient Catholiques , comme dans l'entreprife d'Amboi-
le ils étoient de la Religion Reformée. Comme on avoit donc au
fond les mêmes motifs & les mêmes vues dans ces diverfes intrigues,
ou il faut les imputer également à la Religion de leurs auteurs,
& parconfequent juger la Religion Romaine d'autant plus coupa-
ble que la Reformée , qu'elle eft plus fouvent intervenue dans ces
mouvemensj ou confellèrque la Religion n'entroit que par acci-
dent dans ces affaires , purement politiques par leur nature j & que
les intérêts qui fervoientde mobile à ces entreprifes , n'étoientpas
proprement lesfiens.
Cr«««- . Au refte la cruauté de la Cour , dont les principales têtes fè di-
Cmrl ^^ vertifîbient à l'horrible fpedacle de tant de fupplices , & à voir
couler le fang dans toutes les rués d'Amboile 5 fit horreur aux per-
fbnnes modérées. Cet ellai des malîacres qui cnfanglanterent le
règne fijivant , toucha fi vivement le Chancelier Oh vier, qu'il en
mourut de regret. L'Hôpital fut mis en /a place > & en recon-
noiflàncede cette faveur, il fit toujours ks intérêts de ceux delà
Reine. Cette Princefle voyant l'autorité des Guifes accrue par le
fUG-
DE LEDIT DE NANTES, Liv. L ij^
fuccés de Tentreprife d'Amboiie, empêcha pour les abaifler, que ic^o,
les Reformez ne fuflent poufîez à bout. Elle n'avoit pas néan-
moins gagné leur confiance par là , puis qu'ils examinèrent dans un
Synode un Mémoire dreflë pour le prefenter aux Etats , où on
employoit diveries choies , qui ne luy étoient pas avantageufes. Le
Prince de Condé fut ménagé durant quelque tcms à la Cour ,
quoy qu'on y fût perfuadé qu'il avoit été le Chef fecretde Ten-
treprife : & le Duc de Guife , par une profonde diiîimulation de
Tes fentimens , parut donner les mains à fes juftifications.
Ce fut environ ce tems-1 à , que le nomde^//^//^;^^s'mtroduific
dans le monde : & comme on l'a toujours retenu depuis comme
un nomdeparty, je puis fans rompre le fil deThifloire dire quel-
que choie de fon origine. Jamais peut-être chofe n'a été plus oripne
inconnue. Ceux même qui ont vu naître ce mot en raportent j" "^"»
diveriement la nailîànce : &: on pourroit , peut-être , conclure de ^uemel
là , que c'eil un de ces noms que la populace invente fans favoir
pourquoy > & qui demeurent en ulàge fans qu'on fâche comment
ils y entrent : fi ce n'ell que chacun ayant voulu expliquer l'origi-
ne du mot , félon fa paflion & fon intérêt , les faufîes étymologies
que ces caufes ont produites , ont fait perdre enfin les traces de la
véritable. Quelques-uns donc font venir ce mot du nom dejean
Hus , ou d'un certain Hugues Sacramentaire , qu'on feint qui vivoit
au tems de Charles V L ce qui n'eft apuyé que fur une analogie
de Grammaire , ou fur la conformité qu'on a remarquée dans quel-
ques articles de la doctrine des uns & des autres. Quelques-uns
croyent qu'il vient du mot Gnojtique mal prononcé , qu'on appli*
quoit aux Reformez, à caufe qu'on leur imputoit des abomina-
tions , pareilles à celles dont on avoit accufé ces Hérétiques : ce qui.
paroît une fimple conjedure fans fondement. Telle efl: aufTi la
pcnfée de ceux qui le dérivent d'une harangue de quelques En-
voyez Allemans , qui commençoit par ces mots Hue nos , & qui
fiit prononcée d'une manière qui fit rire les Courtifans : ce qui
n'efî en effet qu'un conte pour rire. Ceux qui ont vu que dans
la fuite du tcms, les Reformez fe font offenfez de ce nom comme
d'une injure, ont cru qu'il venoit de certains mots SuifTes, qui
fjgiiifient des gens fèditieux > ou qu'on l'a pris d'une certaine pe-
tite monnoye , qui valoit moins que les mailles , & qui ayant en
cours au tenis de Hugues Capet, ic nommoït des Htigue7iots ^
ce
24 HISTOIRE
i<6o. ce qui fut appliqué par mépris aux Reformez. Mais il y a trois
fentimens plus communs fur ce fujet, qui ont auflî plus de pro^
habilité qiie les autres. Le plus iliivi eft celuy qui iè tire d*un
certain efprit follet , qu'on nommoit à Tours le Roy Hugon , du
nom duquel on nomme une des portes de la ville par corruption ,
la porte Fourgon , au lieu de dire la porte du feu Hugon -^ parce
que ce Ipedre paroiflbit la nuit aux environs de cette porte ,
quelquefois en forme de feu. Les Reformez faifant donc leurs
aflcmblées vers le même quartier pendant la nuit , à caufe que la
pcrfecution ne leur permettoit pas des'afîemblerle jour, on prit
delàoccafion de lesappeller Huguenots. On ajoute que le pre-
mier avis de la conjuration vint de Tours , & que ceux qui le don--
nerent le fervirent du nom de Huguenots , déjà connu dans leur-
ville , & qu'il eft demeuré depuis en ufage. Mais il y a une remarque
des Hiftoriens , qui peut faire douter fi cette conjecture eft folide.
Selon eux Tentreprife futfi fecrette, que les Guifcs en reçurent le
premier avis des pays étrangers •■, & que le premier qui les en aver-
tit en France , fut un certain Des Avenelles Avocat au Parlement
de Paris , chez qui la Renaudie , chef connu de la confpiration ,
étoit logé, & à qui il avoitété obligé de la révéler, pourluyôter
les foupçons que luy donnoit le grand concours de ceux qu'il
voyoit aborder dans famaifon: de forte que ce ne peut être de
Tours , que la Cour reçut la révélation de ce myftere. Le fécond
fentiment a bien plus de vraifemblance. Il fait venir ce nom
des mots Suifles Etd genojfen , qui fignifient alitez , &: qui avoient
pafle en France avec les Miniftres venus de ce pays-là : comme
par la même raifon , ils furent apellez Fribours en Poitou , pendant
qu'on crut que le Canton de Fribourg s'p ntendoit avec Genève , en
ce qui regarde la Religion. Ce nom devint plus commun après
l'entreprife d'Amboifè, parce que ce fut la première occafion où
les Reformez parurent unis pour leurs intérêts, & où ils fe gardè-
rent fort conftamment la foy qu'ils s'étoient donnée. Mais le troi-
fieme Sentiment n'eft pas moins probable. Il fait venir ce nom
de celuy de Hugues Capet, parce que les Reformez avoient pour
Chef un Prince de faMaifon, dont ils foutenoient les intérêts
contre les jPrinccs étrangers , qui le vouloient exclure du Gouver-
nement. A la vérité il n'eft pas probable que les Guifes euftènt
déjà formé àç.s defTeins fur la Couronne : mais il y a plufieurs cho-
DE LEDIT DE NANTES, Liv.l. if
(es certaines , qui donnent à ce fêntiment une grande vraifèmblan- 1 1 ^o.
ce. Les Guifès s'étoient fort aprochez du Trône par le mariage de
leur nièce avec le Roy -, & s*il en étoit (brti des enfans , ils auroient
été leurs parens bien plus proches que les Bourbons , qui étoient
éloignez de neuf ou dix degrez ; c'eft- à-dire qui étoient dans un
degré où il femble que le droit héréditaire s*éteint de luy-même.
D'ailleurs ils avoient alors un grand pouvoir à la Cour , d'étroites
intelligences avec TEfpagne , ennemie de la Maiibn de Bourbon à
caufc de l'udirpation de la Navarre , & un deflein formé d'ufurper
fur cette noble Maifbn l'adminiAration dçs affaires. De plus on
voit dès ce tems-là par les écrits & par les Synodes des Reformez,
qu'ils prenoient l'affirmative pour les Bourbons , à qui ils vouloient
conferver l'autorité au préjudice de tous les étrangers , même de la
Reine mère : de (brte qu'ils étoient partilans déclarez des Cape-
tiens. Comme donc du nom de ^a/?e , les Guifes & leurs adherens
qui faifbicnt fervir la Religion à leurs intérêts , furent nommez
'Papaux 5 & du nom de Gu^Je , furent nommez Guifar^is par les Re-
formez 5 il eft fort vraifemblable que du nom de Hugues , de la fa-
mille de qui les Reformez maintenoient les droits , ils furent nom-
mez Huguenots : ce qui devint public au tems de l'entreprife d' Am-
boile, parce que ce fut une occafion où l'oppoiition de ces deux
fàdions éclatta , & fit inventer des noms pour les diflinguer. Cela
efl confirmé par ce qu'on trouve dans les Mémoires du tems , qu'au
commencement les Reformez fe faifbicnt honneur de ce nom, fè
fondant fans doute fur ce qu'il étoit en effet une efpece de monu-
ment de leur fidélité , à maintenir les intérêts de leurs Princes légiti-
mes contre des ufurpateurs. Mais après que la mémoire du pafîe
fut abolie par divers Edits, & fur tout par l'extindlion de la fac-
tion des Guifards , ils ont pu (è plaindre qu'on leur donnoit en-
core ce nom, parce qu'il renouvelloit la mémoire des troubles, &
que le peuple qui ne faifoitpas attention à l'origine du mot, ne le
leur donnoit que comme un nom de cabale, à defîein de leiu: faire
injure.
Mais pour reprendre la fuite des évenemens , je remarquerai
qu'on vouloir alors établir l'Inquifition en France , &: que le Chan-
celier voulant empêcher cette funefte infbitution , confentit à re-
gret que les caufesd'hcrefiefufîênt encore une fois renvoyées aux
Evêques. Il y en avoir quelques-uns qui n'cDoient pas contraires
Tome I. D aux
26 HISTOIRE
1 560. aux Reformez. Marillac Archevêque de Vienne , & Monluc Evê-
que de Valence parlèrent favorablement pour eux dans une aflem-
blée qui fe tint à Fontainebleau , où l'Amiral prefenta requête au
nom des perfecutez, pour qui il demandoit la liberté de conicien-
^pparcn- ce. Il fcmbloit que la Cour eût des intentions équitables. On
"JLÎ!». P^^^^ d'un Concile National -, on défendit de fe provoquer de part
& d'autre ; on fit furfeoir les exectitions -, & pendant cette ombre
de paix les Reformez commencèrent à faire des aflémblées publi-
Trifondu ques cn plufieurs Provinces. Mais lors qu'on y penfoit le moins le
^côn!uf' Prince de Condé fut arrêté. On avoit eu le tems de prendre des me-
fures contre luy , pendant ce faux calme dont on avoit amufé le mon-
de, & on avoit découvert qu'il avoit de nouveaux delleins. On luy
fit fon procès avec une diligence extraordinaire : & il auroit perdu
la vie, puis que l'Arrêt qui l'y condamnoit étoit figné de tous fes
Juges, excepté du Chancelier qui temporifoit tant qu'il pouvoit,
Mort de Çi la mort imprévue du Roy ne l'eût tiré de cette peine. Elle vint
fh^auf- fi à-propos qu'on en prit occafion de l'imputer aux Reformez ,
fement^ comme s'ils avoient abrégé les jours de ce Prince par le moyen de
TJxrI. ^^^ Chirurgien, qui étoit de leur Religion. Mais les Hiftoriens
formez, linccres les ont déchargez de ce reproche c alomnieux. Ils ont apris
au public que François 1 1. avoit des incommoditez naturelles , qui
avoient préparé fon mal j que fon cerveau nefe purgeoit par aucun
des conduits qui fervent à cet ufage dans les autres hommes > qu'un
an avant fa mort il avoit paru fur fon vifage certaines puflules ,
qu'on avoit prifes pour des marques d'un mal extraordinaire, à
quoy le bruit avoit couru qu'on avoit voulu pourvoir par un remè-
de encore plus rare : d'où on peut juger combien il avoit le fang
gâté, & le corps plein d'humeurs corrompues.
Charles Les Etats aflémblez avec précipitation vers la fin de l'année , don-
^^atsaf ^^^^^^ quelque efperance aux Reformez , que la Reine mère ne
fembiez, leur fcroit plus fi contraire. Le Chancelier fa créature y blâma
^'^'^7'- ouvertement les violences en matière de Religion. Les Guifes
Us favo- étoient déchus de leur crédit , parce qu'ils n'avoient pas le même
^'f^' afcendant fur Charles I X. qui fuccedoit à fon frère , que fiir le dc-
fiint qui avoit époufé leur nièce. L'Amiral ayant été offenfé par
la harangue du Député du Qergé à l'ouverture del'afîèmblée, on
1 5^ I . luy en fit faire réparation. Le Prince de Condé flit abfous. Les Evê-
ques de Seez 6c de Valence ayant prêché à la Cour des fentimens
fort
DE L»EDIT DE NANTES, Liv. I. 27
fort aprochans de ceux qifon appelloit Hérétiques , la Reine les 1561;
protégea contre les bigots qui en murmurèrent. Elle écrivit même
au Pape en faveur des Reformez , & apuya leurs demandes touchant
la reflitution du Calice 5 & le ferviceen langue vulgaire. Elle don-
na un Edit de tolérance qui fut le premier de tous : mais comme
elle ne pouvoit fe démentir long-tems , elle excita elle-même le
Connétable à en murmurer : Se pour empêcher les Parlemens d'y
obéir , elle en fit l'adreflè aux Prcfidiaux contre la coutume. Les
Parlemens ne manquèrent pas de s'en plaindre, & de donner des
Arrêts contraires. On retomba encore dans la même irrefolution
où on s'étoit fouvent trouvé , touchant la compétence desjuges qui
dévoient connoître de l'herefie -, Se on partagea de nouveau, par un
Edit au mois de )uillec, la jurisdidion entre les Préfidiaux & les Evê^
ques : ceux-là furent autorifez de juger des aflemblées illicites , &
ceux-cy de la doctrine. Le Clergé avoir allez bien payé cette fa-
veur. Les Etats remis à Pontoiié luy avoient donné de chaudes
alarmes , parce qu'il s'y pallbit des chofes avantageufes aux Refor-
mez, N'Iais il fe racheta de la peur, en confentant au payement de
quatre décimes pour f îx ans. Ce qu'il y eut de bon pour les Re-
formez , ce fut que l'Edit modéra la peine de l'herefie au bannii^
fèmenr.
Cette année vit naître le Triumvirat , c'efl: -à-dire la ligue du Duc N-iif*»*
deGuife, du Connétable, & du Maréchal de St. André. Le der- ^^ . j'^^
nier y entra, pour s'exemter de rendre compte des fommes immenfes virat._
qu'il avoit mal employées. Le Connétable en fit autant de peur de
rendre une Ibmme de cent mille écus. Comme la Reli2;ion étoit un
des prétextes de leur union, qui fit beaucoup de mal aux Reformez ,
ce fut à CCS bas intérêts que la Religion Romame fut redevable de
fa coniervation. Mais il n'y eut rien déplus remarquable dans le co%«#
cours de cette année que le Colloque de Poilli , qui tint toute l'Eu- '^^ ^°'^^'
rope en attente durant quelque tems. Il n'y eut jamais d'afîèmblée
SLiifit tant de bruit, ni fi peu d'effet, fi ce n'eft que la Cour de
.orne en fut allarmée. Les commencemens furent faftueux &
fuperbes. Toute la Cour s'y trouva. Il y alllfta des Cardinaux &
des Evêques. On commença de part & d'autre par des harangues
fortes & graves j mais un mot échapé à Beze dans fon difcours , fer-
vit de prétexte au Cardinal de Tournon , &: aux autres de fon party
pour faii'c du bruit, 6c pour empêcher que le Roy ne continuât à
D 2 honorer
28 HISTOIRE
15-61. honorer ces difputes de fa prefenre. Ainfi le Colloque public dégé-
néra en conférences particulières : & les Evêques ayant ou dédai-
gné , ou craint de conférer avec les Miniftres , on commit Taffaire
à quelques Dodteurs. En fuite les conférences furent interrompues^
on parla en vain de les renouer-, on lafîà les Députez par des remi-
fesj & enfin ils fe retirèrent, quand ils reconnurent qu'on ne les
amufoit que de vaines efperances. On les occupa quelques mois à
la conciliation de quelques articles controverfez : mais quand les
perfonnes commifes pour en traiter avoient accordé quelque chofè,
il venoit à la traverfe quelque Dodeur zélé , qui faifbit des oppofî-
15-62. tionsôc des proteftations contre ces accommodemens. Oeftcequi
arriva fur le fujet des images. Le Doyen du Collège de Théologie
s'oppofà fortement à ce qui avoit été conclu touchant leur ufage,
&:foutint qu'il falloit retenir tout ce que l'Eglife Romaine avoit au*,
torifé 5 même ce qui s'étoit introduit par une mauvaife coutume.
Le Clergé de nôtre tems a fuivi cette maxime , & n'a pas voulu
acheter le retour des Reformez dans (à Communion, au prix des
moindres abus que l'Eglife Romaine tolère. Au refte on eut dès le
commencement de ce Colloque un préfage afïuré , qu'on n'en de-
voit attendre rien de bon -, en ce qu'onze jours après l'ouverture
îtahîijfe- qu'on en fit le 4. de Septembre , le Clergé allèmblé à Poiffi , à qui le
TeXïtt^ Parlement avoit renvoyé la connoiflànce de la demande des Jefuïtes
à Fsris. touchant leur établiflement, autorifa leur demeure à Paris, à des con-
ditions que la Société n'a jamais gardées. De forte que la même
afîemblée, de qui onattendoit un équitable accommodement des
•differens de la Religion , ne fervit qu'à établir dans le Royaume les
plus mortels ennemis de l'équité , qui ont pris l'ambition, la perfidie
& la cruauté pour les principales maximes de leur Politique.
1^61. Le Cardinal de Lorraine avoit fait paroître un peu de panchant
Zcês ^^^^ l'opinion des Luthériens touchant h prefence réelle , & il fit
/Jcar. drefTer un formulaire fur cet article qui ne s'éloignoit pas de leurs
dinai de principes. On ne (ait s'il entroit tout de bon dans ce fentiment , ou
n7r'' s'il avoit feulement quelque vue politique, qui le portoit à montrer
de l'inclination pour cette doftrine. Il eft certain au moins que le
Duc fon frère &luy fè fervirent de cet artifice, pour empêcher le
Duc de Virtemberg , qu'ils virent à Saverne en Allace , de fe confe-
é- d» derer avec le Prince de Condé qui l'en recherchoit. Le Roy de
Roy de Navarre , perfuadé par le Précepteur de fon Fils naturel , avoit té-
^f"''*'" moigné
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. I. 29
moigné lemêmepanchant; mais il n'eut jamais de fentiment arrê- i j6î,
té fur la Religion, fur le fujet de laquelle il demeura irrefolu juf-
ques à la mort.
Il arriva une grande fedition cette année dans un des fauxbourgs seMtion
de Paris , où les Reformez étoientaflemblez pour leurs exercices. '^.^^'L
Les Catholiques qui avoient une Eglife dans le voifinage , firent Refir.
ibnner leurs cloches avec plus de bruit & plus long-tems qu'à l'or- ^^^'
dinaire, pour troubler le Miniftre & les auditeurs par ce carrillon.
On envoya deux hommes fans armes les prier de faire eefler cette
importune fonnerie : l'un de ces deux hommes fut afïbmmé par les
Catholiques , & l'autre échapa. Le peuple s'échaufa aifément de
part & d'autre, fans que les Archers , qu'on envoyoit alors pour em-
pêcher de femblables accidens , fliflent capables de le reprimer.
Les Reformez furent les plus forts -, les portes de l'Eglife furent
rompues, les images brifées , quelques Catholiques tuez , quel-
ques Prêtres mis pnfonniers. Mais on fit payer aux Reformez cet
avantage bien chèrement. Le Parlement les jugea coupables , & en
fit pendre deux ou trois. Il fit mettre même en prifon les témoins
qui aA'oient depofé en leur feveur. On a depuis fuivi cet exemple,
& donné le tort aux malheureux , quand on leur avoit fait les derniè-
res violences. C'efl ainfi qu'ils fiirent traitez encore peu de tems 1^62.
après, à l'occafion du mafîacre deValli. Les domeftiques du Duc ^*^^*
deGuife le commirent en prefence de leur maître. Ils tuèrent en- ;,^r^^/'£.
viron (bixante perfbnnes, & en blefierent plus de deux cens. La ^' ^^_
Reine en promit juftice: mais le Roy de Navarre , quelesTrium- J'*^'^'^^'
vii's avoient mis dans leurs intérêts , reçut fort mal Beze , qui étoit
allé luy en faire les plaintes. Le Duc de Guife & le Maréchal de S.
André éludèrent les diligences qu'on fit pour la punition des cou-
pables , & le blâme du mafîacre fut rejette fur l'impatience des Re-
formez.
Cette adion étoit néanmoins de confequence , parce qu'outre
la cruauté du fait , elle étoit une infraction de l'Edit de Janvier, le
premier de tous ceux qui ont accordé l'exercice public de la Reli-
gion Reformée. Il avoit été drefîé avec l'approbation d'une af^
lémblce de Notables : mais vérifié avec de grandes difficultez :
principalement à Paris, où après plufieurs juiîions il fut enre-
gitré, à rai fin de la conjonèîure du ttms, fans approurcer la
nouvelle Religion , & jujqu'à ce ^ii^ le Roy en eût autrement or*
D 3 donné.
7,0 HISTOIRE
i<(j2. ^onné. Cet Edit étoit un effet delà faveur de rAmiraî, quiétoit
alors extrêmement carefTé de la Reine , & dont le crédit donna
tant d'ombrage aux Triumvirs , qu'ils fe retirèrent de la Cour.
Mais ce Seigneur ébloui par les artifices de la Reine, luy decoii-
Tonesdes vrit un peu trop les forces de Ion party , eruluy demandant à^s Tem-
Kefor. p]ç5 pour dcux mille cent cinquante Eglifes. Elle voulut voir un
état des forces de chaque Eglife en particulier; mais on le luy re-
courte fiifa 5 jugeant peut-être qu'on s'ctoit déjà trop ouvert avec el-
fa,veur \q Dcpuis Cela cllc Craignit l'Amiral, de qui elle ne vouloit pas
Ztraû dépendre.
Mais les Triumvirs ne furent pas long-tems abfens de la Cour ,
& après qu'ils eurent fait rendre les armes au peuple de Paris , fort
porté pour eux , ils mirent la Reine dans un grand danger de per-
vremit- dïc fon autorité. Elle eut recours au Prince de Condé pour le ti"
lnfr!tri ^^'' ^^ ^^'^''^ maius 5 & par des lettres preflantes , où elle luy recom-
fe parles Hiandoit le Roy, le Royaume & elle, fe plaignant quelesGuifes
ordres de ^ {çurs confcdcrez la tenoient en captivité, elle luy mit les ar-
' mes à la main , fous le beau prétexte de délivrer le Roy & la Reine.
Puis de. Mais cette Princelîê, qui tomba au pouvoir des confederez ,
frvoUét. ayant été contrainte de defavoùer les armes du Prince , il envoya
les originaux de ^&s lettres à tous ceux des Allemans auprès
de qui il voulut fe juftifier: ce qu'elle prit pour un affront,
qu'elle ne luy pardonna jamais Cependant pour empêcher les
Reformez de s'unir au Prince , on publia un Edit fous le nom
du Roy, qui confirmoit l'Edit de Janvier, accordoit l'abolition
du paffé, &:permettoit l'exercice public de la Religion Reformée
Vigue du par tout , excepté la ville & les fauxbourgs de Paris. Mais cette
Tape , du rufé n*eut point d'effet , parce que le Prince publia la copie d'un
fagneé' Traité de Ligue entre le Pape, le Roy d'Elpagne & les Guifès
del Gui. contre les Reformez , qu'il avoit interceptée. Ce n'eft pas que
^hs Re-^' ^^^^ ^^^^^ occafion , & dans toutes les autres pareilles , il n'y ait
formez, toûjours cu grand nombre de Reformez qui fe font laifîèz tromper
par ces Edits illufbires: & même toûjours quelqu'un qui a porté
les armes contre fes frères pour les intérêts de la Cour : mais au
moins la divifion ne fut pas fi grande, qu'ellepûtaffoiblirconfi-
derablement le party du Prince. Il y eut fbixanteMiniftres, qui
étant confultez fur la continuation de la guerre , quelque tems
après le defaveu de la Reine, décidèrent que les armes une fois
prifes
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. I. 51
prifes par l'ordre de cette Princeflc, contre les ennemis du Roy ic^j.
& de l'Etat, & les infi:a£Veurs desEdits, étoient légitimes, & '
qu'on n'étoit point obligé de les quitter.
Cette guerre fut cruelle en plufieurs endroits , parce qu*^il y avoit ctuah-
des Chefs de part &; d'autre qui la faifoient fans quartier. Des J^'^//^^
Adrets du coté des Reformez, étoit renommé pourfescruautez. é' <^es
Monluc de l'autre côté ne pardonnoit à perfonne : Mompenlier -f'^';*'-^ .
méniefe fignaloitpardes inhumanitez. Il y avoit néanmoins cet- cuLu.
te différence entre les cruautez des deux partis , que celles des Ca- i"^' «»
tholiqiies étoient une continuation de celles qu'ils avoient exer- ^^^''^ '
cécs depuis près de quarante ans , par tant de fupplices : & que
celles des Reformez étoient un effet du defefpoir , où une fi lon-
gue & fi barbare perfecution les avoit jettez : ce qui cft à remarquer
contre les Hilforiens Catholiques , qui excufent tant qu'ils peu-
vent les excès commis par leurs gens, au lieu qu'ils exagèrent
horriblement les violences des troupes du Prince. Les Reformez
donc ne trouvoient point de mifericorde. On ne leur gardoit
point la foy des compofitions : & non contens de les faire périr par
les combats & par les maflàcres , les Catholiques y employoient en-
core où ils pouvoient les formes de la juftice. Rien n'infpira plus de
fureur au peuple contre eux , que ce qu'ils bn ferent les images
en plufieurs lieux, & qu'ils brûlèrent les rehques. Cela fit don-
ner auifi contre eux des Edits fanglans. Les Parlemens enchéri-
rent fur le Confeil par leurs Arrêts j principalement ceux de Paris, de
Rouen , de Dijon &c de Thoulouiê. Les armées des Catholiques
ne faifoient pas moins de defbrdres que les autres : mais les Re-
formez portèrent le reproche de tout, & on leur imputa même
les facrileges de leurs ennemis.
Un nouveau mafiacre des Reformez à Sens , arrivé par la fau- ^^f^^rt-
te du Cardinal de Lorraine Archevêque de cette ville , rompit des "* *''''
conférences où on negocioit la paix. On continua la guerre par
les écrits, Reparles armes. Les Catholiques les premiers recou- itran-
rurent aux étrangers -, les Reformez les imitèrent. Ils tirèrent du s"'' '"
fècours de la Reine Elizabeth, qui fe faifit du Havre de Grâce '^''"^''
pour fa fureté. Mais avant que fes troupes euflent joint l'ai'mée du Bittauu
Prince, on donna une bataille près de Dreux, dont le fiiccés *^'
fut fi égal, qu'il n'y eut que le Duc deGuifè qui en profita.- Le ^'^'"*'
Roy de Navarre étoit mort quelque tems auparavant d'une blefliï-
re 5
32 H I S T O I R E
15^2. rc 5 ^u*il avoit reçue au fiégè de Rouen. Le Maréchal de S. An-
dré fut tué , le Connétable pris dans cette bataille : de forte que
le Duc n'avoit plus à la Cour ni fîiperieur, ni concurrent. Le
Prince de Condéfiit fait aufîi prilbnnier j mais cela n'empêcha pas
fon party de porter Ces prétentions fi haut , qu'on ne put faire la
I < (> î . paix. Le Duc ayant donc mis le fiége devant Orléans , y fut afîaf-
Siège fine par Poltrot. Ce miierable étant pris chargea l'Amiral , Beze &
feanJ phi^curs autrcs d'avoir eu part à fbn entreprife. Il varia fbuvenc
Mort du dans Tes interrogatoires: néanmoins il accufa l'Amiral un peu plus
Duc de conflamment que les autres. On voulut bien le croire fur cet ar-
^ont' ticle : Se le jeune Duc de Guifè , ayant toujours regardé ce Sei-
l'aufeur gncur commc coupable , s'en vangea neuf ans après fiir plufieurs
VAmi- n^illiers d'innocens , dont il mêla le iàng à celuy de l'Amiral pour
rai. expier la mort de fon père.
Cette mort rabatit les vaines penfées du Cardinal de Lorrai-
ne 5 qui étoit alors à Trente , où le Concile avoit été remis pour
la troiliéme fois par une Bulle de Pie IV. Les Ambafîàdeurs
de France y attendirent aflez long-tems les Evêques de leur
Nation. Enfin le Cardinal s'y rendit fiiivi de quelques Prélats , &
bien refolu d'infifter fur trente quatre articles de Reformation , qui
fembloient être fort defirez de la Reine j principalement la refti-
tution du Calice , & le mariage des Prêtres. Le même accident fit
Paix ar- prendre aufli à la Cour diauttes mefures, & difpofà les chofes à
la paix, dontl'Edit fur arrêté à Amboife. Le Prince ne prit l'a-
vis que de la nobleflê de fbn party , qui étoit lafîè de la guerre 5
& n'écouta point foixante & douze Miniftres , qui ne veuloient
rien rabatrede l'Edit de Janvier. L'Amiral ne fut pas content de
cette démarche , mais il fallut vouloir ce qu'on ne pouvoir em-
pêcher 5 &c recevoir un Edit bien moins favorable que le précèdent,
6c où la diftindion des droits d'exercice de fiefs , de pofîêflîon &
Bailliage fc trouve introduite.
La paix fut fuivie d'un événement dont on fiit fort offenfe à
Rome. Le Cardinal de Chatillon Evêque de Beauvais, qui efl
une des anciennes Pairries du Royaume , s^étant rangé à la Religion
de l'Amiral fon frère, quitale nom & l'habit de fa dignité Eccle-
liaftique , & ne retint que celuy de Comte de Beauvais. Le Pape
le cita 5 & le priva du Chapeau : mais ce Seigneur voulant montrer
le peu de cas qu'il faifoit de la cenfure Papale , reprit auffi-tôt fbn
ha-
retee,
DE LEDIT DE NANTES, Liv. I. 53
habit de Cardinal , & le porta dans toutes les cérémonies où il Te j ^^é
trouva -, même à l'enregîtrement de la Déclaration du Roy fur
là Majorité. Pour aller même plus loin il fe maria , & porta M^^isi^t
fbn habit de Cardinal le jour de fcs époufailles. La même an- j"^^J^J
née le Cardinal de Lorraine afïèmbla un Synode à Rheims , où le châdi-
Cardinal de Châcillon ne comparut point , quoy que Suifragant de 'f"' ^
Rheims à cauiede l'Evêché de Beauvais. Les ailiftans Te conten- "* "'
terent de prendre la relblution d'avertir le Roy, que ce Prélat étoit
excommunié à Rome comme Hérétique. Mais cela fut furfis
jufqu'en 1569. que le Parlement le déclara rebelle, &: le priva
déroutes fes dignitez> le renvoyant à fon fuperieurpourle regard
du délit commun. Le Parlement n'ofa déclarer par l'arrêt ce
qu'il entendoit par ce fuperieur , de peur d'ofFenfer le Pape. Mais
dans un autre rendu quelques jours après , il exprima que par ce '
iuperieur il entendoit l'Archevêque de Reims fbn Métropolitain ,
avec les Evêques fes Suffragans , conformément aux libertez de
l'Eglife Gallicane. Au relie quand la veuve de ce Cardinal
voulut après l'Edit faire confirmer fbn mariage, on ne voulut pas
le faire, comme je le remarquerai plus amplement quand il
fera tcms. Le prétexte fut qu'il n'y avoit plus de preuve, ni
par écrit ni par témoins , que ce mariage n'eût pas été clan-
defîin. En effet il y avoit 40. ans que la chofè s'étoit pafîee ,
& il ne refloit qu'un feul homme qui en pût témoigner : mais ce-
la n'empêche pas qu'il ne fût vray , que le mariage avoit été cé-
lébré du confentement 6c en prefence des frères du Cardinal , &
avec toute la Iblennité que la fimplicité de la Reformation, &
la condition des tems avoit pu permettre. Le Cardinal paila en i f^S,
Angleterre dans les guen'es fùivantes, pour tirer de nouveaux fè-
cours d'Elizabeth : 6c quand il voulut retourner en France, il if/i*
mourut empoifonné par un de fes domefliques.
Le Chancelier prit fon tems après l'Edit de paix pour en pu- if^B-
blier un autre, qui ordonnoità tous les fujets du Roy de payer les
dimes aux Ecclefiaftiques. On ne douta point que cet Edit ne ^'^"
fût le falutde la Religion Romaine : parce que fî on eût fouffert *« cur-
que les Reformez fe fufferit exemtez de ce droit, comme ils avoient ^''
commencé , tous ceux qui avoient des biens fujets à la dîme fè
feroient jettez dans leur party , pour augmenter tout d'un coup
leur bien d'une dixième partie. Il paroit néanmoins par les plain-
Tome L E tes
U HISTOIRE'
1^62. t€s du Clergé, qu'il renouvelloit dans toutes (es aflèmbléeSjqu*!! a eu
de la peine à jouir de l'effet de cet Edit -, & que c'eft feulement de-
puis FEdit donné à Nantes, qu'il a été rétabli dans la pleine pofîef-
fion de fes droits. En effet alors la queflion fut contradidoirement
jugée à l'avantage des Ecclcllaftiques : & la recompenfe qui fiit ac-
cordée aux Reformez , pour les indemnifer de leurs dîmes , leur
ôta tout prétexte de renouveller leurs prétentions fur ce fujet.
Jufques-làle Clergé n'avoit pu fe maintenir dans cette poffefîîon.
Les Reformez ne luy payoient rien , dans les lieux où ils pou-
voient s'en défendre. Les Catholiques à leur imitation, &: prin-
cipalement les Gentilshommes en plufieurs provinces , ne payoient
que ce qu'ils vouloient. Mais VEdit luy fervant d'un nouveau
titre, il rentra peu-à-peu dans la joùiflance de tous fcs droits ,
' & fous le prétexte de les expliquer, ou les rétablir contre lespre-
icj^ tentions des Reformez, il a faitfouvent donner des arrêts, dont
Tou- il s'eft prévalu contre les Catholiques même : de forte que ceux
& sf * 4^^ depuis un tems immémorial n'avoient été fujets qu'à payer de
Mars certaines dimes, ont été condamnez depuis l'Edit à payer celle
^^+°- de leurs artichauts, de leurs melons , de leurs citrouilles , de leur
Grand marjolaine, & en un mot de toutes les herbes de leur jardin.
Conieii Pour obtcnir même de tels * arrêts,le Clergé n'a pas eu honte de fai-
Fevr. re cafîer des tranfàflions , confirmées par une pofîeffion de deux
i6;8. ou de trois cens ans. Après la paix il fallut reprendre le Havre fur les
Repr.-fe Aiiglois , qui avoieut envie de le garder. Les Reformez s'y por-
tt^Jl' ^^^^^^ ^-^^^^ plus d'ardeur que les autres, pour fe décharger du re-
crée*?, proche d'avoir remis dans le Royaume des étrangers , qui en
avoientéréfi long -tems ennemis. Au retour de ce voyage le Roy
fut déclaré majeur à Rouen ; & donna un nouvel Edit pour la con-
firmation de celuy d*Amboife, qui fut renouvelle encore vers la
fin de l'année par un autre, qui en expliquoit quelques articles.
Mais quand le Roy fut revenu à Paris, l'Amiral fut entrepris en
jufiice pour la mort du Duc de Guife. On trouva l'affaire dif-
ficile à terminer dans la conjoncture , à caufe de la puifîance à
peu près égale des accufateurs & des accufez : &: après plufieurs
procédures mutiles, on différa l'affaire pour trois ans.
Fin du ^^ ^^^ aufîi cette année, qu'on vitparoître à Thouloufe&ail-
conciie leurs des femences de ligue contre les Reformez, & qu'on vit finir
4'e Tnn- j^ cei^i^re Concile de Trente > qui ayant été long-tems defiré, com-
me
DE L»EDIT DE NANTES, Liv.I. 3f
me Tunique remède aux divifions de l'Europe, fut quelque tems 1^6^.
le jouet de la Politique des Princes , & la terreur de la Cour de Ro-
me, qui craignoit qu'un Concile, dans un tems où elle ctoit fi
décriée , n'entreprît malgré elle la reformation de Ces abus &c de fes
erreurs. Mais enfin cette Cour y trouva fon compte : le Concile
dégénéra en cabale manifefte , confirma au profit du Siège de Ro-
me tous les abus , donna du deflbus aux Princes , & appefantit
plus que jamais le joug de l'Eglife Romaine fur les confciences.
L'année fuivante les Efpagnols firent ce qu'ils purent pour ralîu- i^(5^,
mer la guerre > mais le tems ne permettoit pas encore de les
écouter. En attendant donc une meilleure occafion ils confpi-
rerent avec les Catholiques de Bearn, à la follicitation de la cabale
Guifarde , de fè faifir de la Reine de Navarre & de fes enfans , pour
les mettre à Tlnquifition comme Hérétiques. Cela eût donné
à Philippe II. une belle occafion de s'emparer du refte de leurs
Etats, qui étoient échappez à l'avidité de fon bifayeul. Lacon-
fpiration fut découverte : mais la Reine Catherine eut des raifons
dignes d'elle, de ne faire pas arrêter celuy qui l'avoit négociée. ^\ ^'
Quatre ans après la Reine de Navarre, qui fut obligée de chercher ^^^^^^^^
fa fureté & celle de lès enfans à la Rochelle, contre les mêmes fu- thn en
jets qui fe révoltèrent : envoya delà Mongommeri pour les châtier, ^««'■"•
& elle bannit de fon pays l'exercice de la Religion Romaine , fous .
le prétexte de laquelle onavoit voulu luy faire cet horrible traite- ^^ ^'
ment. Cela fe fit de concert avec les Etats , fans lefquels on ne
pouvoit rien dans cette Principauté y de forte que les Catholiques
y perdirent leurs privilèges , par une punition du furieux defi^ein de
livrer leurs Princes légitimes à une jurididion étrangère , & que
la Reformation y fut reçue par le concours delà double autorité,
qui donnoit la force aux Loix en ce pays-là. On verra quels
égards on eut pour ces confiderations, fous le règne du petit fils
de cette Princeflè.
Mais en France les Reformez ne demeurèrent pas long-tems, fans i<6<.
avoir de nouveaux iujetsdclè défier de la Cour. On les traitoit
mal prelquepar tout, &c on conjuroit à découvert contre leur re-^''"^^
pos. Le Pape, le Roy d'Efpagnc , &le DucdeSavoye, deman-/«;>fj^c
derent par leurs Ambafladeurs la revocation de TEdit , Se la publi- '^^{^/"'
cation du Concile: & la reponfedu Roy fut fi générale &fiam-Rf/or.
biguc, que les Reformez n'eurent pas lieu d'en être contens.'"*^-
E 2 D'ail.
^6 HISTOIRE
j^^- D'ailleurs les Chaires ne retentifîbient que des loiiangcs du Roy
d^Efpagne, grand extirpateur d'Hérétiques. Un Dépuré de Bour-
gogne haranguant le Roy, le prefla vivement de ne foufFrir
qu'une Religion dans ion Royaume. On vit commettre en di-
vers lieux des violences & des maiîàcres , avec impunité des au-
teurs. On ruinoit les conceflîons de l'Edit 5 par des interpréta-
tions qu'on a renouvellées de nôtre tems. On forçoitlesMinillres
à demeurer dans le lieu de leurs exercices. On ne permettoit point
d'avoir dçs Ecoles. On faifoit cefîèr l'exercice dans les lieux où
la Cour pafîbit. On refTerroit le privilège des Seigneurs, excluant
des exercices de leurs maifbns ceux qui n'étoient pas leurs vafîàux
ou leurs fujets. On defendoit de s'afïembler fous prétexte de Sy-
nodes. On ne foufFroit point qu'il fût levé de deniers pour le
payement des Miniftres. On cafîbit les mariages de ceux qui
avoient été Prêtres ou Moines. On faifoit démolir les fortifications
que les Reformez avoient élevées pendant la guerre^ & ailleurs on
bâtifîbit des Citadelles , pour incommoder les villes qui les favori-
foient. En un mot on n'oublioit rien de ce qui pouvoit leur faire croi-
re, qu'on ne leur avoit donné la paix que pour les defarmer & les def-
unir, & fur tout pour rompre les alliances qu'ils avoient avec les
Proteftans étrangers. Toutes ces infractions obligèrent le Prince
de Condé à prefenter un Mémoire de plaintes , où il marquoit
entre autres chofes cent-trente-deux meurtres commis depuis la
paix, èc dont on n'avoit pu obtenir juftice. Mais il ne tira du
Roy pour toute fatisfadion , qu'une reponfe générale & des pa-
roles civiles.
Voyage Je H cft vray quele Roy fit un voyage par tout le Royaume avec
u Cour, toute fa Cour : mais les Reformez ne s'en trouvèrent pas mieux -,
%i°d!* ^ ce fut alors que la Cour vit le Ducd'Albe à Bayonne, où elle
'jDuc aprit de luy cet apophtegme fatal dont elle profita fi bien , que /a tète
'^'°*' d'un Saumon vaioit mieux que celles de cinquante mille grenouil-
les. Le Prince de Navarre encore enfant, & alors extrêmement
carefTé de la Reine Catherine , étoit preient à la converfation où
cet avis fut donné. Tout jeune qu'il étoit il en comprit bien la
confequence : & il en apprit à fe tenir fur iès gardes contre cette
jrogrès Princelîè , quand il eut perdu fes bonnes grâces. Pendant ces in-
âtiEgii- trigues, comme il n'y avoit point de guerre ouverte, les Refor-
^'^' mez travaillèrent à confirmer leurs Eglifes par des reglemens con-
ve-
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. I. ;/
venables, & tinrent quelques Synodes j où on voit que Tufage i^6^,
dcsj^miexé's étoit déjà reçu parmi eux, puis qu'ils avoient plus
d'Eglifesque de Miniflres. Cependant on les a chicanez fur ce-
la de nôtre tems , comme fi le fervice de plufieurs Eglifes par
un même Miniftre avoit été une nouveauté. De leur part les
Catholiques fe fortifioient par des ligues. On en conclud de par-
ticulières en divers lieux: Monluc propofa au Roy même d'en fai-
re une avec les Seigneurs Catholiques. On atraquoit en même tems
l'Amiral par des calomnies. Un (celerat qui l'avoit voulu tuer,
crut fe racheter du fuplice en l'accufant d'avoir tâché de le porter
à tuer la Reine. Mais le tems n'étoit pas venu de déférer à ces
noires impoftures : on convainquit ce traître de faux, &onle lit
périr fur la roue.
Mais comme on vouloit flirprendrc les Reformez , on feignit 1 5 66.
de reconcilier ce Seigneur avec la Maifon de Guife. L'accommo- ^^-'i^-^-
dement fe fit avec les précautions qu'on obferve, quand on traite je/»^,
fincerement j mais le jeune Duc ne fe trouva pas à laconclufionj "»"'''j
& fe relèrva par fon abfence , le droit de violer quand il luy plai- ^J^eu
roit les promefles de fa famille. Cependant on continuoit à faire de
tous cotez mille injuftices aux Reformez. Dans les lieux où ils
étoient les plus foibles on les opprimoit à découvert, & on fe
moquoit de leurs plaintes. Mais dans les lieux où on les crai-
gnoit, on fe fervoit du nom du Roy & de fon autorité pour leur
fermer la bouche. Se leur faire fouffrir patiemment tout le mal
qu'on leur vouloit faire. D'ailleurs la marche de l'armée que le
Duc d'Albe conduifbit vers les Pays- BaSjOu les efprits s'échaufoient,
leur donna l'alarme, & leur fit craindre que fous le prétexte d'un
autre dedèin , on ne voulût fe fervir de luy pour les détruire. Tout ^^^^
cela mit encore une fois les armes à la mam au Prince de Condé, qui pyi/ejf
entreprit d'enlever la Cour à Monceaux. Il s'en fallut peu qu'il n*y ^''"-
reufsit : mais il en fut empêché par la diligence du Connétable, ^/a
Néanmoins cette entrepnfe fit tant d'impreffion fur l'cfprit du Roy,./"'^*^*
qu'il ne la pardonna jamais au Prince.
Le plus remarquable événement de cette guerre fut l'a mort du
Connétable , tué à l'attaque de Paris par les troupes du Prince de
Condé, qui avec une poignée de gens foutint avec peu de des-
avantage, à la vue d'un envoyé Turc qui regardoit le combat de
dcfîùs les murailles, toutl'eiFort de l'armée Royale , apuyée de tout
E 3 ' 1«
38 HISTOIRE
I f66. le peuple de cette grande ville. La guerre après cela fc répan-
dit dans les provinces , où de part & d'autre on fit venir encore une
1 5-68. fois les étrangers. La paix fe fit pendant le fiége de Chartres j & on
paixfai. rendit aux Reformez l'Edit de Janvier fans reftridion , plutôt
chl^tlTs. pour renvoyer les étrangers , que dans le defîein de rendre le cal-
fansUef. me à l'Etat. La plupart des Reformez n'étoient point d'avis de la
"Tel fil' P^^^» parce qu'ils jugeoient bien qu'on ne la leur donnoit que
ver. pour les tromper. Le Prince même s'en doutoit bien auflî ; c'eft
pourquoy il ne le prefToit pas d'exécuter de la part les articles du
Traité qui le regardoient : & à la vérité les Catholiques ne luydon-
noient que trop defujets de défiance. On eut de la peine à faire
vérifier l'Edit aux Parlemens : celuy de T houloulè n'obeït qu'a-
près quatre juflions : & avant cela il eut l'audace de faire mourir
Rapin , qui étoit allé de la part du Prince prefier l'énregitre-
ment.
Mais la Cour n'en demeura pas là : elle envoya dans les pro-
vinces un Formulaire delèrment, où Ibus prétexte de fidélité on
faifbit jurer aux Proteftans de ne reprendre jamais les armes, Se
on leur faifoit confelîèr qu'ils feroient dignes des plus rigoureulès
peines, s'il arrivoit du defordre par leur faute dans les lieux où
ilshabitoient. C'eft-à-dire qu'on les rendoit refponfables de tout
ce qui arriveroit, même à leur préjudice, puis qu'ils avoient ap-
pris par expérience qu'on leur donnoit toujours le tort. En trois
mois de tems on en malTacra plus de deux mille en divers lieux : on
ne vit par tout qu'injuflices pour les détruire, & artifices pour les
divifer. Ce fut le but d'un Edit , par lequel le Roy prenoit fous fà
protection tous les Reformez qui demeurcroient paifibles dans leurs
maifons : mais la rufe ri^eut point d'effet, parce qu'elle fut trop
tôt découverte. On donna un nouvel Edit , qui revoquoit la liber-
té d'exercer d'autre Religion que la Catholique. Un autre leflii-
vit de près , qui ordonnoit aux Reformez de fe défaire de leurs char-
ges : èc l'arrêt d'enregîtrement au Parlement de Paris ajouta , que
pour tenir quelque charge à l'avenir, on jureroit de vivre & de
mourir dans la Religion Romaine. Les Reformez furprirent aulli
des lettres que la Cour écrivoit aux Magiftrats des provinces, avec
ordre de n'obfèrver point l'Edit de paix. On en voit d'autres de
la Reine de Navarre au Cardinal de Bourbon , où elle le fait fou-
venir d'une chofe dont il avoit été fi alarmé , qu'il en avoit perdu le
re-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. I. 59
repos toute une nuitj favoir que pendant la dernière maladie de la j^^g
Reine Catherine , on avoit médité d'exécuter en France dçs Vê-
pres Siciliennes. Cette peur du Cardinal , pour le dire en pafîànt ,
fait voir qu'on en vouloit autant à laMailbn de Bourbon, qu'à la
Religion Reformée. De plus on tâcha de furprendrele Prince de
Condé dans fa maifon de Noyers j & à peine eut-il le tems de fe
fàuver , quand il fut averti de Tentreprife. Mais rien ne décou-
vrit plus clairement qu'elles étoient les intentions de la Cour , que la
Bulle d'aliénation de quelques biens Eccleiîaftiques , accordée pour
faire la guerre aux Hérétiques. Elle étoit datée de quelques jours
avant qu'on eût repris les armes -, ce qui montroit allez que la Cour
qui l'a voit follicitée, avoit eu la première le defîèin de rompre la
paix. Le Chancelier empêcha qu'on ne s'en fervit , de peur que les
Reformez ne s'en prévaluflent : & il en falut obtenir une autre trois
mois après , qui accordoit au Roy la même aliénation , comme en
recompenfe de ce qu'il avoit révoqué les Edits Cependant le
Chancelier fut difgracié , foit parce qu'il n'étoit pas d'avis de la
guerre, foit parce qu'il étoit fu(pe6l defavorifer les Reformez, à
caufe que fa femme , la fille & fon gendre fuivoient leur Reli-
gion.
Ainfi les Reformez furent forcez à une troifiéme guerre , qui '^'^"'I'^^*
leur caufa de grandes pertes. D'Andelot frère de l'Amiral, & un '7<-6*o
de leur meilleurs Chefs mourut de maladie. Peu auparavant le Mort dû
Prince de Condé avoit été tué à Ballàc , prè? de Jarnac, par une tra- -^"^^^^e
hifon fans exemple , & félon toutes les apparences fuivant les ordres J^^^i?
de la Cour, dont le Duc d'Anjou étoit chargé , puis que cet aflalîinat ^^lot.
fut commis prefque fous ^cs yeux par le Capitaine de ^cs Gardes,làns
qu'il fit mine de le defaprouver. Ce fut la première tête facrifiée
aux confeils du Duc d'Albe. La bataille de Moncontour fut perdue Batailles
la même année ;, & après tant de malheurs , il lèmbloit que la Cour ^^^'^"'^'
dut avoir bon marché du relie. L'Amiral même, qui n'étoit ja-
mais fi grand que dans l'adverfité, fut li étourdi de tant de revers ,
qu'il fut quelque tems fans fe remettre. Mais quand on vit qu'il pre- VAmi.
noit courage, & qu'après avoir fait prefque le tour du Royaume , ''*' ,,.
au travers de tant de troupes & de communautez ennemies , il lé ]l^arty.
trouva en état avec fon armée fatiguée , &: dépourvue de toutes
chofes,dc refiller à l'armée Royale qu'on envoyoit au devant de luy,
on perdit le dellèin de le détruire par la force ouverte , & on relo-
lut
40 HISTOIRE
If 70. lut de s*en défaire par la perfidie. Onfitdoncavecluylatroifiéme
P:ix paix , & on luy accorda tant de chofes au delà de ce qu'il pouv^oit
fraudu' efperer , qu'il étoit aifé de voir qu'on avoit deflein de le tromper.
Ce fut la première paix où il fut parlé de villes d'otage. On en don-
na quatre aux Reformez pour deux ans : & ils fe contentèrent de
cette afliirance , quoy qu'ils eufîènt été tant de fois trompez par les
Termensdela Cour, parce qu'ils crurent que ce tems-là pourroit
fuffire pour exécuter l'Edit 5 & pour accoutumer les François à vi-
vre en paix enfemble , malgré la différence des Religions. Tout
Arti/ices QC qu'il y avoit de grand dans le Royaume jura cette paix -, & 1* Am-
7ie7jeia balîàdeur d'Efpagne en fit fort le mecontcnt. Mais pour furpren-
cour. dre mieux les Reformez , on alla au devant de leurs defirs en beau-
1 57 J . coup de chofes. On confulta llir la guerre de Flandres , que l'A-
miral avoit fort à cœur j on fit des recherches à Elilabeth , & aux
Princes AUemans , de qui on reçut fort bien les Ambafîadeurs , &
les exhortations à entretenir la paix. On négocia le mariage de Hen-
ri Prince de Navarre , & de Marguerite fœur du Roy , comme pour
étoufer tous les foupçons par une fi étroite alliance. On fit en par-
ticulier tant de carelFes à l'Amiral , que ce fàge vieillard s'y laifia
furprendre -, qu'il fit rendre les places de fureté , avant que les
deux ans fuflent expirez > & qu'il repondit aux avis qu'on luy don-
noit des mauvais defîeins de la Cour, qu'il aimeroit mieux être
traîné dans les boues que de recommencer la guerre.
Les Reformez tinrent pendant ce calme deux Synodes Na-
tionaux : Bezealîifta à touslesdeux: & la Reine de Navarre, les
Princes & l'Amiral fe trouvèrent au premier , ailemblé à la Ro-
chelle. Cette Reine même y prit l'avis du Synode, touchant la
Religion de fes domeftiques. On écouta favorablement à la Cour
les plaintes de cette alTemblée : on aporta remède à une ièdition
qui s'étoit formée à Rouen : on promit de pourvoir à une autre ,
qui s'étoit émue à Orange : on fouffrit que douze-cens familles du
Comtat d'Avignon , qu'on y avoit perfecutées pour la Religion ,
fe refugiaflent en Dauphiné : & on n'oublia rien de ce quipouvoit
perfiiader, que la Cour étoit tout de bon lafïè delà guerre.
Néanmoins tout cela n'empêchoit pas qu'on ne prît des mefu-
res de loin , pour ce qu'on exécuta dans la fuite. On dit qu'on en
délibéra premièrement à Blois, dans la même chambre où le Duc
de Guife fut tué feize ou dix-fept ans après -, & que ce Prince pre-
iî-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. I. 4,1
iSda dans ce Confeil. Qu^*un an après la propofition en fut renouvel- j r 7 1 .
lée à S. Clou, dans la même chambre où Henri III. futaflàflinc
en 1589. & que ce Prince, qui n'étoit alors que Duc d'Anjou,
prefîda dans cette féconde affemblée. Le Roy Charles, quigar- i<yz.
da le fècret pendant ces longues intrigues avec une diffimulation
profonde, ne laifîa pas d'en dire alTezau Légat qui luyfaifoit des
plaintes dos faveurs dont on combloit les Reformez , pour luy fai-
re entendre qu'on avoit déjà des rdblutions toutes formées à la
Cour fur ce qui arriva depuis. Il n'y eut de peine qu*à convenir des
prétextes & des moyens de l'execudon -, mais enfin on ic determi-
na|au plus funefle, qu*on exécuta le 24. d'Août. On s'étoit dé-
fait de la Reine de Navarre, qu'on avoit fait empoiibnner quel-
ques jours auparavant ; au moins la Reine Catherine, fortfufpec-
te en matière d'cmpoifonnement , en fut foupçonnée. L'Amiral
fut blefîe par Maurevel , qui avoit été chargé de le tuer : & on
avoit pris ce party comme propre ou à poulîèr les Reformez à
une fedition , qui donneroit le prétexte fpecieux de les mafîacrer ,
ou à les metnx aux mains avec les Guifès , pour donner lieu au
Ro}r de fe défaire des uns & des autres. Mais leur patience fut ^^^^^^
caule qu*on les maflàcra fans prétexte de la manière du monde la deiJs.
plus cruelle. Je ne ferai point le détail de cette horrible adlion, que ^^'^'^'^
tous les Hiftoriens équitables ont décrite & deteftée : j'ajouterai
feulement qu'on les accula d'avoir forcé le Roy à fe défaire d'eux >
par une confpiration contre fà peribnne j & qu*ainfi après avoir
infidèlement verfé leur fang , on voulut encore calomnieufement
noircir leur mémoire. Il ne faut pas s'étonner s'il fe trouva des gens
qui firent l'apologie de cette lâche cruauté , puis qu'il s'en étoit trou-
vé de capables de la commettre. Pierre Charpentier, Jurisconful-
te Protcftant refiigié à Genève , vendit fa plume aux meurtriers
de fes frères -, & s'étant fait connoitrc à Belliévrc , que le Roy
avoit envoyé en Suifle pour juflifier fon adion , il reçut de luy
de l'argent, la permilîion de retourner en France, & des pro-
mcfles d'une grande recompenfe pour déclamer contre la mé-
moire des morts. Il le fit par une lettre fànglante qu'on a réim-
primée depuis peu, pour juftifier les cruautezde la dernière per-
fecution : comme fi la honteufe perfidie d'un fi-ipon du fiecle pafle ,
pouvoir fervir d'apologie aux injuftices du nôtre. Au refte les
Guifes qui ne voiûoient pas porter k reproche de cette cruelle
Tome I. F tra-
4% HISTOIRE
1^72. trahifbn, contraignirent le Roy à s'en charger: Se même ils Tau-
verent quelques Reformez de la main des maiïacrcurs , pour fe
mettre à couvert du blâme d'une fi noire infidélité.
Les Le Roy de Navarre & le Prince de Condé coururent grand rifl
-^f'""^ aue de perdre la vie. Le Prince fut le plus difficile à fléchir: mais
iic'Reii- ils cédèrent enfin tous deux a la violence. On le lervit, pour leur
g,mjar çj^ donner un prétexte honnête , de des Rofiers qui avoit été
jncon- Miniftre, & qui s'étant trouvé dans des affaires criminelles avoit
fiance 4e racheté fa vie aux dépens de fa confcience. Les raifons qui Ta-
Jïlr^' voient fait changer firent le même effet fur Tefprit des Princes,
parce qu'ils avoient peur comme luy. Mompenfier l'avoit tiré
d'affaires par fon crédit , & l'ayant attaché à fon fervice par ce bien-
fait 5 ilYoulut fe fervir de luy pour ramener fa fille & le Duc de
Bouillon fon gendre à la Religion Romaine. Il avoit déjà fait
fiiire à Paris fix ou fept ans auparavant dans la même vue une
conférence entre des Dofteurs des deux partis : mais elle n'avoit
point eu d'effet 5 & la Princefîe avoit perfeveré dans Tes premiers
fentimens. Le Duc crut que l'exemple & les raifons de des Ro-
fiers auroient la même force à Sedan qu'à Paris , pour convertir
les hérétiques. Il y envoya donc Maldonat Jefuïte avec ce Mi-
niflre révolté -, mais le Jefuïte ne gagna rien -, & n'ofa même lailîèr
venir Des Rofiers à Sedan , parce qu'il ne le croyoit pas encore
ferme Catholique. Les conférences qu'il eut avec les Miniffres
n'ébranlèrent point cette Princeffe : & quoy qu'il ait publié une
relation de ce voyage , où il parle fort avantageufement de luy-mê-
me 5 &: où il fait raifonner les Miniflrcs comme des cnfans , il n'en
raporta nul autre fruit que la perte de fon des Rofiers, qui l'ayant
fuivi à Mets fe faùva trois femaines après en Allemagne , où il
fit reconnoiilance de fa faute.
Mais en France on trouva le party Reformé plus difl^cile à détrui-
re qu'on n'avoit penfé 3 puis qu'après tant de fangverfé ilnelaifîâ
pas deié remettre. En peu de tems la guerre fe ralluma par tout. Le
siège de Duc d'Anjou pctditfon tcm's & fa réputation devant la Rochelle.
^*^^' Sancerte ne put être forcé à fe rendre par la pi us cruelle famine doilt
^' X' on ait jamais parlé. On fi.it trop heureux de faire la paiXjSc d'en trou-
smcene. yej- lepretcxtc dans Tinterceffion des Polonois, qui étoient venus of-
frir au Duc d'Anjou la Couronne de Pologne. L'Edit n'accordoir
l'exercice public que dans trois villes , & revoquoit prefque toutes
!es conccflions précédentes. L^,
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. I. 4^
La France écoit alors toute divifée en fa£Vions. Dans la feule if/i.
armée du Duc d'Anjou il s*entrouvoit quatre : celle des Catholi-
ques zêlez j qui étoit le party dominant : celle des nouveaux Ca- r^-^'"»^
tholiques, mécontens & fbupçonneux : celle des Politiques,'"/'''"''
née pendant la guerre précédente , qui fans prendre party danslat
Religion en formoit un dans l'Etat , fous prétexte de s'oppofer
aux entreprifes de la Cour , ou à l'ambition des étrangers : & enfin
celle des Reformez perfeverans, qu'on foufroit à l'armée pour trom-
per les autres, & leur faire croire qu'on ne vouloir pas les ex-
terminer. On avoit déjà publié un Editpour donner cette affu- .
rance à ceux qui demeureroicnt paifibles dans leurs maifonsi &
pour leurperfiiadcrquela conduite fufpecle de l'Amiral avoit été
h. feule caufe de fbn malheur. Mais les maflacres faits ou com-
mandez en même jour dans les plus confiderablcs villes du Royau-
me, firent connoitre à tous ceux qui n'avoient pas perdu le icns
combien ce prétexte étoit faux & ridicule. Il s'en falut peu que
les Princes & les jeunes Seigneurs de ces divers partis ne brouil-
lafîent les affaires pendant le fiege de la Rochelle j mais la Noue,
à k fagefle de qui les plus grands faifbient gloire de déférer, em-
pêcha l'effet de leurs refolutions précipitées.
Mais peu de tems après la paix le Duc d'Alençon renoua ces i^t4
intrigues , pour prendre dans les affaires la même autorité qu'on DH/d-A^
avoit donnée à fbn frère , avant qu'il fût Roy de Pologne : & ^^"f^^
les Reformez & les Politiques le reconnurent pour leur protec- {7ur7es
teur. Mais avant qu'il fe pût fauverde la Cour {es menées fii- R^fir-
fent découvertes. Il en coûta la liberté à luy , au Roy de Na- 2j"p^-i
varre, 6c à plufieurs autres , & la vie à quelques-uns. Cela n'empêcha t'hues.
pas la guerre de renaître dans les Provinces , & les Reformez y per-
dirent Mongommeri, à qui la Reine mère fit couper la tête, con-
tre la promelîe de la vie que Matignon- luy avoit faite quand il
fe rendit fon prifonnier. Le Prince de Condé^ fe fauva deguife
en Allemagne , & fit rcconnoiflance publique à Strasbourg d'a-
voir été à la Meflè. Peu après la mort de Charles IX. rappellaen ^"^^^^^
France le Roy de Pologne j & en attendant fon retour , la Rci- ^^^'
ne qui s'étoit fait déclarer Régente , fufpendit la guerre avec les Re-
formez par une trêve de deux mois. Elle leur donna le loifir de faire
une aflcmblée à Milhau , où ils élurent le Prince de Condé pour
leur Chef: mais elle fervit aufîi à leurs ennemis pour refaire leurs
F 2 ar-
44. HISTOIRE
fc-A armées, &: pour prendre leurs avantages. Le nouveau Roy Henri III. I
reçut de bons avis à Vienne, à Veniie, & à Turin, où il fut ex- ^
horté de donner la paix à fcs peuples : mais la Reine la mère &
/iTje les favoris ettacerent bien-tôt les imprellions de ces confeilsfalutai-
reteur TQS
h'gH^re. Le Confeil étoit alors partagé en deux factions: dont l'une fui-»
voit les maximes du Chancelier de l'Hôpital , & vouloit la paix :
l'autre fuivoit celles de Morvillier Evêque d'Orléans , qui avoit
gardé les Seaux quelque tems , &: qui vouloit qu'on détruisît les
Reformez à quelque prix que ce fût. Ce dernier party étoit
animé par la haine particulière de la Reine mère contre les Re-
formez -y par l'ambition des Guifes -, & par les intrigues d'Eipa-
gne qui avoient beaucoup d'influence dans le Confeil. Morvil-
lier y ajouta le charme de quelques bigoteries dont il étoit entêté >
i<jc. & qui avoient de quoy éblouir une populace ignorante. Les Re-
formez irritèrent encore cette cabale par un Mémoire qu'ils pre-
fenterent. Ils y demandoient raifon fur quatre-vint-douze ar-
ticles , qui touchoient trop fortement les d.eibrdres de la Cour
pour y être écoutez favorablement: & ils infiftoient principa-
lement à obtenir les Etats Généraux , pour trouver un remède
aux miferes du Royaume.
Cependant les Princes avoient été remis en liberté par le Roy,
lors que la Reine fa mère lesluy prefenta à fon arrivée en Fran-
ce : quoy qu'on ne laiflat pas de les obfer\Tr de fi près , qu'ils
■R(tr0it- reflembloient aflez à desprifonniers Mais enfin le Duc d'Alen-
'"^^ çon fe retira delà Cour: & peu après le Roy de Navarre en fit
autant. On remarque de celuy-cy, que palTant par Alençon
il y aflifta au Prêche. Le Pfeaume que le Nliniflrc fit chanter •
avant l'adfion fut le vint & un , qui commence par ces paro-
les , Seigneur le Roy s^ejoûira T>'a'Voir en délivrance , Tar ta grayi^
de puiffance &c. il demanda fi on l'avoit fait chanter exprès à
caufe de luy, & ay^t apris qu'on n'avoit fait que fuivre Tordre,
félon lequel ce Pfeaume avoit dû être chanté ce jour-là, il le prit
pour un bon prefage du fuccés de fes entreprifes. 11 demeura néan-
moins aiTez longtems fans fe ranger entièrement à la Religion Re-
formée. Sa vie durant ce tems -là fut plus hbertine que dévote:
mais l'année d'après , Sts icrviteurs qui voy oient que cette indif-
férence de Religion n'accommodoit pas fes affaires, l'obligèrent
à
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. I. 4^
à reparer publiquement à la Rochelle, la faute qu'on luy avoir fait 1575.
faire à Paris par la terreur de la mort.
Ces conjoncl:ures extorquèrent de la Cour une trêve de fix mois,
& enfin la paix dont elle avoit befoin , pour rompre l'union des
Confederez, & pour feparer d'eux le Duc d'Alençon. On ac- 1^7^-
corda un Edit aux Reformez tel qu'on avoit accoutumé de le faire,
quand on ne le vouloit pas garder, & c'efl celuyqui a introduit le
nom de Religion prétendue Reformée. On leur donna huit pla-
ces de fureté : mais en même terns on conclut leur perte avec le
Légat & D. Juan d'Autriche > &: dès la même année on difbit
tout haut qu'il faloit révoquer TEdit , qu'on n'avoit donné que par
force. On mit en confultation s'il falloir garder la foy aux héré-
tiques, & on prêcha publiquement, fuivant le Concile de Con-
fiance, qu'on n'y étoit pas obligé. Après cela donc la paix fut rom- p^..^
pué, &les Etats Généraux , que les Reformez avoicnt demandez ^«#'ô*
avec tant dinftance , conclurent à les détruire, & obligèrent Hen- ''^^'^^^j'/
ri 1 1 1. à fe faire Chef de la Ligue , parce qu'il avoit peur que
quelque autre ne le fût.
Cette Ligue fi fameufe s'étoit formée de l'union de plufieurs ^^ ^^'
Ligues particulières, qui avoient eu la Religion pour prétexte:'^'"*
mais cette Ligue générale avoit pour but principal de mettre le Duc
deGuifefurlcthrône, &:le Roy n'en pouvoir douter. Un écrit
qu'un certain Avocat de Paris portoit à Rome , & qui contenoit
les raifons & les moyens de depofer les defcendans de Hugues Ca-
pet , & de rendre la Couronne à la pofterité de Charlemagne , tom-
ba entre les mains des Reformez qui le publièrent Vivonne Am-
baflàdeur enEfpagne envoya une copie du même écrit, & révéla
toutlemyfteredela Ligue. Le Roy timide & irrefolu de Ton na-
turel, fuivit l'avis de Morvillier aufli timide que luy 5 & crut qu'il
detruiroit mieux cette cabale en s'en faiiant Chef, que par des
moyens plus fermes & plus convenables à fa dignité. Il pafîà même serme»f
plus loin, & déclara que comme il avoit promis par le ferment de -/«k^'
fon SàCTcfur le S. Sacrement de l'Autel^ de ne fouftrir dans fes
Etats aucune autre Religion que la Catholique, il avcrtiiïbit fes
fujets de n'ajouter point de foy à ce qu'il pourroit dire ou faire au
contraire i & que s'ilétoit réduit à faire la paix, ilnelatiendroita«i-»f^«-
que jufqu'à ce qu'il eût occafion de la rompre. Mais toutes ces ^'^'"'
cesprotcitations n'empêchèrent pas que peu de tcms après ilnefitfe^'*
F 3 la
46 HISTOIRE
I ^ jj, la paix avec le Roy de Navarre. Mompenfier , qui avoit été voir
ce Prince pour fonder fes intentions, en fut d'avis à fon retour,
& le Tiers Etat aida au Roy à fe tirer d'embarras , en déclarant qu'il
avoit été d'avis de ramener les dévoyez à l'Egliié Romaine par
toutes les voyes convenables -, mais qu'il n'avoir point confeillé la
guerre. La manière honorable dont le Roy de Navarre avoit reçu
les Députez & les lettres des Etats facilita le Traitté. Il repondit par
écrit qu'il étoit prêt à quitter fa Religion , fi en l'inflruilànt mieux
on luy faifoit connoître qu'elle n'étoit pas bonne. Cette claule
fut prifè à mauvais augure par les Miniftres de fa Cour qui l'effa-
cèrent i mais il la remit entre les lignes de fa propre main. Le Prin-
ce de Condé témoigna plus de hauteur: il ne voulut ni reconnoi-
tre les Etats , ni recevoir leurs lettres , ou leur repondre.
tâ'it i/tf Ainil la paix fut faite & confirmée par un Edit donné à Poitiers,
^^iT' que ceux même qui l'excuferent auprès du Pape ont reconnu le
^ moins favorable, de tous ceux qu'on avoit donnez julques alors aux
Reformez. Mais les bigots nelaiflerent pas de s'en ofFenfer, à
caufe de l'article qui declaroit les Reformez capables des charges
& des honneurs. En effet il portoit coup contre les defîeins des
Guifes : oc on en pouvoit aifément faire extenfion aux Princes ,
que leurReligion ne devoir pas rendre incapables de la Couronne ,
puisqu'elle nerendoit pas les autres Reformez incapables desem-
spiits, plois convenables à leur naifîànce. Ce calme donna le tems aux Re-
formez de tenir quelques Synodes, Ccluy de Stc.Foy tenu peu après
l'Edit de Poitiers fut remarquable, parce qu'on y jugea une cau-
fe entre le Prince de Condé & le Confiftoire de la Rochelle , qui
l'avoir fufpendudelaSte. Cène, parce qu'il n'avoitpas bien reçu
les remontrances de la Compagnie , liir le fujet d'une prife faite en
mer pendant les quarante jours prefcrits par l'Edit pourpofer les
armes. On trouva que le jugement du Confiftoire avoit été trop
précipité 5 & que lerrmce avoit eu trop peu d'égards pour l'au-
torité du Confiiloire 3 & on nomma des Députez pour les recon-
1 ftp. cilier. La paix au refle n'avoir point fait cefîer les défiances.
conft' Il fallut pour en lever les prétextes une conférence à Nerac , où
i^'wf / ^^ accorda quelques nouvelles grâces aux Reformez , & quelques
isïitix. nouvelles places de fureté. On permit alors au Roy de Navarre
de lever une certaine fbmme flir les Reformez -, & le département
Cfî fut fait fur toutes les Eglifês, que l'Edit de 1 5 77. avoit ou main-
tenues
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. I. 47
tenues ou rétablies. Chacune en paya fa part , Se en tira les quit- i ^^p.
tances. On a prétendu s'en fervir dans ces dernières années, pour
prouver que les Egliies qui lesproduiibient avoicnt leur droit éta-
bli des l'année 1577. mais les Intendans ni le Conicil ne vou-
loient pas même regarder des titres de cette nature.
Les jeunes gens de la Cour du Roy de Navarre excitèrent une
lixieme guerre, qui fut appellée la guerre <^es Amoureux -> parce
qu'elle n'avoit été entreprile que pour plaire aux Dames. La plu-
part des Reformez n'y entrèrent point: de forte que ce feu ne fut
pas malailé à éteindre. On en arrêta le cours par la conférence 1 5-80.
de Fleix : depuis cela on palîà cinq ans dans une paix telle quelle :
on obfèrva les Edits en quelques lieux j on y eut peu d'égard en
d'autres. Le Roy fut celuy de tous qui les garda le moins: il ne pK<î/
donnoit de Ton mouvement nulles charges aux Reformez \ & quand j/^^^
ils luy en demandoient quelqu'une, ilavoit toujours un prétexte >«W/ï^-
prêt pour les refufèr. Il les ôtoit même à ceux qui les pofîèdoient 5^7/"^*
dêjài &leur faifoit fufciterdcs affaires, dont il leur donnoit toxi- gurdtr,
jours le tort pour les obliger à s'en défaire : fc refervant exprès la
connoiflance de cette clpecc de prqcés , pour être afliiré de la con-
damnation du prétendu hérétique. Il ne recevoir point dans fà Mai-
ion les enfans àzs Gentilshommes Reformez ; & les Courtifans
inflruirs de les intentions , avoient le ibin d'avertir ceux qui fe
plaignoient d'avoir été reftifez , que leur Religion en étoit la caufe.
En un mot le Roy tenoit ce qu'il avoit promis aux Etats i & il fit
plus de mal aux Reformez en cinq ans par ces artifices , & caula plus
de révoltes entre eux , qu'on n'en avoit vu arriver durant trente
ans de guerres & de mafîacres. Il y eut même des pères , qui ayant
honte de quitter une Religion qu'ils avoient cmbraflee avec une
grande afl^echon , eurent la foiblefîc de faire élever leurs enfan«
dans la Communion Catholique , pour ne les nourrir pas dans une
dodrine que le Roy ne pouvoir foufFrir. D'autres pères avoient
une Politique toute oppoiée , & de peur de perdre leurs charges
ils dcmeuroient Catholiques: mais pour la décharge de leur con-
fcicnce , ils faifoient élever leurs enfans dans la Religion Reformée^
parce qu'ils la croyoicnt la plus fàlutaire.
Pendant cette fauflè paix on fit dans toute l'Europe de grandes
confpirations, contre ceuîLqu'on croy oit ou Chefs ou fauteurs des
Proteftans. Le Duc d'Alencon, qui avoit pris le nom de Duc
d'An-
4« HISTOIRE
ijSo. d'Anjou, & le Prince d'Orange y fuccomberenr. On eut des
moyens en France de pénétrer dans le fecret de ces noires allions î
mais on ne voulut pas l'approfondir. Cependant la fecurité ou
Outrages leRoy tomba fit reprendre courage aux Ligueurs. Leurs Predi-
ULiffue cateurs deçhiroient ce Prince dans leurs Sermons. Ils n'entrete-
ii» Roj ; noient les Catholiques que des malheurs qui arriveroient , fi on
laifîbit monter un Roy Reformé fur le thrône: & ils debitoienc
pour faire peur aux bigots des hiftoires & des tailles douces , des
prétendues cruautez que la Reine Elizabeth exerçoit en Angle-
terre. Enfin les Guifes fe prirent ouvertement à perfccuter ce mal-
heureux Prince , & le poufîercnt à des cxtremitez incroyables. Il
fallut qu'il approuvât les violences du Duc , qui avoit recommencé
la guerre contre luy , fous le prétexte de conferver la Couronne à un
Prince Catholique. Il n'ofa murmurer de ce qu'on difputoit pen-
dant fa vie du droit de fucceiîion ; ni de ce qu'on aiîembloit les États
fur cette queftioni ni de ce qu'on luy debauchoit fès Officiers &
fes domcftiques. Villeroi, qui étoit l'un de (es Secrétaires d'Etat,
étoit foupçonné d'être penfionnaire du Duc de Guiie : & le Roy ,
ne pouvant autrement fe garder de luy , fut oblige à l'éloigner de
la Cour, & luy donna toujours depuis de grandes marques de dé-
fiance. De là vient que Ion père & luy fe jetteront dans la Ligue
après la mort des Guifes.
Qui fait La guerre contre les Reformez fut donc rcnouvellce malgré le
TJgulrrt ^^y » ^^ avoit fait la paix avec les Ligueurs à cette condition.
tiux Re. D'ailleurs on exigea du Clergé fous ce prétexte de grofîès lbm«
formix,. j^çg ^ qy>jj j^ç p^y^ qy'^ fcgrct , comme on le voit par les remon-
trances de Ces Députez. Ils protefloient de fà part qu'il n'avoit
point confeillé la guerre > quoy qu'il fut notoire qu'il avoit travail-
lé de tout fbn pouvoir à la revocation des Edits. Le Roy de Na-
varre luy en fit de grands reproches, par des lettres qu'il luyadref^
fa pendant la tenue des Etats. Il y renouvelloit l'offre de s'en
tenir aux decifions d'un Concile libre. Il en écrivit d'autres à la
Noblefîe , & au Tiers Etat , où il fe plaignoit avec exagération
de ce qu'on forçoit le Roy à luy faire la guerre. Mais le courage
& le bonheur qu'il eut de faire afficher à Rome un Appel de la Bul-
le de Sixte V. qui declaroit luy & le Prince deCondé hérétiques,
relaps , fauteurs d'heretiques , excomiguniez , déchus de toutes
Seigneuries , & incapables de fucceder à toute Principauté, & parti-
cu-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. I. 4.^
oïlicrement à la Couronne de France, luy fit plus d*honneur que
tout le rcfte de ks a£l:ions > & donna de l'eftime pour luy au Pape
même. Il appelloit pax ce Placard pour le temporel aux Pairs de
France, & pour le crime d'herefie au futur Concile , par devant
lequel il citoit le Pape , le déclarant Antechrifl s'il refufoit d'y
comparoître.
Ce fut dans le plus fort de la guerre que Claude de laTrimouil- ifStf,
le, fils d'un ardent Ligueur, entra dans les intérêts & dans la Re- ^'^ '^y-
ligiondu Prince de Condé, qui prit fà fœur Charlote Catherine ^^',>*
en mariage. Cette alliance fortifia extrêmement le party des Re- ^'firmé.
formez en Poitou , parce que cette Mailbn y eft fort puifîànte. La
conférence de S. Bris entre la Reine mère, le Roy de Navarre
& le Prince de Condé vers la fin de l'année , ne put appaifer
les efprits, & l'année fuivante la France fe vit inondée d'étrangers,
que les deux partis avoient appeliez à leur iècours. Le Roy de ifSr.
Navarre gagna la bataille de Coutras contre l'armée du Roy , Bataille
que le Duc de Joyeufe commandoit : mais d'un autre côté le Duc ''* ^*'*"
de Guife défit les Reîtres à Auneau : de Ibrte que les Reformez oef^ue
tirèrent peu de fruit de leur vidoire, & peu de fèrvice de leurs '^^^R**-
alliez. Le Prince de Condé mourut quelques mois après à S. j ^gg
Jean d'Angeli empoifonné par ks domeftiques > fa propre fem- Mon dit
me en fut accufée. Les Juges du lieu la condamnèrent -, mais la ^rmced»
naiflànce d'un fils dont elle accoucha au mois de Septembre , les ^'^^^'
grandes révolutions qui arrivèrent peu après , & l'autorité des
perlbnnes à qui cette Princefîè touchoit de près arrêtèrent les pro-
cédures.
Pendant ces tems fâcheux on donna plufieurs Edits contre EJit
les Reformez i mais le plus fanglant de tous fut celuy qu'on ap- ^'^-
^t\\2.l'E dit d'Union^ que le Roy donna de peur que les Ligueurs"'""'
ne fiflènt defccndre fiir les côtes de France l'armée navale , que le
Roy d'Efpagne avoit équipée contre l'Angleterre. On ne laiflâ
pas après cela de luy faire mille indignitez -, il fut contraint de
fortir de Paris pour faire place au Duc de Guife > ôcpour femo- Audace
qucr de luy on le fit fuivre à Chartres , où il s'étoit retiré , par |J" ^'*
une Proceflîon comique de penitens , qui alla luy demander grâce ^*
pour les Parificns , qui avoient eu l'audace de pouilèr les barri-
cades jufqu'à la porte du Louvre. Il falut en quelque forte rece-
voir la Loy du Duc comme du plus fort, affèmbler les Etats, fouf^ Etats dt
lome 1. G cri-
f& HISTOIRE
ijSS. crire à tout, jurer TEdit d'Union, & faire ferment de ne quiterpoint
les armes j qu*on n'eût détruit les Hérétiques. 11 eut néanmoins aflez
de refoîutiorî pour ne figner point TAde , par lequel on vouloir dé-
clarer le Roy de Navarre indigne de la Couronne. Il voyoit alors
clairement à quoy le Duc de Guife pretendoit. Ce Prince ne
vouloir pas même attendre la mort du Roy pour s'emparer du
thrône : on ne parloir que de le mettre dans un Cloître -, & que
d'ajouter une Couronne monachale à celles de France & de Polo-
MortJii gne qu'il avoir portées. Il ne trouva point de meilleur moyen
^"r'^% pour parer le coup, que de faire tuer le Duc de Guife & le Cardi-
ducar. ^^^ foi^ frère. On remarque qu'ils Rirent conduits au piège de la
dinnifon même manière qu'ils y avoient conduit l'Amiral : fous le nom de
^*"' la foy publique , fous l'apparence de la reconciliation , & par une
complaifance générale pour toutes leurs demandes.
te Duc Mais le Roy ne fe put défaire du Duc de Mayenne , qui étoit
/L enne ^^^^ ^^^^ lAon , & qui fotma bien-tôt un gros party , dont il penfa
échappé l'accabler. Cependant pour faire connoître que ce n'étoit pas pour
relevé u favotifer Ics Reformez qu'il avoir fait tuer leurs ennemis, il jura
iTs 0 ^^ nouveau l'Edit d'Union , & il le fit fans doute par une vérita-
ble haine , puis que même après que le defefpoir l'eut contraint
de fe jetter entre leurs bras , il différa durant quinze jours la pu-
blication de la trêve qu'il avoit conclue avec eux : tout prêt à la
rompre , & à leur faire la guerre fans mifèricorde , s'il eût pu reùf^
'lîr dans un accommodement dont on le fiattoit avec le Duc de
•^*jj^^^'' Mayenne. Mais le Duc avoit bien d'autres penfées, &:il étoit en
faire} du état dc vangct hautement la mortdefes frères. En moins de rien
^oy- le Roy fe vit abandonné des meilleures villes -, réduit à ne favoir
dans laquelle on voudroit luy donner retraite. Il préféra Tours à
une autre, non pas à caufe qu'il étoit plus afïuré de fès habitans ,
mais parce que fa prefence y étoit necefîàire, pour prévenir une
fedition qui s'y preparoit contre fon fervice. Le Pape outré du
meurtre d'un Cardinal excommunia le Roy. On cefîa de prier
Dieu pour luy dans les villes delà Ligue. On commit contre luy
à Thouloufe àts infolences épouvantables -, jufqu'à pendre fon
portrait à une potence , & à maflàcrer ceux qui oferent prendre
ion party. Paris offrit le nom de Roy au Duc de Mayenne : la
Sorbonne déclara les François déliez du ferment de fidélité > pref^
que tout le Clergé fe jetta dans le party d^s Ligueurs j foit à l'exem-
ple
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. I. ^x
pie du Pape, foir parce qu'il avoit quelque fujet de n'être pas ifS^.
content du Gouvernement, à caufe que le Roy avoit tiré de luy
de groflès fommes d'argent , que les Eccleilaftiques ne payent
jamais de bon cœur. D'ailleurs il avoit taxé vivement les vices
de ce puiflànt Corps , dans une reponfe à une harangue de fes
Députez : ce que le Clergé ne fouffre aufli qu'avec une extrême
impatience. La Nobleflé ne luy étoit gueres plus afVcdionnéc.
Le Duc deOuile en avoit gagné une partie par fbn mérite v & par
fes liberalitez. D'autres s'attachèrent à la Ligue par Religion : s'il
en reftoit qui n'eufîènt pas encore le cœur gâté , ils n'ofbient fc
déclarer pour le Roy , de qui ils croyoient les affaires dcferpc-
rées. Il avoit peu de troupes & encore moins d'argent, & ne
lavoit même s'il pouvoit bien s'ailurer de ceux qui étoient auprès
de fa perfbnne.
Alors donc il n*y avoit point de reflburce pour luy , s'il n'a-
voit eu à Tefperer que des Catholiques, dont il étoit demeuré
un fi petit nombre dans ïès intérêts. Les Reformez ièuls , qu'il
avoit hais avec tant de paillon , qu'il avoit perfècutez par les guer-
res 5 par les mafîacres , par les Traitez frauduleux -, de qui même
tout fraîchement il venoit de jurer la ruine, fe trouvèrent difpofez
à le fecourir. Il ne fit pas la paix avec eux , mais de fimpflcs tre- ^*f
ves, pour la fureté defquelles il donna Saumur au Roy de Na-^J'^!^7c
varre, parce qu'il n'avoit pas eu le crédit de luy faire livrer les les Re-
Ponts de Ce. Par cette trêve le tiers du Royaume, où lesRe--^'JJ^^}_
formez étoient du moins allez forts pour ne craindre point la Li- resfert-
gue , rentra dans le party du Roy. Ce fut le (ècours des Refor- '"* ^''^*
mez qui fauvacePrinceà Tours, où le Duc de Mayenne penfàle
furprendre, & qui luy fit avoir à Senlis & ailleurs de confiderables
fliccés. Mais le plus important de tous fut le retour d'une partie
de fa Noblefîè , qui le rallia auprès de luy , fi-tôt qu'elle vit que
cette trêve relevoit avantageufement Cçs affaires. Ainli en peu de iia//;efe
tems il fe vit redoutable à fes ennemis 5 & il marcha vers Paris avec P^ns.
une armée déplus de 38000. hommes, pour faire porter aux habi-
tans la peine de leurs fureurs. Cette belle armée étoit la plupart
Proteftante. Il y avoit les troupes aguerries & vidlorieules du
Roy de Navarre : dix mille Suilïes que Sanci avoit levez dans les
Cantons Reformez : quelques milliers de Reîtres , Se un fecours
d'Anglois que le Roy avoit reçu de la Reine Ehzabeth. Cela ôtc
G 2 de
fi H I s T O I R E, &c.
ijçSo. ^e Tarmée, le rcften'auroit pas été capable de refiftcr à la Ligue:
mais les Chefs de ce malheureux party ne pouvant tenir tête aux for-
ntfiaf- ces du Roy, crurent qu*il étoit tems de jouer alors de leur refte.
féiffiné ç'çfl- pourquoy ils firent afiâfliner ce Prince à S. Clou par Jaques
MliTe. Clément Moine Jacobin , qui par ce coup exécrable délivra la Li-
gue de rhorrible tempête qui alloit fondre fur elle.
Fin du L Livre.
HISTOI'
i
HISTOIRE
DE
LEDIT DE NANTES,
LIVRE SECOND.
Sommaire du II. Livre.
CHangement des affaires. Ce que les Reformes^ avaient efpe^
ré du Roy défunt. Embarras du nouveau Roy. Intri-
gues à l'armée éf à la Cour. Cara^eres & intérêts des T?rinces
du Sang : des Officiers du Roy défunt : de la Nobleffe Catholi-
que : des Reformez , & leurs foupçons fur la Religion du Roy.
Efperances des Miniftres. Incertitudes du Roy, & fa refolu-
t ion furies conditions propofees par les Catholiques. Reformez
fe flattent fur tinftruêiion que te Roy veut fe faire donner. ©/-
verfes affectons des Seigneurs Catholiques. Tliiffipation de
l'armée. Combat d'Arqués. Effets des promeffes du Roy en
quelques provinces. Ce que les Reformez entendaient par un
^rote^eur. Trote^îion réciproque entre le Roy de Navarre &
les Reformez, défiances ô" leurs fondemens. J^e Roy s'of
fence de la propofition de prendre un autre Vrote6leur , ér les
Reformez la trouvent injujie & hors de faifon. Lettre de la
main du Roy fur cefujet. Forces du Roy & de la Ligue. 2)/-
'uifons dans }un& dans l'autre party. ^ifpofîtionsdes Catho-
liques & des Reformez à l'égard de la paix de Religion. Ecrits
fur laprife des armes à caufe de la Religion. Bataille d'Tvri. Siè-
ge de ^aris. Projet de paix pour les Reformez. Equité de
leurs demandes : S" paffion des Catholiques. Le projet ejl ap-
prouvé ^ puis rejette. Remontrances fur ce fujet y & leur effet.
Bulle de Grégoire XIV. Editde Mantes. Chicanes fur la véri-
fication i dont les Reformez fe plaignent. Tiers party & fes
deffeins. Tropofîtions du Clergé qui fuivoit le Roy. Armée
étrangère. Vicomte de Turenne époufe t héritière de Sedan :
G 3 &
f4 HISTOIRE
& eft fait Maréchal de France. Pragmatique éludée parle
Clergé. Artifices des Catholiques pour gagner îe Roy ^ Conferen-
ces fans fruk entre du Tlejfis & Villeroi. Leurs diluer fe s vues
fur l'infiru^ion du Roy. Reformez demeurent exclus des Char-
ge s. Rigueurs fur leurs fepultures. Continuation des artifices
pour ébr ailler la corfcience du Roy. Intérêts politiques qui ten-
dent au même but. T'olitique mutuelle des Reformez ô' des Ca-
tholiques. T>iffimulation du Roy. Préparatifs à fon change-
ment. Vaine cérémonie de lHnfiru6îion. Converfion du Roy.
Formulaire que le Roy refufe. Feinte pour eonteitter le Tape,
I ego. ^'^S^^^ ^^^^ mort qu'on n'avoit pas attendue aporta un
change- {¥ (^^^^^ grand changement aux affaires, 6c futlafourcc d'u-
^^^. '^" 1 l^^^^^§ ne longue uiite de brouilleries. Il n'y avoit per-
^J^^^^® lonne qui eut eu le tenis depuis la crevé de prendre
^^*^». .i.rff^ fes mesures pour fa fureté , ou pour Ion avancement.
Ce que Lcs Rcformez crurent y perdre plus que les autres. Ils ne dou-
îesRefor- foicnt point que le dernier fervice qu'ils avoient rendu au Roy de-
7voient funt ne luy eût touché le cœur j & que ce Prince ne fè fut défait
e/perJjtt des fâcheux préjugez, qui luy avoient donné tant d'averfion pour
/Hnt. ^^^' ^^ ^^^^ avoit promis de convertir en une bonne paix la trê-
ve qu'il avoit traittée avec cuxj de forte que le moins qu'ils penfbient
devoir efpererde luy,étoitleretabliflementde ion Edit de iS77'
& la revocation de tous ceux qui luy avoient été extorquez par la
Ligue. II5 a\'oient même fli jet de croire que ce Prince , fenfible
aux fervices qu'il recevoir du Roy de Navarre , prendroit en luy
peu-à-peu une véritable confiance , & luy applaniroit les difficul-
tez qui pouvoient l'éloigner de la Couronne. Mais il falloit du
tems pour cela i èc principalement pour venir à bout de la Ligue,
fans la deitrudlion de laquelle , ni la Religion ni l'Etat ne pouvoient
s'aflîirer d'un feniie repos. Mais la mort de Henri III. arriva
dans un temsoù il n'y avoit' encore rien de meurj ôcoù la fuccef-
iion étant contellée, il étoit impolîible que l'Etat ne tombât dans
de grandes confulions.
Il eft vray que ce Roy mourant donna de grandes marques de
tendrefîè au Roy de Navarre > qu'il le reconnut pourfon héritier
légitime , & qu'il le recommanda aux Seigneurs & aux Officiers de
fà Cour. & de fon armée. Mais cela n^cmpêçha pasquç Iç nouveau
Roy
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. II. 55-
Roy ne fè trouvât en de grandes peines, aitlli-tôt quefonpredecef- i^go.
(èiir ftit expiré. L^s intérêts étoient Ci divers entre les Chefs & les E^^^ar-
Seigneurs. qu*il étoit ce fèmble impollible de les concilier. Cha- '^^^ ^''*
cun vouloir profiter de la conjondure, &: trouver fon avantage rÔj^^
particulier dans la mifere publique. On fe mit donc à négo-
cier , & à faire des partis & des cabales ,' fans (e mettre prefque
en peine du corps du Roy défunt, & encore moins de la vangcah-
ce, qui n'auroit pas été Ion gtems différée, fi l'unique deflcin de fcs
ferviteurs eût été celuy de la rechercher. Il n*y eut prefque pas intrigues
un Catholique qui fe déclarât pour Henri IV. lans avoir fait Ion ^ f^»"»
marché. Le Maréchal de Biron, qui avoir beaucoup de crédit ''^^**
fur les gens de guerre , fut aflcz vain pour demander en Souveraineté
la Comté de Perigord > & le Roy qui vouloir acheter ce Seigneur à
quelque prix que ce fût , confentoit à ce démembrement d'une dç&
provinces du Royaume, quelque perilleufe qu'en fût la confe-
quence.Mais le bonheur voulut que chacun ne pouvant s*en promet-
tre autant , il y eut des gens qui le piquèrent d'honneur , & qui luy
firent perdre ces ambitieufes penfées. Mais le Maréchal prit une
fi grande autorité fur les troupes & dans le Confèil, qu'il fe ren-
dit en peu de tems fort incommode à fon Maître.
Les Princes du Sang donnoientau Roy plus d'inquiétude qwe Etala
de (ecours. Le vieux Cardinab' de Bourbon étoit Ion concurrent > ^^"'■•
& la Ligue le reconnut pour Roy Ibus le nom de Charles X. Ce car.iHe-
vieillard même qui n'avoit ni la force d'efprit, ni la vigueur de res&in-
corps neceflaire pour porter une Couronne , fe faifoit un plaifir ^pl-^'J/*
du nom de Roy , 6c auroit fait de la peine , s'il n'eût été en lieu </« sang,
où il n'étoitpas à craindre. Le Cardinal de Vendôme, qui prit
le nom de Cardinal de Bourbon après la mort de ce vieillard ,
étoit inquiet & ambitieux : & devint Pidole du tiers party, quife
forma peu de tems après. Le Comte de Soiflbns fon frère ne s'ac-
cordoit pas avec Henri I V. & pouvoir bien plus aifémcnt faire
naître de nouvelles brouilleries , que concourir au bien de l'Etat.
Le Prince de Conti étoit fourd & pefànt, à caufe de divers dé-
fauts naturels. Mompenfier étoit le plus riche 3 &: pleinement
déterminé à reconnoître Henri IV. mais il ne luy vouloir point
faire de quartier fur la Religion , & vouloir abfolument quil fût
Cathohque. Desof-
Les Olticiers de la vieille Cour demeurèrent auprès du Roy , phVJ^'^"'j ''*'
^6 HISTOIRE
1 5 Sp. ^ôt par intérêt que par inclination. Ils n'efpcroicnt point de
grâce de la Ligue, parce qu'ils avoient été confeillers, ou exécu-
teurs , ou participans des relblutions oii Henri III. s'étoit porté
contre fès principaux Chefs. Mais d'ailleurs ils n'étoient pas (ans
inquiétude , quand ils penfbient au mal qu'ils avoient fait au nou-
veau Roy , pendant qu'il n'étoit que Roy de Navarre. Ils ne
craignoient pas moins les Reformez , qui ayant eu beaucoup à
fouftrir d'eux pendant le règne précèdent , pouvoient fè iervir de
l'occafion prefente pour s'en vanger. C'eft pourquoy ces Offi-
ciers fe croyoient à la veille de perdre leurs Charges & leur cré-
dit î enquoyil lembloit que les Reformez leur dévoient bien-tôt
ilicceder , puis que par ce changement le Roy (e vangeroit de
ces anciens ennemis , dont il ne pouvoit s'afTûrer , & rccompen-
veU feroit d'anciens ferviteurs, dont la fidélité luyétoit connue. La
clthll Noblefle Catholique fe préoccupa du zèle de Religion, & fit
:fue. paroître allez clairement qu'elle panchoit vers la Ligue , & qu'un
Roy Reformé ne l'accommoderoit pas. Elle mit donc en dclibc-.
ration fi elle devoit reconnoître le Roy , & après divers avis elle
ne s'y refblut qu'à des conditions aflez dures. Elle chargea le
Duc de Longueville de luy dire, que la qualité de Tres-Chrèùen
étant efi[èncieilc à un Roy de France , on le prioit de recevoir la
Couronne à cette conditions c'eft- à-dire, à condition de fc faire
Catholique: fuivantle préjugé de l'Eglifc Romaine , qui ne croit
pas qu'il y ait de vray Chriftianifme hors de fà Communion. Ce
Duc ayant accepté d'abord la charge de faire cette déclaration au
Roy , changea tout d'un coup d'avis flir le point de l'exécuter.
Le Marquis d'O , qui avoit manié les Finances fous le Roy défunt,
prit à fbn refus la commiffion de porter cette parole. C'étoit
l'homme du monde qui fàvoit le moins ce que c'eft que Religion;
noyé dans le luxe & dans la débauche, grand blafphemateur, har-
di jufqu'à rinfolence, implacable ennemi des Reformez, qu'il
perfecuta jufqu'à là mortj traverfant en toutes occafions les def^
feins du Roy , quand il vouloit faire quelque chofe pour leur re-
pos.
i>*iiit' Le Roy ne voyoit qu'eux dans toute l'armée qui ne luy pre-
formtz., paroient point d'affaires , & qui ne formoient point de party ,
pour tirer de luy quelque capitulation avantageufe. Ilslerccon-
*'^ nurent fans condition , & le fèrvirent aulfi longtems qu'il eut be-
fbin
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IL 5-7
foin deux. Pour diminuer la gloire de leur obeïfîànce, & Tutili- ifSp.
té de leurs fervices , on a dit qu'ils ne penfoient qu'à mettre fur
le trône un Roy de leur Religion , & que c'étoit pour cet inté-
rêt qu'ils hafardoient toutes choies. Mais en fuppofant même
que ce fut là leur penfee, on ne peut au moins leur ôter cet avan-
tage, que leur intérêt étoit confondu avec celuydu Roy, & que
ce qu'ils failbient pour établir leur Religion fervoit en même
tcms à luy afli'irer la Couronne. En quoy ils étoient bien difFe-
rensdes Catholiques, qui feparoient l'intérêt de leur Religion de
celuy du Roy^ & qui paroiflbientprefquetous prêts à luylaiflêr
faire (es affaires tout fëul , û leur Religion ne trouvoit pas fon
avantage dans leur obeïiïance. D'ailleurs le tcms fit bien-tôt con-
noitre que le changement du Roy, qui abandonna la Religion
des Reformez , ne rebuta point leur zèle , & qu'ils ne laiflèrent
pas de fervir , quand il leur eut ôté l'elperance de voir un Prince
Reformé porter la Couronne. Les Hiftoriens Catholiques mê-
me confelfent, qu'ils eurent dès le commencement de grandes
défiances de fa fermeté. En effet la mort de Henri II L étant ^t leurs
trop tôt arrivée, ils prévirent bien que l'Etat alloit tomber dsins foupfons.
de grand defordres , & que le nouveau Roy pourroit quitter -^''^^/^^
aifément leur Religion , quand il n'auroit plus befbin que de cet- du Roy,
te démarche pour ibrtir de tant d'embarras. L'ofire qu'il avoit
toujours faite , même d'une manière à fcandalifer les Miniflres
& les perfonnes zélées , de recevoir une meilleure inftru6l:ion ,
toutes les fois qu'on luy feroit connoître que fa Religion n'étoit
pas bonne, autorifbitleur défiance. Ceux qui avoient été nour-
ris avec luy dès fà jcunefîe favoient bien aufli que la patience n'é-
toit pas là vertu favorite i & qu'il n'étoit pas à l'épreuve des en-
trepriles de longue haleine : que par confequent il s'ennuyeroit
bien-tôt des longues dilficultcz de la conquête de tant de places qui
tenoient pour la Ligue j & qu'il nes'entêteroitpas delà Rehgidn,
s'il ne falloit qu'en prendre une autre pour les abréger. A la vé-
rité il avoit quelques apparences de pieté , qui pouvoient donner
bonne opinion de fà confiance. Il fàvoit pîufieurs paflàges des
Pfeaumes, & des autres livres de l'Ecriture, qu'il appliquoit afîéz
bien , principalement quand il s'agifi^oit de fe confoler après quel-
que revers , ou de recourir à Dieu dans les incertitudes de l'ave-
nir j &il s'aquittoit afîèz bien de les dévotions ordinaires, & des
Tome' I. H prie-
58 HISTOIRE.
If 89. prières avant le combat, ou des allions de grâce après la vi£toire.
Mais il n'y a rien que l'homme traitte d'une manière fi contradic-
toire que la Religion. lien fait le plus grand de fes intérêts j &il
la facrifie aux moindres affaires. Elleeft le plus invincible de fbs
préjugez j &il s'en jolie comme delà plus variable de fes penfées.
Il n'y a point de paillon qui maîtrife le cœur avec plus de violen-
ce y & rien néanmoins qu'il mette il aifément en compromis : rien
dont il face tant de parade en quelques occafions -, & rien dont il
s'embarrafîè moins en d'autres. De forte qu'il n'y a rien fur quoy
on doive moins compter que la Religion d'un homme, qui peut faire
un coup d'Etat en l'abandonnant. On fe defioit donc avec rai-
fon de la confiance du Roy , qui avoit fur ce fujct l'elprit fait
comme un autre homme. Les fbupçons même qu'on avoit de luy
s'accrurent , aulll-tôt qu'on le vit Roy par la mort de Henri 1 1 1.
& ils fe changèrent prefque en certitude après quelques démarches
qu'il fit , pour gagner la confiance des Catholiques.
Mais ces défiances , qui ne furent que trop vérifiées par la fiiite
des affaires, n'obhgerent point les Reformez à prendre des fi.ire-
tez avec luy , ni à luy faire acheter leurs fervices par de bonnes
^^^^^^. conditions. Il arriva feulement, dit-on, à quelques Minillres,
ces des de prédire dans leurs entretiens & dans leurs Prédications la
Mmi- i-ijïne de l'Antechrift en termes un peu forts, & de promet-
tre à leur party un prochain triomphe de l'Eglilè : elperan-
ce fur le fujct de laquelle on s'efl: fait fouvent d'agréables illufionsi
parce que chacun fait à fon fiecle l'application des promeiTcs fiir
Icfquelles il la croit fondée. Quelques Hiftoriens ont allégué
ces difcours trop hardis , comme une excufe de l'irrefblution des
Catholiques. Mais il y entroit bien plu? d'intérêts particuliers , que
de vray zèle pour le bien de la Religion : comme il parut par les
articles qu'on fit promettre au Roy avant que de le reconnoître.
Il délibéra long-tems avec fes anciens amis, pourvoira quoy il le
Tudeldu <ietermineroit, pendant que les Catholiques travailloient à prendre
Kfly. leurs précautions. Mais après de longues incertitudes , le party
qu'il prit ne fut pas de ne changer point de Religion j mais de
n'en changer point dans la conjoncture prefente , quoy qu'il en
pût arriver. C'efl-à-dire qu'il voulut garder là Religion pour un
coup de partie j Se voir cependant ce qu'il pourroit obtenir parfà
prudence, &; parlafideUtédefesferviteurs. Enfim on luy prefen-
ta
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. II. ^9
ta les conditions fous lefquelles les Catholiques de l'armée vou- irgg
loient bien le reconnoître. La première l'obligeoit à fe faire in-
itruire dans fix mois : ce qui veut dire, félon le IHle de l'Eglifè Ro-
maine , qu'il fe feroit Catholique dans ce tems-là. Ce font deux
chofes qu'elle ne diftingue ni dans fbn langage, ni dans (à prati-
que > s'inftruire, félon elle, c'eft promettre de goûter fàdo6lrine,
& s'engager à en faire profefîion : aulieuquelebonfènsvoudroit
que rinftru6bion fût feulement un efîài , après lequel on eût la li-
berté toute entière de n'entrer pas plus avant dans la Religion
Romaine, fl après l'inflrudtion la confcience ne fe trouvoit pas
fatisfaite- La féconde condition demandoit qu'on fit cefîer pen-
dant ce tems-là l'exercice de la Religion Reformée. La ti'oifié-
mc obligeoit le Roy à ne donner nulle charge aux Reformez
pendant ces fix mois : ce que les Catholiques defîroient, pour
s'afTûrer que celles qu'ils polîèdoient ne leur fèroient point ôtées.
La dernière enfin demandoit pour les Cat];ioliques la permilîîon
d'envoyer au Pape, pour luy rendre compte des raifbns qu'ils
a voient de fe ranger à robeïffànce du Roy.
Qupy qu'il fût dur au Roy d'acheter ficher une Couronne qui ^t f^ re.
luy étoit légitimement échue , il ne laifïà pas de confèntir à tout, ^rl"/'il'l
excepté le fécond article. Et en effet , outre la honte de fè priver condi.
luy-méme de l'exercice de fà Religion, il y avoit&de l'iniuflice *'°^/P^'-
a loter a des fujetsquien avoient joui avant Ion avènement a la //,c/
Couronne > & du danger qu'on ne les trouvât afièz refolus , & aflez '^°^f'
forts pour s'y maintenir malgré les defenfes. Les Catholiques ne ^""*
trouvèrent pas bon ce refus : mais pour le leur faire agréer , on
leur promit de rétablir la Religion Catholique dans des lieux où
l'exercice n'en étoit pas libre. L'article qui regardoit l'inflrudion
du Roy ne fut pas trop combatu par les Reformez même dont il
prit confeil> &il afîura luy-même dans une lettre écrite fur ce fu-
jet, que les principaux de ceux qui s'étoient trouvez à fa fuite n'a-
voient point defapprouvé ics démarches. La raiibn de cela efl Refof,
que les Reformez s'étoient perfuadez, que pourveu qu'on procédât ^^^Z*
à l'indrudion du Roy d'une manière convenable à fa dignité, &z3.^^yl'"^.
l'importance de la chofe, il y auroit plus à gagner qu'à perdre pour A^^'?""»
eux. Ils ne fongeoient fur cela qu'à des Conciles Généraux ou Natio- ^^l^yli^^
naux, qu'à des aflémblées de notables Ecclefiaftiquesjqu'à des re^or- fe faire
mations d'abus , qu'à des conférences lincercs 6c iéneulés , è^ ils s'at- ^"""'^^
H 2 ten-
6o HISTOIRE
1^80. tendoicnt d'y faire éclater fi fortement la vérité de leur do£):rinc5
qu'au lieu de perdre ce Roy ils gagneroient plufieurs Seigneurs>
qui ne haïflbient leur Religion que par l'ignorance de fçs princi-
pes. Du Plellis Mornai étoit préoccupé de cette efperance com-
me les autres , & ce fut pour cette raifon qu'il convint fi facile-
ment deux ans après fiir cet article avec Villeroi.
Dk-erfes L^s Catlioliqucs voulurent une déclaration fignée du Roy
affeBions pour aflurancc des chofes qu'on leur avoit accordées ; néanmoins
x»'f/m toute la complaifance qu'on eut pour eux ne les contenta pas en-
cathoii- tierement. Il y en eut qui ne fignerent l'accord qu'à regret > il y
^'^"* en eut d'autres qui rcfufcrent de le figner. Vitri porta la choie
plus loin 5 & fe jetta dans la Ligue. Le Duc de Nevers demeu-
ra dans une efpece de neutralité > fous prétexte que fa confciencc
ne luy permettoit ni de s'unir avec les ennemis de l'Etat , tels
qu'il êftimoit les Ligueurs , ni de fervir un Roy qui n'étoit pas
Catholique. Il perfifta dans ces fentimens aflez long-tems , & il
n'y eut que les victoires du Roy qui le déterminèrent à fbn fer-
vice. Dans les provinces , les Gouverneurs des places qui te-
noient pour le Roy en uferent à-peu-près de même. Quelques-uns
fè firent acheter -, d'autres en promettant d'obeïr déclarèrent fans
façon qu'ils le feroient à regret, tant que le Roy {kroit hérétique.
Mais rien ne luy fit tant de mal que la retraite du Duc d'Epernon ,
qui quitta l'armée fans qu'on fot ni le party qu'il vouloit pren-
dre, ni la véritable raifon de fa conduite. Il vouloit pcrfuader qu'il
n'avoit point d'autre motif que le zèle de Religion -, maison foup-
çonnoit qu'il y entroit bien d'autres confiderations. Il craignoit,
peut-être de n'être pas en fiireté à la nouvelle Cour , où on ne
l'aimoit pas, à caufe qu'il avoit abufé de fa faveur fous le Roy
défunt : ou bien il ne put fe refoudre à l'abaifîèment où il auroit
fallu vivre s'il y étoit demeuré , puis qu'il naifîbit déjà des con-
teftations fur fon rang : peut-être auiîî qu'il n'avoit ni inclination
pour le nouveau Roy , ni confiance en ion amitié ; ou qu'en iè
retirant en fon Gouvernement , il fe crut aiîèz fort pour s'y can-
tonner, & pour y attendre ce que deviendroit le Royaume , dont
en cas de démembrement il garderoit ce qu'il tenoit. Il promit
néanmoins , peu de tems après fa retraite , qu'il ferviroit le Roy
dans les provinces dont il étoit Gouverneur. Mais fon exemple
nelaiiîà pas de tirer à confequence, parce que les Seigneurs & les
Ca-
DE LEDIT DE NANTES, Liv. IL 61
Capitaines le retirèrent à fon imitation -, que les troupes fè deban- i ^ 8p.
derenti & que la belle armée, quiauroit pu mettre aifément Pa- lyijpf»-
ris & la Ligue à la raifon , fc diflipa en peu de jours. Quelques-uns ''i^^^',.
même des Reformez fè retirèrent ^ & parce que leurs ennemis leur
en ont fait un grand crime dans la fuite, ileft neceflaire de remar-
quer premièrement que la dilîîpation commença par les Catholi-
ques j &c d'ailleurs que peu des autres quittèrent, dont la re-
traite ne doit pas être imputée 2. tout le party. Il eft certain mê-
me que les vrais ferviteursdu Roy, luyétoient aufli utiles dans les
provinces qu'auprès de fa perfonne. En effet il y eut plufieurs
villes ébranlées par la nouvelle de la mort de Henri 1 1 1. La refolu-
tion prifeàParis, de ne recevoir pas un Roy Hérétique dans le
trône de S. Louis, parut fi belle aux Catholiques, qu'elle en at-
tira un grand nombre dans la Ligue, & qu'elle penfa éblouir plu-
fieurs des villes qui avoient tenu pour le Roy defiint. De forte
que les Reformez avoient befbin d'une partie de leurs forces , pour
contenir ceux qui avoient envie de remuer; & pour garder de furpri-
ic leurs propres places, à la confervation defqu elles le Roy avoit au-
tant d'intérêt qu'eux. Il fut même obligé de difperfèr en divers lieux
une partie des troupes qui luy reflerent, afin de retenir le plus de
pais qu'il pourroit dans l'obeiflànce. D'où il s'enfuit quecen'efl
pas juger équitablement dQs chofes , que de faire un crime aux Re-
formez d'une chofe qui fèpouvoit excufer , ou parla neceflité du
tems, ou par l'exemple de la Noblefîe Catholique , ou parce qu'ils
ne s'éloignèrent de l'armée du Roy que pour le fervir ailleurs.
Cependant la dilîîpation de l'armée du Roy fit reprendre coura-
ge à la Ligue, qui avoit de bonnes refTourceSj & le Roy qui n'étoit
plus en état de rien entreprendre s'étant retiré vers Dieppe ,
pour y recueillir un fecours qu'il artendoit d'Angleterre, le Duc
de Mayenne le pourfiiivit, & le reduifit à de fi grandes extremi-
tcz , qu'il fut fur le point de pafîer la mer , comme defefperant du
fuccés defes affaires. Mais le Maréchal de Biron l'empêcha de^^^^^^
quitter la partie ; & le fuccés du combat d'Arqués, joint à V^xvi-d'Ar-
vée des Anglois , ayant fait retirer les Ligueurs, le Roy remit fès^""'
affaires en bon chemin , & remporta divers avantages. Pendant
que cela fe pafToit, la promefTè qu'il avoit faite aux Catholiques
de fbn party étant envoyée dans les Provinces , y donna de grandes
alarmes aux Reformez. On y lifoit avec foupçon ces paroles ,
H 3 qu'on
6% HISTOIRE
£rgp. qu'on avoit glifîecs dans les copies, iefett Roy que ^îeu ah/ohe ;
& comme on les favoic tirées ou langage ordinaire de l'Egliie Ro-
maine, quand elle parle des morts , on craignoit qu'ils ne fuflènt
échapez au Roy comme un effet de la refolution déjà prife d'em-
brafler la do£bine de cette Eglife, ou au moins comme une mar-
^a-tjjf que de peu zèle & d'afFeciion pour la Religion Reformée. Cc-
promejfti h fit principalement du bruit dans les Provinces de Poitou , & de
ju Roy en Saiutonge , où lesmecontentemens avoient commencé de plus loin.
Trlvt"»-^ Il s'aflembla un Colloque à S. Jean d'Angeli , où fous prétexte
^'f- que le Roy pourroit ne perfeverer pas dans la Religion, quelqu'un
propofa (i'elire un autre Protedeur. Il fembloit que c'étoit une
fuite de certaines intrigues, qui avoient caufé du trouble dans la der-
nière aflemblée de la Rochelle > où quelques eiprits inquiets (e
plaignant de l'autorité que le Roy de ÎS^avarre prenoitdans les af-
faires , euflent bien voulu luy ôter le pouvoir que la Protedion
luy donnoit , ou le limiter par des conditions rigoureufes : parce
qu'ils ne pretendoient pas qu'on dut élire un maître en prenant un
Protedleur, C'eft pourquoy ils auroient peut-être mieux aimé
donner cette qualité à un homme à qui elle auroit fait honneur
qu'à un Prince, qui ne voyant alors que le Roy au deffus de luy ,
trouvoit toutes les autres qualitcz inférieures à fa dignité. Depuis
la mort de Henri III. il y avoit lieu plus que jamais de renouvel-
ler les mêmes reflexions, parce que le Roy de Navarre luy ayant
fuccedé, il étoit déformais trop grand , pour n'eftimer pas la quali-
té de Protecteur dérogeante à celle de Roy. Les raifbns quidon-
noient lieu de remuer cette affaire au Colloque étoient,que pour faire
plaifir aux Parlemens on pari oit de fupprimer des Chambres , que le
Rov étant feulement Roy de Navarre avoit établies en divers lieux ,
compofées d'Officiers de la Religion , devant qui les Reformez por-
toicnt toutes leurs affaires : qu'au préjudice de ces Juges on re-
tabUllbit en divers lieux les Juges Royaux -, ce qui privoit les Of-
ficiers delà Religion de leurfubfiflance ordinaire; qu'on avoit re-
mis la Mefîe en quelques lieux contre les termes exprès de la trêve ,
fous prétexte de l'exécuter ; que l'avènement de leur Protecteur à
la Couronne n'avoit rien fait pour eux ; qu'encore que la trêve fût
prête à expirer , ils ne voyoient rien qui tendit à la paix que le
feu Roy leur avoit promife. On fe plaignoit auffi que les Mini-
ftres, de l'entretien de qui le feu Roy avoit chargé fes Finances,
ctoienc
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IL 6^
croient plus mal payez fous ce nouveau règne qu^ils n'avoicnt été irgcj.
auparavant. Du PleiTis en négociant la trêve , avoit fait de cet article
un article capital -, & Tavoit emporté après quelques contrad irions.
L'ordre qu'on obfèrvoit pour l'exécution de ce traité , étoit qu'on
cnvoyoit au Secrétaire d'Etat de chaque Département des rôlles
certifiez du nom & du nombre des Pafteurs, que du Pleiîis devoit
/igner } & que fur ces rôlles atteliez on delivroit des Ordonnances
à l'Epargne , dont chacun ie faifoit payer aux Receveurs voilins de
fà refidence. Henri I V. voulut bien continuer <:et ordre pour
les provinces où les Reformez étoient forts > & cela dura jufqu'à
Ton changement de Religion, après quoy jamais on ne put le ré-
tablir quelque promelîè qu'il en eût faite. Mais pendant les pre-
mières brouilleries du nouveau gouvernement cet ordre fut mal
gardé : de forte que les perfonnes intereflées ne pou voient fup-
portcr, que leur condition fût plus incertaine fous un Roy de leur
Religion , qu'elle n'a voit été Ibus un autre leur ennemi. Cela
leur faifoit craindre l'avenir , & pour eux-mêmes & pour la caule
commune , dont il fembloit que le Roy ne prenoit pas la defenfc
avec beaucoup de chaleur. C'eft pourquoy ils penfoient qu'il
falloit s'appuyer d'un Protecteur , qui s'appliquât à leurs affaires
avec moins d'indifférence.
Mais avant que d'aller plus loin , il faut expliquer ce que IcscequeUî
Reformez entcndoient par un Protedeur , de peur qu'on ne s'i- ^^f<"'-
magine que c'étoit un projet de rébellion qu'on formoit , fous pre- Zl^oUnt
texte d'en élire un nouveau. Les Reformez donc ayant étécon- p'trun
traints après plus de trente ans de cruautez &c d'injuflicesde s'unir "
enfemble pour leur commune defenle , fe mirent premièrement fous
bProtedion du Prince de Condé, qui avoit le même intérêt
qu'eux, &:àqui IcsGuifesne vouloient pas moins de mal qu'à la
Religion Reformée. Le defîein naturel de cette Protection, étoit
de procurer le repos & la fureté aux confciences des peuples qui
avoient embrafîé la Reformations de porter au Roy, par un in-
tercefîeur autorifé , les plaintes Se les Requêtes du party perfècuté ;
de reprimer, par le refpe^^ du Protedleur, les entreprifos que la
cabale des bigots , ou les intrigues des ambitieux pouvoient former
pour la ruine des Reformez-, & d'avoir un depolitaire& un garant
de la foy des Traitez & des Edits, qu'on pourroit obtenir pour la li-
berté de confciencc. De forte que cette Protedlion ne donnoit à
ce-
Protec-
teur.
^4 HISTOIRE
.1-^89. ccluyàquielle étoit defcréc, que le foin d*obtenir pour les Refôr^
mez des conditions toîerables -, & de les faire garder par fes Ibllici-
tations& par ibn crédit, après les avoir obtenues. Par confequcnt
elle ne pouvoit jamais donner d'ombrage , qu'à des Princes qui n*a^
voient pas delîein de garder leur foy : puis que pour rendre le
Protecteur inutile, il ne falloit que laifler vivre tranquillement
dans la paix de leur confcience les peuples qui l'avoient élu. A-
lors la Protedion tomboit d'elle-même -, puis qu'il n'y avoit plus
d'infra6bions à reparer, ni d'injuftices à craindre. Au fond l'au-
torité Royale étoit toujours refpeCtée fous cette Prote£tion j puis
que toutes les démarches du Protedieur étoient bornées à pour-
fuivre & procurer auprès du Roy le repos & la paix d'une partie
confiderable de fes fujets , que l'autre partie toujours malintention-
née avoit defîcin d'opprimer. S'il y avoit quelque chofe de contraint
& de borné par cette Protection , ce n'étoit pas l'autorité des Rois,
que les Reformez vouloient plutôt accroître que diminuer • mais
le zèle inhumain des Catholiques , qui après tout le iang Reformé
qu'ils avoient verfé par une infinité de (lipplices , ne parloient
encore que de détruire & d'exterminer le refle. Que fi cela for-
moit un party dans le Royaume, l'équité & l'humanité veulent
qu'on s'en prenne moins à ceux à qui on n'avoit laifîe que
ce feul moyen de fe défendre , qu'à ceux qui par mille violen-
ces , mille injuftices, mille perfidies, les avoient forcez à y
recourir. Il eft vray que cette Protection fit naître quelquefois la
guerre: mais cène fut que par accident, parce que les infidelitez
de la Cour , l'ambitieufe cruauté des Guifes , la rupture des Traittez
& des Edits , contraignirent les Reformez , avec qui on ne gardoit
point de mefùres, à le défendre par les armes , contre des voyes
d'opprefllon fi injuftes & fi odieules.
Les Reformez au refl:e n'avoient point eu de Protecteurs qui ne
fufîènt Princes du fang : leurs Protecteurs même n'avoient pas tou-
jours été Proteftans , puis que le Ducd'Alençon , qui en avoit eu
Trotte- I3 qualité , n'avoit jamais renoncé à la Religion Romaine. Henri
^^roc^ue*' ^y ' n'étant encore que Roy de Navarre avoit été leur ProteCteur
entriie à fon tout, & même on peut dii'e qu'entre luy & les Reformez la
mvlrre ProtcCtiou étoit eu quelque façon réciproque > & qu'il avoit eu
èf les belbin de leurs fervices , autant qu'ils avoient eu befoin de ion apuy.
^{2' Comme il leur falloit un Chef, il luy falloit aulli des foldats &
des
DE L^EDIT DE NANTES, Liv:il. 6^
des retraites -, & s'il leur donna un bon Capitaine , ils luy donne- i ^ g^^
rent aufli de bonnes places & de bonnes troupes. Il avoit donc
fait les aftions de Protedeur durant plufieurs années > foutenudcs
guerres , obtenu des Edits & des Traittez , pourfuivi la réparation
des injuftices qu'on faifbit par tout aux Reformez. De la vient que
les Reformez luy difoientfouvent depuis fon avènement à la Cou-
ronne , qu'il fa voit mieux que pcribnne ce qui leur étoit necelîài-
re , parce qu'il avoit fouvent prefenté leurs Cahiers & leurs Requê-
tes, & pourfuivi la réparation des infra61:ions &: des violences
dont ils avoientlieu de fe plaindre. Mais quand il fut monté fur le •
trône , les complaifances qu'il eut d'abord pour les Catholiques , &:
le peu de foin qu'il parut prendre d'alliirer la condition des Refor-
mez , firent croire à quelques-uns d'eux que fa protection étoit
finie , & que puis qu'il ne pouvoit plus être à l'avenir le Iblliciteur
de leurs affaires 5 il en falloit chercher un autre qui en fit les fonc-
tions auprès de luy. Ils commençoient à prévoir qu'il s'alicneroit Defi^n-
peu-à-peu de leur Religion ; & ils craignoient en même tems que "'^.
îi les Catholiques pouvoient une fois le faire changer, ils ne luy in- XS*?*
fpiraffent l'efprit de perfecution , qui eft eflènciel à l'Eglifè Romai-
ne y qu'on ne luy fit faire la paix à leurs dépens avec le Pape &
avec la Ligue -, & qu'infenfiblement d'un Prince qui les avoit proté-
gez, on ne leur fit un deftrucleur & un ennemi.
La conduite des Catholiques Royaux autorifbit ces défiances.
Dans le tems même qu'ils recevoient de fignalez (èrvices des Refor-
mez i fix ou fept mois après que les Reformez les avoient arra-
chez aux vangeances de la Ligue , en recevant entre leurs bras
Henri III. &ia Cour, accablez des forces de ce party, les Catho-
liques avoient eu l'audace de demander à Henri IV. l'interdidion
delà Religion Reformée, l'exclufion des Reformez de toutes les
Charges, & en quelque forte l'exclufion du Roy même, s'il n'em-
braifoit la Religion Romaine dans fix mois. Ils ne laiflbient même
qu'à regret approcher les Reformez de la perfonne du Roy : ils
s'emparoient des affaires à leur préjudice: de forte que fes plus in-
times confidcns n'avoient plus départ à ï'cs confeils> & qu'ils n'a-
voient plus avec luy la communication & les privautez accoutu-
mées. Il y avoit dans toutes les efpeces d'affaires des preuves de la
mauvaife volonté des Catholiques. Ils tâchoient de ruiner les gar-
nifons des villes Reformées , par des retranchemens de leur folde ,
Tome 1. \ ^
66 HISTOIRE.
1 f 8q. & P^i" ^^^ difficiiltez qu'ils faifoient de payer le refte. Ils ne pou-
voient foiiffrir qu'une affaire reufsit bien par Tentremife âçs
Reformez : & du Pleiîis ayant traitté avec Chavigni , pour ti-
rer de iés mains le vieux Cardinal de Bourbon , qu'on vouloit
mettre en meilleure garde.; ayant promis de certaines fem-
mes dont il étoit demeuré caution , & ayant fait d'autres avan-
ces de fà bourfe pour cette affaire importante, on les paya tous
deux en mauvaifes afllgnations. Il fembloit qu'on. devoit tout
craindre de gens qui témoignoient tant d'ingratitude à leurs libera-
• teurs, au milieu de l'adtion même, pour ainfi dire, & dans la
nouveauté de la délivrance. Qncne pouvoient-ils pas faire un
jour, quand ils fe feroient rendus maîtres de la confcience du Roy ,
comme ils l'étoient déjà de fa perfonne ? Il étoit impoffible que
ces confiderations ne donnaffent de bonne heure l'alarme à des
malheureux, qui après plus de 50. ans de cruautez 5c de perfidies,
ne pouvoient ignorer que l'Eglife Romaine ne change point d'ef^
prit ni de maximes i & que par confèquent fcs dévots travaille-
roient toujours à leur ruine par les mêmes voyes.
j, ^ Mais d'ailleurs le Roy ne vouloit pas laifTèr donner à un autre la
i'oftnfe qualité de Protedteur, qu'il ne croyoit pas éteinte par fon avene-
*^lfhiîn' ^^^^ ^ ^^ Couronne , mais confondue en luy avec la qualité de
^?/r«Z Roy, qui doit être le Protecteur né de tous fes fujets. Ilprevoyoit
dreu>t i^jçj^ q^e f] les Reformez obtenoient des conditions tolera-
TrZ'ec- bîes , ce ne feroit pas à luy qu'ils en auroient l'obligation, puis
teur : qu'elles leur feroient accordées parle crédit &c à la follicitation d'un
autre. En effet quand il s'agit des grâces qu'un Souverain fait à
fonfujet, c'eft le naturel de l'homme , de lesraportermoinsà la
volonté du Prince qui les accorde, qu'à l'autorité du médiateur
qui les obtient : & d'avoir plus d'égard , pour ainfi dire , au ca-
nal par où elles fc communiquent , qu'à la fource même d'où elles
coulent. Ainfi le Roy ne vouloit pas qu'un autre luy fit perdre ,
avec la qualité de Protcdeur , la confiance & l'amour de Ces /lijets j
ni qu'il parût accorder à la follicitation d'autruy , ce qu'il fentoit bien
qui étoit dû aux Reformez , ou par un droit naturel , ou comme une
ities recompenfe de leurs fervlccs. D'ailleurs les plus fages des Refor-
Refor- j^e2 jugeoient que cette propofition étoit faite fans raifon , & à con-
Trmvlnt tre-tcms: parce que le choix d'un Protedeur mettroit le Roy dans
fi«i^«c^ la necelfi té de fe jetter plus avant dans les intérêts des Catholiques,
DE UEDIT DE NANTES, Liv. II. 6;
comme fe voyant devenu fufpecl: à Tes anciens fcrviteurs , de qui i ^s^,
par confequent il devoit avoir une défiance réciproque. Joint que les
injures dont on fe plaignoit ne leur fembloicnt pas fi grandes, ni
qu'on ne dut les excufèr par la neccHîté du tems , ni qu'on ne put ef-
perer que quand le Roy le voudroit elles feroient bien-tôt réparées.
On eut même quelque Ibupçon que cette propofition avoit été infpi-
rée par l'artifice des Catholiques , qui avoient grofli les objets , pour
ièmer des défiances entre le Roy & les Reformez & les diviier,
afin d être plus affûrezde pofTederle Roy fans concurrent, &de
le porter à détruire les Reformez , quand ils en trouveroient une
occafion favorable-
Ce projet donc fiit appuyé de peu de perfbnnes, & ne ftitpas Leitredt
malaiié à rompre : principalement quand on vit une lettre du Roy à i* »"»'»
-du Pleifis, qu'il avoit écrite de fa propre main, foitpour donner ^"^^^-^^^
plus de force à la choie même , Ibit parce qu'un Secrétaire d'Etat j«t.
Catholique n'étoit pas propre à exprimer les pcnfées du Roy fur ce
lujet. Il s'y plaignoit de la propofition faite au Colloque dont j'ay
parlé j 6c des motifs fur lefquels on l'avoit fondée. Il accufoit
quelques mécontens, qu'il feignoit ne connoîtrc pas, de vouloir
faire leurs affaires fous ce prétexte. Il y rappelloit quelques menées
de la dernière afièmblée de la Rochelle, qui avoient été comme les
ièmenccs de cette nouvelle entreprile. Il raportoit aflèz au long ce
qui s'étoit pafle entre luy 6c les Officiers de la vieille Cour , afin de
Jeur ôter le fcrupule de la Religion, qui les empêchoit de le décla-
rer pourfon ièrvice: enquoyiln'avoitrien fait dont les principaux
Reformez qui étoientprefens, comme Chdtillon , laNoiie, Beau-
vaisla Nocle, Guitri6cc. n'euifcnt été les témoins 6c les confeil-
1ers. 11 alTûroit qu'il avoit effacé de fa main, dans l'original de l'Acte
qu'il avoit figné aux Cathohques, les mots que IDieu abfohe', qui
n'avoient été remis dans les copies, que par le zèle des Copiftes ou de
l'Imprimeur. Il attribùoit les plaintes des Reformez à quelques
mutins -, 6c fe plaignoit à fon tour que ceux qui fe vantoient d'a-
voir expofé leur vie, leur travail ^ leurs biens pour luy, étoient
néanmoins ceux qui tâchoicnt de luy ôter la qualité qu'ils luy
avoient donnée. Après cela il protelfoit de fa confiance dans la
Religion > excufant ce qu'il avoit fait, ^ qui pouvoit donner des
ibupçons contraires , fur les brouilleries de fon avènement à la Cou-
ronne. Sur quoy il remarquoit, qu'il avoit été obligé à bien des
I 2 cho-
68 HISTOIRE
j.3g chofes pour apprivoifer les Catholiques, qui fe defîoient de luy ,
^ perfuadez qu'il ne lesflattoit que pour s'établir, & pour détruire
en fuite leur Religion à fon aife : Qu'il avoit eu les Suifîes à retenir ,
quines'étoient obligez qu'au Roy défunt: qu'il avoit eu à gagner
Teiprit des peuples , débauchez par les Prédicateurs, Scfur tout à
trouver les expediens d'arrêter auprès de luy la Noblefîe, quipan-
choit toute vers la Ligue. Il fe plaignoit encore doucement d'a-
voir été abandonné de quelques Reformez. Il excufoit tout ce
qui leur donnoit de l'ombrage par la nccellité. Il rend oit compte
de Ton ailiduité aux exercices de fa Religion, qu'il avoit fait conti-
nuer à l'armée î jufques laque d'Amours fon Miniftrc avoit fait à
Diepe quelquefois fcpt Prêches la femaine. Il fe plaignoit enfin un
peu amèrement de l'impatience de ceux qui luy vouloient ôter les
Reformez, avec qui il avoit fi long-tems converfé -, qui luy dévoient
être doublement aquis -, qu'il aimoit d'un amour paternel -, & de
qui la confervation ne pouvoit être ii chère à perfonne qu'à luy.
Cette lettre mêlée de plaintes , d'excufes , de proteftations '& de
tendrefîcs, aida beaucoup aux plus fages à reprimer l'impctuofité
des autres : & les Reformez s'endurcirent fi bien contre les lon-
gueurs de la Cour, que fept ou huit ans de fuites & de remifes ne
purent laflér leur patience. Le refte de l'année fc palîa dans cette
confufion d'efperances &z de craintes : mais avant que de parler des
évenemens d'une autre, il eft neceflaire de reprefenter en peu de
Torces du mots l'état des deux partis qui dechiroicnt le Royaume. La Ligue
^yà'de ^^q[^ extrêmement forte. Elle avoit de ion côté les plus grandes vil-
'■^ '^' les ', toas les Parlemens , excepté celuy de Rennes qui demeura dans
l'obcïllancedu Roy, & celuy deBourdeaux que Matignon retint
dans une efpecede neutralité pour s'y autorifer , & qu'il ne ramena
qu'un an après au fervice de Henri I \^ Il fallut même pour cela qu'il
en coûtât quelque chofe aux Reformez, par la fuppreflion de la
Chambre qui leur rendoif juftice dans le reilbrt de ce Parlement , à
la jurilcliclion duquel elle failbit une grande brèche. D'ailleurs tout
l'ordre Ecclellaftique étoit encore dans le part)' de la Ligue , apuyée
de plus de l'autorité du Pape , de toutes les forces d'Efpagne , ôc de
toutes les PuifTances Cadioliques , excepté Venife qui reconnut le
Roy la première , & le Grand Duc de Tofcane qui luy offrit même
de l'argent , à condition qu'il fit époufer fa nièce à quelque Prince du
Sang. Il obtint plus qu'il nedemandoit> puis que le Roy l'épouià
luy-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IL 69
luy-même. Le party du Roy fe trouva formé de la plupart de la 1 5'85>.
Noblefle , de prefque tous les Seigneurs de la vieille Cour j & de
tous les Reformez prêts à tout hafarder pour Ton fervice. L'alliance
d'Angleterre & des autres Proteftans étrangers le fortifia confidera-
blement. Du Pleflis qui cherchoit tous les moyens imaginables de
le lier à la Religion Reformée, luy propofa de rechercher cette al-
liance , & l'emporta contre l'oppofition des Catholiques , qui crai-
gnoient qu'elle ne l'éloignât d'entendre à l'inUrudion qu'il avoit
promife.
Mais quoy que la Ligue fût puifîante par la confideration des par- D'-^i^ons
ties quilacompofoicnt, elleétoit foible d'ailleurs par la divifion de ^"j^aJ*
fcs Chefs , qui avoient chacun leurs intérêts & leurs vues. Le party l'a^re.
du Roy avoit aulTi le même défaut. Les Catholiques & les Refor-
mez ne s'accordoient point : ceux-là ne pouvant fe défaire du pré-
jugé de leur Religion, qui ne peut fbuflrir les autres ; ceux-cycon-
lèrvant toujours des défiances de la bonne foy des Catholiques,
confirmées par des expériences fi longues & fi cruelles , qu'elles n'é-
toient que trop légitimes. Les uns avoient pour les Reformez une *
haine que rien ne pouvoit appaifer : les autres avoient une patience
épuifée , qui pouvoit à toute heure fe changer en defe(poir. En-
tre les Catholiques Royaux il y en avoit peu , & peut-être même
qu'il n'y en avoit point d'afiez équitables , pour laiiièr vivre les Re-
formez dans une efpece d'égalité avec les autres , comme enfans
d'une même maifbn, qui avoient un même droit que les autres aux
privilèges & aux libertez de leur commune patrie. Ils ne penlbient
qu'à les éloigner des charges & des affaires , de peur que s'ils y
étoient une fois reçus leur Religion ne fit des progrez coniiderables,
& que les Catholiques ne fufîènt peu-à-peu privez des emplois. Les
Reformez de leur part avoient aulîî la même penfée , & ils efpe-
roient que fi les chofes étoient une fois égales entre les deux Re-
ligions, à l'égard des établifîemens & du repos de la vie civile, ils
vcrroient bien-tôt leur party fe fortifier par un grand nombre de Ca-
tholiques , de qui la converfion n'étoit retardée que parce que la
condition des Reformez étoit encore incertaine, & qu'ils ne trou-
voient pas leur compte à embralîèr leur Religion.
Entre les Catholiques donc il y en avoit qui vouloient pafler pour D!jpojl.
équitables , qui néanmoins auroient cru faire une grande grâce aux ^'"'\ '',"
Reformez en les exemtant des fupplices , les laifiànt vivre chez eux ^^iTi''
I 3 à
7© HISTOIRE
1^89. à leur manière, fans leur donner rexercice public de leur Religion >
ni leur faire part des Charges utiles ou honorables. Quelques au-
d^Z"^ très plus fuperftitieux ou plus prévenus, les auroient volontiers fa-
paix,ie crifiez à la Ligue s'il n'a voit fallu que cela pour la rompre, & ne
Religion, craignoient rien tant que de leur accorder quelque faveur. Mon-
thoîon qu'on appelloit T Ariftide de Ibn tems , & à qui Henri III.
avoir donné les Seaux , étoit néanmoins Ci peu équitable en matière
de Religion , qu'il remit les Seaux au nouveau Roy , de peur qu'il
ne fut obligé à fecller quelque chofe (bus ce règne en faveur des Re-
formez. On peut juger par cet exemple quel étoit l'entêtement &.
le zèle de ces dévots. Mais il y en avoic d'autres , qui quoy qu'ils
n'euflcnt pas de meilleures intentions vouloient donner quelque
cholè au tems , pour avoir occafion d'employer les artitices dont
Henri III. s'étoit lervi cinq ans durant j & dans cette penfée ils
vouloient bien donner la paix aux Reformez pour les defarmcr, les
amollir, lesfeduire, les divifer. Ils n'en voulaient point venir à la
guerre ni aux violences , où la Religion Romaine avoit plus perdu
que la Reformée : mais ils vouloient faire une paix fi peu avanta-
geufè aux Reformez, qu'il y avoit peu d'apparence de les conten-
ter à ce prix , & de leur perlliader qu'ils y trouveroient leur fîîreté.
Les Catholiques de ce party avoient pour principal relîbrt de leur
deflèin le foin de gagner le tems , & d'éloigner autant qu'il leur fè-
roit pollible la conclufion de la paix defirée par les Reformez , par-
ce que dans la conjoncture prefente il étoit impoffible de la leur
accorder, fans la leur donner trop avantageufè. Il y avoit trois cho-
ies qu'ils vouloient obtenir auparavant , la redu£l:ion du Roy à la
Religion Romaine , la paix avec la Ligue , & l'alliance d'Efpagne.
Alors ils croyoient qu'ils auroient afîèz -de crédit pour obhger le
Roy à entrer dans leurs fentimens j &z que toutes les forces de l'E-
tat étant recueillies , la crainte d'être opprimez contraindroit les Re-
formez à fe contenter d'un Edit tel qu'on le leur voudroit donner.
Ce party étoit le plus fort dans le Conféil , où il s'étoit formé dès
le règne précèdent -, & toutes les longueurs qui firent traîner cette
affaire huit ou neuf ans procédèrent de cette politique. De là vin-
rent les raifbns d'Etat dont on amufbit les Reformez , quand ils
prefîbient le Roy de faire quelque chofè pour eux : les craintes
d'endurcir la Ligue , d'ofFenfer le Pape , de fcandalilcr les peuples
Catholiques , dont on amufoit le Roy même. De là vint la maxi-
me
DE LEDIT DE NANTES, Liv. IL jt
me qui pafTa prefquc en force de loy à la Cour , qu'il ne falloir point i ^ g c>.
faire d'Edit pour les Reformez, avant qu'on eût réduit & contenté
tous les Catholiques par des Traitez -, étant raiibnnable de faire tout
pour les enfans de l'Eglifc , difoient-ils , avant que de faire la moin-
dre orace à ceux que cette Eglife avoit excommuniez, & déclarez
Hérétiques. De là vinrent enfin les chicanes dont on lé Icrvit pour
éluder toutes leurs demandes , & pour leur faire perdre le fruit àcs
grâces & des Déclarations , que la crainte de les defefpcrer obligeoit
quelquefois de leur accorder.
C'étoit auiîi en partie de là que venoit l'infidélité de plufieurs des
Catholiques Royaux , qui traverfoient tant qu'ils pouvoient le cours
àç^s profperitcz du Roy , & luy faifoient perdre le fruit des meilleurs
fuccés. Ils craignoient que fi la Ligue étoit vaincue , ou la paix faite
avec fes Chefs avant que le Roy ïut Catholique , il n'y eût plus de
moyen après cela de le réduire à changer de Religion. D^ forte que
route leur application confiftoit à faire durer la guerre, jufqu'à ce
qu'ils euflent amené le Roy à la MefTc. On intercepta plus d'une
fois des lettres, principalement pendant le fiége de Rouen, & pen-
dant la négociation de du Plcfiis avec Villeroi , qui devclopoient
ce myftere -, & que des plus grands Seigneurs de la fuite du Roy
écri voient aux principaux de la Ligue , pour les avertir de ne faire
point la paix , de peur de perdre l'occafion d'obliger le Roy à quit-
ter la Religion Reformée. Il entroit aulli de l'intérêt perfonnel
dans ces artifices. Il y avoit plufieurs Catholiques qui prelîbient la
converjîon du Roy fans la délirer j & qui la regardant comme une
chofe qui hàteroit la paix , après laquelle ils demeureroient inuti-
les, n'eufifent pas été fâchez que le Roy eût fait plus de refiftance
à ceux qui prelîbient fbn changement. De forte que la Religion &
l'Etat ne fcrv^oient que de jouet à ces zêîez Catholiques.
Le party des Reformez avoit aufli fes detauts. Qn^^ues-uns ^'M'-
empéchoient le Roy de changer parce qu'ils aimoient linceremenr ^^^J//^
leur Religion , Scilsfe lervoient principalement des motifs decon- r»"^ au
fciencc -, luy remontrant ce qu'il devoit aux bienfaits de Dieu qui ^^^^^
luy avoit fait tant de grâces, & doimé tant de victoires^ & ce qu'il de-
voir craindre de fa vengeance s'il quittoit fon fervice, fous le prétexte
de quelques facilitez pour parvenir à une paix , à laquelle il luy léroit
plus honorable de forcer les ennemis. Ceux qui agifîbient par ce
principe étoient en allez grand nombre , & aulli conftans au fervice
du
72 HISTOIRE
i^-Sq. du Roy, que zèlez pour le bien de leurs Eglifes: mais ils n*étoient
pas les plus agréables -, & ils eurent peu de part aux bienfaits & aux
recompenies de la Cour , comme on le peut reconnoitre par l'exem-
ple de du Pleflls, de la Noue, & de quelques autres. Lefdi-
guieres & Rôni n'étoient pas de ces zélez oppolans ^ & on aura
lieu de parler ailleurs du caractère de leur pieté. Principalement
Rôni n'étoit pas difficile fur la Religion -, & s'il fit d'abord quel-
ques diiiicultez fur le changement du Roy , il y aporta depuis
plus de facilitez que perfonnc. Il croyoit que pendant la guerre fa
fortune feroit retardée, &: qu'il y auroit plus à foire pour luy après
la paix , à quelque prix que le Roy l'eût obtenue. Il y en avoit d'au-
tres qui ne doutoient pas que le changement du Roy ne les fit con-
fiderer comme les Chefs du party , & que par confequent on n'eût
pour eux après cela plus de déférence parmi les Reformez, 6c
plus d'égards à la Cour. Mais tous au moins s'accordoient dans
une chofe. Ils ne faifoient point de violence comme les Ca-
tholiques aux inclinations du Prince , & ne luy impoibient point
de loix & de conditions , pour le contraindre dans {es fentimens.
De forte que même après fon changement , les plus zélez ne
paflércnt point le murmure, & ne luy reprochèrent rien tant , que
ce qu'il n'avoit pas gardé dans une action fi importante des mefu-
res convenables à fa dignité. Ils ne laifi^rent pas après cela de le
fervir , & de le fuivre fans condition j la plupart même à leurs dé-
pens, fans tirer de luy de fecours ni de recompenfes. C'eft
pourquoy il confeiïe luy -même par des A6tes publics, & les
Hiftoriens les plus CathoUques publient après luy, que les
Reformez luy rendirent <^e tres-fignalez /ewices. Ileft vrai-
femblable qu'ils euflént fait encore de plus grands eflbrts , s'il eût
pu s'empêcher de leur donner des raifons d'une jufte défiance. Mais
au moins nul ne fit fon party feparé , ni ne traverfa {qs profperitez
par des pratiques avec l'ennemi , ni n'empêcha la conclufion de la
paix par la crainte que la Religion n'y fut opprimée. C'efi: là en
gros ce qu'il faut favoir de la difpofition où étoient les efprits &
les affaires, pour entendre mieux les caufes des évenemcns quifui-
Ecrits virent.
-^^^/* ^^ Dans les commencemens de ce règne on vit paroitre divers écrits
drmfs k fur les matières du tems : mais il y eut principalement des Auteurs
/«"{"'* ^^^ foucinrent que les armes de la Ligue étoient légitimes, com-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. II. 75
me prifes contre un Prince qu'on ne pouvoir reconnoîtrc fans 1589.
mettre la Religion Catholique en danger, parce qu'il faifoit pro-
fclfion d'une Religion différente. De forte que félon eux l'intérêt
de la Religion étoit une raifbn fuffifante, pour autoriferlcs armes
des fujets contre leurs Souverains. Les Ecrivains des Païs-bas fou-
tcnoient tout le contraire, contre les Provinces qui s'étoient reti-
rées de l'obeiflànce du Roy d'Efpagne : mais en France même , lors
que les Reformez pouffez à bout par les cruautez & les perfidies
des Catholiques , prirent les armes pour fe défendre , on publia
des écrits qui rouloicnt fur des principes tout oppolez , & qui prou-
voient que la Religion même n'autorilé point les fujets de s'armer
contre leur Prince -, à qui bien qu'il fût hérétique ils n'étoient ja-
mais difpenlez de fè foûmettre. Ainfi l'Egliic Romaine fait les
loix pour autruy , & les exceptions pour elle : fa Théologie & fa
foy changent félon Ces befoins -, &c la diverfité de ks intérêts diver-
fifie auflî à fon profit les règles de la confcience.
Cependant la Sorbonne le dechainoit contre le Roy, &:çon- 155)©.
damnoit comme hérétiques toutes les propofitions qu'on pouvoit
faire en fa faveur. Elle porta même fbn zèle fi loin , qu'elle décida
qu'on ne devoir pas luy obéir, quand même il vieiKiroit à obtenir
l'abiblution de l'herejïs. Cela ne laifîbit pas de porter coup , à caufè
de la réputation de cette fameufe Faculté j & faifoit craindre au
Roy de donner aux Catholiques de fa fuite, qui ne tenoientpas
trop fortement à fon fervice, quelque prétexte de faire pis. Ce ^MaiUe
fut environ cetcms-là qu'il gagna la célèbre bataille d'Yvri, con- '*'^^''''
tre le Duc de Mayenne. Sur quoy on peut remarquer , comme une
chofe qui fait connoître l'état où étoient les Reformez dans le
Royaume, queduPlefîis marchant en dihgence pour fé rendre à
l'armée, où il n'arriva que la veille du combat, ilpafia parCha-
reaudun où il fit prêcher. LeMagiftrat s'offenfa de ce qu'on avoir
pris cette liberté \ & il fallut que du Plcflis en vint à une efpece d'ex-
cufè. Il prétendit que comme il étoit permis par la trêve de faire
l'exercice de la Religion Reformée dans l'armée du Roy , il avoir
pu jouir de ce privilège , comme faifanr parrie de l'armée Royale
dont il alloit joindre le gros s & d'ailleurs que l'armée d'un Roy de
France s'étendoit au moins vingt lieues à la ronde autour de fbn
camp. Cependant le Roy n'avoitpas une liberté fi parfaite dans
fa propre armée, qu'il ne fut quelquefois contraint dans l'exercice
Tome l. K de
74 HISTOIRE
UQd. de fa Religion, pour n'ofFenfer pas les Catholiques. Il avoit fait
fait faire la prière à Damours fon Miniftre , à la tête de fon efca-
dron ) avant que de donner la bataille : mais après la victoire il n'o-
fa en faire rendre grâces à Dieu fur le champ de bataille , comme il
avoit fait à Coutras: il ne le fit qu'à Rôni, où il coucha la nuit
d'après le combat j & même il ne le fit que dans fon cabinet, en
prefence de peu du monde.
Il fembloit que cette viftoire devoit terrafîer les Ligueurs: majs
le Maréchal de Biron & le Marquis d'O , qui avoient les vues que
j'ay remarquées , en firent perdre le fruit, & empêchèrent le Roy
de fuivre l'avis de la Noue , qui vouloir qu'on marchât droit à Pa-
ris , dont il y avoit apparence qu'on fe rcndroit maître , fi on fc
prefentoit à lès portes avant que la Liguuefut revenue de fon éton-
nement. On revint trop tard à cet avis , & on fit d'inutiles efl-brts
Siège de pour s'emparer de cette ville qui avoit repris courage : de forte
parti, qii'on fe refolut d'y mettre le fiege pour la réduire. Avant cela
les Reformez travaillèrent à obtenir du Roy quelque chofe de fa-
vorable pour leur fureté ; mais les Catholiques l'empêchèrent par
leurs confiderations ordinaires , de l'état des affaires , & de la Li-
gue ; & voulurent qu'on remît à parler de cette matière après la ré-
duction de Paris , parce qu'il fembloit que par fa priie toute la Li-
gue feroit abbatuë. Le Roy fe fervit de ce prétexte pour différer
une négociation de cette nature , qu'il trou voit pleine de diflîcul-
tez & d'épines. On dit que du Pleiîis , qui ne trouvoit rien de fo-
lide dans les raifons de ce délai , repondit au Roy qui vouloit bien
les trouver bonnes, que puis qu'on mettoit Dieu après Pans, il
craignoit bien pour le Roy que Dieu ne luy donnât point Paris. En
effet après avoir perdu bien du tems devant cette grande ville , &
perdu bien des occafions de s'en emparer , il fallut lever le fiege ,
& reculer un peu devant la Ligue, à qui on avoit tenu jufques-là,
pour ainfi dire , le pied fur la gorge.
TYojetde Après donc que Paris fe vit fecouru, & que le Duc de Parme fè
paix pour fuf retiré , la propofition de contenter les Reformez fut remife fur
mez. le tapis ; & le Roy tirant vers la Normandie fit dreiler un projet
de Déclaration , pour mettre la paix entre fes fujets malgré la dif-
férence de Religion. Du Pleflis qui le forma, y expofbitfort au
long l'intention du Roy touchant la réunion de tous fès fijjets dans
une même bergerie, s'ilétoit poflible, par le moyen d'un Concile
Geûe-
DE LEDIT DE NANTES, Liv. II. 75*
General, ou au moins d'un National j ou fi on ne pouvoir avoir 15 00.
ni l'un ni Tautre , d*une Afiemblée confiderable d'Ecclefiaftiques ,
tels qu'on les jugeroit propres à conduire heureufcment une fi fain-
tc encreprife : & en attendant cette réunion , la Religion Catholi-
que étoit rétablie par tout , avec une entière liberté du iervice qu'el-
le pratique. On n'y faifoit rien pour les Reformez que ce que la
trêve avoit fliit pour eux , fi ce n'eit qu'on revoquoit tous les Edits
que la Ligue avoit extorquez à leur préjudice. Il femble que c'étoit
peu de chofe pour des gens qui étoient de la Religion du Roy, Se
qui l'avoicnt fervi fi fidèlement & fi utilement depuis Ion enfance.
En effet c'étoit ne rien gagner après tant de travaux , de dangers ,
6c de patience , que d'obtenir feulement d'un Roy , leur Protedeur
depuis long-tems, ce qu'ils avoient déjà obtenu d'un autre, qui
avoit été long-tcms leur perfecuteur. Mois les Catholiques s'alar-
moient, aulli-tôt qu'on propofoit de faire pour les Reformez quel-
que chofe de nouveau. Ils étoient bien plus portez à faire des re-
tranchemens aux Edits , que des additions : & tout ce qu'on poû-
voit efpererde l'équité des plus modérez , c'étoit qu'on s'en tint aux
termes des précedens Edits , fans en étendre ni en refl^crrer les con-
cevons. Il falloir donc que les Reformez fe conteiitafl^nt de ce
qu'ils pouvoicnt obtenir -, & que tout ce qu'ils pouvoient prétendre
de nouveau, comme une recompenfe de leurs longs fervices, fût
facrifié aux intérêts du Roy , qui ne pouvoit rien faire pour eux làns
fe brouiller avec les Catholiques. C'eft pourquoy toutes leurs de- '£qt*'téde
mandes fe reduifoient à trois chofes 3 favoir la fureté de leurs con- ^^'^^^jf,'
fcicnces &: de leurs vies -, la liberté d'exercer publiquement leur Re-
ligion , & l'égalité dans la diftribution des Charges. On peut ju-
ger par cette confideration , qui des Catholiques ou des Reformez
étoient les plus équitables. Les Catholiques vouloicnt avoir à leur &p^!I^on
difcrction &: le Roy & les Reformez -, & croyoient ceux-cy obligez '/|J w^.
de le fervir fans recompenfe, ék: même fans fureté : mais ils deman-
doient pour eux-mêmes la recompenfe avant le fervice j & vou-
loicnt être aflurez de la confcience du Roy, avant qu'il fûtafîuré
de leur fidélité. Les Reformez au contraire ne demandoient qu'une
condition tolerable à des gens de bien & à de bons François , & que
d'être traitez comme les autres membres de l'Etat , dont ils faifoient
une confiderable partie.
C'étoit donc aiîèz pour^ux qu'on leur rendît l'Edit de 15 77.
K 2 avec
75 HISTOIRE.
i<9C. 3vec les explications contenues dans les Traitez de Nerac Se de
Fleix -, & qu'on révoquât les Edits qu'on n'avoit donnez que pour
complaire aux fureurs de la Ligue. De forte que l'Edit que du Plef-
fis avoit dreile les eût contentez , quoy qu'il ne leur donnât point
d'autre fureté que la protection du Roy , ^^^/ àf^^f luy-mème leur
fàreté , comme ils parloient fur cette matière. Cette nouvelle
pourfuite fut traverfée par ceux qui avoicnt accoutumé d'empéchcr
qu'on ne laifïat les Reformez en repos. Biron étoit de ceux-là , &
même des plus échauffez. Il ne vouloit qu'une Religion dans ce
Royaume : & ce qu'il y a de plus remarquable dans fon entêtement,
cft qu'il vivoit paifiblement avec fa femme qui étoit Reformée, &:
qu'il luy avoit permis durant quelque tems d'élever fon fils dans la
même Religion. Du PlefTis prit de là un jour occalion de luy dire,
qu'il s'étonnoit comment il ne pouvoit trouver le moyen d'accor-
der les deux Religions dans le Royaume , puis qu'il avoit bien trou-
vé celuy de les accorder dans un même lit. Cette remarque peut
faire voir , combien il entroit plus de paflion & de préjugé dans î'op-
pofition qu'on faifbit aux Reformez, que de bonne raifon ou de
véritable zèle.
u Projet Néanmoins le projet de la Déclaration ayant été examiné au Pont
tn ap~ S.Pierre en plein Confeil , fut trouvé fi équitable qu'on refolut de
le publier ; & que le Roy ordonna au Chancelier & à du Pleflis ,
qu'il avoit fait Confeiller d'Etat depuis la bataille d' Yvri , dé fe ren-
dre à Tours pour le faire goûter au Parlement , & à une partie du
Confeil qui y refidoit , & dont le Cardinal de Vendôme étoit Prefi-
f»u re. dent. Mais les Catholiques rompirent ce coup aufli-tôt que les
jetié. (jeux Commifiaires furent partis , & firent contremander le Chan-
celier. La raifon étoit que fi les Reformez étoient affermis par un
Edit , & guéris de toutes les défiances qu'ils avoient du Roy , le re-
tour de ce Prince à l'Eglife Romaine fe rendroit plus difficile, par-
ce qu'ils s'attacheroient plus fortement à le conferver : que d'ailleurs
ils auroient pris un pied dans les affaires par la faveur d'un Roy de
leur Rebgion , qui les auroit rendus trop puifiiàns. Mais le pré-
texte fiit à l'ordinaire, de n'aliéner pas l'eiprit des peuples, & de
n'autorifèr pas les défiances des Ligueurs.
iR.emen- Du Plcffis fit de fortes remontrances au Roy fur l'équité de cette
fZ"c" Déclaration j luy écrivant librem.ent qu'il y avoit de la honte à laii^
fttjet, fer fubfifter fi long-tems les Edits de la Ligue , qui avoient été ex-
torquez
D£ L^EDIT DE NANTES, Liv. IL jj
torquez par d'injuftes violences , qui avoient jette TEtat en confu- 1 5^0.
fion , & caufé la mort de Henri 1 1 1. , qui av^oient déclaré Henri
I V. incapable de la Couronne à caufe de fa Religion , &: dégradé
en quel que forte les Princes du Sang. Que la reftitution de TEdit de
1577, étoit enfermée de plein droit dans la revocation desautres^
qu'il avoir été donné fblennellement avec l'intervention des Princes
du Sang & des plus zelez Catholiques ; qu'il avoit apporté la paix à
. la France & contenté les fujets du Roy j qu'il avoit maintenu la Re-
ligion Catholique dans fon honneur & fa dignité, & néanmoins
pourvu en même tems aux neceflitez de l'autre ^ qu'en un mot il
étoit pafle en chofe jugée , à laquelle il ne falloit plus toucher. Que
le retablifîèment de la Religion Romaine dans les lieux où elle n'é-
toit pas au tems de la trêve , luy rendoit l'exercice en plus de cin-
quante villes -, de forte que les Catholiques tiroient de cet Edit plus
de commodité prefeptc que les Reformez. Il prcfibit le Roy par la
reconnoiirance des bienfiits de Dieu > & pour lever les difficultez
qu'on luy faifoit craindre dans l'exécution d'un tel Edit , il luy re-
prefentoit qu'il en avoit fumionté de plus grandes pour monter
fur le Trône \ &: qu'il y avoit plus loin de la loy fondamentale du
Royaume à la Couronne , que de la trêve à l'Edit de 1 5 7 7. ^i par-
ce qu'on repondoit aux plaintes des Reformez qu'ils dévoient avoir
patience , & qu'on traitcroit avec eux en même tems qu'avec la Li-
gue , il remontroit qu'il y avoit plus de cinquante ans que les Refor-
mez exerçoient leur patience > qu'il n'étoit pas du lèrvice du Roy
de les laiflér fbuffrir dans des chofès de cette nature 3 que quand ils
voudroientfouflrrir , il ne le devroit pas permettre, parce que la
Religion s'éteint fi elle n'eft nourrie & fomentée^ que c'eil au Roy à
la rallumer , & à exciter dans {^s fujets l'ardeur qu'ils doivent avoir
pour elle , plutôt que la froideur en matière de piété : qu'il ne falloir
pas traiter les Reformez comme les Ligueurs , puis que les cauics
étoient inégales , les Ligueiu'S ayant toujours fait la guerre au Rov ,
& les Reformez ayant toujours fait la guerre pour luy 5 que pour les
délivrer de roppreiïïon qu'ils foufFroient en leur confcicnce , ils n'a-
voient befoin que d'un règlement entr'eux & les Catholiques , fans
être renvoyez aux longueurs d'une négociation de paix incertaine >
qu'il y avoit à^s chofes qui ne fouffroient point de remifc , comme
^nt les Batêmes des enfans , les mariages , les fepultures , d'où il
naillbit tous les jours des fcandales, àç.s procès j & des inhumanitez,
K 3 paicc
78 HISTOIRE
1 5 0 o. parce qu'on n'avoit pas la liberté de Texercice -, qu'on rendoit tous
les jours des arrêts contre des gens qu'on trouvoit enfemble priant
Dieu pour la. proiperité du I^oy, ou qui chantoient unPfeaume
dans leur boutique, ou qui vcndoient un Nouveau Teftament ou
une Bible en François , ce qu'on fondoit fur les derniers Edits >
qu*on traitoit de même ceux qui prioicnt Dieu modeftcment dans
leur chambre pour le Roy, Szceux qui prêchoient feditieufement
en Chaire contre fa perfonne & fcs affaires : que de tels maux de-
mandoient de promts remèdes j qu'il étoit de la prudence de pré-
venir les demandes d'un peuple prefTé de la neceilité , parce qu'il
n'étoit pas bon de luy apprendre à ié plaindre , encore moins de le
réduire à chercher le remède 5 parce qu'en le cherchant même dans
le Roy , il y avoit flijet de craindre les aflemblées où les remontran-
ces fè dévoient former , à caufe des cabales qui y poirv^oient naître ,
& des changcmens qui pouvoient y arriver d'un jour à l'autre -, qu'u-
ne armée étrangère étant attendue en France , il y auroit des incon-
veniens à craindre , fi elle arrivoit avant que les Reformez fuflênt fa-
tisfaits ; que les Chefs prefieroient le Roy de faire quelque chofe
pour eux , ce qui luy leroit peu honorable , étant un fecret repro-
che qu'il avoit befbin qu'on le fbllicitât en faveur de ihs flijets , & luy
feroit perdre l'honneur 8c le gré de fon bienfait > que les Catholi-
ques en prendroient occafion de prétendre , que ces gi'aces auroient
été obtenues par une force étrangère > ce quiferoit un jour un pré-
texte d'en demander la revocation.
1 5 9 1 . Ces fortes remontrances ne furent pas entièrement inutiles , par-
Efetéies ce que Grégoire XIV. qui tenoit alors le Siège de Rome, &:qui
fronces, apuyoit dc tout fon poiTvoir la faftion Eipagnole , publia mal-à-
Bu/k Je propos une Bulle qui excommunioit le Roy & tous fes adherans , &
Grégoire fenvova cn Fraiicc par le Nonce Landriano. Elle émut extraordi-
nairement le party du Roy , compofé pour la plupart de François
qui n'avoient jamais manqué de s'oppofer aux entreprifes de la
Cour de Rome. Le Parlement dont une partie refidoit à Tours , &
l'autre à Châlons 5 y repondit par de terribles Arrêts, décréta prifc
de corps contre le Nonce, ^t brûler la Bulle par la main du Bour-
reau , & défendit tout commerce avec Rome. La petite partie du
Clergé qui fuivoit le Roy ne ftit pas aufîî vigoureufe i & le Roy
l'ayant fait aiïcmbler à Mantes , & transférée à Chartres quelque
teras après , elle garda bien plus de mefores avec le Pape que le Par-
lement.
DE L^EDIT DE NiiNTES, Liv. II. f^
lemcnt. Il eft vray qu'elle déclara la Bulle abuiive, parce que le 155)1.
Clergé du parry du Roy s'y trouvoit excommunié avec lerefte de
fès adherens > mais bien loin de confentir à n'avoir plus de corref^
pondaiice avec Rome, ce petit corps rdblut d'envoyer au Pape ,
&: en demanda la permifîion au Roy, Tout le Clergé qui fuivoit le
party du Roy , n'avoit pu fournir pour cette afîemblée que deux
Cardinaux, iept Archevêques ou Evêqu es, dont il y avoitunqui
n'avoit encore qu€ la nomination du Roy 5 &:un fort petit nombre
d'Ecclefiaftiques du fécond ordre. On peut juger de là quelle force
pouvoit avoir ce petit nombre comparé avec le relie du Clergé , qui
pouvoit fournil' alors environ fix vingt Prélats du premier rang.
Cependant cette fbible afîemblée voulut avoir fbn fentiment à-part^
ôctraverfer par cette iîngularité les refolutions du Parlement, qui
foutenoit avec vigueur les intérêts de la Couronne. Les Reformez
s'alarmèrent de cette Bulle , & fe joignirent au Parlement , dont la
vigueur leur a toujours fait plaiiîr , quand il a employé fon autori-
té à maintenir l'honneur & les prérogatives des Rois. Ils prirent
donc cette occafion de travailler à leur flireté, & de prefîèr le Roy
de mettre leur vie & leur confcience en repos. Le Roy de fon côté
ne s'oublia pas dans cette rencontre. Il fit aflcmblcr à Mantes les
Seigneurs de fon Confcil & de fon party 5 & pour donner en même
tems quelque fatisfaction à tout le monde , il y publia deux Déclara-
tions : Tune renouvelloit celle qu'il avoit faite il y avoit environ deux:
ans 5 de ne demander pas mieux que d'être inilruit , & de ^'qïï ra-
porter à un Concile General , ou du moins à une afîemblée d'Eccle-
iiaftiques telle qu'elle pût terminer les controverfes : cependant il
promettoit de ne rien changer à l'état de la Religion Catholique.
Il donna même bien-tôt des preuves de la fincerité de fes intentions
fur ce lujet , puis qu'il accorda quand Chartres fe rendit à luy après
unlongficge, que l'exercice de la Rehgion Reformée ne fepour-
roit f lire ni cians la ville , ni dans fbn rcllbrt. En quoy il portoit fa
complailance pour les CathoHques auffi loin qu'elle pom'oit aller y
puis qu'il excluoit en leur faveur l'exercice de fà propre Religion du
refîbrt de fes conquêtes. L'autre Déclaration étoit donnée pour les i-i'tt ^
Reformez , à qui elle accordoit la revocation de tous les Edits con- ^'''^^'^
traites à celuy de 1 5-77. qui étoit remis par là dans toute fa force par
provifion , jufqu'à ce que par la paix on pût accorder les differens de
Religion, du confentement de tous les Ordres , quand ils feroient ré-
duits à l'obcïflànce. lî
8o HISTOIRE
ïfcfï. Ilfcmbioit qu'un Edit fi équitable devoit paflèr fans coiitradic*
tion , puis qu'il ne donnoic rien de nouveau aux Reformez y qu'il
rendoit rcxercice de leur Religion aux Catholiques dans un bon
nombre de places , d'où il avoit été banni pendant la dernière guer-
re j qu'il n'étoit au fond qu'un intérim en attendant une paix défini-
tive > Se qu'enfin il reiervoit aux Ligueurs le droit de faire de nou-
velles demandes en faveur de leur Religion > le tout ne devant être
règle que de leur confentement après leur réduction. Néanmoins
le Cardinal de Vendôme , qui avoit pris le nom de Cardinal de
Bourbon , ne put s'empêcher d'y faire quelque foible oppofition
en plein Confeil : mais après avoir fait paroitre fes mauvaifes inten-
tions, jufqu'à faire mine de vouloir fortir du Confeil, plutôt que
de confentir à un Edit de cette nature > il fe remit froidement dans
(a place , au moindre figne que le Roy luy fit d'un air afléz mepri-
chicmes iant. JVlais les Parlemens furent plus durs &: plus difficiles. Ceux de
%l»T' Rennes & de Bourdeaux rejetterent l'Edit abfolument. Celuy de
tien. Tours le reçut i mais avec une modification qui excluoit les Refor-
mez de toutes les Charges & Etats dans la plupart du Royaume.
Le prétexte dont quelques-uns abufbient , étoit que l'Edit de Man-
tes retablifibit les derniers Edits de pacification , pour être obfervez
comme ils étaient du vi'vant du feu Roy. Or on fàvoit bien que
Henri II I. n'avoit donné nulles Charges aux Reformez j 6c qu'il
avoit trouvé le moyen de les en exclure , malgré l'article de fon Edit
qui les en declaroit capables. On vouloit donc qu'en vertu de ces
paroles employées fans y penfer , ou coulées par l'artifice des Ca-
tholiques dans la Déclaration de Mantes, ils demeuralîent exclus
des emplois, parce qu'ils en avoient été éloignez par le Roy dé-
funt 5 & on croyoit que c'étoit leur faire afléz de grâce , que de les
laiiîèr jouir des Charges à la Rochelle & en quelques autres lieux $
où l'artifice de Henri 1 1 1. n'avoit pu les en empêcher. Le Cardi-
nal de Bourbon apuyoit cette chicane, &difoit tout haut que les
Reformez s'abufoient , s'ils pretendoient être admis aux Charges.
Il fallut plufieurs années de patience & de follicitations pour fur-
montercetobftacle, quoy qu'il n'y eût rien de plus injufte que cette
prétention. Henri II I. avoit violé fa propre loy, en les excluant
par diverfes rufcs des emplois où ils étoient admifiibles de droit,
félon les termes de fon Edit : de forte qu'on ne pouvoit fe prévaloir
contre eux de la conduite aitificieufe de ce Prince) qu'en autorifanc
des
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IL 8i
des chicanes peu convenables à la Majefté Royale , au préjudice de i jrpi.
la foy publique.
Les Reformez ne (c plaignoient pas beaucoup deTEdit, quoy
que la claufe provifionnelle, qui remettoit ladecifiondeleursar-
faires après la redudion des Liguez , dût leur paroître intolérable ,
parce qu'elle les mettoit dans une condition incertaine , qui pou-
voie changer félon le tems & les intérêts. Mais ils ne pouvoient Do«f /«
fbuffrir qu'on les privât des droits de leur naiflance , ou des rccom- R^/^"--
pcnfes de leur mérite, par la feule confideration de leur Religion : ^^7-
fbit parce que cette injure flêtrifîbit leur Religion & leurs perfon-^"f»^
nés ; (bit parce qu'elle les traittoit comme le Droit Canon veut
qu'on traitte les hérétiques , que fcs loix excluent des dignitez
&c des charges : d'où il s'enfuivoit aflez clairement qu'on les
rangeoit au nombre de ceux que les mêmes Canons livrent au
bras feculier , & que les Rois Catholiques s'obligent de détruire
par le ferment de leur Sacre. Ils regardoient encore comme une
raifbn particulière de fe maintenir dans le droit de participer aux
charges j que le Roy avoit fupprimé les Chambres de Saintjcaa
d'Angeli , de Bergerac & de Montauban , où la jufticc leur
avoit été rendue jufques vers la fin de l'année précédente par des
Juges de leur Religion : de quoy ils pretendoient que le Roy devoit
leur donner quelque recompenfe : Se ils n'en demandoient point
d'autre, que le droit d'être reçus à de pareils emplois , afin qu'é-
tant admis dans les Compagnies de Judicature , il y eût des gens de
leur Religion qui puilènt tenir la rnainàfairerendrejufticeàleurs
frères. C'eft pourquoy ils firent de grandes plaintes de la chicane
que je viens de remarquer, & n'oublièrent pas à remontrer que
l'injure qu'on leur faifoit rejailliffoit fur le Roy même, puis qu'on ne
pouvoit rejetter des charges à caufe de leur Religion ceux qui fui-
voient la même doctrine que luy, fans le déclarer tacitement incapa-
ble de la Couronne. Mais ils ne demandoient pas que le Roy don-
nât une Déclaration expreflè pour l'explication de cette équivo-
que j de peur que les fcrupuleux Catholiques ne la regardailcnc
comme une grâce nouvelle , & ne priflent occafion d'en murmurer.
Ils defiroient feulement que le Roy expliquât verbalement ^es in-
tentions aux principaux des Cours Souveraines , avec aflèz de force
pour les faire exécuter. Le Roy pour les contenter envoya des
Commiflâires pour l'exécution de fon Edit , dans les Parkmens
L qui
S2 HISTOIRE
t5pi. 4'Ji reconnoifToient fon autorité: mais ce remède nefutpasfuffi-
fant pour empêcher qu*on ne donnât par tout de nouveaux llijets de
plaintes.
Cependant le Clergé aflemblé à Chartres , au petit nombre que
j'ay raporté, drelfoit des articles ou fon efprit mfidele Se ambitieux
paroiiîbit à découvert. Comme les Eccleliailiques ont toujours
voulu faire dépendre d'eux la confervation & la fureté des Rois,
cette petite aflèmblée entreprit d'ôter aux Parlcmens le droit d'y
veiller: & dans ce deiîcin demanda qu'il leur fût interdit de fe mê-
ler des choies qui fe palleroient entre le Roy & le Pape. Ellepre-
fenta au Roy quelques autres articles, fur tous lefquels du Pleflîs
envoya au Parlement de Tours un mémoire vigoureux, que ce Sé-
nat approuva j & ce fut flir ce fondement qu'il confeilla au Roy d'é-
luder par des remifes les prétentions du Clergé. Outre qu'il y alloit
de l'honneur du Parlement de fe maintenir dans la poliellion où il
étoit, de eonferver l'autorité & la dignité des Rois contre les Bulles
de Rome , il y avoit auflî une raifon d'intérêt qui l'obligeoit de s'op-
^ff'f pofèr aux demandes des Evêques. On avoit vu naître depuis la
^72/. niort du vieux Cardinal de Bourbon entre les Catholiques Royaux ,
feifii. une cabale nouvelle qu'on appelloit /<f Tiers party. Le prétexte de
ceux qui la formoient étoit d'aflurcr la Religion Catholique, dont
ils croyoient qu'on ne pourroit empêcher la ruine > fi Henri I V. par-
venoit à régner pailiblement fans changer de Religion. Ce Prince
leur devenoit fulpe^l: , parce qu'il differoit trop long-tems à leur
gré l'inftruction qu'il avoit promife-, & qu'ils craignoient, à caufè
de la profperité de ^es affaires , qu'il ne fe vît bientôt en état de fai-
re régner fa Religion , malgré les rebelles. Le Précepteur du nou-
veau Cardinal de Bourbon , & Davi du Perron , qui avoit été de la
Religion Reformée, & qui étoit même, à ce qu'on dit, fils d'un
Miniftre> furent les auteurs de cette fa£lion j &: ils pretendoient la
faire fervir à l'avancement du Cardinal leur maître , qui fut l'idole
de ce party. On prenoit pour fondement qu'il falloit avoir un Roy
qui eût toujours été Catholique, & qui par confequent ne fût
point fufpeâ: mais qu'il le falloit prendre dans la famille Royale,
pour ne violer pas la loy fondamentale de la Couronne : de forte
qu'on ne pouvoit jetter les yeux fur un autre que fur le Cardinal de
Bourbon. Ce party s'accrut aifément, parce que deux fortes de Ca-
tholiques s'y rangèrent > favoir ceux qui fe defioientdeHcnhl Y.
&
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IL 8;
& qui vouloient avant toutes chofès la fiireté de leur Religion: & 159 1,
ceux qui ne voulant pas fe détacher de luy , ne lailToient pas de vou-
loir luy faire peur de perdre iesadherans, s'il ne ic rangcoit prom-
tement à la Religion Catholique. V^illeroyj&J anin qui luy en don-
na Tavis & Texemple , quoy qu'ils ful'lent tous deux bien avant dans
les intérêts de la Ligue , le joignirent , ou feignirent de le joindre à
cette cabale, pouraffoiblirleRoy par la divifion de (on parxy , ou
pour le forcer à changer de Religion , par la crainte de le voir aban-
donné pour un autre. Cette faction alla fi loin qu'il en fut parié
au Pape, de l'autorité de qui elle auroit bien voulu s'appuyer: de
forte qu'elle donna de grandes peines au Roy > & le tint iong-tems
dans de fâcheulès alarmes. C'ell pourquoy les Hifioriens les plus
palîionnez , & qui fcmblent n'avoir écrit que pour perfuader que les
Catholiques avoicnt raifon en toutes choies , n'ont ofé juftihcr cet-
te conlpiration -, i?c confellent qu'il lembloit que les Catholiques
Royaux vouloient mettre la Royauté en compromis. Du Perron,
le plus ambitieux &: le plus infidèle homme de ion tems , révéla au
Roy le fecret de ce party , quoy qu'il en eût été luy même le promo-
teur : & ce fut par là qu'il gagna la confiance de ce Prince, dont
quelques années après la faveur le fit Cardinal.
L'aflcmblée de Chartres favorilbit cette cabale -, &c on avoit relb-
îu d'y prelcnter au Roy une Requête en Ion nom , pour l'exhorter à
fe taire Catholique au plutôt , parce qu'autrement plufieurs qui luy
avoient été affectionnez comme au légitime héritier, prendroient
d'autres confcils & feroient obligez de l'abandonner. Cette Requê-
te fut imprimée à Angers fans nom d'Imprimeur j mais elle ne fut
•point preientée. Néanmoins le Cardinal de Bourbon fit , ou félon
d'autres fit faire au Roy, un di (cours dans le même fens , & avec les
mêmes menaces. On travailloit , pour autorifer ce party , à établir
ibus le nom de Chambre une elpece de Parlement à Moulins ou à
Clermont -, & il étoit fi public qu'on la vouloit compofer de gens af-
feéfionnez à cette cabale , qu'on la nommoit hautement la Cham-
bre du tiers party. Le Parlement leantàTours étoitfortinterelle
dans l'éredlion de cette Chambre , parce qu'elle ne fe pouvoit
faire, làns démembrer du reflbrt de la Cour les pàïs qu'on fc-
roit relever de cette jurifdiv^tion nouvelle. Mais comme il étoit uti-
le au Tiers party de ruiner le Parlement, dont la fermeté , quand il
s'agiilbit des droits de la Couronne <k de la fuccelîion , nes'accor-
L 2 doit
84. HISTOIRE
j^Qi ^oi^ P^s avec CCS nouvelles prétentions i ceux qui entroient dans
* cette faction , & le Clergé comme les autres , favoriibient Tétablif-
iemcnt de la Chambre, pour avoir à leur dévotion unejuftice Sou-
veraine. C'cll: pourquoy le Parlement & les Reformez , à qui la
création de cette Chambre donnoit de l'ombrage pour des raifons
diverfès , s'oppoferent de concert aux entrcprifes du Clergé. Il n'y
eut que le fait des charges , où le Parlement & les Ecclefiafbiques pa-
rurent d'accord. Le Clergé (e plaignit qu'il y avoit vingt-lix Hère*
tiques dans le Parlement de Tours -, & le Parlement tint ferme à ex-
clure les Reformez des moindres Offices. En quoy ils faifoient voir
qu'ils avoient l'un & l'autre la même averfion pour \qs gens de la Re-
ligion , & la même répugnance à les voir dans des emplois uti-
les ou honorables. Le Royprefîe par le Cardinal de Bourbon de
la part de l'aflémblée de Chartres , de luy donner reponfe fur trois
articles , fuivit l'avis de fon Parlement, & fe démêla de cette inftance
Trofofi. p^^ jgç reponies générales. Le premier de ces articles regardoit fà
curgé réduction à rEgliié Romaine. Il s'en défendit par la proteftation
çtt//«i- ordinaire d'être prêt à recevoir inftrudlion , & à procurer la fin des
R^l'. ' ditferens qui diviibient TEglife ; ajoutant qu'il trouvoit moins
honorable d'y rentrer feul , que d'y ramener les autres avec luy i &
^'excufànt de n'avoir pu entendre à l'inftrudlion qu'il avoit promife ,
à .caufe de fes dilfractions militaires , pendant lefquelles la voix
des Canons de l'Eghfe étoit étouffée par le bruit des Canons de l' Ar-
fenal. Le fécond regardoit la paix , que le Clergé defiroitquilè fît
par fbn entremife. Sur quoy le Roy fe contenta de tanoigner en
gênerai qu'il vouloit la paix. Le troifiéme regardoit la permiiîion
d'envoyer au Pape , comme l'aflémblée de Chartres l'avoit refblu ,
directement contre l'Arrêt du Parlement de Tours, quidefendoic
toute communication avec la Cour de Rome. Le Roy repondit
que c'étoit une affaire d'Etat; fe plaignit du Pape défunt, &: du Pa-
pe régnant , declara^u'il jugeoit contraire à fa réputation de le re-
chercher , pendant qu'il luy faifoit le pis qu'il pouvoit ; s'excufa fur
ce que le Parlement, qu'il avoit mandé pourToùir, étoit d'un avis
contraire , & fur ce qu'il defiroit que l'affaire Rit délibérée dans une
compagnie célèbre & folennelle : cependant il renvoya les E vêques
dans leurs Diocelés. Le Clergé avoit une grande paillon d'envoyer
à Rome, pour engager le Roy par ce moyen dans une négociation
avec le Pape , dont le fuccés l'obligeroit à changer de Religion , ou
le
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. ÎI. 8f
le priveroit du fervice des Cadioliques , s'il reruroic de changer. 15 pi.
Il vouloir aufli quelquefois pour la même raifon l'obliger d'écrire
luy-mémc au Pape , pour lier plus étroitement la partie. Les Refor-
mez s'oppoibient à l'un &c à l'autre, parce qu'ils defcrpcroient de
leur propre confervation , û le Roy s'cngageoit dans quelque com-
merce avec Rome. Les raifons dont ils fe icr voient pour l'empêcher
étoient tirées des conlidcrations d'Etat , &: de la réputation du Roy,
qui s'y trouvcroit hazardée , de quelque manière que la choie reiif-
sit: parce que dans la dilpofition des affaires, il ne pou voit faire
d'avances du côté du Pape qui ne fiiîenc tort à fa dignité. De
forte qu'ils l'emportèrent cette ^ois fur la paillon des Catholi-
ques.
Ce fut cette année que le Vicomte de Turenne, appuyé des re- ^'''»«
commandations de la Reine d'Angleterre, leva pour le Roy une f/^'''^"^'*
belle armée en Allemagne chez les Princes Proteilans , avec qui dès
lors ion mérite luy fit prendre des Uaifons qu'il conferva toute la vie.
Ce fervice , joint à tant d'autres qu'il avoit rendus au Roy depuis rtcomte
long tems, fut caufe qu'on jetta les yeux fur luy, pour luy faire ''* P""^?*
épouferl'heritiere de Sedan, que le Roy avoit intérêt de marier à J'^lri"/.
un homme de confiance , à caufe de l'importance des places qu'elle ''' ''^ ■^«-
tenoit : & ce fut par ce mariage , que cette principauté entra dans la ' '"'*
maifbn de la Tour d'Auvergne, parce que la Princefîe , qui mou-
rut fans enfans peu de tems après, la laiiîa par teflament à fon ma-
ri. Pour attacher plus fortement ce Seigneur à Ion fervice le Roy le Et e/i/att
fit Maréchal de France, quoy que les Catholiques vifîent à regret '*^^''^-
un Reformé monter à une dignité fi confiderable. Cette nouvelle ^^^«J.
grandeur accrut de beaucoup le crédit qu'il avoit déjà entre les Re-
formez, & qui avoit quelquefois paru aflèz grand pour donner de
la jaloufie à ibn maitre. Or cette armée donna beaucoup à penfer
aux Catholiques, qui craignoient qu'avec ces nouvelles forces le
Roy ne vint aifément à bout de Tes ennemis, & n'oubliât en fuite
les promefTes de s'inllruire. C'elipourquoy ils firent ce qu'ils pu-
rent pour empêcher qu'elle n'entrât en France , ou pour la dilli-
per après qu'elle y fut entrée:, jutques-là qu'ils firent tous leurs ef-
forts^ pour détourner le fond qui étoit refervé pour le payement
de ces troupes. Mais du Pleilis qui étoit le maitre de ce fond,
parce qu'il procedoit de l'aliénation du Domaine de Navarre , fit fi
bien qu'il encoiiferva la meilleure partie, même malgré les lettres
L 3 dures
U HISTOIRE.
I r o I . dures & feveres que le Roy luy écrivit fur ce fujet. Au reftc il y eut
cette année une efpece de Trapnaîtque dreflee pnr forme à* Inté-
rim , pour la collation & l'adminirtration des bénéfices. Les Re-
formez en étoient contens, comme d'un preparatihila Reforma-
tion s;enerale : les Parlemens l'appuyoient : comme utile au bien
de l'Etat: TArchevêque de Bourges Tacceptoit; parce qu'il eipe-
roit qu'on le feroit Patriarche : & û tous les Ecclefialliques avoient
voulu fe rc2;]er par cette nouvelle difciplinc , ils auroient aiiement
porté le Pape , qui auroit vii par là qu'on pouvoir bien fe paiIér de
luy 5 à faire au Rov les avances qu'on vouloir obliger le Roy de luy
faire. Mais le Cierge aima mieux delTervir le Roy, que deibbliger le
Pape ; & ne voulut jamais consentir à ne dépendre point de Rome.
155)2. L'année fuivante fe paiîà, comme les autres, en expéditions
militaires , &c en négociations qui n'avançoient rien , fi ce n'cft que
les Reformez y pe'idoient toujours quelque chofe, par les inlf an-
ces des Catholiques pour ce qu'ils appelloient la converfion du
Artificis Roy. îls n'épargnoient pour cela ni cabales ni artifices : ils fe pre-
^g^cTt. noient à ia Religion de tous les mauvais fuccés, dont le plus ibu-
/««/]«" vent ils étoient eux-mêmes la cauié, parce qu'ils ne vouloient pas
gntrit voir la fin à^is affaires , avant que le Roy fe fût rendu aux dcfirs des
^^'^* Catholiques. On luy reprefentoit ians celle, que la Religion étoit le
feul prétexte de l'entêtement de la Ligue & du Tiers party : quoy
qu'au fond les Chefs de la Ligue enflent mieux fait , de traitter avec
Henri IV. Huguenot^ qu'avec luy-même Catliolicifé , pour tirer
de luy des conditions plus avantageufes. Il parut même avec le
tems que ce n'étoitpas (à Religion qui les tenoit, puis qu'après que
ce prétexte fut levé par fon changement, ils firent plus lesdifiici-
les que jamais , & entretinrent encore quatre ans la guerre. Il étoit
échapé à la Reine d'Angleterre de dire, même à quelques Catho-
liques, que le Roy avoit eu tort de donner l'Edit de Mantes aux
Reformez, & que cela étoit hors de faifon. L'intention decette
Princefie n'étoit pas de blâmer le Roy d'avoir fait quelque chofè
pour ces anciens fervitèurs : mais parce qu'elle ne doutoit pas de
la confiance du Roy dans la Religion, ellccroyoit qu'il auroit pu
prendre un tems plus propre pour les contenter, que celuy ou les
grâces qu'il leur faifoit n'étoient nifuffifantes pour lesrecompen-
fer, ni agréables aux Catholiques, qui les prenoient en mauvaile
part. Mais on abufoit des paroles de la Reine, comme fi elles euf.
fent
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. II. 87
Cent marqué qu'elle prenoit peu de part à la Religion, & qu'elle 1592.
blâmoit le Roy de la préférer à la Politique : d'où on concliioit que
quand même le Roy changeroit de Religion, elleneluyenferoit
pas moins favorable. Cette rufe étoit dangereufc, parce qu'elle
ôtoit au Roy une des plus grandes raifons qu'il eûtdeperfevercr
dans là Religion , après les raiibns de la confcience , f avoir la crain-
te d'offenfer les Proteftans étrangers , dont le fecours luy étoit fi ne-
cefîàirc. Il avoit peur aufli d'aliéner les cœursdc Tes fu jets Refor-
mez , qui avec les autres de la même Religion faifoient du moins les
deux tiers de fon armée. Mais on luy reprefentoit , pour le guérir
de fes craintes , quel étoit le caractère des Reformez j gens aifez à
contenter^ pourvxu qu'on leur donnât la liberté de confcience 5 &
qui n'avoient jamais rayé le nom des Rois de leurs prières , quand
même ils en avoient été perfecutez. D'O faifoit principalement va-
loir ces confiderations i & les avoit mifes çn ufage dès le premier
difcours qu'il fit au Roy, après la mort de Henri III.
Mais ce qui fit le plus de mal aux Reformez , fut une conférence ^""f'-
liée entre du Pleffis & Villeroy , qui à la vérité finit fans qu'il y fâZfruU
eût rien d'arrêté , à caufe des prétentions infolentes des Chefs de la tntredu
Ligue-, mais qui ne laiflà pas de préparer les chofes au changement ^Jjjf^^^
de la Religion du Roy , qui arriva l'année fuivante. Les Chefs de
la Ligue , dont Janin étoit l'interprète , ne vouloient pas , difbit-il,
être traittez à la Huguenote, ni prendre un Edit d'abolition & d'am-
niftie ^ parce que tous les "Edirs de cette nature prefuppofent des
crimes -, au lieu qu'ils vouloient prefuppofer pour fondement de
leurs Traittez, que leurs armes étoientjuiles. Ils ne vouloient pas
un Edit comme de Roy à fujets -, mais un Traitté par lequel ils ne le
reconnoîtroient qu'à de certaines conditions -, prefuppofant qu'ils
avoient eu raifon de ne le reconnoître pas pendant la vie du vieux
Cardinal de Bourbon , ou pendant qu'il n'a voit pas été Catholique.
Du Pleiîis n'avoit garde d'entendre à de telles conditions , & il vou-
loit qu'avant tout le relie, l'autorité & la dignité du Roy fu fient
reconnues &: preluppolëes. C'eft pourquoy la négociation ne
pouvoit reiHïïr entre fes mains : mais elle ne laifià pas d'aller bien
avant fiir le lujet de l'inftruétion du Roy^ dont les Ligueurs vou-
loient avoir aiîurance avant que de parler d*autre choie. Les deux
negocians convenoient aifément d'une conférence entre les Doc-
teurs des deux Religions , quoy que chacun eût fur ce fujet fes vues
par-
88 HISTOIRE
i55>2. particulières. C'efl pourquoy toute la difficulté rouîoit entre eux
teurs llir la manière de la chofe. Villeroy voulôit que le Roy fe fit in-
diverfes fti-uirc, avcc promcflè dc Ic faire Catlioliquc : c'eft-à-dire qu'il pre-
l'Zftruc. noitles mots de Je faire inftruire aufens que l'Egliie Romaine les
timdti a toujours pris i favoir, pour un engagement irrévocable à entrer
^°^' dans fa Communion , après une conférence de parade, qui s'ap-
pelle infiru^ion dans fon langage. Du Plellis au contraire vouloit
qu'on fe contentât, que le Roy témoignât un defir d'embraffer laRe-
ligion Romaine, s'il le pouvoit fans faire tort à fa conicicnce. Enfin
ils convinrent d'un expédient, qui portoit que le Roy promettroit
de fè faire inftruire dans un tems prefix , avec defir & intention de
fe joindre à TEglife Romaine, pourveu qu'on travaillât à l'inftrui-
re d'une manière convenable à ià dignité , & qui pût fatisfaire fa
confcience.
DuPlelîis croyoit qu'on pourroit tourner cette inftruélion à Ta-
vantage de la Religion Reformée , enobfervant deuxchofes. La
première étoit de faire une conférence ferieufe, où on traitteroit les
matières de controverfè à fond, & où il ne doutoit point que les
Miniftres & la vérité ne remportaflènt une viéloire parfaite. Il
avoitdeftèin d'aflèmbler les plus fa vans Proteftans à Saumur, pour
y étudier les matières controverfées : & de donner à chacun à part
une queftion à examiner , avec le plus de foin qu'il feroit pofîible ,
pour découvrir l'origine, le progrés, les changemens de chaque
chofe : & avec l'intelligence hiftorique'de ces matières , il vouloit
que chacun recherchât tous les argumens de droit , qui pourroient
fervir à éclaircir la vérité , ou à la défendre. Le Roy même fem-
bloit approuver cet expédient : & luy commanda de préparer cette
conférence -, à laquelle même il invita du Jon , célèbre Théologien
à Nicuftad & en fuite à Leyde. Mais les Catholiques ne vouloient
une conférence que pour la forme : & peu à peu ils firent tomber
le Roy dans leur fentiment. La féconde chofe que du PlefTis avoit
en vue , étoit que comme avant l'échéance du tems prefix pour la
conférence, il faudroit donner aux Catholiques des afîurances de
n'mnover rien en matière de Religion , ilyauroit alors deux fortes
de chofcs à régler j les unes en fuppofant la converfion du Roy ave-
nue > les autres en attendant qu'elle arrivât : & il efperoit qu'on
pourroit accorder fur ce dernier point des chofes fî avantageu-
îès pour la Religion Catholique , pour fon honneur 6c fa fureté ,
qu'après
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IL 89
qu'après cela les Catholiques fê relâcheroient aifément fur la con- 1^02.
ver/ion même : d'où il s'enfuivroit que le Roy étant moins preflë
de changer de Religion , pourroit perfeverer dans la Reformée.
En effet il n'eût pas eu de répugnance à y demeurer, fi elle ne Teût
point empêché de régner en paix : mais il aimoit le repos & le plai-
îîr, dont il trouvoitdansla guerre & dans l'embarras de fës affai-
res de trop longues interruptions -, & dont la recherche à contre-
tems luy avoit fait perdre quelquefois des occafions favorables de
remporter de grands avantages furfes ennemis.
La négociation alla donc fi loin , que Villeroy commençant à
rabattre dçs hautes prétentions de la Ligue , il fembloit qu'on pour-
roit conclure la paix : & que le Roy ayant ouï le rapport de du
Plelîis, Revol & luy furent chargez de drellèr unEdit conforme
aux articles arrêtez dans la conférence. Mais ce fecret fut éventé ,
fans qu'on ait bien ftj par qui la chofe fut révélée -, les Reformez
l'imputant à la rufe de Villeroy & des Ligueurs , qui n'avoient feint
d'entendre au Traité , que pour tirer plus de fècours & de meilleu-
res conditions des Efpagnolsj & Villeroy de fbn côté accufànt du
Plefîls de n'avoir pas été fidèle. Les Catholiques Royaux curent
le foin d'encourager les Ligueurs à tenir plus ferme pour la Reli-
gion-, prévoyant bien qu'on vouloit par la paix délivrer le Roy de
la necelîîté de changer , qui ne luy pouvoit jamais être impolée que
par les ennuis de la guerre , & les craintes des mauvais fuccés.
D'ailleurs ils ne croyoient pas qu'on pût jamais leur donner des fu-
retez fuffifantes , s'ils confentoient qu'un Roy Reformé s'affermît
lur le Trône > puis qu'il laifferoit la Couronne à un héritier de mê-
me Religion. Principalement dans l'état où étoit alors la fliccef^
fion, ils ne voyoient rien qui pût lever leurs fcrupules. Le Prin-
ce de Condé, qui étoit le plus proche héritier de Henri I V. fè
trouvoit alors à Saint Jean d'Angeli, entre les mains des Refor-
mez , & fous la tutele de la Trimouille fon oncle , Seigneur dont
le zcle&la vigueur donnoient déjà de la jaloulie en Cour, & luy
aqueroient la confiance de ceux de fa Religion. Il y avoit apparen-
ce que ce Prince , après une telle éducation , marcheroit fur
les traces de fon père & de fon grand père -, &qu'ainfila Religion
Catholique n'étant plus dominante , elle fe detruiroit d'elle-mê-
me. De plus les Catholiques fcntant bien qu'ils n'avoient defîein
eux-mêmes d'accorder quelques grâces aux Reformez , que par-
Tome L M ce
po HISTOIRE
if 02 ^ ^^'^^^ "^ pouvoient faire autrement fous un Roy qui vouloit
les favorifer: mais qu'ils les feraient, s'il étoit pofîible , révoquer
un jour, lors qu'ils auroient un Roy plus dépendant de leurs con-
fcils; ils craignoient qu'il n'arrivât la même chofc, 11 le Roy ne
changeoit point de Religion , à l'égard des furetez que la ne-
ceffité feroit donner à la Religion Romaine. Les Catholiques
gagnèrent néanmoins cecy à ces conferences, qu'ils délivrèrent le
Roy de la crainte d'offenfer les Reformez, en prenant des mefu-
res pour fe faire inllruire, puis que ccluy de tous les Reformez
<iui étoit le moins fulpeéi: en matière de Religion , vouloit bien
faire de cette inftruélion un article du Traitté de paix. L'efperance
de la chute prochaine du Papifme ébloùillbit ce fage Politique
comme les autres j & il comptoit un peu trop , aulîî bien que pref^
que tous les Minières , fur les vidoires certaines de la vérité ,
aufli-tôt qu'elle feroit éclaircic par des difputes de bonne foy.
2^.^Ay. Cependant les Catholiques témoignoient leur averfion pour les
mezJe- Reformczcn tout ce qui leur étoit poiîible. Rien ne pou voit vain-
7x7iuT ^^^ l'obftination des Parlemens , toujours fermes à exclure les Rc-
deschar- formcz des Charges , quelque fuj et qu'il y eût de craindre, que
S"' l'indignité àc ce refus après tant de fervices ne ks portât à
quelque relîentiment. Les Catholiques Liguez étoient plus trait-
tables en cela que ceux qui iliivoient le Roy. Ils confentoient
•que les Reformez demeuraflent dans l'état où l'Edit de i ^jy. &
les conferences de Nerac &c de Fleix les avoient mis -, & afin qu'on
■n'eût point de difpute avec eux fur le nombre des Charges qu'ils
pourroient remplir , ils vouloient bien que le quart leur demeu-
rât aâFcété. Du Pleiîis même ne delefperoit pas de les faire con-
fèntir au tiers. Il aimoit mieux faire régler le nombre des Char-
■ges 5 que de le lailîcr indiffèrent & arbitraire , de peur que le Roy ,
qui avoit la dernière complailànce pour les Catholiques, n'étant
obligé à rien, ne fit rien pour les Reformez j au lieu que le nom-
bre des Charges qui pourroient leur être données étant arrêté,
il y auroitune efpece de neceflîté pour luyde les en pourvoir juf-
qu'au nombre convenu. Il voyoit bien qu'autrement ils y auroient
peu de part : qu'on donnoit tous les purs des Gouvernemens à
des Catholiques, au préjudice des Reformez qui les meritoienr : que
Rôni même favori du Roy trouvoit toujours un obftacle à iès
prétentions > lois qu'il demandoit q^uelque diûfe^ Il falloit donc
un
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IL tff
un règlement qui fit donner aux Reformez quelques Charges par j - ^ ,
necemté , puis que les Catholiques ne pouvoient foufFnr qu'ils ^"'*
les obtinflènt par leur mérite. Il eft vray que la Cour des Aides
donna un Arrêt par lequel. les Reformez étoient admis aux Char-
ges de Ton reïïbrt : mais le Parlement ni la Chambre des Com-
ptes n'en voulurent pas faire autant.
On exerçoit encore fur d'autres fujets la patience des Re- Rigueurs
formez-, & particulièrement on leur faifoit mille indignitez 3./»rieurs
l'occaiion des fepultures. L'inhumanité des Catholiques Tur ce if!^^"*'
fujetj pendant le fiege de Rouen, pafîè prefque toute créance.
Il y eut des perfonnes qualifiées d'entre les Reformez qui mou-
rurent à ce fiege. Piles entre autres , un des plus braves de l'ar-
mée y fut tué : mais il n'y eut pas moyen d'obtenir des Catholi-
ques» qu'ils donnaHènt à fon corps une place dans leurs cimetiè-
res. Il arriva même que plufieurs Reformez ayant été tuez à la
grande fortie que le Marquis de Villars fit le 2 5 . de Février , pen-
dant que le Roy étoit à obferver le Duc de Parme, on les enter-
ra confufément avec les Catholiques morts dans la même occa-
(ïon : mais les Catholiques qui le furent curent la cruauté de les
faire déterrer , & de laifîèr leurs corps à la merci des loups & des
corbeaux qui d'ordinaire fuivent les armées.
D'un autre côtéonprelîbitleRoy fans relâche d'entendre à fon 1^9 3»
inftruçlion : & on n'oublioit nul des artifices dont les Convertif- ^"^^i-
feursfe fervent en de telles occafions. Tantôt on luy extenuoit les ""f^'^^^'J.
abus de TEglife Romaine; qu'on luy reprefèntoit trop légers pour /^"
être le fujetd'un légitime fcrupule. Tantôt on luy confelTbit qu'il ^l"a„ifj,
les falloit corriger 5 & on luy faifoit efperer qu'il y pourvoiroit , laco».
quand il feroit Catholique. On luy demandoit quelquefois une^"/^^*
ombre de coyrcerfion pour contenter le peuple j & on luy laiflbit la
liberté de fes fentimensfur beaucoup de chofes, pourveu que le
peuple pût le voira la Méfiée. On luyoffroit de mettre un voile
entre luy & la cérémonie, afin qu'il fit moins de fcrupule d'yailif.
ter. On faifoit valoir la commodité que fon changement luy don- /»^?r/.'j
neroit d'humilier le Pape, & d'abaiflér fon autorité, en terminant ^''^';''2''"
le fchifme par un Synode National, quand tout le Clergé feroit cilnt "û
réduit à l'obeïfîànce. On parloir d'un Patriarche qu'on établiroit,'^-^'''*
pour mettre les Eglifesde France dans l'indépendance de celle de
Rome : illufion qui a de tout tems ébloui les Reformez , dont les
M 2 plus
c>2 HISTOIRE
plusfimples s*imaginent que pour faire triompher la vérité , ft
ne faut qu'une rupture avec le Siège Romain. Mais il n'y eut rien
qui fit une plus dangereufeimprefiion fur fon efprit, que Tartifice
dont on fe fervit , pour luy perfuader que les controverfes qui
font i'oppofitiondes deux Religions étoient de peu d'importance.
Rôni étoit un de ceux qui luydonnoient leplusdepanchantpour
cette indifférence : & il luy difoit même quelquefois qu'une Catho-
licité luy feroit avantageufc ; & que ce feroit le meilleur moyen
de rompre toutes les menées. Il luy reduifoit toute la Religion
au Symbole des Apôtres, auDecalogue, à l'amour de Dieu & du
prochain , à la confiance au mérite de Jesus-Christ : & cela
pofé toutes les différences de Religion luy fembloient de légère
confequence. En un mot il luy mettoit l'efprit juflement dans la
fituation où la Religion Romaine luy pouvoit paroître aufil utile
pour le falut que la Reformée, en ne s'entêtant point des abus
qui en corrompent le culte & les dogmes. D'ailleurs on n'avoit pas
manqué de gagner quelques Miniftres , que l'ambition ouTintcrêt
rendoit traittables. Quelquefois on leur faifoit confefîer, enpre-
fence du Roy, qu'on pouvoit faire (on falut dans la Communion
de Rome: quelquefois on les faifoit difputer comme par rencon-
tre avec du Perron , à qui ils cedoient des vidoircs mal difputées.
Afin même que ce qu'ils difbient parût moins interefîé , ou de
plus grand poids , on ne les obligeoit pomt à changer de Religion y
leur prévarication étant jugée plus utile qu'une profeffion publi-
que de la do6trine Romaine. Ce fut par ces artifices qu'on fournit
au Roy cet argument, dont les Convertifîèurs ont fait depuis cela
un grand ufage: que les Reformez confefians qu'on peutfe fàu-
ver dans la Religion Catholique \ & les Catholiques au contraire
foutenant qu'on ne peut fe fauver dans la Religion Reformée > la
prudence veut qu'on s'arrête au plus fur > & qu'on fe range à la
Communion dans laquelle les deux partis conteflans confefïènt que
le falut efl pofTible, On avoit préparé de loin ces Miniftres , dont
Morlas , Rotan , de Serres , de Vaux , étoient les plus connus >
& dont le dernier tourmenté par fes remors révéla, dit- on, tout
le myflere. Caycr écoitauffi un de ceux qui devoit jouer cette co-
médie : mais quelques livres peu modefîes qu'il écrivit , & entre
autres un Traitté pour concilier les Religions l'ayant rendu fufpeft,
on le depofa dans un Synode j & il fe fit Catholique pour s'en vangcr.
Rô-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv.II. c,^
Rôni pour faire valoir fes fentimens, fe difoit appuyé delà Ro-i^'c)?.
che-Chandieu, d'Efperien, de Vaux, deGardefi, & de Nord,
Minières fort renommez , dont la plupart néanmoins avoientde
tout autres penfées.
Du Perron, que Rôni avoit fait nommer Evêquc d'Evreux , &
qui avoit dans la converiation une éloquence qui entrainoit les
efprits, ébloùiflbit le Roy par la véhémence & la rapidité de Tes
difcours : mais il le preflbit moins par des raifons de Théologie ,
que par des motifs pris du tems&dela prudence Politique. Ces
motifs avoient une grande force fur l'efprit d'un Prince, las du
pénible métier qu*il faifoit depuis près de vingt ans , & qui ne
voyoit pas encore fes travaux prêts à finir. On luy faifoit pitié
de la mifere des peuples qui n'en pouvoient plus. On luy faifoit
peur des Grands de la Religion, dont on luy reprefentoit l'efprit
inquiet & ambitieux. Il avoit fujet de fe plaindre de plufieurs Ca-
tholiques , qui le traittoient d'une manière infolente , & dont il
defiroit d'être en état de fe pafler. Il fe faifoit des confpirations
contre fà perfonne qui luy faifoient peur : & il fè plaignoit mê-
me à du Pleffis , que les Catholiques de fon party avoient conju-
ré avec le Duc de Mayenne de fe faifirde luy à Mantes. Ilcrai-
gnoitque les Etats de la Ligue , alîèmblez alors à Paris , n'éluf-
ient le Cardinal de Bourbon , &: que les Efpagnols ne l'appuyaf-
fent. La plupart des gens de la Cour étoient las de cette vie labo-
rieufe, où il n'y avoit que de la peine à prendre & rien à gagner.
La belle Gabrielle d'Eftrée, Maîtrefle du Roy , prenoit part à ces
intrigues. Elle ne haïflbit pas les Reformez, qu'elle eflimoitfidel-
les & gens de bien 5 & même elle en avoit plufieurs au nombre
de ics domeftiques. Mais les Seigneurs de la Religion n'avoient
pas beaucoup de complaifance pour elle : & jamais ils n'eulîènt
favorifé fes ambitieux defîeins. Au contraire on luy faifoit efpe-
rcr que il le Roy changeoitde Religion, elle auroitplus de lieu
de prétendre à l'époufer: parce qu'il pourroit faire cafièr par le
Pape fon mariage avec Marguerite de Valois , & fe mettre en li-
berté d'en contrarier un autre : au lieu que la Religion Reformée
ne luy donnoit pas des moyens fi faciles de parvenir à cette ruptu-
re j & d'afllirer la Couronne aux cnfans qui luy naîtroient d'un
mariage nouveau. Elle joignit donc iç,s raifons à celles des au-
tres , &; le Roy qui paroilioit plus de demi rcfolu à cet indigne
M 3 ma-
5,4 HISTOIRE.
mariage , fe laiflà vaincre ainfi en partie aux prévarications de (es
^ confidens & de {es Minières, en partie aux confeilsde la Politi-
que, &en partie aux illufions de l'amour.
Il n'ofoit néanmoins encore déclarer Ton intention , foit parce
qu'il avoit honte de cette démarche timide , ibit parce qu'il crai-
o-noit que les Reformez , dont quelques-uns parloicnt de fè can-
tonner, & d'abandonner le Roy fi le Roy les quittoit , ne fif^
fent quelque coup dedefefpoir. Ce n'étoitpasle langage de tous
ceux qui faifoient profefTion de la Religion Reformée, dont le
plus î^rand nombre , & quelques-uns mêmes des plus autorifez j
ne prêchoient aux autres que patience & fidélité. La fuite du
tems fit voir que ceux qui étoient de ce fentiment étoient les plus
forts , puis qu'après le changement du Roy il n'y eut perfonne qui
format de party contre luyi & que tous demeurèrent encore qua-
Foiitique tre ans non feulement dans robeïflance, mais dans le fervice. Il
mutuelle jj»y. ^^^j^ ^^^^ q^ç pg^ ^ç g^j^g q^i faifoicnt cette efpece de mc-
flrm'e'z, naccs. Ilsnelc faifoient pas même par une formelle inclination à
^/" fe cantonner -, mais par une adrefle de Politique , pour oppofer
iique7. une efpece de contrepoids aux menaces des Catholiques , & re-
mettre ainfi en quelque forte l'efprit du Roy en équilibre. Les
Catholiques renouvelloient fouvcnt au Roy les menaces de le
quitter pour un autre , s'il ne changeoit de Religion. Il fallut
donc que les Reformez en filîènt autant , de peur que le Roy
n'ayant rien à craindre que d'un côté , & ne trouvant de l'autre que
de la complaifance & de la docilité , ne fe laifsât plus aifément vain-
cre par le party menaçant. L'efprit fe gouverne comme le corps 5
& quand 1 un ou l'autre fiiccombe à un effort qui le fait pancher d'un
côté , il faut mettre de l'autre une force qui le relevé, afin de le
remettre dans fon afîîette naturelle. De forte que pour arrêter le
Roy , que la crainte d'être abandonné des Catholiques entraînoit
de leur côté, il falloit luy oppofcr une crainte pareille de la part
des Reformez , s'il quittoit leur Religion. Mais il y avoit une
grande différence entre la conduite des uns & des autres. Les me-
naces des Catholiques étoient fuivies d'effets fâcheux ; d'intelli-
gences avec la Ligue -y de cabales entre eux , & d'obftacles voloiî-
taires aux profperitez du Roy. Il y avoit même le Tiers party ,
dont le Chef étoit connu , & que la plupart des Catholiques
menaçoicnt de reconnoître pour leur Souverain. Mais les mena-
ces
DE LEDIT DE NANTES; Liv. IL 95
CCS des Reformez ctoient de fimples paroles, qui étoicnt plutôt i^oi.
didées'par la prudence , que par le defîr de mal faire} & qui ^*
n'empêchèrent point qu'ils ne demeurafîent ficelés.
Néanmoins le Roy leur cachoit fes penfées fur ce fuj et avec une Bifjjmu^
diffimulation profonde , quoy que fon deffein fût fi connu des J/^^'^'L,
Catholiques , que les Efpagnols même en prirent ombrage. C'eft
pourquoy ils luy firent inlinuër par leurs confidens, qu'on pour--
roit trairtcr avec luy fans toucher à fa Religion : ce qu'ils faifoient
pour iè prévaloir auprès des Liguez de la fermeté du Roy , s'il
îe lailïbit éblouir à cette propofition illufoire. Mais pour dilîî-
per les foupçons des Reformez , le Roy déjà refolu de quitter
leur Religion témoigna qu'il vouloit travailler à leur fureté. C'eft
pourquoy il vint à 1 ours, comme ils l'en follicitoient, pour fai-
re lever les modifications avec lefqueîles on avoir cnregîtré l'Edit
de, Mantes. Il palîà par Saumwr pour s'y rendre y &: les Minis-
tres ayant eu 1 honneur de le faluer, fur fon départ il les alTùra
qu'il mourroit dans la Religion Reformée -, & leur déclara que
s'ils entendoient dire qu'il feroit tombé dans quelque débauche ,
ils pouvoient le croire parce qu'il avoit de grandes foibleflcs de
«ce côté-là : mais que fi on failbit courir le bruit qu'il dut changer
•de Religion, ils n'y dévoient point ajouter de foy. Mais quand
il fiit à Tours, il y arriva des choies qui firent connoitre qu'il
avoir d'autres intentions, il n'ofà tenir fon Lit de Juftice , comme
«on avoit cru qu'il k feroit, parce que s'agilTànt de procurer l'a/-
Tantage des Reformez , il eût donné fujet aux Catholiques de
murmurer, de ce qu'il auroità fà première ièance au Parlement ,
contraint ce Sénat à recevoir aux Charges ceux qu'on nomnioic
Hérétiques. 11 fit donc alîembler feulement les principaux , à qui
ii déclara fcs volontez , & leur ordonna d'en délibérer : mais ce
foible moyen n'avança pas les affaires -, & le refultat de cette deU-
beration fit connoître queie Roy avoit déjà promis de fe faire Ca-
tholique, il feignit d''êrre fort irrité de la reiifianoe du Parlement 3 Se
il dit de groifes paroles au Procureur General. Mais ce fut tout
-ce que les Reformez eurent de fatisfaâ?ioa : les modifications de-
meurèrent ; & il leur parut que le Roy s'étoit engagé à ne rien
&re pour eux , avatoc qfue ^e rentrer dans la Communion iBy^omai-
ne. .:■- ■■ ■■'. '
II' ièmbloit que fi ics -Cacholiques avoient confenti â ce c^ue le
Roy
c)6 HISTOIRE
if02. ï^oy demandoit, ilsTauroient tiré d'un grand embarras > &i'au-
roient mis en état de quitter la Religion des Reformez de meil-
leure grâce , puis qu'il auroit prévenu leurs plaintes , en afîlirant
leur condition. Mais la palTion des Catholiques étoit û forte ,
'Z: qu'ils ne confidcroient rien > & qu'ils n'auroient peut-être pas de-
mandé mieux, que de pouflèr les Reformez à quelque mutinerie ,
pour s'accorder avec la Ligue à leurs dépens , & à condition de tour-
ner contre eux leurs forces unies. Mais les Reformez ne perdi-
rent point patience pour ces injufticcs. Il fallut que le Roy prit
d'autres mcfures pour les amener doucement à voir fon change-
Prépara- «icnt , fàus faire du bruit. On fe fervit pour cela du prétexte
tifsà fondes conférences. On en avoit déjà eu dix ou douze avec les Li-
mn^' guc2 î ^^^s aucun fruit : on en renoua une nouvelle entre les Ca-
tholiques Royaux & eux > & afin de n'être point traverfez par du
Plefîis , ils convinrent pour préliminaire qu'il n'y entreroit point
d'Hérétiques. Le prétexte en étoit de concourir avec les Etats de Pa-
ris à mettre un Roy Catholique fur le Trône j & de réunir les
fufFrages en la perfonne de Henri IV. moyennant fa conver/ion.
C'efl pourquoy il publia dès l'ouverture de la conférence une Décla-
ration qu'il avoit préparée, pour aflurer les Catholiques de la volon-
té ou il étoit de le faire inllruire. En même tems on fe mit à fol-
liciter les Reformez de la Cour , den'empêcher.-point laconverfion
du Roy : & on travailla principalement auprès du Duc de Bouil-
lon , de qui l'oppofition pouvoit faire le plus de peine. De Thou
luy écrivit fur ce fujet, pour luy perfuader qu'il feroit avantageux
aux Reformez d'avoir un Roy Cathohque, des bonnes intentions
de qui ils euflent de fufGfantes aflurances. Le Duc avoit d'étroites
obligations au Roy , & on luy ferma la bouche par tant de pro-
meiîes, qu'il auroit été bien malaifé qu'il ne fefût pas laifle vain-
cre. Le Roy même promit par un écrit qui fut figné par les
Princes, & les principaux Seigneurs du Confeil, que la profet
fion qu'il alloit faire de la Religion Romaine n'aporteroit point de
changement aux Edits que les Reformez avoient obtenus, &
qu'on ne prendroit point de refolution à la conférence à leur pré-
judice,
r«j»c Cependant on remit fiir le tapis , pour amufèr les Reformez àçs
"if*dt' Pi'ovinccs, la propofition d'une autre forte de conférence , fous le
l'infiriu' prçtextc dQ l'inftrudion du Roy: mais comme fon changement
''''• étoit
DE UEDIT DE NANTES, Liv. IL p/
étoit refolu , ce ne fut plus cette conférence Icrieufè & grave 15PJ.
dont on avoit tant parlé: ce fut une conférence de -parade -, ouïe
Roy invita ceux qu'il voulut par lettres exprcfîès, leur aflignant
rendez-vous à Mantes pour le 20. de Juillet. Ileft vrayque du
Pleflîs fit changer Tadreflè des lettres -, & qu'au lieu que le Roy
les avoit écrites à quelques particuliers ; il luy fit trouver bon d'é-
crire aux Eglifes , pour leur ordonner de députer des perfbnnes
capables de l'affaire propofée. Le Roy ne faifoit encore nulle ac-
tion extrerieure qui fit connoitre le deflein qu'il avoit de chan-
ger : & il continuoit les exercices de la Religion Reformée à l'or-
dinaire dans (à Maifon. Il voulut même que tous les P^eformcz
du Royaume fe mifîènt en jûnes & en prières , pour demander
à Dieu un bon fuccés de cette prétendue conférence : comme s'il
eût encore été incertain du party qu'il devoit prendre. Mais
enfin le mafque fut levé ; & on apprit que toute l'inftrudtion fe
reduiroit à entendre les Evêques , uns qu'il y eût de Miniftres pour
leur repondre. Le Clergé avoit demandé que la chofè fe pafTât
ainfi i parce que jamais il ne met la victoire en compromis > &
qu'il ne tenoit pas encore la converjion du Roy fi alTûrée, qu'u-
ne difpute réglée, oùfes Pafteurs feroient admis , ne pût luy don-
ner d'autres fèntimens. Néanmoins le Roy voulut faire fèrvir cette
complaifànce qu'il avoit pour le Clergé, à perluader aux Refor-
mez qu'il ne cedoit qu'à la necelTité des affaires ; qu'il n'abjuroit
fà Religion que de bouche j qu'il ne vouloit entendre que les
Catholiques , parce qu'étant forcé de changer , il éroit plus avan-
tageux aux Reformez qu'il le fit fans les ouïr, qu^après les avoir
entendus -, afin qu'ils fe pu fient vanter de n'avoir point été vaincus ;
au lieu que le Roy changeant après une difpute des deux partis,
ce changement eût été un vray triomphe pour les Catholiques.
Mais le myfiere fut révélé par une lettre du Chancelier à l'Evêque
de Chartres qui fut vûë par les Reformez , où il avertifîbit ce Pré-
lat 5 qu'il pouvait vefî^r en ajfiirance^ faîis fe mettre en penie de
Théologie. On vit bien par là que la conférence réglée n'éroit pas
du goût des Evêques i & qu'ils vouîoient vaincre fans combat.
îvlais quoy que cette forme d'inflrudion parût fort étrange aux
Reformez , & qu'ils trouvafiènt fort fingulier que le Roy ju-
geât pour ainfi dire un fi grand procès, après avoir entendu feu-
lement une àts parties , ils ne laifTerentpas de croire que leurs De-
Tome I. N pu-
98 HISTOIRE
j^p2 putez ne dévoient pas manquer de fe rendre à Mantes 5 ou pour
obtenir par leur prefence quelque chofe de favorable pour la Re^
Ji^ion , ou pour ôter aux Evêques le prétexte de fe vanter que les
Minirtres euflent fui la conférence. Le tems a montré combien
cette précaution étoit neceflaire, puis que non feulement de nos
jours, mais prefquesdans le tems même, 6c en prefence de ceux
qui favoient comment les chofès s'étoient palTées , ils publioient
que les Miniftres avoient fui devant eux, ôc n'avoient ofé entrer
en difpute. Il ell vray que les Miniftres de la Cour n'entrèrent point
en conférence: mais pour ne repeter point qu'on étoit convenu
quel'inftrudiondu Roy fe feroitfans eux, je dirai au moins qu'il
ne faudroit pas s'étonner, ni que ceux qui étoient gagnez pour favo-
xifer le defîein du Roy euffent feint de reculer ; ni que les autres
qui voyoient le piège qu'on leur vouloit tendre , & qui favoient les
intentions fecrettes du Roy , euffent demandé qu'on attendit l'arri-
vée de tous les Députez des Eglifes 5 avant que d'entamer une affai-
re de cette importance. Ils prirent néanmoins encore une autre pré-
caution plus formelle contre le vain reproche des Prélats : & ils
s'obligèrent par un écrit public & authentique à fou tenir devant
toute forte de perfbnnes en conférence réglée y la doctrine que le
Roy avoitapprife dans la Religion Reformée. Du Pleffis eût de-
iiré qu'on eût fait trouver à Mantes en même tems des Ambafîà-
deursdes Princes Proteftans, avec quelques favans Miniftres, afin
que la prefence de ces envoyez retardât, s'il étoit poffible, le
changement du Roy ; ou qu'elle l'obligeât au moins plus forte-
ment à donner aux Reformez àts conditions tolerables. Mais la
précipitation du Clergé ne donna pas le tems de prendre toutes
ces mefures. On n'attendit ni les Députez de Eglifes, ni les Etran-
gers : & après une inftrudtion de demi journée , où il n'affifta
conver- que ceux qui ne la vouloient point empêcher, le Roy parut con-
jiondH ^ejif ^ç. \^ dodrine Romaine j 6c dès le lendemain il fit abjura-
^^' tion à Saint Denis de la Religion Reformée. 11 eft vray qu'il ne
voulut jamais promettre la ruine des Hérétiques de fbn Royaume ,
que le Clergé luy vouloit faire jurer : foit qu'il en ufat ainfi feule-
ment par une affedlion fincere pour le repos de Çq^s fujets, foit
que ce fût un refus étudié , pour ôter aux Reformez les défiances
lairenue que fon. changement leur pouvoit donner. Il ne voulut aufîî ja-
J^^^J mais figiier le Formulaire <^u*on luy avoir drcffé y où on luy ï^^^oit
ju-
DE VEDÎT DE NANTES, Liv. II. 99
jurer un à un tous les articles de la Foy Romaine, & abjurer de 1^05.
même les prétendues herefies des Reformez. Il en fallut drefler
un exprès, où Rôni intervint , & où fans profeflion ni abjura-
tion exprefîè d'aucun article , on le foumcttoit en gros à toute la
dodrine des Catholiques. Mais comme il falloir contenter le
Pape , on luy envoya le premier Formulaire figné du nom du
Roy , contrefait par Lomenie Secrétaire d*ttat , qui avoit
accoutumé de figner pour luy , & qui n*imiroit pas mal fon écri-
ture. Le Roy confentit à cette feinte, qui ne pouvoit ni met-
tre ù. confcience en repos, ni plaire à la Cour de Rome, oùlaru-
fe ne pouvoit être longtems cachée -, ni perfuadcr aux Reformez
qu'il gardoitleur Religion dans le cœur: quoy qu'il eûtcesdiver-
ics vues dans Pufage de cet artifice.
Fin du IL Livre.
N 2 HIS-
100 HISTOIRE
HISTOIRE
D E
LEDIT DE NANTES
LIVRE TROISIEME.
Sommaire du III. Livre.
DE fiance s produites par ce changement. Audace des Ligueurs.
Renouvellement du ferment d^ Union. Conjuration de Bar-
rière. Prétexte des rebelles , que la convcrfion du Roy »V/? pas
Jîncere : qu'il luy faut la Benedi6iion du Tape, députez des Re-
formez en marche. Précautions du Roy contre leurs reproches.
Lettre fur le changement du Roy. Infultes des Catholiques.
Artifices pour empêcher les députez de le voir : & pour l'empê-
cher de les fatisfaire. 'Projet dEdit. Précaution contre les
fermens de l'Ordre du S. Efprit & du Sacre. Les Reformez
peu contens du projet ne l'acceptent ni ne le refufent. Ajfem-
blees permifes. Union renouvelle avec approbation du Roy.
Artifices pour corrompre les Miniflres . T)ejfein de reunion . *Duc
Èe Nevers n'obtient rien à Rome. Craintes que la réconciliât ien
du Roy ô' du Pape donne aux Reformez. Trêve préjudiciable
ûu Roy. Reduâîwn de Me aux & des autres villes. Claufes dans
les Traittez qui font préjudice aux Reformez, Serment du Sa-
cre. Puifiance des Jefuïtes. Injuflices faites aux Reformez.
Cara5leres des principaux Reformez. Synode à Montauban :
ordonne des prières pour la profperité du Roy -^ & pour fa réduc-
tion à la Religion : defavoiie la Province de l'Ile de France en
plufieur s points. AjJ emblée de Ste.Foy. P ropofiî ions & règle-
mens pour le Confeil General -, ^ pour les Provinciaux. Arti-
cles fecrets. Sédition des Croquans. députez amufez à la
Cour. Prétentions du IDuc de Mer cœur. Ouvertures de récon-
ciliation avec le Pape. Bleffùre du Roy par Châtel. Jefuïtes
bannis. Pyramide. Témoignage que d'OJfat rend aux Refor-
mez,
DE UEDIT DE NANTES, Liv. III. loi
wez. Sentimens ^e la Cour fur P Union des Reformez. Senti-
mens du Roy fur ce fujet. Caufes pourquoy on veut faire décla-
rer les Reformez capables des Charges. Le T rince de Conde tire de
leurs mains. Moyens pour y reiiffir. L'article de la capacité des Re-
formez aux Charges pajfe avec peine. Chicane du 'Procureur Ge-
neral mal prife , & caufe de nouvelles défiances, jijf emblée de Sau-
nmr > d abord déplaît au Roy , qui enfin Pautorife : raifons de la
permettre. Neceffité d importuner le Roy. U aff emblée deman-
de un Edit nouveau , & des furetez. Uabfolution defirée du
Roy : fes raifons de fe relâcher le premier. Commijf aires élus
pour en trait ter, 'T>u Terron & dOjJat. Hautes prétentions
du Tape. InftruCîions precifes des Procureurs au contraire. Té-
moignage rendu aux fervices prefens & pajjez des Reformez,
Prévarications des Procureurs aux termes & en la chofe. Ar-
ticles de Pénitence : plaintes des Reformez : excufes des Procu-
reurs. Supplice de deux Proteftans à Rome. Articles fecrets
crus promps au Pape.
Ettc dcmarche du Roy fît changer encore une fois 15*9 3-
de face aux aifaires. La Religion Reformée que la jy^r^^
mort de Henri III. avoit mife fur le Trône , s'en vit f*^ frô-
tout d'un coup fort reculée j & les principaux de ce*^"""
party commencèrent à craindre , que puis qu'on avoit [7a"ge.
pu obliger le Roy par tant d'artifices à quitter h Religion , il ne ïiit
aifé de le difpofer peu à peu à les exterminer. Ce qui avoit d'au-
tant plus de vraifemblance , que le Roy ne pouvant ignorer la
douleur mortelle qu'ils avoient de fon changement, devolt les re-
garder auffi comme des gens qui ne prendroient peut-être défor-
mais confeil que du dcleipoir : & qui vivroient au moins avec luy
dans une perpétuelle défiance. De là il dcvoit prendre à fon tour
desoccafions de foupçons & de jaîoufies : & peut-être fuivant le
panchant naturel de l'homme , qui ne manque jamsis de haïr ceux
de qui il croit ne mériter plus d'être aimé, paflcr de la crainte de
leurs reflentimens à la refolution de les détruire. On regarde la pre-
fence de ceux dont on a été trop bienicrvi, & à qui pour recom-
penleon a fait des injures outrées , comme un reproche perpétuel,
dont on croit fe défaire en detruilànt ces incommodes accufateurs :
&ilicmbloic que les Reformez ne dévoient s'attendre qu'à ce trai-
N 3 tementj
ment.
102 HISTOIRE
ïfP3- t^i^ent, puis que leur vûë ne pouvoit fervirqu'à troubler la côn-
ifcience du Roy 5 en luy reprochant fans ceflè leurs fervices, leur
tnifère & Ion changement. Ils voyoient même qu'on commençoit
à négocier avec TKfpagne , avec qui on pouvoit craindre que l'al-
liance ne fe fit qu'à leurs dépens. La Varenne homme de fortune, qui
cependant avoit part à la confidence du Roy? parce qu'il écoit un des
minières de fès amourettes , fit un voyage en Efpagne Ibus de cer-
tains prétextes , mais en effet pour propofer la paix , & le mariage
de Henri IV. avec l'Infante-, pour voir cette Pnncefîè au nom du
Roy; pour luy en raporter le portrait, &: promettre d'y envoyer
un Seigneur qualifié , fi le Roy d'Efpagne y vouloit entendre. On
ne fait fi l'intention du Roy étoit telle en effet , ou fi on vouloit ten-
ter par l'ouverture de cette propofition de détacher l'Efpagne des
intérêts de la Ligue. Mais ce voyage ne laillà pas d'allarmer les
Proreftans au dedans & au .dehors; quoy qu'on eût compris l'An-
gleterre & les Provinces Unies dans le projet de cette paix, parce
qu'ils craignoient que leur defl:ru6bion ne fût tôt ou tard le fruit de
cette alliance. Mais en France les Reformez ne changèrent point
de conduite. Ils le contentèrent de hauflx:r les épaules d'étonnc-
menf , d'exhaler leur douleur en plaintes ameres , & d'attendre ce
que produiroit leur Dépuration, dont les membres marchoient
pour fc rendre auprès du Roy, qui leur avoit fait de belles pro-
mcfîès pour les confoler.
A l'égard des Catholiques, ceux qui fuivoientlc party du Roy
perdirent le prétexte de leurs brouilleries , quand ils n'eurent plus à
luy reprocher fa Religion. Mais fes affaires n'en alloient pas mieux
audace avec les Liguez. Dès le commencement de la conférence qu'on avoit
jejLi. reprifeavec eux, ils voulurent traitter non pas en fujets, mais en
égaux; & même en fuperieursquifaifoient la Loy aux autres. Ils
ne voulurent pas traitter avec le Roy ; mais avec les Catholiques de
fon party : ils leur difputerent tout ce qui (c peut difputer entre
perfonnes égales ; le pas, le vent, le feu, la droite, & ils voulurent
tirer les logis au fort; & après tout cela, ils firent encore des de-
mandes à quoy il n'étoit pas poffible de (è relâcher. Entre les au-
tres propofitions, ils firent celle d'accorder feulement aux Refor-
mez un Edit de tolérance à tems. De forte qu'il falut (è feparer
fans rien conclure ; le Roy ne pouvant confentir à des conditions
ii dures, & peu convenables à l'état de ks affaires i ficlesCatho-
li-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. III. co^
liqucs même de fon party ayant honte de l'y porter. Quelques 15-93;
jours même après l'abjuration du Roy, la Ligue renouvella le fer- Renou.
ment d'Union , pour rafTûrcr les efprits que cette action avort "^^/^y"^,,
ébranlez. Une copie de ce nouveau ferment, que le Cardina\ fermerai
de Plaifance avoit iignée, & qu'il envoyoit à Rome, tomba çn- '^'^'''*'"*'
tre les mains du Roy , qui vit bien que fon changement ne l'a-
voit pas tiré d'affaires. Villeroy même & Jeannin, qui l'avoient
le plus allTirc qu'il ne tenoic qu'à fa Relig,ion que tous les Catho-
liques ne luy rendiflènt obeïfîànce, temporifoient comme les au-
tres. La raifon de cela étoit que chacun vouloit vendre la réduc-
tion j &que l'intérêt particuHerdemcuroit, après celuy de la Re-
ligion qu'on avoit fait paflèr pour l'unique. Il y eut très-peit
d'exemples d'un retour defmtcrefle , peu de villes ou de Gouver-
neurs fe rendirent fans marchander: tout le reflefe fit acheter le
plus cher qu'il put. Ainfi pendant que les Reformez pleuroient
le changement de leur Roy , & gemiflbient fous l'opprcfllon de
leurs ennemis , les Catholiques luy vcndoient fon propre bien , &
tiroient de luy de grandes fommes & de grandes Charges, comme
un prix où ils mettoient leur obeïllànce : Se au lieu que fcs anciens
& incorruptibles ferviteurs ne poffedoient en fureté -ni leur con-
fcience ni leur vie, les rebelles, qui avoicnt tant de fois conjuré
contre fbnfervicc, recevoient toutes les faveurs & toutes les recom-
penfes. Avec tout cela, environ un mois après qu'il eue embraf-
ié la Religion Romaine r on découvrit une confpiration contre fa
vie. Pierre Barrière, difciple desjefuïtes, avoit entrepris de \c^°"i"^^-'
tuer. Il fut pris & puni comme fon deflèin le mcritoit. Le pre- BTJure,.
'texte de ces nouvelles difîicultez étoit que ù. co?i'Utr/io?m* étoit p-às ^^etexte
iincere j & qu'avant qu'on le pût reconnoître pour vray Catholi- j'^^^^*^*''
que , il falloit qu'il fe reconciliât avec le Pape , & qu'il reçût fà
Bénédiction.
Cependant les Députez des Eglifes s'avançoient pour fe rendre Bepuitv
à Mantes. Le Roy craignoit de les voir, parce qu'il ne s'atten- i^^ll
doit de leur part qu'à des reproches. La Reine Elizabeth luy en e'nZlr.
fît de plus amers qu'il ne l'avoit efperé. Ceux de Genève luy écri- '^^''
virent fur le mên^e ton y & il ne doutoit point que fès propres fu- vrecau.
jets ne luy tinfî^nt le même langage. C'efl pourquoy il prenoit ^'onsdu-
toutes les précautions poiFibîes pour s'aflurer contre les difcours fj/",^
libres &: hardis qu'il attendoit d'eux. 11 voulut donc, comme pour «/^r»-
104 HISTOIRE
1^9^, s*accoutumer à de femblablcs remontrances , que du Plcffis
Lettre luy fit fàvoir ce quc Ics Reformez difoientde fon changement. II
{l«we. ^c fi^ P^^ ^^^ lettre ailêz longue j mais encore plus forte & plus vive j
mentdH où il rcprclentoit naïvement leurs fcntimens fur toutes les circon-
^'^' Hances de cette affaire. Il difoit au Roy que les Reformez avoient
cfpcré qu'il auroit foin d'eux fans qu'ils s'en mêlaflcnt : mais qu'au
lieu de leur donner quelque étabîifTement afiuré, il ne leuravoit
pas même osé /a corde du cou , puis que les Edits de la Ligue fub-
îîiloient encore en plufieurs Parlemens : Que les Reformez ne de-
mandoient pas néanmoins comme la Ligue , qu'on changeât la Loy
de l'Etat à leur profit, ou à celuy d'un Prince étranger: ni com-
me les Catholiques Royaux , que le Roy changeât de Religion à
leur volonté i encore moins qu'on déchirât l'Etat en pièces , pour
contenter \\n petit nombre de gens 3 Qu'ils demandoient feule-
ment la paix de leurs confciences & la fureté de leurs vies,
chacun félon fa qualité & fà nailîance j ce qui eft un droit com-
mun , non un privilège particulier ; refblus d'obeïr à leur Prin-
ce fans exception de Religion j Qu'ils fe plaignoient que leurs
Requêtes , accordées par tant d'Edits de {'zs Predecefîèurs ,
&: défendues par luy-même, n'ont pu être écoutées fous fbn
Règne j fous lequel s'ils n'euflènt tout attendu de luy 5 & fi ce n'eût
été l'affedion qu'ils luy portoient, ils auroient pu fè fèrvir jufte-
nient & utilement des voyes qu'ils avoient été contraints d'em-
ployer fous les Règnes precedens -, Qu'après une longue patience 5
ils le voyoient changer de Religion, fans qu'il leur eût pourvu en
façon du monde j Que le vulgaire en concluoit , que fbit qu'il eût
diangéde franche volonté ou par contrainte, ilnefalloitplusrien
attendre de bon de luy ; Que les plus fàges croyoicnt qu'il n'ou-
blieroit jamais ni les grâces que Dieu luy avoir faites , ni les fervi-
ces des Reformez : mais qu'ils craignoient en même tems que les
ayant méconnus au milieu de fes profperitez, & ne les ayant pas
mis en liberté, lors qu'il étoit autorifé par tant de victoires, il ne
manquât à l'avenir de refblution pour leur bien faire j & que ceux
qui avoient pu ébranler fa confcience, n'euflènt aufîi le pouvoir de
le contraindre à ufer mal de fa puifiance. A quoy ils ajoûtoient les
exemples du paflé , & les difcours prefens de plufieurs Catholiques j
Qu'ils doutoient de fa confiance à les protéger , après ce qu'il avoit
faicy trouvant qu'il y a plus loin de la pure Religion à l'idolâtrie , que
de
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. III. lof
de I*idolâtrie à la pcrfccution -, parce que pour pafîèr du bien au j ^q ^
mal il faut un effort , mais que du mal au mal le paflage eft fi ai-
fe qu'on ne s'en apperçoit point. Du Pleflis remarquoit de plus
qu'on avoitfaitillufion au Roy, par les adouciiîèmens qu'on luy
avoit propofèz pour l'amener à la Mefïè : ce qu'ayant montré au
long, il ajoûtoit qu'on jugeoit par là que les Catholiques le me-
neroient infenfiblement plus avant : Qu'on l'obligeroit d'envoyer à
Romei où il n'obtiendroit point l'abfolution fans pénitence i Que
les Papes avoient impofé quelquefois celle d'aller faire la guerre
aux Infidèles > Qu'on luy envoyeroit de même l'epée facrée au pre-
mier jour , pour faire la guerre aux Hérétiques -, ce qu'on enten-
droit dçs Reformez , les plus loyaux François & les plus fmceres
de fcs fujets; & qu'on l'y engageroit peu-à-peu fous divers pré-
textes , dont on fc ferviroit pour vaincre fon bon naturel. Après
cela il remontroit au Roy les progrés de la conférence qu'on avoit
ouverte avec la Ligue, les longueurs d.e ceux qui l'avoient obligé à
changeri les inconveniens de la trêve qu'on luy avoit fait fairej le fu-
jet de craindre , que comme il y avoit été traité en Chef de party ,
il ne fût forcé par la paix de devenir Capitaine gênerai des Catho-
liques contre les Huguenots : Que la paix ne fc pouvoit traitter en
leur abfence fans iniquité , ni fans leur donner de juftes foupçons :
fur quoy il reprefentoit de quelles extremitez les Catholiques
avoient été tirez fous Henri III. parles Reformez -, & combien
ceux-cy avoient raifon de fe défier , fi on faifoit la paix fans eux ,
que toutes les difficultez n'en fufîènt refoluës à leurs dépens -, Que
la convocation des Députez des Eglifes étoit illufoire, puis que
fans les attendre on traitoit de leur condition , & de celle de leur
pofterité, & qu'on tiroit des promelîes du Roy, pour s'en fervir
un jour à éluder tout ce qu'il auroit accordé : Qu^il y avoit des ef-
fets qui confirmoient les foupçons ^ Que le Prêche étoit déjà
banni de la Cour & des armées j &les Reformez par confequent ,
puis qu'ils ne fe refoudroient point à vivre à la Cour fans lervir Dieu ,
ni à s'expofer à l'armée fans efpoir de confolation , & fans afîikance
de fèpulture j Qu'on minutoit de les exclure des Charges de Fi-
nances , de Juftice , de Police, dont ils ne l'avoient jamais impor-
tuné : Qu'il ne feroit pas jufte qu'ils fifTent ce tort à leur poflerité,
que de la laifTer dans le Royaume au rang des Juifs ou des Capots,
au lieu de ce qui étoit dû à leurs fervices > Qu^il leur étoit plus tole-
Tome I. O ra-
io6 HISTOIRE
it:o7^ rabîc de vivre fous la trêve du feu Roy , qui confcntoit qu'iîs
euflènt l'exercice à la Cour & à l'armée > le payement de leurs
Miniftres fur fes Finances > dts lieux de retraite dans chaque Bail-
lia<^c ou Senechauflee : & qui après; tout leur promettoit le rerar
bliflèment des Edits avant la fin de Tannée. Il ajoûtoit enfin par
forme d'avis, que ces confiderations mettoient à bout la patience
des ferviteursdu Roy, qui ne favoientque répondre : Qu^'il n'é-
foit pJustems de dire il faut attendre j que les efprits étoient las ,
& agitez, & paflbient du defefpoir à la recherche du remède -,
Que pour leur ôter le defir d'un Protefteur , il falloit que le Roy
leur en ôtât la neceffité -, qu'il le fût luy-même , qu'il les prévint ,
qu'il eût foin d'eux j Qu'il favoit ce qui leur étoit bon ou nuifible 5
Qu'il n avoit qu'à fe raporter à luy-même les Requêtes qu'il avoit
preientées pour eux à fes Predeceiîèurs -, qu'elles n'avoient rien
perdu de leur jufticc -, & qu'elles dévoient avoir gagné quelque
chofe à l'accroifîëment de fon autorité , puis qu'il en pouvoit être
s'il vouloit le juge & l'avocat} l'impétrant & l'ottroyant tout en-
fcmble.
/»/«//« Il fembloit que les Catholiques craignifîènt que ces differcns
f^^/^*' mouvcmens ne fiflènt pas afTez d'impreflion fur les efprits : c'cft
^ttes. pourquoy ils les aigriffoient par des difcours infultans. Il y en avoit
entre eux qui traitoicntlcs Reformez de fots & de ftupides , qui n'a-
voient pas fû fe fervir de l'occafion , & qui avoient laiffé échapcr
le tems propre à leurs affaires. Cette raillerie étoit d'autant plus
fangîante, que quand ils avoient voulu prefîcr le Roy de penfcr à
eux 5 on n'avoit pas manqué de leur reprocher qu'ils abufoient du
tems , & de les menacer qu'on pourroit bien leur ôter un jour ce
qu'ils auroient obtenu par cette voye. Depuis cela on les a toujours
traitez de même. On a fait pafTer pour des rebellions puniffables
tous les cxpcdiens qu'ils ont pris ou propofèz pour leur fureté -, &
tout ce qu'ils ont fait pour empêcher leurs ennemis de les détruire:
Sz quand ils ont fouffert uns dire mot toutes les en'treprifes qu'on a
faites pour les opprimer, on les a traittez de flupides&de grofr
fiers , qui ne (avoient pas fe défendre.
La lettic de du Plefîis ayant préparé le Roy à de pareils diïcoucs
que les Députez pourroicnt luy faire , ce Prince voulut encore le voir
à Chartres , pour s'accoutumer au vifagc des Reformez , auflî bien
qu'à leurs remontrances : s'afTûrant d'ailleurs que fi ce qu'il pour-
roit
DE UEDIT DE NANTES, Liv. III. 107
(Coitluy dire faifoit quelque imprcflîon furfon efpritj ce fcroit af- 15^5.
ièz pour pcrfuader tous les autres, qui regardoient ce Seigneur avec
une extrême confiance. Il le vit donc , & s*excu(a le mieux qu*il put ;
luy voulant faire croire qu'il n'y avoit rien que de feint & de forcé
dans fon changement, ju(qu*àdetefter ceux qui avoient fait la mê-
me démarche à fbn imitation : & proteftant qu'il s'étoit fàcrific
pour fon peuple , Se principalement pour donner plus aifément re-
pos aux Egliies , qu'il appelloit alors , &c qu'il appella encore long-
tems depuis nûs Eg//Jes, comme s'il eût confervé encore quelque
Communion avec elles. Il avoit payé de cette proteftation les Re-
formez de f à Cour , à qui fon changement paroiiîbit inexcufable :
& devant même qu'il l'eût exécuté il leur difoit , qu'il fe faifoit ana-
thême pour fes frères, dont il voy oit bien qu'il ne pourroit jamais
alTûrer le repos d'une autre manière. Du Pleflis ne parut pas
fè contenter de ces excules 5 ni faire grand fond fur l'efperance que
ce Prince luy donnoit de reformer la Religion : mais l'afRirance que
le Roy luy donna que fon affedion pour les Reformez n'étoit point
changée , put le toucher davantage.
Cependant les Catholiques Royaux s'étans rendus maîtres du
Roy par fon changement, n'en devenoient pas plus équitables aux
Reformez. Ils ne perdoient point d'occafion de les rendre ou fuf-
pe<5lsou odieux, &n'y épargnoicnt pas même la calomnie. Ce
fut dans cette penfée qu'on fit courir le bruit parmi le peuple , que
du Plciîis avoit voulu maflàcrer tous les Catholiques de Saumur la
veille de la S. Barthelemi, pourvanger les Reformez qu'on avoit
traittez de même à Paris &z ailleurs vingt & un an auparavant. Il con-
nut bien la malignité de cet artifice, qui tendoit à rendre tous les
Reformez fufpeds d'un pareil deffein , dans tous les lieux où ils
étoient les plus forts : parce qu'il étoit plus que vraifèmblable, qu'un
Seigneur fi fage&li autorifé ne feroitpas entré feul dans le projet
de cette vangeance, qui feroit trop légère fi elle ne s'étendoit que
fur les Catholiques de Saumur. C'eft pourquoy il voulut détruire
cette calomnie dans les formes. Il en fit plainte au Parlement > on
informa contre les auteurs de ce bruit, qu'il fut aifé de convaincre
de faux : mais on ne donna pas à l'accufé toute la fàtisfadtion qu'il
auroit pu en attendre. D'autre côté les Catholiques faifoient tous f''"^""
leurs efforts , pour empêcher que les Députez des Eglifes ne viflènt picherie]
le Roy: foit qu'ils craigniflent que cette vûënel'ébranlât, comme ^'.^'''^^
O 2 étant ^«,r.
io8 HISTOIRE
i^oî. étant encore mal afFermi 5 foit qu'ils voulufTent empêcher TefFct
des grâces qu'il étoit en difpofition de leur accorder , pour leur faire
oublier fon changement. Mais le Roy ne voulant pas donner aux
Reformez le mécontentement de renvoyer leurs Députez fans les
entendre , les Catholiques tâchèrent au moins d'empêcher qu'ils
ne le vilTent tous , & ne le voulurent permettre qu'à fix d'entre
eux. Du Plefîîs fit refoudre le contraire : mais les Catholiques (ans
fe rebuter , voulurent laffèr les Députez à Mantes , amufant le Roy
vers Fêcamp , & en d'autres lieux de Normandie , pour leur don-
ner lieu de croire que le Roy les fuyoit , & ne vouloit point leur par-
ler : & d'ailleurs ils luy faifoient craindre d'offenfer le Pape , s'il
donnoit fi tôt & fi publiquement aux Reformez quelque marque
d'affedion. Mais du Pleflls l'emporta encore fur leurs artifices. Le
Roy fc rendit à Mantes, vit tous les Députez , efiiiya leurs plain-
tes & leurs reproches qui ne manquèrent ni de force ni de hardiefl^,
leur fit de belles promefiès , écouta le Prefident Feydeau qui por-
toit la parole pour eux, reçut le Cahier de leurs demandes, char-
gea le Chancelier de l'examiner , & leur fit efpcrer de leur donner
contentement.
:Et pour Les Catholiques n'ayant pu l'empêcher de les voir ni de les enten-
^'^'"/'j* dre, voulurent au moins l'empêcher de les fatisfaire : & luy confeille-
hs fatit. rent de les renvoyer chez eux,avec promefi^ de repondre leur Cahier
faire, clans 3. mois. Mais le Maréchal de Bouillon & du Plefîîs firent voir
tant d'inconveniens dans cet avis , tant de juftice dans les (bupçons
que donneroit le retour des Députez dans leurs Eglifes , fans rapor-
ter autre cho(è que dts paroles > tant de confequences fâcheufes
du defefpoir où cette conduite jetteroit les Reformez , que le Roy
prit un avis contraire. Et parce qu'on alleguoit toujours le Pape,
qui n'avoit pas encore approuvé l'ablblution du Roy , & qui feroit
empêché de l'agréer par l'Edit qu'on donneroit aux Reformez , ils
repliquoient qu'il ne falloit point avoir égard au Pape, quand il
s'agifîbit de leurs affaires , parce qu'on favoit bien qu'il ne confen-
tiroit jamais qu'on fit rien pour eux. Mais pour témoigner que le
fervice du Roy leur étoit auflî cher après fon changement qu'au-
paravant , & qu'ils ne vouloient pas que leur précipitation luy caufât
quelque préjudice , ils confentoient que la publication de l'Edit
qu'on leur accorderoit fût différée , pourveu qu'on examinât le Ca-
hier prefentcment , & qu'on drefîat l'Edit , pour le publier dans
une
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. III. lop
une conjondlure moins délicate. Ils obtinrent donc qu'on nom- i co 3 ,
mât fept Commillàires tous Catholiques , afin que ce qu ils auraient
conclu fût plus autorifé : & dans ce nombre même on en mit quel-
qu'un des moins équitables, pour leur ôterle prétexte de murmu-
rer fi on faifoit l'affaire fans eux. Mais ces Commiiîàires ne ià-
voicnt par où s'y prendre : foit qu'ils euflent delïèin d'éluder les
pourfuites des Reformez , & de les renvoyer à un tems où la con-
'verfion du Roy ne feroit plus nouvelle 5 foit que par le zèle de Re-
ligion ils ne vouluflent rien accorder à ceux qu'ils tenoient pour àç:^
Hérétiques. De forte qu'après plufieurs conférences où il fe per-
dit du tems, il fallut joindre aux Catholiques le Maréchal Duc de
Bouillon & du Pleilis, qui convinrent bien-tôt avec eux de plu-
fieurs articles.
Les principaux furent, Qu'on retabliroit TEdit de if//. avec M?^
les interprétations portées par les conférences de Nerac & de Fleix i '^ ^'^'^'
Qu'on revoqueroit les Edits que la Ligue avoit extorquez au préju-
dice dQS precedens -, Qu'à caulè des changemens que les troubles de
la Ligue avoient apportez aux affaires , & des dommages que les
Reformez y avoient foufferts , on drefléroit un nouveau règlement,
par forme de compenfation des pertes qu'ils avoient faites -, félon
lequel le Chancelier & les Secrétaires d'Etat fe conduiroient dans
les occailons , & dont on tireroit les avis qu'il faudroit donner aux
Parlemens , dans les affaires qui leur pafléroient par les mains >
Qu'on retabliroit la Religion CathoHque dans les lieux d'où l'exer-
cice en avoit été chaffé par la guerre , ce qui fè feroit fans fraude ,
&fans préjudice de la Reformée ^ Qu'on donneroit l'exercice aux
Reformez dans les villes de l'obeiflànce du Roy , parce que \x guer-
re ne permettoit pas qu'ils s'afîemblafïènt en fureté à la campagne j
à quoy néanmoins le Roy donneroit ordre félon les lieux -, Que
quand Madame fœur du Roy feroit à la Cour, l'exercice de la Reli-
gion Reformée s'y feroit dans fa maifbni& en fon abfence feulement
dans les familles des Seigneurs , entre lefquels on comptoit nom-
mément le Duc de Bouillon, la Trimouiile, Rohan, du Plelfis,
avec cette refèrvation néanmoins qu'on n'y chanteroit point les
Pfeaumes -, Qu'on le feroit auffi à l'armée, foit que le Roy fut pre-
fent ou abfent, chez les Capitaines de Gendarmes, & Meilres de
Campj Qh!^^^ nepourroit préjudicier aux articles dont on conve-
noit par aucun ferment fait ou à faire j Qu'on aifùreroit un fond
O 3 pour
iio HISTOIRE
7 < o 2. pour l'entretien des Pafteurs , fuivant les rôUes certifiez par les Pro-
vinces, &qu*on en feroit Pemploy fur l'Etat fous le nom de Ma-
dame î Que les legs & les donations qu'on feroit aux Eglifes & aux
pauvres feroient valables > &que les Reformez feroient reçus à en
pourfuivre le payement par les voyes ordinaires i Que les enfans
àçs Reformez feroient nourris dans la Religion de leurs pcres &
mères , quand même les pères & mères ne l'auroient pas ordonné
par teflament. On ajouta verbalement à tous ces articles qui fu-
rent écrits , que les Reformez pourroient bâtir & renter des Collè-
ges pour rinftruftion de leur jeuneflè.
Tterati- Les Commifiàires Reformez firent employer un article contre les
l'rTie""' ^î'i'ocns, fous Ic prétexte defquels on auroit pu éluder toutes les
ferment promcflcs qui Icur auroicnt été faites -, parce qu'ils favoient bien
fre^'fJ's ^"^ ^^ ^^y devoit prêter celuy de l'Ordre du S. Efprit, & que
Efi>rit é' quand il pourroit fe faire facrer, on luy en feroit faire un autre,
4u Sacre, quji l'obligcoit à exterminer les Hérétiques. De même ils firent
confentir, que le fond defliné pour l'entretien de leurs Pafleurs fe-
roit employé fur l'Etat fous le nom de Madame , parce que les Ca-
tholiques fe faifoient une grande affaire de foutfrir , que les Etats
d'un Roy très-Chrètïen fuiîènt chargez de l'entretien des Minif-
tres de Vherefie. Mais quand on communiqua ces articles aux Dé-
putez des Eglifes , ils n'en furent pas contens pour deux railbns
principales. L'une étoit, qu'on ne pourvoyoit pas à la juflicc
qu'ils demandoient qui leur fiit rendue comme aux Catholiques :
au lieu que les Parlemens& les autres Juges leur faifoient de gran-
des injuftices tous les jours dans les affaires civiles? &de grandes
cruautez dans les affaires criminelles, comme fi laprote£tion des
loix & du droit commun n'avoit pas été pour eux. Joint que la
refiitution de l'Edit de 15 77. qui ferabloit pourvoir à cela, ne les
guerifibit pas de la crainte qu'on ne les privât de fbn effet, parles
mêmes fraudes dont ils avoient fait l'efîày fous le Règne de Hen-
ri III. L'autre écoit , qu'ils ne trouvoient pas fuffifàntes les fure-
tez qu'on leur donnoit contre l'animofité des Catholiques > dont
ils avoient un exemple nouveau dans la pafîîon des Commifïàires qui
avoient traité avec le Maréchal de Bouillon & du Pleflîs. Elle avoit
paru par toutes leurs démarches précédentes, mais encore plus par
les conteftations aigres & injuftes qu'ils avoient formées lùr tous les
articles du Cahier. De forte que le fouvenir des cruautez & des
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. III. m
perfidies paflees, ne permettoit pas aux Reformez de s*^affôrer fur i ^-,03.
Ja bonne foy de ces ennemis y dont rien ne refroidifîbit la haine.
Ils firent donc leurs remontrances au Roy fur Tinfuffifance des ar-
ticles qiri leur étoient accordez : mais ce fut inutilement. Le Con-
seil ne permit pas qu'on ajoutât rien aux chofes dont on étoit con-
venu i & le Roy qui avoit à (e ménager plus que jamais avec les
Catholiques , n'ola leur donner le chagrin de voir les Reformez Les Kt.
contens. Il fallut donc que les Députez des Eglifes fe rctirallènt , ■^^'''"^*'
comme pour rendre compte de leur négociation à leurs Commet- tens7û
tans : & ils emportèrent dans leurs Provinces les articles accordez , ^''"i'^ '*'
fans les accepter ni les refufer , comme pour en délibérer plus am- temni'r.e-
plement avec leurs frères. ^« »-<■/«-
Ileftvrayque le Roy leur donna permifïïon de faire des afîcm-^^*^.
blées Provinciales, pour y faire le raport de leur Deputation > Sc^i"sper^
pour fc préparer aune afièmblée générale, qu'ils tinrent à Sainte '"''*■'*
Foy l'année fuivante. Ils obtinrent aulîî la liberté d'aflèmbler un Sy-
node National pour régler leurs affaires Ecclefiaftiques , qui étoicnc
en quelque confufion. Mais ce qu'il y eut de plus favorable pour union
eux , fut que fous les yeux & avec l'approbation du Roy , ils re- !^2^"
nouvellcrent à Mantes l'Union des Eglifes , pour vivre & mourir avec
dans la manutention & defenfe de leur Confcflion de foy -, comme ^!''^^''°',
ilsl'avoient dêjàplufieurs fois jurée aux aflem blées de Nimes, de RcyT
Millaud , de Montauban & de la Rochelle. Mais ces précédera fer-
mens avoient été faits Cous l'autorité d'un Protecteur de leur Reli-
gion: celuy de Mantes fijt le premier qu'ils firent fous le bon-plai*
îir d'un Roy qui s'étoit rangé à la Communion contraire. Du Plel^
fisleurinfpirace deffein y & leur confeilla de le faire entendre au
Roy. Ils le firent , &leRoyfoit qu'il fuivît en cela fcs inclina-
tions, qui au fond leur étoient favorables, foit qu'il jugeât qu'il
n'écoit pas tems de le trouver mauvais, non feulement leurpermic
de renouvelicr leur Union, mais les y exhorta même, comme à
une chofe nccefiaire pour leur confervation : & ne leur dit rien
qui pût donner lieu de penfer qu'il crût leur ferment contraire à
fon fen^ice. Aufii employoit-on toujours cette cîaufe dansles ac-
tes de l'Union, qu'elle fc hifoitfoiis Metffance^u Roy, & fans
fè départir de la fidélité qui luy étoit due. Il auroit été malaifé »
je l'avoue, mais d'ailleurs iln*auroit pas été jufle de s'oppofer à
une telle Union >. puis qu'ca effet empêcher des gens de s'unir &
de
112 HISTOIRE
i<o5 defe confederer pour leur propre confcrvation , quand ils ont des
ennemis redoutables} ce ne feroit rien autre chofc que leur décla-
rer formellement qu'on les veut détruire. Ainfi cette Union des Egli-
{cs dont on a fait tant de bruit, & quiaièrvide prétexte à Louis
XIII. pour opprimer les Reformez , fut dans fon origine égale-
ment innocente &: neceflaire : puis que le droit naturel de travail-
ler à fa propre confcrvation en fondoit la neceflité , & qu'à caule
de l'approbation & même de l'exhortation du Roy qui l'autorilc-
rent, elle étoit légitime & irréprochable.
jiritfifes Cela n'empêcha pas que pendant qu'on tenoit à Mantes les De-
pourcor- putezdes Reformez, on ne tâchât à force d'intrigues d'en debau-
/eri£»/- cher quelques-uns, ou pour mettre la divifion entre eux, ou pour
P'i' colorer le changement du Roy par quelque nouvelle prévarication
des Miniflres. On y avoir préparé les chofcs , en faifant tomber en
quelques Provinces la Deputation fur des perfonnes qu'on croyoit
fenfibles aux promefles de la Cour. Rotan Miniftre célèbre fut
(bupçonné d'avoir donné les mains à ces artifices, foit qu'on l'eût
en effet charmé par l'efpcrancc de quelques bienfaits , foit qu'il
feignit d'y entendre pour fe faire députer-, parce que cette com-
miflion étoit alors afîèz importante, pour faire honneur à ceux à
qui on la donnoit. On ouvrit donc une conférence, où du Per-
ron entra comme afTûré de la victoire , par la collufion de Ion ad-
vcrfaire. La difpute roula fur la fuffifance de l'Ecriture , & fur
l'interprétation du i6. verfet du ^. Chapitre de la IL Epîtrcde S.
Paul à Timothée. Mais Rotan n'ayant pas ofé , ou par honneur
ou par confcience , être aufîl lâche qu'on difoit qu'il l'avoit pro-
mis, feignit une maladie, qui le tira d'embarras. Beraud Mini-
ftre de Montauban prit fa place : mais la conférence n'alla pas loin >
quand on vit qu'il n'y avoit plus rien à efperer de la fraude concertée
avec Rotan. Le Clergé trouva moyen de la rompre , fans qu'il
parût la fuïr: & de leur côté les Miniftres s'offrirent à la recom-
mencer toutes les fois qu'on leur en donncroit l'occafion. Mais
parce que ces offres n'empêchèrent point le Clergé de fe vanter
d'avoir fait reculer les Mmiftres , Beraud & Rotan firent ap-
prouver au Synode National qui fe tint à Montauban l'année fui-
vante , ce qu'ils avoient fait à la conférence. Beraud fit paflér
Rotan fous fon ombre : & cette approbation étoufa le foupçon
qu'on avoit eu de la collufion de celuy-cy avec les adveriaircs. Et
pour
DE L'-EDIT DE NANTES, Liv.III. n^
j)Our montrer qu*on ne craignoit point les Evêques, le Synode icoj.
nomma vingt & une perfonne de fon corps, qu'elle autorifad'en
choifir douze pour continuer la conférence, quand les Catholi-
ques la voudroient reprendre. Il y avoit trois Minillres étrangers
dans le nombre de ces éledcursj un de Genève, un d'Angleter-
re, & un de Hollande.
• Le départ des Députez mit fin à ces dangereufès intrigues : mais
aulïï-tôt les Reformez fe trouvèrent attaquez par de nouveaux
artifices. On envoya dans les Provinces des ordres fccrets , pour
empêcher que les Miniftresne parlaflênt trop fortement dans leurs
Sermons contre le changement du Roy , & on leur défendit de
Tappeller une révolte. Ainfî pendant que d'un côté on ache-
toit à deniers comptans les fiiffragcs de quelques Prédicateurs de
la Ligue , pour les obliger à parler avantageufement dans leurs
Chaires de la converjïon du Roy > on en failbit à peu près autant
de l'autre pour fermer la bouche aux Miniftres, & pour les obli-
ger à parler modeftementde la mêmecholè. Cela tendoit à faire
que le peuple Reformé entendant parler avec tant de modération
de cette adion de fon Prince , fût plus aifément difpofé à l'imiter.
D'ailleurs il s'éleva une foule de conciliateurs de Religion, qui re- ^ejfein
gardant les accommodemens comme fort propres à flatter lacon- '^Vn-'*'-
icÏQncG. du Roy , afpiroient par ces lâchetez aux rccompenfcs &
aux penfions. Il y eut des Miniflres qui s'entêtèrent de ces con-
ciliations j mais ce qu'il y eut de plus furprenant , ce fut qu'une
Province entière donna dans ces projets illulbircs , & ofà charger
fes Députez d'en porter la proposition au Synode de Montauban.
Ces artifices gâtèrent beaucoup d'efprits , & donnèrent bien de
l'exercice aux perfonnes lages & fidèles, qui vouloient conferver
les avantages de la Religion & les droits de la confcience, iàns
troubler la paix des Eglilès.
D'un autre côté IcvS négociations où le Roy entroit avec le Pa-
pe donnoient de nouvelles alarmes aux Reformez , qui crai-
gnoient de payer les dépens de la réconciliation de ces deux Vmù
iànces. Le Duc de Nevers, envoyé à Rome , fembloic propre
à terminer bien-tôt cette aftàire -, parce que comme zélé Catholi-
que &: Italien d'origine il devoir être agréable au Papc> & comme ^'"■''*
afFetlionné au Roy , il pouvoir avoir foin de ks intérêts. Il y n'ohTtnt
travailla en effet avec une grande application, & parla au Pape rtenk
Tome I. ^ P ^^^ • ^ d'u- ''""'•
114 HISTOIRE
Ï5P3- ^'""^ manière tendre & preflànte : mais il ne gagna rien par ÙS
inftances. Le Pape croyoit la Ligue encore aîîèz forte pour te-
nir longtems contre les armes du Roy : & i'elon les maximes de
Rome il demeura inflexible, tant qu'il crut qu'on ne pourroit
fe pafîcr de luy. Le Duc de Nevers à trouvé à-propos de confèr-
ver dans fes Mémoires , une marque du peu de connoifîànce qu'on
a de l'Evangile dans cette Cour, où néanmoins le nom de la Re-
ligion fert de prétexte à toutes chofes. Il raporte qu'un jour qu'il
remonrroit au Cardinal de Tolède , combien il étoit jufte que le
Pape reçût favorablement les avances du Roy qui le recher-
choit, puis qu'il fcroit obligé à l'imitation du bon Pafteur qui
court après la brebis égarée, de rechercher luy-même ce Prince,
quand même il feroit encore dans l'égarement -, ce Cardinal , un
des plus habiles & des pi us célèbres du Collège, luy repondit qu'il
n'étoit pas de la dignité de Jesus-Christ de courir aprèsles dé-
voyez : & continuant le même difcours , il nomma l'Apôtre S.
André comme ayant eu part à une chofe que l'Evangelifte Saint
Jean attribue à Saint Philippe : de quoy le Duc > qui en favoit
plus que luy, ne fit pas difficulté de le reprendre.
Ces rigueurs du Pape , & ce mauvais fuccés du voyage du Duc
de Nevers , qui avoit eu le chagrin de voir qu'on ne failbit que
rire à Rome des malheurs de la France > & en prefence de qui
ce même Cardinal avoit ofé dire, en fbûriant de la peinture
qu'il luy en faifoit , qu'il ne fàvoit qu'y faire : tout cela , dis-je >
ne manqua pas de haufîer le cœur à quelques Reformez , & dc
leur donner l'efpcrance de voir arriver un Schifme dont ils pour-
roient profiter. Mais ceux qui avoient plus de connoifîànce dc
la Politique Romaine en jugèrent autrement -, & crurent que
tputes ces difficultez ne fe failoient que pour mettre à plus haut
prix la reconciliation du Roy, &: pour tirer de luy de plus avan-
tageufes conditions; entre lefquellcs ils craignoicnt fort qu'on
ne mit, comme une des principales, ladeftruétion des Hérétiques..
Il eft vray que le Roy avoit chargé le Duc de Nevers de faire
connoître au Pape, s'il étoit capable d'entendre raifbn , que
dans l'état prefent des affaires, il ne falloit l'obliger ni à dé-
truire les Reformez, ni à promettre de le faire un jour, parce
qu'ils étoient afïèz forts pour fe défendre , & qu'ils avoient afîèz dc
bonnes places pour fe cantonner. A caufe de quoy il demandoit que
le
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. III. 115
fe Pape trouvât bon 5 qu'on prît quelque tempérament convenable I5'93«
pour l'avantage de la Religion Catholique , fans parler de détrui-
re laReformée. Pifàni qui avoit fait le voyaye d'Italie avant le Duc,
avoit été chargé aulîi des mêmes inftrufbions. Mais les Refor-
mez n'ignoroient pas les artifices de la Cour de Rome, qui prend
fes mcfurcs de loin pour venir à Ton but, qu'elle ne perd jamais
de vûê. Le Pape même s'expliquoic aflèz clairement fur ce fujet,
& quoy qu'il eût affcdé de ne repondre rien de pofîtif au Duc de
Nevcrs , quand il luy demandoit ce qu'il vouloit que le Roy fit
pour obtenir fon abfolution i il n'avoit pas laifîe de luy dire, pour
ie défaire de (es inftanccs, qu'il falloit que le Roy fit le contraire
de ce qu'il avoit fait jufques à prefcnt. Les Reformez enten-
doient bien le fens de ces paroles. Elles n'étoient pas obfcures crAiutet
pour ceux qui favoient avec quelle pallîon la Cour de Romeî«*^'*
avoit travaillé, & travailloit encore par toute l'Europe à ruiner les ^/'"^^'
Proteftans : ils voyoient bien que le Pape vouloit dire, que le Roy ^f^Roy
qui jufqu'à prefent avoit été le Protefteur des Reformez, àcvoitfJ^J^'
déformais les perfecuter & les détruire. Ils étoicnt d'ailleurs bien //Jr^
informez qu'on donnoit divers confeils au Roy pour le détourner ■^'"''"'**
de les fevorifcr^ & qu'on luy reprefentoit fans ceflc quec'étoitlà
l'unique moyen de ramener tous les Catholiques à (on fervice, &
de mettre le Pape dans (es intérêts.
Cependant la trêve que le Roy avoit faite avec les Chefs de la Trévt
Ligue auflî-tôt après fa converjïon , fous prétexte de réunir lesef- /"«i»/^-
prits , &: de les defaccoutumer de la guerre , finit avec l'année. On 'Z^J
ravoit faite d'abord pour trois mois, &: en fuite on l'avoit conti-
nuée. Les Reformez du Confeil s'y oppoferent tant qu'ils purent >
& tâchèrent de faire connoître au Roy que cette trêve feroit la ruine
de (es affaires j parce qu'elle retardcroit les bonnes intentions de
ceux qui panchoient à fe remettre dans l'obeïfîànce j & qu'elle
donneroitaux Chefs de la Ligue le temsde raffûrerleur partyqui
s'ébranloit -, & l'occafion de traitter plus avantageu(èment avec les
Efpagnols. Mais cet avis étoit rejette comme un effet du defcf-
poir où la paix devoit mettre les Reformez, qui trouvoient plus
de fiireté pour eux dans la continuation de la guerre. Le tems fit
voir néanmoins que leur con(èil étoit utile & defintere(ré. Les
Chefs particuliers de la Ligue demeurèrent joints au tout pendant
que la trêve duraj efperant qu'ils obtiendroient tous enfemblcde
y^ P 2 meil-
ciaéle ati
îi^ HISTOIRE
15P4. meilleures conditions que chacun à part : Se les principaux en
abufcrent pour tirer plus de iecours des Efpagnols , qui ne vou-
loient pas que les troubles iinîflent dans le Royaume. Le Roy
donc publia une Déclaration , oii il rendoit compte des raifons qu'il
avoitdene continuer plus une trêve H préjudiciable à (es intérêts.
Reduc- Lçg chofes changèrent aufli-tôt que la trêve fut finie j & la plii*
Mea»x part des villes firent leurTraitté. Meaux fut la première qui fe re-
à'^" mit dans Tobeiflànce , à l'imitation de Vitri fon Gouverneur,
v"ie7. Elle tira de grands avantages de fa réduction, & l'Edit qu'on luy
donna fervit comme de modèle à tous les autres de même nature.
ciaufes Toutes CCS reduftions donnoient de nouveaux ombrages aux
Trahtez Reformez , contre les libertcz de qui on inferoit toujours queU
qui font qnQ claufe dans les Traittez des Gouverneurs & des villes. Les
i^Hx^Re" articles même qu'on avoit arrêtez à Mantes, fe trouvoient prefque
formez, tous violcz par CCS nouveaux Edits -, & les Reformez après ces in-
fractions fe trouvoient à recommencer. Toutes les villes ne mon-
trèrent pas une avcrlion égale pour eux j mais elles s'accordèrent
toutes à demander qu'on n'exerçât dans leur enceinte nulle autre
Religion que la Catholique. Meaux fe contenta d'exclure de fcs
murailles & de fcs fauxbourgs l'exercice de la Religion Refor-
mée. D'autres le firent exclure de leur banlieue. Plufieurs le fi-
rent réduire aux bornes de l'Edit de ifj/. de peur que les fervit
ces des Reformez ne leur firent obtenir une liberté plus étendue.
Plufieurs demandèrent l'cxclufion de l'exercice des Reformez de
toute la juridiction de leur Bailliage. Quelques-unes y ajoutè-
rent la peine de la vie pour ceux qui y contreviendroient. Pa-
ris fit reculer à dix lieiies à la ronde l'exercice que les Reformez
defiroient. Villars le fit bannir de Rouen , & de toutes les vil-
les & places qu'il remit dans l'obeiiîance du Roy , & fit ajouter ,
qu'il n'y feroit reçu ni Juge ni Officier qui ne fût Catholique, &
qui ne vécût félon les conftitutions de l'Eglife Romaine. Mais
pour adoucir cette claufe rigoureufe , on y ajouta que cela dure-
roit jufqu'à ce que le Roy en eût autrement ordonné. Poitiers
outre l'exclufion de l'exercice de la ville & des fauxbourgs, &
de tous les lieux oii l'Edit de 15 77. ne le permettoit pas, deman-
da le retablifîement de la Religion Catholique en divers lieux de
Poitou. Agen fit hmiter la banlieue à demilicûe à la ronde, où
l'exercice de la Religion Reformée ne fe pourrait faire. Amiens
te
DE L'EDIT DE NANTES, liv. III. 117
Je fît défendre dans la ville & dans tout le Bailliage, fans rcferver j ^ 94^
TEdit de 1577. Beauvais obtint qu'il nefèpourroïc faire qu'à trois
lieiies à la ronde , & dans le reite du Bailliage , qu'aux lieux où il s'é-
toit fait du vivant du feu Roy. S. Malo fut traittéde même. Les
villes & les Seigneurs qui revinrent plus tard à leur devoir fuivi-
rent l'exemple des autres , & tirèrent tout ce qu'ils purent du Roy
contre la Religion Reformée.
Quelques-uns de ces Edits furent publiez, avant que les Refor-
mez eufîènt forme rafîèmblée qu'on leur avoit permis de tenir à
Ste. Foy. De forte qu'ils eurent le loifirde voir ce qu'ils dévoient
attendre delà reconciliation de leurs anciens ennemis avec le Roy,
& de fe confirmer dans la crainte de voir pacifier le Royaume à
leurs dépens. Ils virent même des villes, qui ayant toujours te-
nu le party du Roy , réveillèrent leur zêlc à l'exemple des villes Li-
gueufes -, & prétendirent que leur fidélité ne devoit pas les priver
des avantages qu'on accordoit aux rebelles ; d'oii elles tiroient
cette confequencc, qu'on ne devoit pas les contraindre à fouffrir
l'exercice de la Religion Reformée, puis qu'on en dechargeoit
celles qui avoient été fi longtcms armées contre le Roy. Mais
les alarmes des Reformez accrurent encore par la cérémonie du
Couronnement du Roy, qui fuLçelebrée à Chartres, parce que
Rheims étoit encore entre les mains de la Ligue. Le Clergé qui
n'a jamais oublié fes intérêts dans les cérémonies de cette natu-
re, qu'il a introduites par ambition plus que par necefliré, a infé-
ré une claufè dans le ferment qu'on fait alors prêter au Roy, ou
on l'oblige par des paroles fort expreiîes à exterminer Thcrefie.
Oii luy fait dire , après quelques autres choies qui regardent la Jufti-
ce & la tranquillité publique. Je tâcherai à mon pouvoir en bonne sermim
foy de chajfer de ma juridt£îion & terres de 7n a fujettion tous He- '^>* sacre,
retiques dénoncez par l'Eglfe. Les Reformez favoient bien quel-
le part ils dévoient prendre à cet article du ferment, eux que ce que
les Catholiques appellent /'^///J avoit fi fouvent dénoncez j eux
contre qui les Papes avoient excité de fi cruelles perfecutions > &
à qui les Catholiques François , même ceux du party Royal , don-
noient tous les jours le nom odieux 6. Hérétiques. Mais on le-
va une partie du foupçon que cette cîaufe pouvoir donner, en
accordant aux Reformez un Brevet, où le Roy les afTùroit que ce
n'étoit pas d'eux (^u'il avpic voulu parler dans ce ferment: & on
P 3 avoit
ii8 HISTOIRE
1 5*04. avoit en quelque forte préparé le remède à cette crainte, par un
article de ceux dont on étoit convenu à Mantes.
Tuifanee \Jnç autrc caufe de défiance fut la faveur où les Jefuïtes entre-
f' ^'' rent preu après que le Roy eut changé de Religion , & fur tout
après la redudion de Paris. Le Cardinal de Bourbon avoit entre-
pris de les établir malgré les oppositions de PUnivcrfité: le Duc
de Nevers les appuyoic de tout fon crédit : beaucoup de Seigneurs
les protegeoient hautement. Une partie du Parlement étoit dans
leurs intérêts. Le Roy même , à qui on faifoic tout faire en vûë de
fléchir le Pape, les favorifoit. Leur caufe fut plaidéepour & con-
tre y les droits de TUniverfité furent (butenus avec une extrême
véhémence. Arnauld fon Avocat , s'étendit beaucoup fur l'inclina-
tion toute Efpagnole de cette Société , dont le Fondateur avoit fait
un vœu de haine immortelle contre la France : & dont il fit voir
combien la puiflànce étoit déjà redoutable. Elle s'ctoit accrue
en cinquante ans jufqu'à neuf ou dix mille hommes j elle avoit
déjà deux cents vingt-huit maifons j deux millions d'or de reve-
nu i de grandes Seigneuries j des Cardinaux dans (on Ordre : &
cela faifoit aiîcz connoître qu'elle devoit ce rapide accroiflement
à fon génie remuant, avare 6c ambitieux. Mais il parut dès lors
qu'elle avoit déjà beaucoup de crédit en France, puis que leur
caufè fut plaidée à huis clos de peur de fcandale. C'eft-à-dirc
que ces fins Politiques empêchèrent par le moyen de leurs amis ,
qu'on ne leur dît leurs veritez dans une Audience publique: d'oii
les fages pouvoient apprendre qu'il commençoit à ne faire pas
fur de les ofFenfer. \^ç:s Reformez regardoient l'étabhflcment
des Jefuïtes comme un mauvais prelàge pour eux , parce qu'ils
étoient leurs ennemis jurez > nez exprès pour s'oppofer à la Re-
formation 5 & les inftrumens ordinaires de toutes les perfecutions
qu'on leur avoit fulcitées. D'ailleurs la Société étoit toute Efpa-
gnole d'affedion -, & par confequent engagée à perfècuter les Re-
formez, de quil'Efpagne recherchoit la ruine par tous les efforts
de fa Politique. Mais cette terreur n'alla pas loin. L'affaire ne
fut point vuidée i & avant que l'année finît il arriva Aç;^ choies 9
qui donnèrent aux Jefuïtes d'autres intrigues à démêler.
injuflkes On continuoit encore à refiifer aux Reformez l'entrée des Char-
faites ge5 ^ (jes emplois : & il y avoit des Catholiques fi peu équitables
form/z.' &t ce fujet, qu'ils auroient mieux aimé voir perdre une place au
Roy,
DE L*EDIT DE NANTES, Lir. III. up
Roy , que de fouffrir qu*un Reformé en eût le Gouvernement. i<o4^
D*0 difoit tout haut, qull valoit mieux que le Câteict , place fron- '
tiere de Picardie, fût pris par les Efpagiiols, que d'en donner la
garde à un Reformé, parce qu'il feroit plus aifé de le reprendre fur
leRoyd'Efpagne, que d'en chafTer un Capitaine de la Religion,,
que le Roy qui fe fioit aux perfonnes de ce party feroit bien aife dV
maintenir. Mais ce qui rcndoit les Reformez plus fenlibles à Tin-
jurc de ce refus, étoit que pendant qu'on les privoit des moindres
Offices, on donnoit les premières Charges de l'Etat aux Ligueurs,,
qui les demandoient pour fe remettre dans l'obeiflance: comme il
la rébellion avoit donné plus de droit furies plus confidcrables di-
gnitez, que les longs fcrvices & la fidélité à l'épreuve n'en don-
noient fur les moindres. A Tours même on faifoit prêter ferment
à ceux qu'on recevoit Greffiers ou Notaires, de vivre & de mourir
dans la Religion Catholique > à faute de quoy l'Office étoit déclaré
vacant & impetrable. Cette inégale dillribution des recompenfes
ofïenfoit mortellement les Reformez , qui voyoient avec douleur
que les Parlemens cnregîtroient fans difficulté les Lettres d'^Amiral
ou de Maréchal de France,, qu'on accordoit aux Chefs des rebelles^
& qu'ils ne vouloient pas recevoir un Huiffier ou un Procureur de la
Religion Reformée, fans le faire jurer qu'il vivroiten bon Catho-
lique. Il y avoit plus encore : on ôtoit aux Reformez leurs Gou^
vernemens & leurs places , & c'étoit même quelquefois pour les
donner à leurs ennemis. On imaginoit divers prétextes , ou pour
les empêcher de fortifier les lieux qu'ils tenoient, ou pour leur faire
croire que la garde en étoit inutile. On leur ôta Valoo-nes en Nor-
mandie , fous ombre qu'il n'étoit plus necefîàire de la garder , parce
qu'on avoit rafé deux ou trois Forts inutiles aux environs. On par-
loit de démolir toutes les places qui tenoient Poitiers bloqué , auffi-
tôt qu'on auroit réduit cette grande ville. On avoit privé le Baron de
Courtomer du Gouvernement d'Argentan , pour mettre Médavi en
fa place : & ailleurs on donnoit d'autres femblables fujets de plaintes.
Le Roy pourappaifer les murmures que ces injufticesfaifoient naî-
tre, payoit les Reformez de la Parabole de ce jeune homme, au
retour de qui , après une honteufe diffipation de ks biens , £bn
pcre fit tuer le veau gras , pour fe réjouir de fà repentance. Mais ils
repondoientà cela , qu'on devoit au moins les traiter comme le fils
qui avoit toujours été fidèle, & à qui le père difoit, Monf/s toits
mes
120 HISTOIRE
IC94. fnes biens font à toy: que fî on vouloit faire profufion des biens de
la maifbn en faveur du débauché pour le rapeller , il étoit neceflàirc
au moins d'en faire part à celuy à qui on étoit obligé de dire , Mon
fils tu as toujours été avec moy : qu'au moins il ne falloit pas facri-
fier le fils obeïfîant au retour de Tautre j & le dépouiller de Tes droits,
pour les conférer à celuy qui avoit foulé aux pieds l'autorité de Ion
père.
Outre ces affaires générales , il en arrivoit d'autres particulières
en divers lieux , qui pouvoient poufîcr à bout la patience àts plus
fages. Le Lieutenant Civil de Paris rendit une Ordonnance qui con-
damnoit les Reformez à faluër les Croix , les Images , les Banniè-
res , les Chafîès , quand ils les rencontreroient dans les rues. Cela
paroiflbit de conlèquence , parce qu'il s'étoit fait comme fous les
yeux du Roy , qui fembloit l'autorifcr puis qu'il ne Tcmpêchoit pas.
Une Ordonnance des Juges de Lionchafîbitdelaville&dela juri-
^ didtion à peine de la vie , ceux qui ne vouloient pas profelTèr la Reli-
gion Catholique. Le Parlement de Rennes defendoit à peine de
punition corporelle de vendre, lire ou tenir des hvres à l'ufàgede
la Religion Reformée. Celuy de Bourdeaux avoit donné un Arrêt
qui autorifoit de déterrer les corps des Reformez , qui avoicnt été
enterrez depuis quinze ans dans les Eglifes ou dans les cimetières
des Catholiques. Les reglemens pris avec les gens qui manioient
les Finances pour le payement des Miniftres , étoient demeurez
fans effet. Les Chambres qu'on avoit promifes pour rendre la Juf^
ticc en Guyenne & en Languedoc , ne s'établiffcicnt point , quoy
que les Parlcmens de Bourdeaux & de Thouloufe fulîènt pafîion-
nez contre les Reformez jufqu'à la fureur. A Orléans on avoit
depofé les Officiers déjà reçus. A Rouen le Parlement faifoit ab-
jurer publiquement les Procureurs & les Avocats , avant que de
leur permettre de poftulerou de plaider: & à Tours même le Par-
lement, avant que de retourner à Paris, avoit fait faire abjuration
à un Aflefîèur de Saumur, avant qued'enregîtrer fcs Provifionsi
ce qui étoit d'autant plus étrange , que Saumur étoit une ville de
fureté.
curane- Entre les Seigneurs de la Religion, il yen avoit qui prenoient
resdes peu dc part aux affaires de leur party. Lefdiguieres ne fe mêloit
^flux' c^ue de luy-même dans leDauphiné, oijil étoit tout-puifîant. Ses
Mor- mœurs étoient mal rcdées, & fa vie étoit peu édifiante. Il étoit
mez.
avare>
DE VEDIT DE NANTES, Liv. III. 121
avare , ambitieux & débauché : & il étoit joint aux Reformez par la i ^ g a
profeflion extérieure, plutôt parce que la Religion avoit été la fource
de fa fortune,que parce qu'il avoit de la pieté. On propofa de marier
fà fille unique avec la Trmiouille, ou avec le Maréchal de Bouillon ,
ce qui auroit fort avancé les affaires des Reformez : mais la Cour
empêcha cette alliance > &peu après Lefdiguieres luy fit époufer
Crequi, zélé Catholique. Rôni n'étoit pas moins froid fur la
Religion. Il étoit de ces efprits forts , qui fe mettent au deflus de
tout quand il s'agit du fervice de Dieu : de forte que fa Religion
n'avoit que des apparences -, encore étoient-elîes fort fuperficielles.
Il y avoit des Gouverneurs & de Province & de Places qui éroient
à peu près du même caradere, & qui s'ils étoient au fond perfua-
dez que leur Religion étoit bonne, avoient néanmoins des enga-
gemens fi forts avec la Cour , qu*il n'étoit pas vraiiembîable qu'ils
vouluffent rompre avec elle pour le fervice de leurs Frères. Mais
il y en avoit plufieurs autres qui prenoientlcs chofesplus à cœur,
& qui faifbient tous leurs efforts pour empêcher qu'on ne fit tom-
ber les Reformez dans quelque piège fous prétexte de bonne fovj
& qu'on ne leur fit perdre l'occafion d'aflîirer leurs peribnnes &
leurs exercices. Le Maréchal de Bouillon étoit le plus autoriféi c'étoit
un Seigneur de grand mérite & de grande ambition. Il étoit en ré-
putation d'homme de tête dans le cabinet, & de grand Capitaine
à la campagne i en crédit auprès des Princes étrangers, & capable
d'être Chef de party. Ses biens étoient confiderabîes, & il avoit
des Places importantes entre les mains j fur tout celle de Sedan,
qui luy appartenoit à ce qu'il difoitpar le tefiament de fa femme,
morte depuis peu fansenfans, étoit de confequence , parce qu'elle
po u voit fer vir de porte aux armées étrangères, pour entrer dans
le Royaume. La Trimouiîîele fuivoit de près, & la concurren-
ce n'avoit pas mis entre eux de jaloufie qui les empêchât de ten-
dre au même but. Ils s'unirent même dans la fuite par une al-
liance plus étroite , parce qu'ils épouferent deux fœurs du Prince
Maurice , à qui les Provinces Unies avoient donné une partie du
pouvoir que Guillaume fon père avoit exercé jufqucs à la mort.
La Trimouille étoit jeune, brave, ferme, hardi, franc, géné-
reux-, puifiânt dans le Poitou , & traînant après luy une grande
fuite de Noblefie. La Cour l'accufbit d'aimer la brouillerie, & d'ê-
tre entêté : m.ais d'autres luy rendoient témoignage d'entendre
Tome I. Q^ rai-
122 HISTOIRE
l 15P4. raifon , Se d'être capable de confeil -, & le regardoient comme un
homme dont les qualitez étoient grandes , & le naturel heureux -,
& qui n'avoit befoin, pour être un héros, que de femcurir par
un peu d'âge & d'expérience. L'honneur de voir le Prince de
Condé, Ton neveu, prelbmptif héritier de la Couronne , parce
que le Roy n'avoit point d'enfans légitimes , & qu'il étoit irré-
conciliable avec la Reine Marguerite de Valois fa femme , hauf-
foit le cœur à la Trimouille , & le faifoit regarder avec plus de ref-
pe6l par les Reformez , qui ne defefperoient pas de le voir un jour
le Gouverneur de leur maître : mais d'ailleurs cela le rendoit fuf-
peft ôc odieux à la Cour , où on craignoit fon génie. On y prit
fort mal quelques démarches qu'il fit à S.Jean d'Angeli, où on
élevoit le Prince de Condé > & dont je dirai la raitbn ailleurs.
La manière vive & couragcufe dont il appuya les affaires des Re-
formez dans la fuite le rendit encore plus fufpedt. Le Roy le
^ haïfîbit , parce qu'il en croyoit être meprifé , quoy qu'il en eût
^ reçu de grands fervices : & quand il luy échapoit quelque paro-
le qui avoit l'air menaçant, on ne manquoit jamais de la pren-
dre en mauvaifepart, parce qu'on le croyoit capable de plus que
de m.enaccr.
Ces deux Seigneurs communiquoicnt leurs défiances aux au-
tres, & leur reprefentoient la facilité du Roy, les rufès de Ro-
me, la haine des Ligueurs reconciliez , qui montroient tous af^
fèz par les articles de leurs Traittez, le defir qu'ils avoient de ré-
duire toute la France à une feule Religion. Il y avoit un allez
grand nombre de Seigneurs, de Gouverneurs de Places, de Capi^
taines , de perfonnes autorifées qui avoient les mêmes terreurs , &
dont quelques-uns ayant vu le temsdes mafiacres & des perfidies,
■ ne doutoient point qu'on n'eût defîèin de détruire la Reformation,
aufîi- tôt qu'on en trouveroit l'occafion favorable. Les Catholi-
ques faifoient l'honneur à ceux de ce caradlere de les appeller
brouillons -i comme fi des gens à qui on avoit fi fbuvent manqué de
parole , avoient eu tort de fe défier de ceux dont ils avoient tant
de fois éprouvé la mauvaife foy ; & de prendre des furetez con-
tre leurs mauvaifes intentions. Du Plefiisquitenoit à la Religion
par la confcience, étoit des plus zêlez pour fon établiilèment : & une
grande partie des affaires qui tcndoient là fe traittoient par fes
confeils. Mais comme il étoit d'une probité reconnue, le Roy
ne
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. III. 125
ne laiflbit pas de prendre confiance en luy , & de fuivre Tes avis i cnj
en beaucoup de chores , parce que Ces ennemis même les recon-
noifîbient prudens & finceres , quoy qu'ils fufient Ibuvent pleins
dehardieffe &de liberté. C'étoit luyquireùnifToitles efprits que
la jaloufie pouvoir divifèri quiappaifbit ceux qui étoienctrop agi-
tez; qui arrêtoit ceux qui alloient trop vite j &qui donnoirpref-
que tous les expcdiens propres à procurer le bien des Egli fes ,
fans manquer à TobeifTance. Il n'y eut perfonne qui travaillât
tant que luy à faire prendre patience aux Reformez , pendant
quatre ans de négociations, où leur fidélité futmife à de cruelles
épreuves par les durerez , les longueurs & les artifices de la Cour,
avant qu'on leur accordât des conditions tolerables.
Ces diverfes inclinations parurent dans toutes les AfTemblées
Provinciales , Politiques ou Eccleiîaftiques , qu'on tint pour nom-
mer des Députez , & pour drefîer des Mémoires qui dévoient
être portez au Synode National convoqué à Montauban , ou à
l'AfTèmblée générale qui devoir fe former à Ste. Foy. Il y eut
quelques-unes de ces Aflemblées particulières, oii on délibéra fi on
éliroit un Protedeur dedans ou dehors le Royaume , ou fi on
établiroit quelque forme de police, pour fe maintenir fans pro-
tection. Mais le tout fut remis à l'Aflèmblée générale pour y
avifer. Ces propofirions venoient du Duc de Bouillon, oui
vouloir faire donner la qualité de Proteéleur à l'Eledeur Palatin,
ou à quelque Prince de fa Maifon , & nommer fous luy quatre ou
cinq Lieutenans dans le Royaume , fans s'attendre aux Princes
du Sang, qui avoient des intérêts dont la caufe commune auroit
trop fouffertde préjudice. Il efperoit par ce moyen qu'il auroit la
principale autorité, que les autres luy lailîeroient exercer avec moins
de jaloufie, fous le nom d'un fuperieur, que s'il l'avoir pofledée
en ion propre nom. Mais les Reformez, & principalement ceux
qu'on appelloit Confliloriaux, étoient las de la proteélion per-
fonnelle: & l'autorité prétendue par les ProteCleurs, les avoit
fait murmurer il y avoit long-tems contre ce qu'ils appclloient la
tyrannie "Troteclorale.
On n'avoir pu afîèmbler de Synodes Nationaux depuis ^y"°^' *
1583. mais celuy qu'on tint cette année au mois de Juin à ^7!'*'*'
Montauban , ville loin de la Cour , &c paflionnée pour la Re-
ligion & pour la caufe commune , fe recompenfa de ce long ef
0^2 pa-
124 HISTOIRE
J594- pacede tems perdu, & traitta des affaires importantes. Le prc-
ordonne micr dc fcs foins fut d'ordonnerdes prières publiques pour la prof-
desprie. pç^{^^ ^j[n Roy j afin qu'il parût que fon changement ne detachoit
Ltpro/ pas les Reformez de fon obcïflànce & de Ion fervice: &celaten-
periié du (JQJ(. .-^ f^{j-g paroître encore plus étrange la palTion de certains Or-
"'''' dres de Moines, qui rcfufoient de prier Dieu pour le Roy, quoy
qu'il ixxt Catholique, &: fàcré avec les cérémonies accoutumées.
Cette oppofition du devoir des uns & de la rébellion dç:s autres >
faifoit allez voir de quel côtéfè trouvoit l'amour & l'efprit de paix :
èc les fages pouvoient connoître où étoient les bons fujets , lors
qu'ils voyoient ceux dont le Prince avoit quitté la Religion prier
Dieu à l'ordinaire pour le fuccés de Tes armes 3 pendant que ceux
dont il avoit embraffé la doctrine refufoient encore de le nommer
dans leurs prières. Mais afin qu'on ne prît pas cette marque
de Taffeiflion du Synode à la profperité du Roy , pour une appro-
i.tfouY bation tacite ou une diffimulation de Ton changement , la même
fareduc Compasinic ordonna qu'on prieroic Dieu pour la réduction de ce
Religion. 1 nnce a la Religion qu il avoit quittée : que les 1 aiteurs qui le-
roient Députez en Cour luy remontreroient Ton devoir fur ce fu-
]Qt •■, & qu'on écriroit à ceux qui y refidoient ordinairement de
luy faire de femblables remontrances,
jjg/j,. Après cela le Synode entra un peu dans les affaires Politiques.
ijoueU La Province de liflede France luy en donna l'occafion. Levoi-
'dl7in" firi^gc delà Cour avoit gâté une partie de cette Province j &fbit
de par les carefîes , foit par les bienfaits, on avoit obligé les Reformez
Trance clecc quarticr-là à fe contenter de l'Editde 1577. dont en fuite ils
fleurs avoient prefTe iniramment la verincation. Cette démarche fut
points, defavoùée par le Synode, comme contraire aux reiblutions prifes
à Mantes j où on avoit obtenu la promefTe d'un nouveau règle-
ment qui amplifieroit cet Edit -, & la Compagnie donna charge
d'en porter les plaintes à l'AfTemblée générale de Ste. Foy , qui
étoit convoquée au mois fuivant. Les raifons de ne fe contenter
pas de cet Edit étoient , qu'on l'avoit éludé par tant de fraudes
qu'on ne pouvoir plus s'aflurer d'en tirer nul avantage ; qu'on en
retranchcit tous les jours quelque chofe par les Traittez qu'on ac-
cordoit aux villes Ligueufes -, que les Reformez ayant rendu de-
puis ce tems-là des fervices longs, fidèles & importans, il étoit
jufte qu'au lieu de retrancher quelque chofe à leurs hbertez, on
leur
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. III. 125-
leur en accordât de nouvelles , comme en recompenfe de leur lang i ^«j,.
& de leurs travaux. Qu'enfin cet Edit avoit été donné dans un
tems où lis avoient le premier Prince du Sang à leur tête , qui en
étoit le garant : mais qu'aujourdhuy ce Prmce les ayant quittez >
les affaires avoient tellement changé , qu'il n'y avoit plus de fure-
té pour eux dans un Edit fans garantie -, & qu'il leur en faloit un
autre, où il fût pourvu à leur confcience Sz à leur vie par quelque
chofe de plus folide.
La même Province avoit encore donné dans un autre piège de
la Cour. On luy avoit fait goûter un projet d'accommodement
avec les Catholiques , fous prétexte de s'unir avec eux pour la
defenfe des libcrtezde l'Eglife Gallicane contre les entrcprifes des
Papes. Ses Députez vinrent au Synode chargez d'en faire la pro-
politionj & d'y ajouter celle de nommer de part& d'autre des ju-
ges competens , à qui on s'en raporteroit pour la decifion des
controveries. Et parce que la Cour craignoit les fréquentes Af-
fèmblées, elle fit encore en forte que les mêmes Députez deman-
dèrent qu'on tint des Synodes rarement, & feulement quand il
y en auroit des raifons importantes. Le mal vcnoit de ce que
ceux qui avoient de l'autorité dans cette Province étoient tous les
jours avec les Courtifans, qui ne perdoicnt point d'occafion de
leur reprefenter la puifiance du Roy , qui s'affermifToit de jour
en jour j qui leur remontroient que s'ils faiibient les difficiles au-
jourdhuy , on les en feroit repentir demain -, que quand le tems
leur feroit devenu contraire, ils regretteroient inutilement Icsoc-
cafions de fe maintenir qu'ils auroient perdues ; que comme ils n'é-
toient pas forts dans les Provinces qui environnent Paris, ils fe-
roientlds premiers opprimez comme les plusaifez à détruire. Les
promeiîes & les bienfaits qu'on prodiguoit à ceux qui étoient (en-
fibles de ce côté-là , donnoient encore plus de force & plus de poids
aux mêmes illufions. Mais le Synode, quiétoit en lieu de fure-
té , n'eut pas la foibleiïè de goûter ces propofitions , qui furent tou-
tes rejettces Ce fut là néanmoins le commencement d'une di-
verfité d'avis & de vues, dont les effets ont toujours duré depuis.
Les Provinces méridionales du Royaume , ou comme plus éloi-
gnées de la Cour, & par coniequent moins éblouies des marques
de la grandeur -, ou comme plus fortes parle nombre & la qualité
des Reformez, & par la multitude & la force de leurs Places, fc
CL.3 font
126 HISTOIRE
155)4. font portées ordinairement à des avis plus vigoureux & plus fermes :
& celles qui font voifmes de Paris ont fui vi l'exemple de cette ca-
pitale, dont les confcils ont toujours recommandé la foumifîionSc
la patience. La poflerité jugera mieux que nous fi la docilité des
uns étoitun effet de prudence ou de foiblefîèj & fi la vigueur des
autres venoit, comme les pcrfecuteurs l'ont publié , d'un elprit de
rébellion , ou d'une louable & jufte confi:ance.
uilfem- Cependant les Députez dcrAflemblce Politique fe rendirent à
st7.Foy. Ste. Foy au nombre de trente. Les Reformez n'avoient point
pris de Lettres de pcrmiffion pour former cette Aflemblée. Mais
le Roy qui craignoit la confequence, &qui ne vouloit pas les ac-
coutumer à ces libertez, qui portoient préjudice à fon autorité , ne
voulant pas aufïï les chagriner par une feverité à contre-tems >
leur envoya un Brevet qui autorifa leur Afitmblée. Chacun y
apporta les préjugez de fa Province, & des Mémoires conformes à
l'elperance ou à la crainte qui y dominoicnt. Il y eut quelqu'un
qui propofa de faire une penfion à l'un des Secrétaires d'Etat »
pour avoir fa faveur auprès du Roy 5 &; d'en faire autant à la
Maîtrefîè de ce Prince , qui paroillbit avoir de l'inclination & de
la confiance pour les Reformez. Il ajoûtoit à cela qu'il faloit te-
nir ordinairement un certain nombre de Députez à Paris, qui
prendroient confeil , en cas de neceflité , des Miniftres du lieu ,
des Seigneurs qui fe trouveroient alors à la Cour, &z de quel-
ques Officiers de la Maifon du Roy , pour apporter quelque or-
dre aux affaires qui pouvoient naître. Cet expédient n'eût pas
déplu aux Catholiques , parce qu'il auroit rompu l'Union des
Reformez, &les auroit mis à la difcretion de leurs ennemis, qui
n'auroienteu à ménager que trois ou quatre perfonnes, faciles à
intimider, ou à corrompre par les artifices ordinaires. D'autres y
. portèrent d'amples infiruftions , pour faire confiderer combien il
étoit important de ne perdre pas le fruit qu'on pouvoit tirer d'u-
ne Aflemblée , dont la permifîîon avoit été fi heureufement obte-
nue. On y raportoit au long ce qui pouvoit donner des défiances
pour l'avenir -, & on y joignoit des avis fur ce qu'il étoit à-propos
de faire pour prévenir les mauvaifes intentions : à l'occafion de
quoy on confeilloit fortement d'infifler fur les furetez qu'il faloic
demander, pour l'exécution des choies qui fcroient promiles.
L' Allèmblée mit toutes ces chofes en confideration , autant qu'il
fut
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IIL 127
fut jugé necefîaire pour difpofer les efprits à prendre de bonnes i fp^,
refoludons : mais fa principale affaire fut de poler un folide fon-
dement de l'Union. On crut que le Roy ne pouvoit plus retenir la
qualité de Protedeur des Eglilès, puis qu'il en avoit quitté la Re-
ligion i & qu'il y avoit de la contradidion à prétendre qu'il put
protéger une Religion , pendant qu'il faifoit profeiîlon d'une au-
tre , qui par raiibnde confcience l'obligeoit à la détruire. Les Ca-
tholiques même ne pouvoient fouffrirqueleRoy fe fit honneur de
ce titre : Scfç fcandalifoicnt qu'un Roy Catholique fe voulût nom-
mer Protecteur de l* hère fie. Il falutdonc s'unir fous d'autres auf^
pices: mais on ne trouva pas à-propos de fe remettre à la difcre-
tiond'un nouveau Protecteur -, & on aima mieux prendre desme-
fures qui fifîèntfubfilterla Religion de fon propre poids &: par el-
le-même. On créa un Confeil gênerai , qui devoit avoir toute ^ro^ofi.
autorité dans les affaires de Religion j & par les ordres de qui ''/7g?'
toutes les Provinces feroient gouvernées.; On drefia pour cefu- ment
jet un règlement compris en vingt-huit articles, qui ordonnoient ^""Vv
comment les Aiïèmblées de ce Confeil fe fbrmeroient à l'avenir : & gemrul.
on fuivit ce plan dans toutes celles qui fè firent depuis, prefquc
fans y rien changer > fi ce n'eft qu'on augmenta le nombre àQS
Provinces & àç^s Députez. Ce fut fous la direclion de ce Con-
feil gênerai que les affaires des Reformez fe rétablirent > & qu'il pa-
rut à leurs ennemis qu'il n'étoit pas aifé de les ruiner. Ce fiit
alors qu'ils commencèrent à dire nous-i au lieu que fous la condui-
te de leurs Pcotedeurs , la caufè commune étoit fbuvent le pré-
texte des intérêts du Chef du party -, dont il ne paroiflbit dans les
Traitée^ & dans les Edits que le nom & l'autorité. Ce fut enfin
par les infiances & les importunitez de ce Confeil qu'ils obtinrent
î'Edit de Nantes : & comme après avoir établi entre eux cet or-
dre nouveau, ils eurent encore befoin d'cpuifer quatre ans durant
tout ce qu'ils avoient de dextérité, de vigueur & de patience,
avant que de fe faire donner la paix , on peut raifonnablcmcnt
conjecturer qu'ils ne l'auroieiit jamais eue, s'ils s'y étoicnt pris d'u-
ne autre manière. Ce règlement donc reduifoit le nombre des
Provinces à dix, dont chacune devoit envoyer un Dcputé pourfe
trouver à l'Aifemblée. On arrétoit qu'ily.auroit une difiin£]:ion
d'Etats entre les Députez, furie modèle de celle des Etats Géné-
raux du Royaume > puis qu'on vouloit que les Députez fuffent
pris
128 HISTOIRE
I5P4- pns du corps de la Nobleiïè 5 deceluydes Fadeurs, &de celuydu
Tiers Etat. Mais on ne donnoit pas aux Minières la même force
qu'aux deux autres Etats-, foit qu'on craignit que s'ils avoicnt une
voix aulTi forte que les autres , ils ne tirafîènt toute l'autorité à
eux ; foit qu'on crut que les Députez de la Noblefîè ou du Tiers
Etat pouvant aufîî être Anciens de quelque Eglife, quoy qu'ils ne
fuflent pas Députez en cette qualité , les Confiftoriaux auroient
toujours alTez de force dans les AlTemblées. Il devoit donc entrer
dans le nombre de dix Députez quatre Gentilshommes , qua-
tre perfonncs du Tiers Etat, & feulement deux Miniftrcs. Les
Provinces dévoient les envoyer de ces diverfes qualitez chacune en
fon rang: & pour régler de quel Etat feroit le Député de chaque
Province pour la première Afîemblée qui fè tiendroit, on s'enra-
porta au fort. On convenoit que les Députez iè renouvelleroient
tous les ans -, en forte que de fix mois en lix mois les cinq plus
anciens forciroient de fervice, pour faire place à cinq autres. On
confentoit que les Ducs , Lieutenans Généraux , ou autres perfon-
nes qualifiées euflènt voix dans les Afîemblées, encore qu'il ne
fufîent pas Députez, pourveuque ce fût des gens en qui on pût
prendre confiance.
Et pour P^"^ ^^ même règlement on créoit des Confeils Provinciaux,
lesPro- composez de cinq ou de fcpt perfonncs des trois Etats, où il de-
voit entrer pour le moins un Miniflre, & un Gouverneur de Pla-
ce delà Province. Ces Confeils dévoient repondre à lAlIemblée
générale , & avoir chacun dans fon rcflbrt l'autorité que le Con-
lèil gênerai avoit fur tout le Royaume : & particulièrement re-
cueillir, digérer, communiquer les avis & les Mémoires > entre-
tenir la concorde entre les Grands , & appaifer leurs querelles -, faire
les departemens des deniers qu'il faudroit lever pour les affaires
de la caufe commune -, veiller fur les garnifbns , fur l'état & les
munitions des Places &zc. On y regloit auih le tems que chaque
Député continueroit fon fervice ; la manière d'élire dans les Af-
femblées générales ou particulières les Prefidens & les Secrétaires >
la fignaturcdes Acles écdes dépêches. On obligeoit tous les Dé-
putez à prêter ferment -, & tous les Reformez à reipecler les perfon-
nes chargées de cette commiflion : & on vouloit qu'avant la fin de
Septembre il y eût un Confeilde cette qualité formé dans chaque
Province. On y prenoit des mefures pour confcrver les Places de
fû-
itatix
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. III. 129
fûrcté, (bit que la Cour les voulût ôter aux Gouverneurs Reformez, 1594»
ibit qu'ils vinilent à mourir quand le Lieutenant fcroit Catho-
lique. On ordonnoit de n'y recevoir que des Soldats , dont la Reli-
gion fcroit atteftée par de fuffifans témoignages -, & de fc maintenir ^
llirlcpieddu dernier état, en cas qu'on retranchât quelque choie
à la force des garnifons. On conlcilloit d'arrêter les deniers du Ta-
blier, ou ceux de la Taille & du Taillon , jufqu'à la concurrence du
payement des garnifons , fi on ne pouvoit fe faire payer autrement;
& lion ctoit recherché pour cette démarche , les Egîifes dévoient
fè joindre pour tirer d'affaires ceux qui feroient mis en peine à
cette occallon. On faifoit un fond de quarante cinq mille cfcus
pour les affaires générales, dont chaque .Province au midi de la
Loire payeroit cinq mille écus, &Ies autres deux mille cinq cens.
On devoir le prendre en partie fur les garnilbns, retenant de quin-
ze payes une j en partie fur les Bénéfices pofïèdez par la Nobîelîe ,
du revenu defquels on l'exhortoit de prendre le fix ouïe fcptiémc
denier j en partie fur les contributions volontaires , à quoy les Mi- .
niftres cxhorteroient les plus riches. Cette fomme étoit différente
de celles qui dévoient fervir au payement des Députez quifetrou-
veroient aux Confeils : ôc les moyens de lever celles-cy étoient laif^
fèz aux Provinces particulières. On y failbit quelques reglemens
touchant ceux qui voudroient avancer quelques deniers , ou en
faire quelque don volontaire. On permettoit aux Conlèils parti-
culiers d'ordonner de l'employ de cette Ibmme de quarante cinq
mille écus -, refervant à 1* Aiîemblée générale de connoîtrc de la de-
penfe , & de difpofer du revenant bon comme elle le jugeroit utile
pour les Eglifes. On y regloit la manière de communiquer les avis
dont il faudroit faire part à chaque Troupeau i on obligcoit les
Conlèils particuliers à s'entre aider pour leur defenfe mutuelle ;
& on renvoyoit à la première Aflèmbléc, qu'on arretoit qui fe
tiendroit à Saumur, certaines affaires que celle de Ste. Foy n'a-
voit pu terminer : comme la manière d'entretenir des Palleurs , des
Ecoliers & des Collèges.
On y ajouta huit autres articles fecrets, dont le premier portoit ^'''''^^«
que pour l'adminillration de la jufticc , on demanderoit des Cham- ^'"^^^'"
bres Miparties dans tous les Parlemens, excepté celuy de Greno-
ble , oit les Reformez , qui pouvoient tout fous Lefdiguiercs ,
ctoient à peu près contensde leur condition: & lion ne pouvoit
Tome I, R ob*
130 HISTOIRE
1 5*94 . obtenir ces Chambres , on prenoit la refolurion de recufèr tous les
Parlemcns, les Prefidiaux, & tous les autres Juges Royaux, dans
les affaires dont ils peuvent juger en dernier reflort: & qu'on four-
♦ niroit des caufes de rccufation contre tous ces Tribunaux. Le fé-
cond porroit qu'on rccherchcroitrinterceilionde la Renie d'An-
gleterre , & des Etats des Provinces Unies , parce qu'on trouvoit
les affaires des Fglifès déplorées. Le troifiéme vouloit qu'on
écrivît aux Grands, pour les exhorter à ja pieté & à l'union. Le
quatrième pcrmettoit pour cette fois feulement, de doubler le nom-
bre des Députez que chaque Province envoyeroit à la prochaine
Afîcmblée, à caufedc l'importance des affaires qu'on y traitteroit.
Le cinquième ordonnoicque l'exercice de la Religion Reformée cef-
feroit dans les lieux où il avoit été mis par furprilé , pourveu que ce-
la fc pût faire fansfedition j &c]u'on retabîiroitlaMcffe dans les
lieux où elle étoit avant la dernière guerre: ce qu'on faifoit pour ôtcr
aux Catholiques le prétexte qu'ils prenoient de n'exécuter pas les
* Edits, fur ce que les Reformez y contrevenoient eux-mêmes , en
ne permettant pas qu'on dît la Mefîe dans certaines places dont ils
s'étoient emparez. Le fixiémc remettoit au retour des Députez
qu'on envoyeroit en Cour , à déterminer fi on recevroit les Ca-
tholiques aux Charges dans les villes que les Reformez avoienten
garde. C'elt-à-dire qu'on vouloit que les Catholiques fufîenc
qu'on les traitteroit à la pareille > & que s'ils nevouloient pas faire
part des Charges aux Reformez, ceux-cyles encxcluroicntàlcur
tour, dans les lieux où ils feroient les plus forts. Le feptiéme
defavoùoit tout ce qu'une Province auroit fait au préjudice, &
fans prendre l'avis des autres : ce qui étoit arrêté pour prévenir
des démarches pareilles à celles de l'Ifle de France , dont nous
avons parlé cy-devant. Et le huitième approuvoit l'union de
plufieurs Provinces contiguës dans un feul Confcil Provincial.
se,Unon Pendant que cçnc Afîemblée étoit fur pied , le Perigord & quel-
des cro' ques Provinces voifines étoient couvertes de certaines troupes de fc-
ç^rt;». ditieux qu'on appelloit Croqaans. Leur prétexte étoit de déli-
vrer la campagne des exadions & des violences de la Nobleflè,
qui y faifoit mille maux aux Païfans. Ces mutins fc trouvèrent
plus de quarante mille en armes , dont il y avoit environ le tiers
de Reformez. Un des artifices dont on fe fcrvit pour les dilTiper >
fut d'infpirer aux Catholiques qu'il ne faloitpas faire part aux ^^f-
re*
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. III. i^i
retiques de Thonneur de travailler à la Reformation de l'Etat. Cela i ^(si
fit que les Catholiques fe retirèrent à part à un certain fignal qui leur
fut donné ; & que les Reformez fe virent prefque chargez , par ceux
dont un moment auparavant ils avoient été les compagnons. Mais
parce qu'ils étoient meilleurs Soldats, & mieux armez que les Ca-
tholiques , on ne leur en fit que la peur. Durant la plus grande cha-
leur de ces mouvemens , les Reformez qui avoient part à la f^di-
non envoyèrent quelques Députez à Ste. Foy, pour (avoir fi on
pourroit fe fervir d'eux dans la conjoncture du tems. Maisl'Aflèm-
bléene voulut pas les écouter: & onfè contenta de leur confeiller
(bus main de faire leur paix, & de tirer de la Cour de bonnes af-
fùrancesde n'être jamais recherchez de leurentreprife feditieufe. Be^met,
L' Afièmblée ayant ordonné que la prochaine fe tiendroit à Sau- '""«/'*^
mur, où les Députez fe rendroientle premier du mois de Decem- J^^,.
bre, envoya fes Députez à la Cour qui étoit alors à St. Germain ,
où on les amufa par divers délais , avant que de leur donner quel-
que fatisfadion réelle. Leur principale inftance regardoitla véri-
fication de l'Edit dont on étoit convenu à Mantes , & le nouveau
règlement qu'on leur avoir promis, pour rendre leur condition
un peu meilleure qu'elle n'avoit été , fous le bénéfice des Edits
precedens. Le Roy faifoit paroîtreun grand defir de les conten-
ter j & leur renouvelloit tous les jours la promefiè qu'il en avoit
• faite. Néanmoins rien ne s'avançoit \ & pour payer de quelque
raifon les Reformez à qui ces longueurs faifoient perdre patien-
ce, on rejettoit les empêchcmens de la vérification fur les prati-
ques des factieux. Mais cette mauvaife excufe n'empéchoit pas
les efprits de s'altérer, & de croire que la principale faute du re-
tardement venoit de la Cour. Ce foupçon étoit confirmé parles
offres qu'on faifoit au DucdeMercœurde la partduRov, de trai-
ter avec luy en faveur de la Religion Catholique pour les lieux qu'il
tenoiten Bretagne & ailleurs: cequialloit à exclure pour l'amour
de luy l'exercice de la Religion Reformée d'une grande partie de la pr?r«.
Bretagne, &de plufieurs Places des Provinces voifines. Maisle^^^'"''"
Duc, qui fe croyoit aflcz fort pour conferver la Bretagne, faifoit m^^^*
des demandes bieiij^lus hautes : & il pretendoit que Texercice de '
la Religion Reformée fût interdit en Normandie, au Maine, en
Anjou , en Touraine & en Poitou , parce qu'il y avoit quelques
châteaux dans ces Provinces qui tenoicnt pour luy j mais qui au
R 2 fond
lit-
coeur.
htver-
Hresde
teconci-
132 HISTOIRE
15P4. fond étoient plutôt des nids de voleurs, que de véritables Places de
guerre. Les Reformez craignoient qu'on ne luy accordât enfin
tout ce qu'il vouloit , parce qu'ils avoient vu par les Trait tez pre-
cedens qu'on ne refufoit rien aux Chefs delà Ligue, pour les ra-
mener à robeïfîànce.
D'autre côté on commençoit à s'appercevoiràRomcdela déca-
dence de la Ligue: & comme les rigueurs du Pape avoient rebuté
le Roy 5 & les Catholiques de fon party qui avoient le cœur
François , on commençoit aulli en France à négliger les affaires de
Rome. On y parloit de nouveau de drelTer une Pragmatique
pour la collation des Bénéfices , & de créer un Patriarche , pour
prefider fur tout le Clergé. Ces difcours donnoient de l'inquié-
tude à Rome, & les profperitez du Roy faifoient juger au Pape
que ce Prince pourroit à la fin fe palier de luy. Cela fut caufe
liatitn qu'il fit des avances à fbn tour, & qu'il fe relâcha peu-à-peu fur
J^" ^* la matière de l'abfolution. Mais il ne laifiâ pas de faire d'abord
des propofitions fi étranges, qu'il n'y avoit pas moyen d'y enten-
dre. Les Efpagnols les luy avoient fuggerécs, pour empêcher
la reconciliation avec le Roy : & le Pape qui étoit grand Politique,
quoy qu'il fût bien qu'on ne les luy accorderoit pas , n'avoit pas laif-
féde les faire, afin qu'on n'ofâtluy faire des offres trop éloignées
de ces grandes prétentions. Mais cela donnoit de grandes alar-
mes aux Reformez , qui craignoient que ces hautes demandes
n'eufîènt pour fcul but fecret que d'obtenir du Roy leur deffruc-
tion 5 & que tout d'un coup le Pape ne fe defiftât de tout le relie,
pourveu qu'on luy donnât contentement fur cet article. Ils pre-
noient à caufe de cela toutes les longueurs des Parlemcns pour dctf
prelages de leur perte : parce que les Edits n'ayant force de loy
dans Te Royaume , qu'après qu'ils font enregîtrez ôc modifiez au
gré des Cours Souveraines , tous ceux qui leur avoient été donnez
jufques-là étoient inutiles pour leur fureté-, puis que les Parlemens les
avoient ou abfolument rejcttez, ou vérifiez avec des modifications
odieufes. C'eft pourquoyils le conlideroient comme vivant en-
core fous le bénéfice d'une fimple trêve , qui fe pouvoit rompre
dufoir au matin, quand le Roy voudroitgraisi^r la Cour de Ro-
me. Ce mot même de trêve les failbit trembler, parce que ja-
mais les trêves n'ont lieu entre des concitoyens & des amis -, mais
entre des partis qui vivent dans une hoftilité déclarée > dontlatrc
ve
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. III. 133
ve rufpcnd feulement les effets -, d'où il s'enfuivoit que lesRefor- 1504.
mez étoient encore confidcrez comme des ennemis par les Catho-
liques, bien loin d'être traittez comme membres d'un même Etar>
& comme cnfans légitimes d'une même famille.
Dans cette conjoncture d'affaires le Roy fut bleffé à la bouche i^pf.
par Jean Chàtel difciplc des Jefuites : & les Reformez eurent s/?/7«r*
cette légère confolation au milieu de leurs afHiclions & de \cms p'^f'ci^,
craintes , qu'ils virent condamner cette Société au banniilèmcnt par f^i-
le plus augufte Sénat de l'Europe. On fit drefler une Pyramide yefuïtes
en la place de la maitbn oi^i ce parricide étoit né > fur une des p''^^"/.
faces de laquelle on grava l'Arrêt qui banniflbit les Jefuites du<^f.
Royaume , & qui contenoit les raifons de leur faire fouffrir cet-
te peine. Mais les Parlemens de Thouloufe & de Bourdeaux ne
voulurent pas imiter celuy de Paris , èc la Société fe maintint ,
jufqu'à fon retablilîemcnt, dans les Provinces de leur rcfîbrt. Cepen-
dant cet attentat fît du bruit à Rome, où d'Ofîat releva extrême-
ment la confcquence d'une telle entreprife , dans un tems où on
traittoit fèrieufemcnt de la reconciliation du Roy & du Pape.
Mais ce que cet accident produifit de plus remarquable, fut qu'il
tira de la bouche de cet Agent de France, quoy que zélé Catho-
lique & nourri dans les maximes de la Cour de Rome, un té-
moignage authentique de l'horreur que les Reformez ont pour les
crimes de cette nature, &c du refpecl qu'ils ont pour la perfonne
de leurs Souverains. Ce Prêtre donc rendant compte de cette af-
faire au Cardinal neveu du Pape, & exagérant l'horreur du fait,
qui venoit delà part de ceux qui fe difoient le foutien delà Reli-
gion Catholique r luy dit en termes exprés j que //// avo/t au- gnagî
cun lieu à de tels ajjajjinats-i ce ferait aux Hérétiques à les pour- ^««'''o/-
chaJJ'er & exécuter , qu'il à quittez, & abandonnez s èr qui au- alx^t.
r oient a fe craindre de luy : & toutefois ils 11 ont rien attenté de I<^'>'^'^'
tel-, ni contre luy ^ ni contre aucun de cinq Rois fes predeceffeurs^
quelque boucherie que leurs Majejtez ayent faite des dits Huguenots.
Ce malheur ne fut pas inutile aux Reformez, parce qu'il fit
fouvenir le Roy qu'il n'avoit jamais couru de femblable rifque ,
pendant qu'il étoit entre leurs mains. De la vient qu'il temoignoit
quelquefois à fes confidens, qu'en ce qui rcgardoitla fureté de la
pcrlbnne, il avoit plus de conhance en eux qu'aux Catholiques.
D'ailleurs le refultat de TAflèmblée de Sainte Foydonnoitàpenfer
R 3 au
154 HISTOIRE
15 95". auConfèil, qui voyoit avec étonnement ce grand Corps qui n'a-
voir plus de Chef pour réunir lès divers membres , fe joindre
néanmoins & (h confedercr pour fe maintenir > & prendre des me-
fures propres à donner de la peine à fes ennemis. On voulut fai-
^^^^._ re pafler pour une rébellion formée 5 Se pour une démarche in-
mensde folentc j ce qui s'étoit fait en cctte rencontre. On appelloit cette
M'u- ^"^°" undelfeinde former un Etat dans l'Etat , avec des intérêts
^Tonjes & un Gouvernement à part : & comme cela (èdebitoit alors parles
R^for- perfonnes paiîîonnées , tous les Hiftoricns à gages qui ont écrit
depuis n'ont pas manqué de fe déchaîner contre cette conduite,
&dela noircir par de furieufès déclamations : comme fic'étoit un
crime que de prendre des mefures pour fa confcrvation , quand on
à des ennemis fans équité, fans foy, fans humanité, tels que les
Catholiques avoient paru plufieurs fois à Tégard des Reformez.
Ces précautions ne dévoient pas ofFcn(èr le Roy , puis que ce n*é-
toit ni contre fa perfonne, ni contre fbn autorité qu'elles étoient
prifes : mais contre certains zêlez qui pouvoient abufer de fa puif-
iance pour opprimer la plus fidèle partie de fes fujets : & contre
la Cour de Rome dont toute l'Europe connoillbit les cruelles in-
tentions j 6c les fanguinaires maximes.
stnti- Cependant le Roy ne laillà pas de s'inquiéter de ces AfTemblées j
fnensdu & dc Ics regarder au moins du côté que du Plcfîis les luy avoit re-
cejujet. prelentees quelquefois j lavoir comme pouvant dégénérer, &
donner lieu à des efprits fadlieux d'exciter dQS mouvemenS qu'on
n'appaiferoit pas fans peine. C'eft pourqùoy il fe plaignit quel-
quefois de ce qu'on les convoquoit j & quelquefois même il don-
na des ordres fort exprés pour les fcparer. Mais alors le Rçy fui-
voit plutôt les infpirations de fon Confeil que fes propres inclina-
tions: ce qui paroît , parce qu'auiïi-tôt qu'on luy avoit remontré
combien il étoit dangereux de defeiperer les Reformez, en leur ôtant
Ja confolation de ces Afîèmblées, il revoquoit ces ordres par d'au-
tres encore plus exprés , qui ordonnoient d'empêcher qu'elles ne
ie rompiflènt. En effet il étoit bien plus avantageux au Roy de
ibuffrir cette Union de fes fujets, qui les obligeoit à prendre fa
permifîîon pour le tems & le lieu de leurs Afîèmblées, que de les
réduire à fe jetter fous une protedtion étrangère, en leur refufànt
tout moyen de penier à la fureté de leur Religion &de leur vie ,
ibus le bon-plaifir ôc l'autorité de leur Prince légitime. On aimoit
mieux
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. III. 155^
mieux aufll les voir unis encre eux par cette forme de correfpondan- 1595*.
ce, que fous un Protecteur, à qui la puiflance du party, les in-
telligences étrangères, & les mecontentemens du dedans pou-
voient hauiîèr le courage -, & donner de grandes vues pour fc
mettre en crédit. De ibrtc qu'enfin on ne dédaigna point de
traitteravec ces Afîemblécs, & d'y envoyer des Commiflaires de
la part du Roy , pour convenir avec elles de quelque moyen
équitable de conferver la paix du Royaume > comme on verra
dans la fuite.
Mais pour le prefent on jugea que le moyen le plus aiÏÏiré de d\Ç- ^^'"'A'
fipcr cesAlîcmblées, ou d'empêcher le mal qu'elles pouvoientfai- enl^'u/
re , étoit de donner aux Reformez quelque Ibjet de contciitement > /f '''^ '^^'
afin que la première Afîemblée qui fe formeroit n'eût plus ncn à fai- iJ.^X "
rc qu'à accepter les concefîions du Roy , & à luy en faire les remer- r»(z. ca-
cimens. C'eil pourquoy on prefia plus qu*à l'ordinaire la vcrifi- ^ff/"
cation des Edits, qu'on avoit accordez aux Reformez cy- devant, charges^
& qu'on devoit confirmer par un Edit nouveau, comme on en étoit
convenu avec leurs Députez à Mantes. La plus grande difficulté
confilioit à faire déclarer les Reformez capables de toute forte
d'emplois : & c'étoit un pas qu'on ne pouvoit faire faire aux zê-
lez Catholiques, quinepouvoient voir fans regret violer les Ca-
nons , par lefquels les Hérétiques font exclus de toutes les Char-
ges. Cette difficulté n'avoit pu être levée par quatre ans de folli-
citations) ni par les ordres exprés du Roy> ni par une Déclara-
tion nouvelle donnée à St. Germain , au mois de Novembre de
l'année précédente. Le Confeil y confentit, auffi bien qu'à plu- levr'trs'
fleurs reglemens provifionnels , parce qu'on pcnfoit dès lors à tirer <:<='^' ,
le Prince de Condc d'entre les mains des Reformez , foit parce que ^rje*'^
le Roy le vouloit élever dans la Religion Catholique , pour preve- if»rs
riir les prétextes de guerre civile qu'on pourroit prendre un jour
de fon éducation dans la Reformée 3 foit parce que le Comte de
Soil'fbns j Prince inquiet & ambitieux, & qui ièregnrdoit comme
le prefomptif héritier de la Couronne, à caufe de la Religion de
ion neveu , & pour d'autres raifons , luy étoit incommode -, &
qu'il vouloit rabattre fcs prétentions en luy oppofant un Prince
plus proche de la Couronne que luy : foit enfin qu'il voulût ôtcr
aux Reformez un Chef qui pouvoit fe mettre à leur tête un jour y
& demander pour eux de nouvelles grâces,
II
rnams.
"^
1^6 HISTOIRE
I ^p^. Il difbit aux Reformez , pour les faire confèntir à le luy rendre ,
Moyens quc ^cs frequcntcs infirmitez le faifoient penfèr à la mort , & Pobli-
{"eMîr. gCQ^^"^ ^" même tems à fouhaiter d*avoir Ton héritier auprès de
luy 5 pour luy afîîirer fa fucceflion , & le mettre en état de les con-
ferver eux-mêmes par des voyes plus douces que la guerre. Mais
cela ne perfuadoit pas les Reformez , qui trouvoient bien plus utile
pour la paix de l'Etat que le Roy fitcafler fon mariage avec Mar-
guerite de Valois, ôcpenfat en fuite à une alliance nouvelle, que
de prendre auprès de luy un Prince à qui fes plus proches parcns
croyoient avoir des raifons de contcfler la Couronne. Il fallut
donc les prendre d*un autre côté , & les engager à remettre ce Prin-
ce au Roy, en leur accordant Tentrée aux Charges > honneur qui
au fond leurferoit alîèz cher vendu , s'il leur en coûtok un Prince
qui auroit pu être un jour le reftaurateur & Tappuy de leurs ef-
• perances. On fe fcrvit de cette confideration pour faire confen-
tir le Parlement à la vérification de cet article -, mais cette raifon
fit d'abord un autre effet qu'on n'avoit penfé. Il y eut des Catholi-
ques zêlez qui la trouvèrent fi bonne , qu'ils voulurent en faire
une condition de la vérification de l'Edit , afin que les Reformez
ne pufîcnt refufer de rendre ce Prince , fans déchoir de toutes \cs
grâces qu'on leur avoit accordées. Cela fcmbloit même d'autant
plus raifonnable, qu'on ne jugeoit pas poflible que les Reformez
fe laifTafTent arracher ce dépôt d'entre les mains : & il y avoit bien
des Catholiques qui enflent voulu qu'ils fe fufFcnt opiniâtrez à le
garder , pour avoir une occafion fpccieufe de leur déclarer la guer-
re. Mais le Roy avoit d'autres pcnfécs. Il ne vouloit pas détruire
les Reformez, de qui il avoit befoin pour n'être pas tout-à-fait à la
merci des Catholiques, qui le traittoicnt un peu imperieufcment.
C'efl pourquoy il aimoit mieux tirer lePrmce d'entre leurs mains
par des voyes de douceur 5 que par la force des armes , ouparl'au-
torité d'une loy publique i fâchant bien qu'ils auroient pris cette
loypour un outrage , parce qu'elle les auroit fait paflèr pour des
i'TJ'i^^"^ fufpefts, qu'il auroit fallu contraindre à l'obeiïîànce.
pactté C)n mit donc enfin en délibération au Parlement, fi on verifieroit
des Re. l'Edit purement & fimplemcnt , & la chofe fut agitée de part & d'au-
f^r^.ez freavecune grande contention. L'article ic>. de l'Edit de 1577
Charges quideclaroit les Reformez capables des Charges & des dignitcz,*
itc fei^ ^"^ ^^ ^"i^^ ^^ ^^ conteflapon , & eut une peine extrême à palfer. Il
ne. y
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IIL 157
y en eut plufieurs néanmoins qui opinèrent à vérifier cet article corn- 15-9^.
me les autres , fans reftridion ni modification. Ils appuyèrent for-
tement fur les fervices que les Reformez rendoient au Roy & à l'E-
tat : ils traitterent d'injuftice & d'mgratitude le refus qu'on feroit de
les traittcr félon leur mérite : ils foutinrent que puis qu'ils étoient
égaux aux Catholiques en affedion & en fidélité , ils dévoient aufli
être traittcz également dans la diftribution des honneurs & des re-
compenfes. D'autres oppoferent à ces raifons la crainte de faire
tort au Roy nouvellement converti , & encore brouillé avec le Pape -,
& celle d'endurcir les reftes de la Ligue dans la rébellion , fi on accor-
doit une grâce fi importante aux Reformez contre la difpofition des
Canons j fi-tôt après le retour du Roy à la profeflion de la Re-
ligion Catholique. Mais ces oppofitions ne fervirent de rien , & la
pluralité des voix l'emporta pour la vérification pure & fimple. Scr-
vin l'un des Avocats Généraux appuya fort ce fentiment : & com-
me il étoit grand ennemi dcsjefuïtes, il étoit aufli afîez équitable
pour les Reformez. Seguier fon collègue fut d'un avis tout con-
traire : mais la Guêlc Procureur General s'avilà d'une chicane qui chicane
penfà rejctter le Royaume dans de nouveaux troubles , parce qu'el- ''" ^'''''
le fit craindre aux Reformez qu'on ne tendît de nouveaux pièges à otnerai
leur bonne foy , fous le prétexte de cette affedation inouïe. 11 ne '"'*^ f"'
voulut pas (buffrir qu'on employât dans l'Arrêt d'enregîtrement les
termes accoutumez , Ouï ^ ce requérant le Procureur General ^
quoy que (on pcrc qui cxerçoit la même Charge , quand l'Edit de
1577. fut enregîtré fous le règne de Henri III. n'en eût pas fait
difficulté. Il ne voulut pas même qu'on mit ce confentant , comme
on le met en d'autres occafions , où les gens du Roy ne veulent pas
requérir i mais feulement oui le Trocureur General. Il étoit bien Etcfiuft
mal-aifé qu'une chofe fi nouvelle , & mife en pratique dans un tems '^^ f "*'
où le Royaume étoit plein d'ombrages & de défiances , ne produisît /I "
de mauvais effets , & ne rappellât dans la mémoire des malheureux
les cruautez & les perfidies des règnes pafi^èz. Principalement quand
on faifoit reflexion fur la manière dont on procedoit à la vérification
des Edits qu'on accordoit aux Ligueurs , fur lefquels on ne prcnoit
jamais de longueurs ni de délais , & qui paflbient tout d'une voix à
l'enregîtrement pur & fimple, il étoit impolîible qu'on ne trouvât fort
étranges tant de longueurs, tantd'oppofitions, tant d'artifices dont
on fefervoit pour éluder les Edits qu'on accordoit aux Reformez.
Tome I. S Les
'lances.
138 HISTOIRE
j-Q- Les Catholiques modérez trouvoient à redire eux-mêmes à cet-
te rigueur à contre-tcms ; (bit parce que Texemple du Parlement de
Paris rendit encore les autres Parlemens plus difficiles , les uns ne
voulant point du tout vérifier l'Edit 5 les autres ne le voulant faire
qu'avec d'importunes modifications 3 foit parce que les Reformez
ctoient fur le point de tenir une Aflèmblée à Saumur , où elle avoit
dû fe rendre fuivant l'arrêté de celle de Sainte Foy. On ne doutoit
point que la conduite du Procureur General ne donnât lieu à cet-
te Afîèmbîée de faire de grandes plaintes , & peut-être même des
démarches qui éloigneroient la paix fi necefîaire au retablifîê-
^rr^^, ment du Royaume. Cette Afîèmbîée de Saumur avoit fait de la
biie de peine au Roy dès le moment qu'il en entendit parler, & c'étoit
Tepuk presque uniquement pour la prévenir , & 'pour avoir un beau pre-
d'aùord texte de l'empêcher ou de la rompre , qu'on avoit tant prefîe la
nHKoy: vérification de l'Edit, Elle avoit dû fc former dès le premier de
Décembre de l'année précédente : mais elle ne fe trouva complète
qu'environ trois mois après. Il y eut des Provinces dont les Dé-
putez fc firent attendre long-tems 5 foit parce qu'ils attendoient
l'effet des promefîès du Roy pour l'cnregîtrement des Edits -, (bit
parce que les intrigues de la Cour les arrêtoicnt par des craintes
ou des efperances. Mais enfin ils fe rendirent à Saumur, où ils
demeurèrent long-tems fans rien faire , parce que le Roy ne vouloit
pas autorifer leur AfTembléc. Il en fit même des plaintes à du Plef^
fis comme d'une entreprife quiblefToit Ion autorité, &quitemoi-
gnoit que les Reformez entroient en défiance de luy : mais du Plei^
tjHt enfin lis le paya de fi bonnes railbns qu'il en fut content , & qu'il per-
r^Hton- niit par Lettres Patentes que l'AiTemblée fe formât.
Raifons Ccs raifons revenoient à deux principales. L'une étoitj que
de laper. ^^^^ |çg fyjefg (Je ctamtc & de défiance que tant de caufes don-
noient aux Reformez 5 le rcfus^qu'on leur feroit de permettre qu'ils
veillafîènt à leur fureté \cs mettroit au defefpoir -, & que dans cette
difpofition d'eiprit, où les plus làges n'écoutent plus la raifbn ni
le devoir , ils pourroient chercher des remèdes plus fâcheux que
ceîuy de leurs Afièmblées : parce que le fouvenir du pafTé ne leur
permettoit pas d'être contcns du prefent , & les remplifToit de juC-
tes alarmes pour l'avenir. L'autre regardoit l'intérêt du Roy mê-
me , à qui du Pleffis faifoit connoître , que comme il étoit fur le
point de fe réconcilier avec le Pape > il devoit fouhaiter qu'on l'im-
portunât
DE L^EDIT DE NANTES, Liv. III. 13^
portunât delà part des Reformez , afin qu*il eût de quoy repon- ifpc.
drc à ce Pontife , s'il (è plaignoit qu'on eût trop accordé à ceux Ntcejpté
qu'il tenoit pour hérétiques. La rcponfe du Roy (èroit alors tou- ^«'^J7f
te prête -, fa voir qu'il y auroit été comme forcé par l'importunité Bjoy,
de leurs Aflcmblées > & pour prévenir un plus grand mal : au lieu
que s'il faifbit quelque chofe en leur faveur fans être prefTé , il ne
pourroit que dire fi le Pape s'en offenfoit. Du Plefiis employoit
la même raiibn pour fbutenir les Reformez, qui perdoient ou le
courage ou la patience. Il leur difoit que le Roy , qui en effet
renouvelloit fes promefîes tous les jours , avoit de fort bonnes in-
tentions pour eux i mais que l'état où il étoit ne permettoit pas
qu'il leur fit du bien fans y paroître forcé , foit à caufe du Pape ,
avec qui on parloit de le reconcilier > foit à caufe des refies de la
Ligue , à qui on ne vouloit pas donner de nouveaux prétextes de
murmurer -, foit à caufe des Catholiques de fon party , pour qui
il ne pouvoit s'empêcher d'avoir de la complaifance : qu'il auroit
feulement de quoy les fatisfaire tous , fi les Reformez luy impo-
ibienr par leurs inllanccs réitérées une efpece de ncceffité de leur
accorder quelque chofe. Ces raifons fervoient à rendre la patien-
ce à ceux à qui les longueurs & les injufliccs de la Cour & des
Parlemens lafailbient perdre-, &à faire prendre en bonne part les
paroles fcchcs & froides que le Roy difbit quelquefois à leurs Dé-
putez. De même elles faifbient reprendre courage** ceux qui le
perdoient dans ces longues & ennuyeufes remifes -, parce qu'ils
croyoient que pour en venir à bout, il ne leur faudroit enfin que
de la perfeverance Ôc de Timportunité.
Comme ces raifons ficchiflbient le Roy , de qui elles tirèrent
plus d'une fois la revocation des ordres qu'il avoit donnez contre
ces Afîemblées, il eftaifé de juger qu'en effet il vouloit bien être
importuné , & qu'il regardoit cet expédient comme utile pour le
mettre en liberté d'exécuter fes bonnes intentions. En effet il
donnoit toujours de bonnes paroles aux Reformez -, & quand
leurs Députez le voyoient en particulier , il leur en donnoit enco-
re de meilleures : & fes promefîes ne laifToient nulle raifon de fè
plaindre, fi ce n'eft qu'après avoir fi fouvent rcïteré les mêmes
chofes , on n'en voyoit point le fruit. L'Alîèmblée de Saumur
commença donc le vingt-quatrième de Février , & le raport des
Députez de celle Ste. Fay ayant fait connoîtrc aux membres de
S 2 cel-
I40 HISTOIRE
KO 4" celle-cy les mauvaifes intentions des principales têtes du Confcil
& des Parlemens, on y prit des refolutions plus fermes & plus vi-
goureufes , qu'on ne l'auroit attendu de gens qui fembloient privez
de toute reflburce. On fit de nouvelles propositions , & de nouvel-
les demandes. On ne voulut plusfe tenir aux vieux Edits, qui
avoient été caffezou éludez tant de fois, & dont on vcnoit enco-
re de fe moquer publiquement par la chicane du Procureur Gene-
ral. On ne fe contenta plus de demander de nouvelles grâces , par
forme de compenfation des retranchemens qu'on avoit faits à
ccluy de 1577. pour favorifer la redudion des Ligueurs. On
trouva infupportable que le Roy accordât de fi grandes recom-
pcnfes aux rebelles pour les remettre dans leur devoir ^ & que des
fujcts toujours fidèles, toujours attachez à fa pcrfonne & à fa for-
tune, euffent befoin de couvrir du nom de compenfation les juftes
recompenfes qu ils pouvoient prétendre. En un mot on commen-
ça à tenir un autre langage qu'auparavant, &à vouloir un Edit tout
. nouveau , oiJ les Reformez puflcnt trouver plus d'avantages &
plus de furetez, que dans ces Edits qu'on avoit rendus meprifa-
bles parla licence de les violer. Ils difoient que le Roy avoit pro-
mis un autre Edit aux Députez qui s'étoient trouvez à Mantes j
& que c'étoit une illufion de vouloir après cela qu'ils fe conten-
talTènt de l'Edit de 15 77. que le Roy avoit en vain confirmé par
deux autres y -ils demandoient un autre Edit en recompenfe de
tant de fervices , de tant de patience , & de tant de f âng qu'ils avoient
VAjfem- verfé. Ils agitèrent long-tcms entre eux de quels articles ils dc-
MéeJe- voient demander qu'on le compofât -, & cn^n ils convinrent de
^nE% certaines demandes qu'on peut réduire à fix ou fept points : fa-
nottze^H voir I. Qu'on leur donnât un Edit nouveau, fans les amufer
ntez/'*' P^^ ^"S promeiïès de la reftitution d'un autre qui ne les conten-
toit pas. 1 1. Qu'on leur donnât une entière & générale liberté
d'exercer publiquement leur Religion par tout le Royaume. 1 1 1.
Qu'on afïïirât des gages publics aux Miniltres, pu en leur laif-
fant les dîmes qu'ils ne vouloient plus payer aux Ecclefiaftiques ,
ou en leur afiignant des fonds qui ne purent être divertis j &:
ils demardoient la même chofe pour entretenir des Ecoles
& des Ecoliers. I V. Qu'on aflurât aux Reformez la poflèflion
de leurs biens j tant de ceux dont ils jouiflbient déjà, que de
ceux qu'ils pouvoient elpercr par fucceflion , donation 5 tefta-
menc
DE L'EDÎT DE NANTES, Liv. III. 141
ment ou autre raifon de droit. V. Qu'on reçût des Juges Rc- i^p^.
formez en nombre égal à ccluy des Catholiques dans tou-
tes les jurididions. VJ. Qu'on les reçût indifféremment comme
les Catholiques à toute forte d'Offices & de Charges. VII. Qu'on -
leur laiflat en garde pour leur fôreté les villes qu'ils avoient entre
les mains , & que les garnifons en fûfîènt payées des deniers du
Roy.
Pendant qu'ils preparoient leurs plaintes 8c leurs Cahiers pour
les envoyer au Roy, l'affaire de fa réconciliation avec le Pape fc
preflbit fort du côté de Rome y & ce Pontife s'impatientoit des de-
lais qui retardoient l'envoy d'un Commiflàire pour en traitter avec
luy. A la vérité le Pape ne paroiffoit encore rien relâcher de fes
premières prétentions -, mais on pouvoit juger qu'il en rabatroit
quelque chofe quand il fèroit tems , parce qu'il fe reduifoit en
termes vagues & généraux à promettre tout ce qu'il pourroit fai-
re, pourveu qu'il ne fût pas contraire aux intérêts & à l'honneur
de fon Siège. Le Roy d'un autre côté fe tenoit dans les mêmes
gcneralitez , & ne vouloit confentir à rien qui fût indigne de luy
ni de la Couronne. Il y avoit deux fortes de gens dans le Con-
feil qui étoicnt d'avis de lailîer au Pape à fon tour la qualité de
pourfuivant : perfuadez qu'on le reduiroit par un peu de perfeve-
rancc à donner une ratification pure & fimple de l'abfolution que
le Roy avoit reçue à St. Denis. Les uns étoicnt les Reformez ,
qui ne pouvoient fouffrir que l'honneur du Roy flit proflitué aux
intrigues de la Cour de Rome : les autres étoient les Catholiques
fans bigoterie, qui aimoicnt le Roy & l'Etat, & qui ne doutant
point que le Pape ne voulût rendre fes bonnes grâces au Rov au
prix de quelque baileffe, auroient bien voulu que ce Prince' eût
évité ce piège, en laiffantau Pape le foin de le rechercher. Mais VAé-fe^
le party des Catholiques outrez l'emporta, parce que le Roy fe ^"f'^"^^-
vouloit tirer de peine, & qu'il croyoit que fon repos depcndoit roJ. **
de fa reconciliation avec le Pape. Il étoit las de la vie laborieu-
fe où il avoit pafle fes plus belles années. Il voyoit que l'état de //«/^r
fa fucceffion feroit fort incertain après fa mort. Il avoit deliéin/^''''^'''
de rompre fon mariage avec Marguerite de Valois dont il n'a- f""^^
voit point d'enfans : il penfoit à en contracter un autre avec la bel- '^
le Gabriele d'Etrée qu'il aymoit jufqu'à l'enchantement : & il ne
croyoit pas pouvoir reûlîir à l'un m a l'autre fans le Pape. Il fa-
S :; voit
premier^
142 HISTOIRE
if5>5- ^'^^^ ^"^ c'étoit la dernière excufe des Ligueurs opiniâtres, que
le Pape ne Tavoit point reconnu. Le Duc de Mayenne avoit ju-
ré de ne luy obéir point qu*il ne fût bien avec le Pape. Il efperoit
que cette réconciliation mectroit fa vie en fureté-, feroitcelfer les
confpirations fréquentes dont le doute de la finceriré de là conver-
fion écoit le prétexte \ rameneroit dans leur devoir les .Moines, dont
plufieurs refufoient encore de le nommer dans leurs prières. En«
finil vouloit avoir le tems de remettre fon Royaume en bon état
par la paix , pour exécuter après cela de grands deflèins au de-
hors.
Mais fi fa volonté l'emporta fur les avis des Reformez & des Po-
litiques, ils eurent au moins d'abord le crédit de nommer un hom-
me du Confeil & un autre du Parlement, pour aller à Rome avec
un Ecclcfiafl-ique négocier cette affaire. Cette deputation eût
été de grande importance pour le fervice du Roy , & il auroit bien
fallu que le Pape y eût pafîc , il on avoit eu en France aflcz de re-
iblution pour s'en tenir à cet avis. Jamais un homme d'Etat,
< nourri dans les grandes affaires, n'auroit confcnti à rien qui eût
été contraire à la dignité du Roy : & il eût été bien fécondé par
un homme pris du corps d'un Parlement, dont les maximes lont
toujours oppoièes à celles de Rome, quand il s'agit de l'Etat.
commif' Mais le Pape fut parer le coup par le moyen de d'Oiïàt, &tou-
^éiusLur ^^ ^^ commifïion fut rcmiie à deux Ecclefiaftiques : de forte que
entrait- le Pape fut au fond le maître de l'affaire j puis qu'ils étoit lefbu-
Terrtlé' ^^''^^^'^ ^^^ ^^^^ Commiflaircs avec qui il devoit traitter. L'un
d'ojfat. des deux étoit le plus fignalé fourbe de fon tems : & tous deux
n'étoient pas gens à fe rendre indignes du Chapeau de Cardinal ,
par une fidélité trop farouche. D'OfTat néanmoins qui avoit le
plus de probité paroifîbitalîez chagrin, de ce qu'on accordoit au
Pape plus qu'il n'avoit confeillé : mais du Perron fon collègue
étoit le plus autorifé. C'étoit luy qui apportoit de France les in-
ftructions > & d'Ofiàt ne luy étoit joint que comme un homme
qui entendoit bien les foupleffes & la Politique de Rome , & de
qui l'autre pouvoit avoir befoin pour fe bien conduire dans cette
Cour , qui luy étoit encore inconnue. Ce fiit un malheur pour
le Roy, que des deux Procureurs qui dévoient le reprefcnter dans
cette affaire , celuy qui avoit le fecret & l'autorité n'étoit pas le
plus honnête homme. Cependant ce ne fut pas du Perron qui
eut
DE UEDIT DE NANTES, Liv. III. 145
eut le gré & la recompenfè de cette affaire : d'Oflat fi gouverna 155)5.
fi prudemment que le profit en fut pour luy -, & que le Pape luy
donna un Chapeau de Cardinal quelques années après. Il eft
vray que cette dignité parut luy être donnée à la nomination du
Roy : mais le Pontife luy avoit fait dire auparavant, qu'il Tac-
corderoit volontiers à d'Ofîat fi on la demandoit pour luy. Mais Hautes
pour tirer du Roy le plus qu'il pourroit , le Pape fit d'abord toutes les ^/'J^'"'
demandes que les Eipagnols luy fuggererent : bien afTûré néanmoins plj^, '*
qu'on ne les luy accord eroit pas. Il voulut donc en premier lieu
qu'on luy promît de révoquer tous les Edits qu'on avoit donnez '
aux Reformez-, de les exclure de toutes les Charges > de les détrui-
re aufli-tôt qu'on auroit fait la paix avec les Liguez & avec l'Ef^
pagne -, de ne contraindre point les Catholiques à obfcrver les
Edits -y de rétablir les Jefuites -y de reflituer en Bearn aux Eccle-
fiafliques les biens que la Reine Jeanne leur avoit ôtez -, & plu-
fieurs autres chofes à quoy l'honneur & la prudence du Roy ne luy
pouvoient permettre de s'obliger. Principalement on vouloir
qu'il déclarât, que s'il retomboit dans l'herejîe il fc tenoit déchu
du Royaume. Le Roy avoit chargé ^ç,s Procureurs d'inflrudions
bien oppofées à ces demandes. Il y expliquoit fès intentions avec ^nflnw
beaucoup de force & de netteté j &leur y faifoit leur leçon d'une *cl\l\]'
manière fort preciiè. On y remarquait bien formellement ce vrocu-
quelc Roy vouloit accorder fur les demandes qu'on favoit que le
Pape pourroit faire : & on y ordonnoit bien exprefîément de ne
conléntir à rien dont la Majeflé Royale fût offcncéc j & de ne paf-
fer point les bornes où le Roy fe renfermoit. Ce qui leur étoic
le plus recommandé étoit de ne confentir à nulle réhabilitation ,
comme file Roy avoit eu befoin pour être Roy légitime, ou ca-
pable des fonâ:ionsde la Royauté, d'^obtenir le confentement du
Pape: & le Roy leur prefcrivoit fort exadement, jufques où il leur
permettoit de porter leur complaifance fur cette matière délicate.
Il vouloit aufîi qu'ils enflent grand foindefon honneur & de fa di-
gnité j & qu'ils s'opiniâtraiîent à maintenir la validité de i'abfblu-
tion qu'il avoit reçue en France. Il y avoit iur tout un article
exprés pour les Reformez, dont les termes ibntii remarquables,
que je ne puis m'empêcher d'en raporter icy une confiderable par-
tie. Après avoir allégué les raifbns qu'on avoit eu de confeiller au
Roy de faire revivre l'Edit de 1577. qui étoit le moiadre de tous
ceux
reursat*
centrai-
re.
144^ HISTOIRE
jrpr ceux qui avoicnt été accordez aux Reformez j & reprcfenté les
maux que fa revocation , obtenue par la Ligue , avoit caufcz dans
le Royaume > & ceux qui auroient pu arriver, fi on avoit refufé
de donner aux Reformez des aflurances contre les Edits de pro-
icription que la Ligue avoit fait publier contre eux -, l'inftrudion
Temoi- 2}oûzc ^ que câux de lad. Religion étant en grand nombre -^ & puif-
f S •f'^^^ ^^^^ ^^ Royaume comme ils font , fervent & fortifient encore
aux fer- grandement fod. Majefté à défendre fon Etat contre les ennemis
'"'"J ^ d'iceluy , comjne ils ont fait cy -devant : de Porte que Cad. Maief-
frefem te Jerott accujee d imprudence & d ingratitude , fi après en avoir
desKe- f'ifé tant de fervices qu'elle a fait^ & au befoin qu'elle a encore
prmez.. ^'^^^^ ^ elle leur couroit fus , & les forçoit à prendre les armes con-
tre fa perfonne 5 comme ils ont toujours fait quand l'on a voulu
forcer leurs confidences. Mais fa Majefié efiperé d'en avoir meil-
leur compte par la douceur & l'exemple de fia vie que par la ri*
gueiir.
Il n'y a rien de plus authentique , ni de plus exprés que ce té-
moignage, rendu dans uneoccafion fi publique &:fi importante
aux fervices paflez & prefens des Reformez. S'il y avoit de l'é-
quité dans le monde , il ne faudroit que cela pour faire connoître
que la liberté de leurs confciences , &la fureté de leurs perfonnes,
de leurs biens &de leur honneur, outre qu'elles font des dépen-
dances d'un droit naturel , qui oblige le Prince à confcrver à {t,s
fujets ces avantages privilégiez , leur étoient encore accordées
comme une jufte recompenfe de leurs longs & fidèles fervices.
De forte qu'en leur ôtantde nos jours l'unôc l'autre de ces privi-
lèges , non feulement on a violé les plus légitimes devoirs des
Souverains , qui doivent fe regarder comme les confervateursidc
la hbcrté & delà fureté de leurs fujets: mais on s'eft noirci dure-
proche d'une ingratitude que Henri le Grand avoit jugée indigne
de luy j quand on a privé des enfans obeïfîans ta paifibles de ce
qui leur avoit été acquis fi légitimement fous le règne de ce Prin-
ce, par les fervices de leurs pères.
fJ/S«r'' Mais quelque précaution qu'on eût prife pour conferverl'hon-
itsîYo- neurduRoy, fes Procureurs ne laifîèrent pas de s'accommoder
curtuYs à tout ce que le Pape voulut: & leur excufe fut qu'ils n'avoienc
*»ei& P^ ^^^^ autrement > &qu il avoit fallu accepter de certaines con-
*» ^/ dirions pour en éviter de plus f^cheufes. Ils voulurent même per-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. III. 14^
fùader au Roy qu'ils luy avoient rendu un grand fèrvice , en ce i^^^,
que Tarticle de la rehabilitation avoit été tourné avec tant de dexté-
rité , qu'on pouvoit foutenir qu'il n'en étoit point parlé dans la
Bulle d'abfolution i & que néanmoins s'il y avoit des gens qui la
crufîent neceflàire, on pourroit foutenir auilî qu'elle y étoit luffi-
fammcnt contenue. De forte que toute la fidélité de ces Procu-
reurs, dans une affaire d'une telle confcquence, &oùil s'agiflbit
d'établir la dépendance ou l'indépendance de la Couronne , fe re-
duifit à expliquer cette grande queftion par des termes équivoques,
dont on pouvoit tirer égal avantage pour l'une & pour l'autre.
Cela ne fut pas goûté par les bons François : mais ces coups de
baguette qu'ils reçurent au nom du Roy comme fes Procureurs ,
en prefènce de tous les Cardinaux , pendant la cérémonie de l'abfb-
lution, furent encore moins approuvez. Les Efpagnols en firent
des railleries i les Politiques François en murmurèrent j les Refor-
mez en firent de l'éclat > & reprochèrent aux Catholiques comme
un outrage fait à la Majefté Royale, qu'on eût cxpofé le premier
Roy de la Chrétienté , (bus prétexte de Religion , à recevoir des
coups de bâton par procureur. La Cour même eut honte de cet-
te bafîefi^ : & du Perron eut beaucoup de peine à parer les fan-
glans reproches qu'on luy fit de cette prévarication après (on re-
tour. Mais il fai(oit de fon efprit tout ce qu'il vouloir ; Se (avoit
donner un tour à ce qu'il difbit, qui ôtoit à ceux à qui il parloir ou
le defir , ou la hardieflè de luy contredire. C'eft pourquoy on
raporte que le Pape luy avoit dit à Rome , qu'il prioit Dieu de
ne luy laiifer jamais venir dans l'efprit que de bonnes penfées , parce
que s'il en avoit de mauvailes , il avoit un efprit capable de les bien
défendre. D'Ofiàt tâcha d'excufer cette indignité en difant, que les
coups avoient été li légers qu'une mouche n'en fût pas morte %
comme fi l'affront avoit été plutôt dans la violence du coup, que
dans la cérémonie. Quelques Hiiloriens ont trouvé cette circon-
(lance fi honteufe, qu'ils n'ont ofé la reciter fincerement dans leur
Hiftoirej comme fi l'outrage étoit moins réel quand on fait le
difiimuler.
Ces Procureurs avoient con(cnti à feize articles , que le Pape ArticUi
impofoit au Roy par forme de pénitence. Il y en avoit quelques- '^^''^'"'
uns furie fujetde(quelsleRoy avoit fouhaité qu'on le laiflàt faire ,
comme le tems luy en donneroit l'occafion. Mais ils avoient été
Tome I. T fi.
ttnce.
ï4â HISTOIRE
j^c)^. fidèles fur cela comme fur le rcftç, & ils avoient foufFert que F
Pape en impQfàt la neceflité au Roy d'une manière aflez forte-
Tels écoient le troifiéme, le quatrième & le iîxiéme, qui prefcri-
voient de rétablir la Mefle en Bcarn, ôc d*y remettre des Evêqucs
entretenus aux dépens du Roy , jufqu'à ce qu'ils fuflent rétablis
f dans leurs biens -, de retirer le Prince de Condé d'entre les mains
des Reformez dans un an ,. pour l'élever dans la Religion Catho-
lique i &de faire publier le Concile de Trente, & le faire obfer-
ver en tout ce qui ne troubleroit point le repos public. Le dixiè-
me étoit couché en des termes pleins d'artifice -, & obligeait le
Roy à donner en toutes choies des marques de préférence aux
Catholiques fur le refte de fcs fujets j & des témoignages du dcfîr
qu'il avoit de réunir tout foa Royaume dans une même Reli-
gion.
siaiKtes Les Reformez (è pîaignoient de ces articles r qui étoient accor-
formez. ^ dire£tement contre eux : mais les Procureurs tâchoient d'en
Excu/es excufer une partie, en difant que de certaines expreflions y avoient
iZews. ^^^ ajoutées en faveur des Edits , & qu'il avoit fallu s'en conten-
ter, parce qu'il auroit été impofîible d'obtenir des façons de par-
ler plus claires ôcpîus precifès. De forte que la fureté des Refor-
mez , à l'égard de ces articles , dependoit de certains mots équi-
voques , dont rintelligence étoit rei'ervée à ceux qui avoient con-
clu le Traité. C'eft ainfi qu'ils rendoient compte de la claufe du
fixiéme, touchant la publication du Concile qui avoit été mal reçue
des Reformez > parce qu'ils ne pouvoient regarder que comme un
lignai de leur ruine , la publication d'un Concile tenu exprès pour les
condamner. Les Procureurs dilbient fur cela, qu'on n'avoir pu
Élire expliquer cet article plus amplement: mais que le Papefavoit
&^ntendoit bien , que la claufe de ne troubler point le repos pu-
blic avoit été ajoutée en faveur de l'Edit de paix : Se qu'il n'avoit
ni pu , ni voulu s'expliquer mieux , de peur qu'on ne crût qu'il
Ifapprouvoit. De même à l'égard des autres , qui fembloient trop
preflèr le Roy de certaines choies bien plus difficiles en France ,
qu'on ne fêles imaginoit à Rome, ils affûroicnt que le Pape n'a-
lïoitpaseu defîein d'obliger le Roy à l'impoffible, & qu'il le con-
tenteroit toujours de ce qui fe pourroit faire. Ainfi on obligeoit le
Roy cri termes exprès à tout ce qu'il plairoit au PapCj &on laif-
ioit à la bonne humeur du Pape d'excuiec le Roy , quand il y au-
roit
DE UEDIT DE NANTES, Liv. III. 147
foitdcrimpolîîbilité à exécuter les pénitences qu'on luy avoit or- 15^5
données.
Cependant on pouvoir juger par les cruautez qu'on exerçoit à
Rome contre ceux qu'on y appelle Hérétiques > qu'on n'y étoit pas
devenu plus équitable envers les gens de ce caradccre. Un Flamand su^^i'^a
flit brûlé vif au champ de Flore ^ & un Anglois qui avoit renvcr- ^'^/^a*
fé la cuftode, & traitté le Sacrement d'Idole , fut puni de même , tmsk
après qu'on luy eut coupé la langue & le poing : & de peur que ^°""'
fa peine ne fût trop douce , on le brûla continuellement par les
chemins avec des torches ardentes , depuis les priions de l'Inqui-
fition, jufqucs au lieu du fuplice. Les Reformez pouvoient ap-
prendre de là ce qu'ils dévoient efperer , fi la bonne foy des Edits
qu'on leur accordoit dependoit à^s infpirations qui pouvoient ve-
nir de Rome. Mais ils avoient encore d'autres raifons de tout crain-
dre. On mandoit de Rome même qu'il y avoit d'autres conditions
fecrettes de l'abfolution du Roy , qui s'y debitoicnt i foit que ce
fût un artifice des Efpagnols , pour jetter de nouvelles défiances
dans Tefpritdes Reformez; fbit qu'en effet le Pape eût exigé, & ArtkUt
les Procureurs eufîcnt promis verbalement de certaines chofes qu'on {'/«''^'^^,
Ti'avoit pas trouvé à-propos d'écrire. On difoit au moins que le mis au
Roy étoit obligé par ces conditions à exclure les Reformez des ^'^^''
Charges, quelque promefîe qu'on leur fit de les y admettre ; de
marier la Princefiê fa fbeuràun Prince Catholique 3 & de faire la
guerre aux Heretiqties de fbn Royaume, jufqu'à ce qu'ils fufient
exterminez. Le mariage de cette Princefîè avec un Prince Lor-
rain , qui fut fait quelques années depuis , confirma le foupçon
du refie : d'autant plus qu'elle auroit été recherchée par des Prin-
ces de (a Religion, fi le Roy avoit voulu y entendre. Il efi: cer-
tain au moins que les Reformez fe perfuaderent que ces articles
étoient véritables : que du Pleflis même l'écrivit au Roy 5 qu'ils
imputèrent iJcs manières d'agir à la complailance qu'il avoit pour
les dcfirs du Pape ; & qu'ils crurent que de tout ce qu'on luy
avoit propofé contre eux ,• il n'y avoit que l'article de leur defl:ruc-
tion à quoy il n'avoit jamais voulu entendre.
Fin du troisième Livre, ^
T 2 H I S-
148 HISTOIRE
HISTOIRE
DE
LEDIT DE NANTES,
LIVRE QJJ A T R I E M E.
Sommaire du IV. Livre.
ÀJjfacre à la Chataigneraye , excepté par Lettres ^Patentes
des aCtes qui feraient compris dans les Amnifties. Artifices
pour dtfpofer les Reformez, à rendre le Trince de Conde. Inté-
rêts du ^Prince de Conti & du Comte de Soijfons. 'Duc de la
Trimouille Jiifpeêî au Roy. Evocation du procès de la Princef-
fe au Parlement de Paris : oit Pifani l'amené avec le Prince
f on fils. Précautions prifes pour la Religion du Prince : mal
obfervées. J uft ific at ions delà Princejfe. ^Députez de l'Ajf em-
blée de S/iumur auprès du Roy : payez de promejfes générales.
Guerre déclarée à PEJpagne. Ligue avec la Reine d'Angleter-
re ^ qui veut mettre un article dans leTraitte en faveur des Re»
formez. Le Maréchal de Bouillon sy oppofe. Mécontentement des
Reformez : ér fes effets. D^oii venoient les froideurs du Roy.
Sugge [lions des Catholiques. Adreffe du Pape. T>ifferens lan-
gages du Roy. Ses fouhaits. Bruits de la difgrace des Re-
formez : & leurs four ces. Ajf emblée du Clergé. EditdeTra-
vcrcy. Edit en faveur du T>uc de Mayenne. Vangeance de
rajfaffmat de Henri l II. négligée. Etat du Royaume ., et projet
de le dcrnembrer. LAffmiblee fe rend à Loudun , avec pèr-
?mfiwn. Nouveaux foupfons : & fujets de plaintes, dépu-
tez à la Cour. Refolution de l Ajf emblée de fe maintenir juf-
qu'à une conclufion : mal pnfe du Roy s qui ordonne de larom^
pre. Effet de cette rigueur. Sage expédient de du Pleffts :
reiiffît à l'AJfemblée : eft approuvé du Roy ; qui révoque l ordre
defe feparer : ô" promet un Commiffaire. Patience des Reformez.
Continuation de leurs infiances. Légat ev> France , renouvelle
les
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IV. 149
les craintes. Garnifons retranchées ou mal payées, Jaloujtes
de Roni. Synode àSaumur. Ses refolutions. Ses lettres au Roy.
Commiffaires nommez : plaintes du Roy : fermeté de l'AjJem-
blee : qui eft transférée à Vendôme : fe relâche fur la généra-
lité de l exercice: obtient comme par compenfation un fécond lieu
de Bailliage : & le droit aquis par la pojfejjion de Tannée 1596.
UEdit de 1^77- vérifié à Roiien -, ne contente pas les Reformez.
Le 'Pape s'en plaint i & d'OffatTappaife. L'Ajfemblée ejl me-
contente du retour des Commif aires -, qui donnent avis au Roy
qu'il eft nece faire de la contenter. Soupçons & défiances reci^
proques. Vivifions dans l'Aj] emblée : qtti retourne à Saumur.
Surprife d'Atniens. Confufion des affaires. Tropofitions de
guerre à l'Âff emblée. Motifs des 'Ducs de Bouillon & de la
Trimouille. Embarras du Roy. Ses diverfes manières d'écrire à
l' AJ] emblée devant & après la furprtfe. Reponfes de l'Afi em-
blée : qui eft transférée à Chatelleraud -, plus nombreufe qu'au-
paravant. Excîifes de la fermeté de l' Aff emblée fur la recher-
che des furetez. Sa conduite à l'égard du fiege d' Amiens. Di-
vers avis. Reformez fervent au fege. Avions des Ducs de
Bouillon & de la Trimouille. Changement de Commiffaires. Le
Trait te c ont mué \ &onfe relâche des deux cotez. Nouvelle
pofféffion aqmfe en 1 5-5)7, Principaux articles que le Comte de
Schomberg accorde fous le bon-plaifir du Roy. On délibère fî
on les acceptera par provifion ou définitivement. Chicanes au
Confeil fur les articles. Interruptions du Traitté. Dernières in-
ftru£îions. Nouvelles chicanes que le Roy arrête par fa fermeté.
L' Affémblée implore l'interceffion delà Reine d' Angleterre ^ des
Provinces Unies. Nouvelles longueurs en partie malicieufes y
en partie innocentes.
Endant qu'on ncgocioit c^ttc afFairc à Rome , les icoc
f Reformez de France, qui faifoient leurs exercices à
la Chataigneraye , furent mallacrez par les foldats
de la garnifon de Rocheforr, qui fevaintoient d'a-
voir Ta veu du Duc de Mercœur. La Dame du lieuy
qui s'étoit déjà fignalcepar d'autres violences , ayant
remarqué que les Reformez , qui s'y afîèmbloient de divers lieux
du voiiinagej portoient é&s armes pour fc défendre 3 parce que
T 3 k*
Tfo HISTOIRE
3 ^p^ les garnifbns Ligucufes couroicnt la campagne, fit dcfenfes, fous pré-
texte de conferver fà garenne , à ceux -qui viendroicnt au Prêche
fur fcs terres d'y venir armez j & accompagna cette defcnfc de tant
Majfacre dc mcnaccs, quc Ics pauvrcs gcns obéirent. La garnifon -de Ro-
^''**^^'*-chefort les furprit dans cet état, comme ils étoient afîèmblez
rljfeT dans une maifon de Vaudoré Gentilhomme Reformé. Il y en eut
deux cens de mafïâcrez de tout fexe Se de tout âge. Un enfant
^ même qu'on portoit batifer fut tué comme les autres. L'innocen-
ce d'un autre, qui vouloit donner huit fous pour fa rançon, ne le fit
pas épargner. La raiibn alléguée par ces bourreaux pour excufer
leur fureur , ctoit que le Duc de Mercœur leur avoir défendu de
prendre les Huguenots à rançon: &de plus ils s'afîuroient que le
Duc en faifantfapaix, leur obtiendroit l'abolition de cette horri-
rible méchanceté. La Dame delaChataigneraye , qui avoit pré-
paré cette fanglante exécution avec tant d'arrifice, fe divertifîbit,
après le coup fait , à demander le nombre & le nom des morts -, &
s'informoit fi tels ou tels , qu'elle haïfibit le plus , y étoient compris.
Cette barbarie émut les Reformez autant que la chofc le meritoit.
On fitdes Aflemblées pour y pourvoir j on prit les armes pour fè
défendre de pareilles violences dans les lieux voifins, ou pour ren-
dre la pareille ^ & il y en avoit des plus échaufez qui ne parloient
que de reprefailles. On le plaignit que cette adion paflbit les bor-
nes d'une jufte guerre. On fupplia le Roy de ne faire jamais grâ-
ce de ce mafiàcre à (es auteurs, parce qu'on entendoit , paix ou guer-
re, les pourfuivre en juftice comme des brigans , indignes d'é-
T.xc?^té trc tenus pour foldats. Le Roy donna des Lettres Patentes qui
^^rut. declaroient, que cette cruauté ne feroit point comprife au nombre
à^s adlcs militaires, dont les Traitez de paix portent ordinaire-
ment l'Amniftic: &en confequence la Trimouille & du Plelîis fi-
rent punir quelques-uns de ces bourreaux , qui tombèrent entre leurs
mains. Mais le fupplice de cinq ou fix coquins , ne fut pas pris
Amnif- pour une fuffiiànte réparation du maflâcre dc tant de perfonncs in-
tm. nocentes. C'ell pourquoy les Reformez fe plaignirent deux ans
après que le Roy ne leur en avoit pas fait de juftice: non plus que
■de plufieurs autres outrages qu'on leur faifoittous les jours en di-
vers endroits du Royaume.
Artifices Ce fut aufiî pendant qu'on avançoit la négociation de Rome,
/'J"^"''/- qu'on fit jouer tous les rclTorts de la Politique pour tirer le Prince
de
très ?a,'
tentes
des ac-
tes c^ui
feroicnt
ccmpris
dant les
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IV. ifft
de Condé des mains des Reformez. La vérification de PEdic i ^«^
n'avoic pas été (uffilànte pour les difpoier à le rendre y parce qu'el-«e>r.
le n*avoit fcrvi qu'à leur donner de nouveaux fujets de plaintes. *"'-*
Il y falut donc employer de nouvelles rufesj &le Roy ne voulut /Tpr/^c*
pas attendre, pour y travailler, que le Pape luy en impofâtla ne-^'*^^'^''
ceflîté. Un des artifices dont on le ièrvit pour fonder leurs inten-
tions , fut de dire tout haut qu'on fa voit bienqu'ils ne le rendroient
jamais, & d'appuyer cette crainte étudiée qu'on en faifoit paroî-
tre de toutes les confiderations qui le pouvoient empêcher : à
quoy on ajoûtoit des reflexions fur le préjudice que ce refus pou-
voit faire aux affaires du Roy y & on n'oublioit pas de couler
adroitement qu'on (croit obligé de le leur ôtcr par force. On leur
faifoit entendre ainfi aflez clairement qu'ils ne dévoient cfpercrni
paix ni fureté, pendant qu'ils s'opiniâtreroient à garder ce Prin-
ce j qu'on prendroit le refus qu'ils pourroient faire de le rendre au:
Roy, pour une manifefte rébellion i qu'on les tiendroit déchus par
là de toutes les grâces qu'on leur auroit accordées > & qu'on y trou-
veroit un beau prétexte de s'unir contre eux avec les Puilîanccs
étrangères, quiavoient tant de paffion de les détruire. Ces con-
fiderations failbient effet fur trois fortes de gens: les timides, qui
après trente-cinq ans de guerres, qui avoient coûté aux Refor-
mez tant de peines, de biens & de fang, ne demandoient qu'à
vivre en repos, &perdoient courage à toutes les apparences d'u-
ne nouvelle prife d'armes: les Courtifans, qui fe mettoicnt peu
en • peine de l'avenir , pour veu qu'ils eulîènt la Uberté de leurs con-
fciences, & que leur Religion ne mît point d'obllacle à leur for-
tune prelènte : & enfin les fages , qui croyoicnt que la paix leur étoit
neceiîàire, pour les affermir & les conferver -, qu'une nouvelle guer-
re ne pourroit finir que parleur ruine 5 qu'il falloit décharger leur
Religion du reproche d'avoir rallumé le feu dans l'Etat , quand
il étoit prêt de s'éteindre i & qu'il (croit fort glorieux à leur dodri-
ne , que les Catholiques accufbient d'infpirer un efprit de fa£tion >
& de trouble, de leur en donner le démenti dans une affaire ii
éclatante.
Mais il y avoit encore d'autres gens à ménager que lesReform.cz,-
pour avoir un heureux fiiccésdela rellitution du Prince de Condé.-
La mort du Prince fon perc avoit eu des circon(tances qui avoient
rempli de foupçons les clprits crédules > & Taceufàtion intentée
con-
Î52 HISTOIRE
1 5*0 c. contre fa veuve , fufpede d'avoir contribué à fa mort , avoit pcrfuadé
à bien 4^s gens qu'elle avoit eu d'étranges raifons de fe porter à
Intérêts cette exircmîté. Le Prince de Conti & le Comte de Soiflbns
f«^r"i étoient de ceux qui croyoient cfFe£tivement , ou qui vouloient
ti, &j» croire , qu'il y avoit dans la naiflance du jeune Prince quelque cbo-
^'""{' fe qui ne permettoit pas qu'il les éloignât de la Couronne. Le
/Lu Comte principalement , efprit ambitieux & brouillon , & qui
s'accordoit mal avec le Roy , étoit fort à craindre, &on pouvoit
pcnfer qu'il traverferoit de toute là force tout ce qu'on feroit , pour
Duc Je approcher le Prince de Condc du trôneàfon préjudice. Le Duc
'*^''.^* de la Trimouille 5 outre l'intérêt gênerai de fon party , donnoit
fufpea encore de la peine par une autre raiibn. Son ambition & fon cou-
au Roy. j-^gç faifoient craindre qu'il ne confentît jamais à rendre au Roy
un Prince, (bus le nom duquel il pouvoit être un jour le Chef des
Reformez , parmi lefquels il étoit en grande conlidcration. Il
avoit fait un voyage à Saint Jean d'Angeli, où le Prince étoit éle-
vé , qui avoit donné à la Cour de grandes inquiétudes } parce
qu'on crut qu'il y étoit allé pour s'aiîlirer de la perfonne de fon
neveu , & pour faire en forte que ceux qui l'avoient en leur char-
ge, ne le rendiflent jamais aux Catholiques. Mais on fut par du
Pleiîîs , à qui les Reformez ne cachoient rien , qu'il n'avoit tra-
vaillé qu'à faire lever la fufpenfion delà Ccne, où la Princefîè fa.
fceur avoit été retenue depuis la mort de fon mari, dontoaavoit
cru qu'elle étoit complice. C'étoit , peut-être , une démarche
pour aller plus loin avec le tcms : mais alors au moins cela ne tiroit
point à confequence contre les defleins de la Cour. Au fond ce
n'étoit pas une affaire aifée que de foutenirles droits de ce Prince,
dont la mcre étoit foupçonnée par les Reformez même d'une
étrange conduite, fi les Catholiques le voyant nourri dans la Reli-
gion Reformée , s'étoient avifez d'appuyer contre luy les mêmes
foupçons pour l'exclure de la Couronne. De forte que l'entête-
ment de le garder n'auroit peut-être fervi de rien , qu'à donner bien
des affaires aux Reformez & au Duc fon oncle.
On crut pourvoir à tous ces inconveniens par le foin qu'on prit de
juflifier la Princefîè de Condé. On interefîà la Trimouille par
l'honneur de fà fbeur, qui denieuroit flétri parle jugement que les
Juges de Saint Jean d'Angeli avoient rendu contre elle. On fit en
forte pendant que le Roy étoit en Bourgogne, où ia Trunouille
le
DE UEDIT DE NANTES, Liv. IV. 155
le fèrvit utilement de fà perfonne & de fbn courage , que les parens i<^f,
prefentcrenc une Requête, oii ils expofoient que les Juges qui l'a-
' voient condamnée étoient incompetens , & dcmandoicnt que les
informations fufîcnt cafTées , ôc que TafFaire fut renvoyée au Parle-
ment de Paris , où les caufes des Princes du Sang font naturellement
commiles. Le Roy reçut la Requête , & accorda le renvoy du pro- Evoea.
ces par Lettres Patentes. Auffi- tôt il envoya le Marquis de Pifàni ÎJ.""/^,
à St. Jean d'Angeli pour être auprès de la perfonne du Prince, &c u Prin.
pour trouver le moyen de le tirer de là avec fa mère , fous le pre- "^' "^
texte de l'amènera la Cour, & d'être prefènt à la pourfuite d'un ment'd*
procès où il étoit fi vifiblement intercflë. Le Marquis y trouva ^*^"'
dQS difficultez. Il y avoit des gens qui ne goûtoient point \ts rai-
fbns qu'on leur alleguoit , de fe defîaifir d'un gage fi afîuréde l'ob-
fèrvation des Edits. La Rochelle n'y pouvoit donner les mains ,
& y forma de grandes oppofitions : mais les intrigues furmonte-
rent tous ces obftacles , & le plus grand nombre fut touché par les
confiderations que j'ay rapportées : de forte que le Prince & fa me- o« ?ifr»i
re furent remis à la difpofition du Roy. Une des plus grandes dif- ^^^,f 7*
ficultez venoit de la confcience des perfbnnes zélées , qui voyoient Prince
que s'il étoit entre les mains des Catholiques , on luy feroit bien-tôt ^°" ^^^'
oublier la Religion de fon père & de fon grand-pere. Ils voulurent Precau.
donc prendre quelques précautions pour luy conferver la liberté ^""''^''"
de fà confcience j & la Cour , qui ne vouloit point rompre la ne- urTiL
gociation par de nouvelles difficultez , promit tout ce qu'on vou- <^'"" '^^
lut. Mais elle oublia fes promefîès aulîi-tôt qu'elle eut le Prince maUè-^
en (on pouvoir. Durant quelque tems onluylaiiîa fesdomeftiques/^''*'*"?
Reformez j mais on les luy ôta malgré iks cris & ïts larmes , quand
on s'apperçut qu'il fe retiroit avec eux en des lieux cachez pour les
catechiicr , pour chanter des Pfeaumes , & pour faire Ces prières
accoutumées. Après quoy on mit auprès de luy des perfbnnes , qui
étant de la Religion qu'on luy vouloit infpirer , eurent bien-tôt
étouffé les ièmences de la doftrine qu'il avoit apprife chez les Re-
formez. De forte que dans la fuite deia vie, après avoir étcper-
fecutcur déclaré , il dcvmt controverfifte & con vertifïèur. Cepen- J^flifi-
dantlaPrincciïè fa mère fut pleinement juftifiée. Il ne fe prefenta J^p*" ''*
point de partie contre elle : & quoy que le Prince de Conti & le f#.
Comte de Soiiîbns enflent été ajournez comme intereflez à l'afiài-
re, ûs ne comparurent point. De forte que la Princeflè n'eut pas
Tome I. V de
154 HISTOIRE
iccfi. de peine à gagner fàcaufe. Il eft vray qu*on fit desdilcours fott
licencieux contre elle > & que les Reformez ne la traitterent pas
mieux que les autres. Après le gain de fbn procès , la Princefîè
cmbralîa la Religion Catholique pendant que le Roy étoit à Rouen,
& elle y fit abjuration de la Reformée entre les mains du Légat , qui 1
étoit alors depuis peu en France. On avoit différé ce changement i
jufques-là , pour ne donner pas lieu de dire qu'elle avoit acheté fà "
juftification aux dépens de fa confcience, fi elle avoit quitté fa Re-
ligion avant le jugement de fa caufe. Mais comme on favoit allez
en quel tems la refolution en avoit été prife, on ne laiflbit pas de
demander à quel intérêt une Princefle , pour qui tant de raifons&
de Puilîànccs follicitoient , avoit été obligée de iacrifier ià Religion,
fi elle étoit innocente. Au reftc une partie de ce récit appartient
à Tannée fiiivante : mais j'ay cru que je devois raporter le tout en
ce lieu j afin de n'y plus revenir.
Deputex, Cependant TAflèmbléc de Saumur ayant pris fes dernières refb-
flJùiei lutions, députa au Roy la Noue & la Primaudaye, quiTallerent
Je sau- trouver à Lyon , & luy prefenterent leurs Requêtes & leurs Cahiers,
7rh î**' ^^^^ ^^^ nouvelles propofitions qu'ils étoient chargez de faire par
j!^oy. addition à leurs demandes précédentes. Ils les accompagnèrent
d'une mention de leurs fervices, qu'on prit pour une efpcce de re-
proche. Mais cela n'empêcha pas que le Roy ne les reçût avec dts
honnêtetez extérieures qui ne concluoient rien , & dont on n'eft
rayez, de j^mais avare à la Cour. Ils n'obtinrent de luy que des promefits
yê7^«e- générales. Il les affûra qu'il n'oublieroit jamais leurs fervices, 5c
raiti. que dans peu de tems il fatisferoit à leurs demandes j mais il leur
témoigna qu'il ne le pouvoir pour l'heure, à caufe des grandes af-
faires qu'il avoit alors fur les iras. Cependant il les exhorta for-
tement à luy continuer leurs fervices du côté de la Picardie, où il
Guerre y avoit bcaucoup à craindre des armes de TEfpagnol. On luy avoir
//'S^. ^^^^^^^ la guerre depuis peu avec beaucoup de cérémonie, parce
lae, que jufques-là on ne l'avoit eue avec luy qu'indiredtement à cauie
de la Ligue , qu'il affiftoit d'hommes & d'argent. Le Confeil trou-
va qu'il étoit honteux de fbufirir fi long-tems cette manière obli-
que d'attaquer la France j & qu'il faloit porter la guerre dans le
pais ennemi, pour divertir lesfccours qu'il donnoit aux François
rebelles. Le Duc de Bouillon fiât un de ceux qui prefi^rentlcplus
cette refolution : & les Provinces Unies, qui voyoient un avanta-
ge
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. IV. 155
ge certain pour elles dans cette déclaration de guerre, y travaille- ij-p^.
rent de leur côté, aulîibien que la Reine Elifabeth. A la vérité
cette PrincefTe paroifîbit un peu ofFenfée de ce queleRoy faiibit li
peu de chofe pour les Reformez de France > & elle prenoit ombra-
ge des mêmes démarches qui renouvelloient en eux leurs terreurs
& leurs défiances. Elle craignoit d'être la victime d'une paix avec
l'Eipagne, & d'être abandonnée par un Prince qu'elle avoit fi ge-
nereuiement fecouru. Mais pour rétablir la confiance entre le Roy ^'/«*
& elle, on luy envoya le Maréchal de Bouillon pour traitter avec elle ""Z^J"*
une ligue nouvelle contre TEfpagnol. Elle ne fut pas difficile à d'Angle-
obtenir : mais parce que la Reine prenoit à cœur les affaires de la '^J/^^^^^
Religion , fes Miniftres propoferent d'obliger le Roy par un arti- mettre
clc duTraitté, à donner un Edit favorable auxProteftans de fon"^*^'"
Royaume. Il eût falu rompre la négociation, ou confèntir à unç iiTraiité
promefîè qui auroit eu de terribles confequences , foit par le cha- '" fi*-
grin que le Pape en auroit reçu -, (oit par la liaifon que cet article ^e"^^. "
auroit formée entre les fujets du Roy & une Puiilànce étrangère, à »»^*-
qui ils auroient été plus redevables de leur fureté qu'à leur propre
Prince. Mais le Duc de Bouillon ne voulut jamais fbuffrir qu'on ^* ^«^
inférât cet article dans leTraitté > ni même qu'on en drefîat un A6te i'„ "y '
à part , de quoy les Anglois offi-oient de (è contenter , de peur "/'/"!/».
qu'on ne luy imputât de l'avoir fait employer par fes infiances, 6c
d'avoir abufë deÙL créance & de fès plein-pouvoirs, pour donner
cette atteinte à l'autorité Royale au profit de ià Religion. Mais la
propoficion qui en fut faite ne laifîa pas de faire voir que les Refor-
mez trouveroient de la protedion au dehors , fi on les mettoit en
état d'en avoir befoin. Cependant cette bonne volonté de la Rei-
ne fe reduifitàfolliciterfecretementleRoy, d'accorder les libertez
& les furetez neceiîàires à cette fidèle partie de (es fujets ; & les Re-
formez eurent fou vent recours à la même intercefîion.
Mais l'entreprife ne fut pas auffi heureufe qu'elle étoit juflc 8c
necelîaire -, &: le Roy y perdit plufieurs bonnes places. Ce fut de
là qu'il prit occafion d'exhorter les Reformez à luy rendre de nou-
veaux fervices , & à tourner avec luy leurs armes contre leur an-
cien ennemi. Mais la froideur que les Députez remarquèrent dans a/?«»-
les reponfes du Roy , & l'incongruité qu'ils trouvèrent à demander J^"^^^^*
aux Reformez de nouveaux fervices , en les renvoyant à une autre Refir-
fois pour la recompenfe des fervices pafiez , altérèrent beaucoup ^J^^^^
V 2 les
j^5 HISTOIRE
fr 6< les efprits. II leur fembloit qu'une affaire qui regafdoit la vie & la
confciencc de tant de milliers de bons fujets, étoit âulfi preffêe que
nulle autre : & comme ils ne demandoient que d'être traittez en
vrais & fidèles François , ils ne pouvoient goûter qu'on les remît u
une autre fois pour examiner leurs demandes. Cela pâflbit chez
eux pour un refus exprés de la fiircté qu'ils dcfiroient y ou au moins
pour une déclaration aflèz precife, qu'on vouloit avoir le tems de
chicaner fur une affaire qui leur étoit û importante. C'eft pour-
quoy ils n'eflimoient pas tolerablc qu'on les invitât à répandre le
refte de leur fang contre un ennemi étranger , pendant qu'on rc-
fiiibit de les affûrer contre les ennemis domeftiques -, & qu'on leur
difoit fans façon qu'on n'avoir pas le tems de pourvoir à la fureté
de leur Religion & de leurs familles. Le Roy même leur voulut per-
fiiader, que les brèches faites par les Traittez avec les Ligueurs à
l'Edit de I f 77. n'étoient pas grandes -, & que le grand bien qui en
étoit revenu à l'Etat meritoit que les Reformez fouffriflènt cette
perte avec patience : comme s'il eût été juftc qu'on leur eût fait
acheter à leurs dépens la reconciliation du Roy avec leurs plus im»
pitoyables perfecuteurs. Tout cela futcaufc qu'on propofa dans
rAfîcmblée de recourir à des remèdes plus efficaces. On parla en-
tr'autres expediens , de iè remettre dans l'état où on étoit avant la
trêve entre les deux Rois , & de rétablir la garde des Places, l'ad-
miniilration des Finances, & l'ordre de la juftice iùrle même pied
qu'elles étoient en ce tems4à. Unetelk relblution pou voit don-
ner à penfer à la Cour ôcauxTarlemens, qui ne craignoient rien
tant, chacun pour fes raifon s particulières , que de voiries Refor-
mez cantonnez : & comme les relîbrts de la crainte & de l'intérêt
remuent pkis fortement les efprits que ceux de la reconnoiflance &
dé l'équité , ce fkheux expédient paroilîbit le meilleur de tous ?
pour amener les Catholiques à une compofition raifonnable,
B'où ve~ Au refte ces froideurs du Roy étoient moins naturelles qu'infpi-
noient les j.^gg C'cft pourquoy il fe repentoit de ce traittemcnt rigoureux,
du Roy! auffi-tôt qu'il en voyoit les mauvais effets. Mais il étoit continuel-
lement pouffé à ces feveritez afteâiécs , par les follicitations du Pa-
pe & des Catholiques. Le Pape eût bien voulu le porter à détruire
âbfolument les Reformez : mais le Roy n'en vouloit point enten-
dre parler -, & il étoit fi ferme fur la négative , quand on luy en
faifoit l'ouverture > qu'il n'y avoic plus pcrfonne à la Cour qui
ofâc
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IV. 157
oùx le luy propoicr. Mais il éœutoit mieux ceux qui pour venir à i ^95*.
leurs fins preiioient un long dccour, qui luy faifoit perdre leurs in- ^«^.?'/-
tentions devûë-, &qui luy confeilloicnt d'attendre qu'il fût défait cl'JLt!
de tous fes autres embarras , pour être en état d'avoir les Reformez if*ei.
à fa difcretion , &de leur donner la loy en Souverain, qui ne fait
que ce qu'il luy plait. Ce confeil flattoit le Roy , qui étoit fait en
cela comme tous les Princes , dont la maxime eft de croire qu'il eft
plus convenable à leur fuprême autorité de donner ce qu'ils veulenty
que cC qu'on leur demande. Mais ces Catholiques, dont la plupart
étoicnt encore Ligueurs dans l'amé , ou préoccupez de ce faux zèle
qui ne rdpire que la ruine de ceux qu'on appelle h€retic[U€s , avoienc
d'autres deflèins que d'élever le pouvoir du Roy. Ils vouloient
l'empêcher de s'obliger par quelque Edit , avant qu'ils cufïènt pris
toutes leurs mefures pour la ruine à.ç,s Reformez , de peur qu'après
cela ils nepuflent le porter à violer la foy publique, de l'obfèrva-
tk)n <k laquelle il étoit jaloux autant que Prince du monde . Ils tra-
vai'Uoient donc avec grande application à retarder l'effet d€ fes bon- "
nés intentions , qui ne leur étoient pas inconnues ; & ils fe fer-
voient à ce deflèin de toutes les confiderations qui pouvoient met-
tre les Reformez mal auprès du Roy, dont l'efprit vif jufqu'à l'ex-
cès prenoit feu fort aifément. Ils l'aigriflbient principalement en
luy reprcfentant comme un reproche injurieux, les inftances que
fes Reformez faifoient pour obtenir la recompcnfè de leurs fervices :
comme fi on avoit manqué au refpeâ: dû à fa Majefté , en luy par-
lant d'une fidélité confirmée par ^e (i Jongues expériences. Les
Rois font aifez à prendre de ce côté-là . Ils aiment à être fervis fans
intérêt i & qu'après de grands fervices on leur permette de les ou-
blier. Autant qu'ils prennent plaifir à l'afFedlion de feurs fu jets , au-
tant ils en craignent le reproche. Ils tiennent pour un outrage, qu'un
fujet qui n'a fait que fon devoir croyc les avoir obligez : & fou-
vent même quand ils rcconnoifîent les fervices de quelqu'un , ils
aiment mieux que leurs bienfaits foient regardez comme des f^raccs>
que comme des recompenfes. De fe>rte qu'il n'étoit pas rnal-aifé
deperfuader au Roy, que les Reformez avoient tort de parler fi
haut de leurs fervices -, &: plus la r-ecompenfe étoit méritée, plus la
demande qu'ils en faifoient paroifToit injurieufe. Les Catholiques
étoicnt eux-mêmes les premiers irritez de ces reproches de fervices 5
parce qu'ils favoicntprefque tous que c'étoit contre eux que lesRe-
V 3 formez
1^8 HISTOIRE
I fo 5 . formez les avo'ient rendus : de forte que ccux-cy ne pouvoient van-
ter leur fidélité , fans faire fouvenir les autres d'avoir été ou enne-
mis ou rebelles. D'ailleurs les Catholiques reprefentoient les Re-
formez au Roy comme une efpece de cabale , qui fe formoit con-
tre (on autorité fous prétexte de Religion , & qui ayant des iermens
d'Union , des Alîèmblées , des Confcils , des Chefs , des Places ,
des Finances , étoit comme une efpece d'Etat qui s'élevoit dans le
iîen> que ce fèroit une Iburce de troubles & de brouilleries, un
afile des mécontens & des rebelles , un party toujours engagé dans
des confpirations domeftiques , ou des intelligences étrangères. Le
prétexte de ces accufàtions étoit , que dans le grand nombre de
braves gens qui compofbient ce party , il y en avoit de remuans 9
& qui parloient haut -, & peut-être quelques-uns qui avoient des
intérêts à parts fous le voile de la caufe commune. Mais c^étoit
une injuftice maligne que de faire paflèr pour des fa£lieux tant de
milliers de gens paifibles , qui ne demandoient que le repos & la
liberté de leurs confciences. Néanmoins comme la vivacité du
Roy le rendoit fufceptible d'imprelîions fbudaines , il ne manquoit
pas d'arriver qu'il faifoit des reponfes froides ou dures aux Refor-
mez, pendant que fbn efprit étoit occupé de ce préjugé > quoy
qu'au fond il eût toujours defïèin de leur accorder une partie de
leurs demandes.
AJrejje Le Pape d'un autre côté favoit bien fc (èrvir de fes avantages:
du Pape. ^ comme il voyoit qu'il y avoit des chofes importantes en quoy
le Roy avoit befoin de luy, il ne luy accordoit rien qu'il ne luy fît
bien acheter. Ce Pontife relevoit foigneufement tous les foup-
çons qu'on luy donnoit que la connjerjion du Roy n'étoit pas fin-
cerc , & tous les difcours fur lefquels on auroit pu les fonder. Il
étoit aifé d'en trouver divers prétextes dans la conduite du Roy ,
qui étoit obligé de parler & d'agir diverfement , félon le caraderc
Tyi^ertm de ceux avec qui il avoit affeire. Pour flatter les Catholiques ,
Irt?^^ il falloit qu'il leur témoignât un grand dégoût de la Religion
des Reformez. Pour confoler ceux-cy au contraire 5 il falloit
leur dire quelquefois comme en confidence , qu'il avoit tou-
jours leur Religion dans le cœur. ^ç.s principaux Alliez étoient
Proteftans : & il falloit fbuvent qu'il leur en fit dire autant par
les Miniftres qu'il tenoit auprès d'eux , afin de leur rendre la
confiance, que fa reconciliation avec l'Eglifè Romaine & avec
le
DE UEDIT DE NANTES, Liv. IV. i^5>
le Pape leur avoir prefque fait perdre. Ils craignoicnt qu'un i^^c,
autre Religion ne luy eût fait prendre d'autres intérêts , & qu'il ne
fût entré avec Rome & la Maifon d'Autriche dans le dellèindeles
détruire. C'cfl: pourquoy il faifoit excufer auprès d'eux Tes démar-
ches extérieures par Tes Agens , qui les alTûroient que la feule ne-
ceflitéde fes affaires Tobligeoit à diflimuler, & qu'il avoit changé
de conduite, fans changer de fentimens. Le Pape qui étoit in-
formé de tout par les elpions, croyoit ou feignoit de croire que
cela étoit vray 3 & il tiroit du Roy beaucoup de chofes fous ce
prétexte, comme des demonftrations d'une converjîon fuicere. Il
eût bien voulu même par ces défiances étudiées l'amener à une
ligue contre les Proteftans. Mais le Roy, qui ne pouvoitfe fier
qu'en eux , ne vouloit point entendre à ces propofitions 5 & quand
il fè fouvenoit d'avoir été nourri & gardé fi fidèlement par les Pro-
teftans de fon Royaume , ou d'avoir été fi bien fecouru & fi bien
fervi & d'eux & des Etrangers en tant de rencontres, ilnepouvoit
écouter fans horreur le confeil de les exterminer. De dixfbuhaits J*^y^«-
qu'il avoit faits pendant fa vie , un des plus ardens étoit celuy d'é-
tablir la Religion Reformée , dont il faifoit profeilion alors. Quand
il fe vit donc arbitre de fon fouhait, dont le fuccésdcpendoitdc fà
volonté , il ne put fè refoudre à détruire une Religion dont il avoit
tant defiré, & tant favorifé l'avancement. Il faloit néanmoins
payer le Pape de quelque chofe. C'eft pourquoy le Roy faifoit
valoir tous les changcmens qui arrivoient à fa Cour , comme au-
tant d'effets de (es fbllicitations , de {ç,s bienfaits ou de fon exem-
ple. Quelquefois même il faifoit le convertiffeur , & difputoit
contre tous ceux qui fe prefentoient , afin de vanter à Rome l'u-
tilité & la finceritéde fes foins, pour la réduction de tous its fu-
jets à une même Religion. Il fe failbit honneur même de la ruine
où tomboient quelques Maifons Reformées, & de l'avancement
de quelques Maifons Catholiques ; comme fi tout cela ne fût ar-
rivé que par la préférence qu'il donnoit aux uns fur les autres : quoy
que leplus fouvent ni l'un ni l'autre ne vint que de l'ingratitude &
du caprice ordinaire de la Cour, qui cil auffi peu équitable dans
le reftis que dans la diftribution de fès grâces. Il eft certain au
moins que cette conduite luy attira quelquefois de cruels repro-
ches j & que fi on juge de fes inclinations par les Satires du tcms,
on ne croira pas que la rcconnoifîànce & la libéralité fufîènt
fes
t6o HISTOIRE
tfP5. fes vertus dominantes: puis qu'elles reprefentent les plus anciens
& les plus fidèles ferviteurs de ce Prince comme oubliez & mife-
rables, pendant que d'un côté les miniftres de fes plaifirs, & de
l'autre ks ennemis , & ceux qui avoient refprit de fe faire crain-
dre, étoient comblez & riches de fes bienfaits. Mais le plus ef-
ficace de tous les moyens dont on fe fèrvoit pour contenter le Pa-
pe , étoit la dureté des reponfes qu'il faifoit aux Reformez , pen-
dant qu'il avoitl'efprit occupé des ombrages qu'on luy faifoit pren-
dre : & on ne manquoit pas d'en donner avis à Rome , comme
d'une preuve qu'ils n'a voient plus de part à fa bienveillance En
effet on luy avoit appris à diftinguer dès lors dans les affaires des
Reformez la Religion & la Cabale ; afin de l'accoutumer à en-
tendre parler de leur ruine fans s'offenfer , puis qu'on ne luy par-
loir de détruire que la Cabale , qui blefîbit Ion autorité > làns
toucher à la Religion , fur laquelle il ne vouloit forcer peribnnc.
Il regardoit les Ducs de Bouillon & de la Trimouille comme les
Chefs de ce party : & il difoit quelquefois à iès confidens , qu'un
de fes fouhaits étoit de les avoir à fâ difcretion , pour leur par-
donner d'une manière plus gcnereu(è. Mais la Trimouille (e
, g^rda bien de s'y expofer -, &z le Maréchal de Bouillon ne voulut ja-
mais s'y fier , dans une affaire où on l'envelopa quelques années
après. La Rochelle aulli n'étoit pas bien dans l'efprit du Roy :
& on raporte que comme il étoit aufiegedcla Fere, quand il vit
refluer l'Oife dans les rues de cette Place , il dit à l'oreille des af^
iîftans, que s'il en pouvoit faire autant à Marfeille & à la Rochel-
le, il fè croiroit abfolu dans fbn Royaume. Ce relîentiment con-
tre la Rochelle venoit d'une ancienne oftenfe qu'il y avoit reçue
pendant fa Prote6tion> & dont il garda toujours le fouvenir.
1 5*9 ^- Ce fut pour peffuader à Rome qu'il étoit tout-à-fait détaché
faJi/grt ^^^ Reformez, que vers la fin de l'année fuivante on faifoit coû-
te desRe.nr le bruit ,J qu'il étoit fort irrité d'une Requête qu'ils luy avoient
^Xîfun P^^^^ée, où ils difoient que les Catholiques n'avoient que fbn
faunes, corps > mais que pour eux , ils avoient fon ame & Ion affcdlion :
qu'il leur avoit fait une reponfe menaçante, leur difant qu'il ic
joindroit au Roy d'Efpagne pour les détruire j & que s'ils ne fe
tenoient dans les termes de fès Edits, il n'auroient pas fi bon mar-
ché de luy que de fes predecefi^èurs. On difoit que c'étoit à la
Fcre qu'il avoit reçu cette Requête > & fait une reponfe fi du-
re-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IV. i6i
re. Mais fi on en croit d*Aubigné^, il avoit encore trop de i^^6.
rcftes de la Religion dans le cœur , pour traittcr fi feveremcnt
ceux qui luy parloient de la maintenir. Cet Hiftorien dit qu'en ce
tems le Roy fut attaqué d'une maladie dont il crut mourir : &: qu'il
fentit alors d'étranges gênes dans fà confcience , parce qu'il eut
peur que fbn retour à TEglifè Romaine ne fût le péché contre le
Saint Efprit, qui n'eft jamais pardonné. De femblablcs bruits
étoicnt répandus auiïï par le Duc de Mercœur, qui voulok faire
croire que les guerres de Religion alloicnt renaître dans le Royau-
me ; & qu'il étoit en état d'en profiter , comme le dernier de tous
les Chefs qui avoit tenu bon pour la Ligue Catholique. Mais
au fond le Roy n'étoitpas fi fâché contre les Reformez > qu'il ne
donnât quelquefois au Clergé fujet de s'en plaindre. C'étoit
alors une coutume autorifée , que de donner aux Laïques des
Prieurez, des Abbayes, des Evêchez même, dont ils jouïfîbicnt
fous le nom d'un Ecclefiaftique confident : ôc les Reformez fous
ce règne avoient parc aux bienfaits de cette nature, comme les
Catholiques. C'étoit quelque chofè de fort fingulicr , que tous
les jours il y avoit des affaires de cette qualité qui étoient portées
dans toutes les juridiélions du Royaume, où le plus fouvent on
jugcoit fuivant les contracfs de confidence: jufques-là , qu'il fut
rendu au Confcil Privé un Arrêt qui ajugeoit un Evêché à une
femme , en confequencc de quelque Atic pafie avec (on mari,
Jluvant cette jouïflànce confidentiaire. Ce fut un abus que les
Ecclcfiaftiques eurent bien de la peine à reformer.
Dès le commencement de l'année , leurs Députez eurent la per- ^P'"-
milTion de s'aflembler. Le Roy fut harangué de leur part à Fo- cUr^é.
lembrai. Celuy qui portoit la parole ne put s'empêcher de par-
ler de la Religion : mais il fe tint dans des termes afiez modérez à
cet égard , ne propofant d'avancer la Religion Catholique que
par la dodirine & par l'exemple , au lieu de la guerre ou des fuppli-
ces qu'on avoit tant prêchez autrefois. Il exhorta feulement le
Roy à donner un Edit , pour convier fcs fujets à revenir à la Reli-
gion Catholique -, à l'imitation de Confiantin , difoit il , qui invita
les fujets de fon Empire à fe faire Chrétiens à fon exemple : &
de Recarede Roy des Goths , qui étant converti de l'Arianifiiic
obligea tous fes fujets à fe convertir comme luy. Mais ilnedeman-
doitpas'que cette convcrfion fût procurée par la violence ni par les
Tome I. X ar-
162 HISTOIRE
ï 59^- armes. Il rcconnoiflbit même que le Roy n'étoit pas peut-être
fi aiïliré de beaucoup de villes &de perfbnnes, qui étoient reve-
nues à l'obeiflance, qu'il n'eût des mefures à garder, pour em-
pêcher qu'il ne s'élevât de nouveaux troubles dans le Royaume.
Dans une féconde harangue, les Députez de cette Àlièmblée
prelicrent encore davantage les mêmes chofes : & pour ôter le
foupçon qu'on pouvoir avoir que par l'Edit d'invitation qu'ils de-
mandoient ils ne tendifîènt à renouveller la guerre , ils déclarè-
rent qu'ils avoient befoindela paix eux-mêmes, & qu'ils ne vou-
loient cet Edit que pour difpofer les Reformez à recevoir leur
Edit(h inftrudionavcc plus de docilité. Cependant ils avoient drefle un
Traver- c^hj^j-^ fyj. lequel ils obtinrent un Edit à Travcrcy fort favorable
pour eux. Les Reformez, à qui cette Allemblée de leurs enne^
mis avoir donné de l'ombrage , avoient fort travaillé à empêcher
qu'elle ne leur caufât quelque préjudice: &le Clergé aulli lé plai-
gnit, après qu'on luy eut accordé cet Edit, que le Roy n'avoit
pas pourvu aux plus importans articles de Tes demandes. Il y
en avoit néanmoins quelques-uns dans l'Edit qui regardoient la
Religion. Le premier ordonnoit le retabliflcment de la Meflê
dans tout le Royaume. Le neuvième defendoit d'enlcvelir dans
les cimetières & autres lieux facrez ceux qui ne feroient pas morts
Catholiques, quoy qu'ils euflent droit de Patronage, ou quelque
autre titre pour le prétendre. Le dixième permettoit de vendi-
quer les Reliques ou les ornemens dcsEglifes, fur les depofitaires.
ou les autres détenteurs, iSc d'informer contre les fpoliateurs des
lieux faints, au moins afin civile -^ pour la répétition des chofès
qu'on avoit prifès. Cette claufc de fin civile regardoit les Refor-
mez 5 qui ne tenant pas les Reliques des Catholiques , & les orne-
mens de leurs Egliies pour des chofes fort faintes , auroient bien
fait du bruit , fi on les avoit pourfuivis criminellement pour des pil-
Jagesde cette nature : au lieu que des Catholiques, bien loin d'ê-
tre traittez civilement pour de telles caufes, pouvoient, fuivant
les Canons , être pourfuivis comme lachlec^es. Le treizième or-
donnoit la rcftitutioa de tous les biens Ecclefiaftiques de quelque
nature qu'ils fufient y & defendoit de les retenir fous les prétextes
même de réparations ,. meliorations & autres femblables : &don-
noit main-lcvéc des biens appartenans aux Evêques de Daqs ,
IBayonne , Tarbes 6c Aire qu'on avoit fàifis en Bearn. Cet article
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IV. i6^
pouvoit intcrefîèr plufîeurs Reformez , qui écoient peut-être i ^p<>.
entrez en jouïfîànce de ces biens fous la bonne foy de la fàifie.
Mais c'ctoit là le fuprême but de tous les efforts du Clergé. Ses
harangues neprcflbient rien tant que cette rcftitutionde les biens-,
& le motifquiluyfaifoitdefirer la paix n'étoitpasceluy de lâcha-
nte: mais la crainte qu'au lieu de rentrer dans les biens déjà per-
dus ) il n*en perdit encore davantage dans une nouvelle guer-
re.
Ces intrigues du Clergé durèrent près de la moitié de Tannée :mais -Jh m
dès le commencement on vit conclure le Traité du Duc de Mayenne, Z*'^""'
qui avoit déjà traîné long-tcms. Le Duc y avoit fait mettre un j^^''''
article qui l'excmnoit des recherches qu'on auroit pu faire de l'af- Mayin-
(àflinat de Henri Ill.foitque fe Tentant coupable dy avoir parti- "^*
cipé , il voulût fe mettre à couvert d^s pourfuites de la Reine
veuve : foit qu'il eût regardé comme une réparation de la mort
de 'i'^% frères , que le Roy défunt avoit fait tuer à Blois , qu'on
laiflat impunis ceux qui Tavoient vangéefurla perfonne même du
Roy. Cet article eut beaucoup de peine à pafîèr au Parlement >
& ce fut peut-être le feul de tous ceux qu'on accorda aux Li-
gueurs, fur lequel il y eut une grande conteftation. On y voulue
obliger le Duc à fe purger par ferment d'avoir eu part à ce par-
ricide .; ou à fon refus vérifier larticle avec cette modification ,
que cela étoit accordé à caufe de l'urgente necefîité des affaires.
La Guéle Procureur General , qui avoit introduit innocemment
dans la chambre de Henri I IL le Moine qui l'afrafTina , fe trou-
voit interelfé à faire punir les coupables ^ & formoit de grandes
ditficultez, que le zèle du Parlement fecondoit fort bien. Mais
enfin il y falutpaflcr: & les ordres du Roy furent li forts, qu'on
vérifia l'Edit fans reflridion. Le Roy étoit obligé piir plufîeurs
railbns à pourfûivre lavangeance du Roy défunt. Outre l'inté-
rêt commun des Rois, qui doivent coniérver de tout leur pou-
voir le glorieux privilège de leur perfonne , il devoir cette vangean-
ce à fa propre gloire , afin qu'il ne parût pas faire fes affaires aux
dépens du làng de fbn predeceflèur : & il s'y étoit engagé par vangtxn-
des promefTes formelles qu'il en avoit faites à la Reine Louiïe, & 7^/^
aux Officiers de la vieille Cour. Mais les affaires prefentes luy Ij/^f"
firent oublier fes promefîès & {ç.s devoirs : & la mort de Henri «'■"'''
II I. ne fut point vangéc. Sur quoy on peut remarquer une choie ^f^^'J''
X 2 di-
164 HISTOIRE
iiç6. digne de Tattcntion des Ledcurs. Henri tV. fut aflafllné auffi in-
dignement que Ton predecefîèur. Mais on eut fî peu de foin de
vangcr fa mort, qu'on punit même ceux qui voulurent donner des
lumières pour en découvrir le fecrct. Dans Tune & dans l'autre
occalion, il ne périt que les exécuteurs du parricide j & on ne fit
ni tout ce qu'on devoit, ni tout ce qu'on pouvoit, pour en pu-
nir, ou du moins pour en connoitre les complices. De forte
qu'on rendit la pareille à Henri I V. après fa mort , & qu'on le
traitra comme il avoit traitté celuy qui luy laifîa la Couronne.
Cette remarque n'eflpas hors d'œuvre dans l'Hiftoiredes Refor-
mez 5 puis qu'il n'y eut pcrfonne dans le Royaume qui fe plaignît
plus haut qu'eux , de ce que la vangeancc de leur confervateur
étoit négligée. Au refte le Duc de Mayenne ne demanda que
pour fix ans l'exclufion de l'exercice delà Religion Reformée des
villes qu'il rendoit au Roy : & même il fut, depuis fa reconcilia-
tion 5 un des plus équitables de la Cour , quand il fut qucftion d'ac-
corder aux Reformez un Edit dont ils puiîent être contens.
Cependant ilsnevoyoientrienqui guérît leurs défiances. Non
feulement même le fouvenir du pajje leur donnait de jujies craintes
pam l'avenir -t comme les Hifloriens équitables le reconnoidènt :
mais on leur en donnoit encore tous les jours de nouvelles occafions:
ce qui obligea un Secrétaire d'Etat de confefTcr ingénument à du
Pleifis, dans une lettre qu'il luy écrivit, qu'on ne leur donnoit tous
les jours que trop de fujet de faire les fous. Néanmoins la pruden-
ce demandoit qu'on ne mît pas leur patience à bout, dans un
i.tat du çems où il ne tcnoit qu'à eux de caufer d'étranges defordres. Dans
M^«- tout le Royaume il n'y avoit prefque perfonne qui ^\it moins puif^
fan t que le Roy. Les Gouverneurs regardoient leurs Places & leurs
Provinces prefque comme un bien qui leurapartenoiten proprie-
té. On ne les faifoit obeïr qu'à force de carcflès & de bienfaits. De
forte que l'Etat fembloit remis au point où il fe trouva dans la dé-
cadence de la Maifbn Carlicnne. Quelques elprits inquiets & am-
bitieux bâtifîbient fur cela un projet pareil , à celuy fur lequel Hu-
gues Capet vint à la Couronne. Ce Prince fit part du Royaume à
ceux qui le luy donnèrent, &laiflà en propriété aux Ducs & aux
Comtes les païs dont ils ctoient Gouverneurs j ne retenant pour
luy avec les païs qui luy appartenoient de fon chef, que la fouve-
rainecé &, l'hommage de toutes ces Seigneuries j avec la condition
de
DE L'EDIT DE NANTES, tiv. IV. i6f
dereverfion à la Couronne en de certains cas. On propofa au Roy i ^-j^;
d'en faire autant, comme un bon moyen de pacifier ie Royaume. Et projet
On fit même entrer le jeune Duc de Mompcnlier dans ce projet j "^/^^''
& il en porta la parole au Roy. A la venté la reponle du Roy ter- ènr.
rafla ce jeune Prince, que le peu d'expérience avoir engagé dans
cette démarche : mais le defiein ne laiiTa pas de demeurer dans la
penféc de bien des gens : & fi les Reformez avoient voulu remuer,
pluficurs fans doute auroient tâché de profiter de l'occafion. Les
intrigues étrangères avoient afilcz de pouvoir en France , pour y
mouvoir bien des refic)rts. Le Duc de Mercœur étoit déjà canton-
né en Bretagne > & du PIcflis arrêta un Courier de l'Archiduc char-
gé de lettres pour ce Prince, où on apprit d'étranges choies. La
plupart dQS Seigneurs Catholiques y étoient intcreflez. Biron mê-
me, qui dans la fuite fe laifiatout à fait corrompre, étoit engagé
dans cette conjuration : & il étoit allez vifible par là, que tout ce
qui fomentoit les troubles du dedans venoit d'une infpiration
étrangère. Si les auteurs de ces intrigues avoient pu forcer les Re-
formez à quelque coup de deiëipoir , ils auroient trouvé dans le
prétexte de leur faire la guerre , une belle occafion de prendre
mieux leurs mefures pour démembrer le Royaume qu'ils n*a-
voient fait par la Ligue, dont le fuccés avoir fait remarquer les
défauts.
Mais les Reformez ne firent rien de plus que de continuer leurs l'^^w-
A(Tèmblées : & après le mauvais fuccés de leur précédente députa- ^J^^/l
tion, les Députez fe rendirent à Loudun le premier d\4.vril , pour uudun
penier à la fureté des Eglifes. Le Roy leur en accorda la pcrmif- ^^^ P^^-
lion , parce qu'on luy avoit fait faire reflexion fur la confèquence '"'•"'""*
de lès froides reponlés , & que comme cela ne manquoit point d'ar-
river dans routes les occafions fcmblables , il en voulut reparer le
mal par quelque douceur Les Députez trouvèrent à leur arrivée no«-
un nouveau fuiet d'inquiétude, en ce qu'il n'y avoit pas lone-tcms ^'"'^
que ie Cardinal de Joyeuie etoïc revenu de Rome , &: qu'on le
croyoit chargé de faire les premières ouvertures de la paix entre ]cs
Couronnes , fous le prétexte de les ailier pour faire la guerre au
Tiii-c Mais les Reformez n'ignorant pas comment la Cour de
Rome fait abufer de ces Ligues fàintes , & en combien d'occafions
dlc a tourné contre de prétendus Hérétiques les Croifades publiées
gonrrc les Infidèles , ils craignoient qu'oii ne peiifât fous ce pretex-
X 3 te
i66 HISTOIRE
155)6. te à les ruiner, & qu'on n'employât en effet contre eux les armes
prifes en apparence contre la Maifon Ottomanne. Dans cette AÇ-
femblée les efprits parurent las d'incertitudes & de remifes, & re-
butez de la rigueur des Parlcmcns, en plufieurs defquels , auffibien
que dans les Juftices fubalternes de leur reflbrt, onexecutoit en-
core les Edits de la Ligue, fans mettre en conlideration les Edits
poflerieurs qui les avoicnt révoquez. Le Roy avoir promis aux
Députez qui le virent à Lyon, d'envoyer d^s Commiflaires dans
les Provinces, pour Faire exécuter les Déclarations qu'il avoit don-
nées, & pour rétablir l'Edit de 1577. avec toutes Tes fuites. Mais
cette promcxlè avoit été li mal exécutée-, il y avoit eu tant de lon-
gueurs & Il peu d'effet dans les démarches de la Cour, & de quel-
ques Commiilàires qui furent envoyez en certains lieux , que la
condition des Reformez n'en fut pas meilleure : joint qu'ils ne
pouvoient plus fe contenter de ce retablifîèment d'Edit , & qu'ils
Et fujets en demandoient un nouveau plus ample & plus favorable. Le peu
yji^'»- de fruit que les Commiflaires promis ou envoyez av oient fait dans
les Parlcmcns parut, en ce que pendant la durée même del'Af^
fèmblée, où on drefîbit des plaintes de leurs rigueurs , celuy de
Bourdeaux donna un Arrêt qui pouvoit s'étendre à la ruine d'un
grand nombre de lieux d'exercice. Il ordonna en faveur de la
Marquifc de Trans , qui poiledoit beaucoup de terres dans fbn ref^
fort, qu'on ne pourroit prêcher dans l'étendue de fes Fiefs ou de
iès Juflices. De forte qu'outre les lieux où cet Arrêt faifbit cefîèr
adluellement l'exercice de la Religion Reformée, il y avoit encore
fujet de craindre l'exemple & la confequence. Les Seigneurs Ca-
tholiques, dans les terres de qui on avoitprêché jufques-là, pou-
voient à l'imitation de la Marquife obtenir defcnfes de l'y conti-
nuer: & comme tous les Catholiques font à peu prés également
préoccupez contre toutes les autres Religions , il n'y avoit pas lieu
de douter qu'ils ne voulufTent fignaler leur zèle par de femblables
pourfùitcs. Le Parlement de Thouloufe, qui par les articles de fa
capitulation a^ec le Roy , avoit fait éloigner tout exercice de la Re-
ligion Reformée jufques à quatre grandes lieues de la ville, &qui
avoit exigé qu'on ne mit point dans fès murailles la Chambre de
Juflice qu'on promettoit aux Reformez pour le Languedoc, ren-
dit un Arrêt qui ordonnoit que tous les Officiers de Jufticeferoient
reçus au Parlement , & non pas aux Chambres Miparties : ce qui
excluoic
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IV. 167
excluoit manifeftement les Reformez de tous les Offices fubaltcr- i^^^,
nés dejudicature , & de toutes les Charges inférieures : puis que le
Parlement prenoitcesmefuros exprès 5 pourn'y admettre perfonne
qui ne prêtât le ferment de vivre & de mourir Catholique. Le Par-
lement d' Aix enchérit fur tout cela , & fit defcnfes d'exercer publi-
quement la Religion Reformée dans tout fon relîbrt à peine de la
vie : & lors que le Duc de Guife , après fa reconciliation avec le
Roy, avoit été pourvu du Gouvernement de cette Province, on
y avoit vu renaitre les noms de Tapifte & de Huguenot j ce qui
faifoit voir que Tefprit de la Ligue y regnoit encore , puis qu'on re-
nouvelloit ainfi les noms departy, que les principaux auteurs de
cette fadion avoient fait naître autrejfois. Ce qui rendoit la chofe
plusodieulè, étoit que le Duc de Guife avoit été introduit dans la
Province, & affermi dans fon Gouvernement par les Reformez:
& que les Arrêts du Parlement furent rendus deux ou trois mois
après qu'il eut été délivré par Lefdiguieres de la fervitude des Eper-
noniftes -, & qu'il eut confelîe que ce Seigneur luy avoit ôté la
corde du cou. On peut voir fur quoy ce remcrciment étoit fon-
dé, en lifantdans l'Hilloireles brouilleries de cette Province.
L'Aflemblée donc fe paila en plaintes de ces injuftices , dont
on luy prefentoit des Mémoires de toutes parts j & du peu dd^c-
cours que les Reformez trouvoient dans la bienveillance du Roy,
qui quand on luy rcmontroit toutes ces opprellions. , payoit les
Députez de paroles fans fruit:, & ^^ remifes ennuyeufcs. Elle ne
fut pas long-tems à drelîer de nouveaux Cahiers , parce qu'elle fe
tint aux précedens, qu'elle ne fit qu'éclaireir par de nouvelles ex-
prenions & de nouvelles daufes , avec peu d'additions pour le fond
des chofes mêmes. Ce fut même à peu près la méthode qu'ob-
fervercnt les Aflèmblées poilerieures , qui fe tenant au fond aux.
demandes des précédentes , ne failbient que les expliquer par des.
éclaircillèmens , pour prévenir les fraudes & les équivoques , &.
pour lever tous les prétextes de difputes & de chicanes. Y \\\Çon y neputex.
que le Parlement de Grenoble chicanoit fur les Provifions qu'il avoit ^ ^*
obtenues d'une Charge de Confeiller , fut député au Roy pour
luy demander l'effet de la promefiè qu'il avoit faite à Lyon aux
Envoyez del'Alîemblé^deSaumur. Du Pleffis écrivit par luy aa
Roy V pour luy faire entendre l'importance de ce voyage , & la ne-
ceiîité de le renvoyer avec quelque. contentement. Il exhortoit prin-
cipale.-
i6S HISTOIRE
ÏS96. cipalement à députer à rAflèmblée quelque Catholique paifiblc&
qualifié avec de fuffifàns pouvoirs , afin qu'elle pût traittcr avec luy
utilement. Mais les Catholiques qui étoient auprès du Roy luy
infpirerent d'autres fèntimens. Vulfon fut reçu à la manière accou-
tumée 5 avec un bon vifàge & de belles paroles , mais il n'obtint rien
plus que les autres. Les promeflès tant de fois réitérées & tant de
fois vaines , & qui au fond (è reduifbient à TEdit de 1 5*77. & à
quelque promcflè de compenlàtion de ce que les Traittez avec les
Ligueurs en retranchoient , ne pouvoient contenter perlbnne : mais
il y avoit une conclufionde lareponlcque Vuhbnrapportoit, qui
mettoit à bout le raifonnement & la patience. L'Afiembléc Tavoit
chargé de dire au Roy qu'elle attendroit fa reponfe à Loudun. Cela
fut expliqué par les mal intentionnez d'une menace injuricufe à
l'autorité Royale , & d'une hardieflè de rebelles , qui vouloient
faire entendre au Roy qu'ils demeureroicnt là pour prendre de
nouvelles refblutions , s'ils n'étoient pas contens de ce qu'il auroit
repondu à leur Député. Les Hiftoriens paflionnez donnent tous
la chofc à voir de ce côté odieux -, quoy que l'intention de VAC-
fembîée fût beaucoup plus innocente. Les Députez avoient ac-
coutumé , après avoir drefle leurs Requêtes , & nommé ceux qui
qui les porteroient au Roy , d'aller attendre chez eux l'effet de leurs
ibllicitations ; & fe contcntoient de convenir dti lieu & du tems de
fe retrouver enfemble fi les affaires le demandoicnt. Mais cela ti-
roit à des longueurs infinies. Il s'étoit déjà paflé deux ans depuis
l'Aflèmblée de Sainte Foy en allées & venues , qui n'avoient rien
avancé -, & quand ceux qu'on avoit envoyez en Cour avoient reçu
reponfe, il fe perdoit tant de tems à la communiquer aux Eglifes,
aux Colloques , aux Confeils des Provinces , & à nommer des Dé-
putez pour l'Aiïèmblée générale, qu'il étoitimpollîblc d'éviter les
jLefoitt. longueurs où le Confcil traînoit exprès les affaires. Pour y appor-
tionje ter donc une fin plus promte, rAflèmblée de Loudun refolut de
^éufd7/e "^ ^ feparer point , qu'elle ne vît une conclufîon des affaires pour
tnaiate. lefqucUcs cUc étoit formée: oc ce qu'elle chargea Vulfon de dire,
«»>>/- jjç fut qu'une fimple déclaration de la refolution qu'elle avoit prifè.
au À une ^ * ^ 1 • • •
tonciH' A la vérité cela pouvoit déconcerter le Confeil , qui trouvoit mieux
f""' fon compte dans la conduite précédente , parce que l'année qui s'é-
couloit avant qu'une autre Affèmblée pût délibérer fur fesreponfes,
hiy fer voit à gagner du tems , & à attendre la conjonéture où il
vouloic
DE UEDIT DE NANTES, Liv. IV. 169
.rouloit mettre les affaires, pour traitter avec les Reformez plus à ij-p^,
fon aife : au lieu qu'on voyoit bien que la confiance de rAfîcmblée,
qui ne vouloit plus fe fèparcr fans une conclulîon certaine , preflè-
roitfans cloute les chofes plus qu'à l'ordinaire, & laifîèroit aux mal
intentionncz moins de loifir de chercher de nouvelles illufions pour
i'amufer. Mais le Roy ayant regardé la chofe du côte que fon ^^^ip^if*
Confeil la luy avoit prefentée , voulut contrequarrer cette decla-^,"/^^{'
ration de l'Aflemblée par une marque d'autorité abfoluë j & il fît '^'"'•■^ ^'
commandement à fcs membres de fe leparer , &z d'aller chacun chez ^'^J'/'**
foy affûrer les peuples de la bonne volonté du Roy, dont néan-
moins ils ne remportoient nul autre témoignage que des promefîès
générales. Un tel commandement fait d'un air un peu menaçant,
rendoit toutes les belles paroles fufpefles. On ne doutoit pas que
le deflein fecret de cette fcparation , ne fût de délivrer la Cour de
ces importuns folliciteurs , qui demandoient trop fortement reffet
des promefîès qu'on n'avoit pas envie de tenir : & il s'en falut peu
que le defefpoir des plus defians ne l'emportât fur la modération
des plus fages. Mais il ne faut pas s'étonner fi cette reponfe cho-
qua l'Afîèmblée , puis que les gens même du Confeil qui n'y
avoient pomt eu de part la trouvoient rude j & que Lomenie écri-
vant fur ce fujct à duPlefîis, luy confefîa qu'il ne fà voit pas pour-
quoy du Frêne Forget Secrétaire d'Etat l'avoit conçue en ces ter-
mes } qu'il ne doutoit point qu'on ne s'en fiit offenfé -, &c qu'il
croyoit qu'il y avoit quelque refervation cachée-
L'Afîèmblée donc s'oflenfa tout de bon de cette reponfe j & Efet Je
croyant qu'on ne tendoit qu'à la dilliper , elle fe mit à délibérer "^" "'-
de ce qu'elle avoit à faire dans cef te fàchcufe conjondlure. On y ^^'"'^'
parla de n'attendre plus de remèdes du côté de la Cour, & de les
chercher déformais dans les forces même des Reformez. Il y avoit
des Députez que leurs Provinces avoient chargez de Mémoires ,
qui les autorifoient de faire tout ce qui fcroit jugé utile pour la caulè
commune: de forte que l'Afîemblce fut prête à Ce rompre, après
avoir refolude fe remettre par tout dans le même état où les Re-
formez ctoient avant h trêve des deux Rois. Du Plclîîs qui crai- SM^e ex-
noit les confequences de ces refolutions defefperées, & les effets ^^^'^'f"'
du refîèntiment que les Députez alloient remporter dans les Pro- p^^
vmces , fit un coup digne de fa fageffe & delà fidélité qu'il devoit J/'^' ^
au Roy. Il fe rendit à l'Affemblée, &bien loin d'être d'avis de la //^V
Tome I. Y rompre,
170 H I S T^ O I R E
155)6. rompre, il propofa de la fortifier d'un plus grand nombre de per-
fonnes confiderables , & de s'entrepromettre de ne fe feparer plus j
qu'on n'eût obtenu un Edit avec des furetez fuffiiantes. On le
crut -, on invita les perfonhes qualifiées à fortifier l'Aflemblée par
leur prefence. Tous ceux qui étoient dans les Provinces voifines
s'y trouvèrent. La Trimouille , qui n'y avoit pas encore afliflé , y
parut avec les autres. Mais comme le courage manquoit encore à
plufieurs , qui n'efperoient rien de la Cour , & qui refufoicnt par
ce motif de figner l'Union que du Pleffis avoit propofée , il la figna
le premier, & y fit refoudre tous les autres par fon exemple. Ainfit
les fàges l'emportèrent , & la patience quoy que lafîe ne parut pas
encore épuifée. On donna le tems à duPleflis d'écrire au Roy,
& de luy reprefenter les defordres qui pouvoient naître de la le-
paration de l'Ailembléc. Il luy remontroit librement de quoy les
Députez avoient raifon de fe plaindre -, les rigueurs des Parlemens,
les injultices des Bureaux qui dcfendoient de payer les garnifbns
des Places, les craintes & les défiances des foupçonneux , les avis
des plus ardens , & fur tout la propofition de fe remettre , en at-
tendant mieux , dans l'état où on étoit avant la trêve: &pourap-
paifèr tous ces mouvemens qui agitoient les efprits , il renouvel-
loit au Roy le confeil d'envoyer un Commifîaire de fa part pour
traitter avec les Députez : il indiquoit le Prefident de Thou , par-
ce qu'on croyoit qu'il aimoit la paix : il appuyoit fon avis de l'exem-
ple de Henri III. qui envoya Belliévre à Montauban en 1 584. pour
traitter avec les Reformez : &: il fupplioit le Roy de ne croire pas
que la chofe fut peu importante, parce que chacun étoit refolu de
favoir une bonne fois ce qu'il dcvoit attendre pour fa fûrcté. Hef-
perien qui portoit la lettre avoit des inIlru(5tions plus particulières
fur cefujet, qui contenoient les raifons que les Reformez avoient
de craindre , celles de leurs plaintes , & les motifs qui dévoient
• obliger le Roy à fe laiffer vaincre par les inftances de ces perfon-
nes alarmées.
Comme les froideurs du Roy venoient des ombrages que les
Catholiques zêlez luy faifbient prendre de la conduite des Refor-
mez , il ne faloit pas beaucoup de peine à luy faire changer d'avis,
Eïi Ap. quand on luy en donnoit de meilleurs. Cerf pourquoy, foit qu'il
^dnRo ^^^^ touché des remontrances de ce fidèle ferviteur, foit que l'effet
de ^QS duretez luy fit connoîtrc que fes Confeillers luy faifbient
prendre
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IV. 171
prendre defaufîcsmcfures, il donna des ordres prciïàns pour cm- 15 9 d.
pêcher la difîîpation de rAfîèmblée : il promit d'envoyer quel- ^«,- „^^,
qu'un avec qui elle pût traitter , & marqua un tems dans lequel ?«« i'o"-
il le feroit partir j enjoignant fortement d'arrêter les Députez jurY,^*,^^^/*
qu'à l'arrivée de (on Commiflàire. Ainfi le mal qu'un zèle Ca- & pro.
tholique avoir fait , fut à peu près reparé par un avis plus fage de clm'!^}/.
ceux même à qui on avoir fait l'ofFenfe: & les Reformez donne- >/>^.
rent eux-mêmes l'expédient pour empêcher l'cfFet de leur dcitÇ-
poir. 11 eft vray qu'il falut un peu de peine pour faire goûter la
patience à tout le mondes principalement quand on vit palier le
tems preiix , fans qu'il vint perfonne à l'Affemblée de la part du
Roy. Du Plelîîs même l'avertifîbit quelquefois , qu'on ne devoit
pas toujours compter fur la patience après tant d'injuftices & tant de
remifes. Les plus paifibles favoient bien repondre quand on la
leur recommandoit, quelle étoit lafîe après îèpt ans d'exercice >
après avoir vu le Roy les négliger pendant qu'il étoit de leur Reli-
gion y fe détacher d'eux en fe jettant dans le party Catholique j
traitter à leur préjudice contre fa parole , & la promefîè fignée
des Princes & des Seigneurs de fa Cour, avec les membres de la
Ligue i s'accommoder avec le Pape > s'engager peut-être pour luy
plaire à les détruire j &: après tout cela ne repondre à leurs inftan-
ces que des paroles vagues , &; ne payer leurs ferviccs que de de-
lais qui n'avoient point de fin. Ils attendirent néanmoins fans Patienct
prendre de refolution certaine, au delà du tems que le Roy avoitl^^^^^*
demandé. Cette patience pourroit paiïer légitimement pour un
de leurs plus grands fcrvices , puis qu'elle leur fut infpirée par le
feul defir de ne troubler pas l'Etat, dans une conjoncture fort fâ-
cheufe, où la moindre brouillerie pouvoir tout confondre, ôcoù
le Roy le fèroit trouvé peut-être en ce cas le plus mal partagé de
tous ceux qui auroient déchiré le Royaume. Comme ils étoient
jaloux de la gloire de leurs fervices , ils ne voulurent pas la cor-
rompre : & ils parurent toujours fenfibles à la crainte d'être efti-
mez les auteurs du débris de la Couronne. Leurs ennemis ont
mal interprété ce qu'ils difoient par leursDeputezôc par leurs Re-
quêtes, que s'ils n'étoient fccouruspar le Roy dans leur prellànte
neceflité, ils y chercheroient du remède en eux-mêmes i comme
s'ils avoient menacé par là de prendre les armes. Ce n'étoit pas
là leur penfée : ils n'ont jamais ibngé à attaquer : mais ils fe pro-
Y 2 pofoient
172 HISTOIRE
If 06. pofoientde fe tenir en état de (c défendre, fi le Roy les abandon-
noie à la fureur & à Tinjurtice de leurs ennemis, flaire un crime
à des gens qu'on avoit traittez près de trente cinq ans avec tant
de perfidie & de cruautez , de ce qu'ils vouloicnt fe précaution-
ner contre un traittement femblable pour l'avenir, c'eft, à parler
fainement, une preuve qu'on ne vouloit pas les épargner , &
qu'on pretendoit qu'ils dévoient fè laifîer opprimer fans fe dé-
fendre.
Quoy que les Catholiques leur euficnt donc fait quelquefois de
lànglantes railleries , de ce qu'ils n'a voient pas f^u prendre leur
tems 5 & fe prévaloir des conjondiircs avantageules , ils laifîèrent
encore en partie palîercelle-cy, où la crainte de leurs armes pou-
voitleur faire accorder tout ce qu'ils auroient voulu. Ils fe relâ-
chèrent même tout d'un coup fur une de leurs plus importantes de-
mandes : & il paroîtra par laconclufion du Traitté , combien le de-
lir deconfcrver l'Etat avoit été pluspuiflant fur eux que leurs pro-
pres intérêts. Ceux qui portoient entre eux les chofès à la douceur,
avoicnt deux puiflàns reflbrts pour gouverner les efprits. L'un
étoit le reproche qu'ils meriteroient , s'ils augmentoient par une
guerre civile les embarras du Roy , qui fe trouvoit en de grandes
peines. L'autre étoit la confideration de ce qui pourroit arriver
un jour, s'ils fe faifoient donner quelque chofe par force dans cet
état des affaires. Ils prevoyoient bien que leur repos ne feroit
gueres durable , s'ils ne l'obtenoient qu'à ce prix -, que le Roy fe
dediroit de ces faveurs extorquées , auITi-tôt qu'il feroit en état de
s'en refîentir 5 & qu'il les remettroit dans une condition , où ils fe-
cmû- roient plus que jamais à la difcretion des Catholiques. C'efl
nuation pourquoy ils fe contentèrent de continuer leurs Ibllicitations par
4î«»fw. des AfTcmblées , des deputations , des Requêtes, des Cahiers de
demandes & de plaintes. Si on regarde ces inftances comme im-
portunes , il faut fe fouvenir que le Roy avoit goûté l'avis de du
Plefïïs , & que pour avoir une excufe auprès des Catholiques Se
auprès du Pape , il n'étoit pas fâché d'être importuné -, de forte
que ces importunitez ne pouvoient être criminelles , puis qu'elles
étoient neccfîaires , & tacitement autorifées. On peut offenler les
Princes, quand on les importune pour extorquer ce qu'ils ne veu-
lent pas donner : mais on ne fait rien contre le devoir en les im-
portunant, q»jandl'importunitériiêmeferc d'excufè,;à. ce que des
gens;;
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IV. 17^
gens qu'ils ne veulent pas ofFenfèr ne trouvent pas bon qu'ils ac- 155?^.
cordent.
L^arrivée d^un Légat, que le Pape envoyoit en France , obli- Lcg.it eft
gcoit à ne fe relâcher point de ces importuns emprelTemcns. Cette lli^l'^ei-
légation donnoit de nouvelles défiances aux Reformez , parce i* i'^
qu'ils ne doutoient point que le Légat ne fût chargé de ibllicitcr '^''*'*^"'
contre eux : & qu'ils craignoient ou que le Roy ne le lai (sdt ébran-
ler par ces inftances ; ou qu'au moins le crédit de ce nouvel enne-
mi ne les jcttât dans de nouvelles longueurs. Cette crainte avoit
une railbn aflcz apparente. Quoy qu'on leur eût promis de ne
vérifier la Bulle & les pouvoirs du Légat qu'avec de grandes refer-
ves, on n'a voit pas laifTéde faire tout le contraire. On avoit vé-
rifié fes Facultez tout du long, quoy qu'il y eût beaucoup de cho-
fes dont ils pouvoient s'offenfer. D'ailleurs on continuoit les rc- GAmp-
tranchemcns de leurs garnirons en Poitou &: en Saintonge. On^''"'[*'^
avoit fupprimé celle de Thoùars, comme pour ofFenfer la Tri- ehéucit
mouille qui en étoit Seigneur , & luy ôter une Place d'entre les ^''^.
mains. Le prétexte étoit de (e fervir du profit de ces retranche- ^''-'"'"•^
mens & de ces fuppreflions pour la guerre des Païs-Bas: mais ce
profit revenoit à fi peu de chofe , qu'il étoit aifé de voir qu'on
avoit en cela pour but principal de chagriner ceux qui avoient in-
térêt à ce ménage. Rôni, qui commençoit à difpofer des Finances,
eût bien pu en prendre le fond fur d'autres que fiir ceux de fa
propre Religion. Mais outre qu'il n'avoit d'ami que luy-méme, 7.^/o„yî-„
&: peut-être le Roy à qui fa fortune Tattachoit, il étoit fort ja- ."/»&«'>».
loux de tous ceux qui avoient du crédit entre les Reformez j &
il n'étoit pas fâché de les éloigner delà Cour, pour n'y avoir pas
des concurrens de leur mérite. C'efl: pourquoy il donna tantqull
put les mains à leur ruine, &il n'etoit pas fâché qu'ils eulîcntoc-
cafion de faire quelque démarche, qui les mit mal dans Tefp rit du
Roy, 11 haïflbit le Maréchal de Bouillon y dont le génie étoit
puiiïânt dans les affaires : & qui étoit capable de s'emparer de
î'efprit du Roy, de qui il étoit fort confideré. Il n'aimoit pas Lef
diguieres , qui ne dependoit pas de luy, & à qui il falloit faire la.
Cour pour les affaires de Dauphiné : mais fur tout que le mé-
rite & les grands fervices pouvoient porter au plus haut degré
de Tautoriré. La Trimouille l'incommodoit , comme un homme
qui n'etoit point efclave delà faveur, & avec qui Tavenir luy pou-
y 3 voit
174 HISTOIRE
I f 96 voi^ f^^^^ ^^^ affaires. Du Plefîîs luy étoit infupportablc , com-
me un homme qui avoitla confiance du Roy 5 &qui, s'il eût été
à la Cour , eût pu aifément parvenir au premier degré de la fa-
veur, àcaufedefa probité, & de Ton intelligence dans les affai-
res. C'efl pourquoy il le tint toujours comme relégué à Sau-
m ur , où la fortune de ce fage Seigneur , qui en mentoit une
meilleure demeura bornée. La fuite donnera lieu de parler des
occafions où il fit paroitre fa jaloufie.
Au refte ces chicanes qu'on faifpit aux Reformez fur leurs
garnifons , eurent un effet qu'on n'avoit pas prevû à la Cour.
Après qu'ils eurent fait diverfes infiances pour obtenir qu'on y
donnât ordre, enfin ils luivircnt l'avis porté par les Atles deTAl-
femblée de Sainte Foy , & ils arrêtèrent en quelques lieux du Poi-
tou les deniers des Recettes Royales , pour s'en fervir à la con-
fcrvation de leurs Places. Comme tout cela fe faifbit environ le
tems de l'arrivée du Légat, les Reformez craignoient fort que s'il
le demandoit , on ne luy fit encore de plus grands facrifices pour
l'honorer. De forte qu'ils regardoient comme une précaution
qui pourroit empêcher qu'on ne leur fit de nouvelles injures, cel-
le de preffer & d'importuner le Roy plus que jamais. D'ailleurs
ils voyoient bien que la prefence du Légat alloit mettre le Roy dans
de nouveaux embarras, & gêner les bonnes intentions dont il leur
faifoit tous les jours tant de fois renouveller les affurances. Il y
avoit peu d'apparence , qu'on pût faire quelque chofe pour eux
fans offcnfer le Pape , il on le faifoit en prefence de fon Légat , à
moins qu'on n'en eût une bonne excufe. Le remède donc étoit
de prefîér & d'importuner , afin que le Roy eût de quoy repon-
dre, quand le Légat pretendroit avoir fujetdefe plaindre. Mais
ce Prélat ne fut pas le plus difficile de tous à contenter deraifonj
ëc les Commifiairesqui travaillèrent à l'Edit de Nantes, depuis le
mois de Juillet de cette année jufqu'au mois d'Avril de 1598. eu-
rent bien meilleur marché de luy , quoy que Cardinal & Italien ,
que de plufieurs François Catholiques. Le Prefident de Thou mê-
me ayant été accufé auprès de luy de faire trop pour les Reformez ,
lors qu'il fut un des Commiffaires que le Roy chargea de traittcr
avec eux, fut obligé pour fe juftifier de luy rendre compte de
toute la négociation. Le Légat en demeura fatisfait , & témoi-
gna qu'il fe raportoitde tous les intérêts de la Religion Catholique
à la fagelîè des CommiUàires. Ce-
DE UEDIT DE NANTES, Liv. IV. 17^
Cependant il fc tint encore à Saumur un Synode National , qui i^c)6.
étant ouvert en même tcms que rAfîemblée Politique , Scfi près SynoJc à
du lieu où elle relîdoit, donna encore de nouvelles terreurs à la ^*'"»«''*
Cour. On y craignoit que 11 ces deux divers Confeils dclibc-
roicnt des mêmes chofes, les refolutions ne fiflentpIusd'cfFet, &
que les Minières ne portaflent dans leurs Eglifes les aigreurs &
les mecontentemens qu'ils auroient vu régner dans rAÏÎèmbîée.
Les Confiftoriaux étoicnt plus redoutez que les autres à la Cour,
parce que la Religion , à laquelle la fubfiftance d'une partie d'en-
tre eux étoit attachée, devenoit par là leur fcul intérêt, de forte
qu'ils étoient durs & inflexibles fur ce point ; & qu'ils entraînoient
aifément les peuples dans leurs fentimens par leur éloquence. Mais^'^ »•'>-.
du Pleffis aflllra la Cour qu'on ne traitteroit que d'affaires Ecclc- ^^^'""^^
fîadiques dans le Synode: &: en effet on y prit même une refolu-
tionquela Cour dut trouver bien agréable, parce qu'elle permet-
toit aux Miniftres d'aflifter aux Aflèmblées, où on traittoit de la
confervation des Eglifes , à catife de la necejjîté. C'eft;-à-dire que
la ncceflité ceflant , on leur ordonnoit de fe renfermer dans les
fondions du Miniftere, fans fe mêler de la Politique. Soit que
la propofition fur laquelle cette refolution fut prife , vint du pro-
pre mouvement de quelques confciences délicates & fcrupuleufes,
qui ne vouloientpas toucher aux affaires du Gouvernement, foit
qu'elle eût étéinfpirée parles intrigues de la Cour, à ceux qui en
firent l'ouverture, elle eut au moins de grandes fuites dans un au-
tre règne , & elle donna prife en diverfes choies aux ennemis de la
Religion.
Le Synode ne laifîapas d'écrire au Roy fur les affaires gênera- stsUt-
Ics, & de luy envoyer des Députez. Il le remercioit parles let- J"'"'*
très des affùranccs de fa bonne volonté, qui luy avoient été ap- ^
portées par de Serres, & qu'il attribuoit en partie à la bonté natu-
relle du Roy, &:en partie au fouvenir de l'affedion &: des fervices
des Reformez, dont il avoit été le témoin. Il fe plaignoit en fuite
qu'on deguifoit leur mal au Roy 5 & qu'on luy perluadoit qu'ils
étoient traittez à peu près félon leur mérite & fcs bonnes intentions j
ce qui l'empêchoit de penfcr plus ferieufement à leurs affaires, quoy
qu'on leur fit tous les jours mille injuflices. Qu'on les vouloit
obliger à fe contenter de l'Edit de 15-77. ^ <^^s conférences qui
Tavoient fuivi , quoy qu'il fût comme anéanti par les Edits de re-
duc-
116 HISTOIRE
ifpd. duftion, en confequence de quoyon les traittoit dans la plupart
des Parlemens fêion les Edits de la Ligue, parce qu'on avoir accordé
aux rebelles, pour les faire revivre, tout ce qu'ils avoient deman-
dé. Que les Reformez avoient raifon de trouver étrange, qu'eux qui
avoient fervi le Roy dès fes premières années , & de qui Dieu avoit
béni les travaux contre toute apparence humaine, fuffent pis fous
fon règne que fous fes predecefleurs , qui avoient Tefprit imbu
, contre eux de préjugez que le tems avoit condamnez. 11 s'excufoit
enfin de luy parler de leurs affaires dans un tems qu'il en avoit de
il grandes: mais il difoitque les Reformez étant une fi confidera-
ble partie de fesfujets, &des plus fidèles, ce qui les touchoitde-
voit pafîèr pour une de fes plus ferieufes affaires. Le Synode écri-
vit aufli au Connétable fur le même fujet : mais tout cela n'ob-
tint que le renouvellement des promeflès accoutumées.
Commif. Mais enfin le Roy s'étant refolu à nommer des Commifîàires
^nZmix.. P^"'* ï^J'^iffer avec l'Affemblée , il fuivit l'avis de du Pleflis en tou-
tes Çç,s parties , & voulut donner la commiflion au Prelident de
Thou , homme d'une équité & d'une probité reconnues de tout le
monde. Il refuia cet employ dont il craignoit la confequence,
parce qu'il n'auroit pas voulu fuivrc aveuglément le zèle des Ca-
tholiques fcvcres, dont il n'approuvoit point les rigueurs, Ôcdont
il craignoit les reproches s'il venoit à fc relâcher en quelque chofe.
A {o\\ refus Vie & Calignon en furent chargez. Le prçmier étoit
Catholique , & le fécond de la Religion Reformée. On trouva
mauvais à l'Aflemblée que Calignon eût accepté la commifÏÏon de
venir chicaner lés Frères fur leurs demandes, & de leur apporter
des reponfes de la part du Roy , qui né remplifîbient pas leurs cf^
perances. En effet leurs inflruftions ne leur permettoient d'ac-
corder aux Reformez que l'exécution de l'Edit de if//. avec une
cfpece de remplacement de ce que les Traittcz de redudion pou-
voient y avoir changé. De forte que leurs pouvoirs ne furent pas
trouvez afîez amples par TAfîèmblée , & que ce premier voyage
vuintis n'avança point les affaires. Le Roy avoit fait quelques plaintes
''^' dans CCS inftruélions , & par la bouche de fes Commifîàires, de' ce
que l'Aflèmblée avoit paru fî ferme dans les demandes , & princi-
palement de ce qu'elle temoignoit de la défiance de ïzs promeflès.
Mais il avoit joint à ces plaintes une manière d'excufc de la repon-
fe faite à i^^ Députez, dont il croyoit qu'elle auroit dû être con-
tente
DE LEDIT DE NANTES, Liv. IV. 177
tente i en confiderant Tétat où il étok quand il Pavoit faite : fur ifôcj.
quoy il remarquoit la perte de Calais & d' Ardres , & les longueurs
incertaines du fiege de la Fere. Parmi cela néanmoins il y avoic
des témoignages bien avantageux de leur fidélité -, puis qu'il difoit
que les remèdes ^qu'ils vouloient chercher à leurs plaintes durant
cette calamité publique , étoient ùien éloignez, du rejpeci & de l'af-
fetïion qu'ils avaient toujours eu pour luy : ce qu'il rejettoit néan-
moins fur quelques-uns qui vouloicnt fe fervir du mauvais état de
{es affaires , pour tirer fatisfadion du mécontentement qu'ils avoiem
eu de fa rcponfe. J'ay remarqué déjà cy-devant , que les gens mê-
me du Confeil l'avoicnt trouvée capable de produire ce mauvais
effet : & qu'ils avoient cru que ceux qui l'avoient dreflée , avoient
eu quelque refèrvation fecrettc pour l'adoucir quand il feroit tems.
Mais les Reformez tiroient des reponfes même qu'on leur faifoit, fermeté-
la raifon de fe tenir ferme à leurs demandes : & ne pouvoicnt com- fj^{'
prendre quelle efpecc de bien public on vouloit qu'ils préferalîent
à leur propre coniérvation j puis qu'il ne s'agiiïbit que de repren-
dre quelques Places de la frontière fur l'ennemi , ce qui fe pouvoit
faire en tout tems , quand les forces du Royaume feroient réunies :
au lieu que par les longueurs qu'on apportoit à leur faire juftice
fur leurs plaintes , onlaifîbit tant de milliers des meilleurs fujcts du
Roy à la merci, de leurs ennemis, gens exercez à la perfidie, aux
injuftices & aux maflacres.
Mais les Commifiaires ayant rapporté au Roy la refblution de
l'AiTemblée , il leur donna de nouvelles inftrudtions à Monceaux
où ils le trouvèrent. Elles n'alloicnt pas plus loin que les précé-
dentes : mais les Commifiaires étoient chargez de faire des plain-
tes de la faifie qu'on avoit faite des deniers du Roy dans quelques
Recettes , &z d'en demander réparation , comme d'une chofe dont
le Roy fe tenoit fort oirenfé. Ils propofcrent auiîl que l' Afièmblée Ce v" «^
rendit de Loudun à Vendôme , pour être plus près de la Cour, ^e^^^*'
Elle accepta cette dernière propofition ; & les Députez ic rendi- Vendôme.
rent à Vendôme le dixième de Novembre, où ils attendirent trois
mois le retour des Commifiaires. Cependant ils envoyèrent de
nouveaux Députez au Roy , qui le trouvèrent à Rouen , où ils
luy prefenterent des Cahiers qu'ils avoient drcfiéz lùr les propofi-
tions qu'on leur avoit faites. Ils ne reldchoicnt rien des aiticles de
leurs demandes précédentes quiregardoiciat Uiùretc; c'cft pour-
Tome I. ' Z ' quoy
1/8 HISTOIRE
I ^-pô. quoy même ils ne révoquèrent point les (àifics qu'on avoit faites
des deniers du Roy pour le payement de leurs garnifons , parce
qu'ils croyoient que leurs Places étoient la feule raifbn qui les fai-
foit refpeàer par leurs ennemis > Se qu'ils le croyoient perdus ,
aulli-tôt qu'ils auroient foufFert la diflipation de leurs troupes , &
la ruine de leurs forterefîes. Ils furent auffi inflexibles dans les de-
mandes qui regardoient le payement de leurs Minières , & Tad-
miniftration de lajuftice, pour la fureté de laquelle ils vouloient
serelÂ- avoir des Chambres Miparties dans les Parlemens fufpecls. Mais
fhe/itrU ils fç relâchèrent fur le fujet de l'exercice , & acceptèrent l'offre de
iutrê. compenlation que le Roy leur avoit fait faire: & cette compenû-
xercice. (jon fut rcduitc à deux concefïïons nouvelles , ou qui avoient l'ap-
okient parence de nouveauté La première étoit celle de continuer l'exer-
«»ffc«nd ciçç^ de la Religion Reformée 5 dans tous les heux où il auroit été
BaiUia- ^^.it publiquement depuis le commencement de l'année courante :
sj, &if la féconde étoit celle d'un fécond lieu dans chaque Bailliage ou Se-
^uii^lr nechauflee, à peu près aux mêmes conditions où l'Edit de 1577.
u pojfef l'avoit permis pour un autre. 11 y aura lieu de parler plus ample-
i°antu ^^^^ ^e ces conceflions dans la fuite de cette Hiftoire.
ii-9<5- Le Roy n'ayant pas voulu leur accorder leurs autres demandes,
t'Editde s*en tint à ces deux articles. Mais pour leur donner une preuve
Vtl^é k ^^ ^^^ bonnes intentions , il ne voulut pas partir de Rouen fans faire
Rouen , pafler au Parlement l'Edit de 1 5 7 7 . comme il avoit pafîe à Paris. Ce-
untTpoi î^^'^^oit pas au fond d'une grande utilité, parce que les Reformez
les Re- ne vouloient pas s'en contenter ,. & qu'ils vouloient un nouvel
furmez. ^^n, D'aillcuts cctte vérification d'un Edit dont ils avoient tant
de fois déclaré qu'ils ne fe contentoient pas > n'étott qu'un artifice
pour leur faire prendre patience , en faifant cefïèr dans les Parle-
mens les injuftices qui donnoient occafion à leurs plaintes : & il
étoit aifé de juger par les refus qu'on leur faifoit tous les jours de
leur accorder davantage , que fi on pouvoit les faire vivre en re-
pos fous le bénéfice de cet Edit , en attendant la pacification du
Royaume au dedans & au dehors , on leur feroit accroire qu'il ne
leur faudroit plus d'autre Edit, puis que celuy-cy auroit été fuffi-
fànt pour leur fureté. Tout ce qu'on auroit pu faire de plus, au-
roit été de leur donner quelques autres lieux d'exercice, en la pla-
ce de ceux que les Traittez de redudion leur avoient fait perdre.
Les Catholiques même confentoient bien à cette elpece de recom-
penfc
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IV. i/p
pcnfe: & ilfembloit que le Roy ne leur voulût rien accorder que ij-p^J.
fous le prétexte de ce dédommagement, parce quec'étoit la fpe-
cieufe excufe de toutes fcs grâces , qu'il pouvoir alléguer au Pape
ou à fon Légat. On voyoit bien qu*il étoit impofîible d'obliger
les Reformez à fe contenter de moins -, & qu'ils auroient même
raifon de fe tenir fermes fur cette prétention, puis qu'il étoit juftc
de les indemnifer d'un avantage qu'on leur avoit ôté fans caufè ,
contre la parole cxpreflè dû Roy, &la promeflè fignée des Prin-
ces & des Seigneurs donc j'ay tant de fois parlé. Mais cette com-
penfation ne fuffifoit pas aux Reformez , qui vouloient plus dcli-
bertez & plus de furetez qu'on ne leur en donnoit par ce moyen -, &c
qui l'obtinrent enfin après une longue patience.
Mais cette vérification ne laifïà pas d'être mal prifc à Rome , Se Le ra^t
d'y faire au moins en apparence une grande affaire au Roy. Le ''^".^^
Pape fè plaignit à d'OfTat avec aigreur , & de la chofe & de la ma-
nière, parce, difoit-il, que le Roy y avoit contraint le Parlement,
qui s'y étoit oppofé. D'Oflàt déploya toute fbn adrefîe & toute &d'qf.
fa capacité pour fatisfaire le Pape. 11 vanta l'utilité de la paix,-^*'/*'*
après une guerre civile de trente-cinq ans , qui ne pouvoir finir que
par cet Edit j & il reprefenta cette paix comme fort necefîàire à la
converjion des Reformez , où le Roy faifbit de grands progrés rou«
les jours. Il exagéra les ruines que la guerre avoit caufécs , prin-
cipalement à la Religion & aux biens Ecclefiafliques. Il remontra
que ce n'étoit pas le Roy qui avoit donné cet Edit, mais fonpré-
decefîeur, qui étoit alors obeï de tous les Catholiques du dedans,
& aiîlfté de ceux de dehors : que c'étoit le moins favorable de tous
les Edits que les Reformez avoient jamais obtenus : que pendant
qu'on l'avoit gardé , leur Religion avoit diminué vifiblement : qu'à
prefènt le Roy étoit defbbeï au dedans , & attaqué au dehors -, &
que néanmoins il n'avoit rien fait de plus que le Roy défunt, ni
iàns l'avis des Catholiques même de fon party : que l'Edit qui ref^
ferroit Yherejie à de certains lieux, retablifibit la Religion Romai-
ne par tout : qu'on n'eût pas cru que les Reformez , après aïoir
tant contribue à la confervation de l'Etat , & s'être fortifiez de
plus de cinquante Places pendant la guerre , eufîènt voulu s'en con-
tenter, dans un tems où le Roy ayant tant d'autres affaires, ils eufîènt
pu fe faire donner davantage : que le Roy étoit louable d'avoir fî
bien ménagé l'intérêt de la Religion Catliolique j ou du moins
Z 2 qu'il
i6o HISTOIRE
159^. ^"'*^ ^^^^^ P^"^ excu(àble de fa tolérance que fcs prédccefîèurs. ï(
allégua la parabole de Tivroyc tolérée , quand on ne peut l'arra-
cher fans gâter le blé. Il fit valoir l'exemple de tous les Princes
Catholiques , & celuy du Roy d'Efpagne qui foufFrit les Mores 5
& qui offroit aux HoUandois , pour les ramener à fon obeïfïànce ,
la liberté de leurs confcicnces & Texercice de leur Religion. Il fit
voir en fuite que les oppofitions des Parlemens ne font que des
formalitez , puis qu'ils favent bien qu'il faut enfin obéir : & qu'on
ne leur avoit impofé nulle contrainte que celle de la necefîité pu-
blique. Il y ajouta ce que les Reformez auroient pcnfé , fi le Rby
étoit parti de Rouen fans faire vérifier l'Edit -, les foupçons des
Reformez & leurs fondemens 3 l'artifice des fadieux , & des Efpa-
gnoîs qui les fomentoient > les périls que la guerre feroit courir à
la Religion & à l'Etat f 1 elle recommençoit : & il finit par des efpe-
ranccs que la paix rameneroit toutes chofes dans un état agréable
au Pape. Ceux qui ne s'entendent pas au ftilc de la Cour de Ro-
me, pourront s'étonner qu'on y fit du bruit de cette vérification >
quoy qu'en même tems on n'y dît mot du Traitté public où on en-
troit à la vue du Légat avec les Reformez , bien qu'il eût déjà
fait afîez d'éclat pour n'être ignoré de perfbnne , & que le Légat
n'eût pas manqué d'en donner avis. Mais c'efl un des fecrets de
la fine Politique de cette Cour, que de traitter les affaires par une
efpece de Comédie , où jamais on ne parle des chofes comme on
les penfe, & où on fait diflinguer de quoy il faut faire démon flra-
tion 5 & de quoy il faut fe taire. Suivant cela on feint d'ignorer ,
avant qu'elles foient conclues, les chofes qu'on ne fauroit empê-
cher , parce que ce feroit un affront de les voir conclure , après
y avoir formé des oppofitions inutiles : mais on en murmure quand
il n'y a plus de remède, afin défaire voir qu'on les defapprouvc.
C'el! pourquoy le Pape attendit à fe plaindre du nouvel Edit qu'on
• preparoit , qu'il fût arrêté j parce qu'alors le bruit qu'il en fit ne
pouvoir faire de mal en France , & pouvoit appaif er les murmure*
de la faftion Efpagnole.
155)7. Les CommiiTaires ne ic rendirent à rAfîèmbîée qu'au commen-
cement deFe\Ticr: &dès leur arrivée ils protefterent que le Roy
ne pouvoit accorder rien de plus que ce qui étoit porté par leur»
inflruftions : de quoy ils aîlcguoient pour toute raifon l'Etat àes
affaires du Roy, qui ne luy permettoit pas de faire mieux, quel-
que
DE L*EDIT DE NANTES, Lîv. IV. ïSï
^ue intention qu'il eût de leur être favorable. Cette raifon d'E- j^^^
tat ne rouloit au fond que fur le mécontentement , que les grâces fai-
tes aux Reformez auroient pu donner aux Ligueurs, dont l'efprit
mal converti auroit pu prendre ce prétexte pour exciter de nouvcU
les guerres. Le Roy le craignoit, & ne pouvoit prendre confiance
à ces ennemis reconciliez , qui le tenoient prefque en fervitude :
& la conjondui c du tems fèmbloit rendre les craintes plus raifon-
nables, parce que l'Efpagnol, qui avoit toujours des intelligences
avec cette fadion mal éteinte , avoit ouvert la frontière en plufieurs
endroits. Mais cette raifon d'Etat ofFenfoit les Reformez , . au lieu Vjijfem^.
de les fléchir. Le tout revenoit , félon eux , à faire un facrifice ^^^^^"^
de leur repos & de leur fureté à la paillon de leurs anciens perle- tente du
euteurs : & à dire le vray , ne faire rien de favorable pour eux , de ^^^
peur d'ofFenfcr les Ligueurs , c'étoit leur dire allez clairement qu*on mijfaires,
aimoit mieux les laiOer dans la mifere , & dans un danger évident
d'oppreflion j que de mécontenter leurs implacables ennemis , qui
auroient pris occalion de remuer, de ce qu'on auroit voulu mettre
lies Reformez au delÏÏis de leurs atteintes. C'eft pourquoy cette
raifon d'Etat ne fit pas beaucoup d'effet dans TAflemblée, qui ne
pouvoit goûter que par maxime d'Etat on facrifiât l'intérêt de taiifC
de fiijets fidèles au defir d'une fadlion violente -, on oubliât leurs
iervicesj on expolat leurs perlbnnes à de nouvelles cruautez, on
refufât de leur donner de fuffifantes furetez pK)ur leur confcience
& pour leur vie. Elle fit déclarer donc aux Commiflaircs du Roy
par un de ks membres , qu'elle ne pouvoit fe contenter de ce qu'on
luy accordoit , & que l'opprelîion où on iiiïbit vivre les Reforn>ez,
les obligcroit enfin à chercher quelque fouhgement en eux-mêmes.
Les Commiflaircs 5 dont les pouvoirs étoient toujours bornez à de -î"' '/"»-
certaines choies qu'il ne leur étoit pas permis de pafler voyant "^auKoy^
bien que les Reformez n'étoient pas contens , écrivirent en Cour ^«v/ est
qu'il étoit fort à-propos de finir cette Aflemblée , mais qu'il falloit "J"[^"[
foire en forre de renvoyer les Députez chez eux avec ce qu'on pour- tenter,
roit leur donner de contentement. Le Comte de Schomberg & le
Prefident deThou , qui fe trouvoient alors à Tours pour négocier
la paix avec le Duc de Nlercœur , en écrivirent autant : & le Comte
fut d'avis de contenter ces gens , qu'il appclloit àçs efprits mala-
des i non pas de rébellion & de pafiîon faflieufe, comme leurs
ciîiiemis om voulu k perfaader -, mais de défiances & de jttftes
: Z 3 , craintes
i82 HISTOIRE
ïS97' craintes pour l'avenir y comme on Tapprcnd des Hiftoriens équi-
tables. On ne doutoit point en Efpagne que les Reformez ne fè
laflàfîcnt enfin de tant de remifes , & n'en viniîènt aux extremitcz :
& ces deux fages Confeillers voyoient bien par les artifices & les
longueurs du Duc de Mercœur , que ce Prince attendoit à voir
quelle fin les affaires de Religion prendroient , afin de régler fês
propres refolutions par la conjondture. C'efl: pourquoy ils con-
îèilloient au Roy de fe rendre paifible au dedans , pour en fuite
faire la guerre au dehors. Du Plefiis écrivoit les mêmes chofes »
& les Reformez offroient , après qu'on leur auroit donné des fure-
tez fuffifantes, d'employer toutes leurs forces ou à réduire le Duc,
ou à repoufièr les Efpagnols au delà de leurs anciennes limites.
Les paroles des Reformez qu'on interpretoit malignement d'u-
ne menace de prendre les armes, quoy qu'ils n'eufifent jamais for-
mellemenf parlé de faire la guerre, mais feulement de n'attendre
plus rien de la Cour, & fe maintenir comme ils pourroient fi on
les vouloit opprimer , mettoient le Confeil dans un embarras ex-
sou^çons trême. De forte que les défiances & les aigreurs augmcntoienc
%iicts ^^ P^^^ ^ d'autre : & que la Cour craignoit plus de mal de la part
reci^ro. de l'Afîèmbléc , que TAfi^emblée n'avoit peut-être defîcin d'en
fines. £^jj.ç . comme réciproquement l'Afilèmbléc en craignoit plus de la
Cour qu'on ne luy en preparoit. Ainfi dans les affaires douteufès;
la crainte eft fort fouvent réciproque j & on tâche à l'cnvi de té-
moigner de la refolution & du courage , quand au fond la terreur
efl- égale de tous les cotez. Le Roy fit des plaintes de l'Aflèm-
blée par des lettres afîèz fortes > & s'en prit ouvertement aux Ducs
de Bouillon & de la Trimouille. Mais il arriva des divifions dans
l'AfTemblée même , qui penferent abfblument ruiner les affaires ùzs
mv'ifiom Reformez. Peut-être qu'elles furent un effet des intrigues ordi-
i^AÇftm' "^^^'^5 ^^ ^^ Cour , qui avoit voulu exprès approcher l'Afîemblée
biée. d'elle, afin qu'elle fût plus à la portée de fes carefîes & des bien-
faits. Peut-être aufîî que ce fut l'effet du malheur qui accompa-
gne ordinairement l'union de plufieurs perfbnnes , qui différent
de génie , de capacité , d'intérêts i & qui fouvent , quoy qu'elles
conviennent dans un defîèin commun , fe brouillent fur le choix
ÙQS expediensnecefTaircs. lien eft comme de cette harmonie qui
fait liibfiflerle monde, parla correfpondance de plufieurs cauîès
difcordantes , qui pourroient fprtir ^iféipent de 1^ jufte propor-
tion
'DE VEDIT DE NANTES, Liy. IV. 18^
tionqui les met d*accord, fi elles n'étoient confervées, &enrre- 15-07.
tenues par le concours d'une main toute-puiflante. Ainfl Tunion
de plufieurs efprirs qui ont des vues fort différentes, peut fe rom-
pre d'elle même, quoy qu*ilsaycnt fou vent les mêmes motifs d'a-
gir de concert, lors qu'il n*y a point d'autorité fupcrieurequi les
entretienne} & que chacun veut régler la conduite 6c les intérêts
des autres par fes maximes & par fes lumières. L'Aflèmblée qui
attribuoit le progrés de ces difcordes aux influences de la Cour,
& qui voyoit de quelle confequencc elles pourroient être, crut de-
voir fe rendre ailleurs pour prévenir un plus grand mal , & fe
rendit à Saumur le cinquième de Mars. Ce changement de lieu shire-
pouvoit être agréable des deux cotez. Agréable au Roy , à qui "^rnea
du PlefTis pouvok être utile, en retenant par fa fagefTe les plus ^"""'''*
cchaufez : à caufe de quoy le Roy Tarant mandé quelque tems
auparavant, luy avoit ordonné de pafler par Vendôme , pour y
porteries chofes à la douceur > agréable aux Reformez aufîî, par-.
ce que l'autorité de du Plefîis, fa prudence, fon équité pouvoit
apporter du remède aux divifions, & les réduire tous à ne tra-
vailler que pour la caufè commune.
Cependant les chofes avançoient peu 5 & le peu de fatisfaélion
tjue les Commifîàires, dont il fembloit à plufieurs que les lon-
gueurs étoient affedées, avoient donné à l'Alîèmblée, fut eau-
le qu'elle porta fes mecontcntemcns avec elle jufques à Saumur. Il
couroit même un bruit que le Roy traittoit fècrettement de la
paix avec l'Archiduc : & cela donnoit de nouveaux foupçons aux.
Reformez , qui croyoient qu'on ufoit de tant de remifes , ahn que fi
la paix fe pouvoit faire avant qu'on eût rien conclu avec eux , orr
fût en état de ne leur accorder que ce qu'il plairoit aux Catholi-
ques. Mais il arriva un accident qui ébranla terriblement tous
les efprits, peu après que rAfTemblée fc fut rendue à Saumur.
Les Efpagnols furprirent Amiens qu'on avoit laiflë à la garde de^«r/>r//#
fes habitans , qui le gardèrent fort mal. Ce coup fit beaucoup^;^^,
de bruit dans toute l'Europe. On crut la France perdue. En Fran- '"'*'^" '
ce même les cabales fe rcnouvellerent. Les efprits confternez ne
favoient quel party prendre. Le Roy même perdit courage dans
ce malheur ; & ne fe foutint pas avec la même grandeur d'âme qu'il
avoit témoignée dans le rcfte de fa vie. On peut juger de l'état c<7«/«-
où on croyoit alors la France, par ce qui arriva eu Bretagne. ■/^'^'^"'^
Bru-
i84 HISTOIRE
i^p^, BrifTaç Lieutenant de Roy dans la Province, êc Ligueur recon^
cilié, fie faire une AlTcmbléedela Noblefïè du pais en Ta prefen-
ce , & par raveu , difoit-on , de Mompenfier , & des Ducs de
Bouiilon & de la TrimouiUe. On y propofa de fe mettre (bus la
protection de la Reine d'Angleterre, fous le nom de ^«^wi" François^
comme prefuppofant qu'après cette perte , le Roy n'étoit plus en
état de garder fon Royaume , & de protéger Tes fujets contre unQ
iiivalion étrangère. Le même accident caufa de grandes agita-
tions entre les Reformez. Il y en avoit entre eux qui vouloient
prendre les armes, & qui tâchoient d'attirer dans leurs fentimenj
tous ceux qui étoient capables de les porter. Quelqu'un propo^
'^^'^P' fa une cntrepriiè fur Tours, où on envoyeroit quelques Troupes
gTern'^ avoùées de la Trimouille. Les autres crurent qu'il ne falloit pas
i'Ajjim- iêfervir d'une occafion fi odieulèi & qu'il fcroit même plus hon-
nête de fe relâcher de leurs anciennes prétentions , que de former-
des demandes nouvelles. Les deux Ducs portèrent de leur part les
propofitions aflèz loin , & tâchoient de perfuadcr qu'il n'y avoit
de reflburce que dans les armes. Mais prefque toutes les Eglifès
en rejetterent la propofition j les plus grandes villes , dont l'exem-
ple pouvoit entraîner les autres , y fermèrent l'oreille \ la meil-
leure partie de la Noblefïè refulà d'y entendre: & le projet àç,^
Ducs demeura (ans fuite. Le bruit courut néanmoins que la à^iÇ-
corde feule avoit empêché les Reformez de (è porter à la guerre :
parce que la Noblefïè & les Confiftoriaux, fuivant leur ancienne
jaloufie, étoient en différent touchant l^adminiftration des de-
niers qu'on leveroit pour la faire : la Noblefïè vouloit en avoir le
maniement i [& les Confiftoriaux vouloient qu'ils fufîènt erti-
ployez par des Commiflàires à la nomination des Eglifès. Mais
les menées, di(bit-on, ayant été diffipécs par la diflènlîon , cha-
cun fe voulut faire honneur auprès du Roy, après la reprife d'A-
miens, de n'y avoir point trempé : & ce fut à qui luy reveleroiç
le premier le fecretdeces mouvemens. De forte que lindignation
retomba toute fur les deux Ducs, qui avoient été les auteurs de ces
uot'tfs intrigues. Mais il s'enfuit de là qu'on fit peut-être le mal biea
(Ui Ducs pjy^ grand qu'il n'étoit , puis que dans les raports de cette natu-
Botiiiion re, on fe pique ordinairement d'en dire plus qu'ion n'en (àiti &
^/^*^ qu'on (è hazarde ainfiàendire plus qu'il n'y en a. Le motif des
tmume> Pues, a*ejft p^ aifè à penetieç. Les. Ecriiîainsi Catholiques leur
im-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IV. i8f
imputent d'avoir voulu profiter des defordrcsde l'Etat, pourob- 150/.
tenir par force les avantages qu'on leur refufbit. Mais le Prefi-
dcnt de Thou qui voyôit les chofcs de près, parce qu'il étoit
fur les lieux, en raportc un motif plus innocent. Il attribue leur
deffeinàla necclTité, & à la calamité publique, parce que dans la
confufion générale des affaires du Royaume, chacun defcfperoic
de fon falut propre , & croyoit devoir chercher en luy-mêmc ia
fûrcté. De quoy il donne pour preuve , qu'aufli-tôt après la repri-
fe d'Amiens ils reçurent la loy que le Roy voulut leur donner:
parce qu'alors fans doute ils reprirent l'efperance de vivre à l'a-
venir en paix, Ibus un Roy capable de les maintenir. C'eft-à-dire
en un mot, que ces mouvemens font du nombre des chofes que l'é-
vénement qualifie. On les auroit admirez comme un coup d'Etat,
& l'effet d'une profonde Politique , li le Roy avoit fuccombé de-
vant Amiens : & on les a fait pailèr pour un crime , parce que le
bonheur du Roy le mit bientôt en état de les reprocher à leurs au-
teurs. Au fond , puis que ce fut la paillon particulière de quelques
Seigneurs , dont l'ardeur fut reprimée par la patience Sz la tran-
quilUté du plus grand nombre, il n'y a rien de plus injufte, que
de vouloir faire un crime à tout le corps des entreprifes de quel-
ques-uns de Ces membres : principalement puis que les modérez
furent les plus forts, & arrachèrent, pour ainii dire, aux autres
les armes des mains.
Cependant le Roy étoit réduit dans de grandes extremitez. Il Emèar^,
n'avoit ni argent ni Troupes , & ne fa voit à qui fé fier. Prefquc tous ^^^ '^'*
les Seigneurs de la Cour étoient envelopez dans les confpirations
étrangères. Les Ligueurs réconciliez étoient lufpecls : & Biron
même, qui avoit fait reprendre courageauRoy , & fait refondre
d'ailiegcr Amiens , le dcfioit de ces ennemis couverts , qu'il appel-
loit nouveaux convertis. Les rellburces manquoient fi abfolu-
mcnt à ceux qui manioicnt les Finances, qu'il n'y avoit pas même
de quoy fournir à la depenfc de la Mailbn du Roy, & que pen-
dant le fiege il fe plaignit plus d'une fois à Rôni de n'avoir pas
d'habits convenables à la dignité. Cela fut cauié qu'il s'abaiila un
peu au deflbus de la grandeur Royale, &: qu'il demanda fccours à
ièsfujets d'une manière un peu trop humble pour un grand Roy.
Quand il fut que l'Aflemblée dcvoit aller de Vendôme à Saumur,
il écrivit aulli-tôt au Comte de Schomberg & au Preiident de
Tome I. A a Thou
i86 HISTOIRE
îfor. Thou de s*y rendre, pour tâcher de la ramener à Vendôme, afin
Ses (H- d'épargner à Vie & à Calignon la peine d'aller fi loin. Il y renvoya
"^"^^ aiifîl ces Commifîàires avec des inftru6lions pleines de plaintes de
ii-écrireà \i conduite de l'Alîemblée, particulièrement fur la faifie de fes Re-
r^/m- certes qu^elle avoit autorifée > &: il y ajouta des menaces de nefbuf-
•uant^& frir plus qu'on luy fit de nouvelles demandes, & d'^aimer mieux pcr-
aprhia f^^Q ^ycc fcs enncmis, que d'être meprifé &: defobeide ks fujets.
furprife. j^^f g |^ p^j-fg (^'^^licns luy fit changer de langage. Il écrivit à TAf-
lèmblée à Saumur le douzième de Mars par Mongîat : maiscen'c-
toient qu'exhortations à fe contenter de fes offres , ou à remettre
leurs demandes à un autre tems : ce n'ëtoient que conjurations de
finir leur Afîemblée , & de préférer dans cette occafion le bien
public au particulier , pour juftifier leurs intentions. Onfefèrvit
encore pour les toucher d'une lettre de Lefdiguieres , qui leur
reprefèntoit qu'il partoit de la Cour en diligence , pour aller pren-
dre garde que le Duc de Savoye ne fit quelque entreprifede fon
côté , pendant que le Roy feroit occupé en Picardie : & il les ex-
hortoit à ne fe prévaloir point de la perte d'Amiens , pour aug-
menter leurs demandes. Peu de tems après le Roy écrivit encore
à duPlelîîs, d'une manière qui cxprimoit bien l'embarras oii il (c
trouvoit. Ce fidèle ferviteur luy avoit fait des plaintes, delà rc-
ponfe que le Comte de Schomberg avoit faite aux Députez de
l'Aiîemblée. Il l'avoit trouvée trop froide pour contenter les
efprits -, & même il la trouvoit afièz dure pour les cabrer. La re-
ponfè du Roy étoit fort touchante. Il proteftoit que fi on con-
noiflbit l'état dQÏ^&s affaires, on verroit qu'il ne pouvoit faire da-
vantage. Il reprefentoit fa condition prefente plus malheureufè
qu'elle n'avoit été , pendant qu'il n'étoit que Roy de Navarre ,
parce qu'il n'étoit afliflé deperfonne: & defcendant un peu au
dcfibus de la Majefté de fon rang , il le prioit d'obliger les Députez
à (è contenter de fa reponfe, de peur qu'il ne fût forcé à faire la
paix avecl'Efpagnol.
Le Comte de Schomberg s'étant rendu à Saumur avec les autres
Commifîàires , fit fa voir leur arrivée à T Afl^mblée -, & demanda
qu'elle luy envoyât quelqu'un de fon Corps pour entendre les
intentions du Roy. Mais l' Afîemblée ne voulut point traitter
avec luy par Députez : non par mépris de l'autorité Royale, ou
pour traitter du pair avec le Roy, comme le débitent les calom-
nia-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IV. 1S7
niateurs : mais parce qu'elle trouvoit plus de fureté à traittcr pu- i ^p^,
bliqucment que par des dcputations particulières. De (brtc qu*el-
Ic refufa de députer, & qu'elle invita le Comte à fe rendre à l'Af.
(emblée, pour luy faire entendre ce qu'il étoit chargé de luy dire.
Il fe défendit quelque tems de faire cette démarche, à caufe defà
qualité de Commiflaire du Roy -, mais enfin il fe rendit au dcfir
de rAfîèmblée. De Vie y alla ; & luy donna connoifîànce dts
intentions du Roy. Elle ne fut pas contente ùqs proportions
qui luy furent faites : & de même elle repondit aux CommifTai- ^"ponfe*
res d'une manière qui ne les fatisfit point. Elle prit à peu près l^ieméJée.
même tour qu'on avoit donné à leurs inflrudionsi & rendit com-
plimens pour complimens, promefles pour promefîès: & com-
me tous les termes ou pathétiques ouobligeans de leur commilîion
en revenoicnt là , qu'on demeuroit ferme à ne luy rien accorder , ou
à remettre de la contenter après le nouveau fervice qu'on luy de-
mandoit j de même toutes fes proteftations en revenoient à ne re-
lâcher rien de ce qu'elle pretendoit , parce qu'elle l'eftimoit jufle;
& à promettre d'employer fès. biens Se ù. vie pour le fervice de
l'Etat, quand on luy auroit donné contentement. La rcponlè
qu'elle fit aux lettres du Roy étoit à peu près dans les mêmes ter-
mes. Elle temoignoit un deplaifir fort grand de la perte d'Amiens :
& fe plaignoit des longueurs oii on traînoit les affaires . comme de
la caufe qui empêchoit les Reformez de témoigner leur affeélion à
SaMajeflé: promettant au refîe qu'auflî-tôt qu'on auroit affû ré l'é-
tat de leurs confciences, ils feroient prêts plus que jamais à don-
ner ce qu'ils avoient de plus précieux pour le bien de fbn fervice.
Mais elle faifoit comprendre qu'elle ne pouvoitfe relâcher pour ce
prétendu bien public qu'on luy obje(floitj parce qu'elle croyoit
avec tous les Reformez que la fureté de leur Religion , de leurs
perfbnnes & de leurs familles, n'étoitpas moins un bien public que
la rcprife d'Amiens. Le Roy averti de cette difpofition del'Af^ '
fèmblée par les Commiflaires , & parlareponfe que Mongîatiuy
avoit apportée , fit faire de nouvelles propofitions , & fe relâcha fur
quelques points de peu d'importance, dont elle ne fut pas conten-
te. De forte qu'il voulut revenir à la charge par une lettre nouvel-
le, avant que de partir pour (on entreprile. 11 avoit déjà écrit au
Comte de Schomberg, pour fe plaindre de l'Affcmblée 5 &pour
toucher le cœur des Reformez, il n'avoit pas oublié de faire va-
A a 2 loir
i88 HISTOIRE
i<oy. loir une légère indifpofltion qui luy étoit furvenuë. Se de tcmoi-
o-ncr qu'il faudroit qu'il fuccombât , fi on ne fe contcntoic de ics
offres. Mais dans la lettre qu'il écrivit à TAflemblée même , & qui
fut portée par Monglat &la Force, il prit un autre ton. Cen'é-
toient que remontrances des troubles nouveaux que leur perfeve-
rancc , qu'il appelloit obftination , pouvoit faire naître dans le
Royaume j & des avantages que les Efpagnols redoutables & en-
flez de leurs vidoires pourroient tirer de la defunion des François.
Ce n'étoient que conjurations par l'affedlion qu'il avoit toujours
eue pour eux, & qu'il leur avoit témoignée tant de fois, & par la
charité qu'ils dévoient à leur Patrie, de penfer avant toutes cho-
fes à repouiïcr l'ennemi. Ce n'étoient que promeflesde leur ac-
corder plus facilement toutes leurs demandes , après qu'ils auroient
rendu à l'Etat ce nouveau fervicc , s'ils ne pouvoient les obtenir
toutes à prefent.
L'AfTemblée repondit à cette nouvelle inftance, que Monglat
avoit appuyée de toute fa force, ce qu'elle avoit déjà repondu à la
première : & en écrivant au Roy , elle luy marqua qu'on ne luy de-
mandoit que l'exercice delà Religion & de la Jufticci que les Dé-
putez n'étoient pas afîemblez pour des prétentions d'avarice &
d'ambition ruineufes à l'Etat -, qu'ils s'étoient retranchez beaucoup
au defîbus des pouvoirs qu'ils avoient apportez de leurs Provin-
ces , en confideration des affaires prefentes de Sa Majefté. Ils fe
louoient après cela beaucoup de la fincerité des Commiflàires :
mais ils fe plaignoient fort du Confeil > & declaroient nettement
qu'ils prenoient les impoffîbilitez alléguées dans le deflcin d'éluder
leurs demandes , pour des marques de mauvaife volonté. L'Af-
fembîée, comme je l'ay dit, étoit alors à Saumur , où du Pleffis étoit
fort utile au Roy pour appaifer ces efprits irritez, qui ne con-
fultoient prefque plus que leur terreur & leur defefpoir. Mais
luy-même fit entendre au Roy qu'il feroit plus aifé de porter les
chofes à la paix dans une Affem'blée plus nombreufe , parce qu'on y
^tiffi auroit plus de voix pour oppofer à ceux dont on craignoit le ge-
transfe- j^jç ^ l'autorité. Ce fut une des raifons de transférer l'AfTem-
chÀteiie- blée à ChâtcUeraud, où elle fe rendit le 1 6. Juin. Elle fut plus bel-
w, le qu'elle n'avoit jamais été. Il s'y trouva un Gentilhomme, un
»^- Miniftre, un homme d'affaires de chaque Province: & outre ce-
treuft 1^ plufieurs Seigneurs de la qualité requife par le règlement de Ste.
au auPa- ^Qy
qti'aupa
TAvant,
DE UEDIT DE NANTES, Liv. IV. 189
Foy, pour y afliftcr fans dépuration. La Trimouille , qui avoit i ^pT.
déjà été le plus conlidcrable dans les précédentes , prefîda dans cel-
le-cy : & y foutint les intérêts de la Religion avec tant de zèle , que
la défiance & la haine qu'on avoit pour iuy à la Cour s'en accru-
rent de beaucoup.
Ceft une des chofes dont on a fait le plus de bruit contre les
Reformez, que d'avoir abandonné le Roy au fiegc d'Amiens: &
on voudroit bien pcrfuader qu'ils firent en cela une faute contre
leur devoir, qui ettace toute la gloire de leurs fervices précedens.
On y trouve deux chofes à reprendre. Premièrement la ferme re-
foliition de l'Aflemblée à ne relâcher rien de Ces demandes , lors
qu'il fembloit que le bien de l'Etat voulût qu'elle fit un facrificc à
la paix d'une partie de fes prétentions. En fécond lieu le refus de €|
fuivrc le Roy à un fiege , du fuccés duquel on croyoit que le falut
du Royaume dcpendoit. Mais la confiance opiniâtre de l'Aflem-
blée dans fes demandes étoit neceflàirci parce que ce Corps n'é-
tant compofé que de perfonnes commifcs par les Provinces , il étoit
obligé d'agir félon les pouvoirs des Députez, s'il ne vouloit expo-
fer fes relblutions à un dcfaveu. Or ces pouvoirs obligeoient les ixcu/es
Députez à ne fe départir point de certaines demandes , qu'on ju- "^'^^/jl'
geoit neceflliires pour la liberté & la fureté des perfonnes & des con- r^jfem-
fcienccs. Si on avoit accepté à l'Aflemblée les offres du Confeil , ^'^V«''
cela n'auroit fervi qu'à la difllper : & les Provinces déchues de l'ef- clenh
perance qu'elles avoient fondées fur la fidélité de ces Confeils Po- àesjûre.
litiques , auroient pris fans doute des refolutions extrêmes , fi elles
avoient été trahies par la prévarication de leurs Députez. C'ell
pourquoy l'AflTemblée communiqua aux Provinces les oflres que
les Commifliaires du Roy Iuy avoient faites , afin d'être autorifée de
les accepter ou de les refufer : & ayant reçu à Châtclleraud la rc-
ponfe des Provinces par les nouveaux Députez qu'on joignit aux
autres , elle fit favoir au Roy que ^qs oflTres ne les avoient pas con-
tentées. Il ne faut que confidcrer, pour juger fi la conduite de
TAfl^cmblée étoit obft'matïon ou confl:ance , quelle confufion il y
auroit eu dans le Royaume, fi l'Aflemblée eût eu la complaifance
d'accepter un Edit , dont les Provinces n'auroient point voulu.
Les Reformez auroient été à recommencer > & le Royaume feroir
inévitablement retombé dans une guerre ruïneufe. D'ailleurs l'ar-
ticle de l'exercice étant réglé, il ne reftoit plus que celuy àts fû-
Aa 3 retez,
ttz..
190 HISTOIRE
1 507. rctez i & il devoit paroître bien étrange, qu'après avoir confenti à
ce que les Reformez avoient defiré pour la liberté de leur Reli-
gion 5 on les traittât d'obliinez , parce qu'ils ne vouloient pas fe dc-
iifter des afTûrances qu'ils demandoient pour l'exécution des cho-
fcs promifes. La manière dont on en avoit ufé pour la réduction
des Ligueurs , malgré les paroles & les écrits des principaux de la
Cour, avoic achevé de détruire la confiance : &ci\ faut lavoir bien
peu ce que c'eft que l'équité , pour faire un crime aux Reformez
d'avoir fi opiniâtrement demandé des furetez de leurs promefTcs ,
à des gens de la mauvaife foy de qui ils avoient encore devant les
yeux des exemples û nouveaux,
s^con- Pour le fiege d'Amiens , les avis fe partagèrent. ,11 y en eut qui
Mgard voulurent qu'on rendît encore ce dernier fervice au Roy , pour
Jufiege couvrir les ennemis des Reformez de confufion , & pour faire voir
'^ 1^' que nulle injufrice ne pouvoir mettre à bout leur fidélité. Ils cf-
Divers pcroieut même que cela nechiroit les plus zêlez Catholiques, &
*'^'^' les feroit confentir à laifTer vivre en repos des gens qui abandon-
noient leurs plus chers intérêts, pour courir où le befoin de l'Etat
les appclloit : ou du moins ils le propofoient, que fi on continuoic
à leur faire après cela les mêmes injuftices qu'auparavant , leur con-
duite irreprehenfible attireroit fur leurs ennemis les reproches de
toute l'Europe. Ce fut l'avis de Lefdiguieres, à qui l'Afièmbléc
envoya des Députez avec des offres avantagcuiès , qu'il ne voulut
pas accepter. Il eft vray qu'il donnoit un tour de reproche à ce
confeil, d'où on pouvoir juger qu'il penfbit moins à la filreté de
fa Religion, qu'à celle de la fortune. Mais les autres foutenoient,
qu'on avoit affaire à des gens qui reccvoicnt comme des devoirs
necelîàires tous les fèrvices qu'on leur rendoit j qu'ils ne croyoicnt
jamais avoir d'obligation à pcrlbnne -, qu'ils perdoient le fou-
venir des bonnes actions aufli-tôt que l'occafion en étoit paf-
fée i que pîufieurs de ceux qui leur étoient le plus oppofez , étoient
de ceux qu'ils avoient arrachez à Tours des mains du Duc de
Mayenne -, qu'on pouvoir juger de ce qui arriveroit après la reprile
d'Amiens , par ce qui arrivoit tous les jours j par les rigueurs des
rcponfes -, par les longueurs des conclufions. Ils faifoicnt remar-
quer la différence du langage qu'on leur avoit tenu devant & après
la furprife de cette Place. On avoit commencé à les menacer avant
ccmoUicur: mais depuis on étoit revenu auxcareflès6c aux belles
paroles:
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IV. 15)1
paroles: d'où on pouvoit bien juger qu'ils n'obtiendroient rien de 1597.
la Cour, aufÏÏ-tôt qu'elle fê trouveroit aflèz forte pour refufer im-
punément. Il y en avoit qui ne diiïïmuloienc pas , qu'ils tcnoient
pour une foliede contribuer à une action qui faciliteroit la paix en-
tre la France & l'Elpagne, parce qu*ils croyoient certain qu'on ne
la feroit qu'à leurs dépens. L'exemple des Traittez faits avec ks
Ligueurs leur donnoit cette terreur : Se la mau vaife foy dont on s'é-
toit lërvi dans une occafion pour les tromper , leur faifoit tout
craindre pour l'autre. Le Roy même augmentoit leurs alarmes,
parce (}ue pour les obliger à fe relâcher fur diverfcs chofes , il
les menaçoit de faire cette paix ^ èc qu'ils n'ignoroicnt pas qu'il pre-
toit l'oreille aux propofitions qu'on luy en failbit, enmêmetems
qu'il leur promettoit qu'il n'y entendrait jamais que par force.
D'autres vouloient qu'on lailsât un peu faire les Catholiques , pour
voir comment ils fetireroient tous feulsde cet embarras > 6c com-
ment ils pourroicnt faire pour fe paiïer des Reformez , dont ils
avoient accoutumé de meprifer le petit nombre & les fervices. "
Ceux-là jugeoient que les Reformez étoient une fi confiderablc
partie de l'Etat , qu'il étoit impoflible que leur abfence ne fût re-
marquée. En effet cette partie demeurant feparée des autres y le
refte s'étonna defà foiblefïe, &z reconnut que dans les befoins de
l'Etat les Reformez dévoient être comptez pour quelque choie. Le
Roy fentit plus que perfonne la faute qu'on avoit faite d'être fi
long-tems à les contenter , quand il fe trouva réduit à fe mettre au
fiege de cette ville entre les mains de fes ennemis reconciliez, en
qui il ne pouvoit prendre confiance -, &c qu'il ne voyoit plus au-
près de luy ces amis éprouvez, de qui la fidélité luy étoit fi bien
connue. C'efl: pourquoy depuis la reprifè d'Amiens on vit les ef^
prits prefque toirt changez ^ & la paix entre les deux Religions fut
généralement defiréc, par ceux même qui avoient le plus travaillé
à la traverfer. A la vérité le Roy vainqueur & rétabli dans la ré-
putation parloit plus haut qu'auparavant , & les Catholiques
avoient toujours à la bouche le reproche de cette defertion pré-
tendue : mais avec tout cela les plus fàges vouloient la paix plus
ferieufement, &ils y apportèrent plus de facilité que jamais.
L'expérience du pafle rendoit ces dernières coniiderations fort
Ipecieufes : &z le fouvenir des maflàcres donnoit même du poid*
aux avis de ceux qui faifoient craindre y que fi les Reformez fe
trou-
192 HISTOIRE
ifp/. trouvoicnt à un fîege où les Catholiques rigides & les Ligueurs Ce-
roient fans doute les plus forts ^ l'occafion ne reveillât la haine de
CCS implacables ennemis , & ne les portât à fe défaire encore une
fois de ces prétendus Hérétiques. C'eft ce qu'on appcUoit en ter-
mes qui renouvelloient la mémoire des Matines de Paris, faire une
St. Barthelemi de campagne. C'eft pourquoy toutes ces raifbns en-
traînèrent les Chefs , qui étoient proprement ceux de qui le Roy
attendoit du fervice. Mais il ne faut pas croire fur la foy des invec-
tives, que tous les Reformez euflent en effet abandonné le Roy
'B.tfor. dans cette entreprise. Il avoit dans fa Mailbn & dans fon armée
Z^i^/^^' ^^^ Officiers & des foldats de leur Religion : & même une partie de
Çmgt, lès meilleures Troupes étoit compofée de Reformez. Le Régiment
de Navarre, qui fcrvit beaucoup au fiege, & dont le plus grand
nombre y demeura, en étoit prefque tout entier. Le Duc de Ro-
han, qui a tant fait parler de luy depuis, fit là (à première cam-
pagne. Dès le tems même les Reformez repondirent aux accufa-
tions qu^'on publia contre eux fur ce fujet , & firent le dénombre-
ment de ceux de leur Religion qui s'ctoient trouvez , & qui avoient
été blefîèz, ou qui étoient morts devant cette Place. Il eft feule-
ment vray que les Reformez n'y fervirent pas comme faifant un
Corps à-part , & ayant des Troupes à eux. Mais il eft remarqua-
ble fur cela , que ceux même qui vouloient que les Reformez fif-
fent Corps pour femr , murmuroient depuis trois ans de ce qu'ils
faifoient Corps pour fe conferver : comme fi des perfonnes à qui
on faifoit un crime de fe diftinguer pour la fureté de leurs confcien-
ces & de leurs familles , avoient été obligées de fe diftinguer pour
la confervation de leurs ennemis. D'ailleurs il y avoit peu de Re-
formez en état de conduire des Troupes à leurs frais au bout du
Royaume : & cela ne regardoit qu'un petit nombre de Chefs qui
auroient pu fcrvir de leurs perfonnes. Néanmoins le Comte de
Schombcrg & le Prefident de Thou perfuadcrent aux Ducs de
Bouillon & de la Trimouille de lever du monde , & on leur fit tou-
ABhnt cher pour cela de l'argent du Roy. Mais les Troupes du Maréchal
deEouii I^uc ^c Bouillon demeurèrent en Auvergne fous quelque prétexte ;
Ion &de Sz celles du Duc de la Trimouille fervirent en Poitou à reprimer les
mouiiie. courfes de quelques Ligueurs. Le Roy fut fi offenfé de cette froi-
deur , qu'il ne put jamais l'oublier : quoy que peut-être fi ces deux
perfonnes luy eufïènt été moins fufpeélcs , il y auroit eu lieu de
les
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IV. ip^
les excufer. Au moins le Prefident deThou , efprit fage & mode- i ^p^.
ré j fit ce qu*il put & de bouche & par écrit , pour rendre raifon de
la conduite de ces deux Seigneurs j parce qu'il craignoit que les
mal intentionnez , qui decrioient cette adion comme une rébellion
odieufe, &qui rompoient la tête au Légat de plaintes continuel-
les , ne s*en prevaluffènt pour traverfer la négociation de TEdit.
Mais de tous ceux qui entendirent le pour & le contre , il n'y eut
perfonne qui fût plus équitable que ce Prélat, &qui fût mieux re-
connoître l'illulion de ces plaintes , quand onluy fit entendre rai-
fon. Les affaires du Roy n'alloient pas fi bien en Poitou & en Bre-
tagne î que le Duc de Mercœur avoit ouverte aux Efpagnols , qu'il
ne fût peut-être aufli à craindre de perdre des Places de côté-là,
^uë de ne reparer pas les dommages de la frontière. C'eft pour-
quoy les Troupes de laTrimouille pouvoient n'être pas inutiles en
ce pais-là -, & du Plelîis remontroit fouvent au Roy qu'il étoit im-
portant pour fon fervice , & pour difliper les défiances des Refor-
mez, de donner à laTrimouille la charge de quelque ficge dans la
Province.
Quand on eut formé le fiege d'Amiens , on ne laiflà pas de pen-
fer aux affaires de Religion , que le Confeil commençoit à regarder
comme des affaires importantes. Comme donc on avoit augmenté
le nombre des Députez qui formèrent l'Aflemblée, quand les Re-
formez voulurent travailler tout de bon à leur fureté , le Roy doubla chartge:
auffi le nombre desCommifiaires, quand on voulut penferferieu- ^/^J^fr
fement à les contenter. Le Comte de Schomberg & le Pre-/^/m.
fident de Thou s'étoient joints à Vie & à Calignon , dès que l'Af-
ièmblée (è fut rendue à Saumur -, mais peu à peu ceux-cy ayant été
employez à d'autres chofes , les deux derniers nommez demeurè-
rent chargez de la négociation toute entière , & ce fut entre leurs
mains qu'elle s'acheva. Les Reformez fe relâchèrent fur plufieurs ^« "^rait-
de leurs demandes, quoy qu'ils les efiimaffent juftes & raifonna- ^^„""'X
blcs: mais ils crurent que la conjoncture les obligcoit à n'infifter on fe re-
pas (ùr tout ce qui étoit jufl:e , s'il n'étoit ablolument neceflàire. ^^^f^ ^"
Peu à peu même ils fe départirent de plufieurs chofes qu'ils avoient tez..
d'abord jugées necelîàires. Telle étoit l'infiance qu'ils avoient faite
pour avoir des Chambres Mipàrties dans tous les Parlemens , &
des Juges non fufpects dans toutes lcsJurifdi£tions : fur quoy ils (e
reduifirent enfin à n'avoir prefque rien déplus que ce qu'ils avoient
Tome I, Bb obtenu
i5?4 HISTOIRE
jrn-*. obtenu par les Edits précedens. Le Roy en fit autant peu à peu
de ion côté : & même pendant le fiege d* Amiens il donna de nou-
velles inllruâ:ions &: de nouveaux pouvoirs aux Commifîàires , qui
étoicnt allez luy rendre compte de l'état où ils avoicnt laifle l'Af^
fèmblée. Il reçut encore au même lieu la plainte que les Reformez
luy firent faire par Conftans Gouverneur d'une de leurs Places , de
ce qu'on travailloit à la paix d'Efpagne par l'cntremife du Pape ;
parce qu'ils craignoient que l'intention de ce Traitté ne fût de les
exterminer , veu la qualité de l'entremetteur. Le Roy fit des plain-
tes à Ton tour par des Lettres qu'il écrivit à l'Aflemblée j de ce
qu'au lieu d'un remerciment qu'il attendoit , il voyoit qu'on ne
vouîoit pas iè tenir aux offres que Vicavoit faites de fà part à Sau-
raur, & luy-mêmede bouche à Conftans: de ce que le fâchant en
perlbnne au fiege d'Amiens les Reformez ne venoient point l'af^
fifter, & le privoient d'un notable fecours qu'il pouvoit attendre
d'eux, &dont il n'avoit jamais eu tant de befoin. Cependant il
l'afilîra que le Traitté de paix ne fe concluroit point à leur préju-
dice : & qu'il avoit donné d'amples pouvoirs à fes Commifi[àires
pour terminer avec eux cette longue affaire.
Mais en attendant ces pouvoirs qui tardoient long-tcms à ve-
nir 5 le Comte de Schomberg fit une efpecc d'accommodement
avec l'Afîèmblée , par lequel il convint avec elle des principaux
Nouvelle artlclcs de les demandes : comme d'étendre le droit d'exercice des
aSe"en R^formez à tous les lieux oùilfe (èroitfait jufqu'à la fin du mois
i)-97. d'Août de l'année prefente -, de leur laifi^r leurs Places j de leur
fne'ie"' doniicr une fomme certaine pour le payement de leurs garnifons,
Comte de &c uue autre pour le payement de leurs Minifires. La chofe au-
^f/^a«. i-Qij- p^^ f^j^j^ p^^ j.^^ ^1 le Comte avoit été autorifé par une inllruc-
cordefotis tion lûffifàntc : mais (bit qu'il voulût par ce moyen gagner du tcms,
lej.on en attendant le fuccés du fiégc , fôit qu'il ne voulût pas aller au
Ko'//''* ^clà de Tes pouvoirs , & laifler au Confeil la liberté de le dédire de
iés avances, il conclut avec l'Aflemblée feulement fous le bon plai-
fir du Roy. On ne s'imagina pas que le Confeil voulût retoucher
On deii- à ce qui auroit été accordé : mais on demeura en doute fi on ac-
h7ÂZ c^pfei'oif feulement ces articles par provifion , ou fi on les feroit
rera, p^r pafler cu loy publique & dcfinitivc par unEdit. La Cour avoit don-
^L^Mni- "^ l'exemple de ces reglemens provifionnels j par la Déclaration
tive/nern. que le Roy avoit publiée à Mantes avant la converjîom & par un
Traitté
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IV. 1^5
Traittéfait depuis à St. Germain avec les Dépurez de l'Aflemblée i^o-r.
de Sainte Foy. Les Reformez qui ne Ce contentoient de ce qu'on '
leur accordoit , que pour s'accommoder aux affaires du Roy &
aux befoins de TEtat, euflènt bien voulu y revenir quand les af-
faires feroient plus tranquilles : &c ils craignoient qu'un Edit ne leur
permit plus de former de nouvelles prétentions. Les autres qui
youloient voir une fin à tant de longueurs , aimoient mieux avoir
moins , pourveu qu'ils fûflent une bonne fois fous quelles loix ils
dévoient pafler leur vie. La chofe fut confultée dedans &: dehors
le Royaume > & on demanda l'avis de tous ceux qu'on crut ca-
pables de donner de bons confèils.
La modération du Comte de Schombcrg & du Prefident de
Thou aidoit beaucoup à la conclufionj & les brouilleries de l'E-
tat touchoientle cœur aux Reformez, quinevouloicntpas attirer
fur eux le reproche d'avoir forcé le Roy à la paix d'Elpagne.
Mais les longueurs de la Cour gâtoient tout ce qui étoit avancé
parla (àgelîè des Commiflàires. On y vouloit toujours revoir ce
qui avoit été accordé. On y renouvclloit toutes les queflions , &
toutes les difficultez fans rien refoudre j & on ne cherchoitqu'à
rabattre quelque chofe de ce qui avoit été négocié. C'étoit pour chicams
cela que le Confèil do.nnoit toujours aux Commiflaires des pou- *» cotf
voirs bornez de peur qu'ils n'accordafîènt trop : & les R^^or-^jj ^J!,,-.
mez de même quand ils envoyoient des Députez en Cour , leur des,
lioient les mains par des inftru6bions fort preciles , de peur que les
artifices & les intrigues de la Cour ne leur fifîènt accepter moins
que ce que l'Aflemblée defiroit : de forte que la Cour & l' AiTemblée
fe plaignoient alternativement qu'on donnoit aux Commiflaires ou
aux Députez des inftru6bions trop limitées > & s'entredemandoient
de plus amples pouvoirs. Mais une des chofesqui offcnfoient Xçimerrup.
plus les Reformez, étoit qu'on envovoit Ibuventles Commifl!ài- ^''""'"
res ailleurs lous divers prétextes : & qu on les occupoit par d au-
tres Traitez , pendant qu'on remettoit les affaires de Religion à
une autrefois. LeTraitté du Duc de Mercœur étoit une des oc-
cafions de les occuper à d'autres chofes : mais les Reformez ne
pouvoient fouflrir cette préférence -, foit parce qu'ils croyoient
bien valoir le Duc de Mercœur, avec ce qu'il avoit en Bretagne j
Ibit parce qu'on voyoit bien que fon Traité n'étoit qu'une illulion,
dont il amufbit le Roy depuis plufieurs années : foit parce qu'ils
B b 2 crovoient
196 HISTOIRE
j -^- croyoient qu'il ferait aifé de le réduire, quand on auroît mis le
refle du Royaume en paix : & ils ne manquoient pas d'offrir tou-
tes leurs forces pour cette entreprife , pourveu qu'on fortît premiè-
rement d'affaire avec eux. Mais il y avoit déjà huit ans qu'on les
amufoit par des promefîes , dont l'effet étoit encore incertain.
Ce qui les chagrinoit même extrêmement étoit le préjugé des Ca-
tholiques 5 qui ne pouvoient fouffrir que les Reformez eufîènt la
paix j pendant qu'il y avoit encore un refte de Catholiques en ar-
mes, à qui on ne Tavoit pas donnée. Ils croyoient qu'il y alloit
de l'honneur de la Religion Romaine qu'on traittât avec les He-
rettqttes^ avant que d'avoir contenté tous ceux qui avoient pris les
armes pour la défendre. C'eft pourquoy ils avoient (ecrettement
fait promettre au Roy de ne faire rien pour les Reformez, avant
que d'avoir donné fatisfadion à tous ceux qui avoient eu part à
la- Ligue, Une le nioit pas même à ceux qui luy reprochoient fcs
longueurs -, & il tâchoit quelquefois de faire palîer la complaifan-
ce qu'il avoit pour les Catholiques, pour une prudence avanta-
geufe aux Reformez : parce que TEdit qu'il leur donneroit pa-
roitroit d'autant plus volontaire & moins.forcé, qu'il refteroit moins
de troubles dans le Royaume. Mais ils prenoient la chofe d'une
autre manière, &: ils craignoient qu'on ne- les contraignît à pren-
dre tout ce qu'on voudroit , quand on n'auroit plus d'autres af-
faires ailleurs.
jnjimc Cependant les Commiffaires qui étoient allez trouver le Roy
VelL7'*' ^^ camp devant Amiens , avoient apporté des inftrudlions qui
convenoient en partie avec ce que les autres avoient accordé : mais il
fè trouva encore de quoy former de nouvelles difficultez furquelques
articles: comme entre autres fur la manière de faire payer les gar-
nirons ; & fur le retabîiffement delà Méfie à la Rochelle. Cette
ville n'y pouvoit confentir: & le peu de fureté qu'on trouvoitàfe
fier aux ordres des Bureaux pour le payement des Troupes, fàifbit
fouhaiter qu'en cas de refus ou de retardement , il fut permis aux
Reformez de faire faillr les deniers dans les Recettes des lieux.
Mais quand on fut convenu de nouveau fur ces difficultez, il fa-
chicanes lut aller PU Coufcil , pour y faire approuver le tout. 11 y eut bien de
T'^\ la peine pour y reùfîir. On y fit diverfes chicanes , pour obliger
iè!ep:r Ics Dcputcz à fc relâchcr : mais ils furent fermes j & le Roy de
f» ferme- [q^ ^^j-^ voulut qu'on s'cii tint aux chofes que fes Commiflàires
avoient
DE L'EDÏT DE NANTES, Liv. IV. ip;
avoient arrêtées. Il avoit reçu néanmoins quelque mécontente- i ^p^.
ment , de ce que TAfTèmblée avoit imploré l'interceflion de la Rei- VAjfem-
ne d'Angleterre & des Provinces Unies. Elle avoit député des fil'J""
deux cotez des perfbnnes qualifiées , pour obliger ces Puiflances à t'inter-
empêcher que la paix qu'on traittoit avec l'Efpagnene fût conclue \f-^^-J*
au préjudice de leur caufèj&à charger un* Ambafîàdeur d'y inter- d'AngU^
veiiir pour v prendre earde. A quoy elle ajoûtoit l'avis de faire "''''^ ^
prendre les mêmes précautions par les autres ruillances , a qui cet- vîmes
te paix pouvoit être dommageable. Elle rendoit compte à la ^w'*^»
Reine d'Angletere de l'état où étoit le Traité de Religion > de ce
qu'on avoit obtenu pour la liberté de l'exercice , qui feroit plus
étendu qu'auparavant % de la concefllôn des Chambres Miparties
avec les mêmes prérogatives que les ParlemenSj delà libre entrée
aux Charges même de la Juftice , fur lefquelles on avoit fait le plus
de difficulté > mais dont on devoit les mettre en pofïeiîion par la
création de fix Charges de Confeiller au Parlement de Paris j des
fommes accordées pour le payement des garnifons des Places de
fureté) qu'elle faifoit monter à une centaine d'afîèz fortes pour
attendre une armée , & pour fou tenir un iiegC} à^ts reglemens
pris pour entretenir les Miniftres -, & en un mot de tout ce qui
avoit été arrêté avec les Commiiîàircs du Roy, pour la libertés
pour la fureté de la Religion. Mais il n'étoit plus tems de s'arrê-
ter à ces légers mccontentemens , dont le Roy favoit bien que la cau-
ienevenoit pas de la mauvaife intention des Reformez j mais des
défiances & des alarmes que les longueurs & les chicanes duCon- J^<'«'^*^-
fèil renouvelloicnt tous les jours. En effet ces délais firent encore gueurs,
traîner, par delà même la fin de l'année, la dernière conclufion des ^''^^''''*
chofes que les Commifiàircs avoient arrêtées. Il y avoit de l'affec- Jf^ 'In'*'
tation & 'de h malice dans quelques-unes de ces longueurs: ceP^rtiei»^
qu'on ne peut nier, fi on confidere que le payement des garni- "'"^'"'"'
fons & l'entretien des Places faifoit la'plus grande affaire 3 & que
c'etoit fur ce fujet que renaifi^ient les plus grandes difficuîtez.
Cependant c'étoit Rôni qui pouvoit tout dans les Finances -, &
qui auroit pu trouver , s'il avoit voulu , d'aufli bonnes ailignations
pour ceux de fa Religion qu'il en trouvoit pour les autres. Mais
il y eut aufli des longueurs qui vinrent fans artifice, delà maladie,
ou de l'abfcnce , ou de l'excufe légitime de quelques-uns de ceux
par qui le Roy voulut faire voirie Cahier de l'AlTemblée , 5:pre-
B b 3 pa-
ic)8 H I S T O I R E &c.
x^p/. parer la forme des expéditions : & comme cela fut vérifié par des
preuves hors de foupçon, les Reformez ne perdirent point cou-
rage, & attendirent avec patience que le tcms levât ces difficui-
tcz.
Fin du quatrième Livre.
HISTOI.
Pag. ipp
HISTOIRE
DE
LEDIT DE NANTES,
LIVRE C I N QJJ I E M E.
Sommaire du V. Livre.
ECrit de plaintes des Reformez ^ que quelques-uns condamnent ,
Importance de ce qu'il contient. Ilexcufe d'abord la liberté
de ces plaintes. Fait des remontrances ati Roy fur les longueurs
de fon Confeil , & l'état gênerai des Reformez. T^egrez par oit
on a éloigné le Roy d'eux. T)ejfein de leur Requête. Plaintes
générales qu'ils font de tous les François : de chaque Ordre de
l'Etat : du Clergé en particulier. Empèchemens apportez à
l'exercice public de la Religion Reformée -, ^ aux dévotions par-
ticulières. Exemples de grandes violences. Audace du Tarie-
7ne7it de Bourdeaux. Exercice interrompu -^ ou interdit en plu-
fîeurs lieux par divers Arrêts : à l'armée : à Roiien le Roy y
étant. Plaintes fur le fuj et des T laces : contre les G entilhom-
mes Catholiques : contre les Traittez avec les Ligueurs. Chant
des Tfeaumes empêché. Livres faijis ô' brûlez, ^efenfes de
s'afembler pour prier T>ieu. Confolation des malades. Con-
fcience s forcées en divers a6îes. Batêmes & autres chofes con-
cernant les enfans. Trince de Condé. Obfervation du Carême
& des Fêtes. Ecoles. Collèges. Offices. Tauvres maltraitiez.
Lieux oîi les Reformez n'ofent demeurer. Remarquable injujîi-
ceàLyon. Métiers, Violences. Mechancetez. Injuftices fur k
fait des Charges. T> if cour s & termes feditieux. Taffion des
Juges & des Tarlemens. T>ifficultez à rétablir l'Edtt de i 57 7.
Exemples fnguUer s de la mauvaifi volonté des Tarlemens. Sé-
pultures rendues difficiles ^ empêchées i violées. Conclufion for-
te 5 libre cr touchante. Reflexions fur cet écrit. Nouvelles
longueurs & difficultez j fîir les lieux particulier^. Lafeparation '
de
200 HISTOIRE
de l*AJf emblée -i V état des garni fons ^ nomination des Gouver-
neurs i le renouvellement annuel de f état des garnifons -^ le nom»
bre des Tlaces de fureté. Intérêts particuliers. Edit traîné
jufqu'au mois d Avril -y a-prés qu'il n'y a plus de Ligueurs. Alar^
mes de PAjJémblée. Le Roy arme donne Œdit. 'Divers fen--
timens fur l'Edit. Conclufwn frife à Nantes, détail des dif-
Jicultez fur chaque article. I. 'Demande , un nouvel Edit :
raifons pour & contre. I L Ti emande y exercice libre : fon eten-'
due. Nouvelles conceffions. Avantage confervé à la Religion
dominante. Le fécond lieu de Bailliage n' et oit pas une nouveau-
té. Difficultés fur le lieu : fur les preuves. 'Difficultez fur
les fepultures. III. Demande y entretien des Mintjîres. Som^
me promife par le Roy. Ecoles. IV. Demanda^ pofeffion des
biens & droits des fucceffions. V. Demande , Juges non fuf-
pe£îs. Chambres Miparties ou de l'Edit. VI. Demande ,
d'être admis à toutes Charges. Etendue de cette conceffion. II-
lufton fur cette demande. VIL Demande , furetez. Rai-
fons de les demander. Ele^ion des Gouverneurs des Pla-
ces de fur été. Comment elles et oient utiles au Roy. 'Payement
des garnifons. Dons particuliers. Contejiations fur la forme
des conceffions >, qui efi diverfe félon les chofes. Diftin6lion des
T lace s: forme du payement, Conclufîon.
j -çw ^^J^?^ Omme on changea peu déchoie dans les fuites delà
^ ./af#%i»v?c. négociation de l'Edit , à ce qui a voit été accordé
entre les Commiflàires du Roy & les Députez de \ Kï-
(emblée, on pourroit dire que ce Traité finit avec le
mois d* Août de Tannée prefente. C'cfl: pourquoy la
fin de ce mois fut comme Pépoque de toutes les con-
ceiTions particulières à TEdit de Nantes. Il avoit été queftion juf-
ques là de la fubftance nlême des chofes: au lieu que le refte à.QS
conteftations & des difficultez ne regarda déformais pour la plupart
■Ecrit de quc la formc & les circonftances Mais avant que nous venions
îflTÏ". ^ '^ conclufîon' de cette importante affaire , il efl ncceffaire pour
formez., l'éclaircir de parler d*un livre qui parut cette année après la furprife
d'Amiens, fous le titre de ï'/^^/w/'^j des Eglifes Reformées de Fran-
ce , fur les violences qui leur font faites en plufieurs endroits du
Royaume , à' pour le f quelle s elles fe font en toute humilité adref-
fees
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. 201
fées à diverfes fois à fa Majefté & à Me (fleurs de fon Confe/l. Cej i ^p^;
plaintes avoient déjà paru manufcrites Tannée précédente , & el-
les contenoient en fubflance la même cholè que la Requête qui
avoit été prcfentée au Roy pendant le fiege delaFere. Maison
les rendit publiques cette année par rimprefTion , av€c quelques
faits nouveaux qu'on avoit eu occaiîon d'y ajouter , & quelques
changemens dans la forme. On ne peut s'imaginer avec combien
id'arntice la plupart dts Hiftoriens exténuent ou diffimulent ces
-plaintes , quoy qu'elles fbient au fond comme un Manifelte qui
tend raiibn de la conduite des Reformez , & qui fait Fapologie de
ieur innocence. Il cfl vray qu'il y eut quelques Reformez qui dcÇ- ^e
approuvèrent l'imprefîion de ces plaintes : mais on ne s'en éton- 3«^-î«'^
nera pas , ii on ie louvient qu il y avoit des Reformez politiques i
.&'Courtiikns5 qui n'étoient jamais de l'avis des autres, & dont la
Cour fe lervoit ou pour divifer les elprits , ou pour éluder les pour-
fuites vigoureuiès dçs AfTemblées. Une partie dQS Reformez qui
vivoient fous les yeux de la Cour dans \qs Provinces voifmes de
Paris, à qui leur petit nombre faifoit peur, &quiétoient aifez.à
éblouir par les belles paroles & par les promellès , cntroit dans cet-
te conduite complaifante 5 &: ne parloir que comme la Cour, (bit
par foiblelîè , foit par intérêt. On verra de fâcheux effets de cette
timide Politique dans la fuite de l'Hiftoire, même après l'expédi-
tion de VEdit , & quand il fut queflion de le vérifier. Mais le defa-
veu de ce petit nombre n'empêche pas que le fujetdeces plaintes
ne fût réel, & que tous les faits qu'elles rapportent ne fullent la
matière de tant de Cahiers prefentez au Roy , &: l'occafion qui roi-
dillbit ies Allcmblées à ne rien relâcher de leurs demandes. La
pièce donc eif fort éloquente pour le tems : les paillons y font fore
ibien touchées i & principalement la compaflion & l'indignation y
font excitées fi vivement , qu'il ett malaifé de lire l'ouvrage fans
avoir pitié de ceux qui fe plaignent de tant de maux , Se lans fe
mettre en colère contre ceux qui refulbient d'y apporter du re-
mède. On y rapporte plus de deux cens exemples particuliers
d'injuftices ou de violences contre les Reformez en près de fîx-
vingt lieux différons, avec toutes les circonfîances desperlbnnes,
des faits & du tems. Tout y eft reprefènté dans un détail qui mon-
tre que ces faits le pouvoient prouver par de bonnes informations;
& qu'on n'en craignoit point le démenti , puis qu-'onenfaifoit des
Tmne I. Ce plaintes
202
HISTOIRE
if97- plaintes publiques , avec des particularitez qui rendoient la chofè
impor- aifée à éclaircir. Comme donc les injuftices Se les cruautcz donc
tance Je lesRefomiez fe plaignoient dans ce petit livre , étoient lacaufcde
llJitnf. toutes les démarches que leurs ennemis leur ont reprochées, il ne
fera pas inutile à PHiftoire de TEdit, ni defagreable au Ledcur,
que je reprefente en raccourci le contenu de ces plaintes , autant
que des chofes de cette nature font capables d'être abrégées.
;/ excufe Les Rcformcz donc commençoient par une juftificacion de la
rt'^éon/ liberté qu'ils prenoient de fe plaindre , & qui ne pouvoir être con-
He 'ces damnée dans un Royaume aufîî libre que la France , dans des per-
pUinfes. fonnes à qui on ne pouvoit ôter la qualité de fujets &c de François j
qui avoient fi long-tems fouffert, & qui avoient rendu tant de fer- |
vices. Ils temoignoient néanmoins qu'ils fe plaignoient à regret,
&: comme forcez à découvrir ces hontes de leur Patrie par la fureur
de leurs ennemis , qu'ils exageroient par des exprelîions & des
Tait des figures de difcours fort touchantes. Ils adreflbient après cela leur
7r7me's difcours au Roy , à qui pour le porter à la pitié ils remontroicnt,
a» Roy qu'ils n'étoient ni Efpagnols, ni Ligueurs > &faifoient le récit des
/«r les feryices qu'ils avoient rendus à l'Etat & à luy dès fon berceau , con-
gueurf tre ces deux fortes d'ennemis , & des efforts qu'ils avoient faits
'^^ f""? fous fa conduite fage & vaillante , pour la confervation de la Cou-
é^i''éiat ronne qui écoit encore fur fa tête. Ils difoient que ces veritez
général claircs & connuës dc tout le monde leur avoient fait efperer, que
flrmei. quand ils n'auroient fait que dormir, le Roy même & tout ce qui
reltoit de bons François auroient penfé pour eux , à ne laifîèr pas
perdre une partie de l'Etat lî utile & fi neceflàire. Que néanmoins
ils n'avoient vu nul amendement depuis huit ans à la mauvaifè vo-
lonté des Catholiques, ni à leur propre mifère. Que leurs enne-
mis avoient, li non plus de malice , au moins plus de moyen
de nuire , à caufe de la manière franche dont les Reformez s'é-
toient jettez entre les bras du Roy. Qu'on avoit même pris occa-
fion de s'enhardir de leur affedion au bien de l'Etat & de leur pa-
tience, comme afliirez qu'ils ne fc refîèntiroient pas des outrages
qu'on leur auroit faits , pour ne recommencer pas de nouveaux
troubles dans un tems fi dangereux à l'Etat. Que la trêve , qu'on
vouloit faire pafîèr pour une paix qui devroit les contenter , fi,
comme difoient leurs ennemis , ils pouvoient fe contenter de quel-
que chofe , leur étoic infiniment plus préjudiciable que la guerre
ouverte^
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. 205
ouverte, où ils fe gardoientde leurs ennemis déclarez, &où ils ifp/,
fe trouvoient aiîèz myorifcz de Dieu, pour avoir le moyen de leur
ôter ou l'envie ou le pouvoir de leur nuire. Qu'une partie de leurs
ennemis avoient pris les armes contre i*Etat pour beaucoup moins,
favoir pour des peurs fans apparence -, au lieu que les Reformez
demeuroient paifibles, quoy que prelîèz de maux prefèns , & at-
. taquez de tous cotez avec une animofité & une cruauté qui pou-
voit mettre au defefpoir les plus patiens du monde. Qu'ils
combattoient ce delefpoir par leur confiance en la volonté du Roy,
qui ayant été fî favorable à ceux qui luy ont fait la guerre , ne fau-
roit être mauvaifè & tardive à ceux qui n'ont jamais été que fes
très-affedionnez fctviteurs. Qu'on travailloit aufli à leur ôter cet
appuy, tâchant d'engager le Roy par des raifonsde confcience à
les détruire : Qu'on l'avoit obligé premièrement d'aller à la Mefle, Devrez
pour le détacher d'eux. Qu'alors il leur avoit proteflé luy-même ^^Voi°"'
qu'il ne confentiroit jamais à leurs malheurs , & qu'il fe rejetteroit le Roy
plutôt parmi eux que de confentir à leur faire la guerre. Que ceux *^^''^*
même qui lepouflToient au changement, & qui craignoient que le
deplaifir que les Reformez en reccvroientne le^ portât à des rc-
folutions violentes , de quoy ils louent Dieu que l'événement a
montré qu'ils n'étoient pas capables , & qu'ils ne prenoient pas la
Religion pour prétexte de defobeïr aux Rois ; que ceux-là même
leur reprefentoient les avantages quileurreviendroientde ce chan-
gement, parce que leRoyauroitplus de commodité de leur faire
Ibntir les effets de fbn affeâion , & d'en venir même à la Reforma-
tion de l'Eglife , à caufe qu'il n'y auroit rien de changé en luy que le
dehors > & fur cela ils exageroient le peu d'apparence qu'il y avoit
qu'une confcience comme celle du Roy , inftruite des raifbns de ne
préférer jamais les chofes temporelles au Royaume de Dieu , pût
changer tout d'un coup de f entimcns pour de flmplcs raifons d'E-
tat. Que néanmoins on l'avoit obligé de croire tout ce qu'il y a
de plus groflîer dans la Religion Romaine -, on luy avoit fait prêter
un ferment folenncl à fbn Sacre , & on le luy avoit fait renouveller
en prenant l'Ordre du St. Efprit, d'exterminer VHereJïe & les Hé-
rétiques } ainfi qu'on avoit accoutumé de nommer leur dodrine &•
leurs perfbnnes -, que néanmoins ce ferment n'avoit été introduit
que contre eux & contre luy-même , qui étoit alors embarqué dans
la même caufe. D'où concluant qu'on le voudroit engager aufîi à
Ce 2 leur
j#Q7 leur miftepâfles mêmes confidcrations, ils demandent la permif^
vlfem fion de faire entendre au Roy le particulier de leurs plaintes , afin
i/f leur ç.^^'^1 connoiile par là combien ils font mal fous Ion Règne , pui3
Reqdtte. ^^^^ ^^^ Confeillets le luy deguifent ; & afin que ceux qui font
cxemts de paffion ne trouvent pas mauvais , qu'on demande fi in-
fbmment une générale liberté de fervir Dieu félon la confcience >
des Chambres de juftice, à qui les Reformez puifîent confier leurs
biens, leurs vies & leurs honneurs ^ &des furetez pour fe garan-
tir à l'avenir des violences dont le prefent&Ie pafi'c les menacent j
& qu'ainfi les gens équitables employent tout ce qu'ils ont de
moyens à favorîfer ceux qui ne veulent point furvivre à l'Etat j
mais être feulement confervez avec luy , en craignant Dieu & fer-
Vant le Roy.
Plaintes Après cela ils entroient dans le détail , 6c declaroient qu'en gene-
ginefaies j-^l ils fe plaignojeut de tous les François j confeilànt qu'il pouvoit
font de bien y en avoir quelques-uns qui auroient été portez à leur faire j uf-
totisies tice, mais qui étoient fi foibles & fi timides 5 qu'ils felaifibientcn-
Tranfois: j-j-^jj^^j. ^^^ auttes j de forte qu'on pouvoit bien les comprendre avec
de cha- eux dans un même tout. En fuite ils particularifoient tous les Ordres,
lirlTe ^^^^ ^^ plaignoient de laNoblcfîe, des Peuples, des Magiftrats,
l'Etat: duConfeil -, mais ils fe plaignoient de l'Ordre Ecclcfiaflique en-
ducurgé çQj-g plus que des autres, comme de celuy qui leur infpiroit toutes
ThiIZ ' leurs injuftices 3 & ils parloient de cet Ordre avec un grand mépris,
& en faifoient de fanglantes railleries. De là ils paflbient à re-
montrer qu'on leur avoir fait foufnrir cinquante ans de fupplices -,
qu'on les avoit brûlez, noyez, pendus, mafiàcrez un à un , maf-
fecrez en foule , bannis du Royaume par des Edits -, qu'on leur
àvoit fait la guerre trente-cinq ans pour les détruire , & à fept di-
verfes reprifes. Ils ajoûtoient qu'ils n'avoicnt l'exercice de leur
Religion libre , que dans les lieux où ils avoient été afi"ez forts pour
montrer les dens : mais que par tout ailleurs on leur en ôtoit la liber-
£?»;*- té. Ils nommoient des lieux où il falloit que les habitans allafi^nt
'4pol"L â dix ou douze lieues pour chercher un Prêche. Ils marquoient des
h Vexer- Provinccs entières où on ne leur permettoit>4'cxercice de leur Re-
TucTe'yMZ^^^ nulle part, comme la Bourgogne & la Picardie: d'autres où
Religion ils avoient très-peu de liberté , comme la Provence , où on ne pré-
^f"*' choit qu'à Merindol & à Lormarin; & laBretag-ne, où on ne le
leur permettoit qu'à Vitré. Ils nommoient d'autres lieux où quoy
que
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. idf
que les Reformez fufîèntles plus forts, ils n'ofoient faire l'exercice ifp^,.
de leur Religion que hors àes murailles y d'autres où ils étoient
contraints de s'expoièr à la rencontre des garnifons ennemies , pour
iè rendre à leurs Aflemblées ; d'autres ou les François même leur
faifoient mille outrages > les attendoicnt aux pailages pour les pour-
fuivre avec d€S huées , pour leur jettcr de la bouc & des pierres -,
d'autres oii on avcit exxité des (éditions contre eux y comme à
Tours le jour de Pâques 1596. où les auteurs du tumulte fe van-
toient infolemment d'avoir aiguifé les couteaux. Ils rapportoient
que le Bordage ayant été convié à prefenter au Batéme un enfant
de Mongommeri à Pontorfon , le Parlement de Rennes avoit fait
armer les Paroifles pour empêcher fon paflàgc : que ce Gentil-
homme ayant évité cette tempête , il avoit trouvé à (on retour
deux ou trois mille hommes armez , qui le chargèrent malo;ré la
gamifon de Pontorfon qui l'efcortoit , & luy tuèrent deuxliom-
mes j & qu'il n'avoit pu fè dégager que par le fecours de la garni-
fon de Vitré. Ils expofoicnt de même qu'à St. Etienne deFuran
en Forêt , lieu où le Curé faifoit impunément des violences épou-
vantables, treize cens perfonnes avoient chargé environ cent Re-
formez, qui vcnoient de célébrer la Cenc de Pâques d\m lieu dif-
tant d'une journée de leur demeure 3 qu'on les avoit b;:ttus, blcl-
fcz, edropiez , laifTez pour morts fur la place -, que la nuit iui-
vante on avoit rompu les vitres & les portes de leurs mailbns -, que-
le lendemain on s'éroit encore attroupé devant leurs logis, com-
me pour menacer de leur faire pis. Ils en difoicnt autant deAIa-
nofque en Provence, où on avoit traitté de même ceux qui reve-
noicnt de Lormarin , après y avoir célébré la Cène. Ce qu'il y
avoit de plus remarquable ctoit que les feditieux , cherchant un
prétexte à la violence qu'ils meditoient , avoient abattu eux-mê-
mes une Croix de bois y pour accufer les Reformez de l'avoir
briléc.
Ils reprefentoicnt encore qu'on leur faifoit même des affaires zr /i«r
pour les devct'ons particuheres qu'ils faifoient dans leurs maifons. '^'''°[''"^'
Il Y avoit des lieux nommez ou on avoit mis en prifon un homme /«m-
qui avoit fait la prière , & le maître du logis qui Tavoit ibuffert-
Ailleurs on avoit arrêté tous \cs afîKians, & on les avoit m.enacez Exem-
de les noyer, pour les forcer d'aller à la Melîè. Ailleurs on Icur^^"^^
defendojt de faire la prière dans leurs métairies i ôc pour un Ba-^t/cw,,
Ce 2 terne
2o6 HISTOIRE
i^ç)7 terne donné à un enfant dans une maifonde campagne, ondecrc-
^' toit le Miniftre, & on condamnoit les alîiftans aux dépens & à
de groflès amendes. Ailleurs pour la même occafion ils avoient
été en danger d'être madàcrez. Ils marquoient des lieux où on leur
defendoit de s'alTembler à peine de dix mille écus d'amende : &
d'autres où on vouloit forcer les maifons , quand il y avoit cinq ou
fix perfonnes aflemblées. A Saint Etienne de Furan, il s'étoit
amaflë jufqu'à trois cens fediticux devant une maifon, fur lefim-
ple foupçon d'une AiTemblée : cependant les Officiers du lieu
ayant vifité la maifon fufpedte, il ne s'en trouva nulle apparence.
On nommoit auffi des lieux où les Prédicateurs difoient hautement,
que c'écoit une honte de fouffrir des Reformez dans la ville j de
quoy le prétexte étoit qu'on les avoit accufez de s'être aflemblez
danslevoifmage, quoy que le Magiftrat, après une information
jiudace exade, eût reconnu l'accufation calomnieufe. On remarquoit
du Par. que Madame fœur unique du Roy paflant à Bourdeaux , le
iï'sT«r- Parlement avoit fait épier ceux qui étoient allez au Prêche dans fa
deaiix. maifon -, en avoit décrété plufieurs j & avoit mis en prifbn un des
plus confiderables. Les Reformez avoient des lieux où la liberté
de leurs exercices étoit bornée aux prières publiques : & ils étoient
contens de cet avantage. Mais à Montagnac, qui étoit de cet or-
dre, on ne voulut jamais leur permettre de couvrir un lieu qu'ils
avoient aquis exprès pour y faire leurs Aflemblées: après quoy le
Connétable & le Parlement de Thouloufe avoient même défendu
d'y continuer les prières. On recitoit en fuite les violences com-
mifcs à Marché-noir par les Troupes du Duc de Nemours } & cel-
les que les Troupes du Duc de Guife avoient exercées à Lormarin ,
où ils avoient fait du Temple une étable, & jette fcpt ou huit
perfonnes dans l'eau , & entre autres le Maître d'Ecole , qu'ils
avoient pris pour le Miniftre: fur quoy on raportoit, ce que nous
avons remarqué ailleurs , que le Duc de Guile avoit été principa-
lement appuyé des Reformez , quand il étoit allé prendre pofléf-
lion du Gouvernement de Provence. On ajoûtoit à ces plaintes ,
que la garnifon de Rochoùard en Poitou avoit tiré deux coups de
canon du Château fur quinze cens Reformez, afl!emblez à l'or-
dinaire dans l'Hôtel de ville. Qu'ailleurs un homme de cheval
fendant la preflè , alla blefl^r celuy qui failbit la prière d'un coup de
croflc de carabine , après avoir ellâyé inutilement de luy faire pren-
dre
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. V. io/
drefeu: que l'occafion de cette Aflemblée étoitdefîgneruneRc- i^p*r.
quête, pour demandefle retabliiTement de Texcrcice interrompu par
la Ligue : que le blefle ayant voulu pourfuivre en Juftice la répara-
tion de cet outrage, le Curé& les Prêtres du lieu où ilinformoit
Tavoient mis en prifon de leur autorité privée , Ôc l'avoient fait
transférer par le Lieutenant du Prévôt dans les prifons de Puy
en Vellai. Qu'on avoit brûlé à Caen le 2 8 . Mars de l'année prefen-
te tout ce qui s'étoit trouvé dans le lieu de l'exercice ordinaire.
Le mafîàcre de la Chataigneraye n etoit pas oublié en ce lieu , Se
on en reprefentoit exa6lement les circonltances. On faifoit icy
des exclamations pathétiques fur toutes ces violences, qui renou-
velloient le fouvenir de tant de maflacres du pafTé. On y remar-
quoit en termes bien forts , que cela fe pafîbit fous le règne d'un
Roy qui avoit été Protedeur des Reformez -, & on n'oublioit pas
à comparer la patience des Reformez à la fureur des Catholiques,
à qui ceux-là ne rendoient pas la pareille dans les lieux ou ils étoicnt
les plus forts.
Après cela on venoit aux plaintes de ne pouvoir obtenir le re- Exercice
tabliiîement de l'exercice , dans les lieux où il avoit été continué '«^f'-
depuis l'Edit de Janvier fous Charles IX. jufqu'aux Edits de la ZaerJiT
Ligue. On fe plaignoit du refus que faifoient les Gouverneurs e»pi»-
Catholiques d'obeïr aux ordres du Roy fur^ce fujet. On ^e plai- ■^'^^^'
gnoit des Arrêts du Confeil Privé & des Parlemens , quiTô-^w
toient des lieux où il fe trouvoit établi > dans quelques-uns def-^'"'^^^-
quels il fe maintenoit feulement, parce que Texecution de ces Ar-
rêts y auroit été difficile. L'Arrêt du Parlement de Bourdeaux ,
qui ôtoit l'exercice des terres de la Marquife de Trans , & qui con-
damnoit à dix mille écus d'amende en cas de contravention , n'y
étoitpas oublié: ni un autre Arrêt de la même Cour, qui tendoità
le faire cefîèr à Bergerac , ville toute Reformée , en défendant
aux habitans de fe cottifer pour l'entretien des Minières, quoy
que ces cottifations fufîènt permifes depuis la conférence de Fleix.
Les Arrêts du Parlement d'Aix, dont on a parlé ailleurs, yétoient
citez. On remarquoit qu'il en avoit donné deux la même année,
pour défendre l'exercice dans des lieux où il avoit été continué du-
rant trois cens ans: que la defenfe étoit faite à peine de confifca-
tiondecorps&de biens j &que cela étoit arrivé trois mois après
que le même Parlement avoit confeiTé , que les Reformez luy
avoienc
2o8 HISTOIRE
ï^P7. avoient tiré la corde du cou, & qu'il avoit appelle Lefdiguiercs
fon libérateur, comme je Tay dit dans le Livre précèdent.
AVfir- Us fe plaignoient encore que rexerdce de leur Religion ayant
^"'' été permis à l'armée pendant la trêve (bus le règne de Henri 1 1 1.
on l'avoit fait ceflèr depuis que Henri I V. écoit parvenu à la
A Rouen Couroune. Que Madame même avoit été contrainte de fortir de
le Roy y Rouëu , pour aller faïrc la Cène ailleurs, parce que le Légat
«'««'• avoit empêché qu'elle ne la fit dans la ville > quoy qu'elle Teût
toujours faite à Paris librement dans ia raaifou : que quelqiies jours
après on avôit excité une ièdition fous les yeux du Roy con-
tre les Reformez , fans refpeft pour fa prefcncc Royale : qu'on
avoit ôté Argentan au Baron de Courtomer, quoy que ce fût un
des lieux de Bailliage promis par la trêve j qu'on avoir démantelé
en Beaufle Janville, Place tenue par les Reformez. Ils failbient
auflides plaintes du retranchement des garnifons qu'on affoiblif-
ibit en diminuant le nombre des hommes 3 & en payant mal
le relie, qu'on reduifoit à deux ou à quatre mois de paye :
dont même on leur donnoit des afTignations incommodes & éloi-
gnées j comme à la garnifonde Royan, fur les Bureaux deQuer-
Tinîmes ci. On feplaignoit de Places ôtées aux Reformez j raféesoucon-
jll/e, damnées à l'être par des Arrêts, démembrées, données même à
eUcer. leurs ennemis. Ainii Milhau qui appartenoit à Madame, & que
les habitans avoient fortifiée à leurs dépens , en vertu d'une com-
million exprefiè , n'avoit évité d'être démantelée , que parce que les
habitans eurent le courage de s'y oppofer. Cependant on payoit
exactement les Ligueurs réconciliez , quoy qu'ils tirailént du Roy
quinze fois autant d'argent que \qs Reformez , qui firent voir à
l'AlIèmbléedes Notables à Rouen, qu'ils ne tiroient pas du Roy
deux centmille écus pour leurs garnifons.
c^„^^^ Us ie plaignoient aulfi des Gentilshommes Catholiques, qui*
lesGcn- avoicut fait cefler l'exercice de la Religion Reformés dans les
wtffS- ^^^"x<^c ^^^î*s Seigneuries, où ils Tavoient trouvé établi au tems de
thoti. leur reconciliation avec le Roy. Us reprochoient l'écrit iigné à
qiies: Mantcs par les Seigneurs, aprèslaconverfionduRoy, pourafïil-
lesTrait- fcr Ics Rcformcz qu'on ne traitteroit jamais avec les Ligueurs à
uz.avec\Q\xv prcjudicc, ni fans les y appeller: promeflè néanmoins qu'on
aueil'rs, avoit violéc daus tous les Traitez avec vingt-^huit villes, & huit
Princes ou Seigneurs, où on avoit privé les Reformez de leurs
droits.
DE UEDIT DE NANTES, Liv. V. 205)
droits 5 Se qu'on avoit conclus fans leur participation. Sur quoy 15*07,
on remarquoit avec indignation , que la Ferté Milon miiera-
ble bicoque n*avoit pas voulu fe rendre, qu'à condition d'exclu-
re la Religion Reformée de fon enceinte & de Ton terroir : & fur
cela on exageroit le (ecours donné à Henri III. 11 à-propos par
les Reformez -, reçu alors par les Catholiques avec tant d'acclama-
tions, & néanmoins fi- tôt oublié.
De là ils paflbient aux plaintes d'être empêchez dans les moin- chant
dres ades de leur dévotion j & ils nommoient divers lieux où on '^Ji,
les avoit mis en prifon pour la même caufe: & où même les Pfeau- mesem^^
mes avoient été brûlez par main de Bourreau. Ils rapportoient ^[-j^^l^
entre autres un exemple remarquable de ces violences. A Meaux frifis
un honnête homme reçut des coups de bâton du Sergeant Major ^^'■'*'
pour avoir chanté des PTeaumes : le Roy étoit alors à Monceaux ,
qui n'en eft éloigné que de deux lieues , & les Députez de l'Aflem-
bléede Loudun étoient auprès de luy : ilsluy portèrent les plain-
tes de cet outrage j mais toute la làtisfaârion qu'ils reçurent, fut
que le Roy leur promit d'en parler au Sergeant Major. En d'au-
tres lieux on leur ôtoit leurs Bibles & leurs autres livres , & s'ils en
gardoicnt quelques-uns , c'étoit aflèz pour être punis par des amen-
des, des priions , & des bannifîèmens. A Digne en Provence , les Ju- ^efen.
ges avoient eu l'impudence d'ajouter à remprifonnementdeq.ueI-/f^ t^'
qu'un fur ce fujet, ladefenfe de s'afTembler /^//r prier l^ieu ^^'if^Z'ut
peine de cent écus. Le Parlement de Rennes interdiiànt l'exer- prier
cice de la Religion Reformée, y avoit ajouté qu'il feroit fait ^*''*'
perquifition des livres , avec defenfcs d'en imprimer , vendre ou
tenir.
On fè plaignoit après cela d'être empêchez de confoler les mala- confoU^
des & les condamnez : & même de ce que les malades & les condam- tion des
nez étoient contramts de foufFrir la prefence & les follicitations "^'^^'^^"'
des Moines : & on raportoit qu'à Saint Quentin un homme con-
fblant delà rue unpelliferé avoit été banni de la ville. Sur quoy
on remarquoit que tous les articles, où les Edits ôtoient quelque
choie aux Reformez, étoient oblervez ponâiuellcmcnt , mais que
tout ce qu'ils leuraccordoient de conceflions & de privilèges étoit
abfolument inutile. ^^^^
Ils venoient en fuite aux autres choies qui regardent la confcien- /nVnf^
ce i & ils le plaignoient qu'on faifoit de tout un prétexte d'oppref- ■^'.^^^^' ^^
Tome I, D d fion : ttctes.
210 HISTOIRE
j<ày. fion ; qu'on les condamnoit à tendre devant leurs maifons , &
même à fe trouver aux Procellions delà Fête-Dieu , à peine d'a-
mende qu'on faifoit monter quelquefois à cinquante écus -, qu'on
les emprifonnoit même fouvent fur le refus d'obéir : que le Comte
de Grignan taxoit luy-même fes fujets à vingt écus d'amende :
qucle Parlement de Paris condamnoit à peine corporelle ceux qui
refuferoient de faluerles Croix, &: de fe profterner devant l'Ho-
flie : qu'on les condamnoit ailleurs à l'amende honorable , pour
avoir refufécet honneur au Sacrement, en lerencontfantdans les
rues : que le Curé de Saint Etienne de Furan faifoit encore pis :
qu'il couroit après ceux qui fe retiroient devant luy , & les battoit à
coups de poing, ou du bâton de la Croix: qu'en divers lieux on
les condamnoit à contribuer aux Confrairies, au Service Divin à
la manière Catholique, au bâtiment des Eglifes: qu'on leur fai-
foit m.ême paver les arrérages de leurs contributions pour les an-
nées' précédentes : qu'il y avoir des lieux où on les vouloit con-
traindre d'aflifter aux Mefles des métiers , ou à (brtir de la ville :
que les Notaires de Bourdeaux ayant établi une nouvelle Con-
frairie, on vouloit que les Reformez de la même profeflion afliC-
taflent à la^Mefîe de leur Corps , à peine d'un tefton par chaque dé-
faut: que le Prefidial d'Angers avoir contraint un Violon de jouer
devant la Procellion qu'on y fait avec une pompe extraordinaire,
le jour que les Catholiques appellent la Fête-Dieu. Qu'on faifoit
prêter le ferment en plulieurs lieux aux Avocats & aux Juges félon
îcs formes de l'Eglife Romaine : qu'on trainoit quelquefois de
vieilles gens par force à laMefTe: qu'à Saint Etienne de Furan le
Curé avoir fait affamer un vieillard dans la prifon pour le faire ab-
jurer j &: luv avoir fait paffer un acte devant Notaire , par lequel
il fe condamnoit luy-même au bannifîèment, s'il ne vivoit&mou-
roiî dans la Religion Catholique.
Batème , Cc même furieux , continuoit-on , fe faifoit accompagner par les
^j?/''^^ Juges dans les maifons des Reformez , pourybatifer leurs en fans
cc?i:er- malgré les pères & mères : 8z on remarquoit même que fur un
"nfl^s^ faux avis de l'accouchement d'une femme, étant entré dans lamai-
fbn il bâtit le mari, vifita tout le logis, & n'ayant trouvé nulle
marque de ce qu'il cherchoit, il contraignit la femme à fortir du
lit, & à luy montrer fon ventre, pour fe convaincre par fes yeux
qu'elle n'étoit pas accouchée. On recitoit aufli qu'ailleurs un pc-
re
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. V. 211
re portant batifèr fon enfant, une fervante d'Hôtellerie le luy 1597.
avoit dérobé, pendant qu'il menoit fbn cheval à l'écurie, & l'a-
voit porté batifer à une Eglifè Catholique , après avoir même fait
aiîèmbler le voidnage pour luy donner main forte. Qu'à Bour-
deaux on avoit obligé une Dame de qualité d'abjurer fa Religion,
pour avoir la Gardenoblc de Ces enfans ; & que comme elle étoit
revenue peu après à la Communion des Reformez, le Procureur
General l'avoit mife en jufticc, pour la contraindre à demeurer
Catholique : qu'un enfant de deux ans ayant été laifle à Orléans
en dépôt à fon grand-pere , pendant que la ville tenoit pour 1^
Ligue , & le père l'ayant redemandé après fa réduction à l'obeïflan-
ce du Roy , le Juge refufa par fa Sentence de le faire rendre : qu'on
avoit interdit à un autre au Prefidial d'Angers toute pourfui-
te de Ces droits , jufqu'à ee qu'il eût fait revenir ies frères du Collè-
ge que les Reformez avoient à Loudun , pour les mettre à celuy
d'Angers > malgré le teftament du père , qui avoit ordonné de les
«lever dans la Reîig. Reformée : que les mêmes Juges avoient don-
né un Curateur Catholique à une fille qui refufoit d'aller à la Mef-
£è. On mêloit à tout cela de grandes plaintes du traittement que Privée
la Cour avoit fait au Prince de Condé , que les Reformez avoient ''^ ^*"*^'*
rendu contre l'efperance des Catholiques. On raportoit qu'il
avoit pleuré , & protefté contre ceux qui vouloient le tirer de Saint
Jean d'Angeli 5 que depuis qu'on l'avoit tenu à la Cour , il s'é-
toit retiré Ibuvent en particulier pour chanter des Pfeaumes ,
(pour faire fès prières 5 pour catechifer Ces Pages j mais qu'on les luy
avoit enfin ôtez malgré tous les témoignages de fon deplaifir.
Tout cela étoit fuivi de plaintes de ce qu'on les payoit fur tou-
tes ces choies de railbns d'Etat, comme fi on avoit dû oppofèr
l'Etat à leurs confciences, ou qu'ils n'eufientpas été partie de l'E-
tat, ou que l'Etat n'eût dû fubfifterque par leur ruine. Puisre- obfervA-
venant au détail des injufliçcs qu'on leur faifoit , ils fe plaignoicnt "c^f^^
qu'on les contraignoit à obierver le Carême 3 qu'à Rennes le Parle- &^es
ment failbit faire la vifite dans les maifons , pour voir fi on y contre- ^''^"*
venoit : que l'Evêque d'Agde en faifoit autant de fon autorité
dans les villes de fon Diocefe: qu'on les traittoit de même pour
l'obièrvation des Fêtes: qu'à Saumur même , ville de fureté , on
avoit mis en pnfon un homme qu'on avoit furpris travaillant ,
.enfermé dans ià maifon. Qu'on avoit chaiîé leurs Maitrcsd'Eco-
Dd 2 le
212 HISTOIRE
if^y. le de plufieurs lieux, même (ans forme de jufticc : qu'en divers
CoUegei. Parlemens, même après plufieurs juflions, on avoit refufé de vé-
rifier les Patentes accordées pour l'établifîement d'un Collège :
furquoy on raportoit l'audace du Parlement de Grenoble, qui ne
daigna pas même repondre à la féconde juflion, pour l'éredion
o_^cej. d'un Collège à Montelimar. Que de même en divers lieux on
refufoit d'admettre , ou on depofoit ceux qui étoient pourvus de
quelque charge publique d'enfeigner. Cet article finifîbit par
ces paroles , Keut-on donc 7ious contraindre à ignorance ô' bar-
barie? Ainjî en faïf oit Julien.
Tauzres Us vcHoicnt en fuite à fe plaindre du traittement qu'on faiibit à
Trafftez, ^^^^^ pauvrcs ', & ils reprochoient qu'on avoit fi peu d'équité pour
eux , que dans les lieux même où les Reformez contribuoient le
plus aux aumônes, ceux de leur Religion n'y avoient nulle parc.
Lieux ou Ils fe plaignoient même qu'en plufieurs lieux on ne vouloit pas
melil'. Souffrir qu'ils y demeurarfènt , quoy qu'ils y fuflent nez -, quoy
fent de. qu'ïls fc foumiflcnt à n'y faire point d'exercice public de leur Re-
Kf^lr' %^°"' ^^^ lesjuges de Lyon avoient banni de leur ville ceux qui
(^uahie étant fortis du Royaume autrefois à caufe de la Religion , y étoient
injHjîice revenus après le changement des affaires > ce qui avoit été confir-
•'"'"* mé par TEdit de réduction : à l'occalion duquel on fe plaignoit
icy d'être appeliez y/z^^^j par le Roy même, qu'on avoit fi fidè-
lement fervi : & on y couloit ce reproche, que pour une même
caufe le Roy avoit été déclaré incapable de la Couronne , 6c les
Reformez avoient été bannis de chez eux ; mais que depuis qu'il
avoit été remis fur le Trône par les Reformez, il ne les avoit pas ré-
tabli dans leurs mailbns. Le Curé de St. Etienne de Furan paroif-
foit icy fur les rangs. Il contraignoit les Catholiques à ne louer
point leurs maifons aux Reformez , & à mettre dehors avant le
terme ceux qui en tcnoient déjà d'eux. li empêchoit par de grof-
k!> amendes les gens de métier de recevoir des Reformez à la Maî-
trife. Cet enragé avoit donné des coups de bâton à un homme
natif du Heu , mais habitué ailleurs , &: qui étoit venu feulement
dans la ville pour quelques affaires. Son prétexte fut qu'il luy avoit
défendu d'y venir > comme s'il avoit eu l'autorité de bannir ceux
qu'il luy plaifoit. Mais cet homme outragé, ne fe voyant (ecouru
de perfonne, tua le Prêtre, & délivra le païs de ce furieux. lien
obtint l'abolition du Roy ; mais les Catholiques empêchèrent l'en-
térine ment de fes Lettres. Ils
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. 213
Ils remontroient encore qu'on excluoit les Reformez des mê- j ^07
tiers 3 que pour en avoir le prétexte on dreffoit de nouveaux fta- uéiiers'.
tuts, qui n'y admettoient que les Catholiques. Qu'on autorifoit f7o/e»-
les violences en divers lieux par rimpunité: qu'un vieillard de foi- *""•
xante & quinze ans , s'étant plaint que des enfans l'avoient pour-
fuivi avec des huées injurieulès, fut mis en priibnpour toute ré-
paration 3 & qu'en fuite ayant été relâché , il fut de nouveau
pourfuivi à coups de pierres à la vue des Juges , qui ne fai-
foicnt qu'en rire: qu'une Confrairie dePenitens, qu'on appeîloit m«A4«,
les Battus y marchant enProceflion , ceux qui en écoient trouve- "''*•
rent du verre cafTé qui leur blelfa les pieds -, qu'on s'en prit aux
Reformez , parce que ce verre s'étoit trouvé devant la maifon
d'un Orfèvre qui étoit de leur Religion j que la fedition fut gran-
de j qu'on parla de tocfm & de mafîàcre : mais qu'enfin après bien
du bruit on vérifia, que c'étoient des Prêtres qui avoient fait cette
malice.
On faifoit après cela un long détail de toutes les injuftices qu'on injujikes
faifoit aux Reformez touchant les Charges. On les excluoit en di- /«»: ^'
vers lieux des Charges de ville , & en quelques-uns on n'auroit mè-^ch/rlls.
me ofé les nommer. On difoit tout haut à Lyon , qu'il n'y falloit
recevoir perfonne ni qui fût Reformé, ni qui l'eût été, ni qui fût
fils d'un homme qui l'eût été. Les Etats de Perigord avoient cafië
la nomination d'un Syndic faite par la ville de Bergerac , félon les
ufages de la Province: le fujet de la cafTer fut que l'élu étoit Re-
formé; & les Etats en nommèrent un autre, qui étoit le feul Ca-
tholique entre les Officiers de la ville. On ne recevoit même ceux
qui étoient pourvus du Roy , qu'après qu'on les avoir obligez à
prêter le ferment d'être Catholiques > & qu'on leur avoit fait dé-
clarer leur Charge vacante & impetrable , s'ils violoient ce ferment.
Ailleurs on les renvoyoit fans les écouter. En d'autres lieux on
lesdeilituoit, même après avoir été reçus & foufferts dans l'exer-
cice de leurs emplois -, ou bien on les^ forçoit à s'en défaire entre
les mains des Catholiques. Le Parlement de Bourdeaux avoit re-
filié trois ans durant au retabîinëment d'un Prefidial à Bercrerac,
où il avoit déjà été , & l'inllance en étoit encore pendante au
Grand Confeil au tems de ces plaintes. En plufieurs Provinces on
defendoit aux Gentilshommes de mettre des Juges Reformez dans
leurs Juftices, à peine de perdre leurs fiefs. Le Parlement même
Dd 3 fcant
214 HISTOIRE
leoy. ieant encore à Tours, mit dans l'Arrêt d'enregîtrement de PEdit
' qui revoquoic ceux de la Ligue , qu'on requerroit toujours fur les
Lettres de provifion qui feroient prefentées , qu'il fût informé de
la vie , mœurs & Religion Cadiolique Apoilolique & Romaine de
ceux qui les portoient > &c qu'ils ne feroient point reçus fans en
avoir atteftation fuffifante , horsmis dans la ville de la Rochelle , &
autres tenues par les Reformez au tems des Edits de la Ligue , com-
me je l'ay raporté ailleurs Liv. IL en 1 5 9 1 . On dît même environ
le même tems en plein Confeil aux Députez des Reformez, qu'ils
fe trompoient s'ils croyoient qu'on dût les recevoir aux Charges,
quelques Edits , Juiîions & Arrêts qu'ils obtinflent : de quoy on
rapportoit des exemples en toute forte d'Offices , de Confeillers
auxParlemens&auxPrcfidiaux, d'Avocats du Roy , de Notaires,
de Procureurs , de Sergens. Le Parlement de Grenoble, quoy
qu'arraché au Duc de Savoye par les armes des Reformez, refu-
loit Vulfon, pourvu d'une Charge de Confeiller, & l'avoit déjà
fatigué par cinq ans de vaines pourfuites. Colas Vice-fenechal de
Montelimar étoit un des plus ardens Ligueurs , & ne voulut jamais
fe reconcilier avec le Roy , qui fut obligé à reprendre fur luy la
Fere, dont il Ce faifoit appeller Comte. Un Reformé ayant ob-
tenu du Roy les proyifions de la Charge de ce rebelle, jamais le
Parlement de Grenoble ne le voulut recevoir: mais quand , pour
faciliter la chofe , il eut traitté de la Charge avec Colas qui la luy
vendit, le Parlement l'admit à la preuve de vie &de mœurs, où
il le tint dix-huit mois -, en forte qu'il étoit encore incertain de fà
deftinée au tems de ces plaintes. Le même Parlement avoit ôté la
préiîeance à certains Confeillers plus anciens que les Catholiques,
reçus même pendant la Ligue j fur quoy il fallut avoir des Regle-
mens , des iLdits , «^ des Arrêts contradictoires au Confëil.
Difcours Tout ccla étoit fuivi de plaintes des termes feditieux qu'on avoic
^ ^^!l',. permis de tenir contre eux dans les Parlemens , & dans les autres Ju-
tieux. ri{di£tions en pleine audience , où on les avoit appeliez chiens ,
Turcs 5 Hérétiques , Hétéroclites de la nouvelle opinion , dignes
d'être pourfuivis à feu & à fang, & chalîèz de tout le Royaume.
pMjpon On avoit reçu contre eux, difoient-ils, pour caufe pertinente de
iî(| j« recufation en diverfes Jurifdidions , qu'ils étoient Hérétiques i
parle, commc fi les loix des Empereurs contre les Manichéens avoient été
mtm. faites pour eux. Seguicr un des Avocats Généraux au Parlement
de
DE UEDIT DE NANTES, Liv. V. 2if
de Paris , parlant fur une caufe de P^ochechalais Gentilhomme con- i ^o y,
fiderable parmi les Reformez , avoir plaidé que les Reformez
étoient indignes àts Editsdu Roy -, que le bénéfice des loix n'ap-
partenoit qu'aux Catholiques j que fi on donnoit Arrêt en faveur
de ce Gentilhomme, les Gens du Roy s'y oppoferoicnt , & luy ôte-
roient, comme à un homme indigne, les biens qu'on luy auroit
ajugez. On rapportoit fur cela divers exemples de juftice dé-
niée aux Reformez, de meurtres impunis, de condamnations in-
juftes fans forme de procès j de faux témoins tolérez , quoy que
convaincus. Un infigne voleur étant cru de la Religion Refor-
mée , fut condamné à Bourdeaux à être mis en quartiers & en cinq
cens écus d'amende, deux cens au Roy, & trois cens applicables
au bon plailir de la Cour : mais le crhîiinel ayant déclaré à un Je-
fuïtc qu'il étoit Catholique depuis deux ans , la peine fut modérée
à être décapité , & l'amende appliquée aux réparations du Collège
des Jefuïtes. Les Grands Jours fë tenant à Lyon, ceux qui allè-
rent y demander juftice contre les Catholiques de St. Etienne de
Furan , furent traittez de feditieux qui rompoient la tête de leurs
plaintes.
On ajoûtoit que les évocations que les Reformez obtenoient d'un
Parlement fufpe£t à un autre, étoient éludées par le refus d'accor-
der àç.^ Lettres dc^Fareatis^ qu'on faifoit quelquefois pourfuivrc
fix mois : mais qu'à Bourdeaux on failbit encore pis ; on y jugeoit
la caufe au fond, & après cela on donnoit des Lettres. Sur quoy
on obfervoit que les Parlemens faifoient plus de mal par leur mau-
vaifè volonté , que la bonne volonté du Roy n'y apportoit de re-
mèdes. On s'étendoit à cette occaiion fur la différence qu'il y avoit
entre la vérification des Edits de la Ligue , & de ceux qui donnoient
la paix aux Reformez : ceux-là étant reçus làns modification , fans
referv^ation , avec folennité , comme des Edits dont les (yllabes, .
les lettres, les accens étoient autant decolomnes de l'Etat j ceux-
cy étant rejettezpar mille fuites, mille chicanes, mille longueurs,
ou reçus avec tant de reilridlions &: de refervations , qu'on les ren-
doit inutiles. On couloit icy fort à- propos les outrages que la Li-
gue avoit faits aux Parlemens, le maflacre de DurantiàThoulou-
fè, & la mort hontcule de Brifîbn à Paris. On y temoi^noit com-
bien les Reformez étoient peu contens de l'Edit de 1 5 77. qui , fé-
lon eux , n'étoit pas propre au tems prefent j qui les mettoit en pire
2i6 HISTOIRE
I fp/. état que celuy où la guerre les avoit laiflez -, qui les flêtriflôit en
mille fortes -, qu'ils n*avoient point requis -, qu'ils refufoient con-
■Difficui. ftamment. Sur quoy on remontroit avec quelle peine TEdit qui
^tMr ^'' ^^ rcf^bliiîbit avoit paflc au Parlement de Paris. Les fuites & les chi-
l'Edit </f canes du Procureur General n'y étoient pas oubliées, ni les diver-
»y77- fes raifons qu'on avoit alléguées pour empêcher l'enregîtrement ,
en forte que l'avis favorable n'avoit pafîe que de trois voix. On
nommoit icy les Parlemens qui n'avoie-nt pas voulu le vérifier > &
on remarquoit principalement la dureté de celuy de Dijon , qui
n'en avoit rien voulu faire, quoy que le Roy allant à Lyon l'eût
commandé de fa propre bouche : de forte qu'il avoit fallu venir aux
menaces de prendre la verge pour le faire obéir : après quoy le Pro-
cureur General , imitant celuy de Paris , n'avoit pas voulu qu'on
mit dans l'Arrêt de vérification luy requérant , mais non empêchant j
& la Cour marquoit bien formellement , qu'elle ne l'enregitroit que
du très-exprès commandement du Roy , plufieurs fois réitéré.
^xtm- On faifoit des plaintes encore de ce que des Arrêts rendus dès
^^•nrs'de ^ ^^^ ' ^ ^ ^^^' s'executoient encore tous les jours -, qu'on forçoit
^u maJ les Reformez de reflituer aux Ecclefiaftiques les fruits de leurs biens
••jai/e vo. pris pendant la Ligue -, & qu'on refufbit aux Reformez de rentrer
plrU- " *^^^^s \ç^\Jits biens , Ibus prétexte qu'ils n'avoient pas payé les tailles
mens, en 1 5 72, On recitoit icy un fait fingulicr de Florimond deRai-
mond Confeiller de Bourdeaux. Il avoit été pris prifonnier pendant
les guerres , &: mis à rançon , dont il avoit compofé par mille livres.
Depuis cela il avoit mis en juftice ceux qui l'avoient pris , & fe van-
toit d'en avoir tiré déjà quatre mille écus. On fe plaignoit que les
Parlemens jugeoient tous les jours conformément aux Edits de la
Ligue 5 &que celuy de Rouen avoit traitté fur ce pied-là dans un
Arrêt les fepultures & les Prêches des Reformez de contraventions
aux Edits. Sur quoy deux Prefidens , deux Confeillers , & le Pro-
cureur General ayant été mandez en Cour , ils avoient eu la har-
diefTe de dire qu'ils avoient jugé félon les Ordonnances , parce que
les Edits favorables étoient révoquez. Ils promirent néanmoins de
Çc contenter que l'Arrêt fût au Regître , fans le faire exécuter :
jnais pendant qu'ils étoient en Cour, & fans attendre qu'ils rap-
portafîènt les ordres du Roy, leurs confrères le faifoient publier à
îôn de trompe. En divers Parlemens on caflbit tous les jours les
Arrêts qui avoient été rendus dans les Chambres de Juftice que le
Roy
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. 217
Roy avoit fupprimées, quoy qu*il les eût tous confirmez par TE- i^^r^
dit de fuppreffion.
Après ces longues plaintes on venoit à Tarticle des fepultures -, sepuUu.
&pour y fervir de tranfition, ilétoit remarqué que les Reformez yj.-^*"%
étoient mal-traittez dans leur naifîance , dans leur vie , dans la nour-/f///i:
riture de leurs enfans, dans leurs funérailles mêmes. Ilsfc plai-
gnoient donc qu'en plufieurs lieux on leur rcfufoit des cimetières ;
qu'en d'autres ils étoient obligez de porter leurs morts jufques à
cinq lieues > qu'on attachoit les convois à de certaines heures , & à
un certain nombre de perfonnes ; qu'ailleurs on commettoit des in- '^f^'
iblences fur les foflcs , qu'on outrageoit ceux qui accompagnoienc
les corps, quoy que les enterremens fc fiflent la nuic> qu'en cer-
tains lieux même on les condamnoit à l'amende j qu'on leur faifoit
acheter la fiireté du convoy vingt ou tr^e écus. Qu^il y avoit des ^''''"*'
lieux oii on dcterroit les corps, fbit par le mandement de l'Evê-
que , fbit par quelque autre autorité j même ceux qui avoient été
enterrez dans les Chapelles de leurs ancêtres : qu'on cxerçoit la
même inhumanité fur les corps des femmes même , qu'on laifîbit
nuds lur la terre , expofez aux bêtes fauvages , fans qu'on fit enquête
de cette indécente barbarie. Que des peribnnes qui étoient mortes
avec quelques marques d'être Reformées , n'ayant pu avoir fcpul-
ture à caufe de cela dans les cimetières des Catholiques , on faifoit
procès à leurs parens pour les avoir fait enterrer dans les cimetières
des Reformez. -Le Curé de St. Etienne de Furan avoit grande part
à cet article, où on le reprefentoit faifant de faux contrats , pour
exclure les Reformez d'un cimetière qu'ils avoient acquis •■, rompant
les tombes à coups de marteau -, Tonnant le tocfm fur un cojivoy
qui avoit des Gardes de la garnifon , & aiîèmblant trois ou quatre
mille hommes qui difiipent le convoy , & font laiflèr le corps à la
difcretion de ce fcelerat^ déterrant un mort qu'il porte fur le fond
d'un autre , qui le déterre encore une fois , & forçant la femme du
défunt, même après qu'elle eut obtenu un Arrêt des Grands Jours,
de l'enterrer hors de la Paroillè. De même Florimond de Raimond
prefidantun jour comme plus ancien Confeiller , & ordonnant par
un Arrêt l'exhumation d'un enfant , y ajouta que tous les corps des
Reformez , enterrez depuis dix ans dans les cimetières des Catho-
liques, feroient déterrez. On rapportoit fur tout cela beaucoup
d'exemples de corps , dont quelques-uns même avoient été en dan- --
Tome I. Ee ger
2i8 HISTOIRE
155)7. ger d'être mangez par les chiens. Il paroiiïbit par ces exemples
qu'on ne faifoit diftindlion ni de qualité , ni de fexe , ni d'âge 5 &
qu'on traittoit avec la même barbarie les Gentilshommes & les ro-
turiers j les femmes & les enfans.
On exageroit toutes ces cruautez avec une grande force , & on
y rcmarquoit d'une manière fort ingenieufe, qu'on avoir accoutu-
mé d'enfermer les cimetières pour empêcher les bêtes d'y faire
quelque ravage , mais que les hommes mêmes n'avoient pas de
conciu' honte de les violer & de les fouiller. Letoutiinifîbit par un dif^
t7 ulle ^o^ïrs extrêmement touchant. On difoit que ce n'étoit là qu'une
é'tou- partie àds plaintes qu'on auroit pu faire > on exageroit la paticn-
thante. ^^ ^^^ Rcformcz, qui n'avoient en vue que le bien de l'Etat, &
qui ne demandoient pour être contens que de ne périr point.
On montroit que la ruii^n ^^ l'Etat Çc trouveroit jointe à celle des
Reformez -, & on imploroit fort tendrement la compailion des Ca-
tholiques. Après cela on s'adrcflbit au Roy même; on fe van-
toit de n'avoir point de Jacobins ni dejefuites qui en vouluflènt à fà
vie, ni de Ligueurs qui en voulurent à fa Couronne. On luy di-
foit qu'il connoiiîbit la fidélité des Reformez , qui demandoient un
Edit, non point comme les Ligueurs, qui au lieu de Requêtes pour
avoir la paix , n'ont jamais prcfenté que la pointe de leurs épéesj
que par fix diverfcs fois en quatre ans les Reformez avoient renou-
velle leurs inftances , à Mantes , à St. Germain , à Lyon , au camp
delaFere, à Monceaux, à Rouen. Sur ce qu'on les pay oit de con-
iiderations d'Etat , &: qu'on leur difoit qu'il n'étoit pas encore tems
de leur accorder urr Edit , i\s s' écnoicnt Encore ô bon ^leul après
trente-cinq ans de cruelles perfecutions , dix ans de banniffement
far les Edit s de la Ligue ^ huit du règne du Roy ^ quatre de pour '
fuites. Ils declaroient que ce qu'on les remettoit après que le Roy -
auroit fait avec tous les Ligueurs, leurdonnoit de grandes défian-
ces qu'on n'en vouliit venir à de nouvelles profcriptions > à quoy
ils favoientbien que lePapepoufïbit de toute fa force. Ils foûte^-
noient que les Catholiques n'étoient pas feuls l'Etat , & que les Re-
formez en faifoient partie. Enfin ils concluoient par ces paroles:
J>lous demandons un Edit à V.M. qui nous face j ouïr de ce qui e§i
commun à tous vosfujets^c^eH-à-dire^ beaucoup moins que ce que 'vous
avez, accorde à vos tranfporteZ' e?inemis , à vos rebelles Ligueurs :
un Edit qui ne vont contraigne point à diftribuer vos Etats que
eomme
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. 219
comme il l'ous plaira ; qui ne vous force point à épuifer vos fnan- i cpr.
ceSi à charger vôtre peuple. Ni l* ambition , ni r avarice ne nous
mené, La feule gloire de ^ieu , la liberté de nos confciences , le re-
pos de l* Etat, la fureté de nos biens & de nos vies, c'efl le comble
de nos fouhaits , &'le but de nos Requêtes.
Qupy que les Reformez de Cour donriafîènt une efpecc de de(a-
veu de ces plaintes, comme je l*ay remarqué, il eft certain néan-
moins qu'ils ne nioient pas la vérité des faits qui y étoient conte-
nus, ni laneceiTité de pourvoir à tant d'injuftices'&de violences-,
mais ils entroient dans les fentimens de la Cour , qui étoit fort cho-
quée de la forme de ces plaintes , & qui eût voulu qu'on eût atten-
du un autre tems pour les publier. Au fond le gênerai des Refor-
mez parloit dans cette pièce -, & on ne peut douter qu'elle n'eût
pafTé par les mains & fous les yeux des plus habiles du party. On
peut même reconnoîtrc aifément au ftile que les plus autorife^: en
avoient pris connoiflànce , & avoient fourni à la matière une par-
tie de fa forme. Au refte ce qui chagrinoit le plus la Cour dans
L'impreflion de ce livret , étoit qu'on y voyoit en plus d'un lieu des
reproches de fervices , d'autant plus infuportables qu'ils étoient jul-
tesj qu'on y reconnoiflbit bien qu'on avoit à faire à des gens qui
prenoient lachofe à cœur, & qui n'avoient pas encore le courage
abattu-, & qu'enfin tant d'injuftices, tant d'outrages , tant de vio-
lences faifoient honte des longueurs qu'on avoit apportées, à con-
tenter des gens dignes d'un traittement plus favorable. Mais le cha-
grin de la Cour ne fervit qu'à faire juger qu'il falloit traitter cette
affaire plus ferieufement , & terminer une négociation iî impor-
tante.
' Mais avant que d'aller plus loin, il efl neceflàire de s'arrêter au Rep.
moins en paflànt a quelques reflexions fur cet abrégé de plaintes. "^"T ^^^
Premièrement il fait voir que dans l'affaire des Reformez il ne s'a- "^'^^'"^'
gifïbit pas de peu de chofc , & que s'ils montroient de la défiance
dans leurs mouvemens , elle n'étoit que trop bien fondée. Ce qui
eft d'autant plus remarquable, qu'on fait bien que quand on drcllè
des plaintes de cette nature , on n'y employé que les faits les plus
notables & les plus conftansj & qu'il en demeure encore un plus
grand nombre dans l'oubli & dans le filcnce, foit parce que \qs plain-
tes n'en ont pas été relevées par les perfonnes intcreffécs , foit parce
que les chofes ont paru moi/i? claires, ou moins importantes dans
Ee 2 leurs
220 HISTOIRE
1 5pT. leurs circonftances. En fécond lieu , ces plaintes repondent aux re-
proches qu*on faifoit aux Reformez, de preflertropleRoydansle
plus grand embarras où il eût été. Il ne faut pas le trouver étrange ,
puisque c'écoitdans cetems-là même qu'ils étoient plus mal- trait-
tez que jamais : Se que fi de ce grand nombre de faits on en excepte
une trentaine, tous les autres étoient recens , &parîoient décho-
ies arrivées ou cette année ou la précédente. Cela donnoitdele-
2;itimes prétextes aux terreurs Se aux défiances des Reformez , qui
rccevoient de jour en jour d'autant plus d'outrages , que la paix
& la réunion des Catholiques s'avançoit par la réduction des Li-
gueurs. Enfin ces plaintes fervent à montrer Tinjudice des chica-
nes qu'on a faites pour éluder l'Edir dans ces dernières années;
puis que l'Edit ayant été donné fur les plaintes que les Reformez
avoient faites de lémblablcs vexations , il étoit impoifible de les
renouveller, fans violer direvSlemcnt l'intention de cette Loy irré-
vocable.
i^pS. Cependant l'année fè paflà dans des longueurs ennuyeufès ,
NJHvei- comme je Tay remarqué cy-devant> & quoy qu'on eût furmon-
x«/«r/- ^^ P^^ ^^ patience le chagrin de ces nouvelles remifes, ilnelaiflbit
pas de fe gUfièr de part & d'autre de l'aig-reur dans les efprits. Le
Roy faifoit paroitre quelquefois du rerfêntiment : il fàvoit même
placer à-propos des paroles menaçantes, & il avoit écrit à fes
CommilTaires , qu'il fcroit fâché d'en venir aux extrémitez avec des
gens qu'il aimoitplus qu'ils ne s'aimoient eux-mêmes. Ce langa-
ge nouveau qu'on avoit appris au Roy depuis la rcprife d'Amiens,
ïaifbit un plus mauvais effet qu'on ne le croyoit à la Cour. Les
Reformez quile trouvoient fi différent de celuy qu'on leur avoit
tenu , pendant qu'on avoit befoin d'eux, & qu'on les invitoit à
verfer le refl:ede leur fang au fiege de cette Place, tiroient de fâ-
cheufes confequenceS de ce changement. Il leur fembloit que ce-
la vouloit dire, que leur repos &:la profperité delà Courneîèren-
contreroient jamais enfemble ; puisqu'on ne les flattoit que quand
les affaires étoient brouillées j & que quand elles commençoient à
fedemêler, on vouloit qu'ils ferendifiént comme à difcretion :que
quand on craignoit le fuccés des entreprifes du Roy , on n'em-
ployoit auprès d'eux que promefîes , que prières , que conjura-
tions tendres & touchantes: mais que quand on étoit enflé de
quelques fuccés avantageux , on no repondoit à leurs plus juf^
tes
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. 221
tes Requêtes que par des chicanes ou des menaces. Ils jugcoient 1 5 5)8,
par là que comme on leur donnoit de nouveaux fujets de défian-
ce , il falloit aulîî qu'ils prilîent de nouvelles précautions contre
les mauvais defîeins de leurs ennemis. Les Ducs de Bouillon &
de la Trimouille écoient les plus irritez , parce qu'ils fentoient bien
qu'ils avoient plus de part que perfonneaux menaces de la Cour,
où on les eftimoit les auteurs de ce qui s'étoit propofé dans
rAflèmblée, contre ce que les Catholiques appelloient le bien de
l'Etat & le fcrvicedu Roy -, mais que les Reformez appclloient les
rufes du Confcil , & ropprcllion de leurs coniciences. L'Allem-
blée donc preiïbit avec les mêmes indances qu'auparavant. Elle
avoit des Députez en Cour, qu'elle y avoit envoyez chargez de
Mémoires, &:à qui elle renvoyoit tous les jours de nouvelles in-
flruélions, furies nouvelles difficultez qu'on faiioit naître. D'au-
tre côté elle examinoit avec application les reponfes à fes Cahiers,
que les Commiflaires du Roy luy prelentoient de la part. Et
comme elle avoit envoyé en Angleterre Se dans les Provinces Unies ,
pour implorer l'interceffion de ces fidèles alliez de la Couronne, elle
avoit aufli donné charge exprefl'e à Tes Députez de parler aux Am-
bafladeurs des Puifîances Proteftantes qui fè trouvoientàlaCourj
de leur remontrer combien le contentement des Reformez étoit
neceiïàire pour fraper un grand coup contre l'Efpagnol, ou con-
tre le Duc de Mercœur j de leur faire voir qu'on reculoit à la Cour
les affaires de Rehgion , au lieu de les avancer -, & qu'on ne fa voit
quand on devoit eiperer la fin d'une négociation û ennuyeufc j &
de les obliger , par l'intérêt commun des Proteftans , à en prefîer la
conclufion.
Ce qui reftoit encore à terminer n'étoit pas fi peu important ,^^ ;'^^-
qu'il ne méritât ces fortes InflaiTces. Il y avoit encore des difB.cuU /"'/[J^
tezque le Confeil failbit naître fur le droit d'exercice, à l'égard de ^'f^A:
certains lieux particuliers oii les Reformez pretendoient l'établir J"''^"^'*-
oule conferver, ôcoùla Cour ne le vouloir pas permettre. D'ail- '
leurs les Reformez demandoient qu'il leur fut permis de conti-
nuer leur Afiemblée à Vendôme, jufqu'àce que l'Edit qu'on leur
accordoit fût vérifié dans tous les Parlemens. Le Roy y confen- La sepa .
toit feulement pour le Parlement de Paris, &il vouloit qu'après ration de
que l'Edit y auroit été enregitré l'Aflémblée fé rompît, & ren- ^^/ff"'""
voyât fcs membres dans leurs Profanées. Mais cela faifoit crain-
E e 3 dre
1598.
Vitat
desgav'
Sjifons,
Nomina-
tion des
Gouver-
neurs.
Lerenou.
zeile'
ment an-
nuel de
l'état des
gar7ii'
jûnS.
Leno/n-
ty^ des
F laces de
l'ireté.
222 HISTOIRE
dre que le defTein de la Cour ne fût de diffiper P AfTemblée ,
pour éluder en fuite l'Edit avec plus de liberté , quand il n'y
auroit plus perfoone pour en prelfer l'enregîtrement : parce
que les Edits n*étanc reputez loix du Royaume qu*après cet-
te folennité, celuy-cy feroit encore fujet à mille reftridlions ,
&: mille chicanes, dans les Parlemcns où elle n'auroit pas
été obfervée. Il falloit que la Cour donnât fur cela quelque
contentement aux Reformez, parce qu'elle vouloitdiferer la véri-
fication de l'Edit jufqu'au départ du Légat , dont le tems étoit
encore incertain-, & qu'elle auroit cru luy faire un affront, fi on
avoit fait cet enregîtrement en fa prefence. Pour faire donc goû-
ter ce nouveau délai à des gens rebutez de tant de longueurs , &
qui crais^noicnt avec quelque raifon que ce retardement ne leur
eaufât quelque préjudice, & ne les menât au moins encore, bien
loin, il faloit, ce fembîe, avoir un peu de complailance pour le
defir qu'ils tcuoignoient de continuer leur Afîemblée. Ceux qui
avoient intérêt à la confervation des Places de fureté, s'étonnoienc
aulîi de ce que le Roy vouloit relèrver à drefîcr au Confeil l'état àç.s
garnifons: & comme tous n'y avoient pas le même crédit, ceux
qui en avoient le moins craignoient que ce ne fût un artifice pour
les depofîeder de leurs Places. De plus le Roy vouloit nommer
au Gouvernement de ces Places, avant que le nommé prît l'attelfa-
tion du Colloque où elles feroient fituées -, parce que fi l'attefta-
tion preccdoit , il fembloit que ce feroit les Reformez qui donne-
roicnt les Gouvernemens , & que cela feroit brèche à l'autorité
Rovale : mais d'autre CQ\.é les Reformez vouloient être maîtres
de la nomination , de peur que fi les Gouvernemens devcnoient des
grâces de la Cour, ceux qui les obtiendroient ne fuflênt des gens
à fa dévotion , qui fe mettroicnt peu en peine de contenter les
Eglifes , &: qui fe pourroient bien maintenir fans elles. On vouloir
auifi à la Cour changer tous les ans l'état des garnifons Reformées -,
& l'AiTemblée craignoit que ce changement d'état ne fût un pré-
texte d'affoiblir & de retrancher les garnifons j & d'ôter même les
Places l'une après l'autre. Le Roy avoit peine à laifler tant de
Places aux Reformez, à qui on n'en avoit jamais accordé au plus
avant cela que fept ou huit , pour la fiïreté de l'exécution des Edits:
au lieu qu'à prefent ils en tenoient plus de deux cens petites ou
grandes. Il craignoit aufli que les Catholiques ne priifcnt ombra-
ge
DE L'J:DIT de NANTES, Liv. V. 223
ge de rétatdé ces garnirons, à caufe du grand nombre de Places i rpg.
qui dévoient y être couchées : mais rAlTcmblée con(èntoit à dref-
fer un état palliatif , où on ne nommeroit que les Places qu*on
voudroit, pourveu qu'il y eût un état fecret pour l'aflurance du
refte. Les intérêts particuliers entroient aufli dans le nombre des iriterêtt
caufès qui formoient les incidens. La Rochelle n*obtenoit pas ^^^1!'^'*'
une de (es demandes, pas même la confirmation de (es privilèges.
Le Roy, qui avoit toujours confcrvé quelque reflentiment de ce
qui s'y étoit pafTé pendant qu'il étoit Protecteur des Reformez,
vouloir luy faire fentir qu'il avoit le pouvoir de luy en faire por-
ter la peine.
La difcudion de toutes ces queftions , & de quelques autres pareil- Edit
les, fur lefquclles le Confeil trouvoit toujours à chicaner, quand ''7"f^
elles avoient été réglées par la prudence des Commifîaircs, fit £»'''"
traîner la concîufion jufqu'au mois d'Avril : & ainn les Catholi- ^'^^'"j'i
ques eurent ce qu'ils avoient tant fouhaitté , que \cs Reformez Tful^de
n'cuffent point d'Edit avant que tous les Catholiques fufTent ^'.S''*^''^-
contens. Le Traitté du Duc de Mercœur fut conclu vers la (in
du mois de Mars. La paix d'Elpagne même fut faire avant l'E-
ditj puis qu'encore qu'elle ne fût conclue que le premier de Mav,
on étoit dés long-tems auparavant d'accord de tous les articles.
Il y avoit long-tems qu'on preflbit le Roy de marcher vers la
Bretagne avec des forces Royales , pour tirer cette Province des
mains du Duc de Mercœur, àqui jufques là on avoit faitfoiblc-
ment la guerre -, &i qui en effet ne parut jamais traitter ferieufe-
ment, que quand il fe vit prêt d'être abandonné par TEfpagnoî,
& attaqué par le Roy, qui venoit à luy avec une bonne armée.
Après avoir été donc amuféplufieurs années par des Traittez illu-
ioires, enfin le Roy marcha de ce côté-là, lors que la prochaine
concîufion de la paix d*Efpagneluy en donna la commodité. Ses ^lar.
approches jetterent l'alarme dans l'AiTemblée de Châteileraut , Jf''^^
qui craignit que tout d'un coup le Roy ne vint s'y rendre, pour éléf!'^'
la faire paiTer par où il voudroit , oa pour la difliper par la crain-
te de tomber entre Tes mains. En même rems les Comraifîàires
du Roy preiFoient de conclure : & cette inftance donnoit diverfcs
penfées à des efprits nourris depuis long-tems d'alarmes & de dé-
fiances. Il fembloit aux plus foupçonneux que c'étoit une efpe«
ce de violence , que d^'inliftcravec tant de force à leur faire accep-
ter
224 HISTOIRE
ifoS. tei*ce que le Roy leur accordoit , pendant qu'il étoitàlcurs portes
à la tête d'une armée. Cela eft à remarquer , comme une des
plus notables circonilanccs du tems où l'Edit fut donné , contre
la mauvaiie foy des Ecrivains Catholiques, qui ont voulu le faire
pafler pour une grâce extorquée. Une faut pour en juger que
regarder l'x\flèmblée inquiète , & tremblante aux approches des
Le Roy Troupcs Rovalcs. Elle reçoit rEditdefarmcc, & comme redui-
armé te à la difcretion du Royj au lieu que le Roy le donne armé, &
j(^^J5 tenant rAdemblée à Châtelleraud , pour ainfi dire , fous fon ca-
non.
Divers Cette longue affaire fe termina donc enfin au regret des uns, &
^men's fur ^^ contcntcment des autres. Il y avoir des Catholiques qui mur-
l'EJit. muroient de ce qu'on avoit tant accordé. Il y avoir des Reformez:
qui (e plaignoient d'avoir fi peu obtenu. 11 y avoit enfin des uns
& des autres qui trouvoient l'avantage égal des deux cotez, &qui
ne defirant que la paix, ellimoient tolerable tout ce quipouvoitla
donner. Pendant que le Roy avoit été à Angers , on y avoit arrêté
prefque tout ce qui rCgardoit l'Edit ; quoy que ce Prince y eût par-
lé d'un ton fi haut & fi menaçant , que l'Afiemblée en avoit été
prefque au defefpoir. Mais cela fe faifoit pour garder les apparen-
ces, pour donner la loyen maître, pour faire trouver l'Edit meil-
leur au Légat & aux Catholiques , en l'accompagnant de ces dure-
tez étudiées. Au fond le Roy vouloit fortir d'affaires : & on le
vitbienparoitreparlc traittement qu'il fit aux Ducs de Bouillon &
de la Trimouille , qui étoient ceux dont il temoignoit le plus de mé-
contentement, nies reçut avec tant de demoniiration de bienveil-
lance quand ils vinrent à Angers le faluër, qu'on pouvoir juger
par là que ce Prince menaçoit plutôt pour conferverune certaine
bienfeance de fa dignité, que par le mouvement d'une véritable
colère. Ainfi après qu'on eut rendu à l'Aflemblée les Cahiers re-
pondus, & les articles accordez, & qu'on ftjt convenu de la for-
conciu. ^^ ^^s conceilions , on porta encore une fois le tout au Roy à
/ion prife Nantes, où après y avoir changé & reforme ce qu'il voulut, pour
^^x«»- montrer qu'il le donnoit en maître, &: que rien ne l'y contraignoit ,
il fut figné & feellé, & configné entre les mains des Députez qui
en donnèrent un Recepifi^é : après quoy l'Aflemblée le mit entre les
mains des Rochelois , qui jufqu'au tems de leur ruine gardèrent
tous les titres généraux des Eglifes du Royaume. Ce mtdu lieu
où
DE UEDIT DE NANTES, Liv. V. 225
où cet Edit fut publié au mois d'Avril qu'il prit le nom d'Edit de 1C98.
Nantes, fous lequel il a été célèbre dans toute l'Europe.
J'ayraporté feulement jufques icy les plaintes, les pourfuites,
les alarmes , les impatiences d'un côté : & les artifices , les lon-
gueurs, les variations, les difficultez de l'autre: afin qu'on juge
mieux de la nature d'un Edit qui a été négocié fi long-tems , & dé-
libéré avec tant de maturité. Mais pour le faire comprendre plus
parfaitement 5 je ferai aufîî un abrégé des matières ^qui fervirentde
prétexte à ces longueurs , & qui donnèrent de l'occupation aux
plus fages têtes de l'Etat durant tant d'années. Sur quoy je parle-
rai feulement de ce qui fut demandéou obtenu par les Reformez -,
fans m'arrêter à ce qui fut mis dansTEditen faveur de la Religion
Romaine : parce que les articles de cette nature pafîerent toujours
devant les autres > &que les Catholiques ne mirent point du tout
les intérêts de leur Religion en compromis. Il n'y eut que ce que
les Reformez prétendirent qui reçût de la difficulté: parce qu'on
fit ce qu'on put pour les réduire à fe contenter de moins : quoy que
pour leur donner ce qu'ils demandoient, il ne lefalût ôtcr à per-
fonne. Il y eut donc des difficultez fur la chofe & fur la maniè-
re : la Cour n'ayant pas eu moins de peine à convenir de la forme
des conceffions, que de leur fubftance. Les demandes des Refor- T>et/iii
mez fc reduifoient à fix ou fept principaux articles : mais chacun f,'//^^'
de ces articles généraux fè fubdivifoit dans un grand nombre d'au- >>-f^^-
tres , neceflalres ou pour l'explication , ou pour la fureté de la de- ^."' "'"''*
mande principale. C'cfl: pourquoy les Reformez ayant compris d'a-
bord leurs propofitions dans un nombre d'articles limité , qui alloit
à quatre- vingt- feize ou dix-fept , les difputes qui fe formèrent
dans le cours de la négociation , les obligèrent à joindre aux pre-
miers divers articles nouveaux , pour lever ou . pour prévenir les
difficultez de la conclufion , ou de l'exécution de TEdit qu'on at-
tendoit. Sans le départir donc de la fubftance de leurs demandes ,
fi ce n'eft dans Icschofesoù ils avoient approuvé les changemens,
& accepté les reponfes de la Cour , ils ne laillèrent pas degroffir
Ibuvent leurs Cahiers , & d'en diverfifier la forme & les termes.
Ils donnèrent deux difFerens titres aux nouveaux articles qu'ils pro-
poferent. Les uns qu'ils mirent à la fin de tous les autres, & qui
n'étoient pas en grand nombre , eurent le titre d'Additions : les au-
tres eurent celuy à'EclairciJfemens , parce que c'étoient des articles
Tome I. F f fur
^^6 HISTOIRE
j^qQ fur lefqueîs ils demandoient que le Roy s'expliquât, pour nelaif-
^ ' fer plus d'obfcurité dans la chofc, & pour prévenir les difficultez
de l'exécution. Ces Eclairciffemens étoient ajoutez après l'article
du contenu duquel ils dcmandoient l'explication ; & fouvent il y
en avoit pUifieurs fur un même, qu'ils diftinguoient par les noms
de premier &: de fécond.
La première de leurs demandes étoit celle d'un nouvel Editj
^m^nde. parcc qu'ils nç pouvoient fe contenter des precedens 5 qu'ils
unnou- croyoicntcn avoir mérité un plus avantageux par leurs fervicesj
-vciEdtt. ^ ^^,^ Mantes, après le changement du Roy, & à Saint Ger-
R;tifo»s main un an après , on leur en avoit promis un autre. Le principal
poHr& fondement de cette inftance étoit qu'ils ne pouvoient fupporter,
"'"''''* qu'on les mît pendant le règne de Henri IV. fur le même pied
qu'ils avoient été fousceluy de Henri III. &qu11s trouvoientin-
jufle qu'un Prince qu'ils avoient fidèlement fervi depuis le berceau ,
ne fit pour eux rien de plus que ce qu'ils avoient obtenu d'un autre,
qui avoit été leur plus grand perfecuteur. De forte que leurs pré-
tentions n'étoient pas fondées , comme les promoteurs de la Revo-
cation del'Editde Nantes ont voulu le perfuader, furlefeul pré-
judice qu'on leur avoit fait par les Traittez du Roy avec les Chefs
des Ligueurs. Mais elks rouloient fur la grandeur de leurs fervi-
ces 5 en confequence defquels ils demandoient un Edit , comme une
recompenfe qui leur étoit due. La confideration des brèches fai-
tes à l'Editde 1577. ne lestouchoit que légèrement 5 parce qu'ils
declaroient nettement qu'ils n'en vouloient point j & que c'étoic
un Edit par lequel ils fe croyoient plutôt flétris que favorifez. C'é-
toit néanmoins cette dernière confideration qui paroifi^oit le feul
motif du Roy , parce qu'elle étoit la plus fpecieufe qu'il pût allé-
guer aux Catholiques -, foit parce qu'elle ôtoit le prétexte de mur-
murer de ce qu'on accordoit de nouveau , puis qu'on ne faifoit
par là que recompenfer les Reformez d'un tort qu'il n'avoit pas
été jufte de leur faire : foit parce que ce préjudice leur ayant été
fait contre une promefîè par édrit , de ne traitter jamais avec la Li-
gue à leur dommage, on ne pouvoit reparer cette promefie violée,
qu'en leur accordant une fuffifante compenfation de ce qu'on leur
avoit fait perdre. Cet entêtement de compenfation étoit une fui-
te de la première prétention des Catholiques, après que la Cou-
ronne fut échue à Henri IV. Comme ils avoient fait promettre à ce
Prin-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. 227
Prince de maintenir leur Religion dans l'état où il l'avoit trouvée 5 1598.
ils regardoient toutes les grâces nouvelles qu'on eût voulu faire
aux Reformez, comme des atteintes portées à la Religion Catho-
lique. C'ciî pourquoy ils étoient alors fi aheurtez à ne leur accor-
der rien de nouveau : & par la même raifon ils s'opiniâtrercnt long-
tems à n'accorder rien , que fous le titre d'une fimple compenfation
des préjudices qu'on leur avoit faits par les Traitez particuliers. Ce
fut pourquoy même après les promefTès faites aux Députez des
Reformez à Mantes & à Saint Germain , les Catholiques voulu-
rent leur donner le change , ôc faire paflcr feulement dans les Par-
lemensla reftitution deTEdit de 15 77. Ce fut la même raifbn qui
empêcha fi long-tems le Confcil de donner des Commifîaires à VAC-
fcmbléc de Saumur & de Loudun , parce que c'étoit accorder
quelque chofè de nouveau, que d'entamer un nouveau Traitté avec
des gens qui faifoient de nouvelles demandes -, & qui par confe-
quent ne finiroit que par quelques concefTions nouvelles. Mais
cette difficulté fut levée auffi-tôtquc le Roy eut envoyé des Com-
mifiaires. On parla encore de compenfation, & le terme demeura
pour (àtisfaire les Catholiques chagrins , &: pour repondre à la Cour
de Rome. Mais on eut égard aufli à la première prétention des Re-
formez, qui après une longue fidélité demandoient de plus gran-
des récompenses. C'eft pourquoy on leur accorda beaucoup de
chofès qui excedoient la compenfation promife , parce qu'on vou-
loit aufll les gratifier , pour donner quelque choie à leurs longs
ièrvices. En un mot on leur donna un nouvel Edit, quirevoquoit
tous les autres i & qui par confequent ne pouvoit plus pafier pour
une fimple compenfation des brèches qu'on y avoit faites, puis
qu'il les aboliflbit , & qu'il devoit à l'avenir fèrvir de loy en leur pla-
ce. Cette obfervation une fois faite aura lieu dans la fuite de THif^
toire , particulièrement pour réfuter la chicane de ces dernières an-
nées , par laquelle on pretendoit éluder toutes les concefîlons de
i'Editde Nantes. Cette chicane rouloit fur ce que cet Edit n'ac-
cordant que la compenfation des dommages, que les Traitez con-
clus avec les Chefs de la Ligue avoient faits aux Reformez , par
quelques reflridions de l'Edit de 1577. on pretendoit que ces
dommages n'alloient pas loin -, Sz qu'il faîloit juger par là ,
que l'intention de l'Edit de Nantes , qui en faifoit la com-
penfation, étoit d'accorder fort peu de chofè. Mais le prin-
F f 2 ci-
228 HISTOIRE
j -çg cipe étant faux, il eftaifé de juger que la confequence étoit fort
' injuftc.
ii.Dt- La féconde demande regardoit la liberté de l'exercice , & elle
Exercice ^^^^^ d'une fort grandc étenduë , parce qu'elle embraflbit les fon-
libre-.fon dcmens du droit d'exercice, qu'on vouloit établir ou continuer 5
etendfit. jçg borncs de cc privilège fclon lestems, les perfonnes & les lieux j
& généralement toutes les dépendances de l'exercice , & tout ce
qui regardoit l'exemption de certaines chofes appartenantes au cul-
te de rEgîife Romaine, dont les Reformez ne rouloient point
charger leur confcience. L'Afîemblée avoit demandé d'abord ,
qu'on leur accordât indifféremment la liberté de l'exercice dans
tous les lieux du Royaume. Mais elle fe relâcha de cette préten-
tion ; foit parce qu'il y avoit de grandes villes où il n'y avoit pas un
habitant Reformé, & où par confequent la conceffion auroit été
fort inutile -, foit parce qu'il y en avoit des plus importantes, comme
Thouloufè , Bourdeaux & autres , qui auroient plutôt recommencé
la guerre, que de foufîrir l'établiffement d'un exercice de la Re-
ligion Reformée dans leurs murailles : foit parce qu'il y en avoit
plulieurs à qui on avoit accordé par des Traittez, qu'il n'y auroic
point de tel exercice. Il falut donc fe réduire à demander la liberté
entière de demeurer dans tous les lieux où on le defireroit > & ic
contenter d'avoir l'exercice en de certains lieux , puis qu'on n'en
pouvoit pas jouïr par tout : mais ils demeurèrent fermes à la de-
mander plus étendue qu'elle n'avoit été auparavant. Ils obtin-
rent cette extenfîon en deux articles. L'un portoit qu'ils pour-
roient continuer leur exercice dans tous les lieux où ils l'avoient
établi depuis les Editsdela Ligue, jufqu'àla trêve entre les deux
Rois j & en fuite depuis la tréve^ pendant qu'on faifoit la guerre aux
refies àts Ligueurs : & tous ces lieux furent compris , après quel-
ques conteflations , fous la claufe générale de lieux où Texcrcicc
avoit été fait & continué pendant les années i55?6. & ifp/. juf-
qu'au mois d'Août. On a voulu confondre le droit de ces deux
années , quand on a cherché de nos jours le moyen d'éluder par
diverfes chicanes les plus claires conccfîions de l'Edit : & on a pré-
tendu que \cs preuves du droit aquis par la pofîefîion de ces deux
années , dévoient enfeigner que l'exercice avoit été continué pen-
dant toutes les deux. Ce n'étoit pas néanmoins l'intention de l'E-
dit. Cela paroît en ce que pendant l'année 1 5 ^6. ort accorda aux
Pro-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. 22P
Proteftans la continuation de leur exercice dans les lieux où ils le i^gg^
faifoicnten ifpd. mais que TEdit n'ayant pas été conclu cette an-
née, il fe forma encore de nouveaux exercices pendant la fuivante,
dont les Reformez demandèrent la confervation commodes autres :
& ils l'obtinrent. De forte que les exercices qui ne s'étoient éta-
blis qu'en i fp/. n'avoient pas bcfoin de preuves plus anciennes. Il
cft certain que l'année 1 5 pj. ftit ajoutée à la précédente comme une
grâce , & à la follicitation des Reformez. Or elle n'auroit pas été
une grâce, fi elle les avoit obligez à prouver par la poileffion de
I fp/. la continuation de celle de 1596. puis que c'eût été leur im-
pofer une nouvelle fujcttion de prouver par ces nouveaux titres,
la jouïiïànce que la pofleffion de 1 5 9<S. leur avoit Tuffifamment
aquife. Mais comme en 1 5 96. plufieurs & divers a£les d'exercice
fondoient un droit pour l'avenir, quoy qu'on ne l'eût pas avant cela,
ainfi en 1597. plufieurs ades fcmblables réitérez aqueroient un
droit pareil , quoy qu'on ne l'eût pas auparavant. C'efl: pour-
quoy la négociation de l'Edit n'étant pas encore finie au mois
d'Août 1597. les Catholiques , qui craignoicnt que pendant les
nouvelles longueurs du Traitté il ne fe formât encore de nouvelles
Eglifes , dont on demanderoit la confervation , comme on avoit
fait de celles qui s'étoient établies depuis i ^c)6. firent fixer au mois
d'Août de cette année tous les termes de ces établiffemens. De
forte qu'il n'étoit pas necefîaire, pour être aux termes de l'Edit ,-
d'avoir des preuves d'exercices pendant ces deux années 3 c'étoit af-
(cz que d'en avoir de l'une oft de l'autre. L'autre article accordoit
que dans chaque Bailliage ou SenechaufTée , où l'Edit de 1 5'77.
leur donnoit déjà un lieu public pour faire l'exercice de leur Reli-
gion dans un bourg, ou au faubourg d'une ville , on leur en
donnât encore un autre outre le premier. De forte que l'exer-
cice des Reformez fe trouva fondé fur quatre titres difFerens. Le
premier étoit celuy des lieux de Bailliage & de pofrcfTion , accordez
par l'Edit de 15-77. Le fécond étoit celuy delà nouvelle pofléflion ,
aquife pendant les deux années qui avoicnt précédé la conclufion
de l'Edit de Nantes. Le troifiéme étoit celuy du nouveau lieu de
Bailliage , accordé par le même Edit. Et le dernier étoit le droit per-
fonnel des Seigneurs, fondé fur la nature de leurs fiefs ou de leurs ^^'*'''*'
Jufliccs. Les Catholiques conferverent en cccy tout l'avantage dQ%"'élu
leur Religion > à laquelle ils ne voulurent jamais ésialer celle des ^^^^i^"-»
Ff? " Re-
Tiflntf,
2^0 HISTOIRE
155)8. Reformez , en luy donnant une liberté aiifli générale: de forte
que la Religion Romaine étoit exercée par tout comme dominan-
te, & que la Reformée étoit réduite à de certains lieux , & limitée
Second P^^ ^^ certaines conditions comme fimplement permife. Au re(^
lieiide te la concellion d'un fécond lieu de Bailliage, n'étoit pas au fond
Baiiuage ^ ^p^-j. ^^ç, nouvcauté. Ellc étoit fondée fur la trêve accordée
f as une enttc Ics dcux Rois. Henri 111. remettoitl Editde 1577. en toute
nouveau, ç^ ^q^cc^ & pat là il rcndoit aux Reformez le premier lieu de Bail»-
liage quecetEdit leur accordoit: mais ilyajoûtoit encore, outre
le palTage qu'il devoir donner au Roy de Navarre fur la rivière de
Loire, un lieu dans chaque Bailliage pour mettre les malades &
les bleflez de la fuite de ce Prince. Cet article de la trêve fut fort
mal exécuté, foit à caufedc la mort imprévue du Roy, foit par-
ce qu'on n'eut pas occafion de s'en fervir en certains lieux où les
Reformez n'a voient point d'armée. Il n'y eut que trois lieux dans
Le Royaume qu'on leur donna en confequence de cette promefîè:
de forte que Henri I V. leur accordant un fécond lieu de Bailliage ,
ne fit que leur laiiTer ce qui leur avoit été prom.is par la trêve ;
donnant néanmoins plus d'étendue à cette grâce , qu'elle n'avoit
eu auparavant: puis qu'il permit l'exercice dans ces lieux pour tout le
monde, au lieu que la trêve ne les deftinoit qu'aux malades & aux
bleflez > & rendant perpétuel ce que fbn prcdeceflcur avoit feule-
ment accordé par provilion. Mais il y avoit peu d'apparence que
ce Prince , après avoir reçu de fi grands fèrvices des Reformez ,
eût voulu rendre leur condition pire*par la paix qu'il leur promet*
toit, qu'elle n'avoit été par la trêve : & on peut juger avec af^
fèzdevraifemblance, qu'il ne leur eût pas ôtc par un Editde re-
cohnoiflance , les privilèges qu'il leur avoit accordez par un Trait-
té necefîàire.
Il y eut encore des conteftations fur la nature du lieu où ces exer»
tez/urieckcs pourroient fe faire -, favoirflceferoitdans les villes, ou dans
''^«- les faubourgs, ou dans les bourgs, ou dans les villages. Il y en
eut de même fur la manière dont on declareroit les lieux où la
nouvelle pofleiîion donnoit le droit d'exercice : parce que ce qui
étoit le plus fur paroiffoit le moins avantageux. On propofbit
ou de faire le dénombrement de ces lieux par l'Edit , ou de les
comprendre tous fous une condition générale. Il fembloit qu'il y
avoit plus de fureté au premiers mais que le fécond donnoit plus
d'é-
DE L^EDIT DE NANTES, Liv. V. 231
d'étendue au privilège 5 parce qu'en exécutant cet article, onefpe- 1598.
roit trouver des facilitez à conferver l'exercice en des lieux où il
feroit peut-être contefté, û on en donnoit le dénombrement au
Confèil. Au moins il y avoit fujet de le craindre, parce que le
Roy vouloit qu'avant que de rien arrêter fur ce fujet , fes Com-
mifTàiresluyenvoyafîentle dénombrement, pçur voir s'il n'y auroit
rien à redire. C'eft pourquoy on s'en tînt à la claufe générale. suHes
Mais parce qu'on ne vouloit pas permettre aux Reformez de s'é- prenvet,
tablir en trop de lieux , on leur fit auiîi des chicanes furies preuves
d'exercice qu'il étoit neceflaire de produire j foit pour montrer
que l'exercice s'étoit fait, bu avoit dû fe faire en quelque lieu fui-
vantl'Editde 1577. fbit pour montrer qu'il s'étoit fait dans les lieux
où le nouvel Edit devoit le permettre. Le Reformez deman-
doient que des prières publiques jointes au chant des Pfeaumes ,
ou la célébration des mariages , ou l'adminiftration des Batêmes
pafîàlîènt pour une preuve fuffifànte. Mais les Catholiques , qui
craignoient que la confequence de ces preuves n'allât trop loin , ne
voulurent jamais y confentir. Le refus que le Roy fit de recevoir
ces a6tes feuls , & feparez les uns des autres , pour des raifons fuffi-
fantes de fonder un droit d'exercice, a donné prétexte aux derniers
Commentateurs de l'Edit de Nantes, de foutenir que ces mêmes
adtes n'étoient pas une preuve valable du droit des lieux où ils le
trouvoicnt continué depuis foixante & dix ou quatre- vingt ans.
Mais la chofe n'étoit pas égale. Une prière faite une fois fans fui-
te , & fans être accompagnée d'autres actes de Religion > & de mê-
me un mariage ou un Batême célébrez par occafion , pouvoient
bien n avoir pas été des preuves fblides d'un droit qu'on vouloit fon-
der: quoy queles mêmes a£tes de Rel. joints enfemble, continuez
& fortifiez d'autres preuves , ayent dû fervir dans ces derniers tems
'<le preuves authentiques d'un exercice étabh depuis filong-tems.
Toutes leschofcs quiferapportoient à cette demande , comme
la liberté de vifiter &deconfoler les malades, même dans les Ho- ^#^«^-
pitauxj le pouvoir d'aillfter les prifonniersj d'exhorter \cs con-j^^^J,,;.
damnez, & de les accompagner même au fupplice: l'exemption /««j.
de plufieurs chofes , qui étant liées au culte des Catholiques , pou-
voient blefler la confcience dts Reformez > & autres femblables
articles, eurent à proportion les mêmes difficultez , avant que
d'être refoîuës : mais une de celles qui donnèrent k plus de peine
fut
2^1 HISTOIRE
i^p8. fut la queftion de la fepulture. Le zèle Catholique ayant didé des
Canons, qui fous prétexte de pieté font renoncer à l'humanité >
& qui défendent d'enfevelir, dans la terre qu'ils appellent y2r/w^f>
ceux que les Conciles ou les Papes ont déclarez Hérétiques , les
Ecclefiaftiques ne pouvoient foufrir que les Reformez flifîènt enter-
rez dans les Cimetières ordinaire-s, ni même les Gentilshommes dans
les Chapelles de leurs maifons , ou dans les Eglifes dont ils avoient
le Patronage. Les Reformez au contraire, quoy qu'ils ne fulîênt
pas entêtez du vain préjugé qu*un morceau de terre eft pluslaint
qu'un autre, demandoicntavec grande inrtance qu'il n*y eût pour
les Catholiques & pour eux que les mêmes Cimetières, foit parce
que la Noblelîe vouloir conferver dans fes fiefs fes droits & fes titres -,
ibit parce qu'en gênerai les Reformez ne pouvoient fouffrir une
diclinction de fepulture , qui les marquoit d'une tache odieufè. Les
enterrer à partc'étoit les foumettreaux Canons, qui excluent les
Hérétiques des Cinaeticres ordinaires : c'étoit par confequent les
noter comme tels •■, & les expofer par une marque flêtriflânte à
la haine des Catholiques , toujours zêlcz jufqu'à la fureur contre
ce qu'ils prennent pour herefie. Ils ne fcmbloit pas que les Refor-
mez puficnterperer de vivre en paix, avec des gens à qui on per-
mettoit de porter leur haine plus loin que la mort. On ne veut
rien de commun pendant la vie , avec ceux à qui on refufe l'honneur
d'une fepulture commune. On ne peut voir fans mépris, ni fré-
quenter fans horreur , les perfonnes dont on croit que les corps morts
profanent les lieux où on \qs enterre. (Sette qucftion fut expli-
quée par l'Edit , ou exécutée par les Commifîàires en telle forte ,
qu'on a vu naître encore en nos jours de cette origine un grand
nombre d'injuflices &: de vexations.
m. De. La troificme demande des Reformez regardoit l'entretien de
TT^ande. \q^^^ Miniftrcs, 6c de leurs Ecoles. Ils vouloient être exemts de.
tkndti payer les dimes aux Ecclefiaftiques , à qui ils ne dévoient rien ,
Aiw- puis qu'ils ne les reconnoifibient pas pour leurs Pafteurs : & ils ne
trouvoient pas julle qu'ayant des Miniftres de leur Religion à
entretenir, ils fuflent encore obligez à payer des gages aux Mini-
ftres d'une Religion contraire à leur confcicnce. Au moins ils
demandoient qu'on payât leurs Miniftres des deniers publics ,
comme Henti III. l'avoir promis par un article du Traité de trê-
ve. Ils vouloient avoir aulli des Ecoles pour Tinflruclion de leurs
en-
Jlres.
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. 233
cnfans 5 dont les Maîtres reçulîènt des gages publics : & que icûg.
d'ailleurs on admît indifFercmment les Reformez aux charges de
Dodeurs, de Profefîcurs & de Regens, dans toutes les Univer-
fitez , Sz dans toutes les Facultez : afin que leurs enfans pufîent
aller librement prendre leurs degrez dans les Collèges les plus flo-
rifîàns. Dans cette prétention de gages publics , ils penfbicnt
moins à épargner leur bourfe, qu'aie Faire connoître membres de
l'Etat égaux au reftc des François, & capables de tous les emplois
utiles ou honorables , auiîi bien que les Catholiques. Mais ceux-
cy s'oppofbient à tout, par la crainte de voiries Reformez jouir
avec eux d'une condition égale. Ainfi les gages publics des Mi-
niftres & des Regens leur faifoient de la peine , parce que 11 les
Ibmmes deftinées à leur entretien étoient prifes fur les Finances ,
il fembleroit que la Religion des Reformez deviendroit la Religion
de l'Etat i ce qu'ils vouloient conferver à la Religion Catholique ,
comme la principale prérogative. D'ailleurs ils croyoient qu'on
affermiroit la Religion Reformée d'une manière à n'être jamais
ébranlée , fi on luy afluroit des fonds pour entretenir ceux qui tra-
vailloient à la propagation de fa dodirine : au lieu qu'elle pouvoit
bien-tôt déchoir, fi on laiflbit le payement des Minilires à la chari-
té & au zèle des particuliers. Mais la demande que les Reformez
faifoient d'être exemts des dîmes , que leur confcience ne leur
permettoit pas de payer à des gens qu'ils tenoient pour de faux
Pafteurs, & pour des Miniftresdel'Antechrifi:, furmonta en par-
tie les difficultez. Les Ecclefiaftiques ne pouvoient entendre parler
de perdre une H confiderable & fi Iblide partie de leurs revenus : &
d'ailleurs ils craignoient la confequence -, parce que l'exemption
des dîmes pouvoit entraîner un grand nombre de Catholiques à
la Religion Reformée, pour jouir de ce privilège. On favoitbien
que les Reformez ne croyoient pas que les dîmes appartinflènt de
Droit divin aux Miniftres de l'Evangile ; & qu'il y auroit ainfi beau-
coup à gagner pour chacun , qui retenant fcs dîmes pour foy ,
en feroit quitte pour quelque légère contribution aux gages dont
on (èroit convenu avec le Miniftre. Comme il y avoir des Mini-
ères dans l'Aflèmblée , ils travailloient puiiîàmmant à la conferva-
tion de leurs intérêts. De fierté que cette affaire flit agitée avec de
grandes contentions : mais enfin on la termina -, ou plutôt on
réliida, par la promeiïè que le Roy fit de payer tous les ans une
Tome I. G g loni-
2^4 HISTOIRE
1598. fomme que les Reformez employeroient à leur volonté (ans en rcn*
Somme drecomptc Mais on difputa encore fur la grofîcur delà fbmme, à
firû caufe du nombre des Miniftres à qui elle devoitfediftribuër} fiir les
^9'- afîignations j fur les furetez du payement : & après tout cela on
pritdesmefurcsfi peu certaines , que peu après la conclufion , les
Reformez (è plaignirent d^être mal payez > & qu^ils ne jouirent
gueres plus de vingt ans de TefFet de cette promelle. Au refte com-
me la fomme promife étoit trop petite pour fuffire à Tentretien de
tant de Pafteurs, on y fuppléa en quelque forte par deux articles,
dont Tun permettoit de recevoir des donations & des legs pour
l'entretien des Miniftres , des Ecoliers & des pauvres : & Tautre
autorifoit de faire des levées de deniers furies particuliers à de cer-
taines conditions. Mais cela fut employé dans les articles fecrets :
comme trop avantageux pour paroître dans le corps de TEdit.
Ecoles. L*affaire des Ecoles fut encore laifîec dans une plus grande in-
certitude. Les Reformez 5 qui ne pouvoicnt fe défaire du préju-
gé de voir triompher leur Religion, aufÏÏ-tôt qu'on en pourroit
fuivre la doctrine, fans être exclus des avantages temporels , cru-
rent qu'ils feroient bien-tôt remplir les Univeriitez de Profefïèurs
& de Regens Reformez , s'ils les faifoient déclarer capables de te-
nir ces emplois. Ce qui flattoit cette penfée , étoit que les Refor-
mez étoient en réputation d'une plus grande &plus polie littératu-
re que les Catholiques : d'où ils concluoient qu'on vcrroit bien- tôt
les Chaires remplies de perfonnes éminentes en favoir , que leur Re-
ligion pourroit fournir. De même ils demandèrent avec de prêt
Tantes inftances que leurs enfans fufîènt reçus dans les Ecoles publi-
ques 5 & à tous les privilèges de Scolarité comme les Catholiques ,
fans qu'on pût les exclure ni lesmolefter fous prétexte de Religion.
Ces deux demandes leur furent accordées j mais à des conditions
fi mal expliquées, que peu après la vérification de l'Edit il y eut
des queftions fur la première , qui reduifîrent la concelîion à peu
dechofe, êc infènfiblement à rien; & que la féconde, au lieu de
leur erre avantageufè , fut une des principales fources des vexations
qu'on leur à faites durant plus de foixante ans. Ce fut un prétex-
te de leur reflifèr la Uberté d'enfèigner dans leurs petites Ecoles au-
tre chofe qu'à lire , à écrire & l'Arithmétique : parce qu'ils avoient
droit par l'Edit , leur difoit-on , d'envoyer leurs enfans dans les
Collèges publics, où ils ne feroient point raoleftez en leur con-
fcien-
DE UEDIT DE NANTES, Liv. V. 2* 5
Ccknce. Quand ils s'apperçurent de Pillufion de ce privilège , 1^08.
ils voulurent fous le règne de Louis XI IL reparer leur faute, en
dreflànt des Ecoles dans les principales Eglifes de chaque Provin-
ce, comme il leur étoit permis par PEdit: mais le même prétexte
de la liberté qu'ils avoient d'envoyer leurs enfans aux Ecoles des
Catholiques , donna lieu d*empêcher plufieurs de ces établifîèmensi
de ruiner les autres, & de contraindre même les Minières & les
Confiftoires à fouffrir qu'on envoyât les enfans de leur Eglife
dans des Collèges fufpe£lsi comme nous aurons occafion de le rc-
prefcnter dans la fuite.
La quatrième demande regardoit la confcrvation des biens, Sc^^- ^f-
des droits naturels & civils , en vertu defquels les enfans re- pm»
cueillent les fucceifions de leurs pères & mères, ouïes parens ce]ksJesl'ensy
de leurs plus proches dans la ligne collatérale : & les membres d'un ^^ '^''°J[*
même Etat font capables de recevoir de ceux qui les veulent favori- ce{fiomS
fer, des bienfaits , des donations , & des legs : d'acheter , de ven-
dre, de contracter, d'agir, de difpofer félon les loix des cho-
fes qui leur appartiennent. La Noblefîè y avoit fon intérêt par-
ticulier, outre le commun, àcaufède ks fiefs , Ces Seigneuries,
£ès Patronages , &: fes droits honorifiques. Les Canons depouil-»
loient les Hérétiques de tous ces droits : & les privoient par tant de
moyens de tout le commerce de la vie civile, que quand ils ne les
auroient pas d'ailleurs condamnez à la mort , ils leur impofoient
fuffifamment la necelTité de mourir, en leur étant tous les feccurs
dont on a befoinpour vivre. Les Catholiques les obfèrvoient avec
affez de rigueur j & les exheredations formelles ou équivalentes , par
lefquelles ils cxcluoient les Reformez leurs parens de leurs fuccef-
fions ou en tout ou en partie , étoient toujours cbnfeillées par les Di-
redeurs des confciences , & autorifées par lesjuges. Il étoit jufle dV
mettre ordre i & comme cet article avoit dêjàpafle dans les autres
Edits , il n'y eut qu'à renouveller les anciennes difpofitions. Il y eut
néanmoins des faits particuliers qu'on excepta de la règle générale.
Quelques-uns furent expliquez dans les articles fecrets : & d'au-
tres furent laifTezfàns y toucher, pour des railbns délicates.
La cinquième demande tendoit à obtenir des Juges en nombre v. De.
égal dans tous les Parlemens : & cette prétention étoit fondée fur '"'^"'l'-
la mauvaife volonté de ces Courb , qui faifoient tous les jours des in- lon/nf,
juftices criantes aux Reformez , & qui apportoient mille difficultez ^'^'^ •
^g ^ à
2f6 HISTOIRE
1^-08. à la vérification des Edits qu*on leur accordoit pour leur iïireté. Ils
en avoienc rapporté tant d'exemples dans leurs plaintes , qu'on ne
iàvoit que leur répliquer : & il ne fuffifoit pas de leur donner quel-
quesjuges dans chaque Cour, puis que par tout où le nombre des
Catholiques auroit furmonté, il étoit certain qu'on leur eût tou-
jours fait perdre leurs caufes. Mais les Parlemens avoient un fî
grand intérêt à empêcher la multiplication des Charges, & le dé-
membrement de leur Jurifdiélion , qu'il y eut des dimcultez infinies
cham- fur celte matière. Ônaj:corda néanmoins une Chambre Miparrie
^''^^■*'^'- dans chacun des Parlemens de Thouloufe, de Bourdeaux, Se de
ITdei'E- Grenoble , où toutes les caufes des Reformez feroient portées.
dit. Il y avoit déjà une Chambre de cette qualité à Caftres , & quelques
Confeillcrs Reformez dans le Parlement de Grenoble } &: il fembloit
que les Reformez du Dauphiné , où Lefdiguiercs étoit tout-puiffant,
n'avoient rien de commun en plufieurs affaires avec ceux de la même
Religion dans les autres Provinces. On y en ajouta trois pour com-
pofer une Chambre Mipartie, quidèsletems de fon érection fut in-
corporée au Parlement -, en forte que les Confeillers qui la formoient
étoient appeliez à toutes les délibérations, qui fe faifoient les Cham-
bres aflèmblées. On promit d'ériger à Paris une Chambre où il y
auroic dix Confeillers Catholiques & fix Reformez : & les gens de
la Religion qui étoient dans le rcflbrt des Parlemens de Rouen , de
Rennes & de Dijon, curent le choix de porter leurs caufes aux Parle-
mens d'où ils dependoient , ou aux Chambres accordées dans les
Parlemens les plus proches. On ne tint pas aux Reformez ce qu'on
leur avoit promis à l'égard du Parlement de Pans : mais on les en re-
compcnfa en partie par ce qu'on fit en Normandie, où on créa, com-
me on l'avoit fait efpcrer, quelques Charges de Confeiller &une
Cham. bre de l'Edit , fur le modèle de celle qui fut érigée à Paris. On
n'en fit pas autant pour le Parlement de Bretagne > foit que ce Parle-
ment, l'un des plus violcns du Royaume, n'y voulût pas confentir :
foit qu'on jugeât peu neceiîaire d'y drcficr une Chambre exprès,
pour le petit nombre de Reformez qu'il y avoit dans la Province;
foit enfin que tous les Confeillers fufiènt fî paiîîonnez , qu'on n'eût
pas pu en trouver parmi eux un nombre fuffifant d'afîez équitables
pour la compofer. On ne changea rien aulFi à ce qu'on avoit arrêté
pour le Parlement de Dijon. Le Parlement de Rouen avoit été un
des plus palfionnez contre les Reformez. C'eft pourquoy on leur
avoit
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. 237
avoit accordé Toption dont je viens de parler , pour les caufes où ils i ^pg,
ctoicnt intcrcflez. Ces évocations tiroient tous les procès au Parle-
ment de Paris , parce que les Reformez de Normandie étoient en
grand nombre j & que les Catholiques même fàvoient bien les faire
intervenir, quand ils fe defioient de leurs Juges. Le Parlement y per-
doit trop pour le fouffrir (ans murmurer i &il aima mieux conlen*
tir à la création d'une Chambre pareille à celle de Paris , que de
voir porter ailleurs prefquc toutes les caufès de fonrefîbrt. LesRç- ~
formez y trouvèrent aulli quelque avantage, parce qu'ils étoient
déchargez d'aller plaider hors de leur Province , & loin de leurs ha-
bitudes,- que les Coutumes de Paris & de Normandie étoient fort
diverfes , & la depenfe & les longueurs bien plus incommodes à Pa-
ris qu'à Rouen. Ils y gagnèrent aufli les trois Charges de Confeil-
1ers , que le Roy créa dans ce Parlement en leur faveur. Ce Parle-
ment néanmoins ne changea pas d'inclination à l'égard des Refor-
mez : & comme il n'y avoir point de Cour en France plus corrom-
pue , & plus vénale que celle de Rouen , il n'y en avoit point aufîi
où les Reformez fuflènt expofez à de plus mamfeiles injuftices. Au
rette cet établiflement ne fut fait que quinze ou feize mois après
l'Edit j parce qu'on douta long-tems fi la claulé de l'Edit accordé
au Marquis de Villars, touchant les Charges , permettoit d'en faire
part à des Reformez. Mais tout bien conlideré , on reconnut que
le Roy ne s'étoit point privé de ce droit par cette claufe -, & l'inte-
rct du Parlement iuy fit avouer qu'elle n'écoit que provifionnelle.
La fixiéme demande tendoit à obtenir une libre entrée dans tou- vr. De-
tes les Charges d'Etat , de Guerre, dejufticc, de Police, deFi-'^^f^^*
nances -, & dans toutes les commiflions , emplois , prorcfiîons , arts aJmh à
& métiers , fans qu'on pût en exclure pcrfonne fous le prétexte de '^""' ^"
ùl Religion. Cette demande alloit directement contre les Canons, ^"'"'•^*^*
qui privent de tous ces droits ceux qui ne ibnt pas obeïflàns à l'E-
gUfe Romaine, & qu'elle appelle Hérétiques par cette raifbn: &
c'étoit de là qu'étoient venues toutes les oppofitions qu'on avoit
faites aux Reformez durant tant d'années. Mais la confequence en
étoit fi grande pour eux, qu'ils ne voulurent jamais rien relâcher
fur cet article > parce qu'outre le lufl:re que les Charges donnent à
ceux qui les exercent, & dont ils ne vouloient pas laillêr leurs fa-
milles défi Jtuées , ils voyoient bien que fi la porte des honneurs
étoit fermée aux Reformez > ceux qui auroient plus d'ambition que
Gg 3 de
238 HISTOIRE
i^og. de pieté quittcroient bien-tôt cette Religion infruclucufe , & jet-
teroient h ReFormation dans une prompte décadence. La plus
forte contradiilion vint des Parlemens , qui ne vouloient pas les ad-
mettre aux Charges de lajuilice. Mais enfin les Reformez obtin-
rent ce qu'ils demandoient -, écleRoyles déclara capables de tenir
toute forte d'Etats & d'Oiikes : en quoy ils croybient avoir rem-
porté un grand avantage, parce que cet honneur étant refule aux
Herettqites par les Canons , on ne pouvoit les y recevoir fans Les
nnUuc decharo-er du nom odieux ai Hérétiques. Cette prétention alloit
it cent j^jçj^ i^^g Iqj^ qyç 1^ précédente , qui étoit bornée à demander un
j^"^" certain nombre déjuges non lulpecls, devant qui les caufes des
Reformez tu lient portées: mais celle-cy alloit à les rendre capables
de plu fleurs Charges uniques dans les villes , de l'Echevinage & de
la Mairie, des Confulats, desTabellionnageSj des Notariats, des
Offices de Procureurs, des Greffes, des Sergenteries, des Char-
ges delà MarèchaufTée , de l'Amirauté, de la Table de Marbre:
de celles de la Chambre des Comptes , de la Cour des Aides , des
Elections -, de celles de Confeillers ou d'Afleffeurs dans les Jurif-
diclions fubalternes , & déjuge en Chef dans les Juilices Seigneu-
riales. Elle leur donnoit entrée auiîî dans les emplois de Maîtres
des Requêtes, dont on leuravoit promis deux Charges gratuite-
ment. Elle les admettoit à celles de Secrétaires du Roy , dont les
privilecres font très-importans. Ils étoient déjà en pollellion des
Gouvernemens , & des dignitez militaires > & lï y en avoit plufieurs
d'entre eux qui étoient Confeillers d'Etat. De même cela s'éten-
doit bien lom dans la profelnon des Arts libéraux ou mechaniquesj
& en un mot cet article tendoit à les égaler aux Catholiques , com-
me étant membres de l'Etat aufli bien qu'eux , 6c traittez égale-
ment dans la dillribution des grâces ou des recompenfes.
iiiH^in Néanmoins les Reformez fe firent illuhon eux-mêmes fur cette ma-
^Zr^l riere importante , en fe contentant d'une déclaration vague de leur
'* capacité à Tégard à^ Charges , fans folide obligation de les en
pourvoir effectivement. En effet on fit entendre a Rome, pour ap-
paifer le Pape qui faifoit l'offenfé de cet article, & la pratique fit
connoitre en France peu d'années après, que déclarer quelqu'un
capable de quelque Charge ce n'eft pas la luy donner. De forte
qu'au lieu de les recevoir aux grandes Charges , ou de les élever
aux grandes digmtcz félon leur mérite, on les a chicanez jufques
aux
DE UEDIT DE NANTES, Liv. V. 239
aux Offices les plus vils , & aux métiers les moins honorables. Il y 1 5*9 g,
en avoit eu parmi eux, qui prévoyant qu'un jour on abuferoic
d'une déclaration fi vague, auroient mieux aimé qu*on eût fixé à
un certain nombre dans chaque cfpece d'emplois , les places que
les Reformez auroient dû remplir. Du Pleflis , comme je Tay dit
ailleurs , traittant quelques années auparavant avec Villeroy , avoit
fait conlèntir de leur donner le quart des Charges > & même il efpe-
roit de leur en faire accorder le tiers. Mais outre que cette décla-
ration générale de capacité de tous Etats avoit quelque chofe de
plus fpecieux & de plus flatteur, que la limitation d'un certain nom-
bre, parce qu'elle égaloit davantage les Reformez aux Catholi-
ques > d'ailleurs elle s'accordoit mieux à l'état diffx^rent des Refor-
mez dans les Provinces. Il y en avoit où ils étoient en fi grand
nombre, qu'on leur eût fait injuft:ice de les réduire au quart ou au
tiers des Charges , Se qu'ail eût falu faire venir des Catholiques d'ail-
leurs pour occuper le relie: mais il y en avoit d'autres, où leur
nombre étoit fi fort au defi!bus de celuy des Catholiques , qu'on
n'auroit pu trouver parmi eux de quoy remplir le quart ou le tiers
des emplois. Il auroit falu un règlement particulier prefque pour
chaque Bailliage. De forte qu'il étoit comme necefiàire de conve-
nir d'une claule générale. De plus les Provinces où les Reformez
étoient les plus forts, étoient fi afilirées de faire tomber toutes les
Charges entre leurs mains, faute de Cathohques capables , qu'il
fut aifé de leur faire accepter cette déclaration indéfinie. Et en ef-
fet elle étoit fort avantageufè, fi elle avoit été obfervée de bonne
foy. Mais comme elle avoit été déjà éludée par les artifices de Hen-
ri III. on a fuivi fbn exemple durant plus de quarante ans 3 & la
fraude a converti cette équitable règle d'égalité en illufion. Il eft
vray que dans le tems de l'Edit elle donna un grand lufi:re aux Re-
formez , qui remplirent en moins de rien le plus grand nombre des
Charges fubalternes -, Se les Seigneurs Catholiques même étoient fi
perfuadez, qu'il y avoit en eux ou plus de capacité, ou plus de pro-
bité que dans les autres , qu'ils ne faifbient pas difficulté de les pré-
férer aux Catholiques , dans les Offices qui étoient à leur difpofi-
tion. Joint que les Charges étant vénales, les Reformez les ache-
toient plus cher que les autres > &furmontoient par cette puifiànte
. machine toute forte d'oppofitions. Ce qui arrivoit principalement
quand il y avoit des Charges de nouvelle création j où ceux qui
donnent
240 HISTOIRE
i< 98. donnent le plus promtement font toujours les mieux reçus. Mais
cela ne dura gueres après la prife de la Rochelle.
VIL De. Lalèptiérae demande regardoit les furetez, entre lefqucUes on
manJe. comptoit poui la principale la garde des Places que les Reformez tc-
noient , qui étoient allez fortes & en aflèz grand nombre pour faire
de la peine à ceux qui auroient voulu les détruire. Mais c'étoit cela
même qui faifoit la difficulté. On auroit bien voulu ne laifler pas
tant de forterefles à des gens braves & hardis , entre lefquels il y
avoir un grand nombre de Noblefîè courageufc & aguerrie , & à qui
on avoir permis de s'unir pour leur confcrvation mutuelle. D'ailleurs
le nombre des villes d'otage , qu'on leur avoir accordées par d'autres
Traittez , avoit été fort limité : au lieu que celles qu'ils avoient en-
tre les mains pafîbicnt le nombre de deux cens , entre lefquclles ils
en comptoient cent capables d'attendre une armée -, fans parler de
plufieurs Châteaux , qui n'étoient pas de grande defenfe. Mais les
Reformez étoient inflexibles fur ce fujet , &: ne vouloient rien per-
naifons dre de ce qu'ils tenoient. Ils craignoient premièrement , après les
de les de. cxperieuccs du paflc, qu'on nefefervitdel'Editpourlesdefarmer,
& qu'on ne leur manquât de foy aufli-tôt qu'on les auroit privez
àcs Places qui leur fervoient de retraite. D'ailleurs ils fàvoient, que
félon la Politique infpirée par la Cour de Rome à tous les Princes
qui (ë fbumettent à elle , on ne tient parole qu'à ceux qu'on craint :
& qu'ainfi on pourroit bien ne la leur tenir , qu'autant de tems qu'il
y auroit du péril à la violer. C'eft une maxime devenue générales
depuis que la confcience &c la bonne foy ne fuffifent plus pour la ga-
rantie des Traittez jque pour les faire obferver par ceux qui les font ,
ceux qui ont intérêt à leur obfervation doivent fe mettre en état
de faire craindre j qu'on ne les puiflepas rompre impunément. Il
falloit donc retenir des Places & des garnirons , pour étouffer dans
le cœur des Catholiques emportez le defir de nuire, en leur faifant
craindre de partager le péril & la ruïnc. De plus tout le reftc du
Royaume ctoit armé. Chacun de ceux qui avoient eu du comman-
dement , ou pour le Roy ou pour la Ligue pendant la guerre , avoit
des Places à ia dévotion -, èc comme il n'y avoit pas d'apparence
qu'on pût defarmerfi tôt tant de. gens qui faifoient les petits Sou-
verains dans leurs Gouvernemens, les Reformez dévoient crain-
dre que s'ils dcfarmoient feuls, ils ne fevifîcnt bien-tôt réduits à la
dilcrction de leurs irréconciliables perfecutcurs. Ce même article
"*" em-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. 241
cmbrafïbit aufîi bien des intérêts particuliers, outre le gênerai ; par- i rçg^
ce qu'il n'y avoitni Seigneur ni Capitaine qui n'eût quelque Place
en garde, & qu'il n'y avoit perfonne qui fût allez definterefTé pour
céder la Tienne, afin de conierver celle de fbn compagnon. II y
entroit encore un intérêt qui touchoit l'intérêt commun de la caufè.
En divers lieux il y avoit des Gouverneurs Catholiques , qui n'é-
tant pas afîèz entêtez de leur Religion pour négliger défaire leurs
affaires à fes dépens , n'étoient pas aulli afîèz touchez de la Refor-
mée, pour l'embraflèr fans une évidente utilité. Ils voy oient bien
que quand la paix feroit établie dans le Royaume , leurs Places
deviendroient inutiles, que leurs garnifons feroient cafîces , que
leurs profits cefîèroient : mais ils croyoient que fi les Reformez ob-
tenoicnt la garde de leurs Places , il ne faudroit que fe ranger à
leur Religion pour conferver les leurs , par les mêmes raifbns qu'on
les auroit laifTées aux autres. On voit par les Mémoires du tems
qu'il y en avoit de ce caraderc , qui promettoient de faire pro-
feflion de la Religion Reformée , mais qui dcclaroient qu'avant
cela ils en vouloient voir l'état affûré. C'étoit pour favorifèr ces
çonverfions , qui pouvoient grolîir & fortifier le party , qu'on de-
mandoit que fi quelque Gouverneur de Place embrafîbit la Reli-
gion Reformée , fa Place luy fût laiffée fans y rien innover : & on
verra fous le Règne de Louis XIII. des exemples de la protection
que les Reformez promirent à ceux de cette qualité. Mais le Con-
feil voulant empêcher la multiplication des Places Reformées , limi-
ta le tems dans lequel il falloit qu'elles fuflènt à la dilpofition d'un
Reformé j^afin de pouvoir être comptées pour Places de fureté.
Cet article donna de grandes peines à refoudre , parce qu'il y
eut des queflions fur le nombre & la qualité des Places ; fur la for-
ce des garnifons ^ ilir la nomination & le ferment des Gouverneurs;
fur les changemens en cas de mortj fur la difpofition des Offices
fubalterneSi fur le tems de la garde > fur plufieurs choies qui regar-
doient les circonftances de ce dépôt. Les Reformez voulurent
principalement faire déclarer, que ces Places qui leur feroient afi^ec-
tées ne les excluroient point des autres Gouvernemens , où ils
pourroient être appeliez félon leurs mérites. Le Confeil employa ^i^^'^'-^»
toutes fès foupleiîès pour éluder les pretenfions des Reformez , & ^cmeTr's
fur tout pour faire que la nomination des Gouverneurs demeurât ^'^ ^i'^;
au Roy , afin d'y mettre des perfonnes plus amies de la Cour que "e]é!^'"'
Tome I, H h de
243 HISTOIRE
irng. de la caufe. Mais pour y faire confentir les Reformez, il fallut
afTujectir ceux qui feroient élus par le Roy à prendre atteftation du
Colloque ; afin que le Colloque pût les refufer s'ils étoient fufpedls.
Le Roy promit même de prendre Tavis des Reformez , quand il
y auroit quelque Gouvernement vacant > afin de ne remplir point
ces places deperlbnnesquileur fufîent defagreables. Il y avoit en
cela quelque chofe de fort différent de ce qui arrive dans les autres
occafions , où les peuples ont quelque part à la difpofition des Offi*
cts. Ordinairement les iujets nomment au Roy 5 & le Roy accepte
ou refufe : mais icy le Roy nommoit , 6c Tes fujets pouvoient refufer.
C'eft pourquoy le Roy renvoyant les perfonnes qu*il avoit nom-
mées à l'atteftation du Colloque, obligea le Colloque en cas qu'il
refijfat Tatteftation , d'en dire Les raifons auConfeil: afin que par
cette neceiîité de rendre compte de fbn refus , le refpect dû à h no-
mination Royale luy fût rendu > & que le Roy parût toujours le
maître & Tarbitre de la chofe. Au fond les Reformez obtinrent
une grande partie de ce qu'ils avoient fouhaitté : & fans la diviiiori
qui fe mit entr'eux, ils auroient pu obtenir bien davantage. Ce
fut un bonheur pour eux, qu'il n'y eût pas dans chaque Province
un Seigneur aulli indiffèrent pour la Religion, & aufîi autorifé,
que Lefdiguieres l'étoit en Dauphiné. On les auroic defunis en
traittant avec chacun d'eux, comme on fit avec celuy-cy, qui ne
voulut jamais comprendre fes Places avec les autres dans un mê-
me état. Il voulut bien fe fervir de la Religion, comme du pré-
texte de les garder : mais il ne voulut point dépendre de l'Aflèm-
hléc-i aimant mieux être le feul maître dans fa Province. La Cour
y auroit bien trouvé fon compte, fi par tout elle avoit pu en faire
autant, parce qu'elle auroit ainfi^ ruiné l'autorité des Confeils Gé-
néraux. Mais perfonne n'étant en état de fe foutcnir de luy-mé-
me comme Lefdiguieres , tous furent obligez de fe tenir à l'union
pour leur fureté mutuelle.
Corn- Au refte, cette garde des Places par les Reformez n'étoit pas fi
rnent contraire aux intérêts & aux intentions du Roy , qu'on a voulu le
itoient faire croire , & que luy-même étoit quelquefois obligé de le faire
H^ia AH paroître. Ce Prince n'étoit pas encore hors de l'embarras où Tin-
^' certitude de la fucceffion > l'autorité des Grands , & le pouvoir
des Chefs même de fes Troupes l'avoient mis. Les femencesdes
çonfpiradons c^u'on avoit faites contre luy & contre l'Etat, étoicnc
plutôt
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. 24^
plutôt couvertes qu'étouffées : & il y avoit lieu de craindre que 15-98,
tant d'elprits gâtez par les pratiques & par les doublons d'Efpagne,
ne formaflent un party qui luy donneroit de la peine à détruire.
Il fe plaignoit fur cela fouvent , qu'il ne voyoit perfonne auprès
de luy à qui la prudence luy permît de fe fier. Mais quand il penfoit
à Taffcdlion que les Reformez luy avoient montrée fi utilement
durant tant d'années, il retrouvoit en eux des amis à toute épreu-
ve, de qui 5 dans le befoin , il pouvoit fe promettre toutes chofes.
Il efl: vray qu'ils étoient alors mécontens de fon indifférence &: de ics
longueurs: mais ils'affûroit qu'ils fe trouveroient toujours prêts à
verîer pour luy lerefte de leurfang, auili-tôt qu'il leur donneroit
des marques de fa première confiance. De là vient qu'il fe fai-
fbit une grande affaire de les conferver -, & qu'il parloit entre fes
confidens de la paix qu'il leur avoit donnée , comme d'une des
chofès pour lefquelles il avoit eu le plus d'affeclion , & qui pou-
voient le plusfervir à fes grands defîéins. Il regardoitles Refor-
mez comme fon party , & leurs Places comme les fiennes. Il fà-
voit bien que quelque intrigue que les Efpagnols puflènt nouer avec
les brouillons de la Cour , la partie de l'Etat que les Reformez tien-
droient ne luy pourroit être arrachée -, & qu'elle pourroit fervir *
même à en contenir d'autres dans le devoir. Il y avoit à la vérité
quelques perfbnnes dans ce party qui luy étoient fufpedes , 6c qu'il
eût bien voulu avoir à fa difcretion , pour rompre les refîbrts de la
cabale dont il les eflimoit les Chefs : mais il avoit vu par les négo-
ciations de l'Edit, que cette prétendue fadion n'avoit pas toujours
été la plus forte , & que les plus difficiles même s'étoient laifléz flé-
chir par la neceffité de fes affaires. Au fond il n'ignoroit pas qu'il
avoit des moyens infaiUiblcs de les réunir à luy quand il voudroitj
& qu'il pourroit compter fur eux comme fur lerefte des Reformez,
aufïï-tôt que par l'état des affaires, fes intérêts fe rejoindroient à
ceux de leur caufè. Il auroit feulement voulu être le maître de la
nomination des Gouverneurs de leurs Places , afin d'y en mettre du
nombre de ceux qui étoient du moins aufli attachez à fa fortune
qu'à leur Religion -, 6c qui par confequent auroient plus dépendu
de luy , que des Confeils ou des Afîemblées Politiques. Mais il
fallut prendre fur cet article un expédient qui pût en quelque forte
les contenter , parce qu'ils craignoient que leurs Places ne tombaf^
fent ainfî entre des mains infidèles. On trouve cette reflexion fur
Hh 2 la
î44^ HISTOIRE
155)8. la raifbn pourqnoy le Roy laiflà tant de Places à h garde dès Re-
formez , ôz dans les Mémoires du tems > & dans les écrits de ceux qui
ont voulu juftifier la guerre que Louïs XIII. fit aux Reformez >
fous le prétexte des Places de fureté. C'eft une de leurs raifons,
que puis que le Roy n'avoit confenti à les leur laifler, que pour
avoir fous leur nom des Places à luy contre les fadions fccrettes
qui pouvoient troubler l'Etat, il n'ctoitplus jufte de les leur laif-
fer 5 après que ces fadions furent éteintes. On a déjà vu cy-de-
vant que le Nlarquis d'O avoit des jaloufies , de ce que le Roy met- ^
toit le plus de Places qu'il pouvoit entre les mains des Reformez >
& que pour cette raifon il aimoit mieux voir une Place prife par TEC-
pagnol 5 que gardée par un Huguenot.
?aye- Mais il y eut encore une grande difficulté , pour le paye-
s^'rnJ^' ment des fommes necefTàires à entretenir les garnifons , les for-
fom. tifiications & les murailles des Places. Il n'y avoit rien que le
Confcil eût tant de peine à donner que de l'argent : & les Ca-
tholiques s'offenfoient de voir fur les Etats du Roy des fommes
payées zuxHeret/ques, pour la garde des forterefîès qui les ren-
, doient redoutables. Néanmoins cela ne fe pouvoit rcfufer à des
gens qui fàvoient dire qu'on en faifoit autant pour les Ligueurs ,
dont la plupart avoient des penfions ou des garnifons payées
des deniers du Roy. La conteftation fe redu^Mt donc au mé-
nage 3 & les Reformez ih contentèrent de fi peu de chofe, qu'à
peine peut-on croire que toutes leurs garnifons fuffent payées
d'une fomme fi modique. En effet il y avoit tel Ligueur à qui on
avoit donné comptant , ou promis plus d'argent , qu'on n'en accor-
doit aux Reformez en plufieurs années pour la confervation de
leurs Places. Quand tout fut réglé , on difputa de nouveau fur la
manière dont on alfùreroit aux Reformez le payement des fommes
promifes. Ils auroient voulu qu'on leur eût permis d'arrêter les de-
niers du Roy dans les Receptes , plutôt que de les obliger à prendre
des affignations , qu'ils craignoient qu'on ne leur donnât incom-
modes ou incertaines. Mais on ne jugeoit pas bienfeant qu'ils te-
moignailentauRoy tant de défiance de fa parole j & il falut qu'ils
fe contentafiènt de la promcfie qu'on leur donneroit des aflîgna-
i>ons lions conlmodes & aflîirées. Il fe trouva auflî quelques particu-
£'/^' ^^^^s> q-îi ne gagnant rien à la garde des Places, ou au commande-
ment des Troupes , firent des demandes particulières : l'un de quel-
ques
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. 24^
ques arrérages de pcnfion -, Pautre de quelque don pour rétablir i ^p8.
Çqs affaires ; Pautre de quelque gratification pour Tes fcrvices qu'on
avoit mal reconnus i &ainli fous pluiieurs prétextes. Mais toutes
ces demandes montoient i fi peu de chofè, qu'à peine toutes en-
femblc égaloient la moindre rccompenfè que les Ligueurs avoicnc
obtenue.
Quand on Rit d'accord de toutes ces choies, il demeura une dif- contefla^
ficulté générale , touchant la manière dont les conceffions fcroient Thlnlu'
publiées. Un Edit paroifîbit la fureté la plus authentique 2.uy.formedes
Reformez: mais il y eut tantd'obftacles, tant de craintes de fcan- ^^''^'/^^^
dalifèrles Catholiques, &:de donner quelque fujetauxmecontens ^'"''
d'exciter de nouvelles brouilîeries -, tant d'efperances données aux
Eglifes d'améliorer leur condition avec le tems, qu'enfin on con-
vînt dediverfes formes fous lefquellcs diverfes conceffions feroient
expédiées, comme cela s'étoit fait en d'autres occafions. Premie- ^'>/?
rement donc on accorda un Edit, qui contenoit les articles gène- i'/X(«
raux au nombre de quatre-vingt-douze , par lefquels l'exercice de la chofes.
Religion Reformée étoit autoriféende certains lieux, fous de cer-
taines conditions j les Reformez étoient admis à touts Etats & Of-
fices j l'adminiftration de la Jufticé éroit réglée par l'érccciondes
Chambres Miparties : & plufieurs autres choies étoient ordonnées,
conformément à ce qu'on avoit pratiqué dans des Edits de mê-
me nature. L'amniftie de tout ce qui auroit pu être imputé aux
Reformez y étoit exprimée fort au longj toute forte d'Edits, de
Lettres & d'articles des tems precedens y étoient expreffément abro-
gez, en ce qu'ils avoicnt de contraire à'i'Edit nouveau: & pour la
fureté de ccluy-cy, le Roy ordonnoit à tous fes Officiers de prê-
ter ferment de l'obferver avec foin & fidélité j & prenant tous les
habitans des villes & autres lieux en fa prote6lion, il les mettoit
de plus à la garde les uns des autres , pour prévenir les fèdi-
tions & les violences.
On joignit à l'Editdes Articles fecrets ou particuliers au nombre
de cinquante-fix , entre lefqueljî il y en avoit plufieurs de fort im-
portans, qui auroient bien mérité d'être inferez dans le corps de
TEdit. Mais on fe contenta de hs coucher dans cet appendice ,
parce qu'il étoit adreffié aux Parlemens comme l'Edit même , &
que plufieurs le vérifièrent. Tels étoient les articles qui portoient
exemption aux Reformez, à l'égard de plufieurs chofes qui appar-
H h 3 tien-
246 HISTOIRE
1598. tiennent au culte des Catholiques > les privilèges des Minières 5
l'exercice de la Difcipline des Reformez 5 avec la tenue de leurs
Confiftoires , de leurs Colloques & de leurs Synodes -, l'éduca-
tion des enfans > la liberté des mariages dans les degrez où les Ca-
tholiques (ont obligez de prendre difpenfe j robfervation des jours
maigres & des fêtes -, la nullité des abjurations extorquées -, & plu-
fieurs autres ièmblables. On n'y oublia pas la confirmation des
articles accordez aux Chefs de la Ligue, qui s'étoient remis dans
l'obeiflance. Les chicanes de nos jours fur plufieurs de ces arti-
cles ont bien fait connoître , combien il auroit été necefîaire qu'on
en eût fait des articles généraux. Ce qu'il y a de fmgulier , eft qu'il
y avoit dans ces articles lecrets quelques difpofitions dont les ter-
mes formels ne rcgardoient que le pafïé, ouletemsdel'Edit mê-
me : qui néanmoins n'ont pas laiflé d'être exécutez depuis ia pu-
blication 5 jufqu'à fa re vocation -, fans que ceux qui avoient fuggeré
tant de Déclarations contraires à l'Edit le foient avifez d'y donner
atteinte. Tels étoient les articles qui parlent des mariages , entre
ceux qui font parens aux degrez où l'Eglife Romaine ne les permet
qu'avec di/penfe. Cela faiïoit comme une compenfation de cer-
tains articles de l'Edit qu'on n'a jamais pu faire exécuter, quiper-
mettoient aux Reformez d'habiter librement dans tous les lieux
du Royaume. Ily a toujours eu plufieurs villes où les Reformez
n'auroientpu même paroître avec fureté, bien loin d'y demeurer
làns empêchement. Mais il y a une remarque finguliere à faire icy
iiir la Uberté de confcience. L'Edit étoit fait exprès pour l'éta-
blir : cependant on n'y trouve point d'article formel qui la donne
à tous les François : mais elle étoit fi clairement prefuppoléc par
l'Edit, &parrefprit de liberté dont ils s'étoient toujours piquez,
jufqu'à prétendre que la France étoit l'Etat du monde où la liber-
té étoit le moins gênée, qu'on en a laifTé jouir tous les fujets du
Roy pendant quatre-vingts-ans , fans penfer à chicaner perfonne
fur ce fujet> & qu'on n'a ofé la violer, avant que d'avoir déjà rui-
né l'Edit en plufieurs manières dans Ces plus importantes concef-
lions.
Les autres chofes qu'on ne put comprendre dans l'Edit , ni dans
les Articles particuliers, furent promifes par des Brevets i dont les
Reformez eurent peine à fe contenter -, parce que ces fortes de
Lettres ne font point de loy> & que de telles grâces demeurent à la
dif-
DE L'ËDIT DE NANTES, Liv. V. 247
difpofition du Prince, qui les révoque quand il luy plaît. Mais ifpS*
comme il s'agiflbit des conceflions les plus délicates , & que les
Catholiques étoient le moins capables de goûter, il falut fe payer
des aflurances de la bonne volonté du Roy, & des excufès prifès
de Tétat defês affaires, qui ne permettoient pas qu'il fît davanta-
gc. Il y eut trois Brevets de cette nature. Le premier en date du
troifiéme d'Avril, accordoitunefomme de quarante -cinq milleécus
pour le payement des Miniftres. Elle étoit départie fur diverfcs
gcneralitcz, pour la commodité de la diftribution> payable en qua-
tre quartiers en forme de comptant, avec des précautions afîèz fa-
vorables pour le payement î & difpenfe au Receveur commis par
le Roy ou par les Reformez d'en rendrecompte en aucune Cham-
bre. Comme on n'ofbit déclarer ouvertement que cette fbmmc
étoit deftinée à l'entretien des Miniftres , de peur que les Catho-
liques ne murmuraflent , de voir employer les deniers de l'Etat à
la confervation de l^herejîe , il falut convenir d'une claufe qui ne
leur donnât point de fcandale. Du Plelîis ayant fait coucher un
article fur ce fujet entre ceux qu'on avoit arrêtez à Mantes , après la
eonverjion du Roy, avoit obtenu qu'on payeroitla fbmmepromi-
fe fous le nom de Madame j qui étant ce qu'elle étoit pouvoit re-
cevoir encore de plus groflês gratifications du Roy fon frère ,
ians qu€ cela fût fufpe6t à perfonne. Mais Madame ne pouvant
pas durer toujours, il falut convenir d'un prétexte qui fût propre
pour tous les tems. De forte qu'on exprima dans le Brevet , que
cette (bmme étoit donnée aux Reformez, pour être employée en
affaires fecrettes qui les concernoient ^ que S. M. ne vouloit être ni
fpecifièes , ni déclarées.
Le fécond Brevet regardoit les Places de fureté: mais il conte-
noit encore plufieurs autres difpofitions , qui expliquoient des
chofès que l'Edit fembloit laifîèr indecifes. Il étoit daté le tren-
tième d'Avril à Nantes : & le Roy y declaroit d'abord, par for-
me de préface, les motifs qui Tobligeoient à leur accorder la gar-
de de ces forterefîès : fàvoir que les Reformez l'avoient eflimé
necefTàire pour la liberté de leur confcience , & pour la fureté de
leurs perfonnes, fortunes & biens.: & que S. M. étoit a/Tûrée de
leur fidélité, & de leur fîncere affedion à fon fèrvice: à quoy il
ajoûtoit en termes généraux plufieurs autres confiderations impor-
tantes au bien &: repos de l'Etat. H y avoiten fuite vingt- quatre ^}^^^^
ar- j^Uciu-
H8 HISTOIRE'
15^8. articles, dont le premier leur accordoit pour huit ans, fous I*au-
tor;té de S. M. la garde de routes les Places , villes & châteaux
qu*ils avoient tenues, jufqu'à la fin du mois d'Août 1598. où il y
auroit des garnifons entretenues félon un état qui en feroit drefTé
au Confeil. Les huit ans fe dévoient compter du jour de la publi-
cation de TEdit dans tous les Parlemens. Le deuxième promet-
toit de n'innover rien dans les villes Reformées, où il n'y avoit
point de garnifon. Le troiliéme exceptoit quelques Places qui
ne leur feroient point laiflees à titre de fureté -, & il portoit que
quand même à l'avenir le Roy y mettroit des Gouverneurs de la
Religion Reformée , cela ne tireroit point à confequence. Ces
villes étoient Vendôme , Pontorfon , Aubenas & fà Citadelle.
Il ordonnoit auOi que Chavigni, qui appartenoit à l'Evêque de
Poitiers, luy fèroit rendu, &quc les fortifications en feroient ra-
fées. Mais par un article des particuliers de l'Edit , il étoit porté for-
mellement que l'exercice y feroit continué. Le quatrième accor-
doit une fomme de cent quatre-vingts mille écus pour l'entretien
des Places , & le payement des garnifons. Le cinquième exceptoit
les Places de Dauphiné, dont on promettoit de dreilèrun état à
part : Lefdiguieres aimant mieux les garder pour luy que pour la
caufe commune , & la Cour fa vorifant cette diflraâiion, pour af-
foiblir d'autant un party que l'union de fes membres auroit ren-
du redoutable. Le fixiéme promettoit de bonnes ailignations ,
dont on ne diverti roit point les deniers à d'autres ulagcs. Le
feptiéme promettoit qu'on appelleroit les Reformez , quand on
arrêteroit l'état des Places, pour prendre leur avis, & entendre
leurs remontrances j & en ordonner en fuite le plus à leur conten-
tement qu'il fe pourroit. On faifbit la même promefîè à Lefdi-
guieres pour le Dauphiné. Le huitième promettoit , que s'il arri-
voit du changement dans les Places ou par la volonté du Roy ,
ou à la requifition des Reformez mêmes, on s'y gouverneroit de
la même manière qu'à drelîèr le premier état -, c'ell-à-dire , qu'on
y appelleroit les Reformez , pour entendre leurs avis & leurs re-
montrances. Le neuvième afluroit, que s'il vaquoit par mort
quelques-uns de ces Gouvernemens pendant les huit ans , il n'y
feroit pourvu que de perfonnes Reformées , qui feroient tenues
de prendre atteftation du Colloque où la Place feroit fituèe : 5c
on ajoûtoit que fi le Colloque refufoit l'atteflation , il en feroit
en-
DE L^EDIT DE NANTES, Liv. V. 245,
entendre les caufes au Roy. Le dixième portoit qu'après lesicog
huit ans paffez , quoy que le Roy fût quitte de fa promefîe , il
laifîèroit néanmoins à ceux qui en feroient en podeHion le Gou-
vernement des Places où il trouveroit bon de laifîer une f^arnifon.
L'onzième dcclaroit, que la garde de ces Places n'exclurok point
les Reformez des autres Gouvernemens 5 où ils feroient reçus
comme les autres félon leurs mérites : mais que les Places qu'on
leur donneroit par cette raifon ne leur feroient pas néanmoins af-
fedées comme Places de fureté. Le douzième laiflbit la garde
des magafîns , munitions , poudres , canons &c. à ceux à qui les
Reformez l'avoicnt donnée -, à la charge d'en prendre commif-
fion du Grand-Maître de l'artillerie , 6c Commiiîàire gênerai des vi-
vres, qui leur feroit expédiée gratuitement, fous de certaines
conditions. Le treizième portoit que ces Commis feroient payez
fur les cent quatre-vingts mille ècus , pour n'en charger pas les
Finances de S. M. Le quatorzième declaroit, que le Roy avoic
lait tranfporter le Temple de Mets , & accordé des Lettres Paten-
tes aux habitans qui leur permettoient de difpofer des matériaux -,
& promettoit de leur donner un autre lieu dans l'enclos delà vil-
le , pour faire leurs exercices : à cau(e de quoy il n'étoit pas ne-
ceflaire de Tinferer dans l'Edit. Le quinzième afluroit les Sei-
gneurs Reformez qui refîderoient à la Cour , qu'on ne les recher-
cheroit point pour ce qu'ils feroient dans leurs maifbns pour leur
famille feulement, à portes fermées, uns pfalmodier à haute
voix, & fans qu'il parût marque d'exercice public. Le feiziéme,
relatif au quatorzième de l'Edit , permettoit de continuer l'exercice
dans les lieux où il fe devoir faire publiquement, fi la Cour, qui
le faiioit ceflèr par fa prefence, y demeuroit plus de trois jours.
Le dixfeptième , relatif au même, declaroit qu'à eau fe de Tétat
prefent des affaires de S. M. les chofes demeureroient dans l'état
qu'elles étoient pour la Religion en Brelîe , Barcelonne & païs
delà les monts , mais que lors qu'ils feroient réduits à l'obeïlîàn-
ce, on les traitteroit comme les autres fujcts du Roy , nonob-
fiant ce qui en étoit porté par l'Edit. Le dixhuitième accordoit
des provifions gratuites à ceux qui dévoient être , pourvus des
Charges de Prefidens , Confeillers , Subflituts des Gens du Roy ,
pour lervir dans les Chambres Miparties la première fois. Le
dixneuvième promettoit gratuitenienc des Charges de Confeiller
Tome L I i aux
155)8.
250 HISTOIRE
aux Parlemens de Thouloufe & de Bourdeaux à ces "Subftituts >
s'il arrivoit que les Chambres y fu/Tent incorporées. Le ving-
tième declaroit François Pidiou Subftitut du Procureur General
au Parlement de Paris : & afliiroit après luy la Charge à un Re-
formé. Le vingt-6-v-uniémepromettoit aux Reformez deux Char-
ges de Maîtres des Requêtes , quand elies viendroient à vaquer
par mort, au prix de l'évaluation aux Parties Cafuelles: & en at-
tendant on leur devoit donner deux Maîtres des Requêtes par cha-
que quartier , qui feroient tenus de raporter leurs aifaires. Le
vingt-deuxième permcttoit aux Députez de rAflemblée de Châ-
relleraud d'en laiirer dix d'entre eux à Saumurj jufqu'àla vérifica-
tion de l'Edit au Parlement de Paris j quoy que par l'Edit il leur
fût enjoint de fe feparer. C'étoit réduire l'Aflèmblée au nom-
bre qui avoit été réglé par celle de Sainte Foy. Le vingt-troifiéme
ôtoità ces dix Députez le pouvoir de faire de nouvelles demandes,
& defe mêler d'autre chofe que de folliciter la vérification deTE-
dit , & l'envoi âcs^^ Commiffaircs dans les Provinces pour l'exécuter.
Le vingt-quatrième ctoit le plus important de tous. Le Roy y don-
noit fa foy & parole pour fureté de l'exécution de tout y voulant que
tout le contenu au Brevet fût de même force, que s'il avoit été com-
pris dans un Edit vérifié dans les Cours de Parlement: S'eians, difbit-
il , ceux de ladite Religion contentez , pour s'accommoder à ce qtti
eji de fon fervice ^ ér à l'état de fe s affaires ^ de ne lepreffer pas de
mettre cette Ordonnance en autre forme plus authentique -^ prenant
cette confiance en la parole ô" bonté de S. Ai', qtielle les en fera
jouir entieremeîit. A caufe de quoy il avoit commandé d'en dreiïèr
toutes les expéditions necefîàires. Ainfi comme les articles parti-
culiers étoient une efpece d'indrudion pour les exécuteurs de l'E-
dit) où le Roy expliquoit plufieurs choies que les articles géné-
raux lailîbient plusobfcures & plus indecifes ; on peut direauflî
que ce Brevet fèrvoit d'une efpece de contrelettre à de certains
articles de l'Edit, que le temsn^avoit pas permis de coucher en ter-
mes plus favorables, quoy que l'intention du Roy n'y fût pas
contraire : & fur tout il jufîifioit les Reformez du reprodic d'avoir
abufédela conjon6ture (\ç.s affaires, pour fe faire aonner ce qu'ils
voulaient j puis qu'il portoit formellement qu'ils s'étoient con-
tentez delà parole du Roy, fur tant de chofes importantes 5 par-
ce qu e l'état de fes affaires ne luy permettoit pas de leur en doflncr de
plus grandes allùranccs. Le
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. 251
Le troifiéme Brevet contenoit une diftribution de vingt-trois mil- 1598.
le écus à divers particuliers , aux uns pour une fois, aux autres
pour deux ans, aux autres pour quatre, aux autres pour huit :
aux uns par forme de gratification ; aux autres pour vieux arréra-
ges de leurs fervices. L'Hiftorien d'Aubigné, l'un de ceux qu'on
eftimoitàla Cour trop zêlez pour leur Religion, oc qui fc croyoït
mal payé de fes fervices , extorqua par ce moyen une (bmme mo-
dique de vieux reftes d'une pcnlion qu'on luy avoit retenue. Ain-
fi toutes les grâces pcrfonnelles que le Roy fit aux Reformez
montoient à bien peu de chofe : & il paroit par là que l'interct
particulier n'avoic pas été le motif de leurs pourfuites , comme
ils s'en vantoient dans leurs Requêtes. Tout ce qu'il en dcvoit
coûter au Roy n'alloit pas à deux cens cinquante mille écus : 6c
même au bout de huit ans toute cette fomme fè devoit réduire à
moins que la cinquième partie, qu'on donnoit aux Reformez en
compenfation des dîmes , qu'ils étoient obligez de payer aux
Ecclefialliques leurs perfecutcurs.
Il me (èmblc que je puis dire encore icy un mot des Places que
les Reformez avoicnt en garde , afin qu'on voye en quel état ils Ce
trouvoicnt au tems de l'Edit pour les forces de leur party. Il y
avoit de deux fortes de Places comprifes (bus le nom de villes de fii-
reté. Les unes n'avoient ni Gouverneur ni garnifon, & fe gar-
doient elles-mêmes. Telles étoient la Rochelle , Montauban, Nî-
mes , & quelques autres. Elles avoient des privilèges fi grands ,
qu'elles étoient prefque Hbres : & la Rochelle fur tout avoit des
Traittez avec les Rois de France , qui la rendoient prefque indé-
pendante. Tout s'y faifbit au nom du Roy ; mais chacune avoit
fesMagiftrats, qui étoient les arbitres du Gouvernement & de la
Police. Ces villes étoient les plus afTiirces à la caufè commune,
parce qu'elles avoient deux privilèges à défendre, celuy de la Re-
ligion, &z celuy de la liberté. Il ne faut pas imputer leur efpece
d'indepciidancc à la do6lrine des Reformez, puisqu'il y avoir des
villes fore Catholiques qui n'étoient pas moins hbres : mais la Cour
fe fit un prétexte de la Religion des premières pour les détruire ,
& le prépara un degré parleur ruine à l'oppreilion des autres , qui
ont toutes flibi le même joug.
Il y avoit d'autres Places qui avoient des garnifbns Se des Gou-
verneurs, dont les unes étoient à des Seigneurs particuhers, qui
li 2 y
2^2 HISTOIRE
ï f 98. y difpofoient de tout à leur volonté : les autres étoient occupées
ou par les Chefs qui s*en étoient rendus maîtres pendant les guer-
res j ou par les Gouverneurs que le Roy étant leur Protedteur y
avoit mis pour les défendre. Quelques-unes decclles-cy étoient pro-
prement des Places de fureté : les autres s'appclloient villes ou
Places de mariage -, parce qu'elles n'avoient pas de garnifon pro-
pre s qu^elles étoient comprifes fous le nom des Places voifmes plus
imoortantes) & que leur garnifon étoit un détachement de celle de
la Place principale d'où elles dependoient. Plufieurs de ces Pla-
ces de mariage n'étoient que de fimples Châteaux, appartenans
aux Gentilshommes Reformez 3 & il yen avoit quelques-uns qui
n'avoient que fix ou fept hommes de garnifon. Mais on les con-
telta dans la fuite aux Reformez , & on prétendit que ces Places
de mariage n'étoient pas comprifes au nombre de celles que le
Roy leur laifïbit en garde.
Torms Le payement des gens de guerre , fans parler du Dauphiné qui
^'''J/^* avoit fon état à part., & qui contenoit onze Places , fe faifoit fui-
vant deux états , dont l'un étoit public & l'autre fecret-, parce
qu'il avoit falu cacher une partie à^s forces des Reformez & âiÇ.^
bienfaits du Roy , de peur d'offenfer les Catholiques. La moin-
dre fomme étoit employée fur l'état pubhc j & le refte étoit cou-
chée fur l'autre , qu'on appelloit aufii le petit état. A l'égard du
premier , il filoit fuivre Tordre accoutumé pour le payement des
garnifons , fournir des rolles des montres, des aquits &c. & on
étoit payé parleTreforier de rExtraordinairc des guerres. Mais
on étoit payé de l'autre fans tant de façons , fur de Timplesrefcrip-
tions dans les Gencralitez où les Places étoient fituées.
Conclu- Cefutainfi donc que finit la longue guerre civile, dont laReli-
■'^*"' gion avoit été le prétexte. Les Reformez commencèrent à rcfpi-
rer, & les efprits à fe réunir. La Trimouille y encourut la haine
du Roy y mais il y aquit l'eftime & la confiance de fon party, par
fon inflexible fermeté. On le tourna de tous les cotez, pour le
détacher de la caufe commune : mais on n*y put rien gagner. Le
Prefident deThou luy offrit des avantages incroyables pour cela:
maisilreponditgenereufement, que quand on auroit fait avec luy
cela ne ferviroit de rien , fî on ne contentoit les Reformez fur leurs
demandes : mais que H on leur accordoit la fureté de leurs con-
fciences & de leurs vies, on pouvoir k feire pendre à la porte de
TAf-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. V. 25^
rAflèmblée , & que pcrfonne ne branleroit. On voulut aufïï le i cpg;
piquer d'honneur & de jaloufîe, quand le Duc de Bouillon vint à
l'Aiîemblée, où laTrimouille comme plus jeune luy céda la pre-
mière place j qu'il avoir tenue deux ans durant : mais il n'eut point
de fcnfibilité pour ce pomt d'honneur , qui auroit ébranlé une
ame moins grande que lalicnne. Il céda fiuis regret , Scfe foudnc
jufqu'au bout avec un courage égal. 11 y eut plufieurs autres tê-
tes qui le fécondèrent. Le Miniftre Chamier étoit un des plusroi-
dcs : & à caufe de cela aufîi odieux à la Cour, qu'il étoit confi-
deré des Eglifes. Il y a des Auteurs Reformez qui écrivent, que
l'avarice du Roy fut caufc que la divifion fut moindre dans l'Af-
femblée qu'elle n'auroit été , s'il en eût voulu acheter les membres
aufîi cher qu'il avoit payé les Ligueurs : mais que plufieurs demeu-
rèrent attachez à la caufe commune , parce qu'il n'y avoit pas de
profit à l'abandonner. Aubigné, Tun de ces Auteurs, en parloit
par expérience, lln'étoit pas riche, & il eût bien voulu faire for-
tune: mais on ne l'aimoit pas à la Cour, parce qu'il étoit trop li-
bre & trop fatirique dans lès difcours, & qu'il étourdiflbit par les
reproches de fes fèrvices. Au refte cela ne venoit pas tant de IV
varice du Roy que de fa fagefie , & de fes bonnes intentions pour
la coniervation des Reformez. Il aima mieux faire plus de grâces
au gênerai qu'il aimoit , que de faire la fortune de quelques parti-
culiers, dont il croyoit avoir fujct de fe plaindre.
Fin du cinqjjieme Livre,
Il 5 * HIS-
(8^4 HISTOIRE
HISTOIRE
D E
LEDIT DE NANTES,
LIVRE SIXIEME.
Sommaire du VI. Livre.
SEntiment des Reformes:, dans les '^Provinces fur VEdit. Arti-
fices pour les gagner. Synode à Mornpellier. Nombre ô*
état des Eglifes. Ce que c'ef que former une Eglife. Union
de plufieurs Eglifes eîi une. Caufes de fe contenter de l'Edit
obtenu. Projets de reiinion. Religion de Lefdiguieres. Traitté
de l'Euchariflie. Suites de fa publication^ Trois négociations
importantes avec le Vape. I. 'Dijfolution du mariage du Roy.
II. Retablifl^ement des Jefuïtes. Leur audace & leur crédit.
^Paffwn des Moines contre le Roy. Perfecution en Piémont , &
dans le Marquifat de Saluées. Raifons du Roy pour favorifer
les Je fuites. Oppojîtions. III. Mariage de Madame. Sa
conjtance. T)uretez, du Roy pour elle. I^ifficultez de la part
du Pape 5 à" leurs raifons. Le Roy pajje outre fans attendre
la difpenfe. Le Pape s'en offenfe , & perfifte dans fes refus.
Suites de cette négociation jttfqu'à la mort de la Princejfe.
Avantages que les Reformez tiraient de fa perfeverance. i>if
ficultez fur la vérification de l'Edit. Ajjemblee du Clergé.
Ses propofitions fur l'Edit. Emportement de quelques Prélats.
Modération du Nonce. Contradi^ions du Parlement. Equi-
té du T)uc de Mayenne. Imneté du Roy. Relâchement des
Reformez de la Cour fur plufieurs articles. Entêtement du
Clergé. Chambre de l'Edit à Rouen. Chambre Mipartie en
Guyenne. Vérification de T Edit i après laquelle le Pape fait de
grandes plaintes -i pour fermer la bouche aux Efpagnols. Re^
ponfes des Cardinaux de Joyeufe ^ d'Ojfat > accommodées au
goût du Pape, E dit pour la Principauté de Bearn^ qui y eH
reçu.
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VI. 255
reçu. Plaintes des changemens faits à rEdït. Article des
fepultures. Tlaintes particulières. ^Prefeance prétendue par
les Officiers Catholiques -^ qui compofoient les Chambres Mipar^
fies 5 fur les Reformez. 'T>emande verbale fur le fujet des
Chapelles enfermées dans les maifons des Gentilshommes. Re-
ponfes à ces Cahiers. Article des crmetieres. Prefeance con^
fervée au plus ancien Trefident. Feinte poffefîon de Marthe
Brofjier. Suites de cette comédie dedans & dehors le Royaume,
^iffolution du mariage du Roy. Arrêt du Parlement de Bre-
tagne , fur le ferment référé par un Reformé à un Catholique.
La Trimouille eB fait Pair de France. Le Pape en murmu-
re ^ & d'Offat l'appaife. Il s'étonne peu de r avancement de
Rôni. Commijfaires exécuteurs de l*Edit , & leur pouvoir,
Obfervations générales fur lEdit. Reprocl:}es des Catholiques
aux Reformez. Reponfes.
n'appaifa pas néanmoins tout d'un coup les murmu- '^^'^^'-
'Edit ayant donc été enfin arrêté de cette manière, ifSJS.
Senti,
ment de>
res : & quand la nouvelle en fut portée dans \cs ^e^fc
Provinces , plufieurs efprits difficiles trouvèrent qu'il mezdans
Y avoit bien des chofes omiles, d'autres mal cxpli- J^^J^^^
quées, d'autres incommodes , & dont les Refor- /«r /'£-
mez avoient moins de fujet d'être contcns que les Catholiques. '^^'
Le délai de la vérification leur faifoit beaucoup de peine j & le
crédit du Duc de Bouillon, qui s'étoit chargé de leur faire pren-
dre patience fur ce fujet , n'étoit pas allez grand pour fermer la
bouche à tout le monde. Mais la Cour eut recours encore à de Artij^ca
petits artifices , pour amener doucement les efprits au point qu'elle ^^"^/"
defiroit. Elle avoit des confidens par tout , qui, félon le génie
des gens à quiilsparloient, (àvoient diverfifier les raifbnnemcns &
les remontrances. Tantôt ils faifoient valoir les promeffes fecret-
tes du Roy , qui n'avoit pu faire davantage de peur d'offenfer les
Catholiques , & de remettre les armes entre les manis des Ligueurs^
mais qui donnoit fa parole de faire tant de chofes à l'avenir pour
les Reformez , que cela paflbit de bien loin tout ce qu'on auroit
demandé que l'Edit eût contenu de plus favorable. Tantôt on
reprefentoit ce Prince tout Reformé dans le cœur, pleurant quand
il parloit des Eglifes , ôc fe faifant faire en fecret ks prieresaccou-
tumées.
2^6 HISTOIRE
I5p8. tumées. Il ne femble pas même que cela fût tout-à-fàit inventé. '
Il avoit encore tous les jours à la bouche tous les palîages de l'E-
criture, que tous les Reformez lavoient appliquer aux accidens de
la vie : & quoy que tous les ades extérieurs de là dévotion fuflènt •
Catholiques , fes méditations particulières , & les retraites fentoient
encore quelquefois le Reformé. De forte qu*à la Cour , & à Ro-
me même on craignoit, ou on faifoit femblant de craindre, qu'il
ne fût Catholique que pour la Couronne , & qu'il fut Reformé
d'affeclion & de volonté. Il y avoit un grand nombre de Refor-
mez qui étoient de bonne foy dans cette penfée, Scàqui la con-
trainte, où il leur fembloitque ce Prince écoit obligé de vivre,
faifoit pitié. Il n'étoit pas mal-ailé de gagner ceux qui étoient
dans ce lèntiment, &c de leur faire trouver bon le prefent par les
grandes efperances de Tavenir : d'autant plus que prefque tous les
Reformez étoient préoccupez de la perfuallon , que leur Religion
alloit bien-tôt triompher de toutes les rufes du Siège Romain.
D'un autre côté , pour intimider ceux qui étoient capables de
peur , on exageroit la puillance & la profperité du Roy , qui
commençoit à le rendre redoutable dedans & dehors -, & qui étant
en état de fe faire relpeder par les Etrangers , pouvoit encore
bien mieux fe faire obeïr par fes fujets. En effet ceux même qui
avpient mis la France à deux doigts de fa ruine par leurs intrigues,,
voyoient avec étonnement que ce Prince qu'ils avoient lî mal trait-
té, étoit pailîble dans les Etats , capable de donner à fon tour des
affaires à ceux qui luy en avoient fait de lî longues & de li fâcheu-
fes-, & devenu comme en un jour la terreur d'une partie de l'Eu-
rope, & le prote£teur de l'autre. Mais le plus caché de tous les
artifices de la Cour, fut de faire de petites affaires à ceux qui par-
loienttrop haut dans les Provinces. On leur faifoit peur d'attirer
iureuxdes difgraces perfonnelles , parla chaleur qu'ils montroienc
pour le party. On les faifoit venir en Cour fous divers prétextes }
ou des paroles offenfantes qui leur étoient échapées -, ou des ac-
tions trop hardies qu'ils avoient faites j ou des conléils trop violens
qu'on les acculbit d'avoir donnez. Mais quand on les y tenoit,
au lieu de les traitter avec la feverité dont on leur avoit fait peur
chez eux, on leur faifoit mille careflès; on les combloit de pro-
melïès & de louanges j & les faifant ménager par des perfonnes
qui lavoient ce qu'il faloit dire , on les renvoyoit humanifez , &
capables
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. Vr. if/
capables de croire & de perfuader que le meilleur party étoit de 1598.
trouver bon tout ce qu*il plairoit au Roy.
Cependant les Reformez aflêmblerent un Synode National à ^ynoie k
Mompellicr au mois de Mai j & fa principale application fut à for- ^l"/"^'^^
mer Tetat des Eglifes. Chaque Province y apporta une lifte de No'mére
celles qui écoient déjà drefTées dans fon reflbrt: & il fut trouvé ^^/'"f.
qu'elles montoient toutes cnfemble à fept cens foixante. Sur quoy ///. ^ *"
il faut remarquer premièrement , que pendant qu on fut incertain
de l'étendue que le Roy donneroit à la liberté de l'exercice , il y
avoir beaucoup de lieux dont on confondoit les droits , & qui
croient mêlez arec les plus proches ou les plus inconteftables , afin
d'avoir moins d'occafions de difpute avec les Catholiques. Mais
quand l'Edit eut réglé les fondemens fur lefquels le droit de conti-
nuer l'exercice pourroit s'établir , on commença à démêler ces .
droits confus , & à feparer en Eglifes diftinéles plufieurs lieux,
qui avoient été long-tems incertains de ce que deviendroient leurs
prétentions. Ainfi le Roy ayant confenti que les lieux où l'exer-
cice avoit été faitdiverfes fois pendant l'année 1596. leconfervaf-
fent à l'avenir, ces lieux qui avoient été incertains jufques-là, pri-
rent une nouvelle forme après la conceflion > & on y drefîà des
Eglifes fur le pied de celles qui avoient été déjà long-tcms enpoi^
felîîon. Mais comme l'Edit ne fut pas conclu cette année-là, on
fit de nouvelles demandes la fuiva'nte -, & on obtint que le même
droit d'exercice feroit confervé aux lieux où on l'auroit fait diver-
fès fois durant cette nouvelle année jufqu'au mois d'Août: terme
que le Roy fixa pour les nouvelles pofïélîions , afin qu'on ne les
multipliât pas tous les jours. De forte que les lieux à qui ce nou-
veau droit étoit aquis ne purent prendre de forme réglée, jufqu'à
ce qu'on fut ce qu'on pourroit obtenir du Roy fur cette prétention-
nouvelle. D'ailleurs il y avoit des lieux où l'exercice auroit dû
être fuivant les Edits precedens -, mais où diverfes raifons , foit de
roppofition des Catholiques, foit du voifinage des Troupes ligueu-
fes 5 (bit de l'incommodité que les Reformez y fouffroient , Ta- '
voient fait cefTer. Il avoit falu en reprenant la pofleiîion de ces
lieux, y former les Egli(ès qui avoient eu droit de s'y afièmbler.
Se que ces obftacles avoient diflipées. Ce furent ces lieux differens ,
où les Synodes Provinciaux rapportèrent au National qu'ils avoient
drefTé des Eglifes : & il y en avoit encore plufieurs dont l'établif-
Tome I. ' Kk fement
^58 HISTOIRE
I>g8. fementétoitconteftéi & qui ne purent être paifibles , niparcon-
fequent formées , qu'après le jugement des Commiiïàires que le
Roy envoya dans les Provinces pour l'exécution de l'Edit. Cela
ferc de reponfe aux chicanes qu'on a faites ces dernières années,
ou fur le nombre d'Eglifes qu'il y avoit au delà de 760. ou fur ce
qu'il y en avoit qui paroiflbient n'avoir pris forme d'Eglifes que
depuis la conclufion de l'Edit. Ce n'étoit pas faute de droit que
ces Eglifes n'avoient pas été plutôt drefTées > mais parce que leur
droit ayant été indécis & fufpendu jufqu'au mois d'Août 1597. on
n'avoit pas voulu y former une aflemblée qu'on n'étoit pas alîuré
d'y maintenir. Elles ne parurent établies , que quand le droit leur
en fut aquis par la conceflion nouvelle, ou même par les Com-
ce ^ue miflaires qui en levèrent les difficultez. En fécond lieu , ce que
c'esf que\ç Synode appelle drefler ou former une Eglife, ne veut pas dire
mÎEdi- établir un exercice dans un lieu où il n'eût jamais été , ou y re-
fe. cevoir un Miniftre par l'impofition des mains , ou y nommer un
Confiftoire dont il n'y eût pas une ombre auparavant. Mais
c'eft y rendre perpétuel & ordinaire , ce qui ne s'y étoit fait que pro-
vifionnellement & par intervalles -, y donner en propre un Miniftre,
qui n'y avoit fervi que par occafion ou par emprunt j y aflujettir
les Anciens à une difcipline réglée -, y ranger les familles par quar-
tiers , fous la diredion de l'Ancien qui en devoir prendre foin j
déclarer à quelle Clafle ou Colloque l'Eglife appartiendroit , & luy
donner rang entre celles de la Province : chofes qui avoient accou-
tumé de fe régler de vive voix , & d'être mifes en pratique fans
autre loy que la conformité de l'ufage reçu dans les Eglifes du mê-
me Synode. C'elt pourquoy on écrivoit fort rarement des ades de
Union Je CCS é'tablilTemens. En troifiéme lieu y il faut remarquer que fous
pittfieurs le nom d'une Eglife on comprenoit deux, trois ou quatre lieux oii
^ii'{"^" l'exercice pouvoir fe faire fuivant l'Edit i mais qui pour leur com-
modité réciproque , fe mettoient fous la conduite d'un feul Pafteur,
qui leur partageoit fon miniftere félon le traitté qu'il en paffoit
avec elles. Ces lieux differens , qu'on appelloit Quartiers ou An-
nexes , écoient unis , diftraits , compofez , divifcz , comme il plai-
foit aux Synodes -, qui faifoient ainli quand ils vouloient de plu-
fîeurs Eglifes une , ou d'une plufieurs : ce qui pouvoir augmenter
quelquefois le nombre apparent des lieux d'exercice , quoy qu'il
n'y eût rien d'ufurpé dans ce qui excedoit ce nombre ordinaire.
Nean-
reu,
mon.
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VI. 2^9
Néanmoins* ces veritez qui dévoient être hors de conteftation à 1598.
caiïfe de leur évidence, ont été traittées de nos jours' comme des
prétentions injuftes & chimériques.
Mais pour revenir au Synode, on y fit reflexion fur ce qui avoit cau/et
obligé TAflèmblée générale à fe départir des prétentions des Egli- fgj}//"l
Ces , pour fe contenter de l'Edit tel qu'on l'avoit obtenu. On s'en l' Edites.
prit, comme il étoit jufte, à la difcordequi avoit régné entre les ^'"'*'
membres de l'Aflèmblée : mais il étoit plus aifé de déclamer con-
tre le mal , que d'y apporter du remède y & quand la maladie ell
incurable , découvrir la caufe du mal , n'eft pas guérir le malade.
On parla aulîi dans le Synode d'établir des Collèges & dçs Ecoles
de Théologie en plufieurs lieux qu'on dcfigna-, &:on pourvût par
divers reglemens à conferver les Eglifes , & à les ranger fous une
bonne difcipline. Il y eut aulîî de grandes affaires pour des pro- Projets
jets de réunion avec i'Eglife Romaine , dont on rempliflbit le '^^
Royaume. Il y avoit prelîe à publier de ces fortes d'Ouvrages ,
qui étoient fort agréables aux Catholiques , pcrfliadez qu'un ac-
commodement fe feroit toujours à leur avantage. Mais les Refor-
mez en étoient fort fcandaljfez par la même raifon , & rcgardoient
tous ces écrits comme des prévarications qui trahiflbient la caufe de
la vérité , &c qui ne tendoicnt qu'à deguifer les erreurs de l'Eglifè
Romaine, pour les rendre moins odieufes. Les Proteftans étran-
gers en étoient offenfez comme les autres : & ils en portèrent dçs
plaintes au Synode. Il condamna quelques livres de cecara£lere,
& ordonna d'en examiner d'autres , qui n'étoient pas moins fuf^
pc£ts. Mais cela ne fervit de rien : & la demangeaifon de réunion a
duréjufqu'àla revocation de l'Edit, dans letemsmêmede laquelle
on faiibit encore voler par tout des projets d'accommodement.
Il y eut encore un fait fingulier dont on parla dans cette Aflem-
blée. La Province de Languedoc avoit fait un fond de dixfept
mille feptcensfoixante écus, qu'elle envoyoit à Genève pour en
tirer un revenu applicable à l'entretien des Propofans. Lefdiguie-
res, qui ne fbngeoit qu'à prendre de tous cotez, faifit cette (bm-
me, fous prétexte qu'elle avoit été levée contre les formes , &z fans
permifîion du Roy j & qu'on ne pouvoit la faire Ibrtir du Royau-
me : & pour la retenir avec quelque droit fpecieux , il la dem.anda '
au Roy. Ce Prince, à qui il n'en coûtoit rien , ne fit pas difficulté
de la luy domicr , fans fe mettre en peine des plaintes que les
Kk 2 Re-
260 HISTOIRE
ifoS. Reformez en pourroient faire , dont il laifîbit à Lèfdiguieres ïe
foin de fe défendre comme il pourroit. On députa vers ce Sei-
gneur 5 pour retirer cette fomme d'entre ks mains j on luy fit des
remontrances i on le piqua de Religion > maiscen'étoitpas là fbn
côté fenfible. Après plufieurs années & plufieurs inftances , on
■Religion eut bien de la peine à s'en faire rendre une partie. On peut ju-
deLefdi- gçj. ^ ^^j^ ^ qy^ qq n'étoitpas la confcience qui le retenoit dans la
gmeres. pj-^^^^^Qj^ gj^j-çj-jeu^-g ç}g la Religion Reformée : & Tannée fuivante
il fit encore diverfes chofes qui Tauroient pu faire connoître , s'il
n'avoit eu honte de lés faire publiquement. Le Jefuïte Cotton ,
depuis fi célèbre en France , étant à Grenoble 5 Lèfdiguieres lia
im étroit commerce avec luy j mais de peur de fe rendre fu(^
pe6t aux Miniftrcs , il fit bâtir une galerie dérobée j qui pouvoit
conduire ce Père dans fon appartement , fans être apperçu que par
ceux qui en favoient le fecret : & il avoit avec luy par ce moyen
de fréquentes conférences. La fille , de même Religion que fon
père, eu t les mêmes complaifances pour le Jefuïte: mais elle fit un
pas plus avant que Lèfdiguieres. Elle abjura la dodlrine des Refor-
mez entre les mains du F. Cotton , qui la fit communier fecrette-
ment 5 &: qui tous les ans luy envoyoit un Prêtre pour en faire au-
tant , jufqu'à ce que le tems & fon père luy permirent de fe décla-
rer. Pendant cet intervalle , la delicatefle du Jefuïte ne l'empêchoit
point de confentir qu'elle fit extérieurement profeiTion , & qu'elle
prit part aux exercices publics de la Religion , qu'elle avoit néan-
moins abjurée : & peut-être qu'il fe trouveroit qu'elle communioit
des deux cotez, fi on cxaminoit fa vie de plus près. Telle eft la
Religion des Jefuïtes. Pour être hypocrite & profane , on n'en eft
pas moins dévot félon leurs maximes. Ce fut au refte dans le Sy-
node dont je viens de parler , qu'on fit la première diftribution
des deniers accordez en recompenfe des dîmes •■, &: on y fit une
repartition de cent trente mille livres entre les Eglifes.
Ainfi les Reformez fongeoient à profiter de TEdit , avant qu'on
y eût mis la dernière main , puis qu'il n'étoit pas encore vérifié. On
avoit accordé aux inftances du Légat 5 qu'on attendroit fbn départ
pour le publier. Ce délai rcmettoit encore la chofe fi loin , que les
Reformez en étoient impatiens : <k quoy que le Maréchal de Bouil-
lon fe fut chargé de le faire trouver bon à rAffemblée de Châtellc-
raud, il n'étoit pas par tout pour en dire les raifons auxdefians,
6c
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VI. 261
& pour leur fermer la bouche par fon crédit. Cependant il arriva i ^98.
une chofe qui fit bien du bruit, & qui eut de longues & fâcheufes
fuites. DuPlefiis publia un livre au mois de Juillet, fur le fujetrm///^
de l'Euchariltie. Le Pape y étoit fort mal-traitté, puis qu'il y ctoit '^iJ'-^"'
nommé AntechriH: ; & TÉglife Romaine avoit vu fortir peu de '^ "'
livres des mains de fes adverfaires , où on eût eu moins de complai-
fance pour fes erreurs. Du Pleiîis avoit mis fon nom & toutes fes qua-
litez à la première page, & entre les autres celle de Confeiller d'E-
tat. Le nom de l'Auteur , qui étoit un des hommes de fon tems qui
avoicnt le plus de littérature & de folidité & qui écrivoient le mieux ,
quoy que fon ftile fentit trop la phrafe Latine -, & la dignité du fujet,
firent que l'Ouvrage fut bien-tôt lu par les curieux. Le bruit s'en fit suites de
entendre jufques à Rome, & le Pape s'en plaignit , principalement^' ^"^^*'
à caufe de la qualité de Confeiller d'Etat que l'Auteur prenoit > par-
ce qu'il fembloit que l'outrage luy vint du fein même duConfeil,
puis qu'il étoit commis par un de (qs membres : & que le Roy par-
ticipoit à l'injure, puis qu'elle venoit d'un de fes intimes confidens.
Le Roy même s'en fâcha , parce qu'il craignoit que le Pape, irrité
de. cette ofFenfe, nç fe montrât plus difficile à la diffolution de fon
mariage , à laquelle on commençoit à travailler ferieufement. C'eft
pourquoy il en témoigna du reflentimenti &:ce fut pour du Plelîis
un commencement de difgrace qui eut de plus grandes fuites. Il
fembloit que ce mécontentement du Roy & du Pape, devoit autori-
fer tout ce que le zèle des Catholiques entreprendroit contre le li-
vre ou contre l'Auteur. Néanmoins les Jefuïtes quis'étoient main- .
tenus à Bourdeaux, ayant voulu y faire condamner le livre au feu ,
Dafis premier Prefidcnt s'y oppolâ, & les renvoya feulement à le
réfuter, s'ils le trouvoient à- propos. Boulanger, l'un des Aumô-
niers du Roy, ayant fait une cenfiire de la Préface, &:accufé les
pafîàges d'être falfinez, l'Archevêque de Bourges l'en reprit fort ai-
grement. Le Légat même n'exigea point de procédures rigoureu-
iès contre cet Ouvrage. Ilfe contenta d'en emporter fix exemplai-
res en partant de France, & de promettre qu'il engageroit Bellar-
min à le réfuter. Mais on s'avifa d'un autre moyen de mortifier du
Plellîs i & les Catholiques trouvèrent plus aifé de faire diigracier
l'Auteur , que de détruire le livre. Ce qui en arriva cette année
& le Carême fuivant , fut que les Prédicateurs fe déchaînèrent con-
tre le hvre , & vangerent le Pape & la Religion Romaine par toute
Kk 2 forte
ifp8.
261 HISTOIRE
forte de cal omnies & d*inve£tives contre du Pieffis. On crut même
que ce Seigneur ne pourroit paroître en public (ans expofèr fà vie,
pendant la première violence de cette fureur. Il garda la maifon
durant quelques jours , pour laifîèr pafîer cette tempête : & com-
me fi on eût cru le peuple aflez ému , pour aller chez luy-mêmeiuy
faire infulte , Madame luy offrit de le recevoir dans fa maifon,
pour le mettre en fureté.
Il fcmbîe qu*on affedoit cette légère modération , ou pour fai-
re voir que la liberté des Reformez étoit grande en conièquencc
de TEdit , puis qu'ils avoient celle de débiter de tels Ouvrages , fans
qu'on permît aux Catholiques de s'en vanger autrement que par
la voye ordinaire de la réfutation: ou pour empêcher que les me-
contentemens de ceux qui ne trouvoient pas TEdit conforme à leur
elperancc, 6c qui étoient chagrins de voir fà vérification fi long-
tems différée , ne s'accrufïènt par le traittement qu'on auroit fait au
premier livre de leur Religion qui avoir paru depuis que TEdit étoit
arrêté. En effet les bigots n'ayant pu être reprimez par tout, il
arriva l'année fuivante qu'ils firent condamner , dans quelque Juf-
tice fubalterne , le livre de du Plefîîs au feu -, 6c que la Sentence fut
exécutée. L'Aflèmblée qui étoit encore à Châtelleraud en fut
fort fcandalifée> 6c confiderant que cela s'étoit fait dans les pre-
mières démarches de l'exécution de l'Edit, elle jugea lachofe de
trop grande confequence pour la fouffrir fans fe plaindre. Mais
quoy qu'elle fût toute difpofée à en témoigner du reflentiment ,
elle en voulut écrire auparavant à du Plefîis , comme au principal
intereffé , pour favoir de luy ce qu'il eflimoit qu'il falût faire fur
ce fujet. Cela montre qu'on avoir bien fait , d'empêcher que les
Cours Souveraines donnaflènt des Arrêts de même nature contre cet
Ouvrage: parce que comme l'affront auroit été plusfenfible, s'il
étoit venu de cette part, il eft certain que les Reformez en au-
roient fait plus de bruit. Mais du Plefîis , qui ne trouvoit pas fon
hvre deshonoré par ces emportemens de Ïgs adverfaires , n'étoit
pas le plus fâché. Il temoignoit par fa reponfc , que la chofe luy pa-
roifîbit importante , parce que la dodrine des Reformez étant
déchargée par l'Edit du nom à'herefie , on ne devoit pas brûler les
livres qui l'enfeignoient , puis qu'il n'y avoir que des livres héré-
tiques qui duflent être condamnez à cette marque d'infamie : qu'il
étoit d'avis, à caufe de cela, qu'on appellâtde ce jugement à la
Cham-
DE UEDIT DE NANTES, Liv. VI. 26^
Chambre de TEdit, plutôt qu'au Confeil Privé, on on ne man- 15-08.
queroic pas d'afîbupir l'afFaire : que cependant il étoit mal-aifé de
remédier au mal pafle, puis qu'on avoit exécuté la Sentences &
que ce qui avoit été fait ne fe pouvoit reparer. Mais ce livre eut
des fuites bien plus remarquables, qui ne permirent pasdes'arrê-
tes à ces petites obfervations.
Pendant que ce que j'ay raporté jufques icy fe pafîbit , il y avoit ^''".^ »<•
trois chofes quife negocioient entre la Gourde FKance& celle def/^'^^"-^.
Rome : & qui étoient aflez importantes pour faire craindre aux portâmes
Reformez, qu'encore qu'ils eufîènt unEdit, le Roy n'achetât la p^!^/*
conclufion de ces affaires à leurs dépens 5 puis que l'Edit n'étant
pas encore vérifié , on pouvoit y faire tous les jours quelque chan-
gement. La première affaire étoit la difïblution du mariage du r. Dijjo-
Roy , dont il temoignoit un ardent defir > & en vue de laquelle on ^^'^X?!"
croyoit qu'il s'abaiflcroit à toute forte de complaifances pour \q duRoy,
Pape. Cette affaire étoit d'une grande confequence pour le Roy ,
& pour l'Etat même, que l'incertitude delà fucceflion pouvoit
jetter après la mort du Roy dans d'extrêmes confufions. Les
Reformez même l'avoient fort prefîce , parce qu'ils ne doutoient
pas qu'une partie des nouveaux troubles que la mort du Roy pou-
voit caufer ne retombât fur eux. Mais l'entêtement du Roy
pour fàMaitrelTè avoit long-tems retardé cette négociation. Le
Pape ne vouloit pas favorifer un mariage fi peu Ibrtable -, & la
Reine Marguerite ne vouloit pas céder la place à une femme qui
étoit fi fort au defîbus d'elle , & de qui on croyoit que la vertu
avoit fuccombé à d'autres recherches qu'à celle du Roy. Cette
Maitreiîe même étant morte d'une manière qui pouvoit faire
ibupçonner, queRôni & quelque^ autres (avoient bien qu'elle de-
voir mourir, le Roy s'embrouilla dans de nouvelles intrigues, &:
donna une promeffede mariage à la fille du Marquis d'Entragues,
pour obtenir d'elle ce qu'il fouhaittoit. Il avoit eu la foibleilède
montrer cette promelîe à Rôni, pour luy demander fon avis fur
la forme > & Rôni avoit eu la hardiefîe de la déchirer en fà prefen-
ce. Mais le Roy, qui n'étoitpas le maitre de fa paillon , en refit
une autre avec de telles claufès , qu'il fembloit en être quitte par
le fuccés des premières couches de fa nouvelle Maîtreflé. Com-
me il étoit donc tems de travailler tout de bon à une affaire de
cette nature , le Roy y apportoit de grands Ibins j & le Pape qui
fa-
264 HISTOIRE
1^98. favoit rimportance de la chofe, qu'on ne pourroit conclure fans
luy , ne manquoit pas de la mettre au plus haut prix où elle pou-
voit être portée. Ce n*efl: pas qu'il n'eût fes raifons de defirer
qu'elle fût faite -, foit parce qu'on propofoit de marier le Roy avec
une Princefîe Italienne j foir parce qu'on pouvoit craindre que fi
la fucceiTion venoit à être debatuë , quelqu'un des pretendans
n'accrût les forces des Reformez en s'appuyant d'eux 5 & n'em-
brafîat peut-être leur Religion , pour les attacher à fes intérêts.
Au lieu que fi la fucceillon étoit certaine , on étoit alïtiré que le fuc-
cefleur du Roy feroit Catholique , & que i^QS droits étant fondez
fur un mariage autorifé par les maximes de l'Eglifè Romaine, il la
maintiendroit de tout fbn pouvoir, & fbngeroit plutôt à ruiner les
forces des Reformez qu'à les accroître. Mais cela n'empêchoic
pas que le Pape ne voulût vendre chèrement cette grâce au Roy,
félon l'ufage de la Cour de Rome , qui tâche toujours de faire ache-
ter aux autres les chofes dont elle profite elle-même. De forte
que les Reformez avoient tout fujet de craindre, qu'on ne leur fit
payer les dépens de cette affaire.
/r.R«/î- La féconde négociation qui pouvoit les alarmer, étoit celle du
mintdes retablilîcment des Jefuïtes , qui fe pourfuivoit avec beaucoup
jefuïtfs. d'empreflement. Le Pape ne perdoit point d'occafion d'en par-
ler à d'Ofîàt , & il femble qu'il ne pouvoit prendre de meilleures
précautions , contre les défiances qu'il avoir de la Religion du
Roy , qu'en luy donnant les Jefuïtes pour cfpions ou pour adver-
xe«r ««- faires. De leur part ils ne s'oublioient pas en France, où même
(iace& i}5 avoient eu l'audace de s'établir dans quelques lieux dependans
IBliy CT6» . . *
dit. du Parlement de Paris, malgré fon Arrêt qui les bannilîôit : &
cette démarche avoit paru fi infolente , qu'à Rome même elle
avoit été condamnée. Mais ils avoient dans le Royaume de bons
protecteurs. Le Cardinal de Tournon les fbutenoit hautement j
& les Parlemens de Thouloufe & de Bourdeaux les maintcnoient
dans leur relîbrt. Ceux qui avoient été de la Ligue avoient tou-
jours de l'inclination pour eux. Le Clergé lesincitoit à deman-
der leur retour i & ces fins politiques, à qui l'air du bureau étoit
connu , ne vouloient pas perdre l'occafion. Le Roy même étoit
dans leurs intérêts, parce qu'il vouloit les mettre dans les fiens : &
que fâchant bien ce qu'ils étoient capables d'entreprendre contre
un Prince qui auroit été leur ennemi, il croyoit qu'il n'auroit plus
fu-
DE L'EDIT DÉ NANTES, Liv. VI. 265
fujet de les craindre , s'il les mettoit en état de luy avoir de l'obliga- 15-98.
tion. Tous les Ordres Religieux en vouloient au Roy : même ceux t^u^on
qui femblent avoir le plus renoncé au monde : & non feulement f ' ^^°']
les Jacobins , qui avoient fourni un aiîàiTm à la Ligue pour fe défaire le Roy.
de Henri III. mais les Capucins & les Chartreux le mêloient de
Gonfpirer contre fa vie. C'étoit trop pour luy que d'avoir encore de
plus à fe garder des Jefuïtes 5 dont il connoilïbit le génie par fa pro-
pre expérience-, & pour qui la perfonne d'un ennemi, de quel-
que qualité qu'il foit , n'a jamais rien de facré. Le prétexte de
ces fréquentes confpirations étoit , que la cowverfion du Rov pa-
roiiïbit toujours fufpede aux bigots , & que les Efpagnols rele-
voient avec grand foin tout ce qui pouvoit en confirmer le foupçon.
Ds (è prenoient à luy de tout ce qui arrivoit dans l'Europe , où il fcm-
bloitque la Religion Catholique n'eût pas tout l'avantage qu'on
auroit pu defirer. C'eft pourquoy le Duc de Savoye ayant tâché Terfeca^
de réduire les Vaudois fes fujets à la Communion Romaine, ôcen- py"^"^
voyé pour cet effet dans leur pais une Million de Capucins , fbu-
tenuë de quelques milliers de foldats , pour achever par la force ce
que les Religieux ne pourroient gagner par les perfuafions , les Ef-
pagnols ne manquèrent pas de s'en prévaloir, pour faire plus de
tort au Roy. Ils comparoient la tolérance du Roy pour les Re-
formez de fon Royaume avec le zèle fànglant du Duc , qui ne
mettoit point de milieu entre convertir ou exterminer les Héréti-
ques. Il avoit exercé la même rigueur dans le Marquifat de Salu- J*'^**'*
ces, qui ne luyappartenoit pas, puis qu'ill'avoit ufurpé pendant quifat'dé
les guerres civiles: & il avoit obligé tous leshabitans Reformez à.^*^"""^
changer de Religion , ou à quitter le pais. En cela fon defîèin étoit
d'engager le Pape à l'y maintenir -, & ce fut en effet une des raifons
pourquoy le Pontife ne voulut jamais rendre juftice au Roy fur cet
article, qu'il craignoit que file Roy en étoit le maître, les Refor-
mez ne s'y maintinfîènt fous le bénéfice de lès Edits. Mais pour
donner plus de foupçons de la Religion du Roy , les Efpagnols
Taccufoient d'avoir empêché par des fecours fecrets le fuccés de
cette Million mixte , qui n'avoit été glorieux ni à la Religion ni
au Prince. Il eftvray qu'il y eut quelques malheureux qui chan-
gèrent de Religion -, & que les Efpagnols firent valoir cette con-
quête autant qu'ils purent. Mais d'Oflàt , quoy que Cardinal ,
rabattoit; la gloire de ces converfions , où il favoit que les Soldats
Tome I. L 1 avoient
2(^6 HISTOIRE
KoS. avoient plus opéré que les Capucins. Néanmoins cela faifbit im-
prelïïon fur l'efpric des zêlez : & donnoit prerexte aux confpira-
tions des Moines 5 qui regardoient le Roy comme un mauvais Ca-
nti'ifons tholique. C'eft pourquoV) comme les Jefuïtes éroient encore
^'*^J les plus redoutables de tous , il vouloir le mettre à couvert de leurs
^vorife*' entreprifes, en leur faifant quelque faveur lignalce , qui les pût
lesjefuï' attacher à faperibnne & à Ton fervice. Telle eft la Politique des
'*'* Princes : fouvent ils careffent ceux qu'ils craignent , pendant
qu'ils négligent, ou même qu'ils oppriment ceux de la part de qui
ils ne craignent rien. Ils partagent la peur avec ceux à qui ils en
donnent : &:ilsfe rachètent par des bienfaits de la peine que leur
font ceux de qui ils fe défient. Cette Politique eut beaucoup de
cours fous ce règne, où les Reformez le plaignoient que les fa-
veurs & les recompenfes étoient moins pour ceux qui fervoient fi-
dèlement , que pour ceux qui fe faifoient craindre.
oppefi' Cette puiffantc raifon faifoit donc pancher le Roy à rappeller
tioni. les Jefuïtes i & ce projet donnoit de grandes alarmes aux Refor-
mez , qui favoient bien ce qu'ils avoient à efperer de cette Société
toujours perfide & toujours feditieufe : qui ii elle étoit une fois ré-
tablie à Paris , fe pratiqueroit bien-tôt une entrée à la Cour , où à
Ton ordinaire elle brouillcroit toutes choies. Le Parlement de
Paris , qui étoit piqué d'honneur dans cette afi^aire , à caufe des
Arrêts redoublez qu'il avoit rendus contre ce pernicieux Infti-
■ tut , s'oppofoit à ce retour avec autant de force que les Reformez,
qui de leur côté traverlbient cette négociation de tout leur pouvoir :
mais ce fut principalement l'autorité du Parlement qui rendit cette
affaire longue & difficile. Les, Rois avoient encore alors de grands
égards pour leurs Parlemens : & ces auguftes Compagnies favoient
diftinguer la fujettion & la fervitude i de forte qu'elles n'avoient pas
une complaifiince d'efclaves pour tous les fentimens de la Cour.
7/;. Ma. La troificme affaire étoit le mariage de Madame fœur du Roy
ru-'.gede avcc le Duc dc Bar , fils du Duc de Lorraine, qu'on prefîbit beau-
^f"/" coup , & qui s'accomplit vers le commencement de l'année fui-
vante. Le Pape y faifoit de grandes difficultez : moins parce
qu'il avoit deffein de l'empêcher , puis que le mariage de cette
Princefle avec un Catholique avoit été une des conditions fccrettes
del'abfolutiondu Royj que pour en tirer quelque utilité, ibit en
procurant par ce moyen la converjion d^c^itzVïmQtiki quivou-
loit
DE UEDIT DE NANTES, Livr. VI iGr
loitêtre mariée, foit en faifant acheter ronconfcntcmcntauRoy, 15 98.
par quelque nouvelle complaifance pour la Cour de Rome. Mais
les Reformez y avoient une parfaite répugnance ; & ils le firent
paroître au Synode National dont j*ay parlé. On y propofa la
queftion de ce mariage , pour lever les fcrupulcs de cette Prin-
cefle: mais elle n'y trouva pas fon compte j & on y jugea qu'un
tel mariage n'étoit pas licite. Cela n'empêcha pas néanmoins
qu'il ne fût conclu au mois d'Août, après que la Princefîc eut fou-
tenu de grandes tentations. On tint plufieurs conférences devant
elle, oùonfitdifputerdes Minittrcs & des Docteurs Catholiques >
&ce fut dans une de ces conférences que du Moulin, dont le nom
a été depuis fi célèbre, commença à paroître glorieufemont. LeS'^^"»-
Minières eurent tout l'avantage de ces difputcs , parce que la ^''""'
Princelîc demeura ferme : de forte qu'on arrêta bien-tôt le cours de
ces conférences inutiles. Les CathoUques imputèrent, félon leur
coutume, la rupture de ces conférences aux Miniftrcs: &pourob-
fcurcir la gloire de la confiance de cette Princefle, ils attribuèrent
fà perfeverance à un pur entêtement. Ils débitèrent qu'elle de-
meuroit dans h Religion , par la vénération qu'elle avoit pour la
mémoire de la Reine Jeanne fa mère, qui l'y avoit élevée, &qui
luy avoit recommandé d'y perfeverer. Mais quoy qu'ils tachaf-
fentde faire pafiTer fa confiance pour un point d'honneur, elle ne
laifToit pas d être un effet de fa connoiflàncc & de its lumières.
Elle étoit'fort éclairée pour une perfonne de fon fcxe, & elle
avoit eu plus de foin& plus deloifir de s'inflruire que le Roy fon
frère. C'eft pourquoy elle fut plus ferme que luy , & elle favoit dire
fort agréablement , pour repondre à l'argument qu'on tiroit contre
elle de l'exemple du Roy, que la Loy Salique n'avoit pas fait entr'eux
deux le partage de laconfl:ance. Mais cette perfeverance nelaifl'a ^"""'"^
pas de luy attirer des affaires. Le Roy même par raifon d'Etat , ou ^^«f //z^.
par d'autres motifs la traitta un peu durement. Il voulut l'obliger à fc
défaire de fes domefliques , fous prétexte qu'elle avoit trop de con-
fiance en eux, & qu'ils empêchoient fa converfwn. Il la menaça
de ne faire jamais rien pour fon avancement, fi elle étoit opiniâ-
tre. Mais elle fut confiante malgré ces rigueurs > & elle défera
plus à fa confcience & à îzs Miniflres , qu'aux follicitations & aux
volontez du Roy fon frère.
Le Pape fit de fi grandes oppofitions à ce mariage , qu'on de-
i Ll 2 fef-
268 HISTOIRE
ifpS. fefpera d'obtenir de luyla Difpenfe que le Roy & le Duc deman-
DijicHi- doient: ôcmême il écrivit au Duc de Lorraine & au Prince fon fils
tl^/j«^ d'une manière extrêmement forte, pour les détourner de cette al-
i^ape : liance. Mais comme les oppositions de la Cour de Rome n'éton-
nent jamais que ceux qui veulent bien en avoir peur^ elles n'em-
pccherent pas que l'affaire ne fe terminât au commencement de
Etieurs î'annéc fuivante. Les prétextes du refus du Pape étoient la pa-
r^-'jons. j.ç,;j{.^ (jg5 parties, & la Religion de la Princeflc. Il croyoit préju-
diciable à ia dignité d'envoyer une Difpenfe à une pcrfonne qui ne
la demandoit pas -, qui ne croyoit pas même ni qu'elle fût neceflài-
re, ni qu'il eût k pouvoir de la donner. Mais de femblables rai-
fons n'arrêtèrent pas les fuccefTcurs de ce Pontife, quand il fut
quellion du mariage de Charles Prince de Galles avec l'Infante d'Ef^
pagne, & en fuite avec Henriette de France. Les vrais motifs
de la Cour de Rome font fes intérêts. Quand elle trouve fcs avan-
tages ^.quelque choie , elle ne manque jamais de bonnes raifons
pour furmbnter les difficultez les plus fpecieufes. Ainfiun même
intérêt luyfitrefufer une Difpenfe à lafceurduRoy, parce qu'une
Princefle Huguenote dans un pais Catholique comme la Lorraine
n'accommodoit pas le Siège Romain : & le même la fit accorder
par fes fuccefleurs, pour le mariage d'une Princefle Catholique avec
l'héritier prefomptif de la Couronne d'Angleterre , parce que la Re-
ligion Romaine trouvoit fon compte , à voir une Reine Catholique
dans un Royaume tout Reformé. D'ailleurs comme la Princeffe qui
avoit déjà de l'âge , avoit fouvcnt manqué l'occafion d'être ma-
riée , & ne vouloit pas mourir fille , on croyoit à Rome qu'elle
aimeroit mieux changer de Religion, que de voir encore échouer
la propofition de ce mariage, après quoyelle fembleroit condam-
née à y renoncer pour toute fa vie. Mais la Cour de France efli-
mant qu'il feroit plus^iféd'excufer auprès du Pape lachofe faite,
que d'obtenir fon confentement pour la chofe à faire, on trouva boia
i« ^oy de paffer outre au mariage fans attendre la Difpenfe. Il y eut de
/'#f«- nouvelles difficultez après cela fur la manière de donner la benedic-
ZmTdre tion nuptiale. " La Princefle n'auroit pas eu grande répugnance à
la, Dif- la recevoir par le miniflere d'un Prélat Romain : mais comme el-
""^"'fi' leéroit fcrupuleufc pourlabienfeance, elle ne voulut plus enten-
dre parler d'epoufer de cette manière, depuis qu'on luy eut fait
X- connpitre que ce feroit en quelque forte aller chercher Ion mari ,
■ ^ que
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VI. 26^
que d'avoir pour luy une déférence qu'il ne vouloit pas avoir pour 1508.
elle 5 qu'il n'étoit pas de la dignité d'une fi grande Princefle, de
faire plus d'avances que le Prince qui la rccherchoit > & qu'elle dé-
voie avoir , au moins par honneur, autant de fermeté à rejetterla
propoUtion d'époufèr à la Mefîè , qu'il en temoignoit à rcfufer
d'époulèrparun Minière. Le Duc proteftoit en effet de fon cô-
té , qu'il n'époufcroit plutôt jamais que de recevoir la bénédic-
tion d'un Hérétique. Le Roy y pourvût en faifant venir l'un &
^ l'autre dans fon cabinet, où il les fit fiancer devant Juy par paro-
les de preient par l'Archevêque de Rouen. Ce Prélat, qui n'c-
toit nifavànt , ni dévot, ne laiiîa pas de fc faire prier avant que
de vouloir faire cette cérémonie : & le défaut de Dilpenfe luy te-
noit fi fort au cœur, que fi Rôni n'eût pas trouvé le moyen de
l'y faire confentir en plaifantant , toute l'autorité du Roy n'au-
roit pas été capable de le mettre à la raifon.
Cet expédient termina les difficukez du mariage: mais le Pa- LeTafe
pc fut inflexible après la confbmmation comme auparavant -, & fè r/^t
montra aufïï opiniâtre à refuferla Difpcnfe, que la Princefle Vz- fifle dans
voit été à ne la demander pas. 11 (è plaignit même delà precipi-^^-^'''-/''^*
tation du Roy , quiétoit allé fi vite dans une affaire de cette im-
portance. Il fit remplir la confcience du Duc de icrupules & de
terreurs: de forte que ce Prince vécut long-tems avec la Duchef^
fe fa femme comme s'ils n'avoient point été mariez. Cela fut
caufeque la Duchefièfut follicitée plus que jamais de changer de
Religion , & qu'on employa pour la vaincre non feulement les
inftruftions , les promefîes , les flatteries : mais même les artifices
& les menlbnges. Il n'y eut rien de plus impudent que la fraude de
Commelet Jefuïte , dont elle rendit compte elle-même à duPlef-
fis, quelques mois après qu'elle eut accompli fon mariage. Ce
Jefuïte ofa luy dire que duPlefiis, accufé d'avoir faitplufieursfauf-
fes citations dans fon livre de TEucharifiie, avoit promis d'aller à
Ja Mefl^ , fi on luy en montroit quelqu'une de ce caraélere : qu'on
Tenavoit convaincu devant le Roy-, & que ce Prince l'ayant ac-
cablé de reproches, il s'en étoit allé, fans qu'on fiit ce qu'il étoit
devenu, jamais menfonge ne fut mieux circonflancié: cepen-
dant tout en étoit controuvé, jufqu'à la moindre circonflance. La
\.Duchefie le connut bien: Se Commelet gagna fi peu auprès d'el-
le, que dans une letge qu'elle écrivit à du Plelfis fur ce fujet, elle
Ll 3 raf-
2/0 HISTOIRE
1 5p8 . Taflura qu'elle n'en étoit que plus ferme dans la Religion,après avoir
vu le Jeluïre. Comme on ne pouvoir donc reiiflîr du côté de la Prin-
ceîlè , on fit de grandes infiances de la part du Roy à Rome > pour
Suites de^ porter le Pape a des fentimens plus modérez. D'Oflât trouva des.
gocution exemples d'une Difpenlè accordée en cas pareil , à des perfon-
Mv*'* lies môme d'une moindre qualité. Le Duc vint même à Ro-
deU ^ me en perlbnne , fous le prétexte du Jubilé , pour demander l'ab-
Princefe. fojution. Mais le Pontife ne voulut pas fe laiffcr vaincre. On ju-
gea néanmoins que le Prince avoit obtenu une abfolution fecrette ,
parce que le Pape luy avoit permis de gagner le Jubilé, ôcdc vifiter
IcsEglifes où les Indulgences étoient données > & qu*étantde re-
tour chez luy , on le vit vivre avec la Ducheflè plus conjugalement
qu'il n'avoit fait auparavant. Mais le bruit sf étant répandu par
tout après cela qu'elle étoit grolîe , le Pape s'humanifa , voyant bien
que s'ilneconfirmoitpas le mariage, il obligeroit le Roy à cher-
cher fans luy des moyens de conièrver le titre de légitime à l'enfant
qui en pouvôit naitre. Cet adoucillcment de l'cfprit du Pape ne
fervit néanmoins de rien. Le bruit de cette grofTefle étoit mal fon-
dé : & la Princeiîè mourut , au moment que le Pape donna les mains
à fon mariage. J'ay raporté cecy tout d'une fuite , afin de n'y revenir
plus, quoy que la chofe ait trainc dans cette négociation trois ou
quatre années.
Avanta- Les Rcformez comptèrent la pcrfèverance de cette Princefîe dans
UsRefor- ^^^^ Rcligion pour une grande viéloire : parce qu'elle leur conferva
tnezti. divers avantages qui ne pouvoient être refufez à fa perfonnci & qui
Z'pTrff.' rclevoient la gloire de tout le party. Leurs Minières prêchoient à
veraf?ce. laCour pendant qu'elle y étoit j & cela fe faifoit fouvent dans le
même lieu où la Meffe avoit été dite quelques heures auparavant.
Quand la Pnnceflè alloit ou venoit de France en Lorraine , ou de
Lorraine en France, fon Minifire qui l'accompagnoit toujours lo-
geoit avec elle dans les Abbayes, &: dans les mailbns Epifcopales
qu'elle trouvoit fur fon chemin -, & elle y faifoit faire le Prêche.
Les Catholiques avoient cette mortification , 6c les Reformez ce
contentement au moins une fois l'année , parce qu'elle ne manquoit
pas de rendre tous les ans une vifi te au Roy fon frère. Elle faifoit
aufli prêcher en Lorraine dans fon appartement: & c'étbit une ef-
pece de triomphe pour les Reformez , que de voir leur Religion
introduite par ce moyen dans la Mailbn même d'oii étoient fortis
leurs
DE L^EDIT DE NANTES, Liv. VL ajt
leurs plus violens perfecutcurs. Du Moulin, qui s'étoit fait connoître i cog.
à cette Princefîe par les conférences où il étoit entré à caufe d'elle,
eut beaucoup de part à (à faveur. Les Miniftres de PEglife de Paris
s'étoient obligez à la fervir par quartier j & le tems de fes voyages
fè rencontroit ordinairement avec celuy où du Moulin devoit fe
trouver auprès d*ellc. De forte qu'il aquit en peu de tems une
grande réputation, qui luy attira bien-tôt la haine & la perfecu-
riondes Catholiques.
Mais il fe traittoit à Paris même une affaire d'une autre împor- DificuU
tance que toutes celles que j'ay remarquées. Les Catholiques pro- Z'^/enf^.
fîterent du délai qu'on avoit pris pour la vérification de l'Edit. Il cuion it
fut attaqué par tous les Ordres du Royaume, & devant & après ^■^'^"^*
que le Légat fût parti. Mais il fembloit que ce Prélat, qui n'en
vouloit avoir ni le reproche ni le démenti , n'avoit pas fouhaitté
qu'on y format les plus grandes oppoiitions en fa prefence. On
fit beaucoup plus de bruit fur ce fujet après fon départ. Le Clergé,
les Parlcmens , l'Univcrfité , la Sorbonne, y apportèrent toutes
les difficultez imaginables. La Sorbonne refuibit de confèntir que
les Reformez y prifîent leurs Degrez, L'Univerlité vouloir leur
fermer la porte des Collèges, & ne les recevoir ni à la Maitrife des
Arts, niàlaProfefîîon, ni à la Régence. La Faculté de Médecine
fut la plus difficile à vaincre , comme li la doflrine des Médecins
avoit de grands intérêts à démêler avec Xherejïe 3 &elle a toujours
con(ervé fon averfion depuis ce tems-là.
Mais le Clergé iit de bien plus importantes oppofitions. Il s'é- Ajfem:
toit aflémblé à Paris dès le mois de Mai : & il n'avoit pas manqué ^^^^ ''f*
de faire au Roy les deputations & les remontrances accoutumées en ^ ^^^^'
pareilles occafions. Mais ies Députez prirent un autre ton dans
leurs harangues que n'avoient fait leurs prédecefleurs. Ils ne parlè-
rent plus de détruire & d'exterminer. Leurs difcours. ne reipiroient
que la paix, dont la douceur flattoit tout le monde: & à peine y
firent-ils gîiiîèr le mot d'berefie. Tout rouloit fur le defordre qui re-
gnoit dans la difciplineEcclefiaflique , & fur la dilîipation des biens,
dont le Clergé n'a jamais manqué de demander l'accroifîement (bus
le nom de reftitution. C'efl pourquoy il fit de grandes infiances,
pour obtenir la décharge des pcnfions qu'on affignoit aux Laïques
fiir les Bénéfices , 6c au payement delquelles on obligeoit les pour-
vus , ou par le Brevet de nomination , ou par quelque fecrette rete-
nue.
272 HISTOIRE
1598. nue. Les Reformez avoicnt part à ces grâces comme les autres,
aufli bien qu'aux confidences -, & c'étoit à eux que le Clergé en vou-
loit, fous un prétexte affez fpccieux. Il paroiflbit jufted'ôter aux
Hérétiques -i ennemis de l'Eglife Romaine, tout moyen de jouir
de les revenus ? au préjudice des Miniitres de Tes autels. Mais ce
qu'il y avoir de remarquable dans cette pourluite , étoit que pour
obtenir cette décharge à^s penfions laïques , le Clergé n'a voit point
de honte de dire , que les Écclefiaftiques avoicnt petitement de quoy
'vivre j quoy qu'il fût notoire qu'ils pofïedoient le tiers des reve-
nus du Royaume > fans y comprendre ce que chacun avoir encore
fur le refte par d'autres raifons , comme de patrimoine ou d'aquêts.
Le Roy confentit à une partie des grâces que les Députez luy de-
mandèrent i & leur donna fur le reïte de belles paroles , qui ten-
doient à luy faire prendre patience-, &qui contenoient couverte-
ment des promefîês , dont les Reformez n'auroient pas eu flijet
d'être contcns , s'ils ne les avoient regardées comme des paroles fans
confequence , & par lefquelles la Cour ne pretcndoit s'obliger à
rien. Ces paroles étoient 11 remarquables entre les autres, que la
plupart des Hif1:oriens les ont rapportées. Je ferai -^ 'Dieu aidant y
en forte , leur dit le Roy , que l'Eglife fera atiffi bien qu'elle étoit il
y a cent ans •> tant pour la décharge de ma confcience, que pour vô-
tre contentement : mais Varis ne fut pas fait en un jour. On enten-
doit bien que cela pouvoit fignifier qu'il detruiroit avec le tems la
prétendue herefie , qui avoir donné tant de peine au Clergé depuis
environ quatre-vingts ans: mais les Reformez étoient tout perfua-
dez que ce n'étoit que des paroles.
Ses pro. Néanmoins cela fit efperer au Clergé , qu'il ne feroit peut-être pas
pofiuom d'inutiles tentations pour faire changer quelque chofe à l'Edit.
"2//. ' Son intention n'étoit pas d'empêcher qu'on n'en donnât un aux
Reformez , parce qu'il avoir luy-même trop bcfbin de la paix ,
pour fouhaitter qu'on recommençât la guerre : mais il eût voulu
réduire les conceflions à lî peu de chofe , que s'il avoir obtenu ce
qu'il pretendoit , jamais les Reformez ne les auroient acceptées.
Ses Agens néanmoins demandèrent d'abord trois chofes > favoir'
que les Miniflres n'cufîent point d'autre avantage deçà la Loire ,
que celuy de n'être point recherchez -, & que dans cette partie
du Royaume les Reformez fe contentafîènt d'avoir l'exercice de
leur Rehgion libre, dans les lieux dont ils 5'étoient emparez par les
armes
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VI. 275
armes. C*eft-à-dire qu'il les vouloit priver dans ces Provinces de 1598,
toutes les nouvelles pofïèlîions , & des lieux de Bailliage. Que
Texercicc de la Religion Romaine fût rétabli dans les lieux où les
Reformez étoient les plus forts , même dans leurs Places de fure-
té. Qu'on déchargeât les Ecclefiaftiques , des lieux tenus par les
Reformez , de contribuer aux gages de leurs Miniftres. Ils travail-
lèrent fortement aufli à exemtcr de la jurifdidlion de la Cham-
bre qu'on devoir établir à Paris , les Ecclefiaftiques qui auroient
des affaires avec les Reformez 3 comme s'ils avoient eu peur de
plaider contre eux à forces égales. Ils firent encore de grandes
oppofitions à la liberté qu'on accordoit aux Reformez de tenir des
Synodes quand il leur plairoit , fans les obliger à rien qui marquât
de la dépendance , & fans les empêcher d'y admettre les étran-
gers , & d'envoyer des Députez hors du Royaume à de pareilles
Afîèmblées. Bertier, l'un des Agens du Clergé, étoit fort échauffé
fur tout cela. Il foutenoit contre le Maréchal de Bouillon , que cette
liberté fans reftridion étoit un moyen d'entretenir des intelligences
dedans & dehors > de faire des ligues & des confpirations , de pren-
dre les armes quand on voudroit, fans pouvoir être prévenu. H
publioit que Schomberg & de Thou, qui avoient conclu l'Edit>
étoient dç:s Catholiques au gros grain ^ comme parloir le vulgaire,
pour defigner ceux qui n'éroient pas entêtez de toutes fcs bigote-
ries. Il en difoit autant de Jeannin , qui avoit l'efprit aufîl modé-
ré que les deux autres -, & il les traittoit de gens qui ne croy oient
pas plus à la Mefîe qu'au Prêche. Il étoit fuivi ou jette dans ces Emporte.
emportemens par quelques Prélats , dont quelques-uns furent il ""'"Z '^'
échaufez qu'ils firent faire des prières publiques dans leur Diocefe, pr^/Ir^.
pour obtenir de Dieu que l'Edit ne pafîàt point. La modération j^^^,/^^^,
du Nonce , qui étoit demeuré après le départ du Légat , failbit ^*"» '^^
encore mieux remarquer la fureur de ce zèle mal réglé. Il le con- ''^'"'^'*
tentoit de demander qu'on eût foin des intérêts de i'Egliie Catho-
Jique, & qu'on travaillât à la réduction de ceux qu'il appelloit dé-
voyez -, & (bus ces conditions générales il donnoit efperance que
le Pape fupporteroit tout. La chaleur de Bertier luy attira de la
part du Roy des paroles fort rudes i mais il ne fè rebuta point:
& enfin il obtint des aflûrances qu'on corrigeroit l'Edit en diverfes
chofes, conformément à fès demandes. .>:> ■:/; •;, ;■• jÎ'
Le Parlement fe joignit au Clergé fur plufieurs articles.- Il ri^put
Tome^ L M m fe
274 HISTOIRE
1^98. fe refoudre à paflcr celuy de la Chambre qu'on y voulolt établir.
Contra- Il s'oppofa de toute fa force aux Affcmblées trop libres , foutenant
dictions q^^ç ççj.j.g liberté derogeoit à l'autorité Royale, déjà fort afFoiblie
'^menT/' Y'^t tant deJurifdidionsEcclefiaftiques; que le Clergé auroit rai-
fon de fe plaindre , qu'on donnât plus de privilège aux nouveaux
^redicans qu'à luy -, qu'il étoit obligé de prendre permiflîon cx-
prcfîè pour s'afTembler , & pour recevoir les étrangers dans fes A(^
femblées -, qu'on n'avoit pas lailTé de prendre encore outre cela de
grandes précautions contre (es attentats , par la nomination aux
Bénéfices que le Roy s'étoit refervée, & par les Appels comme
d'abus , qu'il étoit permis d'interjctter des Ordonnances du Juge
Ecclefiaftique. Le Parlement rcnouvella entre autres la queftion
de la capacité des Reformez à l'égard des Charges & Offices: &
il y eut des écrits publiez de part & d'autre fur ce fujet. Il falut
venir à des juflions réitérées pour le faire obéir : mais fur tou-
Tcitiï. tes les julTions le Parlement ordonnoit des remontrances. Onfol-
té du licita même fecrettement le Duc de Mayenne de s'oppofer à la ve-
^aym. rification de l'Edit, comme fi on eût encore mieux aimé voir re-
»*• naître les guerres civiles , que de confcntir à mettre les Reformez
dans un état tolerable: mais ce fage Prince le refufa j & témoigna
qu'il confentiroit à l'Edit ; non pas en vue du repos qu'il accor-
doit aux Reformez j mais comme à un remède necefîàire pour em-
pêcher le renouvellement de la guerre. Ceux qui avoient été \ç.s
plus ardens pour la Ligue fuivoient l'exemple de ce Prince. Jean-
nin 5 dans le Confcil , portoit toujours les chofcs à la douceur j &
les Confeillers du Parlement , autrefois Ligueurs , étoient dans l'oc^
eafion prcfènte les plus équitables.
Les membres de l'Aflèmblée générale, qui étoient demeurez à
Châtelleraud en attendant la vérification de l'Edit , travailloient
de leur côté à prévenir le mal que ces oppofitions pouvoient fai-
re, &envoyoient Députez fur Députez à la Cour: mais ces dili-
gences n'y apportoient point de remède ,* & rien ne pouvoit flé-
chir le Clergé ni le Parlement. Le Roy fe trou voit cmbarraflé par
CCS traverfes i & il ne favoit comment faire pour fortir de q^s
difficultez, fans donner à perfonne fujet de fe plaindre. Ce n'eft
pas qu'il ne fût ferme , & qu'il ne parlât quelquefois avec beaucoup
de vigueur Mais comme il auroit voulu faire les chofes avccdou-
ceur, Ôcpour ainfi dire accorder les parties de leur confentemcnt,
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VL 275
il le fervoicdc toute fa prudence , &de toute fon adrefïè, pour les i cp8,
amener à quelque chofe de raifonnable. Il proreftoit au Clero-é
querEdittournerok à fon avantage , pourveu qu'on le laifîàt fai-
re, & qu'on ne fit point renaître \gs anciennes défiances par de
nouvelles difiîcultez. Il afTûroit les Députez qui luy portoient les
remontrances du Parlement, qu'il nefaifbit rien que le Pape n'ap-
prouvât, comme fait avec de bonnes raifbnsi que le Légat s'étoit
rapporté à luy de ce qui regardoit la paix du dedans j & qu'il ne
s'étoit point arrêté aux difcours qu'on luy avoit faits , pour luy ren-
dre l'Edit fufped. Mais il prenoit quelquefois un ton plus haut> fermeté
quand le Parlement vouloit prendre les choies d'un air peu conve- ''" ^'^*
nable à l'honneur du Roy : & lors qu'il voulut faire des referva-
tions lecrettes de n'admettre point les Reformez aux Offices de
Baillifs , d' Alleflèurs criminels , de Procureurs & Avocats du Roy,
ou autres femblables dans les Juftices fubaltcmes, quoy qu'on vé-
rifiât fans reftri(flion l'article qui les en declaroit capables , le Roy
ne voulut jamais fbuffrir cette honteufe fupercherie. Ce fut fur le
fujet de ces refervations , par lefquelles on vouloit faire de l'Edit
une illufion , qu'il prononça Ces belles paroles , citées par tant
d'Hiftoriens , fi convenables à la Majefté d'un grand Prince , & fi
dignes d'être confèrvées à la pofterité, pour apprendre aux Sou-
verains l'eftime qu'ils doivent faire de la bonne foy : 'Je ne trouve
pa^s bon-i leur dit-il, d^ avoir une chofi dans l'intention •> & d^ écrire
l* autre y &]! quelques-uns l ont fait -^ je ne veux pas faire de mê-
me, La tromperie efi par tout odieufe : mais elle leH davantage
aux Grinces ^ dont la parole doit être immuable.
Mais tout cela ne finiffoit point l'affaire j & depuis le renouvel- i^pp.
lement de l'année l'Edit fut encore quarante jours fur le tapis , ^^^^''^^«-
avant que d'être vérifié. Les Reformez de Paris & de la Cour ti- R^/Jr- "
rerent le Roy de peine par leur facilité, parce qu'enfin ils fe laif- ""'"^ ^^
ferent vaincre après avoir long-tcms diiputé : &: quoy qu'on eût|«r?/«!i
déjà beaucoup rabattu des prétentions générales, en acceptant l'E-^»''^'»''-
dit tel qu'on l'avoit donné à Nantes , ils le relâchèrent encore fur plu- "''^^^*
fieurs des articles qu'on leur conteftoit. Le Maréchal de Bouillon y
donna les mains -, & du Plefiis même chargea Beraud , l'un des Dé-
putez que l'Aflèmblée de Châtelleraud envoyoit en Cour , de s'ac-
commoder fur ces difficultez , dont même il propofa les expedicns.
On obtint donc qu'il ne feroit apporté nulle modification aux U-
Mm 2 bcrtez
276 HISTOIRE
^99. bertez qui regardoient Texercice , ni à Tarticle des Offices & des
Charges : mais fur les demandes de l'Univerfité , le Roy accorda
que les Ç^eformez n'y auroient point d'employ qui les autorifât de
dogmatifer -, & qu'ils feroient feulement reçus aux Régences & aux
Profeffions , dans les autres Facultez que celle de Théologie. Il ne
refufà au Clergé que le premier des trois articles q«e j'ay rappor-
tez j & il luy promit contentement fur les deux autres. Il limita
la liberté des Synodes: &laiflànt les Reformez maîtres du tems&
du lieu, il les obligea feulement à prendre permiffionde luy pour
les aflembler , & à n'y recevoir les étrangers que fous la même con-
dition. Mais au mois d'Août fuivant il leur accorda un Brevet qui
les difpenfoit de Tobfervation de cet article > & qui portoit en ter-
mes formels qu'il leur permettoit , que nonobftanî ledit article ,
ils pijjent en ce qui efl de faff emblée & tenue defd. Conjîftoires ,
Colloques & Synodes , ufer de mêmes formes à" libertez qtiils ont
ufe cy-devant-i fans les aflraindre a aucune obligation plus étroite.
Ainfi il leur rcndoit par des concefllons particulières , ce qu'il étoit
comme forcé de leur ôter par des a6les publics , pour avoir patien-
ce des Catholiques. Il changea la forme de l'établiffement de la
Chambre de l'Edit , qui devoit être à Paris ; & au lieu de la com-
pofer de fix Confeillers Reformez & de dix Catholiques , comme
on l'avoit arrêté à Nantes , on la remplit toute de Catholiques
avec un feul Reformé > & les cinq autres qui dévoient être de la
même Refigion , furent diftribuez dans les Enquêtes. Mais afin
d'ôter aux Reformez la crainte qu'ils pouvoient avoir que lajufti-
ce ne leur fût mal rendue , on leur permit de choifir les Juges Ca-
tholiques qui dévoient entrer dans cette Chambre. On luy laiflâ
même le nom de Chambre de l'Edit , afin que le nom même fit
fouvenir ceux qui la compolbient , qu'ils étoicnt les gardiens & les
exécuteurs de l'Edit 5 qui devoit particulièrement leur fervir de
loy dans Tadminiftration de la Juftice. La chofe fe fit comme elle
avoit été arrêtée 5 & les Commiflaires que le Roy nomma formè-
rent la Chambre , fur la lifte des Catholiques paifibles que les Re-
formez prefenterent. Néanmoins les Reformez y perdirent une
Charge de Subftit-ut du Procureur General au Parlement deParisj
qui leur avoit été promife j & qu'on ne leur jugea plus neceflaire,
après le changement apporté à l'établiffement de la Chambre.
Le Clergé donna dans cette occaflonune marque defon entête-
ment
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VI. 27/
ment, dans les chofcs même où il a peu d'intérêt. II avoit de- 1599,
mandé d'abord qu'on exemrât les Ecclefiaftiques delajurifdidtion Eméte.
de la Chambre qui devait être drefTée, &1II avoit obtenu: maiSc/^7/'*
quand même on eut pris la refblurion d'en changer la forme, & '^ '
de n'y laifTcr entrer qu'un Reformé , il ne voulut jamais renoncer
à l'exemption qu'on luy avoit accordée. En quoy il faifoit paroi-
tre un peu trop évidemment, que dans les affaires qu'il pouvoit
avoir avec les Reformez, il craignoit d'avoir desjuges qui ne fuf^
fent pas à fa dévotion. Toute la différence qu'il y avoit entre
cette nouvelle Chambre &: celles des Enquêtes , confiftoit en ce
qu'il ne devoit entrer dans l'une que des J uges d'un caradlere pai-
fible, & d'un e(prit modéré > au lieu que le même choix ne s'ob-
fèrvoit pas dans les autres. Les Reformez donc n'ayant dans les
unes ni dans les autres qu'une feule voix , il n'y avoit rien qui pût
faire préférer par le Clergé une Chambre à l'autre, que ce qu'il
s'afluroit de trouver plus de faveur dans celles pu il entroit des Ca-
tholiques bigots & emportez, que dans celle où on ne diftribuoit
que les plus modeftes & les plus fages.
Au reffe on en ufa de même pour régler à Rouen la Religion & chnmire
lajuftice, quand on eut trouvé bon d'y créer une nouvelle Cham-'f^^^'^f'
bre, fur le pied de celle de Paris. On mit l'exercice de laReli-'*
gion à trois quarts de lieuë de la ville i & on y drefîà la Chambre
fiir le rôlle prefênté par les Reformez aux Commilîàires. On créa
dans ceJParlement trois Charges de Confeillers , qui furent diftri-
buez dans les Chambres comme à Paris. Cette manière de for-
mer les Chambres de 4'Edit a duré plufieurs années : & depuis l'é-
tablifîement des Députez généraux , ceux qui avoient cet employ
confcroient tous les ans avec le Chancelier, le premier Prefident
& les Gens du Roy, pour choifir les juges Catholiques les plus
équitables. Pendant que cela fut obiervé, les Chambres de TE-
dit rendirent une juftice fort régulière: & parce que leur jurifdic-
tion étoit plus belle &: plus profitable que celle des autres Cham-
bres , tous les Catholiques affederent d'être équitables & modé-
rez , pour n'être pas exclus d'y iervir comme les autres. Mais les
affaires des Reformez allant en décadence fous Louis XIII. ces
Chambres ne fe formèrent plus que par des brigues (Se des cabales,
où les plus honnêtes gens n'avoient pas toujours le meilleur Çuccés -,
& à la fin tous y furent reçus fans diftinclion & fans choix : de ibr-
Mm 2 te
2/8 HISTOIRE
1599. te que les Reformez n*y trouvoient pas plus de juftice qu*ail-
leur.s.
Chambre La Cliambrc Mipartie deGu3^enne fut formée furie modèle de
n?'!^ <^^^^^ ^^ Cadres. Il fe tint en 1600. un Aflemblée Provinciale à
Guyenne. Sainte Foy 5 où on nomma neuf perfonnes pour remplir les Char-
ges qu*on devoit créer pour les Reformez: & on fit jurer à tous
ceux qui furent pourvus de ces Offices , que quand ils voudroient
5*en défaire , ils les refigneroient gratuitement à ceux que les Egîilès
auroient nommez, fie fans en tirer de compofition à leur profit.
Cela fut renouvelle quelques années après, dans une Aflemblée
générale tenue au même lieu ; mais avec permilîion de compolcr
pour les frais qu'il auroit fallu faire pour obtenir des proviiions.
De forte qu'il futaiféfousce prétexte de faire fraude à l'inflitution
de rAfTembléc. Mais en fuite après l'établifîèment de la Paulette,
ces Charges devinrent vénales & héréditaires comme les autres.
Au refîe , on obligea tous ceux qui prirent ces Charges à jurer
l'Union de Mantes, & à figner leur ferment : & il fut ordonné que
ce ferment feroit prêté par ceux qui auroient la nomination des
Eglifes, dans leConfiftoire même de l'Eglifc particulière dont ils
ctoient membres.
verifcn. L'Edit donc fut enfin vérifié avec tous ces changcmcns , & plu-
S;V; ficurs autres de moindre importance , que je rapporterai en par-
lant des plaintes que les Reformez en firent. L'enregîtrement en
fut fait le 2 f. de Février 5 jour qui fe rencontra cette année avec la
folennité que les Catholiques appellent des Cendres. II pafîà dans
les autres Parlemens à peu près de même. Néanmoins il y en eut
où on ne Tenregîtra que fous de certaines modifications , que tou-
te l'autorité du Roy ne put faire lever : de forte que pendant fà
vie on ne put y apporter de remède. Les articles particuliers
adrefîèz aux Parlemens , furent vérifiez en quelques-uns , & ne le
furent pas en d'autres : & cette inégalité a donné lieu depuis à de
grandes injullices , parce qu'on s'efl prévalu de ce qu'ils n'avoient
pas été reçus en de certaines Cours, comme fi cela eût prouvé
qu'ils ne l'avoient été nulle part.
Jufques icy les affaires de l'Edit n*avoient pas fait de bruit à
Rome. A la vérité le Pape s'étoit plaint au Cardinal de Joyeufe , &
au Duc de Luxembourg, vers la fin de l'année précédente, que
ie Roy voulût donner un nouvel Edit aux Hérétiques : mais il
ravoit
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VI. i/p
î'avoit fait àfTez froidement} & il s'éroit contenté de dire qu'il au- 1509.
roit été plus avantageux au Roy dedans & dehors le Royaume,
d'en ufer d'une autre manière. Il avoit renouvelle cette année la
même plainte au Cardin^il fur le même ton , avant que la nouvelle
de la vérification de l'Editcût été portée à Rome: àquoyil avoit
ajouté des plaintes de ce qu'on avoit paffé outre au mariage de
Madame, fans attendre fa Difpenfe. On ne peut pas dire que ce
fut rignorance du contenu de l'Edit, qui faifoit parler le Pape fî
doucement} puis que le Légat & le Nonce, fans parler de mille
autres efpions qu'il avoit à la Cour, n'avoientpas manqué de luy
en donner de bonnes inftrud:ions : ce qu'ils avoient pu fort aifé-
ment, puis qu'ils avoient été mêlez fort avant dans la négociation
de cette affaire. Mais il n'éroit pas encore tems de faire du bruit ,
comme je l'ay remarqué ailleurs. Il falut attendre que la chofe fût
mife en tel état, que tout le bruit qu'on en feroit ne tirât plus à
confequence. Alors le Pape changea de ton y &: on ne fauroit croi- ^prhu^
rc l'éclat qu'il fit d'une chofe qu'il avoit difîimulée trois ans durant. |7f r,'^
Il ell vray que ce feu fut bien- tôt éteint, & qu'après la première de'^gra».
fois il n'en parla plus, ou du moins il revint à fa première froideur. ''"^^'»'«-
La raifondu bruit qu'il en fit, fiit qu'il faloit fermer la bouche ^ux/erinTu
Efpagnols , qui luy rompoient la tête par des reproches continuels } ^''*'^''
& qui pour fe vanger de l'abfolution qu'il avoit donnée au Roy mal- ""p^^Jf',
gré eux, luy fàifoient un crime de toutes les adions de ce Prince
qui ne leur agréoient pas. Comme leurs principales accufations
rouloient fur fa Religion , qu'ils vouloient rendre fufpede , ils
n'oublièrent pas à crier bien haut contre l'Edit, qui venoit d'être
vérifié , comme un témoignage de l'inclination qu'il avoit à favo-
rifer les Reformez , au préjudice même, & malgré Toppoiltion des
Catholiques.. Le Pape ne pouvoit faire moins , afin de ne pafîèr
pas luy-même pour fauteur des Hérétiques^ que de crier comme
eux , & de témoigner beaucoup de refientiment d^une chofe , qu'il
fa voit bien il y avoit long- tems qu'on ne pouvoit empêcher. Il
envoya donc ordre le 27. de Mars au Cardinal dejoyeufe, & à
d'Offat qu'il avoit élevé depuis peu de jours à la même dignité,
de le rendre à fon audience > & en leur parlant il n'oublia rien de
tout ce qui pouvoit faire croire qu'il étoit fâché.
Il prévint d'abord ce qu'on auroit pu luy dire, qu'il avoit cuoc-
cafion de faire entendre fon fentimcnt fur cette matière > avant que
la
28o H I s T O I R^E
I jcfC). la chofe fût arrêtée j & il dit qu'il avoit cru qu'on ne donnoit cet
Edit que pour contenter les Huguenots en apparence j & que l'op-
pofltion du Clergé & des Parlemens feroit plaifir au Roy : mais que
révenement luy avoit fait voir le contraire. Que cet Edit , le plus
maudit qu'on fe pouvoit imaginer , permettoit la liberté deconfcien-
ce à tout chacun , ce qui étoit , félon luy , la pire chofe du mondcj
l'exercice par tout > l'entrée des Hérétiques dans les Charges des
Parlemens , & dans tous les autres honneurs & dignitez , pour nui-
re à la Religion Catholique , & avancer Vherejie. Que le Roy avoit
fait cet Edit en pleine paix dedans & dehors^ de façon qu'Une pou-
voit dire qu'il y eût été forcé. Sur quoy il comparoit fa conduite
avec celle des autres Rois , qui n'avoient donné de tels Edits , que
quand il y avoit des armées en campagne pour les contraindre 5 que
néanmoins ayant toujours été Catholiques , ils étoient exemts du.
foupçon de pancher vers les Hérétiques. Que le Roy avoit montré
beaucoup d'ardeur & de véhémence pour faire pafîer l'Edit > qu'il
avoit contraint le Clergé & le Parlement qui s'y oppofoient -, qu'il
avoit témoigné de l'indignation contre l'Archevêque de Tours ,
qui avoit fait prier Dieu dans fon Diocefe qu'il infpirât le Roy,
& que l'Edit ne paflat point. Que le Roy agifîbit bien plus foible-
ment pour les Catholiques, & faifoit paroitre plus de crainte &
plus d'eftime pour les autres. Qu'il parloit avec autorité aux Par-
lemens pour faire paiïèr l'Edit \ mais qu'il n'avoit jamais dit un mot
pour les obliger à publier le Concile de Trente. En fuite il vint à
des paroles plus aigres. Il reprocha au Roy fa parole & fes fermens,
faits pour obtenir l'abfolution qu'il luy avoit donnée. Il menaça
de venir à des ades contraires, s'il étoit belbinj & il témoigna
qu'il prenoit cet Edit fait en fon nez pour un affront , qu'il n'efti-
moit pas moins injurieux pour luy , que fi on luy avoit fait une ba-
laffre au 'vifage. Mais enfin de peur que les Cardinaux ne com-
priflent point pourquoy il parloit fi haut, il leur marqua nette-
ment l'intérêt qu'il y avoit i il leur dit que cela luy faifoit tort, &
luy rompoit fes mefures dans les affaires qu'il avoit avec les Efpa-
gnols, pour de certaines entreprifes de Jurifdiclion à Naples &à
Milan : & que quand il vouloit fe plaindre de ces attentats , ils luy
reprochoient qu'il fe prenoit à eux pour peu de chofe -, mais qu'il
ibufïroit fans rien dire des Edits qui tendoient à ruiner la Religion
Catholique: c'eft pourquoy il étoit obligé, difoit-il, d'entemoi?
gner
* I
DE L'EDIT DE NANTES/Liv. VI. 2S1
gner du reflèndmenc. Après cela il finit fon difcours avec moins 1^99.
d'émotion qu'il n'en avoit fait paroître d'abord, difant aux deux
Cardinaux qu'il n'avoit rien voulu faire (ans les entendre , & qu'il
leur demandoitconlèil. Ceux qui connoiflènt un peu la Cour de
Rome , entendent bien que cela veut dire , que tout l'éclat de ces
plaintes n'avoit pour but que de fermer la bouche aux Efpagnols ,
quand ils reprocheroient au Pape la bonne intelligence où il étoit
avec le Roy > & que tout l'emportement de ce difcours étoit plu-
tôt un effet de prudence que de colère.
Mais comme il n'étoit pas moins neceflâire qu'il parût que les
François avoientpris ces plaintes ferieufèraent, qu'il étoit à-pro-
pos qu'on crût que le Pape les avoit faites tout de bon, les Cardinaux
en écrivirent au Roy d'une manière qui pouvoit fervir à cette
fin; &0Ù ils parloientdu mécontentement du Pape en des termes
quipouvoient contenter les Efpagnols. Néanmoins ils rendoient
compte des raiforts qu'ils avoient dites au Pape pour l'appaifer j &
elles étoient fi bonnes & li dccifîves , qu'il n'y a pas d'apparence
que le Pape, qui étoit fort habile homme, n'en eût pas bien com-
pris la fblidité. Mais cela étoit écrit avec tant de circonfpeélion ,
que 11 les Efpagnols avoient voulu murmurer contre la conduite
de ce Pontife, il n'auroit falu que leur lire cette lettre pour faire
fbn apologie. Ainfi les mêmes raifbns juftifioientenmême tems le
Pape &z\c Roy, dont l'un n'avoit pu juflement porter fesplain-
tes plus loin, &dont l'autre n'avoit fait que ce que le bien public
l'avoit obligé de faire. Ils difbient donc qu'ils avoient commencé à Repo»res
repondre au Pape en luy témoignant qu'ils entroient dans fa douleur^''^^ car.
qu'ils avoient prefuppofé que de tels Edits étant une chofe mauvaife j'/j"'"^
en elle-même, le Roy n'avoit donné celuy-cy qu'à regret , ayant trop /e é»
d'intérêt à éteindre cette faction , qu'ils regardoient comme prc- '^'9/7^'-
judiciable à f on autorité, pour la fomenter : qu'en fuite ils luy
avoient remontré que cet Edit n'étoit pas nouveau ; mais un re-
nouvellement de ccluy de 1 577. le plus tolerablc de tous ceux qui
avoient été donnez depuis 37. ans en faveur des Reformez : que
les Traittez faits avec les Chefs & les villes de la Ligue avoient fait
plulîeurs brèches à celuy-là -, & queceux de contraire Religion ayant
été fur le point de prendre les armes, & de faire une nouvelle
guerre, il avoit falu refaire l'Edit, & le remplir de quelques cho-
ies nouvelles , au lieu de celles qui leur avoient été ôtées par ces
Towe I. Nn ac-
282 H I S T "O^nril^^E
_ accords: que le Pape croyoit qu'il y avoit dans cet Edit des cho-
Tes qui n'y étoient point, comme entre autres la permilîlon de
prêcher par tout le Royaume > ce qui n'étoit point , & n'avoit
jamais été , & ne feroit jamais -, puis que tous les Edits prece-
densle defendoienti ôcqueleTraitté particulier de la ville de Pa-
ris y étoit contraire : que ce qui étoit en effet contenu dans TEdit,
étoit eftimé par le Pape plus grand , & de plus grande confequen-
ce qu'il n'étoit j comme par exemple la déclaration que les Héréti-
ques étoient capables des honneurs &dignitez -, ce qu'ils difoient
qui avoit été dans les Edits preccdens, fans que les Hérétiques
euflent été exaltez aux premières dignitez du Royaume, parce
qu'être déclaré capable d'une dignité n'étoit pas la poflèder j les
Charges n'étant données en France que comme ilplaifoitau Roy.
De là ils paflbient à expliquer ce que c'étoit que les Chambres de
l'Edit ou Miparties -, & le peu de préjudice que les Confeillcrs de la
Religion Reformée pou voient faire à la Religion Catholique dans
les Parlemens , à caufe de leur petit nombre. Ils ajoûtoient que
la paix étoit plus neceffaire , & feroit plus utile au Clergé qu'à nulle
autre partie du Royaume i que la Religion Catholique y.trouveroit
aufîi de grands avantages -, qu'elle feroit remife dans toutes les vil-
les oii les Reformez étoient les plus forts , & d'où elle étoit ban-
nie il y avoit fort long-tems : que les Ecclefiaftiques rentreroient
dans la jouiïTance de tous leurs biens : que même le Roy , guerif-
fant par le moyen de l'Edit les foupçons des Reformez, ilôteroit
^ aux Seigneurs de ce party le moyen d'entretenir leurfadion, qui
fervoit à maintenir Iherefie -, qu'étant privée de ce foutien , elle fe-
roit plus aifée à détruire, parle foin que le Roy prendroit de bien
conférer les Evêchez, & de travailler à la converfion des princi-
paux Seigneurs -, qu'il ne faloit pas imputer l'Edit à l'intention du
Roy, dont le Pontife devoit être afliîréj maisàlanece(rité& au
temsj ce qu'ils appuy oient des exemples des autres Pnnces, qui
en avoient fait autant en pareil cas j & parce qu'ils favoient bien
que cela feroit bien reçu à Rome, ils reprefentoient le Roy com-
me perfuadé que fon autorité ne feroit jamais bien affûrée, tant
que cette faârion feroit dans le Royaume : d'oii ils concluoicnt qu'il
la diminueroit tant qu'il pourroit -, mais que cela nefe pouvoit fai-
re qu'avec le tems, en biaifant & en gauchi (fant , difoient- ils ,
comme un Pilote qui ne laifTepas de tendre à fon but, quoy qu'il
n'y
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VI. 28?
n'y puifîè pas toujours aller droit. Pour montrer en fuite que l'E- j ^po,
dit n'avoit pas été fait en pleine paix , ils remontoient jufqu'à la
fùrprife d'Amiens -, & difoient qu'alors le Roy avoit été obligé d'ac-
corder l'Edit , pour empêcher les Reformez de prendre les armes :
que bien qu'ils ne les euflènt pas encore prifes, il ne laiflbitpas d'y
avoir une fuffifante contrainte , parce qu'il y avoit une jufte crainte
de les voir reprendre 5 comme il leur étoit toujours arrivé, quand
ils avoient (bupçonné qu'on vouloit révoquer lesTraittez faits avec
eux -, que la guerre auroit été plus pernicieufe aux Catholiques
qu'aux autres, comme il avoit paru par expérience j Xta Huguenots
étant refolus & rufez -, étant maîtres de beaucoup de Places for-
tes -, pouvant tirer du fecours des étrangers , Se être fuivis au dedans
même de plufieurs Catholiques mal-contens , ou mal-vivans, &
prévenus de divers crimes , qui étoient les premiers à piller \ts
Prêtres , les Eglifes & les Monafteres -, ^ue les oppofitions du
Clergé , & les délais des Parlemens étoient des façons qui s'étoient
toujours faites , pour montrer que le Clergé n'y confentoit pas ,
& que les Parlemens n'y entendoient pas de leur bon gré j quoy
que les uns & les autres fufîent bien qu'il faudroit enfin en pafler
parla: que le Roy ne les avoit ni contraints, ni menacez 3 mais
qu'au contraire il avoit reçu benignement la requêté du Cler-
gé, & les remontrances du Parlement 3 & modifié beaucoup de
chofes en confequence -, à cette occafion, ils s'infcrivoient en
faux contre un écrit qui avoit paru à Rome , fous le nom de Repon- .
fedtiRoycifon^arlement. Ils parloient en fuite de la différence
qu'il y avoit entre l'Edit de Nantes & le Concile de Trente 3 qu'ils
pretendoient telle qu'on ne pouvoit comparer l'un avec l'autre j
ce qu'ils expliquoient afîez au long. Le reflenecontenoitquedes
jultificationsdu Pape, contre ceux qui voudroient blâmer fa con-
duite 3 à quoy ils ajoûtoient, comme pour luy donner le confeil
qu'il leur avoit demandé , qu'il ne devoit pas témoigner de refîcn-
timent au Roy , ni luy faire de menaces.
Le Pape , qui n'étoit pas fi fâché qu'il vouloit le faire paroître , ^^^^^.
comme on peut le recueillir de toutes les remarques quej'ay déjà wc^/t't-j
faites , fut demi appaife par ces reponfes. De force que fon refîen- j"^^'"
timent n'éclata qu'à Rome , où la Politique vouloit qu'il donnât
quelques marques de chagrin , de voir /'iî/ér^^ en France à couvert
de la perfecution & des Inquifiteurs. Il revenoit feulement de
N n 2 tems
284 HISTOIRE
. I5P5>- tenisen temsau Concile, dont il eût bien voulu que le Roy eût
fait faire la publication malgré les Parlemcns , comme il avoitfait
faire celle de l'Edit. Le Cardinal Aldobrandin , que les deux au-
tres allèrent voir en quittant le Pape, prit les chofes en meilleure
part : mais il revint auflî à propofer la publication du Concile , com-
me la plus grande confblation que le Pape pou voit recevoir : à quoy
il ajoûtaleretabliffcmentdcla Religion Catholique danslcBearn.
D'Oflat écrivit feul à Villeroi quelques jours après , & raflura
que routes les colères du Pape fèroient appaifées, fi on publioit le
Concile > &: que cela contenteroit tous les Catholiques de la Cour
de Rome > qui s*étoient mal-à-propos fcandalifez de TEdit. Ce
qui fait voir qu'on y auroit encore approuvé que le Roy eût ac-
Gordé de plus grandes grâces aux Hérétiques , fi on avoit auflî ac*
cordé au Pape par forme de compenfation quelque avantage confi-
derable. Au refte ces Cardinaux fe plaignoient , que le Roy ne
leur avoit pas fait donner avis de ce qu'ils dévoient dire à Rome fiir
le fujet de TEdit^ à caufede quoy ils avoient été réduits à repon-
dre au Pape ce qui leur étoit venu danslapenfée. Par où on voit
aifément qu'il ne faut pas chercher dans leurs reponfès > quelles
ctoient les raifons & les intentions du Roy en donnant l'Edit, puis
qu'il ne les en avoit pas informez : mais qu'ils avoient d'eux-mêmes
formé leur réplique, en forte qu'elle pût plaire à Rome, &fervir
d'excufeau Pape contre les reproches des Efpagnols. Une même
affaire efl fouvent reprefenteé diverfement -, & attribuée à divers-
motifs par les Minifires des Princes , pour l'accommoder au goût &
aux intérêts des diverfes Cours, où ils font obligez d'en rendre comp-
te. De forte que ni les difcours de ces Miniftres > ni fouvent mê-
me leurs inftruJtions ne (ont pas d'un grand fecours , pour décou-
vrir les intentions de leurs maîtres. Le Roy, qui ne trouvoit pas
les chofes difpofées dans fon Royaume à la publication du Conci-
le ^ voulut au moins contenter le Pape fur le fécond article de con-
jg^;^ folation que le Cardinal Aldobrandin avoit propofé. Il donna
fourî» donc à Fontainebleau un Edit pour le Bearn , qui fai/bit pour
fauté de ^^5 Catholiques de cette Principauté, ce que l'Edit de Nantes fai-
M€»r»i fbit pour les Reformez dans tout le Royaume. Il y retabliflbit
deux Evêques > un à Lefcar , & l'autre à Qîeron -, & il promet-
toit à l'un trois mille, & à l'autre dixhuit cens livres depenfion>.
dont il fe chargeoit.. 11 retabliflbit la Méfiée en douze lieux , &
dans '
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VI. 285
dans tous ceux qui font de patronage laïque, le patron étant Ca- 15^57,
tholique, pourveu qu'il n'y eût point d'Eglife Reformée qui y fût
recueillie. Il admettoit les Catholiques aux Charges comme ie^
autres j à condition qu'ils ne pourroient excçderle nombre des Re-
formez. 11 confirmoit par le même Edit tous les reglemens Eccle-
(îaftiques , dreflez par luy ou par {es predeceflèurs , à quoy il dc«la-
roit qu'il ne vouloit pas déroger par fon Edit, & il luy donnoit,
comme à celuy de Nantes , le titre de perpétuel & irrévocable.
Les Etats du païs avoient refufé d'obéir à un Edit que Henri, ©«/^^
n'étant encore que Roy de Navarre, avoit donné à Paris , après '■^'^'*-
le maflàcre de 1572. parce qu'ils difoient que leur Prince n'etoit
pas libre, & qu'on luy avoit extorqué cet Edit parla terreur de la
mort. Mais ils ne s'oppoferent point à celuy- cy : & ne murmu-
rèrent pas même de ce qu'on l'avoit exécuté fans demander leur
confentement : quoy que cette entreprife fat formellement con-
traire à leurs privilèges. Mais deux chofes les obligèrent à fe con-
tenter de ce changement. L'une fut que les Catholiques , qui ne
demandoient qu'à fe remettre en pofleflion de leur exercice pu-
blic, promettoient ce queletcms fit voir qu'ils n'avoient pas envie
de tenir , qu'ails ne feroient plus de nouvelles demandes , li on con-
ientoit qu'ils eu fient l'exercice de leur Religion. L'autre fut que
les Eglifes avoient craint plus de mal qu'on ne leur en faifoit j puis
qu'on ne leur ôtoit rien pour le donner aux autres > & qu'on leur
laiflbit leurs reglemens & leurs privilèges. De forte qu'elles prirent
un petit mal pour une faveur, à caufe qu'elles avoient eu peur d'un
plus grand : & que fâchant combien le Pape prefîbitpourlereta-
bliflement de fon autorité dans cette Province, elles s'en croyoient
quittes à bon marché par le tempérament que le Roy avoit pris ,
pour contenter tout le monde.
Mais dans le refle du Royaume les Reformez n'ctoient pas
contens j & l'Aflemblée qui étoit demeurée en abrégé à Chà-
telleraud, en attendant la vérification de l'Edit, avoit travaillé
avec une grande force à empêcher les changemens que la Cour
avoit voulu faire à ce qu'on avoit fîgné à Nantes : de forte qu'il fallut
bien de la peine pour le faire recevoir avec un confentement gêne-
rai. Il arriva donc que l'Afiemblée drefîà d'amples Mémoires de ces P^^!"fes
changemens , dont elle forma des Cahiers , qu'elle envoya au Roy //mens""
pour en demander juflice. Elle y marquoit les altérations qui fffsÂ.
N n 3. avoient
l'EJit.
286 HISTOIRE
i^pp. avoient été faites dans une douzaine d'articles, oii on avoitôté,
ajouté, changé divers mots^ & même des claufes 8>c des difpofi-
tions entières. Il y avoitplufieurs de ces changemens qui paroif^
fbient trop légers pour s'y arrêter. Neanmoms l'événement a
montré qu'ils étoientplus importans qu'il ne fembloit , puis qu'on
s'en eftfervi de nos jours comme d'un prétexte de plufieursinjur-
tices fort confiderables. On remarquoit donc un mot équivoque
dans la dernière ligne du troifiéme article de l'Edit , où le mot de
maifons des Eccleliaftiques , dans lefquelles il étoit défendu de faire
l'exercice de la Religion Reformée , pouvoit donner lieu de com-
prendre dans la defenfe leurs iiefs & leurs Seigneuries. On fe
plaignoit qu'on eût ajouté au neuvième article les mots,/?^r eux
établi , de peur que ce ne fût une occafion de chicane fur l'explica-
tion du droit d'exercice qui y étoit accordé. On trouvoit fâcheu-
fesles deux claufes employées dans l'article onzième , qui excep-
toient des lieux où le fécond lieu de Bailliage pourroit être donné,
les villes où il y avoit Evêché ou Archevêché , & les Seigneuries Ec-
clefiaftiques. On fe plaignoit qu'on eût rayé de l'article dixhui-
tiéme laclaufe qui defendoit de rebatifer les enfans, quiauroient
été batifez par les Minières. La manière dont l'article vingtiè-
me defendoit de travailler , même à maifon fermée , & permettoit
d'informer des contraventions , faifoit aulTi un fujet de plainte. On
demandoit encore que les mots,qui portoient defenfes d'inferer dans
les lettres d'Office la claufe de Religion Catholique Apoftolique
&■ Romaine, qu'on avoit ôtez du 27. article , y fuflént remis.
On parloit fortement du changement fait à l'article trentième, tou-
chant \ç,s fix Confeillers delà Religion & la Chambre de l'Edit,
& on demandoit que l'article fût exécuté comme il avoit été ac-
cordé à Nantes On pretendoit quelapromelîedecréerunSub-
ftitutdu Procureur gênerai au Parlement de Paris, n'avoitpasdû
être retranchée à l'article trentc-feptième. On rcgardoit commue
dérogeant à la jurifdicfion des Chambres de l'Edit, la partie de
l'article trente-quatrième qui defendoit d'y porter les affaires qui
concernoient les matières beneficiales : & qui leur otoit aufîi la
connoiflance des procès criminels, où les Ecclefiaftiques feroient
défendeurs. On fe plaignoit que les Chambres n'avoient pas été
établies dans les fix mois, comme il étoit ordonné par lequaran-
te-troifiéme article. Les mots qu'on avoit ajoutez au trente-cin-
quié-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VI. 287
quiéme article des particuliers, pour obliger les Reformez à n'aP i^pp.
fembler leurs Synodes qu'avec permiflion du Roy , étoient rele-
vez aufli 5 comme pouvant avoir de mauvailes confequences s
(bit pour les frais qu'il faudroit faire , pour obtenir la permiflion -,
fbit pour le danger que ladifcipline ne pût être exercée, file Roy
la refufoit. On difoit enfin que par le changement fait à l'article
quarante-fixiéme *, on avoit ôté aux Reformez tout ce qu'il y *^^^
avoit eu auparavant de favorable pour l'enterrement de leurs morts.
Pour entendre la raifon qu'ils avoientdefè plaindre fur cet article, yfrtkU
il faut favoir qu'il avoit d'abord été couché en ces termes ^ En cas '['^^Hf'
que les Officiers de S. M. ne pourvoyent de lieux commodes pour les
fepultiires de ceux de ladite Religion -i dans le tems porté par l'E-
dita après leur requijït ion j & qu'il f oit ufe de longueur ô" de remi-
fe pour ce regard y fera loifible à ceux de ladite Religion d'enterrer
les morts dans les cimetières des Catholiques , aux villes c^ lieux
ou ils foîiten poffejjtonde ce faire y jufques à ce qu'il y foit pourvu.
Le Clergé ne put fouffrir cet article 3 & il le fit reformer , en forte
qu'il n'y demeuroit pas un mot de ce qu'il avoit contenu : & au lieu
qu'il avoit été couché en des termes qui regardoient l'avenir , &
qui mettoient les Catholiques dans une ablblué neceflicé , ou de
donner un lieu commode aux Reformez pour leur fupulture, ou
de permettre qu'ils enterraflent leurs morts dans les anciens cime-
tières, au lieu de cela, dis-je, ils le firent mettre en des termes
qui ne regardoient que le pafTé : ces nouveaux termes portent ,
que '^ourles enterremens de ceux de lad. Religion faits par cy -de-
vant aux cimetières des Catholiques , en quelque lieu ou ville que
ce foit -i n'entend S adite Majefte qr' il en foit fait aucune recherche^
innovation ou pour fuite -^ & fera enjoint à f es- Officiers d'y tenir la
main. Celaôtoit aux Reformez le droit de faire à l'avenir leurs
enterremens dans les mêmes lieux , & n'aflujettiflbit plus les Ca-
tholiques à leur en délivrer d'autres. C'cft pourquoy , depuis
qu'on eut commencé à traitter l'affaire des iepultures félon cet ar-
ticle reformé, il y a toujours eu des vexations &: des chicanes /iir
cette matière , qui n'ont proprement été terminées que par la
revocation de l'Edit.
L'A.nèmblée dreila encore un Cahier de quelques plaintes par- p/^/;,,;,
ticulieres, qu'elle n'avoit pas voulu mêler aux générales. La pre- /'^'''^«-
miere regardoit une affaire que le Parlement de Thouloufe avoit "'^"'
faite
288 HISTOIRE
I foo. faite à la Chambre de Caftres. Le Prefident de Paule avoit été
envoyé du Parlement, avec les Confeillers Catholiques qui de-
Tréfean- voiciit Gompofer la Chambre. Ce Prefident , quoy que plus
cepreten. jç,j|ie ^ voulut avoir la préfeance fur Canaye Prefident Reformé :
UiOji- ce qui luy avant été contefté à Cadres, ils*en retourna à Thou-
citrica. loufe, ou il fie rendre un Arrêt en fa faveur toutes les Chambres af-
^/« 'cim- femblées. Les Reformez ne voulant pas y déférer s'en plaigni-
fifoient Y^nt au Rov, comme d'une contravention au droit commun, qui
cLw- adjuge la préfeance, entre les perfonnes d'égale dignité, au premier
ères Mi- pourvû. D'aillcurs cette entreprife étoit contraire au 36. article
/ur\'// des généraux de l'Edit, & au 48. des particuliers, dont l'un ordon-
Refor. noit quc les Prefidens & les Confeillers des Chambres feroient te-
*"^^ nus membres du Parlement où elles étoient établies > & l'autre que
le plus ancien Prefident auroit la préfeance. Le Parlement au
contraire pretendoit que les Prefidens tirez de fon Corps dcvoient
avoir la préfeance, quoy que plus jeunes, fur ceux de la Chambre,
quoy que plus anciens : & cett€ prétention tiroit à confequencc
pour le rang des Confeillers j qui avoientles mêmes intérêts, &les
mêmes railbnsque les Prefidens. Ilsdifoientdoncquela Chambre
n'étant pas incorporée au Parlement, fes Officiers dévoient céder en
toutes chofes le pas à ceux qui étoient membres du Parlement -, d'au-
tant plus queceluydeThouloufeefi:un des plus anciens du Royau-
me: que l'exemple de la Chambre de Dauphiné, où la préfeance
appartenoit au plus âgé, ne faifoit rien pour la Chambre de Cal-
très j parce que celle de Dauphiné éroit incorporée j & que fes Of-
ficiers étoient cenfez membres du Parlement de Grenoble , où ils
avoient feance & voix dans les affaires qui fe traittoicnt les Cham-
bres affemblées. Ils ajoûtoient en chicanant fur Tordre des mors ,
que dans la création de la Chambre de Cafl:res le Roy nommoit
toujours le Prefident Catholique le premier, & le Reformé le fe-
•V cond: comme s'il avoit voulu diftinguerces deux Charges par le
rang -, & témoigner que la Charge de premier Prefident devoit être
tenue par un Catholique. Ils faifoient valoir fur ce fujet la préé-
minence & la dignité de la Religion Catholique: & n'oublioient
pas que le Prefident Reformé ne portant pas le Mortier, qu'un Pre-
fident au Parlement portoit comme la marque de fa dignité, cette
différence decidoit la qucftion-, & mettoit le Catholique dans un
degré au defiùs du Reformé , qui obligeoit ccluy-cy de céder à l'au-
tre
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VI. 289
fré'îé'^as&lapréfeance. Le même Cahier demandoit que les hofti- ifop.
Jitez commifes avant 1585. fuflent comprifes dans les Lettres d'a-
bolition accordées à la Province de Languedoc. Le troilîéme ar-
ticle regardoit l'incommodité que les Reformez foufFroient pour les
fepultures de leurs morts 5 par le refus qu'on faifoit de leur donner
des lieux convenables. Le quatrième parloit d'un fait particulier à
la ville de Pamiers, qui étoit prefque toute Reformée ; & à qui le
Parlement de Thouloufe vouloit faire payer un legs qui avoit été
fait en faveur des Jefuïtes , quoy que les Confuls fe fufîènt pourvus
à la Chambre Mipartie. Les Députez qui prefenterent ces plain- ^'»''»*-
tes étoient chargez de demander encore verbalement, que les Catho b^us}Ûr
liques ceflafîent de faire l'exercice de leur Religion , dans les Egli- /<?/«-
ks & Chapelles qui étoient enclofes dans les maifons des Refor-{!^^/^^^^
mez. Celaétoit afîèz important, parce qu'il y avoit peu de mai- *«/fr;wew
fbns confiderables où il n'y eût quelque Chapelle enfermée ; ce qui ^^''"^^^
obligeoit les Seigneurs Reformez à tenir leur maifon ouverte mal- 7e7Gen.
gré eux , pour y voir célébrer la Meflè. tiishom-.
Ces Cahiers furent repondus vers la fin du mois d'Août , mais la '"^^*
manière de les repondre fut allez particulière: &elle mérite d'être Reponfek
bien confiderée , parce qu'elle peut fervir à l'intelligence de l'Edit , ^^'^*'
& à faire connoîtrc quelles étoient les intentions du Roy touchant
fbn exécution. Il y eut quelques-uns des articles qui regardoient les
changemens faits à l'Edit , fur lefquels le Roy n'accorda rien du tout,
& ne voulut faire aucun nouveau changement. Tels étoit l'article
de la rebatifation des enfans , dont le Roy regardoit la defenfe
comme inutile , la réitération du Batême étant defapprouvée
par le Clergé même, & n'y ayant que peu d'exemples de Prêtres
qui l'eufîent pratiquée. Tel encore celuy de l'obfervation des fêtes:
celuy de la Chambre établie au Parlement de Paris 5 celuy de la
création d'une Charge de Subftitut du Procureur gênerai ; & enfin
celuy des enterremens. Tous ces articles demeurèrent dans la for-
me où on les avoit réduits , pour les faire pafler au Parlement. Il eft
vray que par une permiflion tacite , on remit l'article des enterre^
mens dans la première force. Les Commifiaires l'exécutèrent tel
qu'il avoit été arrêté à Nantes, comme je le dis ailleurs > &dans
les exemplaires même imprimez qui fc débitèrent, cet article fut
couché dans la première forme qu'on luy avoit donnée. Il fe pafia
plus de vingt ans avant qu'on y fit le moindre changement: &1I y
Tome I. O o avoit
2pô HISTOIRE
foo. avoit quelque chofc de fi équitable dans un règlement qui laiflbitle$
Catholiques maîtres de leurs cimetières , à condition feulement
d'en donner d*autres , que les Ordonnances des Commiflaires con^
formes à ces difpofitions ne faifoient murmurer perfonne. Mais
fous un autre Gouvernement tout changea de face. On voulut
perfuader que les Reformez avoient falfifié Tarticle y & que pen-
dant cette longue fuite d'années, ils avoient fait illufion au Roy,
aux Commiflaires, au Confeil, au Clergé, à tout le Royaume,
faifant paflèrpourun article de l'Edit, ce qui n'étoit qu'une faufle
&injufte prétention. LeLefteur peut juger fi cette illufion étoit
poflible. La vérité efl: que pour n'attirer point de nouvelles plain-
tes du Clergé , on laiflâ l'article dans les termes qui luy avoient plu j
mais on chargea les Commiflaires de l'exécuter félon le premier rè-
glement. Autrement je laifïè à penfer s'il efl croyable , que dans
trois ou quatre différentes deputations, les Commiflaires Catholi-
ques euflTent confpiré vingt ans durant par tout le Royaume avec
les Reformez pour tromper le monde, & pour violer leurs inftruc-
tions. Il y en eut d'autres où les Reformez obtinrent ce qu'ils de-
fîroient, comme celuy où ils demandoicnt l'explication du terme
équivoque de maifons ides Ecclefiaftiqties , qui fut levée à leur avan-
tage ; la fignification de ces termes étant réduite aux bâtim^ns def-
tinez aux perfonnes, ou au fervice Ecclefiafl:ique. De même fur
le retardement d'établir les Chambres de l'Edit , ils obtinrent un
nouvel ordre de les établir dans trois mois , à peine de l'interdic-
tion des Parlemens qui l'auroicnt reflifé. Sur d'autres articles, ils
furent renvoyez au Chancelier pour favoir les intentions du Roy >
comme fur les inconveniens qu'ils craignoient fi on les obligeoit
à prendre permiflTion du Roy pour leurs Colloques , &pour leurs
Synodes : ou bien ils furent remis aux inftrudlions des Commif-
faires , que les Reformez même avoient agréez , & félon lefquelles
l'Edit devoit être exécuté. Tel fut l'article où ils fe plaignoien't de
l'addition des mots équivoques j/^r eux étMt-^ au neuvième de
l'Edit. D'où il paroît qu'il falloit chercher l'intelligence de ce terme,
dans la manière dont les Commiflaires avoient ordonné la confir-
mation du droit fondé fur cet article, pour entendre ce qu'emportoit
cette façon de parler : au lieu que de nos jours on a voulu en tirer le
commentaire de la Difcipiine même des Reformez , comme fi on
n'eût pu dire qu'un exercice eût étàpar eux établi y fi la moindre
des
DE L'EDIT DE NANTES, Liy. VI. 291
des formalitez eût manqué d'y être obfervée. En d'autres enfin/ 1590,
outre la difpofition générale qui étoit écrite au côté de l'article
repondu , il y avoit une refèrvation fecrette , fuivant laquelle on
devoit fe gouverner pour l'exécution de la chofè : 6c ces referva-
dons étoient toutes à l'avantage des Reformez. Ainfi quoy que
le Roy laiflfât dans l'onzième article les deux clauies dont ils ie plai-
gnoient , parce , difoit-il dans fa reponfe , que le fécond lieu de
Bailliage étoit une grâce , qu'il avoit pu limiter par toutes les re-
ftridtions qu'il avoit jugé à-propos d'y ajouter : il y eut néanmoins
cette refèrvation , que 11 le iècond lieu de Bailliage étoit plus dif-
ficile à établir , en confèquence de cette exception des domaines
Eccleliaftiqucs , & par le défaut de quelque place commode dans
le domaine du Roy , on l'établiroit fur le fief de quelque Seigneur
Catholique. De même fur l'exception des caufes des Ecclelialli-
ques , dont il étoit défendu aux Chambres de prendre connoiffàn-
ce, quoy que le Roy confirmât ce privilège au Clergé , il y eut
une refèrvation , qu'on negocieroit avec les principaux du Parle-
ment, pour l'obliger à renvoyer à TEdit les caufes de cette nature,
puis qu'il n'y auroit qu'un Confeiller Reformé dans cette Cham-
bre. Mais le Clergé ne voulut jamais fè rendre fur ce lujet, de
peur qu'on ne prit pour une marque trop formelle de fon con-
fèntement à l'Edit , qu'il eût voulu reconnoicre la jurifdiftion d'u-
ne Chambre qui en portoit le nom. A l'égard du changemenr
qu'on avoit fait à l'article vingt-feptiéme , d'où on avoit ôté la de-
fenfe d'inférer dans les Lettres d'Oiîice la claufe de la Religion
Catholique Apoftolique & Romaine , on leur repondit que la de-
fenfe en avoit été faite à la Chancelerie: & ainfi on voulut faire
paflêr cette defenfe pour inutile , parce qu'elle avoit été exécutée.
Mais cette altération étoit une des plus importantes , & Louis XIIL
s'en prévalut bien , pour ôter aux Reformez la liberté d'entrer
dans les Charges. Le fait ell: que le Roy , luppofant toujours dans
fes Lettres la Religion & les bonnes mœurs de celuy qui étoit
pourvu de quelque Office , on avoit fait glifier après le mot de
Religion, ceux de Catholique, Apoflolique & Romaine, pour
exclure des emplois tous ceux qui feroient profellion d'une aurre
doélrine. Maintenant donc que l'Edit declaroit indifFeremment
les Reformez & les Catholiques capables des emplois , li etoic^,
jufle d'ôter cette marque de diflindion j & de demander Icule-
Oo 2 ment
292 HISTOIRE
1599. ment des témoignages de la Religion du pourvu, fans exprimer
quelle , puis qu'il étoit indiffèrent pour être reçu qu'il fit profeflion
de l'une ou de l'autre. Cela fut fort utile aux Reformez pendant
qu'il fut obfervé; mais leConfeil de Louis XI IL trouva meilleur
de marquer la différence des Religions , afin que le nom de préten-
due Reformée employé dans les Lettres , fervît comme d'avis aux
Juriididions où elles dévoient être prefentées, de faire naître des
difficultez fur la réception de ceux qui en étoient les porteurs.
préfeance ^^ Cahier particulier fut repondu à peu près de même. Le Roy
confervée ordonna Cuv le fujetdeîapréleance, qu'on obferveroit les articles '
au fte ^g pEdit : & il y eut une promefîè fecrette de commander au
ancien J »
:preft- Prefident de Paule de retourner à Cadres , & d'obeïr aux reglemens.
dent, Ainfi les Reformez gagnèrent leur caufe : mais pour l'honneur du
Parlement de Thouloufe on ne la jugea que fecrettemertt. L'a-
bolition des hoftilitez commifcs avant 15 85. fut accordée à la Pro-
vince de Languedoc , & promife à toutes celles qui en auroient
befoin > & même aux particuliers à qui on voudroit faire des affai-
jirticie res fous ce prétexte. L'affaire des cimetières & des fepultures fut.
des Ci- renvoyée aux Commifîaires : mais il y eut cette refervation , que
les Commifîaires feroient donner gratuitement des lieux pour la fe-
pulture des morts -, ou qu'autrement ils en feroient acheter par les
Communautez , fans que les Reformez y contribuafîent autre cho-
ie que leur part. On ordonna fur le procès de la ville de Pamiers
contre Icsjefuïtes, que les Arrêts du Confeil rendus en faveur de
la ville feroient exécutez , nonobflant tous les Arrêts contraires du
Parlement de Thouloufe. Ce qui regardoit les Eglifes & Chapel-
les renfermées dans les maifbns des Reformez , n'étant propofé
que de bouche, fut rcfolu de même. Le Roy permit que les par-
ticuliers qui y feroient interefîez fe pourvuilént devant luyj &
promit qu'on negocieroit avec le Clergé, pour faire transférer ail-
leurs , & rebâtir aux dépens des Reformez , dans les lieux dont le
choix feroit laifTé à l'Evêque , les Chapelles & les Eglifes dotées ,
dans lefquelles en attendant on continucroit le fervice Catholique.
Mais pour les lieux fans dotation , &où le fervice ne fe faifoit que
comme il plaifoit aU Seigneur propriétaire , on devoit faire con-
fentir le Clergé à les laifîer à la difcretion de ceux à qui ils appar-
tenoient. Cela paroifîbit équitable alors : mais dans ces derniè-
res années où la Jurifprudence avoit changé , le Clergé s'eil ren-
du
metteres.
DE VEDIT DE NANTES, Liv. VI. 293
du maître de tous les lieux de cette nature, fans autre prétexte que i^^cg
celuy du nom de Chapelle que ces lieux portoient , ou de quelque
figure de Croix , ou de quelque autre pareille trace du culte Ro-
main qu'on y remarquoit encore.
Mais pendant que l'Aflemblée qui tenoit ferme à Chdtelleraud
travailloit à drefler ces Cahiers , & à obtenir ces reponfes, les zê-
lez Catholiques preparoient de nouvelles rufes pour troubler la
paix : & ne trouvant pas les fages difpofèz à faire de nouvelles
brouilleries , ils voulurent y porter la populace , par les moyens
les plus propres à l'émouvoir. Marthe Broffier, fille d'un hom- Feinte
me de baiîè condition de Remorantin , ayant l'efprit & le corps at- fjp^'^
teints de quelque maladie , & joignant l'hypocrilie à l'infirmité , rL Bro/z
fe mit à faire la pofîedée. Son père confeillé par quelques bi- 1'^"
gots, ou flatté par l'efperance du profit, à caufe du concours des
peuples à de femblables fpedacles , & des aumônes qu'on donne
aux perfonnes de ce caradtere , la promena de Province en Pro-
vince , fous prétexte de luy chercher du fbulagement. L'Official
d'OrleaiîS reconnut la tromperie 5 mais l'Evêque d'Angers s'en
convainquit par un plaifant artifice. On rapporte qu'ayant feint
de luy mettre dans le dos fà croix Epifcopale , qui doit toujours
être pleine de reliques , il y fit couler adroitement la clef d'une caf^
fette , où la medilance l'accufoit de renfermer des choies qui ae
font pas peur au Démon : mais la fille trompée par la froideur de
la clef, fe mit à faire les mêmes poftures & les mêmes mouvemens
que de véritables reliques auroient dû luy caufer, félon l'opinion
des Catholiques : ce qui ayant fait fourire le Prélat , & les aiîlf-
tans qui s'en apperçurent, il ne voulut plus fe mêler d'elle. Mais
comme le peuple ne fe defabufoit pas , il falut mener à Paris la
prétendue pollèdée. La choie n'y fut pas regardée par les fages
comme une bagatelle. On y jugea que c'étoit un artifice , qui
tendoit au renouvellement des troubles. La malade ne parloir que
des Reformez & de l'Edit , & de la tolérance qu'on avoir pour
VHerej'te i & les menaces de la colère du Ciel contre ceux qui en
étoient les fauteurs, n'y écoient pas oubliées. On reconnut aifé- suite de
ment par là que cette comédie étoit l'ouvrage de quelque cabale: "^'y<>-
& on n'y traitta pas cette prétendue pofîedée comme une perlbn- ImT^'
ne qui eût befoin des remèdes Ecclefialliques s mais comme at- '^^^^^''^ ^«
teinte d'une maladie dont d'autres tâchoient d'abufer. Néanmoins rnlT'
Oo 2 le
25)4 HISTOIRE
itfpp. le party de ceux qui favorifoient la fourbe, ou par malice ou par
fuperftition , fe trouva fi grand , qu'on n'ofà pouiïèr la chofe aufli
loin qu'elle l'auroit mérité. Les Capucins , de qui la réputation
n'efl: fondée que fur l'affedation d'un extérieur mortifié , & qui
font pour la plupart ignorans & zêlez pour les menues bigotteries,
s'emparèrent les premiers de cette malheureufe, & la firent exor-
cifer 5 comme fi elle eût été une véritable poiîèdée. L'Evêque de
Paris voulut garder quelques mefijres 5 pour ne pas hafàrder l'opi-
nion de fon jugement ni de fa Religion , en prenant trop tôt party ,
& la fit vifiter par des Médecins. Un feul, nommé Duret, dont
le nom étoit célèbre dans la Faculté , fbutint qu'elle étoit pofi^-
dée. Ce fcul fuffrage eut tant de force, quoy que combattu par
trois formellement contraires , qui reconnoiffoient à peine en elle
une légère affeftion de la rate & des hypocondres j & même par
un quatrième qui ne voulut prononcer ni pour ni contre , qu'a-
près qu'une patience de trois mois auroit pu faire connoitre ce qu'il
en arriveroit : ce fèul fiifFrage , dis-jc, eut tant de force , qu'il au-
torifa les Exorciftes d'appeller d'autres Médecins , qui à, la honte
éternelle de leur profelîîon , prirent tous l'hypccrifie & les va-
peurs de cette ' malade pour une maladie furnaturelle. Il fallut
pour arrêter l'éclat que cette affaire faifoit , que le Parlement s'en
mêlât, & qu'il nommât d'office d'autres Médecins, pour exami-
ner ce qui en étoit. Ces derniers s'accordèrent tous à dire, qu'il
n'y avoir rien de furnaturel dans cette fille. Le Parlement , où il y a
îong-temsquelesfortileges & les poffefîions ont perdu leur caufe,
fuivit leur avis, &la fit mettre en prifbn, pour connoitre mieux
en quoy confiftoit ou la maladie ou rimpofi:ure. Feu après on l'é-
largit, & on la rendit à fon père , à qui on commanda de la re-
tenir dans fa maifon , & de la garder fi bien , qu'elle ne courût
plus d'une Province à l'autre comme auparavant.
Mais il ne fut pas aufii ailé d'impofer filence aux Prédicateurs ,
qui declamoient fort contre ceux quifaifoient taire cette voix qu'ils
dilbient miraculeufe , & qu'ils vouloient faire pafl^r pour une efpe-
ce d'oracle, fort propre à convaincre les Hérétiques. Le tems fit
plus que l'autorité ni les remontrances des plus fages , & peu à peu
il calma cette tempête. Mais elle penfa renaitre d'un autre côté,
d'une manière plus dangereufe. Un Abbé de St. Martin , du nom
delaRochefoucaut, frcre de i'Evêque de Clermont, 6c de la fa-
mille
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VI. 29^
mille de Randan , qui avoit été fort attachée à la Ligue, Se qui i5'pp.
avoit donné beaucoup d'affaires au Roy dans fà Province , s'em-
para de cette fille , & entreprit de faire valoir Tes impoftures. Mais
la fourbe étoit fi connue & il décriée en France, que l'Abbé fut
contraint de chercher des efprits crédules hors du Royaume. Il
crut qu'il trouveroit à Rome des protecteurs : mais il fe trompa.
D'Offet averti de la chofe prévint le Pape touchant cette affaire:
& le Pontife n'étoit pas fî fâché de la publication de l'Edit, qu'il
voulût fe fervir de ce ridicule prétexte pour appuyer (es déclama-
tions. Le pauvre Abbé fe vit abandonné de tout le monde. Les
Jefuïtes même qui ne vouloient point offenfer le Roy , avec qui
on parloit de les raccommoder, nefe mêlèrent point de cette in-
trigue i quoy que depuis leurretablifîèment, on ait vu durant plu-
fieurs années toujours quelque poflèdée à leur dévotion , qu'ils
faifoient parler félon leurs intérêts. La fille fiit enfermée dans la
maifon de quelques dévotes -, & Ion patron fut obligé d'être fage ,•
parce qu'on rompit toutes les mefures de ion projet.
Cependant on travailloit tout de bon à diiîbudre le mariage du Difiu.
Roy avec la Reine Marguerite, pour luy en procurer un autre: ^'""f'^^
&la Maîtreffe dii Roy étant morte, comme je l'ay dit, la Reine </« Rey.
fe montra moins difficile qu'elle n'avoit fait juiques-lâ. 11 falut
qu'elle preièntât Requête elle-même pour fc faire dégrader -, &
elle donna les mains à tout ce que le Roy voulut. Le plus mal-aifé
fut de trouver des prétextes qui fuiîent aflez fpecieux , pour don-
ner lieu à prononcer ladiflblutionde ce mariage. On en imagina
•neuf, qui furent produits comme fufïiians -, mais qui, pour dire
la chofe comme elle eil , avoient au fond fi peu de force , que
s'il avoit été queflion d'une peribnne privée , on n'auroit pas
voulu feulcmentles écouter. D'Oiîatmême écrivit ibuvent qu'il n'y
en avoit qu'un qui pût porter coup, &qu'à Rome on feroit peu
d'état des autres. Ceîuy qu'il eflimoit qui pourroit avoir le plus
de poids , étoit une prétendue violence que la Reine Marguerite
difoit qu'on luy avoit faite, & dont on fournit des preuves plus à
faire rire qu'à perfuader. Néanmoins il falut inftruirc foigneufc-
ment les témoins, & donner même à plufieurs leur depofition
toute prête. Le Pape vouloit bien ie prévenir luy-même > & quoy
qu'il dût être le Juge de cette affaire , il ne laillbit pas de fe ren-
xlre en quelque forte témoin de la contrainte dont la Reine fe plai-
gnoit.
2p6 HISTOIRE
^S99' g'^oit} en rapportant quelques paroles dites par Charles IX. au
Cardinal Alexandrin , dont il étoit alors domeftique. De forte
qu'en faifant connoître qu'il avoit des raifons particulières , d'ajou-
ter foy aux preuves de la violence que cette Princeflè avoit fouf-
ferte , il preparoit les efprits à ne douter pas qu'il n'ordonnât la
difîblution de ce mariage en bonne confcience. Au fond fi les pré-
textes qui parurent n'étoient pas folides , il y avoit des raifons
qu'on ne difoit pas , qui rendoient ce divorce légitime au juge-
ment même des Reformez > & il avoit falu fe contenter de ce qu'on
avoit pu trouver, de peur que fi on eût allégué de meilleures rai-
fons j la vie de la Reine n'eût été trop expofée. Chacun avoit la
vue particulière dans cette affaire , outre les raifons d'Etat & de
confcience. Les Reformez efperoient s'affermir fous un héritier
qui auroit été élevé par un Roy qui les aimoit, & qui leur étoit
obligé : Scie Pape voyoit bien quel avantage il luy reviendroit, qu'il
y eût un jour en France un Roy qui ne pourroit mettre en doute
l'autorité du Siège Romain , fans faire douter en même tems s'il
étoit légitime pofîèffeur de la Couronne.
^rrh du Je pourrois pafîèr par deffus une affaire particulière qui arriva
me'ltJe ^^"^ ^nnéc au Padement de Bretagne , fi je ne croyois qu'elle peut
Bretagne fcrvir à faire connoître la difpofition où étoient les Parlemens à
/iir le fer. l'^asird dcs Rcformcz. La Chambre qu'on devoit former à Paris
feré p^r n'étoit pas encore dreffée : c'efl: pourquoy ils ne pouvoient fe fer-
unRefor- yir du privilège d'y porter les caufes où ils avoient intérêt, dans
clthciT îe reffort du Parlement de Bretagne. Un Reformé donc y plaidant
que. contre un Catholique , fur quelque chofe qui dependoit de la bon-
ne foy, déclara qu'il s'en rapportoit au ferment du Catholique,
pourveu qu'il le prêtât fur l'Euchariftie , comme l'objet le plus ia-
cré de fa Religion. Le Catholique voulant fe défendre du ferment,
ou le prêter feulement félon les formes accoutumées , le Parlement
déclara le Reformé non recevable, parce qu'il n'avoit pas la mê-
me vénération pour le Sacrement que le Catholique. Des Cafuif-
tes plus équitables que les Juges de ce Parlement, auroient peut-
être blâmé le Reformé, d'avoir exigé que fa partie jurât par un
objet qu'il ne croy oit pas adorable : mais ils n'auroient pas difpen-
fé le Catholique de prêter un tel ferment, parce que le ferment
prêté fous un certain nom ne deshonore point l'objet qu'on y nom-
me, &: qu'il reçoit au contraire en cela une grande marque de la
vene-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VI. 1^7
vénération de celuy qui jure. Au moins l'Eglife des premiers fie- 1 5^5^,
clés avoit à peu près cette penfée. Elle auroit condamné un Chré-
tien , qui auroit exigé d'un Payen qu*il prêtât ferment au nom de fès
Dieux: mais elle auroit trouvé injuftesdes Juges qui auroient dif^
penfe le Payen de prêter un tel ferment , fous prétexte que le Chré-
tien avoit de Thorreur pour les Idoles : parce qu'en effet la Reli-
gion du ferment eft fondée j fur ce que celuy qui le prête efl tou-
jours prefumé jurer par les chofès qu'il eftime les plus aimables ou
les plus fàintes. Les Catholiques qui ont commerce aujourdhuy
avec ceux qu'ils appellent Infidèles ou Hérétiques , trouveroicnt
\i\!tr\ étrange qu'on empêchât ces peuples de jurer par ce qu'ils
croyent le plus vénérable , fous prétexte que les Catholiques n'ont
pas la même vénération pour les mêmes chofes.
Vers la fin de cette année, le Roy ajouta en faveur de la Tri- ^<*' '^'^-
mouille la dignité de Pair à celle de Duc qu'il avoit déjà > & ce Sei- ^"*^^^
gneur en prêta le ferment au commencement du mois de Décembre. p^'> *fe
Cette grâce ne fut pas tant un effet de la bienveillance du Roy , que ^''"""^
de la crainte qu'il avoit de l'elprit Ôc du courage du Duc. La Cour
étoit pleine de mecontens s mais les Ducs de Bouillon & de la Tri-
mouille n'étoient pas les moins redoutables > foit à caufe de la puil^
fance de leurs Maifons , foit à caufe du crédit qu'ils avoient chez les
Reformez. Pour empêcher donc qu'ils ne fe joigniffent à d'autres,
on tâchoit de les contenter par quelques faveurs : & la Pairie , qui
n'avoir pas encore été donnée à toute foite de gens , paflbit alors
pour un honneur qui pouvoir fatisfaire les plus ambitieux. On ne
vit pas ce Duc élevé à cette dignité fans en murmurer : mais de-
puis que le Vicomte deTurenne eut été fait Maréchal de France,
ce n'étoit plus une chofe fans exemple qu'un Hérétique ïixi élevé
aux plus confiderables honneurs. Néanmoins les Efpagnols en 1600.
firent du bruit à Rome à leur ordinaire, & le Pape en fit des plain- ^^^^^«
tts. On luy avoit fait entendre qu'avec cette qualité on devoit 'm^Z&
donner à la Trimouille la Charge d'Amiral , dont il croyoit que à'offat.
l'autorité s'étendoit jufqu'à commander dans toutes les Places ma-^'*^^^^**
ritimes. Mais d'Ofîàt l'appaifa , en luy remontrant que TEdit
étant donné, on ne pouvoit s'empêcher d'accorder quelques hon-
neurs à ceux qu*il en declaroit capables , principalement quand ils
"étoient du mérite & de la qualité du Duc j que ce titre ctoit un
^honneur fans utilité , qui ne donnoit ni plus de pouvoir, ni plus
Tom 1. f p de
298 HISTOIRE
1600, de revenu qu'on n'en avoit auparavant-, qui même engageoit à
* faire plus de depenfe, fans donner de quoy la foutenir -, qu'on
n*y avoit joint ni Charges ni Gouvernemens j qu'en faifànt de fem-
blables faveurs le Roy penfoit toujours au bien de la Religion Ca-
tholique , & râchoit à y attirer par (es bienfaits les principaux des
Hérétiques. Le Pape goûta ces raifbns , & le bruit n'alla pas loin.
n s'étoH. On étoit encore plus traittable à Rome fur le fujet de Lefdiguie-
ne peu Je j-çj ^ ^q Rôni , dont OU favoit bien que le Religion ne les porte-
cemmt foit jamais à déplaire au Pape. Il y parut quelque chagrin de eë
deRêni. que Rôni avoit la Surintendance des Finances , que le Roy luy
avoit donnée environ le tems de la conclufion de l'Edit. Mais vrai-
femblablement ce chagrin étoit infpiré par une cabale duConfèil,
dont Villeroi étoit le chef; & qui ne pouvant difîîper les Finances
à fbn gré, à caufe du farouche ménage de Rôni, eût bien voulu
faire paiTèr cet employ entre les mains d'un Courtiiàn moins fe-
vere. C'eft pourquoyd'Ofîat, créature de Villeroi , entra un peu
trop avant dans cette intrigue pour fbn profit -, & ayant écrit au
Roy des chofes qui tendoient indirectement à ôter les Finances à
Rôni, celuy-cy luy en fit porter la peine, en le reduifant prefque
à la mendicité, faute de luy payer fèspcnfions. Cela n'empêcha
pas qu'on ne vit peu de tems après Rôni devenir , fans quitter
Tadminiflration des Finances , Grand Maître de l'artillerie , Duc
& Pair, Gouverneur de la Baftillc & d'une Province , fans faire
d'oppofition à ce grand accroilîement d'un Hérétique. Il efl vray
que quand il écrivoit au Pape il le traittoit àefa Sainteté^ com-
me un Catholique auroit pu faire.
commïf' I^s difficultez de l'Edit avoient duré prefque jufques au com-
fa,irts mencement de cette année j quoy qu'on eût commencé à le faire
uurs de exécuter en plufieurs lieux , & que le Roy eût nommé deux Com-
^^f** miflaires dans chaque Province , pour le faire au contentement
Touvoir. des deux partis. L'un d'eux étoit Catholique , & l'autre étoit Re-
formé : mais le Catholique même avoit été choifi au gré des Re^
formez ; parce que c'étoit eux qu'il falloit guérir de la crainte de fc
voir ôter par les chicanes d'un Commiflaire bigot , ce qui leur étoit
accordé par l'Edit le plus folennel qu'un Roy eût jamais donné en
faveur de fes fujets. Quoy que leur pouvoir fût égal, néanmoins
pour conferver l'avantage à la Religion Catholique en toutes cho-
ies, prefque par tout le CommiiFaire Catholique avoit le pas, &
étoit
DE UEDIT DE NANTES, Liv. VI. 299
était le plus autorifé. Ils pouvoient recevoir toute forte de requêtes i ^q^^
& de plaintes touchant Texecution de l'Edit, & décider tous les
difFerens qui pouvoient naître furcefujct. Leurs Ordonnances fêr-
voient de loy , principalement dans les chofes qui n*étoient pas
contefteés , & où il intervenoit le confèntemcnt des parties : & il
n'y a pasd^exemple, que je fâche, qu'il ait falu revenir au Roy
fur une Ordonnance de cette nature. Mais quand il y avoit con-
teftation, il faloit qu'ils rendiflènt compte de leur jugement au
Roy ; &c leur Ordonnance avoit lieu feulement par provifion ,
jufqu'à ce que le Roy eût prononcé. Leur Commiilion étoit , à
proprement parler, l'Edit même explique & limité par les articles
particuliers: Scie Royreduifît verbalement leur inftru£tion à deux
chofèsi l'une de Rétablir l'exercice de la Religion Romaine par tout
où il avoit été interrompu : l'autre étoit d'atfermir la paix par tout
le Royaume, en faifant obferver l'Edit.
Jufqu'icy donc j'ay fait l'hiftoire des négociations & des Traitez
qui ont précédé l'Edit de Nantes, & qui en ont préparé la ma-
tière, & formé les articles: & j'ay raporté les principales difficul-
tez qui ont empêché long-tems ou de le conclure , ou de le véri-
fier. Déformais j'ay à parler defonobièrvation, ou des contra-
ventions qui y ont été faites jufques à nos jours. Mais comme
c'eft là en quelque forte une matière nouvelle, il me iémble que je ne
puis mieux placer qu'icy des confiderarions générales furcetEdit>
pour en faire voir la force Se la nature -, parce que le lecieur venant
de voir le récit des faits, fur lefquels je veux appuyer mes refle-
xions, & n'étant pas obligé d'aller chercher bien loin les princi-
pes d'où je tirerai mes conlëquences, il pourra plus ailément les
comprendre ,& en remarquer la vérité. Je parlerai donc de trois oiferva^
choies. Premièrement je rendrai compte brièvement des repro- *""''^£^'
ches qui écoient alors dans la bouche de la plupart des Catholi-/Kr/£.
ques contre les Reformez, & qui depuis ont été renouveliez tant '^'^•
de fois : fecondemcnt je rapporterai en peu de mots les répliques ,
dont les Reformez fo fervoient pour les repoufler. Enfin je ferai
des reflexions plus amples fur la juftice, l'utilité, l'importance de
l'Edit, pour en conclure que de Iby-même, & par fa nature il étoit
irrévocable, quand même il n'en auroit pas eu le titre : & je repondrai *
à quelques objedions , qui ont été la première occafion de toutes les
cntreprifes que le Clergé a faites pour le détruire. Je traitterai
P p 2 cet-
300 HISTOIRE
1.600. cette matière par des remarques hiftoriques, laiflantauxjurifconfùî-
tes à l'expliquer ^^ardes obfervatiôns convenables à leurs principes.
Dès le tems donc de l'Edit il y eut des difcours & des écrits pour &
contre. On attaqua les Reformez par divers reproches -, & les
Reformez fe défendirent par diverfes apologies. Les Catholiques
zêlez , qui voyoicnt avec regret un party qui leur étoit fi odieux ,
vs'établir d'une manière à ne pouvoir être ébranlé, s'en varigeoient
par des invectives j &les Reformez que TEdit mettoiten fureté ,
fè contcntoient de les repoufîer par des paroles. Mais la princi-
pale raifbn qui obligeoit les Catholiques à former ces diverfes ac-
cufations, étoit que TEdit fembloit perpétuer à leur honte le fou-
venir de la Ligue , formée entre eux pour exclure du trône leur Prin-
ce légitime , fous le prétexte de la Religion, lleftvray queTE-
dit defendoit de renouveller la mémoire des chofes paflees j mais
on lait que ces fortes de defenfes ne peuvent empêcher , que la pos-
térité nefoit informée des chofes qu'on veut abolir par cette pré-
caution. Les amnifties font fouvenir des crimes qu'elles pardon-
nent. Les traittez de paix font des monumens des guerres qu'ils
ont terminées. En un mot cesmefures qu'on prend pour étouffer
les évenemens dont la mémoire efl odi^ufe , peuvent bien empêcher
les recherches & les pourfuites qu'on en pourroit faire fans cela par
des voyes de droit ou de fait : mais bien loin d'effacer ces évene-
mens delà mémoire des hommes, elles gravent dans leur efprit un
titre qui ne leur permet jamais de les oublier. L'Edit donc , en dé-
fendant de renouveller les chofes paffées , ne laifîbit pas dëtre une
efpece de monument qui les tenoit prcfentes à la penfée. Il paroif-
ibitparl'Edit qu'il y avoit eu des hoflilitez, des haines, des vio-
lences, des ravages: & quand même les Reformez auroient ou-
blié de les reprocher aux Catholiques, qui avoient été les auteurs
de la plus grande partie de ces maux -, & l'occafion du refle par
leurs cruautcz, & parl'infradion de tant de Traitez j il fembloit
que l'Edit feul leur en faifoit un reproche d'autant plus ficheux,
qu'il étoit perpétuel. C'efl une voix qui parle toujours des in-
humanitez , des mafîacres , & des trahifons du pafîe , que celle des
loix qui défendent de les continuer.
f^^"il^ Les Catholiques donc qui commençoient à rougir des chofes
c;ithoU- paffées, & qui f avoient bien qu'elles ne pouvoient jamais s'expli-
Rglr"'' quer à leur avantage , tâchaient de trouver dans la <:onduite des
mez.
Re-
DE UEDIT DE NANTES, Liv. VI. 301
Reformez quelque chofe qui leur fût également reprochable : afin 1^00.
que par une manière de compenfarion , les uns & les autres le trou-
vafïènt également coupables ou innocens. Oeft pourquoy ils vou-
loient tourner TEdit même au deshonneur des Reformez , & en
faire contre eux un titre perpétuel d'une conduite criminelle. Ils
cherchoient des prétextes pour y fervir , dans le tems & dans la ma-
nière dont ils avoient obtenu un Edit fi favorable. Ils n'oublioienc
pas que les Reformez avoient pris l'occafion du fiege d'Amiens
pour fe faire valoir , & pour tirer du Roy , par la neceiîité de (hs af-
faires, des conditions plus avantageufes. Illeurfembloitque les
Reformez avoient perdu , par la froideur qu'ils témoignèrent en
ce tems-là, toute la gloire de leurs premiers fervices: & que cet-
te elpece de defertion étoit aufli criminelle , que tous les attentats de
la Ligue. Mais on peut voir que les Reformez fè defendoient
fort bien de cette accufation , comme je l'ay raporté en fon lieu.
On leur reprochoit auiîî que c'étoit une felonnie , que de traitter de
paix avec ion Royj que ce qu'on obtenoit par les armes, étoit un
monument éternel derebeHion,quelque avantageux qu'il parût d'ail-
leurs> qu'un Roy ne pouvoir faire la paix avec fes fujets, fans qu'il pa-
rût que les fu jets luy avoient fait la guerre: ni leur pardonner, fans
qu'il parût qu'ils avoient été criminels. Que d'abord les Reformez
s'étoient afïèmblez fans armes. Se s'étoient piquez de prier Dieu
pour ceux qu'ils appelloient perfecuteurs j bien loin de repouffer la
violence par la violence : mais qu'enfin ils avoient pris les armes pour
le faire craindre. Qi/après la première guerre , ils s'étoient conten-
tez de la foy Royale pour gage & pour caution de la paix -, mais qu'à
prefent ils avoient voulu des Places, des garnifons , des Chambres
Miparties , & cent autres furetez. On tiroit de là un nouveau repro-
che , que leur Religion avoir dégénéré en fadion ; qu'ils vouîoienc
faire un autre Etat dans l'Etat , & qu'ils afpiroient à fe fouftraire aux
loix générales , par des conceffions particulierei).
La plupart de ces obje^flions n'étoient qu'un renouvellement de
celles qui avoient paru dès le tems de Charles IX. &: qui dès lors
avoient été folidement réfutées: mais il étoit encore arrivé depuis
ee tems-là tant de chofcs nouvelles, qui avoient accru le droit des
Reformez, & donné un nouveau jour à la juflice de leurs plain-
tes, qu'il eft aifé de juger que les Catholiques ne renouvelloient-
ces pitoyables reproches , que parce qu'ils n'en pouvoient trouver
Pp 3 d&
502 HISTOIRE
1600. de meilleurs. Les Reformez confeiîbient une grande partie de ce
Repon/es. qu'on Icur rcprochoit, & l'exaggeroient eux-mêmes > mais ils (bute-
noientou qu'il n*y avoit point de mal, parce qu*ils n'avoient rien
fait qui ne fut fondé furie droit même de la nature: ou que, s'il y
avoit du mal, ils n'en étoient pas coupables; & qu'il s'en falloit
prendre aux véritables auteurs : que quand on eft obligé à faire cou-
rir quelque danger à un ennemi, le reproche i¥*cn doit pas tomber
furceluy qui fe tient fiirla defenfive-, mais qu'il eft dû à la violen-
ce de l'aggrefîèur : que la neceffité des cautions & des afTûrances ne
doit pas être imputée à ceux qui les demandent ; mais à ceux de qui
la mauvaife foy réduit les autres à les demander. Que les Traitez
de paix des fujets avec leurs Rois pourroient palîèr pour des titres
de felonnie , fi ces Rois avoient toujours été les pères de leurs fujets,
&:les confervateurs équitables des droits & des privilèges qui leur
appartenoicnt par la nature , ou par la naifîance j parce qu'il au-
roit fallu , cela pof^ , que les armes eufîent été prifes fans prétexte
légitime: mais que la guerre n'ayant été entreprife que pour fe dé-
fendre, quand les Princes avoient prêté leur nom & leur autorité
aux cruautez & aux perfidies des perfecuteurs > quand ils leur
avoient donné des armées, pour exterminer les prétendus Hereti'
ques i quand même ils s'étoient déclarez Chefs de ce party deftruc-
teur> quand ils avoient juré de détruire leurs propres fujets fans
mifericor-de -, quand ils avoient promis de facrifier le fàng & la
vie de ces malheureux aux intérêts d'une Puifîance étrangère, qui
n*avoit point d'autre raifbnde haïr ces prctendus Heret/ques , que
ce qu'ils deteftoient fa tirannie , & qu'ils vouloient affranchir de
fbn joug la tête des Rois ; quand même ils avoient juré de ne leur
tenir parole que par force, & de ne garder les Traitez de paix , qu'au-
tant qu'ils ne pourroient leur faire la guerre avec avantage ; qu'alors
on avoit pu légitimement prendre les armes ; &parconfëquentne
les pofer que par un Traité de paix , où le party opprimé trouvât
des furetez fufîifantes. . Que les Reformez n'avoient jamais pris les
armes, pendant qu'on avoit gardé avec eux quelque forme de jufti-
ce, leur laifîant le moyen de repondre de leur foy, & d'expliquer
leur dodrine contre les accufations de leurs adverfaircs ; qu'ils
avoient fbuffert patiemment tout le mal qu'on leur avoit fait du-
rant près de trente ans par|de fanglans Edits, qui cxcitoicnt con-
tre eux toute forte de personnes ; èc qui leur ôtoient toute forte
de
DE UEDIT DE NANTES, Liv. VI. 50^
de retraittes > qu*ils avoient eu la même confiance quand on les avoit i <joo.
traînez de juriididtion en jurifdidion -, quand on leur avoit donné
pour Juges leurs propres parties , favoir les Ecclefiaftiques , dont '
ils avoient mérité la haine, en révélant la corruption de leur doc-
trine , de leur dilcipline & de leurs mœurs j quand même on avoit
drc;fle contre eux de nouveaux tribunaux, 6c qu'on les avoit livrez-
aux Inquifiteurs. Qu'ils n'avoient pas perdu patience, pendant
qu'on les avoit fait mourir à milliers par d^s Arrêts rendus dans les
formes, quoyqu'mjuftes& cruels j quoy qu'on eût pu lever dans
les Greffes plus de huit mille condamnations de mort, fans parler
des emprifonnemens , des confifcations , des banniflemens , & de
plufieurs autres vexations qu'on leur avoit faites. Qu'on n'avoit
pris les armes , qu'après que le premier Edit de liberté de confcience
avoit été violé par la Cour en plufieurs manières : mais qu'on les
avoit quittées & dans cette occafîon, & dans toutes les autres 9
aux premières offi-esdela paix: fur quoy on n'oublioit pas la ma-
xime de Catherine de Medicis, qui ne fè faifoit pas une affaire de
leur manquer de foy , parce que li elle ne trouvoit pas fbn compte
dansfes perfidies, elle avoit toujours un moyen afîùré de les def ar-
mer, en leur donnant , diibit-elîe, îout leur faouldeTrèches. Ils
montroient que ce premier Edit avoit été donné avant que la guer-
re eût commencé j & qu'on ne l'avoit obtenu que par des Requêtes
& des conférences : que Tcntrepriie d'Amboiië n'avoit été qu'une
affaire politique, où la Religion n'avoit paru mêlée , que parce
que la Religion des Chefs à.ç.s deux partis étoit différente : que les
perfidies, & les cruautez, & principalement l'horrible maffacre
de If 72. avoient fait connoitre qu'on fe jouoit de la parole Roya-
le , comme d'un piège pour furprendre l'innocence & la bonne
foy des Reformez: qu'il avoit été neceffaire , & qu'on nepouvoit
dire, fans fe moquer du monde, qu'il fût injufle de demander d'au-
tres cautions, d'autres gages, d'autres furetez qu'une parole tant
de fois violée , & dont on avoit anéanti l'autorité par tant de
fraudes & tant de mechancetez , à quoy on l'avoit fait fcrvir de cou-
verture: que même depus la trêve, les Catholiques avoient abu-
fé indignement de la bonne foy des Reformez j qu'après leur avoir
fait perdre fraudulcufement, par de belles promefîès, l'occafion
d'obtenir une paix avantageufe, pendant que le Roy & les Catho-
liques même avoient befom d'eux 5 on les avoit amufez par mille
Ion-
304 HISTOIRE, &c.
1 60 o. longueurs, ofFenfez par mille mépris , mille outragcufès fifëes 9 de ce
qu'ils avoient eu Ci peu de prudence & de Polidque : de quoy ncan-
• moins les Catholiques avoient eu tout fujet de (è repentir , quand
ils virent au fiege d'Amiens , combien l'union des Reformez au
refte de l'Etat étoit necellàire pour fa confervation. Que vouloir
après cela faire paflèr les Reformez pour coupables, de ce qu'ils
ne s'étoient pas livrez fans marchander à la difcrction de leurs an-
ciens ennemis, c'étoit en ufer à peu près €ommc des brigands ,
qui voudroient faire faire le procès aux pafîans , qui n'auroient pas
eu afiêzde confiance en leur parole -, ou qui auroient mieux aimé
leur faire courir la moitié du danger , enfe mettant fur ladefcnfî-
ve, que de fe laifler couper la gorge fans refiltance. Qu'au refte cette
ombre d'Etat dans l'Etat étoit une véritable chimère -, que les Places
qu'on leur laiftbit étoient au Roy , comme les autres de fon Royau-
me j tenues de luyj entretenues de (es deniers -, gardées fous fon nom j
que le dépôt n'en étoit pas perpétuel -, qu'elles dévoient fortir de
leurs mains dans quelques années , quand les Catholiques auroient
euleloifir de s'accoutumer à vivre en paix avec eux j & que fi on
vouloit qu'elles fuflïent rendues fans peine au bout du terme or-
donné, les Catholiques n'a voient qu'à obferver le nouvel Edit de
meilleure foy > qu'ils n'avoient obfervé les autres.
Fin du sixième Livre.
HIS*
HISTOIRE
D E
LEDIT DE NANTES,
LIVRE SEPTIEME.
Sommaire du VIL Livre.
QUeJiions fur la nature del'Edit. Son utilité. Etat du Royau-
, me devant & après l'Edit. Les guerres de Religion font
les plîis cruelles. Quelle dtverfîté la 'Politique ne doit point
fouffrir dans un Etat. §lueUe efl la nature de la Religion Re^
formée. Jujîice de l'Edit, qui rétablit la bonne foy ô' l' huma-
nité. Services des Reformez rendus à deux Rois. Juftice des
recompenfes après le fervice. Ce que c'eH que recompenfe. L'E-
dit n'accorde aux Reformez rien qui les diftingue du refte des
François en qualité de fujets. Ses concefjlons font pour cette
raifon d'autant plus jujies. Ce que lEdit accorde aux Refor-
mez ne fait tort àperfonne, La Religion Catholique a beaucoup
gagné à l'Edit. UEdit devoit être irrévocable. Confideration
fur le mot , & fur la chofe. droits de la coyifcience. Force
des Edits qui maintiennent fa liberté -, ô'de ceux qui font don-
nez pour la confervation des focietez^ La confervat ion des fu-
jets efl la première obligation des Souverains. Il y a naturelle -
ment un Traité exprés ou tacite entre le Souverain ô" le fnjet -,
même entre le maître & l'efclave. Force des Traittez. UE-
dit de Nantes efî un Traitté^ que la forme de l'Edit rend phis
vénérable. T>enx égards de Traité dans l*Edit : I. Entre le
Roy & les Reformez. IL Entre les Reformez iy les Catho-
liques. Les Reformez traittent avec le Roy , /. de recompenfe
pour leurs fervices. IL T>e leur fureté contre leurs ennemis.
Places de fureté. Les Rois peuvent trait ter avec leurs fujets:
preuves. Les Reformez et oient en état de traitter avec le Roy.
Six confîderations qui le montrent. Autres ref exions. Egards
Tome I. Qjq fous
306 HISTOIRE
fous lefqitels le Roy traitte. Le Roy arbitre de fes fujets ^ a le
conftntemcnt des Catholiques pour dotmer PEdit. Maxime du
Clergé dans les qiiejiions de la Regale. Le Roy et oit garant
de fin Edit. Les fiiccejjeurs fint tenus à obfirver les Trait-
tez de ceux qui les précèdent, élue les^arlemens-^ le Clergé^
le Tape même-, ont eu autant de part à l'Edit qu^ il et oit neceJJ'ai-
re 5 pour leur oter tout prétexte de s'en plaindre. Reprifi de la
fuite de rHiftoire. Conférence de Fontainebleau. Agitation
• des e [prit s à Pocca/ion du livre de VEuchariftie. 'Divers Ecri^
vains F attaquent. Le Roy veut contenter le Tape^ & morti-
fier du Tleffis. Reproche de fauffes citations pique du TleJJis
d'honneur. Défi qu* il fait à fis accufateurs -, accepté par du
Perron. Conférence accordée. Difiîcultez fir la chofe ià' fur
le lieu 5 de la part du Clergé. Autres de la part des amis de du
Tleffis. Degrez de la fupercherie. I. On an^ertit du Terrony
■ f}mis non du 'Pleffis. IL Du Terron eH di(penfe de donner
par écrit le nombre des pajfages qu'il a promis. III. L'ordre
& le choix des pajfages Itiy efî latjfe. Dont du Tleffis voit P ar-
tifice ^ &r€fufe quelque tems ces conditions. IK. On l'intimi-
de par la menace d'examiner les pajfages en fin abfince. La
conférence prefque rompue , fi renoue à d'iniques conditions.
V. Dît Perron en donne les loix. VI. Soixante ^ un pajja-
ges donnez à du PleJJis à vérifier en huit heures. VIL On
luy ôte le repos de la nuit. VIII Le Roy nomme d'autorité
les Comrnijfaires. IX. Donne la pluralité des voix aux Ca-
tholiques. X. Change deux des premiers nommez en deux plus
fufpe£îs. XL Choifit deux Reformez chancelans. Caractères
de du Frêne Canaye & de Cafaubon. XII Donne le change
en défendant de fi fervir des termes de faux & de fauflècé.
P rot eftat ions réciproques. Malignité de du Perron. Forme de
la conférence. Du PI efiis condamné fur neuf pajfages. Re-
fiexions générales i è^ particulières. DuPlefJïs tombe malade y
& la conférence fi rompt. Triomphe & infulte des Catholiques.
Suites de la conférence. Ajf emblée transférée de Chàtelleraud à
Saumur. §luand elle fi fipare.
Mais
DE TEDIT DE NANTES, Liv. VIL 307
Ais il y a d*autrcs confiderations à faire fur ce fujet, k^qo.
qui ne font pas moins importantes. Il faut favoir fi, ^e/. '
fuppofé même que le» moyens par lefquels on eft '""' ^*"'
^ L^ ' i>r j- r ,r^ ■ ^ .... la nature
parvenu a obtenir 1 Edit fulîent innocens , il étoïc derEdit.
utile de le donner i s'il y avoitde la juftice à y con-
sentir i fic'étoit un de ces Edits qui deviennent loix
éfîèntielles à l'Etat, par la nature dts chofes qu'ils décident , ou
par la manière de les ordonner, plutôt qu'un de ceux qui n'étant
donnez que pour s'accommoder au tems , peuvent être révoquez
quand les affaires font changées.
■ La qucflion de l'utilité de l'Edit peut être vuidée en peu de son uti.
mots. II ne faut que confiderer la grandeur des maux qui le ren- '"^•
doientneceflàire, & qu'il a heurcuiement reparez j & la grandeur
des avantages qu'il a procurez à la France , pendant qu'il a été
obfervé avec quelque apparence de bonne foy. Il ne faut que com-
parer ce qu'étoit la France, avant que cet Edit eût poféle plus fo-
iidc fondement de la paix , & ce qu'elle devint en peu d'années ,
après que la tranquillité publique fut rétablie. Je ne dirai rien dçs ^^^t du
horreurs de la guerre civile conliderée en elle-même : elles font J'^''"'"'
•• j 1 j Ti n devant
connues de tout le monde. II n y a perfonne qui ne fremiflc quand & ^près
il penfo que les membres d'un même corps , qui fe doivent une ^^'^'^*
mutuelle defenfo, font armez pour s'entre-detruire ; qu'un Etat
employé fes propres forces à fe confumer ; que la fureur viole tous
les liens de la focieté & de la nature -, qu'elle arme les citoyens con-
tre les citoyens, les plus proches contre les plus proches, les frè-
res même contre les frères. On peut trouver dans mille Auteurs les
mêmes remarques. Mais je ne puis taire l'horrible dcgât quêtant
d'années de guerres avoicnt fait partout le Royaume La campa-
gne étoit toute ruinée : les maifons, les châteaux, les villes étoient
dans une décadence générale: on nevoyoit par tout que des ma-
sures & des débris ^ & les Places même qu'on avoit fortifiées étoienc
plutôt des ruines demi reparées, où on fe retiroit pour être à cou-
vert, que des lieux qui eufTent le luilre &z la beauté de ce qu'on ap-
pelle ville. Il n'y avoit perfonne qui pût compter fur lès revenus.
Ceux de la Noblefîé & des foldatsconliftoient dans une efpece de
pillage, que la neceflité autorifoit. Ceu. des bourgeois, qui ne
coniittent qu'en des terres ou des maifons 5 ou qui ne font af^
Qq 2 fîgncz
3o8 HISTOIRE
1600. fignezque fur celles des autres, dependoient du plus fort, &: luy
étoient enlevez par une courfe de l'ennemi. Ceux des marchands
étoient prefquc anéantis , à caufe que le commerce ne pouvoir
fleurir dans un Etat ruiné. Les Eccleliafliques même fe plaignoient
que leurs biens étoient faiiis ou ufurpez > & que comme une par-
tie de l'Etat n^avoit plus la volonté, l'autre n'avoit plus le pou-
voir de leur payer leurs dîmes & leurs fermages. Le Roy étoit en-
core pi us pauvre que fes fujets: fes Domaines étoient engagez j fcs
Tailles étoient mal payées -, tous (ks droits étoient réduits à non-va-
leurs: & j'ay déjà remarqué ailleurs, que bien loin qu'il eût de
quoy fc foutenir avec une magnificence Royale, il n'avoit pas du-
rant le fiege d'Amiens de quoy fournir fa table , & de quoy s'habil-
ler même en llmple Gentilhomme. Il ne falloit que continuer la
guerre civile, pour achever ce qui étoit fi avancé , & pour faire
périr de mifere un Etat, dont les membres qui paroifîbient les plus
vigoureux ne faifoient plus que fe traîner, & que languir fur le
bord d'une totale diflîpation. On peut aifément juger auffi , quelle
confufion l'inégale adminiftration de la jufticc faifoit entrer dans
les affaires des tamillesj & combien tant 4'^nnccs de troubles , qui
avoient interrompu prefque par tout les fonctions des Juges , 6c
fait naître en fuite desprefcriptions, des conflits de Jurifdidtion ,
des incertitudes dans la pofTeflion dcschofes aquifes, ou dévolues
par divers moyens , avoient formé d'embarras qui n'auroient ja-
mais pu fe démêler , fi le cours de ces irregularitez n'avoit été ar-
rêté par quelque heureufe révolution. L'autorité Royale avoit re-
çu de fî cruelles atteintes pendant ces longues divifions , qu'elle
n'étoit plus qu'un titre en l'air , qui n'avoit plus ni d'effets cer-
tains, m de force pourfe maintenir: &; l'Etat, qui avoit tenu du^
rant tant de fieclcsun rang 11 glorieux dans l'Europe, n'écoit plus
pour les étrangers qu'un objet de compaflion ou de mépris, félon
la part qu'ils prenoient aux affaires de la France. Ce Royaume
qui avoit été 11 long-tems l'afile des opprefïèz , n'étoit plus que
le jouet des oppreiîèurs , &c le théâtre où les plus forts faifoient
jouer par leurs intrigues les plus fanglantes tragédies.
Mais à peine l'Edit eut-il été publié , que la paix rétablit la Fran-
ce, & qu'on vit reparer, pour ainfi dire, en vingt- quatre heures
les defordres de quarante ans. L'abondance & la profperité ren-
trèrent peu à peu dans ks familles. L'ordre & la netteté fe remi-
rent
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIL gop
rcnt dans les affaires. La campagne commença à être cultivée > & 1600,
l'efperance d'une longue tranquillité donna le courage à tout le
monde de reparer les débris de fès héritages. Chacun rentra dans
iès biens, reprit fes droits. Tes allions, lès demandes. LesEccle-
fiaftiques n'y profitèrent pas moins que les autres. Le Roy y ga-
gna plus que perlbnne. La fplendeur & la majefté rentrèrent dans fa
Maifon. Il reprit fon autorité fur fes peuples. Les étrangers re-
commencèrent à regarder l'Etat renaifîànt ou avec refpedt y ou avec
terreur. Le repos de la France remit l'Europe dans l'équilibre. Le
Roy, jaloux de fa parole, eut bien-tôt la confiance de Tes Alliez:
& comme il n'avoit point d'autre ambition que de régner pour le
bien de tout le monde , fans defir d'ufurper l'autruy , fans cruau-
té, fans artifice, il fut prefque aufîi-tôt qu'on le vit paifible l'a-
mour de fes fujets, l'arbitre des Princes Chrétiens, l'admiration
même de fes ennemis. Les Politiques redoutèrent fa puilîance y
&de peur qu'elle n'allât trop avant, ils trouvèrent à-propos de fe
défaire de luy par un exécrable afîàfiinat. On peut juger quelle
fut la rapidité de cet heureux retabliflèment , par le peu de tems
qu'ils laiiîèrent vivre le Roy , après qu'il eut donné la paix à fes
peuples. A peine il fe pafla dix ans , depuis que la tranquillité fut
retablieau dedans, avant qu'on fè portât à cette horrible extrémi-
té 5 & s'il vécut même fi long-tems , ce ne fut pas faute qu'on n'càt
attenté de meilleure heure à fa vie , par de cruelles conjurarions.
Comme il n'y a point de meilleure preuve de l'utihté d'une chofe
que fes efFets, on peut juger par ceux de l'Edit, que jamais les
Rois n'ont donné à leurs fujets une loy plus falutaire. C'cil pour-
quoy les principales raifons dont on fe lèrvit , pour contenter ceux
à qui il falloit faire quelque excufe de l'Edit, furent toujours pri-
fcs de l'utilité. Ceux qui avoient le plus de defir ou d'intérêt d'em-
pêcher raccroiffement des Reformez , ne furent fléchis que par là.
Ils reconnurent que l'Etat avoit plus de befbin de la paix intérieu-
re, que de la paix étrangère -, & qu'ayant été tout prêt à périr par
de longues divifions , il n'en pouvok jamais revenir que par la
concorde.
Cela étoit même d'autant plus neceflàire, que comme il s'âf^iC- Lesgutr.
foit de Religion, les guerres dont elle eiîle prétexte font toujours T-^'^*'"
plus cruelles que celles qui ont d'autres caules , parce queles/^^//^
haines font plus aigres, 6c deviennent de jour en jour plus violen- ^'«'„
^ r^ J J i cruel/es,.
Qil 3 tes.
310 HISTOIRE
1600. f^s par le zêle qui les anime. La cruauté des plus farouches peut
quelquefois être gouvernée par la raifon : mais la cruauté dévote
n'écoute rien de ce qui pourroit donner des bornes à fa violence j
parce que ceux qui font de ce caractère (è font de leur cruauté un
devoir, & fe perfuadent aifément que plus elle eft outrée, plus
elle eft religieufe. De forte que Ci l'Edit n'avoit mis une fin cer-
taine aux guerres de cette nature , jamais l'Etat n'auroit pu (è ùrn-
ver d'une diiîipation générale -, parce que le party le plus foiblc
étoit encore afîez fort j pour réduire à l'extrémité ceux quiauroient
entrepris de le ruiner ; &c qu'ainfi la moitié de l'Etat qui auroit ex-
terminé l'autre , n'auroit plus eu la force après cela de iê mainte-
nir elle-même.
Tout ce qu'on peut dire au contraire , efT: qu'un Etat efl: défigu-
ré par la diverfité des Religions : que cette différence de fentimens
nourrit dans les efprits une aliénation fecrettc, qui confume l'E-
tat peu à peu , comme une maladie inteftine s qu'elle tient une
porte toujours ouverte au renouvellement d'une guerre civile,
parce qu'elle entretient dans l'Etat une femence immortelle de fac-
tions. J'avoue qu'il fèroit à fouhaitter qu'il y eût plus d'unifor-
^f^e ^ mité dans le Chriftianifme : mais comme je ne dois pas traitter
UPoiVi- ^^^^^ matière en Théologien, je me contenterai de dire qu'il n'y
que ne a qu'unc clpcce dc divcrfité que la Politique peut condamner, fa-
fouffrî"^ voir celle qui a de mauvaifes fuites , & qui donne lieu à un party
Jans tm d'opprimer l'autre : mais quand il y a une diverfité dont les mau-
£tat. y2J5 effets font empêchez par de bonnes loix , elle ne peut être
condamnée. 11 auroit été pernicieux à l'Etat d'y fouffrir deux Re-
ligions , en leur permettant d'être toujours aux mains , & de cher-
cher réciproquement à s'avancer l'une par l'opprefTion de l'autre.
Mais il n'y avoir rien à craindre pour l'Etat, en obligeant les di-
vers partis à la tolérance mutuelle. Il en efl: des diverfes Reli-
gions, comme' des diverfos profefiions. Si on permettoit aux per-
fonnes qui embraflent diverfes formes de vie de fe faire la guerre,
aux gens dejuftice, par exemple, de détruire à force ouverte les
marchands ou les laboureurs , le dommage de l'Etat y foroit vi^
fible: mais en les faifant vivre en paix , l'Etat n'y perd rien, ôc
ils font même utiles les uns aux autres. De même lors qu'un Etat
eft réduit à tolérer diverfes Religions , il eft impollible qu'il n'en
fouifre du defavantage , fi on lajfife croire à l'une qu'elle peut légi-
timement
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. VIL 51Î
timement peFfecuter & détruire Tautre. Ceft cela qui forme les k^qo.
partis & les factions -, la confpiration des uns mettant les autres
dans la neceOité de s'unir pour fe défendre. Mais quand on leur a
donné des loix égales ou équitables , il ne faut que les obfervcr,
pour empêcher le mal que la diverfité des fentimcns pourroit faire.
Les fujets font à un Etat , ce que les enfans ou les domefliques font
aune famille > & la diverfité des fentimens eft femblableàcelledes
temperamens & des inclinations. Comme donc la diverfité des hu-
meurs n*empêche point le repos de la famille, quand les loix éco-
nomiques y font fagement & fidèlement obfervées : de même la
diverfité des Religions ne trouble point un Etat, quand ceux qui
en font les membres fe regardent-mutuellement comme enfans du
même père 5 ou ferviteurs du même maître -, & que le Souverain
leur rendant une juftire égale, malgré cette différence , a le foin
de faire obferver de tous les cotez les loix de- la paix qu'il leur a
donnée.
De là vient que dans les pais où la tolérance eft grande , & peut-
être trop générale , la tranquillité n'en eft pas momdre : & qu'en
France même la différence des Religions n'a pas empêché l'Etat de
jouir de cinquante ans de profpericé , &de monter à un degré de
puiflànce qui a donné prefquc des fers à toute l'Europe. Or à par-
ler politiquement, ce qui ne nuit point à la tranquillité d'un Etat,
ce qui ne trouble point le cours de fon bonheur, ce qui n'empê-
che pas fes accroiflemens , ne le défigure jamais. Il n'y a de cho-
quant & de difforme dans le Gouvernement, que ce qui eft perni-
cieux. Tout y eft beau , quand il eft utile : tout y eft tolerable au
moins, quand il ne fait point de mal. Cela ne peut être contefté
dans les chofes qui ne renverfent point le droit Divin , ni l'équité
& l'honnêteté naturelle. Par confequent cela eft vray dans la tolé-
rance en matière de Religion. Elle ne défigure point un Etat,
quand elle ne s'étend pas aux Religions qui detruifent les vrais fon-
demens de la pieté. Elle peut même paflèr pour un ornement,
parce qu'elle répand fur la conduite des peuples un air de paix &
de charité , qui eft une des plus glorieiûës qualitez de l'homme.
Or la Religion des Reformez, fuppole qu'elle n'eût pas la pureté ^«^i'e
qu'elle s'attribue, eft au moins une de ces Religions qu'on ne peut f /''/l"
accufer de renverfer le moindre fondement de la pieté. On ne 'Keiigh»
peut appellerfans calomnie, ni fa Morale corrompue, ni fa doc- ^i''-
trme
312 HISTOIRE
1600. trine impie, ni fa Difcipline feditieufe. S'il étoit vray qu'elle eût
un défaut, ce feroitune delicatelle fcrupuleufe , qui Tempêche de
croire & de pratiquer ce qu'elle eft perliiadée que Dieu ne com-
mande ni n*approuve : delicateflè tolerable, s'il en fut jamais j
puis qu'il n'y a rien contre quoy la confcience doive être plus fur
Tes gardes, que contre les dodrines ou les cultes qui s'introdui-
fent fous le nom de Religion , au préjudice des ordres de Dieu.
Par confequent elle peut être tolérée, ians que fes Iibertez défigu-
rent un Etat où elle eft permife.
yi'jiice Si l'utilité de TEdit étoit grande , fa juftice n'étoit pas moindre.
Jei'Eu.t. jj ç^ jy^^ç ^ç j^,^j.j.ç p^g cruel î ou fi quelquefois on l'a été par
préjugé , par zèle aveugle , par emportement de paflion , il eft
jufte de ne l'être pas toujours. Il eft encore plus jufte de n'être
perfide ni traître : & fi quelquefois la raifon s'eft égarée jufqu'à
nous permettre de le devenir, il eft d'une juftice neceflairede re-
venir le plutôt qu'on peut à la bonne foy. La cruauté & la per-
fidie font la honte de la nature humaine : la compaflion & la fin-
cerité font les plus folides biens de lafocieté. S'ils luy ontétéôtez
par la fraude & la barbarie qui ont pris leur place , il n'y a rien
de plus jufte que de les luy rendre, en remettant au plutôt dans
leurs droits la bonne foy & l'humanité. Or il y avoit long-tems
qu'on avoit renoncé à l'une & à l'autre, à l'égard des Reformez,
& qu'ils ne trouvoient plus dans l'elprit des Catholiques nimiferi-
corde , ni fincerité. Il y avoit plus de cinquante ans qu'on les fai-
foit périr par toute forte de fupplicesj plus de trente-cinq qu'on
leur faifoit une guerre fans quartier, & qu'on ne leur donnoit la
paix que pour prendre mieux les mcfures &:les occafions propres
a les exterminer. Le zèle même des Catholiques , quand il auroit
été raifbnnable , devoitfelaftèr après tant d'efforts inutiles. Quand
il y auroit eu quelque choie de religieux&d'Evangelique dans ces
cruautez, ks Catholiques en avoient aflez fait pour aquitter leur
confcience. 11 étoit jufle de revenir à des moyens plus doux : il
étoit tems de modérer ces rigueurs, au milieu defquelles les Re-
formez n'avoient fait que iè multiplier. On avoit tenté inutile-
ment la rcduftionde ces prétendus dévoyez, par tous les moyens
légitimes & illégitimes que l'efprit peut imaginer j jufqu'à met-
tre par là le plus floriflànt Royaume de la Chrétienté à deux doigts
de la dernière defolation. Les indudions> les promefîès, les bien-
faits,
des Re
former :
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VII. ^513
faits ; les écrits , les prédications , les conférences ^ les menaces , i ^qq^
les fupplices, les maflàcres} les injuftices, les fraudes, les trahi-
(bns i tous les artifices d'une paix trompeufe , toutes les violen-
ces d'une guerre fans mifericorde , avoient été employez fans ef-
fet. On avoit banni , rappelle -, dépouillé , rétabli j pourfuivi dans
toutes les jurifdidions Ecclefiaftiques &: feculieres , même par la
cruauté des Inquifitcurs , tout ce qui avoit le nom de Reformé. Il
y avoit eu des Edits de paix & de guerre donnez & révoquez tant
de fois , qu'il étoit impolîible de jouer plus long-tems un jeu fi
pernicieux à la focieté humaine. Il étoit injufte que la Religion ^« re-
iervît plus long-tems de prétexte à tant de confufion j il étoit juf- ^^^i^^ i*
te par coniequent que la bonne foy & l'humanité reprifi[ènt leur ^"UZ
rang dans le monde j & qu'on permit aux confciences errantes de m^nité.
fè gouverner félon leurs lumières , après avoir travaillé fi vaine-
ment pour les foumettre à celles d'autruy.
D'ailleurs ces prétendus errans , qui n'avoient point fait d'au- servictt
tre mal à l'Etat queceluy de prendre les armes pour fe défendre i.^
contre d'injuftes opprefîcurs , avoient rendu au même Etat des fer-
vices longs & fidèles , attcftez par tous les ades du tems , qui en
coniervent la mémoire •■, conférez par tous les Hiftoriens équita-
bles > conteftez feulement par des Mifiionnaires , dont l'impuden-
ce fait honte à tous les gens d'honneur. Or il y a une raifbn de
droit & d'équité naturelle, qui attache la recompenfe au fervice;
&qui fait regarder comme une injuftice outrée la fureur de- perfe-
cuter, d'opprimer, d'exterminer ceux de qui on a reçu d'utiles fe-
cours , & de falutaires offices. Les Reformez , qui avoient au tems
de l'Edit pour témoins de leur fidélité tous les Catholiques Fran-
çois j les uns, parce qu'ils avoient profité de leur afllfiancc} les
autres, parce que c'étoit contre eux qu'ils l'avoient donnée, par-
loient hautement de la longueur & de l'importance de leurs lèrvi-
ces : & dans ces deux ordres de Catholiques il y en avoit qui n'a-
voient pas honte d'en demeurer d'accord. Lors que Henri III. Rentins
eut fait mourir le Duc &le Cardinal deGuife, les Catholiques re-
belles fè trouvèrent fans comparaifon plus forts que ceux qui de-
meurèrent dans l'obeïfîànce ; & ceux-cy auroient été bien-tôt ac-
cablez, s'il ne leur étoit venu dufecours d'ailiers. Mais quand
les Reformez fe furent joints au party du Roy , les affaires chan-
gèrent de face , ^ le bon party fe vit en état de terraiîer l'autre. Il
Tome I. Rr ne
/« deux
Roi).
31+ H lH'¥-à f^K E
1600. i^c faut qu*un peu de droiture & d'équité , pour voir quelle part
ceux, qui en fe joignant à leur Roy remirent fes affaires non feu-
lement dans l'équilibre , mais dans la fuperiorité , ont eue à la
confervation de l'Etat. On pourroit dire , lans faire tort à per-
fonne, qu'ils l'ont confèrvé feuls, puisqu'ils ont confervé même
les Catholiques , qui ont travaillé depuis avec eux au même ouvra-
ge. Mais je me contenterai de dire qu'au moins ils ont aidé à le
conferver -, qu'ils ont partagé avec les Catholiques fidèles l'honneur
de foutenir la Couronne , & de raffûrer fur la tête de celuy à qui
elle appartenoit légitimement : qu'après l'avoir affermie fur la tête
de Henri III. ils ont aidé à fon fuccefîeur à la recueillir, & à dé-
fendre les droits qu'il y avoit contre les fureurs de la Ligue , &
yufiice contre la confpiration de l'Efpagne & de l'Italie, il étoit donc
i"mZ»rei i"^^ ^"*^^^ eufîènt part à la recompenfe comme les autres 3 & qu'a-
'ap"h"i" près avoir partagé les fatigues & les périls de la guerre, ils parta-
ftr-Jtce. geafTent aufTi le repos & les plaifirs delà paix. Or c'eft là tout ce
Ce que que l'Edit de Nantes a fait pour eux. Il y a néanmoins encore
c'«i? î«e quelque chofe de plus à dire. Quand on parle de recompenfe, on
l'enT.' entend quelque chofe qui diftingue un homme de l'autre -, qui
donne à l'un à caufe de fon mérite ou de fes fervices , ce qu*on ne
donne pas à un autre, à qui on n'a pas la mêmeraifbn de le don-
ner. Entre le Prince & le fujet, la recompenfe donne à celuy qui
la reçoit quelque chofe de plus , que le Prince ne luy devoit à caufe
de la qualité de fujet, &qui le tire de l'égalité où tous les autres
demeurent. S'il efl donc jufle, & fondé fur les principes les plus
évidens de la lumière naturelle , qu'on donne à de fidèles fervi-
teurs de ces recompenfès qui lesfignalent&lesdiftinguent, com-
bien efl-il encore plus jufle de leur accorder pour recompenfe ce
qui ne fait que les égaler aux autres, & les mettre dans la même
condition ^ Or les grâces & les privilèges de l'Edit ne font une re-
VEdit compenfe que de ce dernier ordre. L'Edit ne donne rien aux Re-
n' accorde
Ttm aiix formez , qui les diftingue des autres en qualité de fujets , & qui
Refar- puifîè pafîer pour quelque marque de préférence. Il ne leur accor-
/^S^'- ^^ ^^^ ^^ fureté de leurs perfonnes, de leurs biens & de leurs vies;
gue dti que la liberté de leurs confciences ; que le droit d'honorer Dieu , &
ref,e dis ^ç. ti-^yaiHer à IcuT falut félon leurs lumières j que d'avoir une part
enqLii. égale à celle des autres dans la proteftion des loix, & dans Tad-
'« '^« /«- miniftration de la jufticei que d'avoir les mêmes ouvertures pour
j*'^- entrer
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VII. 51^
entrer dans les Charges par le mérite, dans les profeiïîons par la 1600.
(uffifànce , dans les métiers par la capacité y que de pouvoir com-
me eux s*afîembler pour conférer de leurs fentimcns , & poui^s*en-
tr'aider dans les adles de la Religion & de la pieté > que de jouir
avec eux également du droit que la nature donne aux pères fur leurs
cnfans , ou aux maîtres fur ceux qui font à leurs gages ; que de
participer aux fecours mutuels de la focieté pendant leur vie , &c
aux devoirs de la fèpulture après leur mort. En un mot , il n*y a
rien dans TEdit qui donne aux Reformez ce que les autres fujets
n'ont pas. Au contraire, la plupart de ces droits communs font
accordez aux Reformez avec de certaines limitations, qui font 2lC-
fbz voir que l'empire & la domination étoient du côté des Catho-
liques) & que les Reformez n'étoient que comme aflbciez à ces
avantages, par un traitté de tolérance mutuelle. Les furetez mê-
me font une preuve que Tégalité n'étoit pas parfaite , & que la
puiflànce & le crédit n'étoient pas du côté des Reformez. On ne
prend des furetez que contre les plus forts, ou les plus fufpedsj
& ceux même qui les demandent, reconnoiflcnt par cela même une
elpcce de fuperiorité dans ceux qui les donnent.
Tout cela étant inconteftable , il étoit d'une juftice naturelle 5?/ «».
d'accorder aux fervices des Reformez , ces grâces qui ne faiibient ^/^""^
que les égaler à leurs femblables. Ce n'étoit proprement leur «/î/rl1-
donner rien. Ce n'étoit que leur rendre ce qui étoit à eux-, quç^""'^''"*'
les maintenir dans les droits de leur nature , & dans ceux où ils en- jt^H "'
troient par leur naiflance, comme tous les autres qui rcfpiroient
un même air avec eux , & qui obeïflbient au même Prince. Il n'y
a rien qu'on puifle appeller jufte, fion n'appelle pas ainfi la con-
fervation de ces droits communs, en faveur de ceux qui avoient
rendu à leur patrie , au moins les mêmes devoirs & les mêmes fer-
vices que le rcfte de leurs compatriotes. Qu'on fuppofe pour un
moment que ces avantages ayent été refufez aux Reformez après
leurs fervices : ou plutôt, lans rien fuppofer , qu'on regarde ce
qu'ils étoient avant qu'on eût donné l'Edit, & ce qu'ils lont de-
puis qu'on l'a révoqué. On verra Catholiques & Reformez, au
moins dans la même obeïQance-, portant mêmes charges j parta-
geant les mêmes necefîirez de l'Etat -, voiant aux mêmes occafions
de rendre fervice à leur Prince j ayant mêmes loix civiles, mêmes
obligations, mêmes intérêts, mêmes ennemis. Tant d'égalité en
Rr 2 tou»
^16 HISTOIRE
1600. toutes ces chofes 5 deniânde qu'elle Toit encore la même dans tout
le relie. Mais on la verra ceïïer; auiTi-tôt qu'on aura tourrie'les
yeux^furles Reformez, privez des grâces de l'Edic. On les ver-
ra mal-traittez en leurs perfonnesi ruinez en leurs biens 5 exclus
des Charges honorables ou utiles > bannis de leur patrie > dépouil-
les de tous les droits de la conlcience & de la nature -, & quelque
mérite, quelque fuffifance qu'ils ayent, privez de toute confer-
mité avec les autres qui ne font pas meilleurs fujets qu'eux, bien
loin d'obtenir des recompenfes qui les diftingucnt. En vérité on ne
peut s'imaginer la moindre idée de juftice dans cette difproportion
prodigieufe -, dans cette violente feparation du mérite & de la re-
compenfe , par laquelle ceux qui pourroient compter fur quelque
mérite, au lieu d'obtenir des grâces pareilles à celles qu'on accor-
^ de à d'autres qui font dans le même cas , ne trouvent pas même
pour fruit de leurs peines leur fubfiftance & leur fureté. . La Juftice
peut-elle ibuffirir que cette partie de l'État, qui pour ne rien dire
davantage a contribué avec l'autre à le conferver, foit opprimée,
détruite , pourfuivie à feu & à fang , par l'autre qui fans elle n'auroit
pas été confervée ? Ce feroit la même chofe que fi un Prince , ayant
fait de grandes conquêtes par le lecours de fes foldats , ordonnoit
que la moitié de fon armée taillât l'autre en pièces pour recompeniè.
l'avoue qu'il refteroit encore une difficulté après toutes ces re-
VEditac- flexions, fi pour accorder ces grâces aux Reformez, il avoit fallu
cordeaux les ôtcr à d'autrcs. La Juftice ne permet pas qu'on dépouille l'un
^eiVe pour enrichir l'autre i puis que fa principale fon^lion confifte à
fait tort conferver à chacun le Tien. Mais la paix des Reformez n'ôtoit
àperfon- j.jçj^ ^^^^ Catholiqucs. Les droits de la nature & de la naiiîance
font de ces biens qui fe pofîedent par indivis y &z dans la jouiïîan-
C€ defquels les avantages de l'un ne font point de brèche à la part
del'aucre. La liberté de quelqu'un, quelque vafte qu'elle foit, ne
reflerre point celle de (on femblable dans de plus étroites bornes :
ils peuvent être également libres tous deux enfemble. En donnant
' à l'un le droit d'afpirer aux dignitez& aux recompenfes par le méri-
te & par les fervices , onlaiflè à tous les autres la même porte ou-
verte , pour y monter par les mêmes degrez. Un père ne perd
rien de fon autorité légitime fur fes enfans & fur fà famille, quoy
que tous les autres pères jouïflènt du même pouvoir. La confcien-
ce d'un Catholique n'en eft pas moins libre, quoy que celle d'un
Re-
DE. L'EDIT DE NANTES, Liv. VIL 317
Reformé ne (bit pas mtfe à la gêne. En un mot tous ces avantages i ^oo.
'font telsj que l'un y peut gagner Taiis que l'autre y perde ; comme le
rijdroit de bourgeoiile. qu'on accorde à quelqu'un n'eli: pas un de-
/J^nembrement de la bourgeoifie des autres, ni même une extenfion
qui leur ôte quelque chofc : de même que la liberté que la na-
cure.donne à chacun de refpirer le même air, & d'être éclairé du
même ibleil , ne fait pas que l'un ait moins de part que l'autre à l'air
ou à la lumière. Mais d'ailleurs les Catholiques prirent toutes les
précautions imaginables pour n'y rien perdre ils remirent leur
Religion dans tout ce que la guerre luy avoitôté. Le tems a fait t-ï Reii-
Connoître qu'elle a beaucoup f^aené par l'Edit. Elle avoit en France s-'f"^"*-
II • 1 o j r 1 j > 11 > 'hoaque
avant cela beaucoup moms de pompe & de Iplendcur , qu elle n en a beau.
a eu depuis : ce qui n'eft pas peu pour elle , puis que cet éclat mon- ""f ^^'
dain eft un des principaux objets que fa Politique envifage. De plus f"2/;>^
elle confèrva par l'Edit fa domination , fes Eglifes , lès maifons ,
Les revenus, fes cimetières , fes cérémonies : & bien loin de voir fes
privilèges diminuer , elle en aquît de nouveaux. De forte que les
concelTions de l'Edit étant fondées fur la nature même des cho(es,
& fur les droits civils qui accompagnent la naifTance -, & d'ailleurs
h'ôtant à perfonne , ce qu'elles confervoient à tant de milliers de
légitimes membres de l'Etat, ilétoit d'une juftice évidente que les
Reformez en jouîiîént. Il n'y avoit point icy de lieu à l'exception
du droit d'autrui , que les Rois de France exprimoient autrefois
dans toutes leurs Lettres , & qui doit être naturellement fous-en-
tenduë dans tous les ades de bonne foy & de légitime autorité ,
où elle n'eft point exprimée. Comme les grâces faites aux Refor-
mez font des chofés 011 les autres ne perdent rien , il n'y a perlbnne
qui ait jamais pu avec juftice ni s'en plaindre, nis'yoppofer.
En joignant ces deux qualitez de l'Edit dont j'ay parlé jufqu'icy, ^'^'^''
il en refaite une troifiéme qui eft celle de perpétuel & d'irrevocablej '/iletre.
qui ne convient à rien plus naturellement qu'aux loix & aux traittez, vocabit.
dont la jullice & l'utilité ne peuvent être conteftées. Jen'ay pas
delïèin de m'arrêtera ces deux mots, entant qu'ils font employez
dans l'Edit même. Je fay bien que ce lèroit une chofe fujette à
de grandes confequences , que pour rendre des loix éternelles &
inaltérables , ce fôt aiîèz que de leur en donner le nom. Quoy que
les fei:mens & les vœux foient les plus fortes obligations dont l'hom-
me puilîe charger fa confcience, il y en a qui portent en eux-mê-
R r 3 mes
5i8 HISTOIRE
i^oo. mes un caraflerede nullité, qui en rompt le lien. Tels font ceux
par lefquelson peut s'être obligea des choies injuftes ouimpofli-
bles. Le nom de téméraires leur demeurera toujours : mais ils
ne peuvent être irrévocables , quand même on y auroit exprimé tous
les mots qui le peuvent fignifier. Il y a de même des loix qui por-
tent en elles-mêmes le titre de leur révocabilité , quoy que celuy qui
les publie s'oblige par des mots formels à ne les révoquer jamais.
Telles font les loix qui obligent à Pinjuftice ou à la cruauté : tels font
même les Traittez qui engagent les contradlans à violer Thum anité
ou rhonnêceté. Tel eft l'Edit par lequel Louis XIV. a révoqué l'Edit
de Nantes i quin'eil rien au fond qu'une promefîefolennelle, de
ne faire jamais juftice à une grande partie de Tes Cujqîs. Qu'on
appelle ces ades irrévocables tant qu'on voudra -, ils ne laiflent
pas d'être revocables , parce qu'ils font nuls -, Se qu'on peut leur
appliquer la maxime du Droit touchant les fermens, qu'il ne faut
confidc pas les garder dans les chofeshonteufes. Néanmoins il ne faut pas
rations s'imagiucr que ces termes foient illufoires, pareils à de certaines
^'*''J\ claufes qui n'entrent dans les contrads que pour la formalité -y mais
qui ne les rendent ni plus parfaits ni plus fermes. Il ne faut pas croi-
re que ces mots , dont la fignification eft fi connue , la perdent
aulîî-tôt qu'ils entrent dans un Editj comme s'ils vouloient dire
feulement que lachofe fubfiftera jufqu'au bon plaifirdu plus fort.
C'eft rompre tous Icsliensdelafocieté civile, & renverfèr tous les
fondemens de la bonne foy , que de changer les mots les plus exprès
en illufions , dont on fè lèrt pour tromper ceux qui les prennent
dans leurs naturelles idées. Il faut confeflèr au moins que dans les
chofes qui n'enferment rien d'injufte , ni d'inhumain , ni de deshon-
nête, ce qui eft promis comme irrévocable, fe doit garder irrévo-
cablement. Ces termes alors font de grand poids , & donnent une
grande force aux loix qui les portent : principalement quand ces
loix n'ont pas été données par le pur mouvement du legiftateur ,
fans qu'il fût averti , requis , ni foUicité de le faire. On pourroit
dire que quand le Prince publie une loy feulement parce qu'il le
veut, le bien qu'il y accorde àfes fujets ne dépendant que de"luy>
peut être limité à fa volonté, & ne durer qu'autant qu'il le trouve
convenable. Mais quand ces loix ont été recherchées , pourfui-
vies, fbîiicitécs , obtenues après de longues & mûres confidera-
tionsj après des négociations & des conférences deplulieurs an-
nées
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VII. ^19
nées; fi on les publie avec le titre d'irrévocables, elles doivent Tê- i6qo,
tre effedivement, parce qu'il eft certain que c*efl: fous cette qua-
lité qu'elles ont été requifes & accordées. Autrement il n'y auroit
jamais rien de folidc dans les concefîions des Souverains, ni d'af-
fûre dans la condition des fujets : & comme il y a toujours plufieurs
familles dont les établiffemens fè fondent fur ces concelîions , elles
fcroient toujours en crainte d'une ruine prochaine, fi elles ne pou-
voient compter fur le titre d'irrévocables que le Prince leur a donné.
Tout cela doit être encore plus évident, quand les conceffions font
juftes & utiles: quand elles font le bien & l'avantage de quelqu'un ,
fans faire tort à perfonne : quand elles font même en quelque for-
te , dues & necelîàires j fbit parce que ceux qui les obtiennent les ont
méritées, fbit parce que fans elles ils ne peuvent être afîureznide
leur repos , m de leur vie.
Mais fans m'arrêter aux mots , j*ay bien d'autres reflexions à fai- ^^ r^^ ^^
re fur les chofès mêmes. Je dis donc que la nature même de la f^çA-
chofe demande quelesEdits fbient irrévocables, ou quand la ma-
tière qu'ils contiennent efl d'une juflice naturelle > ou quand ils
tiennent la place, & qu'ils ont la force d'un Traitté de bonne foy.
L'un & l'autre fe trouve dans l'Edit de Nantes. La matière qu'il
règle efl d'une juflice naturelle > comme je puis le montrer encore
par des reflexions différentes de celles que j'ay déjà faites. On
peut réduire à deux points tout ce qu'il contient > favoir la li-
berté de la confcience > & la confervation des droits naturels
& civils aux Reformez. La liberté de confcience efl d'une juflice Droits Jt
la I
fi évidente, que dans le fejn de l'Eglife Romaine même, qui fê?"^
fait un devoirdeperfecuter les autres, il y a àcs Douleurs qui ne-
font pas d'avis qu'on en vienne auxextremitezpour la contraindre.
11 efl certain au moins qu'elle ne doit pas être forcée , parce qu'el-
le ne le peut être. Quelque violence qu'on face aux hommes , on
ne peut obtenir d'eux qu'ils ne penfent pas ce qu'ils penfènt; &
qu'ils ne jugent pas les chofès bonnes oumauvaifés, félon qu'elles
leur font reprefcntées par leurs lumières. La confcience efl faite
pour dépendre de Dieu feul , à qui par fà nature , ôc par fà confli-
tution tous fcs mouvemens fe raportent : & elle efl comme un Sub-
delegué de la Juiiice éternelle, qui rend compte à Dieu du cœur
de l'homme j mais qui ne le rend qu'àluy. De forte que danslç
tems même qu*on arrache à l'homme par la violence l'approba-
tioa
520 HISTOIRE
1600. tion extérieure des chofes que la confcience condamne, ellepro-
tefte en fecret contre ce qu'on fait dire à la bouche : & dans la
torture même , ou entre les mains des (bldats , elle confervela liberté
devoir &de juger qu'on fait pécher l'homme, enluy faifant faire
ce qu'elle ne peut approuver. Or c'eft là le plus haut degré de l'in-
juftice 5 que de vouloir ôter à l'homme ce que la contrainte même &
la dernière Aaolence ne fauroit luy faire perdre. On ne peut pro-
duire par là que l'un de ces deux effets -, ou de le jettcr dans une abo-
minable hypocrificen luy faifant témoigner delà vénération pour ce
qu'il abhorre : ou de l'affujettir à des cruautez qui ne finiront qu'a-
vec fa confiance , ou avec fà vie. Il y a des chofes qui font fi facrées
dans les droits de la confcience, que Dieu même, à qui feul elle
eftfujette, ne les viole jamais : & que dans la converfion mêmç
des cœurs , il ménage fi fagement les opérations & les victoires de
fà Grâce , qu'il ne fait jamais- violence à cette lecrctte liberté.
D'où il s'enfuit que les hommes , qui n'ont point de jurifdidfion
fur elle , ne peuvent entreprendre de la forcer, fans commettre
Toree des Une évidente injuftice. Mais il naît encore de là une féconde con-
Edits qiit fequenccj favoir , que puis qu'il eftinjufte de contraindre la con-
tiennent fcicnce , 11 cft juftcau Contraire de la lailîèrdans tous fes droits. Si
frlibmé: donc les concédions fondées fur cette juftice doivent être éternel-
les & immuables , comme la juftice même qui les autorife , il ne peut
jamais y avoir d'Edits plus irrévocables, que ceux qui confervent
à la confcience la liberté que la nature luy donne , & qui l'excmtent
de toute contrainte.
^^'^^ Il en ell de même des Edits qui font donnez pour la confèrvation
pmdm- des fujets ', & qui aflurent leurs perfbnnes, leurs fortunes, leurs droits.
nez, pour La coufcrvatiou eft le but naturel des focietez. Jamais les peuples,
vathn ^" ^^ rangeant fous de certains Gouvernemens , n'ont prétendu ni
dessocic donner, ni laifîèr prendre une autorité de les détruire. Jamais ils
^^** n'ont renoncé à l'indépendance, dans laquelle ilsnaiiîênt tous \es
uns à l'égard des autres, que parce qu'ils ont trouvé plus de fureté
dans leur union pour une commune defenfè, ou dans la protec-
fervatïon ^*^^ ^^ P^^^ ^^^^- ^^^^ ^^ ^^s rccompcnfe de la fujettion qui
des fujets Ictirôce une partie de leur liberté , que raffûrancc de conièrver
ejiiapret p^^ ^c petit dommage le relie de leurs privilèges. C'cfVdonc un
oùug». devoir naturel des Souverains , que de les confervcr également à
tion des cçux ^ qui ils appartiennent i puis qu'ils ne ibnt Souverain que
S!' pour
DE L'EDIT DE NANTES, Lir. VII. 521
pour être confervateurs , & que la confervation des fujets efl: la 1500.
première obligation de leur Couronne. Leur autorité eft line ima-
ge de la Providence, qui ne gouverne que pour conferver. Il nV
a que la rébellion , ou des créatures , qui leur fait perdre le fecours
confervateur de la Providence > ou des fujets , qui les prive de la
part qu'ils ont à la protection publique. Mais pour des fujets pai-
libles , obeïfîàns , fidèles , & de plus recommandables par leurs mé-
rites Se par leurs fervices, on ne fàuroit concevoir qu'il foit per-
mis de les dépouiller des privilèges qui les confervent : ni qu'un
Souverain, qui par fa qualité elt obligé de les maintenir, puifîe
jamais révoquer les Edits qui font neceflaires pour leur defenfe.
Ou il fautôter à ceux qui vivent fous le bénéfice de ces Edits , la
qualité de fujets que lanaifiance leur donne , & dont ils portent la
marque efîencielle dans l'obeïflance j ouilfaut leurlaifler, comme
aux autres , tout ce qui leur appartient dans la même qualité.
Mais comment pourroit-on leur ôtcr la qualité de fujets ^ Ils ne
font ni étrangers , ni ennemis. Ils ne font pas étrangers , puis
qu'ils font nez dans le même air que les autres -, fous la même auto-
rité, fous les mêmes loix: ils ne font pas ennemis , puis qu'ils
obeïfîent. Etant donc fujets, on ne peut s'imaginer revocables les
Edits qui les maintiennent dans les privilèges de leur condition j
fî on ne conçoit en même tems qu'un Prince peut légitimement dé-
truire un Etat qui luy obéît -, ou qu'entre ceux qui font membres d'un
même Empire , il y en a une partie à qui il eft permis d'opprimer
l'autre, fans égards de juflice ou d'humanité.
Mais fi de tels Edits font irrévocables par la nature des chofès
mêmes , ils le doivent être encore par la force de Traitté qu'ils en-
ferment ordinairement. En gênerai on peut dire, que tous les
Edits de proteéUon qu'un Souverain donne à fes fujets font équi-
valens àdesTraittez ; parce qu'ils ne font qu'un renouvellement de
ce Traitté originel & fondamental , fur lequel toutes les fbcietez font
établies. Qu'on tourne la chofe comme on voudra, on ne peut ny ^
nier fans aveuglement volontaire que le pouvoir des Souverains n--i:urei'
refulte d'un Traitté exprés ou tacite, par lequel ks fujets luy fou- J^"^"'^,.
mettent leurs perfonnes& leurs biens^ à condition qu'il leur rende /^ exprés
jufticeau dedans, & qu'il les protège au dehors. Dans les con-^"^''^'^'^^^*'
quêtes même, le plus foible traitté avec le plus fort des conditions 5^«x.r-
de fè rendre : & ceux qui fe remettent à la difcretion du vainqueur , ''^'"&^^
Tome I. S s ne' -^
322 HISTOIRE
1 600. ne font par là que le rendre maître des conditions de la confervation
qu'ils efperent. Aufli-tôt qu'il a réglé le traittement qu'il veut
leur faire, les loix qu'il leur donne feconvertiflcnt en un Traitté ,
parlequel il s'oblige à leur laifler ou les biens, ou la vie, ou la li-
berté, à condition de luy rendre les devoirs dont il leur impofe la
necefTité. Autrement il eft inconcevable que des hommes fe fou-
mettentà périr quand il plaira au plus fort, fans fereferver même la
confoîation de fe pouvoir conferver par la plus profonde obeïfTan-
ce. La fervitude efl: contraire à la nature : èc félon le fentiment de
plufieurs [uriiconfultes , il n'eft pas au pouvoir d'un homme de
ibumettrefa vie fans condition, aux fan taifi es & aux caprices d'un
maitre. Mais je veux bien la regarder icy d'un côté moins odieux ,
comme un degré d'extrême fujettion : comme le plus étroit engage-
Même ment ou • l'homme fe puillè réduire à l'égard d'un autre. En ce
"'^'."'^ cas je dis qu'elle enferme quelque chofc de réciproque : & l'efcla-
'^'i'e/ ve ne donne à fon maître le droit de vie & de mort fur luy , que pour
cUve. en ufer dans un cas d'attentat ou de rébellion : mais en fuppolant
robeïirance& la fidélité, l'efclavage même a des droits que le maî-
tre eft obligé de garder. L'efclave ne luy facrifie fa liberté que
pour la confervation de fa vie: de forte qu'il rentre dans les droits
de fa liberté , fi tout fidcle qu'il efi fon maître le perfecute , & en-
treprend fur fa vie. La liberté eft privilégiée. Comme elle eft un
des biens les plus naturels de l'homme, Scies plus infeparables de
luy , fes droits renaiflcnt & fe retabîiilènt , aulîi-tôt que celuy à qui
on les a fournis en abufe, pourladeftrucliondeceuxqui fe font mis
fous Cqs loix. S'il y a des exemples d'un uiïage contraire dans le
monde, cela ne vient pas du Droit, qui ne peut jamais autorifer
la tyrannie j mais de la violence du plus fort, qui étourdit par la
terreur la voix de la nature 6c de l'innocence. D'ailleurs cela ne fe
trouve que parmi les peuples , où la barbarie a pris la place de la na-
ture i & chez qui la force ne refpede point les maximes de la juf-
tice. Suivant cela donc , par tout où les leçons de la juftice & de la
nature font écoutées , les relations de la Souveraineté & de la fu-
jettion font fondées fur une condition primitive , qui met toute
l'autorité d'un côté, à condition d'être employée à la confervation
commune j & toute l'obeïflance de l'autre, à condition d'être re-
compenfée par la protedion : ce qui écant un Traitté formel ou taci-
te, dont les articles font diverfifiez en plufieurs fortes, fdon la
dif-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VII. 325
différente conftitution des Etats, tous les Edits, par lefquelscet- 1600.
te prote£tion eftpromifè, ou qui font ncceflaires pour en donner
Taflurance, ne font que des renouvellemens de cette oblif^ation
fondamentale, qui eft le devoir naturel de la Souveraineté. Ce (ont
des Traittez, parce que ce font en effet des ratifications du pre-
mier : & ils ne (ont pas plus revocables , que la condition fonda-
mentale de la fuprême puifTànce.
Mais fans avoir recours à ces confiderations générales , je dis Force dei
en particulier que jamais perfonne n'a mis en doute la fermeté des ^'■'*''''^'
Traittez, où les chofeseÂènciellesont été obfervées j qui ont été
conclus entre des parties compétentes , par des perfonnes capa-
bles , avec pleine connoifîànce , après mure délibération , (ans
fraude , fans violence. Si donc tout cela s'eft rencontré dans l'Edit
de Nantes , on ne peut nier qu'il ne dût être aufîi irrévocable que le
Traitté le plus folennel dont on ait jamais parlé. Le nom deTraitté VEdhde
luy a même été donné par les plus paflionnez Catholiques , par ^'''"'"
les Jefuites , qui dans ces dernières années ayant travaillé à l'anean- Troués
tir , ont reconnu qu'avant qu'il fût donné , la négociation & le
traitté en avaient duré des années entières. En effet l'Hiftoire le
fait voir afîèz clairement. On y remarque d^s parties qui ont des
prétentions différentes , qui députent, qui confèrent , qui contef-
tent, qui conviennent. Il fe pafïà quatre ans dans ces négocia-
tions , (1 on les commence à TAflèmblée de Sainte Foy , où on
jetta le premier fondement de cet ouvrage. Il s'en pafla au moins
deux, (i on commence à compter depuis le tems que le Roy pro-
mit d'y envoyer des Commifîaires , avec d^s inftruélions & d^s
pouvoirs. Jamais Traitté de Roy à Roy, ou d'Etat à Etat, n'a
eu plus de marques & plus de circonflances d'un véritable Traitté.
Il eft vray qu'en le publiant on ne luy a pas donné le nom de Trait-
té , mais celuy d'Edit. Néanmoins le nom ne change rien à la cho-
ie : & fi le titre met quelque différence dans la forme extérieure
d'un Edit & d'un contracl , au moins un tel Edit & un Traitté ne
différent point dans la (ùbftance. Les Traittez même qui (e font
avec les étrangers prennent quelxjuefois la forme d'Edit , quand on
les publie dans le Royaume. Ainfi dans les premières guerres ci-
viles, après un Traitté conclu à la tête dQ.s armées, on en compo-
pofbit un Edit que les Reformez recueilloient pour fruit de la guer-
re. D'ailleurs la forme d'Edit en pareil cas ne fert qu'à donner
Ss 2 une
524 HISTOIRE
1600. une nouvelle force à lachofe, puis qu'elle ajoute à la fermeté d'un
^e u Traitté la majefté d'une loy. D'où je conclus qu'un Edit dans le-
"îr^Tf ^^^^ ^^^ deux cara£leres concoureni, comme dans celuy dcNan-
remiphis tcs 5 cfl d'autant plus irrévocable , qu'il elT: en même tems une
i^enna- loyjuftc, fage , vcncrable, & un Traitté de bonne foy.
ne'ux Mais pour éclaircir davantage cette matière , je veux confide-
^gards de j-er ce Traitté en deux façons : ou comme fait entre le Roy & ks
IxnsCE- fujets Reformez i ou comme fait entre les Reformez & les Catho-
^'it : liqucs 5 Ibus une cfpece de compromis entre les mains du Roy , qui
ù ^Roy& ^'^ ^^ cette qualité le fouverain juge , & l'arbitre né de tous les diffe-
its Refùr- rens qui fe forment entre fcs fujets. Je dis même que cts deux égards
7iTÈntre ^^ ^^ contrcdifcnt point , & peuvent naturellement appartenir à un
les Refor- même acte. L'Edit donc eft en même tems un Traitté , où le Roy &
TeTcZ ^^^ Reformez s'obligent réciproquement à de certaines chofes 5 &
thoif' où les Catholiques & les Reformez font réglez fur leurs difFerens
2«f j. p^j. ig5 decifions du Roy , feul arbitre légitime de leurs prétentions
réciproques. La chofe eft aflez importante, pour mériter d'être
examinée fous ces deux égards. En la confiderant en premier lieu
comme un Traitté entre le Roy & les Reformez , je dis que le Roy,
quand il vint à la Couronne , les avoit trouvez armez pour deux
Les Re. raifons. Premièrement il y avoit près de vingt ans qu'ils expofoient
tr^tunc conftamment leurs biens & leurs vies, pour le défendre luy-même
a-vec le contrç ccux qui luy vouloient ravir (on bien. D'ailleurs ils étoient
fmw/^ armez pour leur propre confervation , contre des gens qui les
fenfe avoicut pourfuivis près de trente ans , par les voyes les plus injul^
w rer ^^^ ^ ^^^ P^^^^ cruelles. De forte que le Traitté qu'ils avoient à fai-
lices. re avec luy, étoit en même tems un Traitté de rccompenfè pour
7/. De leurs fcrvices , & de l'autre un Traitté de précaution contre ces im-
retécôn- placablcs cnncniis , fous l'airûrance duquel ils pufîènt quitter les
tre leurs armcs. D'où il s'enfuit que tout ce qui eft contenu dans l'Edit
n eit rien autre choie , ou que des conceflions pour les contenter
fur leurs demandes, ou que des furetez équivalentes à celles qu'ils
auroient pu trouver dans leurs armes ou dans leur courage. Ils
confignoieht en quelque forte par là leurs armes entre les mains du
Roy , qui réciproquement fe chargeoitde les défendre. De forte
que comme de bonne foy ils luy remettoient le foin de les proté-
ger , il s'engageoit dans la même bonne foy à les garantir par ion
autorité , des artifices & des violences de ceux qui durant tant
d'an-
tnnetnts.
DE UEDIT DE NANTES, Liv. VIL 32^
d'années avoicnt travaillé à les détruire. Il ne pouvoir donc fe de- 1<> 00.
partir de cette protedion promife , fans violer la bonne foy , qui
efl Tame des focietez , & le feul lien de leur fubfiftance.
Que fi on objede qu'il n'eft pas vray , qu'ils confignaflènt leurs ?Ucesdt
armes entre les mains du Roy, puis qu'ils retenoient tant dePla-/"''*'^*
ces fortes, & pourvues de garnifons j ce qui étoit proprement de-
meurer armé, pendant que tout le refte de la France étoit fans ar-
mes ; c'eft une difficulté qu'il eft aifé de refoudre. Premièrement
les Reformez voyoient leurs ennemis maîtres d'un grand nombre
de Places , où le Roy n'étoit obeï que comme il plaifoit à ceux
qui en avoient le commandement. D'ailleurs quoy que l'autorité
Royale commençât à reprendre un peu de vie , elle étoit encore
fort chancelante. Le Roy étoit plutôt affiegé que fèrvi par les Ca-
tholiques de fa Cour, & principalement par un grand nombre de
ceux qui avoient été Ligueurs. Il étoit à leur dévotion , bien plu-
tôt qu'eux à la fienne. L'expérience du pafTé faifoit connoître aux
Reformez, ce que des fujetsfa£lieux&mal intentionnez peuvent
faire faire à un Roy, quand fa perfonne eft entre leurs mains. Ils
craignoient, &ce n'étoit pas fans raifon, qu'on ne le contraignît
à facrifier leurs vies à leurs ennemis , de peur que leurs ennemis
n'attentalîent à la fienne. Enfin la garde de cts Places n'étoit qu'un
dépôt , qui devoit finir aufiî-tôt que le terme feroit expiré : & pour
éviter que les Reformez n'en demandaflent la prorogation , les
Catholiques n'avoient qu'à vivre fraternellement avec eux , & à
obferver les Edits avec plus de bonne foy qu'à l'ordinaire. Ce qui
bien confideré y\ montre que la garde de ces Places n'étant qu'un
gage , que le plus foible party prenoit pour s'afiiirer de la bonne foy
de l'autre , elle n'empêchoit pas que leTraitté ne fût de bonne foy
de la part des Reformez : comme les gages qu'on donne de l'exé-
cution d'un contradt entre particuliers, n'empêchent point que le
traitté n'en foit fincere , & ne luy font perdre rien de fa force.
On ne peut rien dire contre cela , fi ce n'efl: qu'il n'en efl: pas des Les R,ît
Traittez d'un Roy avec (qs fujets , comme de ceux qui fe pailènt F«^*«'
entre des perfonncs particulières : foit parce que l'obligation des Ir/r'"^
Rois envers leurs fujets dépend de leur bon plaifir^ foit parce que ("""^ >-
l'inégalité entre les Princesse les fujets les rend incapables de faire-'"''
cnfemble des Traittez, dont l'obligation foit égale des deux côtcz.
Mais ni l'un ni l'autre n'efl vray. Ces maximes ne font bonnes que Preuves.
Ss 3 pour
326 HISTOIRE
1600. po""* ceux qui veulent convertir en tyrannie toute l'autorité Politi-
que. La plus grande gloire des Souverains confiftant à être l'image
de Dieu , il ne faut jamais leur perfua^er qu'il foit indigne d'eux
de traitter leurs fujets , comme Dieu traitte les hommes. Or Dieu
ne fait point de difficulté de contrarier avec les hommes , de s'o-
bliger à eux , & de les obliger à luy par des conditions réciproques:
& jamais il n'allègue le prétexte de fa grandeur , ou de la fujettion
des créatures 5 pour éluder la force des Traittez où il efl: entré avec
elles. Néanmoins il a des droits bien plus abfolus fur les hommes,
que les Souverains flir leurs fujets > &il n'y a point de Gouverne-
ment, quelque defpotique & arbitraire qu'il (bit , qui égale le pou-
voir que Dieu a fur l'Univers -, (bit en conlèquence de 1lç:s perfec-
tions infinies , foit à cau(è de l'être qu'il luy a donné. Il ne faut
donc pas s'imaginer, que la diftance d'un Roy à fes fujets déroge à
l'obligation d'unTraitté, puis que celle de Dieu à fa créature ne
le fait pas. C'eil: pourquoy le Clergé même ne doute pas , qu'il ne
fe puirîe faire de tels contrats entre les uns & les autres. Et pour
ne dire rien maintenant de ceux qu'il pafTe avec les Rois tous les
jours, par lefquels il tire d'eux de certaines conceffions , moyen-
nant de certaines fubventions qu'ils pourroient exiger de luy fans
Traitté , comme de leurs autres fujets ■■, pour ne parler pas , dis-je,
maintenant de ces contrats quotidiens , il a fait convertir en Trait-
iez les conceffions qu'il a obtenues en divers tems de la facilité des
Princes. Lesjurifconfultes qui ont écrit pour ks intérêts , ont fait
cette remarque en fa faveur^ j ne doutant point que ks privilèges
ne devinfîent par ce moyen plus certains & plus durables : ni que
par confequent les Souverains & les lujets ne puffienC traitter lé-
gitimement & valablement enfemble. De là vient que pour re-
lîouveller les obligations réciproques de ces Traittez , les Rois ju-
rent à leur Sacre de maintenir le Clergé dans fes privilèges -, &
chacun de ceux qui ont des Bénéfices à la nomination des Rois
leur jure fidélité , avant que d'en prendre poffeffion. Les Rois de
France même ne doutent pas de la validité de ces Traittez. Cela
paroit par la Politique de Louïs XIII. dont j'aurai lieu de parler
ailleurs. Pendant les guerres de Religion , qui durèrent près de
dix ans fous fon règne, il évita toujours le nom de Traitté, foit
dans les comportions des villes qui fe rendirent à luy , foit dans les
Edits dont il amufa la crédulité des peuples j parce qu'il vouloit
de-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIL 527
demeurer le maître des avantages qu*il accordoit aux Reformez, j^qq
afin, dilbit-il, qu'ils ne tinfîènt que de fa volonté & de fa parole
toutes les libcrtez dont il les laiiTeroit jouir. Il eft évident par là
qu'il croyoit , que quand il auroit conibnti à quelque chofe par un
Traitté , il n'enferoit plus le maître > qu'il étoit donc perfuadé,
que les Traittez des Rois même avec leurs fujets les obligent , com-
me ceux des autres hommes avec leurs femblablcs) & que quand il
y a de tels Traittez entre eux, le Prince n'a pas plus de droit de
les violer , que les fujets mêmes.
Cela eft fondé fur ce qu'encore que l'inégalité foit grande entre
le Souverain & le fujct , il y refle néanmoins une égalité que la dif-
férence de l'Empire & de la fujettion ne fauroit détruire j favoir celle
de l'obligation d'être juftes , équitables , & de bonne foy , fans quoy
il eft impofTible qu'ils fe rendent mutuellement ce qu'ils fe doivent.
Or cette égalité luffit pour les Traittez, puis que c'eft fur cesfon-
demens que roule leur folidité. Que fi on prétend, qu'au moins
communément & dans l'ordre les fujets doivent traitter par requê-
tes & remontrances , & attendre la decifion de leurs rois, fans la
négocier, & la rechercher par des Traittez 5 je veux bien fuppofer
que cela foit véritable ordinairement, ôcdans les affaires qui fui-
vent le cours réglé du Gouvernement. Mais il y a fans doute au Les r*.
moins des cas ou la chofe change j où les fujets peuvent deman- -'^'''"^f
der un Traitté, & regarder comme un Traitté ce qu'ils obtiennent 7tT/l''^
de cette manière. Cela efl: évident dans les guerres civiles , où les "■'^''''»'
rebelles même, de qui les armes font injuftes, nefe rendent pas '^ro//'^
toujours à difcretion , mais le remettent dans l'obeifiance à des
conditions dont ils conviennent avec le Prince. Or ce feroitunc
fenflble abfurdité, que la rébellion donnât aux fujets le droit de
traitter avec leurs Souverains, ôcque rien ne put jamais autorifer
les Traittez des fujets fidèles. Ce fèroit inviter les fujets à la ré-
volte, toutes les fois qu'ils voudroient être afTùrez de leurs privi-
lèges , que de prétendre qu'ils ne pourroient jamais en obtenir la
confirmation par des Traittez , que quand ils feroient rebelles. S'il
y a donc jamais eu des occafions où les fujets ayent pu faire des
Traittez, je dis que celle du Traitté fur lequel TEdit de Nantes a
été donné en eft une.
Premièrement une partie du Royaume s'étoit déclarée contre Tratfns
l'autre, ôci'avoit periecutée par tous les moyens dont la plusmor- î«' "
teile jrent.
SiS H I s T O It R E
1600. telle haine Ce peut fervir : & cette perfecution avoit duré au tems
de l'Edit plus de cinquante ans. On ne s'étoit pas contenté des
vexations & des chicanes , pour incommoder cette partie oppri-
mée j on en étoit venu aux extremitez , on ne parloit que d'exter-
miner , & on avoit verfé le fang des prétendus Hérétiques par tout ,
& par toute forte de moyens. IL Ces violences avoient obligé
les perfecutez à s'unir pour la defenfe de leurs vies , & à repouflêr
par les armes celles de leurs ennemis -, ce qui étant fondé fur le
droit même de la nature , ne peut.pafler pour illégitime que dans
l'efprit de ceux qui croyent que les innocens perdent leur inno-
cence, quand ils ne fe laifîènt pas couper la gorge fans fe défen-
dre. 1 1 1. II y avoit donc ainfi deux partis formez , dont l'un étoit
aggrefleur, & l'autre étoit fur la defenfive: qui ayant des intérêts
aulîî differens que le font détruire & conferver, 6c des forces qui
n'étoientpas fî inégales, que l'un pût exterminer l'autre fanss'ex-
pofer luy-même à la moitié du danger, ou auroient defolé l'Etat
par une guerre éternelle 5 ou dévoient traitter enfemble pour le
bien de la paix commune. IV. Les Rois avoient pris party dans
ces démêlez : non feulement parce que c'écoit fous leur nom qu'on
avoit condamné tant de pauvres gens aux derniers fupplices j mais
parce que c'étoient eux qui avoient levé des armées pour les dé-
truire, rompu lesTraittez , révoqué lesEdits de paix, ordonné
& exécuté les maiîacres. V. Henri III. étoit allé encore plus loin.
Il avoit juré folennellement de détruire les Reformez , & de ne
faire jamais la paix avec eux. Il s'étoit déclaré chef de la Ligue ,
qui s'étoit formée fous le prétexte de les exterminer j Se par ce
moyen , félon la remarque des plus fàges , de Roy // éto^t deve-
nu chef de par t'y j é^ de père commun , l'ennemi d'une partie de fes
fujets. Alors donc , quand même ces fujets perfecutez n'en au-
roient pas eu le droit auparavant , ils furent autorifez de former
un party qui pouvoit légitimement fe défendre , puis que leur Prin-
ce même leur declaroit une guerre fans quartier , & les devoùoit
comme des victimes à la fureur de leurs anciens ennemis. Leurs
armes ne peuvent plus être regardées après cela comme prifcs con-
tre l'autorité d'un Roy , mais contre la violence d'un deftructeurj
contre un ennemi même, en qui ils nepouvoient plus jamais pren-
dre de confiance j puis qu'il avoit juré de ne garder lesTraittez
de paix qu'il pourroit faire avec eux , qu'autant qu'il n'auroit pas
une
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VII. 329
tine favorable occafion de les rompre. VI. Lo changement arri- i()oo.
vé par la mort dcsGuifès, & en fuite par celle du Roy, n*avoit
pas fait cellèr cette diflindlion de partis -, puis que les Catholiques
qui avoient été unis auparavant pour faire la guerre aux Refor-
mez étant alors divifez en deux , les Reformez avoient aulli alors
la guerre aéluellement avec ceux qui fui voient le Duc de Mayen-
ne, &vivoient avec les autres dans unefecrettc inimitié, cachée
du nom d'une trêve. D'un côté la guerre duroit encore , èc de
Tautre elle n'étoit que fufpendué. Alors donc il y avoit entre ces
partis un droit qui les rendoit capables de traitter les uns avec les
autres, pour finir leurs divifions par une paix. Henri IV. même
ayant abandonné la protedion des Reformez , & s'étant mis à la
tête des Catholiques , dont il embrafla la P^eligion , les Reformez
fè trouvèrent avec luy dans le même état où ils avoient été avec
fon predecefïèur , c'eft-à-dire dans l'état d'ennemis du reile de fcs
fujets, dont la fureté dependoit de la bonne foy d'une trêve.
Il eft vray qu'il vouloit reprendre la qualité de père commun : ^.^/^gf
mais il ne pouvoir la reprendre qu'en failant ccfler les caufes de *-^P-
l'mimitié -, ni qu'en retabîiflant la concorde par un Traitté , qui fît *"'"^*
renaître la confiance. Je dis plus encore. Les Reformez fe trou-
vèrent, s'il fe peut , plus capables de traitter avec luy fous Ion
règne, qu'ils ne l'avoient été fous celuy de Henri III. I. Parce
qu'il les avoit autorifèz de former un corps, exhortez à s'unir pour
leur defenfe , permis de former des Confeils & des AfTcmblees,
qu'il avoit , pour ainfi dire , légitimées par des Lettres patentes ,
fuppofé qu'elles n'euflênt pu être légitimes fans cela. Il avoit
été le premier auteur de leur union , lors qu'il s'étoit mis à leur
tête pour les défendre contre Henri 1 1 1. & par confequent au-
tant que leur»union avoit été jufle fous le règne de ce Prince, au-
tant elle l'étoit encore fous le règne fuivant , lors qu'ils eurent à
vuider avec Henri IV. les mêmes queflions qu'ils avoient eues
avec fbn predecefïèur. 1 1. Il avoit reconnu ces Afïèmblées capa-
bles de traitter avec luy , lors qu'il y avoit envoyé des Commif^
fàires pour traitter avec elles , fuivant leurs inftru6lions & leurs
pouvoirs j & qu'il avoit permis que les propofitions qui furent
faites de part &c d'autre, fufîènt agitées , debatucs, expliquées,
arrêtées , comme il eft ordinaire dans les Traittez.
Or le Roy ne pouvoit entrer dans ce Traitté que fous deux
Tome I. Tt égards j
.30 * HISTOIRE
1600. égards; Ttin de Chef des Catholiques dont il fe faifoit fort, &c
Bgards dont il avoit le confentement , comme il paroîtra tout à l'heure ,
^Zdsfe P^^^ conclure une paix qui fît cefier à jamais les difcordes & les
R^/J,- querelles: TautredeRoy, à qui appartenoit TEtat , & qui dévoie
^^' conferver dans l'union tous les membres dont il étoit compofé.
Sous le proiiier égard , ce qui fe negocioit entre fcs Députez &
ceux des Reformez , ne peut être pris que pour un moyen de con-
cilier les prétentions oppofées des Reformez & desCathohques,
& de régler les conditions réciproques fous lefquelles ils dévoient
vivre : formant de ces conventions un droit nouveau , qui dévoie
fervir de loy perpétuelle de leur union dans la vie civile. De for-
te que les intérêts des partis contraires étant tellement mena-»
gezdans cette négociation , que l'un n'eut rien qui tournât à un
notable préjudice de l'autre, & qu'il fe fit une compenfation à peu
près égale de leurs avantages , & de leurs incommoditez , on
ne peut nier que tout ce qui appartient à un vray Traitté ne fe foit
rencontré en ccluy-cy , comme dans tous les ades qui en ont le
plus véritablement porté le nom. Or il eft fi évident , après ce
que j'ay dit de l'état où le Roy avoit trouvé le Royaume après la
mort de Henri ï IL qu'il traittoit avec les Reformez comme Chef
du party Catholique , foit parce qu'il étoit fucceflèur d'un Prince
qui avoit pris folennellement cette qualité , foit parce qu'il s'étoit
rangé luy-même à la tête de ce party, enfe reconciliant avec l'E-
glife Romaine , qu'il feroit fort inutile de m'y arrêter davantage.
Je pafle donc à confiderer le fécond égard , & je dis qu'il trait-
toit en fa qualité de Roy , qui pouvoit donner à {es fujets toutes
les afiurances de la protedion qu'il leur devoit, &: tout ce qui s'ap-
pelle grâces , libertez & privilèges. Or il eft certain que la qualité
de Roy enferme celle de père commun, qui quand ilfurvient des
differens entre fes fujets tient entre eux la balance égale , & don-
ne des bornes par fa juftice paternelle aux entreprifes des uns fur
fes autres ; ce qui fe faifant avec connoiflance de caufè , devient
une decifion d'arbitre, dont lautorité eft garante de ce qu'il a ju-
gé convenable. C'eft ce qui m'a donné lieu de dire cy-devant , que
l'Edit devoit être confideré comme un Traitté entre les Catholi-
ques & les Reformez, fous l'autorité du Roy comme leur arbitre
naturel , dont la Majefté demeuroit obligée à la garantie de l'E-
dit 5 contre les attentats qu'on v pouvoit former de part ou d'autre.
Cette
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIL 351
Cette garantie même étoit exprimée aflèz clairement par les par- kJqo»
ties de TEdit , qui portoient que les infraélions en feroient pour-
liiivies au nom du Roy par Tes Procureurs Généraux : parce qu'il
eft naturel que les Traittez étant garantis par une puiflance qu'on
prefuppofe capable de les faire obferver, on recoure en cas d'in-
fradion à ceux qui les garantiflènt > & on charge les g^yrans de ré-
duire à leur exécution ceux qui les violent.
Je dis donc que les Catholiques & les Reformez font les parties Le Roy
entre lesquelles le Roy, comme leur Souveram légitime , comme 7*/""^,
leur arbitre né, comme leur père commun, procure & garantit la y//; T
paix par fon Edit , en connoiflance de caufe , après avoir exami-
né les prétentions & les defenfes, &reçu même autant qu'il étoit
neceflàire le confèntement des mtereflèz. Il paroît que les Re-
formez & les Catholiques étoient parties dans ce Traité, puis que
c*eft eux qui reçoivent le fruit du Traitté, favoir la concorde & la
paix qu*il leur procure -, & que c'eft entre eux que les differens &
les conteftations ceflènt, aulîî-tôtque TEdit s'exécute. Il paroît
que le Roy les juge, puis que c'eftluy qui parle dans l'Edit, &de
qui émanent toutes les decifions fur les fujets qui avoient étécon-
teftez. Il paroît qu'il le fait avec connoiflance de caufe , puis qu'il
cft informé des demandes des Reformez par leurs Cahiers , leurs
Requêtes , leurs deputations s & des prétentions des Catholiques ,
par leurs contradictions 11 leurs oppofitions. Il paroît enfin qu'il
a des marques fuffifantes du confèntement des uns & des autres , par
diverfès raifons qu'on tire aifémcnt de THiftoire.
Celuy des Reformez eft allez formel , par la longue pourfuite
qu'ils avoient faite pour obtenir les chofes qui leur étoient accor-
dées par les Commilîàires du Roy : & celuy des Catholiques eft
aftcz exprés , par ce que je vais raporter : après avoir remarqué
que leurs oppofitions ne detruifent point leur confèntement. Cela
cft de la procédure commune , que les conteftations devant un ar-
bitre n'empêchent point que ceux qui les forment ne fefoumettent
à exécuter ce que l'arbitre prononcera -, ces conteftations ne fer-
vantqu'à éclaircir les faits , & à inftruire celuy qui prend connoif- ^u con-
finer de la chofe. De même les oppofitions des Catholiques n'ont /e»(e.
été qu'une contcftation en Droit fur des chofes dont le Roy devoit cl'tLu-
les juger > qui n'empêchoit pas qu'ils ne confcntifTent à paflèrpar ques
les decifions qu'il auroit prononcées. Je dis donc qu'il y a plu- {^/^'"jf'^J'
T t z iieurs du.
33^ HISTOIRE
1600. iicurs marques du confentement des Catholiques à l'Edit que le Roy
vouloit donner aux Reformez. Premièrement la trêve entre les
deux Rois eft une bonne preuve , que les Catholiques qui fuivoient
le party du Roy n'étoicnt pas éloignez des fentimens de paix. 11
n'y a pas loin de Tun à l'autre. Qui peut faire trêve avec un enne-
mi j jufqu'à vivre en même lieu , jufqu'à joindre les armes pour
un intérêt commun , peut aifément devenir ami. Qui confent à
une trêve, quiefl une paix provifionnelle 5 montre par là qu'il ne
répugne pas à une paix decifive. Ce qui efl vray fur tout en ce cas y
où la trêve faite pour les deux partis par leurs Chefs êtoit un mte-
rm j en attendant la paix dont il devoit être traitté , quand il y
auroit moins de troubles dans le Royaume. En fécond lieu 1' A£te
pafîé avec Henri I V. par les Catholiques de la Cour & de l'armée,
après la mort de Henri III. par lequel ils n'obligent le nouveau
Roy qu'à la confervation de la Religion Catholique, fans deman-
der l'extinélion de la Reformée j & qu'à fe faire inftruire dans la
dodlrine Romaine , fans y forcer le refte de \ts fujets : cet A6le ,
dis-je, eft une preuve de la même chofe. Teleften troifiémeheu
l'écrit fignépar les Princes & les Seigneurs Catholiques à Mantes,
avant la conférence de Surêne : où non feulement ils confentent
que le Roy conlérve les Reformez ^ mais ils promettent qu'on ne
leur fera point de préjudice par le Traitté où on entre avec les Li-
gueurs. Tout cela forme une manier#de compromis , par le-
quel il eft évident que les Catholiques du party du Roy confen-
terît qu'il les juge, fur les differens civils que la Religion avoit fait:
naître dans fon Royaume.
Mais \qs marques du confentement des Ligueurs font encore ,
s'ilfe peut , plus claires & plus authentiques. Il n'y a pas un dts
Traitez faits avec eux , où il n'y ait un article pour la Religion. Mais
jamais cet article ne demande que deux choies -, favoir le retabliflc-
ment de îa Religion Romaine en de certains lieux > & la réduction
de l'exercice de la Religion Reformée à de certaines bornes. Cela
veut dire clairement que Ibus ces deux conditions, ceux qui traittent
confentent que le Roy tolère les Reformez. Ilelt d'un droit no-
toire, & d'une pratique univerfelle, que toutes les reftri£tions con*
firment la loy dans tous les cas aufquels la reftriélion n*eft pas éten-
due, & que l'exception d'une claufe particulière eft une ratifica-
tion de la règle générale. On voit donc icy les Catholiques, mê-
me
la Regd'
le.
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIL 333
me ceux dont le zèle a eu plus d'éclat & plus d'apparence queceluv 1600.
des autres, qui fe rapportent au Roy des moyens de faire la paix
entre eux & les Reformez : & qui à l'exception des deux conditions
où ils fe renferment , laiflent à ion autorité la liberté d'agir comme il
le jugera convenable. C'eft après tous ces Accès pafîcz que le Roy
a jugé définitivement ce grand procès j & qu'ayant fait convenir
les parties fur tous les points de leurs conteftations , Ibit par les né-
gociations des Députez , foit par les decifions qu'il a prononcées en
faveur des uns ou des autres, dans les chofes où ils ne pouvoient
s'accorder, il a formé entre eux le Traitté irrévocable qui eft con-
tenu dans les articles de fbn Edit. J'ay droit d'appliquer icy la Maxime
g;rande maxime du Clergé de France , qu'il a portée fi haut dans''"?*''"
les affaires de la Regale. Après que le Parlement de Paris cuUesque/-
commencé ce procès , vers les premières années de ce fiecle, lej'"^^'^'
Clergé fit mouvoir toute forte de machines , pour empêcher que
la caufè ne demeurât entre les mains de ces Juges , qui tiennent
plufieurs de fes privilèges pour des ufurpations. Il obtint que le
Roy évoqua la caufe à luy : & après que fon ConfeilTeutlaifTée
indeciTe plus de cinquante ou foixante ans , enfin le Clergé perdit
fon procès il y a quelques années , & le Roy s'adjugea la Regale
par toutlbix^oyaume. La grande raifon dont une partie du Cler-
gé s'ellfervîe pour porter l'autre à l'aquiefcementefl: celle- cy : le
Parlement n'étoit pas juge compétent de cette affaire. Il ne juge
que des caufes particulières 5 non de celles qui regardent tout entier
un des Etats, &le premier Etat du Royaume. Le Roy feulefl
juge compétent de ces grandes queflions. Il a étéfaifi de l'affai-
re par l'évocation que le Clergé a requifè. On avoit eu droit de
contefler jufques-là: mais maintenant la chofè efl finie. L'arbi-
tre fouverain a prononcé) l'Oracle a parlé 3 il n'y a plus rien à
dire.
De même dans Taffaire de l'Edit , il n'y avoit point de Juge
compétent dans le Royaume, excepté le Roy. C'étoit, non pas
l'affaire d'un des Etats; mais des trois Etats, qui étoient tous in-
terefîez dans les differens de Religion. Le Roy étoitfaifi de l'af-
faire par les Requêtes des uns j par les contredits, ou les A des de
confentement des autres. La chofe a traîné entre fes mains plu-
fieurs années , pendant lelquelles il en a été fait une difcuilion aflez
exacte pour l'éclaircir. Enfin il a prononcé 3 il a fait la loy 3 il
Tt 3 a
334 HISTOIRE
^ a fait, l'accord des parties par les conditions qu'il leur a prefcrites.
^ °°* C'eft donc une affaire faite, & oiiiln'y a plus de retour. Lacon-
fequence eft d'autant plus neceflaire , qu'entre la caufe de la Regale
& celle de l'Edit , il y a une différence avantageufe à cette dernière ,
pour ne parler point des autres qui peuvent s'y remarquer. Le
Clergé tient pour arrête ce que le Roy, comme arbitre (ouverain,
a jugé dans fa propre caufe : mais dans l'Edit , le Roy fous la même
qualité juge, fans foupçon de partialité , dans la caufe defes fu-
jetSj où il n'a point departperfonnelleioùilne prend nul intérêt
que celuy d'arbitre commun , & de père de la Patrie.
Le Roy Q^ ^^îis une affaire de cette importance , dont la decifion accor-
'ranfdJ doit tous Ics mcmbrcs de l'Etat , Se terminoit par une heureufe
foa Edit. paix leurs longues & funeftes divifions , il eft évident que le Roy
ie rendoit garant de la concorde que ce Traittéretablifîbit entre lès
fujets , comme celuy dont l'autorité l'avoit cimentée. C'eft le
privilège de l'autorité fuprême , que de garantir & de faire valoir
les chofes où elle efl intervenue. C'eft fur cela que la vertu des
contrafls particuliers eft fondée, que le nom& le feau du Roy y
interviennent ; qu'il juge les parties de leur confenteir.ent -, que
comme garant àts droits de chacun de ^QS fujets, il fait valoir en
faveur de la bonne foy & de l'innocence , contre les chicanes de la
fraude & de l'injuftice, les Aâ:es que fan pouvoir autorife, &:qui
font formez enfonnom. Si dans ces Ades donc où le Roy n'eft
prefumé juger que parce que fon nom y paroît, fà qualité d'ar-
bitre fouverain dans toutes les caufes de Ïqs fujets, le fait entrer
dans une tacite garantie qui les rend fermes & inviolables : com-
bien doit-elle plus évidemment fe trouver dans un Traitté qui réu-
nit les parties de l'Etat après une longue guerre -, & dans lequel le
Roy même a prononcé les articles de fa propre bouche ^ Ce Traitté
donc devoit être inviolable aux parties, qui dévoient être conten-
tes 5 après que l'Oracle avoit parlé : mais inviolable au Roy même,
puis qu'il eft aufîi naturellement le garant de l'oblèrvatioh des con-
trats de (qs fujets , que le fuprême arbitre de leurs differens. Or
il eft inconcevable qu'un Prince puifte être légitimement le premier
infra<Steur des Traittez dont la garantie luy eft commife : & quoy
que des Traittez de bonne foy ne puifîent jamais être violez fans in-
famie, elle feroit moindre néanmoins pour celuy qui ne feroit en*
tré dans le Traitté que comme ftmple partie j que pour celuy qui fe-
rait
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VII. 3^5-
roit le garant de la foy commune j & obligé par cette qualité de fai- i ^qq,
re garder le Traitté aux autres. Il s'enfuit donc que le Roy étant
d'un côte, comme Chef des Catholiques, partie avec les Refor-
mez dans le Traitté fur lequel l'Editde Nantes a été donné j &de
l'autre, étant garant de fbn obfervation entre les Reformez & les
Catholiques, par fa qualité de Roy& de père commun, comme
de l'ouvrage de fon amour paternel, de fa prudence, deia jullice,
de fon autorité Royale , ilnepouvoit jamais ni comme partie, ni
comme garant, en ordonner, ni en permettre la revocation.
Sionditiqy que cela peut regarder Henri IV. l'auteur de l'Editj
mais qu'il n'en eft pasde même à l'égard des Rois fes fuccclîeurs,
qui ont trouvé les chofes changées j & qui ont pu prendre de nou-
velles mefures, félon le nouvel état des affaires : je répons que cet-
te queflion pourra trouver fa place dans un autre tems , quand j'au-
rai des reflexions à faire fur la revocation de l'Edit. Il me iuffit les/uc.
de dire icy en paffimt , que quand les fucceiîèurs ratifient ce qui a été #«"
fait par leurs predecefîeurs , ils entrent dans toutes leurs obliga- ^7//?^-^
tions : & qu'on ne doit pas eftimer les chofes changées , quand les t«r tes
mêmes raifons de iuftice & d'humanité fubfifient : quand l'utilité eft ^''^'^'^^
j i. ^ <jf ceux
la mêmej quand les parties interefléesne font pas éteintes i ni de- qui la
venues indignes de ce qu'on leur avoit donné. Les enfans tien- P^^'^^-
nent icy la place des pères : &z c'eft la raifon qui fait que de certains, '
privilèges demeurent perpétuels dans les familles > parce qu'on
prefuppofê que ceîuy qui lesaobtenus me meurt point, tant qu'il
laide après luy une pofterité qui le fait renaître. Or il eft fi aifé d'ap-
pliquer ces veritez à l'Edit, qu'il feroit inutile d'allonger icy ma
digreflion par desconfiderations qu'il faudra repeter ailleurs.
Je viens donc à la dernière choie que je me fuis propofée , &
que je finirai en peu de mots. Elle regarde les objections qu'on a
faites contre l'Edit , qui fontprefque toutes fondées lur une prin-
cipale , qu'on tire de ce que c'eft un Traitté imparfait , où les prin-
cipaux Catholiques n'ont point été appeliez -, qu'on a dreflé l'E-
dit fans ouïr les Parîemens ; fans donner lieu au Clergé de repre-
fenter & de défendre les intérêts > fans avoir l'approbation , ou du
moins le confentement du Pape , qui eft neceftàire afin que celuy des
Catholiques ibit légitime , dans les chofes qui regardent la Religion.
Mais cette objeéhon eft la plus foible &: la plus fauftè de toutes ;
la plus foible , parce que quand elle feroit vraye , elle ne pourroit
ti-
33<5 HISTOIRE
1 600. tirer à confèquence -, la plus faufle , parce qu'il y a eu une interven-
tion de toutes ces parties aufli publique , &t aufli formelle qu'elle
pouvoitrôrre. Je disque quand cette objeclionferoit vraye, el-
le ne feroit point de confèquence , parce que ce ne feroit tout au
plus qu'un défaut de formalité, qui dans dç.s chofes aufli impor-
tantes que celles dont l'Edit traitte , ne doit point venir en conlide-
ration au préjudice des chofes mêmes , quand elles font juftes ôcne-
ceflaires. Dans les affaires civiles entre les particuliers, un pareil
défaut peut bien priver celuy qui y tombe de certains avantages ,
qui luy auroient appartenu après des procédures plus exa£les ;
mais il ne le prive pas de fes droits. Dans celles où il s'agit de la
vie des hommes, il feroit encore plus étrange qu'on la fit perdre à
quelque malheureux , pour une fmiple omifîion de formalité : & la
nature murmureroitde voir périr quelqu'un, dont l'innocence fe-
roit d'ailleurs bien prouvée , fi fa condamnation n'etoit fondée que
fur un défaut de cette nature. Combien feroit-il plus étrange, que
dans une affaire où il alloit de la vie & de la fureté de tant de milliers
de fujets braves , fidèles , conflans dans le fervice de leur Prince -, Se
de qui tout le crime , félon leurs ennemis mêmes , étoit d'avoir la
confcience trop délicate pour la foumettre à l'autorité d'autrui j
combien , dis-je , feroit-il plus étrange, que dans une telle affaire on
crût avoir raifon de ne tenir rien à ces pauvres gens de ce qu'on leur
auroit promis , fous prétexte qu'on n'auroit pas fait dans les formes
à leurs ennemis une fommation de comparoître avec eux en juge-
ment , pour être réglez fur leurs diffcrens ? Quand il n'y auroit
riçn déplus, la chofe étoit publique. 11 étoit impolFible que le
Clergé ni les Parlemens ignoraffent , qu'on traittoit avec les Refor-
mez. On voyoit leurs Alîemblées , leurs députa tions > leurs écrits -,
les allées & venues des Commifîaires du Roy. Tout le Royaume
en parloir : cela fe pafîbit même fous les yeux de toute l'Europe.
Dans une affaire de tant d'éclat , il ne tenoit qu'à ceux qui preten-
doient y avoir intérêt d'y intervenir : & s'ils ne ne l'avoient pas
fait , le défaut de leur intervention ne feroit venu que d'une négli-
gence affeitée , ou d'une ignorance de mauvaife foy .
^isies Mais en fécond lieu cette objedion efl faufïe. Ces parties qu'on
Furie, y devoit appeller v font intervenues -, non après coup , & lors
mens ont J \T , . J., , . *^ ni- t /~a -re
tu au- que la choie etoit fans remède j mais avant quel hditrut verihe:
tantie c'cft-à-dire par confequent, avant que l'Edit fût ratifié, & paffé
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VII. 337
en chofê jugée. Celaeft fi vray , quece fut fur leur intervention 1 600»
qu'on reforma plufieurs choies qui avoient été accordées à Nan-î«*'/
tes. Je n'infifterai pas icy fur ce qu'un des CommifTaires du Roy f'il^J
étoit membre du Parlement : mais je dirai au moins que l'inrcr- lourkur
vention de ce Sénat eft manifefte , par les diverfes deputations qu'il '"'
fit au Roy , après qu'on luy eut envoyé l'Edit pour Tenrcgîtrer. On ^eTte^Je'
écouta fes remontrances j on mit en confideration Ces oppofitions -, '"'".
on le laifîà parler plus d'une fois 3 avant que prononcer un ordre ab- ^'*'"'''''''
Iblu d'enregitrer l'Edit , on luy accorda quelques-unes de fes de-
mandes , & fur le refte on le paya de raifons. De forte que le
commandement qui furvint après cela ne peut pafler que pour une
manière d'Arrêt contradidoire , rendu après avoir ouï plaider les
parties, & avoir mis en confideration leurs prétentions & leurs de-
fenfes.
Le Clergé y eft intervenu de même. Il a fait fès remontran- Le ckr^
ces & fes oppofitions , comme le Parlement. Il les a faites même &'>
avec plus d'éclat, & plus de maturité. Il s'afTembla peu après la
conclufion de l'Edit, te Légat étant encore en France. Il fit ha-
ranguer le Roy par des Députez ; il luy prefenta des Cahiers & des
Requêtes : il ne fit rien que de concert avec le Légat -, & après Ion
départ avec le Nonce. Les Agens généraux allèrent plus loin
même dans leurs oppofitions que ce Prélat, & les portèrent avec
fi peu de refped qu'ils fe firent dire de rudes paroles. Leurs re-
montrances néanmoins eurent une partie de l'effet qu'ils defiroient.
Elles obtinrent pour le Clergé des exemptions & des grâces > & el-
les firent changer quelques articles de l'Edit. De forte qu'on ne
peut dire après cela fans impudence qu'il n'avoit pas été" ouï. Si
le Roy nefe rendit pas à tout ce que le Clergé fouhairoit, & luy
fitperdreune partie de fes prétentions, il n'en efl: pas moins vray
pour ceja qu'il l'ouït, & qu'il jugea le différent avec pleine con-
noifiince de caufe. Les murmures du Clergé , depuis l'affaire
vuidée, ne luy donnent pas plus de lieu de fe plaindre de n'avoir pas
été écouté , que ceux d'un homme qui vient de perdre conrradiftoi-
rement fon procès, ne luy en donnent de dire que les Juges n'ont
pas vu fes titres. Sur quoy il faut ajouter, que le Clergé reçut de l'Edit
plus d'avantage que les Reformez même en beaucoup de choies.
De forte que quand même il auroit été exclus de toute la négociation
de l'Edit, il n'auroit eu fujet de fe plaindre quede ce qu'on avojt
Tome I. V V fait
S3^ HISTOIRE
1600. fait lès affaires à Ton profit, fans luy laifîèr la peine de les pourfiiivre.
LePa^e Enfin le Pape même avoit donné fon confentcment , autant qu'on
même, j^ pouvoit dcfirer. On luy avoit bien fait comprendre, dès le
tems qu'on traitta de la reconciliation du Roy avec luy , que ce
Prince ne s'obligeroit point à détruire les Reformez. Dans les ar-
ticles même dont (es Procureurs convinrent, ils employerent-des
claufes générales 5 qui emportoient un confentcment à l'Edit qu'on
pourrok donner pour la liberté de confcience. Au moins ces Pro-
cureurs alfûrerentpofitivement le Roy que c'étoitlàle fens de ces
termes vagues, dont il avoit falu fe contenter, parce que le Pape
n'avoitpu ni dû en foufirir d'autres. Cela veut dire quel'Eglifè
Romaine fe faifant un devoir & un honneur de mafiacrer, de brû-
ler, d'exterminer par toute forte dévoyés ceux qu'elle eftime hé-
rétiques, le Pape ne croyoit pas bienfeant pour luy deconfèntiren
termes formels qu'on les laifllt vivre en paix , &z qu'il avoit falu par
confequent l'exprimer en termes couverts. Le témoignage du Roy,
qui protefloit au Parlement que le Pape approuvoit tout ce qu'il
faifoit, eft demonftratif en cette rencontre, & ce qui arriva quel-
que tems après la vérification de l'Edit confirme la même choie. Le
Pape preflbit vivement la publication du Concile de Trente, & fe
fervoit pour l'obtenir de la promefî'e qu'il en avoit fait faire au
nom du Roy, avant que de luy donner l'abfolution. Le Chance-
lier repondit entre autres chofes à ces infiances, que cet article
n'obligeoit le Roy qu'entant que la tranquillité du Royaume le
pouvoit permettre. Cette reponferaportéeau Pape par ceux qui
le vouloient aigrir contre la France , fut tournée en forte qu'elle luy
donna quelque chagrin. Mais d'Ofîàt qui vouloitluy ôter les prétex-
tes de fe fâcher , luy dit que le Chancelier n'avoit entendu par
ces paroles, que ce que du Perron & luy avoient dit au Pape mê-
me, lors qu'ils avoient traitté avec luy de l'abfolution du Roy ,
iàvoir que par la publication du Concile les Editsde pacification
ne feroient point abolis j que les Hérétiques ne feroient point con-
traints à l'obferver j &que le Roy ne feroit point obligé de rentrer
en guerre avec eux. Qu'à caufe de cela même , du Perron & luy n'a-
voient pas voulu paflcr la claufe qu'on avoit deflein d'inférer au
Formulaire de la profefîion de foy , favoir que celuy qui la feroit,
feroit tenu de la faire faire à tous fes fiijets. Le Pape répliqua
qu'il fe fouvenoit bien , qu'on luy avoit expliqué ainfi ce qu'on en-
tcn»
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIL 539
tendoit parla tranquillité du Royaume-, &quefîc*étoitIâcc que 1600*
le Chancelier vouloit dire, il n'y avoit rien de mal. Ces paroles
marquent bien formellement , que le Pape confentoit à l'obfcrva-
tion des Edits, & qu'il en donnoit autant de témoignages que la
bienfèance de fa dignité le pouvoit permettre.
Il faut joindre à cela tout ce que j*ay dit ailleurs , qui montre
qu*il avoit eu connoiflance de toute la négociation de l'Édit \ qu'il
avoit alors un Légat en France j que ce Légat étoit informe de towt
ce qui s'y palîbit > qu'il y avoit des gens qui luy rendoient fuf-
pedela conduite des Commiflâires du Roy j que le Prefident de
Thou fut obligé de luy rendre compte de la fîenne propre -, que ce
Prélat l'ayant entendu parut content de luy , & de la négociation,
& en remit le cours à la prudence des Commiflâires- J'ay dit aulfi
que la prefcnce du Légat fiit caufè qu'on différa la vérification de
l'Edit : il le demanda même avec de lî grandes inftances , qu'on
n'olà le luyrefufer, quoy queiàns cet empêchement on eût fou-
haittéd'en faire la publication, pendant que les Ligueurs étoient
étourdis des profperitez du Roy -, de peur que le tems ne leur fit
prendre des mefures pour traverfer cet ouvrage. Quand le Lé-
gat partit de France ilylaifià un Nonce, fans qui le Clergé ne fit
pas une démarche -, & qui fut même bien plus équitable que les
Agens généraux , & quelques Prélats du Royaume ^ puis que fans
façon il promettoit le fupport du Pape , pourveu qu'on eût foin de
la Religion Catholique. De forte que fi le Pape fit après cela quel-
que demonftration de mécontentement , ce fut feulement ', com-
me je Tay remarqué , par cette efpece de Comédie , que les Politi-
ques favent jouer quand il y a des apparences à f auver. Il faloit ,
comme il ledîtluy-même en fe plaignant de l'Edit, fermer la bou-
che aux Efpagnols , qui ayant des affaires avec luy , cherchoient les
occafions de murmurer de fa conduite. C'ell pourquoy depuis le
premier éclat , il ne demanda jamais la revocation de l'Edit -, & il
fè contenta de preflèr la publication du Concile, &leretablifîèment
des Jefuïtes , comme une efpece de compenfation des faveurs que
les Hérétiques avoient obtenues. C'étoit tout ce qu'on pouvoit
defirer de marques de fon confentement , dans une affaire où fa Re-
ligion & fa dignité ne luy permettoient pas d'écrire des Brefs ou
des Bulles d'approbation.
Cela fuffit dans des affaires dont la nature demande fur tout que
Vv 2 l'é-
540 HISTOIRE
1 600. l'équité y règne , pour montrer, qu'il n'y manque rien de ce qui eft
ncceflaire à en autorifer b deciiion. Un Traitté délibéré mûre-
ment, où le Sodverain entre luy-mêmei des parties qui convien-
nent en plufieurs chofes par la négociation, & entre lefquelles un
Souverain , leur arbitre né, décide les chofes qui étoient encore
conteftées 5 une reformation de divers articles , fur les contradic-
tions des parties qui interviennent -, un gênerai acquiefcement d'un
côté , diverfes marques de confentement de l'autre j tout cela for-
me un certain degré de fermeté qui devoit rendre ces decifions
éternelles & immuables : d'autant plus qu'il étoit impoffible de les
révoquer , fans pécher contre la même juflice & le même devoir qui
les avoit fait prononcer. Mais il eft tems de revenir à la fuite de
l'Hiiloire. . ^ .
^eprife 1 out fc prcparoit dans le Royaume à l'exécution de l'Edit j &
je/^/}</-]esCommiiîàires qui étoient chargez de la procurer dans les Pro-
7'j!ftoi. vinces commencèrent à y travailler cette année , & rendirent un
'■f- grand nombre d'Ordonnances fur les conteftationsquifeprefente-
renr. Mais avant même qu'ils eufîent fait la première démarche de
leur charge , on commença à reflentir le principal fruit de l'Edit ,
favoir la tranquillité publique , dont la douceur donnoit de bon-
confe. nés efperances du refte. Il arriva néanmoins une chofe de grand
reme de ^^j^j. ^ ^j^j^^ |gg CathoUques triomphèrent , comme s'ils eulfent ob-
rZkau. tenu l'aneant .^ement de la Religion Reformée , quoy qu'ils n'euf-
knt au fond nen gagné que l'honneur de favoir mieux tendre un
piège, que les plus fages Reformez ne fàvoient s'en garantir. Le
livre de du Picffis touchant l'Euchariftie , dont j'ay déjà parlé , fut
jîgitA. l'occafion de cette affaire. J'ay remarqué déjà que les Catholiques
/^\ en firent beaucoup de bruit. Il s'éleva je ne fay combien d'Ecri-
ticn
Êuafiol vains qui entreprirent de le réfuter. Fronton du Duc , Jefuïte af-
dn livre Çq^ cclebrc, en prit la commiflion , après que Dafis eut renvoyé
tlar^tfiL ceux qui luy propofoient de faire brûler ce livre, à y faire plutôt
JDivers unc reponfc formelle. Mais il y eut plufieurs Auteurs de moindre
■^'"?' nom quife mêlèrent dans cette difpute , & qui accablèrent le pu-
Vatta. blic de quantité de petits libelles, qui étoient plutôt des invedi-
q^iimt. ygg contre l'Auteur, que des reponfes à l'ouvrage. La Faculté de
Paris le condamna par une Cenfure publique. Divers particuliers
publièrent des inventaires des pafTages falfifiez , des catalogues d'o-
miiîions de paroles necelîàires , & plufieurs autres livrets de mê-
me
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIL :^^i
me naj^re. La raifonde cette grande agitation descfprits, outre 1600.
l'importance delà matière, le mérite de T Auteur, le peu de ref-
ped: qu'il y gardoit pour les myfteres de la Religion Romaine , &
la manière de le mettre au jour , étoit encore la manière dont le
fujet y étoit traitté. Du Pleiîis ne le tenoit pas , comme on avoit
fait jufques-là , dans les bornes de l'Ecriture. Il s'étoit jette dans le
vafte champ de la Tradition , &: il avoit cité dans fon livre plus de
quatre mille pafîàges des Dodeurs Scholaftiques , ou de ceux qu'on
appelle Pères. C'étoit là porter la guerre jufques dans le cœur de
TEglife Romaine > l'attaquer dans les derniers retranchemens , &
luy arracher des mains fès dernières armes. Il ne luy feroit rien
réfté pour fe défendre , li après luy avoir ôté l'Ecriture, que les
Reformez l'accufoient de leur avoir comme abandonnée , elle le
lâiflbit encore ôter les Pères , & les fources de la Tradition , dont
elle fait fon dernier refuge.
Mais tout le bruit & des Prédicateurs & des Ecrivains ne fcrvoit
qu'à faire débiter l'Ouvrage, & qu'à relever la gloire de fon Au-
teur. On l'attaquoit 11 foiblement , qu'il auroit été, ce femble,
plus avantageux à l'Eglife Romaine de le laiflèr en repos. Cepen-
dant les réfutations promifes de Rome ne venoient point -, & le Pape
avoit le cœur piqué de fe voir traitté d'une manière fi outrageuie,
par un homme auiH confiderable & aulîi avancé dans les atfaires
que du Pleflis. Cela luy donnoit occafion, pour piquer le Roy
d'honneur, de faire paroître de grandes défiances de fa fincerité
dans la profelîion de la Religion Catholique. Il y avoit alors à
Rome un AUeman , qui {e vantoit d'avoir appris ce iecret d'un Pro-
tertanrd'Ausbourg, qui difoit que Bongars , envoyé du Roy vers
les Protedans d'Allemagne , les affûroit qu'il n'avoit point changé
de Religion en fon cœur : & d'Oflàt qui avoit cru important pour
la réputation du Roy d'arrêter le cours de ces bruits, avoir voulu
découvrir jufques au fond ce qui donnoit lieu de les répandre.
C'eft pourquoy il fît favoir au Roy vers la fin de cette année ce
qu'il avoit appris de leur origine. Ces bruits n'étoient pas nou-
veaux j & depuis la converjïon du Roy on les avoit renouveliez
tous les jours : de forte que le Pape avoit ailèz d'occafion de s'en
prévaloir, foit que ledifcours de cet Alleman fut venu à fes oreil-
les long-tems avant le tems que le Cardinal en écrivit > foic qu'il
«n eût reçu avis par les elpions qu'il avoit dans les Cours de tous
Vv :: les
342 HISTOIRE
1600. les Princes. Le Roy avoit intérêt que ces bruits ne fifîent p^s d*im-
Le Roy prcllion datts les elprits Catholiques , bien qu'ils luy fuffent avan-
unte""'e ^^g^"^ P^^^^ donncr de la confiance aux Proteftans , de qui fa Pc-
Fape, ô' litique vouloit qu'il confervât l'alliance à quelque prix que ce fûti
7upi& ^^^^ comme la bienveillance de Rome luy étoit neceflâire pour
* les affaires prefentes , il voulut donner contentement au Pape, &
mortifier duPleflis & les Reformez par quelque a£lion éclatante,
qui pût faire croire à Rome qu'ils avoient perdu fa faveur. Le li-
vre de du Pleffis luy en donna le prétexte : & il prépara un affront
à ce Seigneur par des artifices fi peu dignes de la grandeur d'un
Roy , qu'on peut dire que cette a(R:ion là ne fut pas la plus belle
de fà vie. Voicy comme les chofes s'y pafîcrent.
Prefque tous ceux qui écrivirent contre du Pleflîs , quelque di-
verfité qu'il y eût dans le tour de leurs déclamations, convinrent
à luy imputer de faufîès citations: & comme ces accufations font
difficiles à expliquer , avec ceux qui ne font pas capables d'exami-
ner à fond les matières & les Auteurs , on s'en fèrvoit comme de
l'unique argument propre pour la feduftion de ceux qu'on vou-
loit engager à changer de Religion. C'eft ainfi qu'on mené le peu-
ple dans les atfiûres qui font au deflus de fa portée. On luy pro-
polc des difficultcz qui ne font pas de fa compétence -, & on luy
perfiiade quelquefois qu'il eft impofiîble de hs refoudre, parce
qu'il n'en a pas la capacité. Cette fraude a régné en France dans
la conduite des Controverfiftes, depuis le commencement jufques
à la fin. Toutes les fois qu'il a paru un livre de quelque mérite , les
Miflîonnaires y ont trouvé le prétexte d'accufer l'Auteur de quel-
que faute , dont ils rompoient la tête au peuple -, comme fi tout ce
qu'il n'étoit pas capable d'entendre ou de réfuter , étoit une mar-
que de la faufiêté de fa Religion : & le peuple crédule & volage pre-
noit quelquefois pour des raifons qui faiibient tort à la doftrine,
ces reproches, qui quand ils auroicnt été légitimes , n'auroientdû
intcrelTer que la réputation de l'Auteur. Mais ces fraudes fervoient
principalement à faire tomber ceux qui chanceloient déjà, & qui
étoient feulement en quête d'un prétexte de changer. Entre ceux
de ce caradere, au tems dont je parle , Sainte Marie du Mont Gen-
tilhomme refolu de changer de Religion , & qui n'attendit que par
forme pour le faire que du Pleflis eût été mal-traitté à Fontaine-
bleau , fc laifia perfuader par du Perron & par d'autres , que du
Pleifis
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIL 34.3
Pleflîs avoit allégué de mauvaife foy un grand nombre de paflages ^ 1 600,
& s'étaht trouvé à Paris avec luy chez la Princefle d'Orange , il
luy fbutint qu'il avoit trouvé dans fon livre plufieurs paflàf^es de
cette nature. Ce Gentilhomme étoit de ceux à qui une littérature
au deflbus de la médiocre donne beaucoup de prefomption , &
comme il étoit déterminé à fe faire Catholique, il vouloit trouver
bonnes toutes les raifons qu'on luy en avoit infpirées. Mais du Reproche-
Plelîis , qui avoit tenu bon contre tous les orages que Ton livre avoit '^^ ^'^"^^*
attirez fur luy , ne put refifter au reproche d'être fauflaire , & fe fit flqlTZ
im point d'honneur de foutenir la fîncerité des citations qu'il avoit ^l'^^'
faites. Il publia donc vers la fin de Mars un écrit, où il invitoit fes itr!'
accufàteurs à fe joindre à luy , pour prefènter Requête au Roy , & De/i^u'n
luy demander des CommifTaires > devant qui on pût vérifier les paf-^'^^w//"
fages de ligne en ligne. Du Perron reçut peu de jours après un de ''«'■^•\
ces écrits, & y repondit en acceptant le défi, & offrant de mon- ![^"f/j'
trer dans le livre de du Plefîis cinq cens énormes faufletez , de con- Pene».
te fait & fans hyperbole , & en même tems il écrivit au Roy pour
demander la conférence. Du Plellis ne voulut pas lailîèr pafîer
cette bravade fans répliquer : mais de peur que ces écrits multipliez
ne rompiiîent le projet de la conférence, Villeroi empêcha l'Evé-
que de repondre à celuy-cy. Cependant du Pleflis écrivit au Roy,
& luy fit prefènter fà Requête par le Maréchal de Bouillon. Le Roy cor.f^.
qui defiroit cette conférence , ne manqua pas de l'accorder -, Se dès le ^""", '*^-
commencement d'Avril il donna ordre au Chancelier de prendre
des mefures pour la procurer.
Mais il s'y trouva d'abord de grandes difficultez, qui tinrent la Dijîa^i-
chofe long-tems incertaine. Le Nonce voulut l'empêcher, parce ",^f"''J^
que s'agiiîànt de nommer des Commilîàires dans une aff^iire de Rc- %fiT
ligion , il pretcndoit que c'étoit un privilège de l'autorité Ecclefiaf- ^'^'*'^' '*
tique , que le Roy violeroit s'il s'en attribuoit la nomination : joint cUr^é'!
qu'il croyoit que cela feroit penfer , que le Roy eût encore des fcru-
pules fur la vérité de la doftrine Romaine. L'Archevêque de
Bourges en remontra aulîi les confequences au Roy. Benoît y nom-
mé à l'Evêché deTroyes, mais à qui le Pape ne voulut jamais ac-
corder fes Bulles, parce qu'il étoit trop bon François, & trop peu
refpedueux pour la Cour de Rome, fit auilî fes difficultez fur la
même chofe. L'Evêque de Paris , Cardinal de Gondi, fut tout alar«
mé de ce qu'on parloit de tenir cette conférence dans fon Piocefe.
D'au-
^44 HISTOIRE
itîoo-. D'autres y firent encore de légères oppofitions. Mais le Roy les
fatisfit tous, en les affûrant qu'on ne traitteroit point de la dodlri-
• ne j que les Commiflàires ne feroient juges de rien qui regardât la
Religion -, qu'ils feroient fimplenient fpedateurs , témoins & ga-
rans de la vérité des A£tes -, qu'ils diroient leur avis feulement lur
le fens des mots , ne s'agifîant que du fait particulier de du Plelîis,
&de favoir fi fes citations étoient faulîès. Il promit auffi qu'on
prendroit de fi bonnes précautions, que la Religion Romaine n'y
Autres Dcrdroit rien. D'autre coté il y avoit bien des gens qui conlèil-
de la loient à du Plellls de ne porter pas la chofe plus loin -, & qui luy
^amhle difoient qu'on luy laiflbit encore allez de pallàges, dont la vérité
du Fie/, ne luy étoit pas conteftéc , pour fauver fon honneur , quand même
^^' ' il abandonneroit les autres. Mais il ne pouvoit fupporter le mot
de faux -, & il étoit fi afliiré de fa propre exaditude , qu'il ne croyoit
pas que toutes ks rufès de l'Evéque puflént luy faire recevoir un
affront. Il fè fioit principalement à la jufticc du Roy -, & quoy
qu'il le crût piqué de l'édition de fon livre, iiefperoit que le fou-
venir de fes fervices , la crainte d'outrer les Reformez , & d'inte*
refiler la Majefté Royale par une démarche éloignée de la bonne
foy , empêcheroit ce Prince de foufirir qu'on luy fit la moindre fu-
percherie.
Des deux cotez les peuples defiroient la conférence i chacun s'at-
tendant au triomphe de fon party , & fe rejouilîànt même avant le
combat de la défaite de fon adverfaire. De forte qu'il y avoit afîez
de gens de part Se d'autre, qui detruifoient les raifons de ceux qui
vouloicnt empêcher la difpute. Elle fut donc reibluë, & du Fief-
fis fe trouva trop engagé pour reculer. Mais de la part du Roy
on prit fi bien fes mefures, qu'il étoit impofllbîequeduPleflisen
forCit à fon honneur: foit qu'il rompît la conférence, parce qu'on
l'auroit accufé d'avoir fui le combat, par crainte d'y être couvert
de confufion > foit qu'il la foutînt , parce qu'on luy tendroit le piè-
ge fi finement qu'il ne pourroit l'éviter, il elt mal ai(é de favoir
ii c'étoit plutôt le defi^in du Roy que la<;onferencefe rompit, que
de la procurer ferieufement : mais il eft certain au moins qu'on
reduiiît du Flefiis à la tenir fous des conditions li dures, qu'il fem-
ble qu'on ne les luy propofoit que pour l'obliger à quitter la par-
tie i & qu'on auroit mieux aimé triompher de fa fuite , que de
Her tout de bon -une conférence avec un homme capable de iè
defen-
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. VIL 545
défendre. Cela va paroître par le détail des principales cirton- kJqo.
(lances.
Après qu'on eut levé les difficultez que les principales têtes du Degrez.
Clergé avoient faites, & qu'on eut trouvé plus à-propos de tenir '^^/"P^^-'
la conférence à Fontainebleau qu'à Paris ; foit pour contenter l'R-
vêque du lieu j fbit pour empêcher la populace de fe mêler de
cette difputci fbit pour ôter à duPleffis les fecours qu'il pouvoit
tirer des Bibliothèques , & des perfbnnes doéles dont la ville cil
pleine, le Chancelier écrivit à du Perron de fè rendre à la Cour j r. o»
mais il n'avertit pas du Plefîis d'en faire autant , quoy qu'il eut rc- V'"''''
çu commandement du Roy de le faire. II en fut quitte pour dire, r";/^
quand leRoyluy en demanda laraifon, qu'il n'avoir pas compris"""'^'»
que le Roy eût cette intention. Mais comme les termes dont on ^ '^"'
exprime un femblable commandement ne peuvent être équivo-
ques , fur tout dans une affaire où il cfl d'un droit naturel que les
pcrfbnnes intereflees foient également averties , il efl aifé de voir
que c'étoLtlà une rufe du Chancelier, pour faire queduPleflls ne
comparoiflàntpasaujourafTigné, parût fuir la difpute après l'avoir
demandée -, ce qui eût fait croire qu'il fe defioit de fa caufe : au lieu
que l'Evêquc paroiflant le premier au rendez-vous , fembloit auflî
par cette diligence plus affûré de fon fait. Mais du Plellis fuivit de fi
près l'Evêque fon adverfaire , qu'il n'y eut rien à luy reprocher. L'un
arriva le vingt- feptiéme du mois , & l'autre le lendemain. Du Plellis
voulut régler aufli-tôt la manière de la conférence , & prelènta Re-
quête au Roy fur cefujet. Il demandoit qu'on examinât par ordre
les pafîagcs de fon livre , afin que ceux qu'il ne feroit pas accufé de
citer mal, fufiènt tenus pour vérifiez: & d'ailleurs il pretendoit que
l'Evêque luy devoir donner par un écrit figné de fa main les cinq
cens paflàges qu'il accufoit de fauifeté. L'Evêque n'eut garde de ^^- ^«
confentir à la première demande : mais la railbn de fon refus ne JX/»/^^
fut qu'une raifon puérile. Ilavoit, difbit-il, rendu les raifons de de donner
ce refus dans fà reponfe au premier défi que du Plefiis avoir publié : f/^^^7''
qu'en fuite duPlelfis l'ayant fomméde comparoître fans réfuter fes^fj;)^//:^.
raifbns, ni le referver fèsdefenfes, il avoir abandonné cette pre-«!^'' ^"'''
tention par un aquielcement tacite: d'où il concluoit qu'il n'étoit^/^i^.
plus recevablc à la renouveller. Ces raifons de fà reponfe le redui-
ioient à la longueur du tems qui feroit necefîaire pour tranfcrire
tous ces paflàges , avec les reflexions de l'Evêque: comme fi la
Tome I. Xx Ion-
^4(^ HISTOIRE
1600. longueur du tems mcritoit d'être confiderée , quand il s'agit des
choies les plus importantes. Cette défaite qu'on fiffleroit au Pa-
lais dans des caufes de la moindre confequence , pafla néanmoins
pour bonne dans cette affaire 5 d'où la bonne foy devoir bannir ces
petites formalitez. Il eft vray que pour appuyer cette foible chi-
cane, du Perron ajoûtoit qu'il n'é'-oit pas queftion alors d'exami-
ner le livre d'un bout à l'autre j & qu'il offroit de demeurer lix mois
de pied ferme , après la première affaire vuidée , pour faire cet exa-
men. Cette offre fpecieulè n'engageoit à rien. Le Roy nepouvoit
s'appliquer fi long-tems à une conférence de cette nature , ni la
permettre qu'en m prefence : & on iavoit bien qu'elle fe romproic
devant qu'on en vint au corps du livre. Mais pour la féconde
prétention de du Plelîis , l'Evêque offroit de configncr les cinq
cens pafîages entre les mairrs du Roy , d'où il fe refèrvoit d'en ti-
rer tous les jours cinquante à fon choix pour les examiner. Le
defîèin de cet artifice étoit manifefle. Si on eût donné les pafïàges
à du Pleflis 5 il auroit pu être aidé par ceux à qui il les auroit €on>»
m. L'or- muniquez, 8c venir ainfi plus prêt à la conférence. D'ailleurs TE-
^l-flcs ^^^^ ayant chaque jour de conférence le choix des pafîages , il
pajj'ages pouvoit tenir du Plefîîs dans une perpétuelle incertitude du côté
luyen p^^- Q^^ [\ feroit attaqué j de forte qu'il n'auroit jamais pour fepre-
parer, qu'autant de tems qu'il plairoit à fon adverfaire de luy en
donner. Enfin l'Evêque pouvoit choifir entre les cinq cens pafîa-
ges qu'il attaquoit , ceux qui avoient le plus d'apparence d'être
mal citez , afin de prévenir les efprits par cette rule , & de leur
infinuër que les autres étoient de même nature. C'eft ainfi que le
monde fe préoccupe : les premières imprefîions font prefquc tou-
jours les plus profondes j & les foupçons qu'on donne d'abord de
la bonne foy d'un homme , ne peuvent prefquc être effacez par
toutes les preuves de fa droiture.
i}m du Du Pleflis voyant bien le piegc qu'on luy tendoit par cette rufc,
^^^f",, ne voulut pas fe contenter de ces offres de l'Evêque > 6c demanda
tifice: par une nouvelle Requête, qu au moins on mit les pafîages entre
les mains de deux des CommifTàires que le Roy avoit nommez :
& refufe mais du Perron n'y voulut p^s confentir. Du Plefîîs tint ferme en-
queiciue ^^j,^ quclque tems, & allégua pour raifbn de fa fermeté, qu'il
tems ces p. ~% ^ _ o r^ ^ . ^
condi- voyoït bien qu après avoir donne atteinte a cinq ou lix paiiages,
fions, çy^ trouveroit moyen de rompre la conférence > pour laifïèr dans
les
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VII. 34,7
les efprits une pareille opinion du refte : à quoy il ajoûtoit ce que 1 600.
la Religion du Roy, ce que celle des Seigneurs , & de la plupart de
ceux qui afTifteroient à la conférence , luy donnoit fujet de crain-
dre. Le Chancelier repondit foiblement à ces confiderations :
mais on pria du Perron de prendre quelque party , qui pût ôtcr à
du Pleffis le fbupçon de cette fupercherie. L*Evêque propofa d'e-
xaminer prefentemcnt cinquante palîàges , dont il s'obligeoit de
faire voir la faufîèté en deux heures, & les quatre cens cinquante
reftans en neuf jours de fuite ^ offrant de ne partir point de Fon-
tainebleau que l'affaire ne fût vuidée. Du Plcfîis ne trouva pas que
cette propolltion levât fes difficultez. Mais le Chancelier joint à
quatre des Commilîaires que le Roy avoit nommez , & à Rôni ,
qui tint en cette confultation la place de Calignoni, qui devoit être
k cinquième , & le feul qui n'étoit pas fufpeâ: , jugea que du Perron
fe mettoit à la raifon. Du Pleffis ne fe rendit pas à ce jugement,
dont la partialité étoit trop vifible. Mais le Chancelier luy voulant ^f'. o>7.
perfuader de s'en contenter , luy fit entendre que le Roy vouloit fa- ^j'^!"'"'
voir la vente de cette aftaire j que f oit que du rleflis fut preient ou menace
âbfent on la fer oit examiner^ qu'il luy feroit plus avantageux que cela '^'''^-j'"''--
fe fit en fa prefence -, que fa rctraitte pafTeroit pour une fuite -, qu'elle pip'gis
luy tourneroit à blâme de quelque manière qu'elle fût interprétée,*'*/^"
ou parce qu'on le foupçbnneroit d'avoir dit dts faufletez dans des */^'^^^*
chofes faintes, ou parce qu'on l'accufèroit d'avoir abandonné la
caufe de fa Religion dans des chofes qu'il fbutenoit vrayes. C'étoit
le Roy même qui avoit chargé le Chancelier de luy dire , que fon ab-
fènce n'empêcheroit pas qu'il ne fit juger les citations qu'on l'accu-
Çoit d'avoir fauflement faites : de forte qu'on forçoit en quelque
manière ce Seigneur , ou à fe mettre à la difcretion de fon adverfaire,
ou à s'expoferaux jugemensdefavantageux qu'on pourroit faire de
fon Ouvrage , s'il étoit examiné fans qu'il y eût perionne pour le dé-
fendre. Mais comme il fa voit bien que les honnêtes gens ne pren-
droient pas pour une fuite la prudence qu'il auroit eue , de ne fe
jetter pas tête baifîee dans un piège manifefte , il ne fut pas ébran-
lé par les di(cours du Chancelier. 11 confulta néanmoins encore Rô-
ni &Cafaubon, qui ne luy firent pas changer d'avis. Rôni, qui
n'étoit pas taché que du Pleffis reçût quelque mortification qui ra-
battît fon crédit , & qui achevât de l'éloigner des affaires , n'étoit
pas en cela de meilleure foy que les autres i & travaiiloit à conduire
Xx 2 ce
348 H I S T O 1 R E
1600. ce pauvre Seigneur au précipice. De là vient que pour donner en-
core plus d'éclat à la prétendue défaite de du Plcifis , il fe vante dans
les Mémoires, fuivant le rapport de ceux qui les ont compilez,
qu'il avoit mis la conférence fur le pied defe rompre 5 que du Per-
ron confentoit à n'en parler plus-, que duPleffis fut opiniâtre, &
ne voulut jamais y donner les mains.
Tout celafe pafla jufqu'au matin du trcifiéme de Mai , que le
Roy voyant la confiance de du Pleilis , ordonna qu'on ne laiflat
pas de pafler outre à l'examen des paiîàges dès les trois heures de Ta-
près-dînée. Mais fous quelque prétexte on différa jufques à fept
heures du lendemain au matin. Cependant le Roy retint l'Evêque
auprès de luy tout le jour , & s'entretint avec luy de la manière de
fe conduire dans cette affaire. D'autre côté la rupture de la confé-
rence donnoit de l'inquiétude aux Reformez de la Cour , foit qu'ils
eufTent part au fècret comme Rôni , foit qu'ils fuiïènt entêtez de la
pafTion des conférences 5 comme il y a peu de gens qu'elle ne pof-
ccnfe. fede. Caftelnau, Chambrct, Beaupré & quelques autres entre-
^7en<e P^^^^*"^^ ^^ ^^ renouer i & tournèrent du Plellls de tant de cotez,
ilwp'ue qu'ils le firent confentir à des conditions fort injuftes. Du Perrork
ferenotiê (jgyoit cnvoyct à l'hcurc même cinquante OU foixante pafîâges à du
5^«*/rfi«. Plellis, à condition qu'il repondroit à tous dans le lendemain à
ditions. fcpt heures du matin 5 qu'il y repondroit dans l'ordre que duPer-
p^m» ron les avoit rangez ^ qu'on luy fourniroit les livres qu'il demande-
tn donne f oit ; qu'ils fcroicnt de l'édition de Genève, de Heidelberg, ou
v'loh ^^ ^^^^- Cette négociation ayant duré jufques à neuf heures du
ètè à d» foir , les livres ni les pafîâges ne purent être portez qu'à onze heu-
^^'f'u ^^^ '^ ^" Piefîisj de forte qu'au lieu de prendre du repos, il fut
il nuit, obligé de paflèr la nuit à examiner fes citations. Pour le reconi-
vii.soi' penlerdc cette fupercherie, du Perron luy envoya foixante & un
^^'un pafîâges, au lieu de foixante qu'il avoit promis. Le matin venu,
fitjfiges (Ju Pleflis déclara qu'il n'avoit pu examiner que dix-neuf des pafla-
ionlT^k ges qu'on luy avoit envoyez: mais qu'il maintenoit fes citations
vérifier vcritablcs fur fa vie. Du Perron fe plaignit beaucoup qu'on n'eût
'heure!. P^is examiné tous les pafîâges y comme s'il y avoit eu de la jufîice
à exiger d'un homme qu'il confrontât foixante pafîâges avec les
Auteurs d'où il les avoit tirez , & qu'il en examinât les liaifons
avec ce qui precedoit & fuivoit, dans un tems qui ne fuffifbit pref^
que pas pour les lire. D*ailleurs FEvêque vouloit commencer par
d'au-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIL ^49
d^autres pafBges queceuxque duPleiUsavoitcoiifronreZi comme 1600;
cftimant qu'il en prouveroit mieux la faufleté. Mais il faifbic le
difficile pour fe faire prier j & pour avoir lieii de dire après l'exa-
men des premiers, qu'il y en avoit encore d'autres d'une fauilè-
té bien plus évidente. Il fe rendit donc enfin , & l'ouverture de la
conférence fut remifè à une heure de l'après-midi.
Le Roy avoit nommé pourCommifîaires qui jugeroient de cet- viir.it
te affaire trois Catholiques, & deux Reformez, afin que la plu- ^fj?*""'
ralité des voix fût afîîirée à du Perron. Thou , Pithou , & le Fe- torité ûs
vre , Précepteur du Prince de Condé , étoient les trois Catholiques, c'owoti/.
Calignon & Cafàubon étoient les Reformez. Mais leRoychan- /x!!z)o«-
geadeuxde ces Députez 5 & fubftitua Martin, un de {qs Mede- »*^'»/''«-
cins, à le Fevre-, & à Calignon , du Frêne Canaye, qui arriva ^volxaux
feulement à la Cour la veille de la conférence. Il auroit été plus cathoiu
équitable que les parties euflent choifi leurs arbitres j mais il étoit x!chan^
plus fur que le Roy en eût la nomination, afin de n*y voir point ^^ </<>«*
entrer de Reformez trop fermes & trop vigoureux. C'eft pour- 'j^-///'
quoy on trouva bon d'en exclure Calignon , pour y mettre du Fré- nommât.
ne Canaye, qui venoit exprès à la Cour pour changer de Reli- ^J^^^*^*
gion : & qui le fit quelque tems après. Dès avant fon changement, peds.
il avoit médité la ruine des Reformez j comme il paroit par la pro- ^'^- <^^<''-
pofition qu^il fit au Roy de les détruire , en gagnant toutela No- R^forT
blefîê du party : ce qu'il s'obligeoit de faire , pourveu qu'on luy mit '"'*
entre les mains une fomme d'argent moindre que fon bien, qui de- J^^"/'"
meureroit hypothéqué pour la fureté de cette fomme. On dit caraBt^
que le Roy plits fage que luy n'y voulut pas entendre j & qu'il ""^if^J^
luy repondit que s'il n'y avoit pas de Noblefîe parmi les Reformez , canaye ;
il y en faudroit envoyer-, parce qu'il s'étoit toujours bien trouvé
du fervice de leurs .Gentilshommes. Cafàubon étoit un cfprit foi- EtdeCtu
ble& chancelant, que du Perron avoit gagné par i^çs cageolerics. A"^^*
Il avoit promis de changer de Religion : mais on l'obièrva de fi
près, &onfutfe fervir fi à- propos des offres que le Roy d'Angle-
terre luy faifoit pour Tappeller auprès de luy, qu'il s'affermit au
moins en apparence. Il efl vray qu'avant que d'aller trouver
ce Prince, il fit entendre à du Perron qu'il pourroit fervir plus
utilement à le gagner, s'il demeuroit dans la profefîlon de la Re-
ligion Reformée, qu'après l'avoir abandonnée : de forte qu'on ne
' làupoitdire fi fa perfèverance fut bien fincere. li efl certain au moins
Xx 3 que
3^o HISTOIRE
-ï<5oo. ^us î^ Religion n'étoit pas fort chère à fa famille -, puis qu'il eft
confiant que même avant fa mort un de Cçs fils fe fit Catholique.
Tels étoient ceux entre les mains de qui du Pleflls fut obligé de com-
promettre de fon honneur. 11 avoit plus à efperer de la probité de
Thou & de Pithou , que de ceux même qui étant de fa Religion
fembloient luy devoir être les plus favorables.
L'heure venue, on fe rendit au lieu deftinéàla conférence; &
chacun s'étant rangé à la place qu'il dcvoit prendre, on mit les li-
vres fur la table , pour y avoir recours dans la fuite de l'adtion. Je
ne garantirai pas ce qui a été dit par quelques-uns, que du Perron
ayant déjà fait une fupercherie à duPleflïs, en faifant mettre un
premier fueillet des éditions de Baie ou de Genève au devant
des livres imprimez ailleurs, il en fit encore une autre pour ache-
ver de le déconcerter , en faiiant mettre fur la table d'autres livres
que ceux où il avoit travaillé toute la nuit. Cette fraude grofllerc
n'étoit peut-être pas necefiâire pour embarralîer un homme fatigué
d'avoir veillé la nuit entière , &z d'avoir encore pafle toute la matinée
^^^- en des négociations importunes. Mais on luy tendit un autre pie-
fhange / g^ P^^^^ finement , fous le prétexte de s'abftenir de termes choquans,
endefen- quand le Roy voulut qu'en prononçant on s'abftint des termes de
iTfet'ir f^^^^ ^ ào. fauffeté. Ainfi ow ouvrit un large champ à du Perron ,
itittr. qui put tourner la conférence comme il voulut. Elle avoit été pro-
r" ^*/^ pofée fur une accufation de faux j & du Perron s'étoit engagé à
/f^auflc- convaincre du Plelîis de foufietez énormes : néanmoins on le dilpen-
*«• (bit de prouver la faufleté -, & il pouvoir fe tirer d'affaires en im-
putant à du Pleffis toute autre chofe , que d'avoir cité à faux les
paflages débattus > comme de les avoir mal entendus , mal tra-
duits, mal appliquez &c. ce qu'on peut appeller des meprifes ,
mais qui ne peut être compté pour des felfifications. Du Pleflîs
au contraire fe trouva d'autant moins prêt à fe défendre , que fous
ce prétexte d'éviter des expreffions odieufes , on luy pouvoit fai-
re mille objedlions qu'il n'avoit pas attendues : & qu'au lieu qu'il
avoit cru en être quitte pour montrer que les Auteurs avoient dit
ce qu'il raportoit d'eux , on tourna la quelHon à favoir s'il avoit
bien entendu ce qu'ils vouloient dire.
Le Chancelier, qui devoir prefider à cette a£lion devant le
Roy , déclara qu'il ne s'agifToit pas du droit ou de la dodlrine dans
cette dilpute i mais du fait & des citations; ce que le Roy confir-
ma
DE LEDIT DE NANTES, Liv. VIL 3^1
ma delà bouche en mêmes termes. Du Perron loua le Roy fort k^oo.
au long de ce qu'il ne vouloit pas mettre la main à Tencenfoir, ni vrotejia
ttons re.
toucher à la foy , dont il ne devoir pas fe mêler : & en fuite il pro ^.
tefta d'honorer du PlefîiSî & de ne prétendre pas rejctterfurluy g»//.'
le blâme des faufles citations qui fe trou voient dans fon livre -, dont
il chargeoit les gens qui luy avoient fourni des mémoires. C'ell-
à-dire que pour difculper du Pleflis d'une accufation de mauvaile
foyi il le tournoit en ridicule par une autre, qui le fai(oit paflcr
pour un inconfideré, qui s'en raportoit fans examen aux citations
d'un autre i & qui compofoit fes livres de témoignages d'Auteurs
qu'il n'avoit pas pris la peine de lire. Joint que Taccufationdeve- m«%»;-
noit par là plus maligne , parce qu elle fe repandoit fur tous les doc- p,^^/^
tç;s du party , de qui il fuppofoit que du Pleiîls avoit reçu Çqs pafîa-
ges : comme fi les Reformez , pour attaquer mieux l'Eglife Ro-
maine , avoient fait une efpece de confpiration de citer à faux les an-
ciens Auteurs. Du Pleflis le contenta de protefier , que ce qui fe paf-
ibit n'étoit qu'un fait particulier qui le regardoit feul , & que ce qui
arriveroit ne feroit de préjudice ni aux Eglifes , ni à leur doctrine.
Cela fait on commença la conférence : & l'ordre qui fut obfervé fut Terme de
qu'après que du Perron avoit propoféfes difficultez, ScduPlcflis ''*^'"*/«*
fèsraifons, le Chancelier feretiroit à part avec les Commiflaircs:
& après une courte délibération, il venoit prononcer leur avis ,
qui fut toujours déclaré uniforme. Le tout (è paflaaulli paifible-
ment qu'une affaire de cç^xxç^ nature le pouvoir permettre : il n'y ar-
riva qu'une interruption qui n'eut point de fuitte. Un Miniflre qui
s'étoit mêlé parmi les aflîftans, ne put s'empêcher de dire un mot
à Toccafion d'un paflage de St. Chryfoflôme 5 après quoy il fe reti-
ra j & le Roy, lans s'émouvoir , fe contenta de le traitter de Ca-
rabin, qui ie iàuvoit après avoir tiré fon coup.
On diix. que du Pleflis fe défendit mal j cequieftafl^z croyable,
puisqu'il avoit épuifé fes efprits par la veille & par l'étude j que
les marques de la mauvaife volonté du Roy pouvoicnt l'étonner 5
que la difpofition des afliilans , entre lefquels il y en avoit peu qui
luy fufl^ent équitables, pouvoit l'étourdir > qu'il étoit plus propre
à méditer, & à concerter mûrement un écrit , qu'à parler lur le champ
d'une manière fcolaflique , fur àts chicanes de Critique. Qu'au
contraire du Perron outre la faveur du Roy & de ]'aflifl:ance, avoit
eu tout loiflr de préparer ce qu'il vouloit dire : & fa mine fort
gra-
352 H I S *r O I R E
1600, grave , le ton de fa voix qui avoit quelque chofè en même tems
d'agréable & d'impérieux , la liberté de Ion a£i:ion , la facilité de
fes exprelTions impofoient en quelque forte à l'auditeur , & le
mettoient dans fon party , avant que d'avoir entendu fes raifbns
Du Fief- Quoy qu'il en foit, les Juges condamnèrent du Plcflis fur neuf paf-
fi/'^"": faoresqui furent examinez : mais fur lefquels ils n'auroient pciit-
fur neuf être Ole prononcer que les citations etoient rauiies, li on setoit
M^i**' tenu à la rigueur du défi. En deux paflàgcs , dont l'un étoit
extrait de Scot , & l'autre de Durand, touchant la Tranfub-
ftantiation , il fut dit que l'objeélion avoit été prife pour la folution.
En deux autres 5 tirez de Saint Chryfoflômei & un troifiéme de
Saint Jérôme , on jugea qu'il y avoit des termes omis , qu'il au-
roit été neceflaire de raporter. Un autre pris de Saint Cyrille fut
jugé ne s'y trouver point. Le fèptiéme fut trouvé tel que du Plef-
ûs l'avoit cité de Crinitus : mais parce que Crinitus s'étoit trompé
en lecitantduCode, il fut dit que duPlelîis n'avoit pas dû fe con-
tenter de l'alléguer fur la foy d'un Auteur moderne , & qui n'étoit
pas de grande autorité. On prit prétexte de le condamner fur le
huitième, de ce qu'il n'avoit pas fèparépar quelque marque deux
pafîàges de Saint Bernard , qui paroiflbient n'en être qu'un de la
manière qu'il les avoit citez. Le neuvième , qui étoit pris de
Theodoret , donna lieu de difputer flir la différence d'image &
d'idole : & on prononça que ce Père parloit des idoles du Paganif-
me 5 non des images des Chrétiens.
xions'ge- J^ fortirois des bornes de mon defîein , fi je m'arrétois à excufer
«eraies : du Pleflis fur CCS ncuf paffagcs. Ce n'eft pas fon apologie que j'é-
cris 5 c'eft l'Hiltoire de l'Edit : où celle de cette conférence ne doit
entrer que comme un incident remarquable. Mais je ne puis re-
fulèr à la vérité de dire en gênerai , qu'on donna le change dans
cette affaire : qu'on ne trouva rien-qu'on pût nommer fauj/eté énor-
me ', non pas mèm^ f au ffeté réelle ; que la manière de citer en ce
tems-là éroit beaucoup plus libre qu'elle n'a été depuis j qu'on fè
contentoit d'indiquer les paiïàges , fans les copier tout du long j
qu'on n'en raportoit trcs-ordinairement que quelques paroles qu'on
jugeoit eflencielles -, qu'on n'appelloit pas ces fortes de citations des
fau(îctez , parce qu'elles renvoyoient à un Auteur où on pouvoit
trouver le paiïàge plus au long j que les Controverfiftes s'étant trou-
vez fbuvent embarrafîez à réfuter à fond les paffages , s'arrêtèrent
peu
culterei.
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIL 353
peu à peu auxcirconftanccs, & commencèrent à pointiller fur la 160 a
manière de citer , de traduire , de copier les pafîages -, que pour
éviter ces digreffions , qui faifoient perdre de vue la principale
difpute, il a fallu charger le corps des livres de longues citations,
& les marges, du texte original -, & immortalifcr les difputes par
Toccafion que les longs pafîages pouvoient donner à un plus grand
nombre de chicanes.
En particulier on peut quelquefois citer d*un Auteur l'objedion ^(p^ft^
qu'il réfute, fans commettre une faufîetéi foit pour faire voir que'^"'""
ces difEcultez ont été connues dès le tems du Dodleur cité -, foit
pour montrer le panchant qu'il avoit luy-même à un certain fenti-
ment ; quoy qu'unçautorité plus puiflantele déterminât au contrai-
re : ce qui a lieu principalement dans les Dodeurs Scolaftiques,
qui auroient quelquefois des opinions oppofées à celles que leur
Eglife a reçues , fi la terreur de fes anathemcs ne les forçoit à un
aquie(cement aveugle pour (es decifions. On peut encore fouvenc
ne raporter qu'une certaine fuite de paroles, fans en faire de longs
extraits: quand les parties d'un pafîage qu'on omet ne font pas les
efîèncielles : &du Plefîis étoit afTûrément dans le cas> comme il îe
montra amplement dans un livre qu'il mit au jour deux ans après
cette conférence. Il n'y oublia pas aufli de dire , que ce qu'il avoit
cité de Saint Cyrille n'étoient pas fes propres termes -, mais l'ex-
trait abrégé de les fentimens -, & qu'ainfi on ne luy pouvoit faire
une affaire , de ce que ce pailàge ne s'y trouvoit pas en au-
tant de mots j que n'ayant allégué que Crinitus , on n'avoit dû
juger de fa citation que par Crinitus j qiii ayant été un Prêtre
Catholique, ne pouvoit être fufpcvSl d'avoir falfifîé ce pafîage :
qu'on ne devoir pas luy faire un crime del'omiiîion d'un &c. entre
les divers pafîages de Saint Bernard , puis que ce qui étoit entre les
deux ne faifoit rien au fujet -, & que d'ailleurs il avoit allégué du mê-
me des partages beaucoup plus forts , pour le fentiment qu'on pre-
tendoit qu'il avoit voulu cacher par cette omiffion. Qu'enfin la diffé-
rence étoit fi petite entre les idoles des Payens , & les images des
Catholiques, qu'on pouvoit bien appliquer aux unes ce qucTheo-
doret oc les autres Dodeurs defon temsavoient dit des autres. A
quoy ilauroit pu ajouter qu'au tems de ces Pères, le culte des ima-
ges étoit 11 éloigné de la pratique des Chrétiens , qu'ils n'auroient
pu en parler que par un efprit de prophétie.
Tome I. Y Y Mais
35'4. HISTOIRE
fâêô. ^ Mais quoy que la chofe fût ainfi , du Pleffis fut ft touché de la
Bu Pie}- manière donnlfe vit joué dans cette affaire, qu'il en tomba mala-
fis tombe ^ç..^ ^ qy'il partit de Fontainebleau le lendemain fans prendre
é'if congé. Cependant le Roy ayant ce qu'il fouhaittoit , aufli bieji
confe. que du Perron, qui croyoit avoir afîez détruit le livre de duPlet
7oZl/! fis par cette fupercherie , on prit prétexte de la maladie de du Plel^
fis pour rompre la conférence: ôcfans attendre même fbn départ,
on congédia dès le foir les CommiiTaires 5 afin que quand même du
Pleflls lèroit guéri , on eût une excufe prête pour ne recommencer
pas. Du Plelîis ne put retenir (es plaintes. Son fils , jeune Seigneur
de grande efperance , en parla encore plus haut. Ils difoient trop
vray pour plaire: & il étoit fi vifibleque le Royavoit facrifiédu
Plellîs au defir de fatisfaire le Pape, qu'il étoitimpoiîible que le
reproche de cette injuflice ne Toffenfât. Le Chancelier en fit des
remontrances à du Pleflis : mais cela ne l'empêcha pas d*en parler
encore plus haut , quand il fe fut retiré dans un lieu où il ne crai-
gnoit plus rien. Cependant le Roy porta l'infulte aufîî loin qu'elle
put allerj & on remarqua qu'encore qu'il n'aimât pas le Duc d'Èfper-
non, il afFeda de luy rendre compte de ce fuccés en des termes en-
jouëz, &tels qu'il auroit pu les écrire à quelqu'un de (hs plus fa-
miliers. Rôni infulta comme les autres au malheureux , & en
Triomphe fit dcs raiUcries avec le Roy même. On triompha fort de cet
ts'ca^.^' avantage à Rome, oii les bons fuccés pafîent toujours pour legi-
tholi^ues. times par quelques moyens qu'ils arrivent. On voyoit par là un Hé-
rétique dangereux éloigné du cœur & de la confidence du Roy j fbn
crédit rabattu ; & fa réputation obfcurcie: &on voyoit fiir tout le
Roy aliéné des Reformez, puis qu'il avoitpu fe refoudre à leur
donner un fi grand fujet de mécontentement, dans le tems où il
fembloit qu'ils euflènt le plus à efperer de fa bienveillance.
Suites de Mais quoy que la conférence fût rompue, le bruitdeladifpute
nf/e. ne laiffa pas de fe faire entendre long- tems. Les interefi^ez écri-
virent l'un contre l'autre fur ce fujet. Du Perron, publia les Adtes de
la conférence y & pour avoir un témoin de poids , il fe fit écrire une
lettre par le Chancelier , qui contenoit une relation de tout ce démê-
lé j & où il faifoit de grandes proteflations de (abonne foy. Du
Pleflis de fa part n'oublia pas à faire fon apologie , & à remarquer
toutes les fraudes & toutes les injuflices qu'on luy avoit faites. Il
j uftifia fur tout l'allégation des neuf pafTages par un afièz gros livre ,
qu'il
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIL 3^5
qu*il mit au jour deux ans après , comme je l*ay dit-, & où non i<joo.
feulement il rendoit compte de la bonne foy de leur citation > mais il
faifbit voir aufîî par un grand nombre d'autres autoritez , qu*il avoit
autant de raifon dans le droit , que de fincerité dans le fait i & qu'il
n'avoierfait dire aux Auteurs alléguez que ce qu'ils difoicnteffedi-
vement. Il y reprochoit fur tout à du Perron la falfification des
Aftes de la conférence, qu'il avoit drefîèz luy-même ; & qu'il n'a-
voit pas laifTé d'altérer & de changer diveries fois , avant que de les
publier. De forte qu'après les avoir fait voir à Lion à des perfonnes
qui n'avoicntpu s'en taire, il les avoit déchirez pour en compofer
d'autres qu'il mit au jour. Mais du Perron fe mettoit peu en peine
de CCS reproches. II ne faifoit pas confifter fa gloire à être honnête
homme , mais à faire ia Cour & fa fortune. Jamais homme n'a été
accablé de tant d'accufations de fraudes , de faufîetez, d'ignoran-
ces , de contradidtions j de tous les défauts où un Ecrivain peut
tomber : mais le plaifir de porter un Chapeau de Cardinal , & de
voir fbn adverfàire difgracié , le conlbloit aifément de ces petites
injures. Aubigné, qui fe faifbit valoir tant qu'il pou voit, voulut
reprendre la conférence contre luy > & il fe fit quelques écrits des
deux cotez, qui furent mis entre les mains du Roy : mais ils y de-
meurèrent. Aubigné n'étoit pas du poids de du Pleflis i & du Per-
ron ne voulut pas hafarder contre luy la gloire qu'il avoit aquife.
Il y avoit cependant une chofe qui tenoit au cœur du Roy. L'Af^ fui'"'
(emblée de Châtelleraud s'étoit transférée à Saumur des le vingt- transfe-
quatrième de Novembre de l'année précédente. Elle y avoit palîé ^'f f'
l'hyver fans avancer beaucoup les affaires, à caufè que le Duc deurau/i
Savoye étant venu en France , pour la quefbion du Marquifat de Sa- ^^»f"**''',
luces qu'il avoit ufurpé, &que le Roy vouloit ravoir, îeConfeil
fut toujours occupé aux négociations & aux intrigues. Mais il pa-
roifîbit qu'elle avoit defîèin de ne fe feparer point , que l'Edit n'eut
été exécuté par tout le Royaume ; de peur que l'exécution ne s'en
fit d'une manière defavantageufe, quand il n'y auroit plusperfon-
ne pour y prendre garde. Il eft vray que l'Edit defendoit des Af-
femblées de cette nature 5 Se qu'il fembîoit que celle de Saumur
étoit une formelle contravention à cet article: mais elle ne croyoit
pas être obhgéc à exécuter l'Edit la première , pendant que les
Catholiques y apportoient mille obftaclcs de tous les cotez. Elle
étoit encore à Saumur dans le tems de la conférence. Le lieu Se le
Yy 2 tems
35<^ H I S T O I R E, Sec.
1600, tems la rendoient fufpedle plus que jamais: & on ne pouvoir ju-
ger ce que les meeontentemens de du Pleflls portez dans cette AÇ-
(emblée feroient capables d'y produire. En effet ce qui étoit ar-
rivé à Fontainebleau troubla fort les efprits : mais du Pleffis n*ayant
jamais fait des affaires générales de fes affaires perfonnelles^ ne le
démentit point en cette rencontre , & ne fe prévalut pas de Toc-
cafion 5 pour donner du chagrin à ceux qui Tavoient fi indigne-
ment traitté. L'intérêt commun de la Religion ne permit pas àuiîî y.
qu'on fit une affaire publique du prétendu defavantage d'un par-
ticulier ; de peur que la honte de cette défaite imaginaire ne retom-
bât fur la dodrine du party . Mais du Pleiîîs & les Reformez trou-
vèrent avec le tems en quoy fe vanger du Pape , & donner de nou-
^and velles mortifications à la Cour de Rome. L'Aflèmblée ne fè fè-
^ire! P^ï"^ P^s néanmoins fi- tôt i èc ce ne fut que Tannée (ui vante qu'el-
le délivra le Roy & la Cour de la crainte de nouvelles brouillc-
ries.
Fin DU SEPTIEME Livre,
HIS-
p^g 3)•7
H I s T O I R E
D E
LEDIT DE NANTES,
LIVRE HUITIEME.
Sommaire du VIIL Livre.
GUerre de Savoye , é' fon fuccés. Etat du pais de Gex. Re'
formez Gouverneurs de T laces fur les frontières de l^ Ita-
lie. Nouvelle création d'Offices. Execution de l'Edit , di-
'verfe félon les lieux. Négligence des Reformez .^ ^ leurs pré-
jugez. Exactitude des Commiffaires. 'T>ifficidté fur PEdit
de 1577. l^'^^^ f^'vorablement. Exercices limitez. Lieux de
Bailliage. Sépultures. Appellations des Ordonnances. Affem-
blée de Saumur. 'Députez Généraux. Difficulté z fur leur in-
ftitution-, & changemens dans la forme de les nommer. Syiiode
à Gergeau. Cahiers répondus. Gex. Succeffion d'Angleterre.
Mort d\m petit fis de l'Amiral de Châtillon. NaiJJànce du.
Dauphin j & predicîion de la Rivière. Avis donnez aux Re-
formez d'une Ligue formée contre eux. Affiemblée générale à
Sainte Foy ; & fis Cahiers. Difgrace du Maréchal de Bouil-
lon. Sédition à la Rochelle. Cabale Espagnole dans le Confeily
preffe de détruire les Reformez , en vue de diftraire les forces
du Roy par une guerre civile : feme des foupçons & des craintes
entre les Reformez } que l'affûrance d'être aimez du Roy retient
en paix. Rôni eft pourvu du Gouvernement de Poitou. Mort
de la Reine Elizabeth. Car a^ ère de Jaques I. qui luy fuc cè-
de. Contraventions à VEdit. Duc de Rohan, Rappel des
Jejuites. Synode à Gap. Thefes de Ferrier Trofejfeur à Nî-
mes : fin cara^ere-, & celuyde Chauve. Article dreffie pour
être inféré dans la Confie ffion de Foy, qui porte que le Tape efi:
l'AntechriJl. Le Roy s' en offenfie , & menace. Raifons du Sy-
. mde. Editions nouvelles de la Confiffion de Foy , oii l'article
: yy3 efi
358 H I S T O I R E ^VT ïïn
eft inféré. Artifices de la Cour pour éluder ce décret, Fauffe
modération de Clément VIII, Autres ajfaires du Synode,
Conditions du rappel des Jefuïtes, Satyres contre eux. Coton
bleffé : fait Confie jfeur du Roy. Car a ci ère de ce Jefiinte. ^lefi-
tions qu'il devoit propofier à une pofijedee. Confiervation de Ge-
nève contre les entreprifies du T>uc de Savoy e. 'Deguifiemens de
cette avanture dans les écrits des Jefiuïtes. Mort de la ©«-
chejfie de Bar. Progrès de la fiortune de duT^erron. Trakifion
d'un Commis de Villeroi. Intrigues d'Ejpagne à la Cour de
France.
Endant qu'on travailloit à Texecution de TEdit , le
Roy fit Texpedition de Savoye : & dans le cours de
ce voyage , il fit plufieurs chofes qui furent fort au
gré des Reformez , mais qui déplurent beaucoup à
Rome. Les Minières de Genève vinrent luy faire
la révérence auprès du Fort de Ste. Catherine, que
le Duc de Savoye avoit fait bâtir pour incommoder cette ville , qui
luy avoit fait une rude guerre fous la protc6tion de France. Beze,
alors âgé de plus de quatre-vingts ans, porta la parole: & il fut
reçu du Roy avec tant de bienveillance, que les Catholiques en
furent jaloux. Le Roy l'appella fon ^ere : titre peu en ufage en-
tre les Reformez & leurs Palpeurs -, mais dont les Moines fè font
beaucoup d'honneur, & qu'ils fe font en quelque forte approprié
chez les Catholiques. C'étoit donc une cruelle offenfe pour eux,
que de donner le même nom à un Miniftre àts Hérétiques ; & à
celuy de tous les Minières , qui depuis Calvin avoit fait le plus
de mal à la Religion Romaine , par fon crédit, par fes confeils&
par fes Ouvrages.
é^ fon D'ailleurs la garnifon ayant rendu ce rendu ce Fort au Roy, il
fmcés. le remit aux Genevois, qui le raferent avec une extrême diligence.
Le Légat que le Pape avoit envoyé pour traitter la paix entre le
Roy & le Duc, fut outré de cette affaire. Ilfe plaignit, il mena-
ça , comme fi la Religion Romaine eût étémife par là fur le pan-
chant d'une ruine certaine. Jamais les Edits qu'on avoit faits pour
les Hérétiques n'avoient été plus mal reçus à Rome, que ce pe-
tit incident. On eût dit que Genève étoit une nouvelle Car-
thage, de qui la confervation ôtoit à Rome l'efperanc^ d'être la
maîtrefle
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIII. 35^
maîtrefîè du monde. Mais il falut s'appaifer après un éclat inu- 1600.
tile> parce qu*on vouloit éloigner le Roy d'Italie, oùlevoilinage
des François donne toujours de l'ombrage. On le fit confèntir à
un échange du Marquifat de Saluées pour, la Breffe, le pais de
Gex , le Biigey & le Val-romey , que le Duc de Savoye ne luy cé-
da pas fans regret. Les Bernois s'étoient emparez d'une partie de ^^^^ ^^
ce pais, où le voilinage de ce Canton avoit introduit de bonnç pais d$
heure la connoifîance de la Religion Reformée. Les Ducs de Sa- ^^"^
voye l'y avoient tolérée par provifion pendant qu'ils y fiirent les
maitres , en attendant qu'un Concile eût terminé les controverfes :
mais quelques années après la fin du Concile de Trente 5 ils avoient
ordonné à tous leurs«fujets de fe foumettre à la do£lrine qui avoit
prévalu dans cetteAflèmblée. Cette rigueur n'avoit pas éteint la
Reformation dans cette petite contrée : &: les Bernois s'en étant
rendus les maîtres par les armes , elle s'y étoit fi bien établie , qu'on
comptoit dans le pais de Gex moins de Paroififès , que de lieux où
l'exercice de la Religion Reformée fe faiibit publiquement. La Re-
ligion Romaine n'y étoit plus que tolérée j &le peu de gens qui
la fuivoicnt, ne l'exerçoient plus avec la pompe qui l'accompagne
dans les lieux où elle elt maîtrelle. Les Reformez jouifîbient de tou-
tes les Charges, & appliquoient les revenus Ecclelialliques à leur
iifage. Ils étoient en poilèilion d^s maifons & dts cimetières. Il
n'y avoit que la feule ville de Gex , dans les murailles de laquelle ils
n'avoient pas encore de Temple.
Ce fut dans cet état que ce pais vint fous la domination de Hen- ^^j-^^^
ri IV. qui au fii-tôt qu'il en eut pris pofieflion, donna le gouver- tnez.
nement de la Citadelle de Bourg, capitale de Brefle, &: la feule ,^^,"^7*]/^
Place de defenlè qu'il y eût en ces quartiers, à un Gentilhomme PUces
Reformé. La raifon de ce choix étoit, qu'il croyoit plus à luy les^^'^J"^,^
Places gardées par des Reformez , que celles qu'il donnoit aux Ca de l'ita-
tholiques > parce qu'il n eilimoit pas ceux-cy affez fermes pour te- ^"■•
nir bon contre la faction Efpagnole : au lieu qu'il s'alfûroit parfai-
tement de la fidélité des autres. Ce fut là une trcifiémc choie dont
on fut mal-content à Rome -, où on eut peine à digérer qu'un hom-
me inaccelTible à toutes les intrigues qui le forment delà les Monts,
fiit le maître dans une Place fi voifine de l'Italie ; principalement
parce que fa Religion étoit caufe de la préférence qu'on luy avoit
donnée fur les Catholiques. Il y en avoit encore un autre que le
Pape
l6o HISTOIRE
i^oo. Pape ne pouvoit fouffrir , & pour l'éloignement duquel il fit au
Roy de longues êc d'importunes inftances. C'étoit le Gouverneur
de Château Dauphin j mecliant Château à l'extrémité du Dauphi-
né, qu'un Reformé .tenoic , non feulement comme Gouverneur
pour le Roy, mais auflî à titre d'engagement. Il y avoit établi
l'exercice de fa Religion , & une garniJon Reformée. Le Duc de
Savoye aigriflbit le Pape fur ce fujet, parce que ce Château l'in-
commodoit -, &c qu'il eût bien voulu feire ôter de là un homme qui
n'auroit pas aifément pris part à fès brouiUeries. De forte que cette
bagatelle fiifoit grand bruit à Rome , quov qu'à peine on v pa-
rut fâché de voir le Dauphiné tout entier, &: onze ou douze Pla-
ces fortes en particulier à la dévotion de Lefdiguieres.
nouzeUe On pcut regarder comme une affaire de l'Edit la création des
To^ces. ^^^^''g^s nouvelles dans toutes les Jurifdictions du Royaume, mê-
me dans les Parlemens , qui fut un des expediens dont Roni s'a-
vifa pour avoir de l'argent. Ces nouvelles créations chagrinent
toujours ceux qui polTedent les anciennes Charges, dont on rend
en détail les émolumens moins confiderables , quand on multiplie
les perfonnes qui doivent y participer. C'cft pourquoy le Parle-
ment de Paris voulut confondre cçs nouveaux Offices, avec ceux
dont le Roy devoit gratifier les Reformez , fuivant l'Edit > dont une
partie étoit d'une création précédente -, & l'autre des premières
Charges d'ancienne érection qui viendroient à vaquer par mort. Le
Parlement vouloit par là diminuer d'autant le nombre des Charges
nouvelles. Mais cela n'accommodoit pas les Reformez, à qui on
devoit donner gratuitement les Charges qu'on leur avoit deilinées,
au lieu qu'il falloit acheter les autres. D'ailleurs cette confijfion
n'auroit pas été utile au Roy, qui auroit perdu par là en partie le
fruit qu'il efperoit de ces nouvelles créations. C'eit pourquov il
n'eut pas de peine à promettre aux Reformez, que leurs Offi-
ces ne feroient point compris dans le nombre des Charges nou-
velles.
ixecu- Mais la plus importante affaire de cette année fut l'exécution de
u^^'/',- l'Edit, pour laquelle on envova des Ccmmiffaires en pluficursPro-
ver/e fe- vinccs. Li manière dont ils s y prirent ne tut pas égale : & il y
Ion les eut des licLix où ils s'en aquitterent avec bien plus d'exactitude
qu'on ne fit ailleurs. Il v eut des Provinces ou ils allèrent de ville en
ville, de juriidiction en jurifdiction , 6c ou ils vifitercnt les lieux
qui
DE UEDIT DE NANTES, Liv. VIII. 7,61
qui dévoient être délivrez pour y faire Texercice, afin de régler 1600.
tout de plus près , & avec plus de connoiffancc. Il y en eut d'au-
tres où ils n'allèrent que dans les villes capitales , fe contentant d'y
recevoir les Requêtes , les Cahiers & les contredits des parties , fans
approcher des lieux particuliers où les affaires étoient nées, où
néanmoins ils firent ordinairement defcendre des Subdeleguez. Il
y eut même quelques Provinces où ils n'allèrent point du tout. Il
y eut des lieux où les Catholiques furent plus difficiles j d'autres où
ils furent plus modérez & plus traittables. Il y en eut où les Refor-
mez furent exadts & diligens -, & d'autres où ils firent leurs affaires
avec beaucoup de négligence. Elle leur étoit infpirée par diverfes ^egU.
confiderations. Ils s'attendoient à la prochaine décadence de la Re- ^1"^*/"
ligion Romaine , comme s'ils en avoient eu des révélations expref- mez, , é»
£ès: & ils ne doutoierit pas que leur dodtrine ne fit bien-tôt de i''*"
grands progrés , puis qu'on pouvoir l'embrafler fans expofer ni ks gez..
biens, ni fàvie, ni fes efperances : comme s'il n'y avoiteu à fur-
monter que les préjugez de l'intérêt & de la fortune , afin que les ve-
ritez dont ils étoient perfuadez devinffent claires à tout le monde.
G'ell pourquoy il ne leur fembloit pas necefîaire de prendre des me-
fures fur bien des chofes , à quoy cet heureux avenir apporteroit de
luy-même des furetez. Cette penfée leur en infpiroit une autre,
qui étoit celle de chagriner un peu les Catholiques , en fe plaçant ,
autant que l'Edit le pouvoit permettre , dans des lieux où le Clergé
eût du regret de les voir, C'étoit une petite mortification qu'ils vou-
loient luy donner, en recompenfe de tant d'injuflices&decruau-
tez qu'il leur avoir faites. Cela fut caufe qu'en quelques lieux ils
prirent moins garde à leur propre commodité , pour avoir le plaifir
de faire plus de peine à leurs ennemis. Unetroifiéme confédéra-
tion fervit de fondement à leur négligence. Ils fe repoferent trop
fur la bonne foy , qui leur fit croii-c qu'on ne donneroit jamais d'at-
teinte aux établiflemens une fois faits -, & comme ils étoient refolus
de ne faire point d'entreprifes fur les Catholiques , ils le perfuade-
rent aifément que les Catholiques ne s'aviferoient jamais de trou-
bler leur pofïèfîion par des chicanes. Enfin ils s'imaginèrent que
comme ces établiflemens fe faifbient fous les yeux des Catholiques,
& que les fondemens du droit qui leur étoit aquis étoient publics , &
connus de tout le monde , jamais les enfans ne viendroient mettre en
doute , ce qui avoit été H évident & fi notoire du tems de leurs pères.
Tome I. Zz L'ua
.61 HISTOIRE
■y
1600.
L'une ou rautredecesconfiderations jetterent les Reformez en
plufieurs lieux dans une négligence, ordinaire à ceux qui crovenc
que ce qu'ils pollèdenc une Fois ne fauroit leur être ôcé. Plufieurs
fê contentèrent de la notoriété pour unique preuve de leur poflef-
fion , & n'eurent pas même la penfée de la faire atteller par les
Commifîàires. Plufieurs fe contentèrent du confentemcnt verbal
ou tacite des Catholiques , dans des lieux où il étoit neceflàire pour
rétablillèmenc de leurs droits. Il y eut des Bcuiliages où on ou-
blia de demander la délivrance d'un lieu commode, pour y faire les
exercices publics : d'autres où la demande ayant été faite, elle ne
fut point pourfuivie: d'autres ou la demande parut faire pour un lieu,
& l'Ordonnance rendue pour un autre: quelques-uns où les droits
furent confondus, & celuy de Bailliage , par exemple, attaché à
la maifon d'un Gentilhomme : d'autres qui furent pris en des lieux
où il y avoit fi peu de Reformez , qu'ils n'ont jamais fervi de rien:
d'autres fi incommbdes , qu'il a falu les abandonner. Ces petites
nedisiences ont donné de grandes occailons aux iniuftices de nô-
tre tems, où h mauvaife fov de la cabale bigote a tait connoitre,
qu'il auroit été neceffaire que nos pères euflent pris des précautions
plus exacles pour les prévenir.
zxsai. Cependant les CommilTaires y apportoient de leur part autant
csmm^r- d'application qu'on leur en demandoit. Pour conlèrver ou éta-
/airej. blit un droit d'exercice, ils taifoient des enquêtes & des informa-
tions ; ils prenoient la depofltion des témoins Catholiques ou Re-
formez indifféremment ; ils examinoient les titres & les actes qu'on
pouvoit produire ; ils defcendoient fur les lieux, eux ou leurs
Subdeleguez , quand l'acceiîion de lieu étoit requife par quel-
qu'une des parties j ils appelloient les Officiers des lieux ; ils
écoutoient le Clergé même dansfes prétentions & dans fesdefen-
les. Il avoit à leur demander en beaucoup de lieux du moins au-
tant de chofes que les Reformez, & ces Juges reçurent de part &
d'autre fouvent d'amples Cahiers , fur lefquels ils fiirent obligez de
rendre divers jugemcns. La loy générale qu'ils fuivirent, fut d'e-
xaminer les demandes réciproques fur la grande maxime del'Edit,
& qu'on peut appeller Tame de toutes ces concellions j fa\*oir de
confirmer ou d'établir les chofes ccnwîe & tout ainfi qt^'eihs étoterity
aux termes fpecifiez parles articles de l'Edit. Ils fe tinrent li exac-
tement dans les bornes de cette règle , qu'jjs firent beaucoup de
peine
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIII. 363
peine aux Reformez fur les exercices dont le droit étoit fondé fur j ^qq^
TEditdc ifz/.dontrexpreflionunpeu équivoque fembloit borner DijfcuU
cette conceflion aux lieux où l'exercice avoit été a(Sluellement fait ^^f/j'^ .
le 17.de Septembre j jour qui fe rencontroit un Mardi, auquel il 15-77. /«-
(è trouvoit peu d'exemples d'AfTemblces pour les a6les de pieté, "^"hr
Les Commiflaircs ne vouloient pas s'arrêter aux preuves des exer- TeX.
cices faits le Dimanche précèdent > ils en demandoient de ce jour
précis, fans mettre les autres en confideration : quoy qu'à juger des
termes par le ftile ordinaire desEdits, cela vouloit dire feulement
que l'exercice étoit aquis aux Reformez , dans les lieux où ils ne l'au-
roient pas commencé depuis ce jour v mais dont ils auroicnt joui en
quelque forte paifiblement avant & jufqu'à ce jour.
Ils eurent la même exactitude dans les reglemens qu'ils donne- Extreiees
rent pour les lieux , les bâtimens , les cloches , les aquêts des '''»"'*•
places, & toutes les dépendances du droit d'exercice. Il y eut des
lieux où ils établirent par cette raifon des exercices limitez, foit
pour le nombre des peribnnes , (bit pour la qualité des adles de dé-
votion qu'on y pourroit exercer. En quelques-uns, ils ne permi-
rent qu'aux habitans de la ville & de la Jurifdidion de s'y trouver
aux Aflèmblées. Ailleurs ils limitoient le nombre des étrangers à
qui il feroit permis d'y afîifter. En d'autres ils permettoient de
s'aflèmbler feulement pour faire des prières, & chanter des Pfcau-
mes , fans y appcUer de Miniftre. En quelques-uns ils aurorifoienc
d'y faire venir un Miniftre , pour donner la Cène quatre fois l'an-
née. Mais excepté ces petites diverfitez , qui ne s'étendoient pas
à beaucoup de lieux , leurs Ordonnances accordoient des libercez
plus générales , conformément aux articles qui parloient de la na-
ture de l'exercice qu'il s'agifîbit d'établir. Ces différences donc
n'étoient qu'un effet de l'exaditude q<:s Commiffaires , qui ne
vouloient ni étendre les droits au delà de ce que la poffeffion en
avoit aquis , ni les abolir fous prétexte que la poffeffion ne leur
, donnoit pas affez d'étendue. Néanmoins elles ont fervi d'occa-
fion dans ces dernières années de condamner ces exercices impar-
faits , comme s'ils avoient été mal fondez : de forte que les Refor-
mez auroient été plus heureux, fi les Commiflaircs avoient voulu
quelquefois pafler les bornes de leur pouvoir.
Une des plus remarquables parties de leur Commiffion , fut la de- Lieux dt
livrance des lieux qu'on nomma de Bailliage. Il étoit important ^"^ "'^''
Zz 2 de
res.
564 HISTOIRE
1 600. <^c les prendre dans ceux où on ne pouvoit prefumer un autre droit)
afin de multiplier les lieux de l'exercice autant qu'il étoit poffible.
D'ailleurs il étoit avantageux de les avoir dans les Places les plus
confîderables du Bailliage, où il y eût quelque concours de peu-
ple 5 pour la commodité commune. Pour mortifier un peu le
Clergé , on les demanda , quand on le put , le plus près des vil-^
les Epifcopales , parce qu'on ne les pouvoit avoir dans les villes mê-
mes. Ceux de Nîmes demandèrent le fécond lieu au Pont St. EA
prit 5 ou à Villeneuve d'Avignon , qui n'eft feparée d'Avignon que
de la largeur de Rhône, comme pour donner au Pape le chagrin
de voir la Religion de fes ennemis exercée , à la porte d'une ville
dont il eft le Souverain , & où quelques-uns de fes predeCefïèurs
ont tenu leur Siège. Ces diverfes vues furent caufe qu'on n'ob-
tint pas par tout ces lieux importans , d'une manière aulïï utile
qu'on auroit pu le defirer.
sepuitu- La queftion des fepultures donna plus de peine, que l'établifîe-
ment des lieux d'exercice. Le Clergé s'oppofa prefque par tout à
la liberté d'enterrer dans les cimetières des Catholiques : & quand
les Reformez la prirent d'eux-mêmes , il fe pourvut contre eux aux
Juftices Royales ou aux Parlemens , où il fut toujours favorifé.
Un Gentilhomme Reformé ayant fait enterrer un de fes enfans
dans une Eglife Paroilfiale du Bailliage de Chartres, le Parlement
de Paris rendit un Arrêt,qui ordonnoit d'informer contre ceux qu'on
avoir dénommez dans la plainte qui en fut rendue, & qui dcfen-
doit d'enterrer dans les Eglifes ni dans les cimetières des Catholi-
ques : mais l'Arrêt ne portoit point l'exhumation des corps qui
étoient déjà enterrez. La feverité des Canons embarraflbit les
Curez , parce qu'elle ne permettoit pas de célébrer le fervice dans
les Eglifes où les corps des Hérétiques étoient inhumez, que pre-
mièrement elles n'eulîent été reconciliées. Mais la difficulté n'au-
roit pas été mal-aifée à lever, fi l'efprit de chicane avoit pu le cé-
der à l'efprit de paix : puis que les Reformez en confequence de
l'Edit ne devant plus être traittez comme Hérétiques , on devoit
aufli bien les difpenfer de la rigueur des Canons , qui les privoient
de la fepulture dans les lieux ordinaires , que de ceux qui les de-
claroient incapables de tous emplois , ou qui les condamnoient à
perdre les biens & la vie. Par ce moyen on n'auroit pas privé
beaucoup de gens des droits qui leur étoient aquis par d'ancieii-
nes
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIII. ^65
nés fondations , ni ôté à d'honnêtes gens la fatisfaftion d'être en- i (Joo.
terrez dans les fèpulcres de leurs pères. Mais comme il y eut fur
ce fujet des procès par tout , prefque toutes les difficultez furent le-
vées par des Ordonnances pareilles à l'Arrêt du Parlement. Néan-
moins quand il falut venir à délivrer des places aux Reformez à
frais communs , les Communautez ne furent pas fi Eicheufes que
le Clergé. Comme elles étoient ruinées par les longues guerres,
elles aimèrent mieux partager avec les Reformez les cimetières
anciens , que de faire la depenfe d'en acheter de nouveaux. C'eft
pourquoy en plufieurs lieux les Commiflaires partagèrent les ci-
metières entre les Catholiques & les Reformez -, & la partie la plus
éloignée de l'Eglife fut aiïîgnée à ccux-cy pour leurs fepultures.
Il y eut des lieux où ces portions ne furent feparées que par de
fîmples devifes : d'autres oii on fè contenta d'y creufer un petit
fofîe j d'autres où on bâtit quelque muraille , afin qu'il y eût moins
d'occafion de fcandale ou de tumulte , quand il le rencontreroic
des convois des deux cotez à même heure , ou qu'il fe trouveroit
des mutins de part ou d'autre à regarder la cérémonie. Ce ne fut
pas feulement dans les lieux où les Reformez étoient en grand
nombre , que ces partages fe firent. Il en arriva autant dans les
Provinces où il y en avoir peu : &: à Paris même ils avoient une
partie du cimetière appelle de la Trinité 5 dont le refie étoit la
îèpulture ordinaire des pauvres qui mouroient à l'Hôpital. De
forte qu'il ne faut pas imputer aux Commifîàires d'avoir rien fait
contre leurs infi:rudions , foit en maintenant les Reformez dans
la pofïêlîion de ces portions de cimetières qu'ils avoient déjà ,
foit en leur en affignanr de nouvelles par leurs Ordonnances ; puis
que fous les yeux de la Cour, d'un Evêque & d'un Parlement,
on voyoit des partages pareils à ceux qu'ils firent dans \qs Provin-
ces. Par cet ufage , conforme à l'article XLV. des particuliers,
tel qu'on l'avoit dreifé à Nantes, on rétablit tacitement cet arti-
cle dans fa première formes & on ne fit nulle façon de le publier
en cet état, dans les copies imprimées de TEdit, parce que c'é-
toit ainfi qu'on le pi'atiquoit.
Il étoit impofiible que les Commifîàires avant à rendre des iu- -^/'r^'^/'»-
gemens en tant de lieux , & fur tant de cliofcs , ils eufTent le bonheur .us or-
dc contenter toujours les parties. C'eft pourquoy il y eut diverfcs ^or.nan-
appellations de part 5c d'autre , fur quoy il falut que le Roy parlât : "'*
Z z 2 mais
^66 HISTOIRE
1600. niais les Reformez eurent prefque toujours l'avantage dans ces Ar-
rêts i & il iè trouvera bien peu d'exemples où les Ordonnances des
Gommiflaires ayent été corrigées à leur préjudice -, au lieu qu'il s'en
trouve un fort grand nombre qui le font à leur profit. Il s'enfuit de
là deuxchofes fort clairement : l'une que lesCommifîairesavoient
plutôt exécuté l'Edit en faveur des Catholiques que des Reformez :
l'autre que l'intention du Roy étoit que les articles de TEdit ne ful^
fent point éludez par des interprétations rigoureufes, puis que
toutes les fois que les occafions s'en prefentoient , il les expliquoic
luv^même à l'avantage des Reformez , par des extenfions favora-
bles de ce que les Commiflàircs avoient trop reflcrré. Maisquoy
que les Commiflàircs euflent travaillé à l'exécution de l'ildit pen-
dant une partie de cette année & de la fuivante, il demeura bien
deschofes à exécuter. Ilmanquoit fur tout beaucoup de chofes à
la principale partie delà commillion de ceux qui vaquoient à cette
affaire: fa voir de faire jurer à tous les Officiers dans les Provinces
l'obferv^ation de l'Edit : ce qui n'avoit pu fe faire dans les lieux où les
1601. Oommiflàires n'etoient pas encore allez. C'eft pourquoy lesRe-
Afem- formez, encore afïémblez à Saumur, craignant que l'exécution de
iUedt l'Edit ne demeurât imparfaite dans un article ii important, &que
n'y ayant plus d'Aflemblée fur pied , pour envoyer fur cela par
tout des Mémoires uniformes, ils ne perdifl^nt beaucoup de leurs
droits , par la manière inégale dont on y procederoit en chaque lieu ,
voulurent continuer ce remède ordinaire de toutes leurs craintes ,
& fe transférer à Loudun. Mais le Roy ne le voulut jamais per-
mettre i &: il envoya ordre aux Députez qui s'y trouverentde le
feparer. Ilfetenoitcn même tems à Gergcau un Synode Natio-
nal , qui députa exprès au Roy , pour le fupplier de permettre
k continuation de cette Afl'emblée: mais il n'obtint rienj il falut
obeïr & fe feparer. Dès le mois de Mars ils avoient reçu ordre
de le faire > mais ils s'excuferent tant qu'ils purent. Les ordres
furent renouveliez au commencement de Mai : & ne furent exécu-
tez que le dernier jour du même mois. Il efl: vray que le Roy
permit une autre AiTemblée à Sainte Foy , pour le quinzième d'Oc-
tobre fuivant , afin qu'elle pût nommer des Députez pour refider
auprès de luy , & pour îuy prefenter les Requêtes & les plaintes qui
leur feroient envoyées des Provinces. Il y avoit deux intérêts fi
oppofeziur le fujet de ces Aflèmblécs , qu'il ne fembloit pas pofli-
blc
Saumur.
DE UEDIT DE NANTES, Liv. VIII. 367
ble de les concilier. L\in étoit celuydu Roy, à qui elles étoicnt 160 1,
fufpe^tes , à caiilè de Tautorité des Seigneurs qui pouvoicnt y
traitter quelque chofe contre Ton fervice. L'autre étoit celuy des
Reformez , à qui elles étoient neceflaires j parce que dans l'état
prefent des affaires , ils avoient à régler une infinité de chofès y
qui ne pouvoient être réglées d'une autre manière. Les Collo-
ques & les Synodes ne pouvant fe mêler que des affaires de la
Difciplinc Ecclefiaftique , de la police intérieure des Eglifes, de
la diiiribution des deniers que le Roy donnoit pour leurs Minif^
très , il faloit un autre Confeil pour avifer aux affaires d'une au-
tre nature -, à l'exécution ou à l'obfervation de l'Edit ^ à la répa-
ration des contraventions qu'on y pourroit faire j à la fbllicita-
tion des procès qui naiflbient de divers cotez -, à la confervation des
Places, & à cent autres chofes , fans quoy on auroit pu tous les
jours éluder l'Edit par mille chicanes. Cette correfpondance fai^-
(bit leur force > & comme ils fouhaittoient de l'entretenir, pour
être plus à couvert des entreprifes de leurs ennemis par leur union-,
de même leurs ennemis travailloient à les priver de ce moyen de
veiller ' 'eur mutuelle defenfe. Il y avoit de l'inconvénient des
deux cotez : à permettre ces Afîèmblées , à caufe des confèquen-
ces : à les refufer , à caufe du grand nombre d'affaires , qui au-
roient attiré des Députez de toutes parts à la Cour, ce qui auroit
expofé le Confeil à de grandes importunitez j &: jette les Refor-
mez dans d'injuftes embarras, & d'infupporrables depenfes.
Mais la permillion de tenir auprès du Roy des Députez au Depttex,
nom de toutes les Provinces , qui leur fut accordée pour leur ôter le ^^"^'
prétexte de continuer l'Aflcmblée deSaumur, fcmbloit remédiera
tout. Les Reformez pouvoient de toutes parts leur envoyer des
Mémoires , fur les affaires qui le prefentoient. La depenie de leur
entretien n'étoit pas grande , parce que le Roy , qui n'éroiî pas fâ-
ché qu'ils dependillent de luy, fe chargea de leur payer une cer-
taine fomme, qui feroit couchée tous les ans fur l'Etat fècret: mais
parce que les Reformez vouloient aufli les attacher à leur caufe
par quelque intérêt, ils refbliirent au Synode National de Gap,
que 11 les Députez n'étoient pas entièrement afTignez de leurs ap-
pointemens , ce qui en manqueroit feroit payé moitié iur les deniers
que le Roy donnoit pour les Eglifes, & moitié fur ceux qu'il don-
noit pour les garnifons. Mais peu à peu j ce qui n'étoit ordonné
que
3^8 HISTOIRE
1601. que fublidiairement 5 au cas que les afllgnarions ne fuHent pas fuf-
filantes , devint ordinaire , & fe convertit en augmentation de gages
des Députez Généraux. Cette inflitution n'étoit p>oint à charge
au Conleil , qui ne pouvoit être importuné de ce peu de peribnnes,
avec qui on pouvoit terminer toutes les atfau-es lans bruit & fans
éclat ; &z qui n'avoit rien à craindre de leurs intrigues. Mais cette
nouveauté rumoit prefque tout à fait les AfTemblées , qui n'avoienc
plus de prétexte de fe former , puis que les Députez pouvoienc
fuppléer à toutes les chofes à quoy elles étoient necellàires, C'eft
pourquov on ne les permit plus que pour la nomination des Dé-
purez , après quoy on vouloit qu'elles fè feparalTent j & pour les
y obliger, on ne vouloir plus ni entendre leurs envoyez , ni re-
pondre leurs Cahiers , qu'elles ne fuiîent feparées. Elles confer-
verent néanmoins leur crédit autant qu'elles purent i èc elles fe
maintinrent aflez puilTantes jufqu'à la priie de la Rochelle.
Les premiers qui exercèrent cet employ furent St. Germain éc
des Bordes, nommez par l'AfTemblée de Ste. Foy pour un an:
mais ils furent continuez par le Synode de Gap, &: gardèrent cette
Dif.cui- commiiîion aflez long-teras. On voulut joindre à ces deux Depu-
UurÙi- fcz, dont l'un étoitpris de laXoblefle, & l'autre du Tiers Etat,
tMtioo. un troifiéme qui feroit Miniftre. Mais la Cour qui n'aimoir pas
les Confliioriaux , empêcha qu'on ne luy envoyât de ces gens,
qu'elle efliraoït mtraittables : & cela ne fut pas mal-aile , parce
qu'on ne jugeoit pas que lefejourde la Cour fut convenable à un
Klinirtre, qui devoir reiider actuellement près de fon Troupeau.
Les Reformez voulurent borner la durée de leur commiiîion à un
an y mais le Roy vouloir qu'elle fut plus longue. Chacun avoir k^
railbns : les Reformez, fous le prétexte d'accorder la décharge à
ceux qu'ils auroient tenus loin de leurs affaires propres , pour va-
quer à la pourliiite des générales, vouloient empêcher que fes Dé-
putez ne s'accoutumaflênt trop aifément à l'air de la Cour , s'ils
y demeUroientlong-tems j 5cleRoy, qui favoit bien que les char-
mes de la Cour apprivoifênt les plus farouches, vouloir éviter les
frequens changemens, pour n'être pas expofé à voir pafl^r les af-
faires d'entre les mains d'un Député déjà docile & familiarifé , dans
celles d'un nouveau venu , de qui les premières démarches feroienc
toujours brufques 6c feveres. D'ailleurs le court fervice des Dépu-
tez étoic une railbn de remettre les AfTemblées fur pied » toutea
les
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. VIII. ^69
les fois qu'il en faudroic nommer de nouveaux : c*efl: pourquoy i^oît
les Reformez vouloient les changer fbuvent -, & le Conleil par la
même confideration vouloit qu'ils (crviiïènt long-tems. Les Re-
formez dcfiroient encore que le Roy (e tint à leur nomination ,
& qu'il agréât les Députez qu'ils luy nommeroient -, parce que
comme ils avoient feuls intérêt aux affaires qu'ils les chargeroicnt de
traitter , c'étoit à eux feuls auflî qu'il étoit jufte de fe raporter du
choix de leurs Procureurs. La chofe palTà amfi d'abord : mais peu
après le Roy voulut qu'on luy nommât fîx perfonnes , dont il pren-
droit les deux qui luy feroient les plus agréables -, foie pour avoir part
à l'obligation du choix, foit pour être afîûré de n'avoir pas à (à
fuite des perfonnes qui luy depliifîènt. Il obtint auiïi avec un peu
de peine & de tems , que la durée de leur commillion feroit de
trois ans. Il fembloit que cette inftitution devoit cefTer aufîi-tôc
que l'Edit feroit exécuté : mais parce qu'il ne l'a jamais été par tout
pleinement, &que quand on y avoit pourvu d'un côté, il y avoit
aullî-tôt de l'autre quelque nouvelle contravention à reparer , cette
commilfion devint ordmaire , & a duré autant que l'Edit. Ce fut au
tems de l' Afîemblée qui fe tint 4. ans après à Châtelleraud , que le
Roy pour obtenir que les Reformez le laiflallent faire avec le Maré-
chal de Bouillon, leur permit d'avoir à la Cour des Députez ordinai-
res -, & qu'on régla le tems de leur fervice , & la m-iniere de les nom-
mer. Il eft vray que cette deputation a reçu divers changemens de- Et chan-
puis (on inftitution , jufqu'autems qu'elle a été fupprimée. Louis ^^j^^^'*^'*^
XIII. a été l'auteur de ces changemens. Lepremicr fut qu'ayant /ome de
interdit les Aflemblées Politiques , à qui la nomination des Depu- ^" "''"''
tez appartenoit , il en transfera le droit aux Synodes Nationaux '
par Brevet exprés. Ce ne fur pas à la vérité tout à fait une nou-
veauté , parce qu'il en étoit arrivé autant fous le règne de Henri IV.
aux Synodes de Gap & de la Rochelle : mais il y eut au moins ceci
de nouveau , que fous Henri IV. les Synodes ne fe mêloient de
cette affaire que par provifion , en attendant une Alîcmblée Poli-
tique ^ au lieu que Louis XIII. en fit l'affaire des Synodes , &ne
voulut plus entendre parler d'autres Alîèmblées. Le fécond chan-
gement fut qu'il fe chargea de la penfion entière des Députez,
quand il eut ôté aux Reformez toutes les fommes que fon père leur
avoit accordées. Le troifiéme fut qu'il fubftitua de fon autorité
un nouveau Député , en la place d'un des deux autres , qui étoiç
Tome L Aaa mort
370 HISTOIRE
i6oi. K^o'î^ <^^î^s l'intervalle des Affemblées. Il eftvray qu'il écrivît aux
Provinces pour faire agréer cette fubftitution : mais on entendoît
aflez que (es prières étoient celles d'un Roy , qui valoient un corn-
mandement. Peu après cela fe convertit en coutume. Le quatriè-
me fut que le nombre des Députez fe reduifit à un , parce que la
place d'un des deux qui vint à mourir ne fut pas remplie. Le cin-
quième fut que la commiffion devint perpétuelle. Et le derniei?
fut aue lesEglifes perdirent enfin toute la part qu'elles avoient eue
à ta nomination , dont le Roy fe referva le droit tout entier : de
forte que pendant près de quarante ans les Reformez n'ont point
eu d'autres Députez Généraux , que ceux que le Roy leur avoit don-
nez. Cet abrégé fuffit en ce lieu : mais la fuite donnera occafion
d'en parler d'une manière plus étendue.
sy!7ode à II fe pafîà peu de chofes importantes au Synode de Gergcau,
Gergeafi. q^^ q^ examina feulement quelques livres de réunion , qu'on pu-
blioit fous toutes fortes de titres. On écrivit encore une fois
à Lefdigiiieres , pour les 1 7000. écus qu'il retenoit : mais on
n'en eut pas plus de fatisfa£tion qu'auparavant. On écrivit à Ca-
faubon pour le féliciter de fa conftance dans la Religion , dont on
avoit fort douté > mais dont il avoit donné des aflSrances au Sy-
node. On défendit aux Miniftres d'être agrcfleurs dans les dif-
putes de controverfe. Il paroît par les reglemens qu'on prit dans
cette Aflèmblée , pour empêcher l'abus des évocations aux Cham-
bres Miparties , que la chicane avoit déjà profité de leur inftiai-
tion. Mais ce qu'on peut trouver le plus remarquable de tout ce
qui s'y pafia , eft que le Brevet de 45000. écus pour le paye-
ment des Miniftres n'ayant été donné aux Eglifes que trois ans
auparavant , Rôni avoit été fi peu exacl: à payer fès frères , qu'il
leur étoit dû des arrérages de cette fomme pour les trois an-
nées.
Cahiers Quclqucs mois après la feparation du Synode , le Roy repon-
repondus. ^-j. cj^g Cahicts afTez amples qu'on luy avoit prefentez, &dont les
principaux articles portoient , qu'en Dauphiné on faifoit payer
la taille aux Reformez pour les places de leurs Temples & de leurs
cimetières î qu'en plufieurs lieux onprivoit leurs pauvres des au-
mônes générales , & on chaflbit leurs malades des Hôpitaux 3 qu'à
Bourdeaux & à Xaintcs les Jurats & les Juges vouloient s'emparer
des deniers qu'on recevoit pour les pauvres à la porte des Tem-
ples >
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. VIII. 571
pies î qu'à Rouen on refufoit les Requêtes prefenrées au nom d'u- 1601.
ne Eglife, Corps ou Communauté Reformée j qu'à Orléans &
ailleurs on faifoit prêter ferment aux Officiers à leur réception de
vivre dans la Religion Romaine -, qu'à Gergeau le Procureur du
Roy avoit depofé fon Subftitutpour la feule caufe de fa Relicrion;
qu'à Lion le Chevalier du Guet vouloit de force accompagner les
convois des enterremens, ôcentiroitdes fàlairesexceilifsj & que
ceux qui avoient l'adminiftration de l'Hôpital du pont du Rhône,
troubloient ces convois autant qu'il leur étoit poiTible. On leur
accorda fur tout cela tout ce qu'ils pouvoient defirerj favoir des
defenfès très-rigoureufes de continuer à leur faire ces injuilices. Il
ne fut pas repondu moins favorablement aux deux derniers arti-
cles, dont l'un demandoit que le Roy confervât les Egliiès du païs Gtyt:
de Gex dans l'état où il les trouvoit en l'unifîànt à la Couronne j
& l'autre, que les Reformez pufîent trafiquer dans toutes les terres
du Duc de Savoye , fans craindre d'être inquiétez pour leurs con-
fciences. Le Roy promit de laifîèr aux habitans du païs de Gex la
liberté de confcience , & l'exercice de leur Religion comme au refte
de (es fujets. Cela vouloit dire mar^ifellement qu'il leur accordoic
la proteàion de Tes Edits , félon lefquels la Religion Romaine y
devoit être rétablie, & que pour le relie les chofes y demeuroient
dans l'état où il les avoit trouvées: puis que c'étoit là proprement
la règle générale de l'exécution des Edits. En effet il y rétablit la
Melfe quelque tems après , &: il y envoya le Baron de Lux exprès
pour faire ce retablifîèment : mais il laifîa les Eglifes Reformées
dans la poflèfîion des avantages , dont elles avoient la jouïfîànce
quand le pais.luy fut cédé. Il renvoyoit les Reformez pour l'au-
tre article au LUI. des particuliers de l'Edit , où ce qu'ils fouhait-
toient leur étoit entièrement accordé.
Il fe negocioit alors à Rome une grande affaire , où on auroit succtffien.
bien voulu faire entrer le Roy. Elle regardoit la fuccelîîon d'An- 'Hfrgf"'
gleterre , que le Pape fouhaittoit de faire tomber entre les mains
d'un Catholique. Il avoit en vue un Prince de la Maifon de Par-
me ; & il avoit fait pafTer dans cette Ille un Ecclefiaflique avec ti-
tre d'Archiprétre , pour y difpofer les Catholiques du pais. Le
Roy d'Efpagne vouloit garder cette Couronne pour luy , ou pour
un Prince de la Maifon j & il paroifîbit des écrits où les Jefuïtes
fbutenoient impudemment qu'elle luy étoit dévolue. Le motif
Aaa 2 de
3/2 HISTOIRE
idoi. ^c cette intrigue étoit la vieillelîed'Elizabeth, qu'on jugcoit bien
qui ne pouvoit vivre long-tems. On ne favoit pas comment elle
difpoièroit de la fucceilion: mais on favoit bien qu'elle ne la laif^
feroit jamais à un Prince Catholique -, & on craignoit que le Roy
d'Ecoiîè fon plus proche héritier venant à la Couronne d'Angle-
terre , il ne fut capable de faire beaucoup de mal à la Religion
Romaine, s'il avoit du cœur & du zélé pour la Reformée. Il étoit
encore jeune , & comme il avoit jufques là vécu fous une efpece
de tutele, on n'avoit pas encore pu connoitre fon génie &fes in-
clinations. On changea de mefures , quand on fut comment il le
faloit prendre -, & on mena les chofes li loin , qu'on fe fervit de luy-
méme pour tacher de remettre l'Angleterre fous l'obeiflànce du
Pape. Mais en attendant que les choies en vinflent là , le Roy ne
goùtoit pas cette intrigue. Il donnoit les mains au projet de rédui-
re ce Royaume à la Religion Catholique j & pendant le refte de
fa vie il fut le médiateur & le confident de ce defîèin : mais il n'au-
roit pas voulu agrandir ks ennemis par ce changement. Les au-
tres defleins qu'il avoit en tête, ne demandoientpas qu'il n'y eût
plus de Protellans en Europe.
Mort Châcillon, petit- iils de l'Amiral , fut emporté cette année d'un
J^*"^//J; coup de canon dans Oftende , ailiegée par l'Archiduc Albert. Ja-
l'Am-r.û mais jeune Seigneur n'avoit donné de plus grandes efperances. Il
%?t^ étoit né pour la guerre: & entre les belles qualitez qui font necef-
faires à un homme de commandement , il avoir principalement l'a-
drelîe de fe faire aimer des foldats , dont il avoit gagné le cœur&
la confiance. On dit qu'il avoit tant de crédit dans l'armée des
Etats, que le Prince Maurice ne put fe défendre d'en avoir de la
jaloufie. 11 n'étoit pas moins autorifé parmi les Reformez de Fran-
ce, qui amioient en luy des vertus pareilles à celles de Ion père &
de fon grand-pere. Il parloit fans celle de leurs actions , & il n'a(^
piroit qu'à les imiter. Le plus ardent de fesfouhaits, étoit celuy
d'être comme fon ayeul à la tête des Reformez , & de donner
une bataille pour leurs intérêts. Son mérite le fit regretter du
Roy , quand il apprit la nouvelle de fa mort. Mais quand les
Courtifans, qui difent toujours des morts ou desabfens ce qu'ils
n'auroient ofé dire de gens en état de s'en vanger , eurent fait
au Roy un portrait tel qu'ils voulurent de l'ambition & des
dcfleins de ce jeune Seigneur , il prit pour une marque de prof-
perité,
DE UEDIT DE NANTES, Li v. VIII. 375
pcrité, ce qu'il avoit regardé d'abord comme un fujet de dou- kSoi.
leur.
Ce fut cette année aufli que le Dauphin vint au monde. Sa Naifa?,.
naiflànce donna une grande joye à tous les bons François , qui " '''*
voyoient étouffer par là toutes les femences de la guerre, que les phi»'
diverfes prétentions à la fucceflion auroient pu produire. Mais
cela n'empêcha pas que les Efpagnols ne preparafîènt des occa-
fîons de brouilleries , & ne fiflent de tems en tems courir le bruit
que le Roy ayant promis mariage à la Marquife de Verneuil , il y
avoit lieu de douter fi la fuccelîion apparticndroit aux enfans de
Marie deMedicis. Il y eut des Cafuilles Efpagnols qui mirent en
queflion , fi la Difpenfe avoit été bien obtenue. Dans les Païs-Bas
quelque Prédicateur eut la hardieflcde prêcher en faveur de la né-
gative : & en divers tems on vit courir des libelles fijr cette matiè-
re. Un Capucin qu'on foupçonnoit d'avoir appris fa leçon à la
Cour de Savoye , débita fur ce fujet en Italie & à Rome même
mille extravagances : mais on arrêta le cours de Ces mauvaifes in-
tentions par l'autorité de fes Supérieurs. Cependant comme la £i pr*-
naifîànce'du Dauphin faifbit parler tout le monde, la Rivière , l'un 'j^'^""*'^^
des Médecins du Roy , grand Aflrologue & fort entêté de predic- re.
rions, drefîa une figure de fa nativité j & le Roy qui donnoit un
peu trop dans ces vanitez, ou par fbn inclination, ou à l'exemple
de fon favori Rôni qui y deferoit beaucoup , ou par l'indudlrion de
la Reine qui en étoit prévenue, comme prefque tous les Italiens,
le Roy, dis-je, l'ayant obligé , malgré divers refus , deluydirece
qu'il jugeoit de cet enfant félon les règles de fon art, il luy re-
pondit demi en colère qu'il regneroit j qu'il detruiroit ce que fon
père avoit établr ; qu'il difiiperoit tout ce qu'il auroit ménagé -,
qu'il laifîèroit poflerité, fous laquelle tout empireroit. L'état où
font aujourdhuy la Religion & le Royaume , peut faire mettre
cette predidlion entre celles qui font le plus d'honneur à l'Aflro-
logie.
Mais il y avoit dans l'Etat des mouvemens fort dangereux, qui
étoient excitez par les intrigues étrangères. La Cour étoit pleine
de mecontens , qu'on y engageoit fous divers prétextes. Biron ,
cfprit prefomptueux & fans jugement, y entra fi avant qu'il luy en
coûta la vie. Mais on croyoit le Roy encore afîèz fort pour étein-
dre cette conjuration, pendant qu'il auroit les Reformez à fa de-
Aaa 3 votion.
la Bjvie.
de l'Etat étoic un acheminement à leur perte -, qu'il s'étoit conclu
unepuilîànte Ligue contre eux , pendant qu'on negocioit la paix
de Savoye j qu'on y avoit drefîe le projet d'une efpece de Croifà»
tre eux.
374 HISTOIRE
i6oi. votion; c*eft pourquoy on n'épargna rien pour les mettre de la
-^vis partie. On les faifoit avertir comme confidemment, que le repos
aux Re-
formez
d'une Li-
gue for -, . _ . . _ . .
mée con. de j que les Princes Catholiques l'avoient jurée par leurs Dépu-
tez; que le ferment en avoit été prêté fur l'Euchariftie, entre les
mains du Légat j que chacun s'étoit taxé à une certaine fomme , &
à un certain nombre de foldats; que la Ligue devoit durer jufqu'à
ce qu'on eût exterminé la Religion Proteftante ; qu'il y avoit deux
originaux de ce Traitté fignez du Pape, du Roy d'Efpagne& du
Duc de Savoye j que ce Duc en avoit un entre les mains , qu'il of*
froit de communiquer aux Reformez. On ajoûtoit à cela des pro»
meflès des plus grandes furetez dont ils fe pourroient avifer, pour»
veu qu'ils entralîênt dans la Ligue qu'on leur propofoit.
Ces avis étoient confirmez par celuy qu'un certain Brochard
Baron donna au Maréchal de Bouillon , touchant les Ligues jurées
contre la Reformation.' Ce Baron, qui fe difoit neveu du Cardin
nal Baronius , fe vantoit d'avoir été envoyé du Pape aux Princes
Catholiques, pour leur faire fi gner le projet de cette nouvelle Croi-
fade > & d'avoir fur tout prefenté le livre de cette inftitution au
Roy d'Efpagne. Il dilbit que les infl:ruâ:ions de ceux qu'on
chargeoit d'engager les Princes à la protedion de cette Ligue , re^
commandoient principalement trois moyens , pour reiifiir à la^<?«-
verjïon des Hérétiques. Le premier étoit d'inftituër des Mifiîons y
pour infl:ruire les dévoyez par de bonnes prédications & de bons
exemples. Le fécond étoit de tolérer les entreprifes des Magi-
ftrats contre les hbertez àç^s Hérétiques : & de fe fervir des artifices
pohtiques, Scdes finaudes pieufcs, pour leur ôter leurs privilèges.
Le troifiéme étoit d'employer la force &lcs armes pour les rédui-
re. Les Jefuïtes Ce chargeoient de femer la divifion entre les Grands,
& dans les Provinces : & on devoit faire de grandes Uberalitez
aux premiers Convertis, pour fervir d'amorce aux autres. Il af-
fùroit qu'on avoit gagné en Angleterre vingt-cinq mille hommes
capables de porter les armes -, & afi^ez de Minifl:res pour efperer ,
qu'on feroit condamner la Reformation par la bouche des Mini-
ères mêmes. Il reveloit de grands defi^ins qu'on avoit formez fur
tous les Etats Proteflans j & il pretendoit qu'on avoit corrompu
en
DE LEDIT DE NANTES, Liv. VIII. f/f
en Allemagne une grande partie delà NoblefTc. Je ne lây pas où i^oi.
il avoit pris tous les my fteres qu^il developoit par ks difcours : mais
dans la fuite on a pratiqué fi exaélement & avec tant de fuccés les
chofesqu^il difoit, que fion juge de Tes relations par révcncmenr,
plutôt que par le portrait qu'on faifoit de luy 5 elles ne peuvent paf^
fer que pour véritables.
Ce Baron n'ayant pas été recompenfé comme il Tcntendoit ,
pafïà en Allemagne & en Hollande, pour y débiter les mêmes
chofès : & s'il ne perfuada ceux qui avoient part au Gouverne-
ment , il trouva les peuples plus crédules. Il y eut des Prédica-
teurs, qui pendant le fiege de la Rochelle fe fbuvinrentde fcs diC-
cours , & les appliquèrent à l'état où la Reformation étoit ré-
duite alors en France & en Allemagne. Pour éluder fon té-
moignage , on voulut le faire pafîer pour un brouillon , qui
avoit inventé une partie de ce qu'il difoit. Néanmoins ce n'é-
toit pas en toutes fes parties un conte fait à plaifir. On avoit
érigé depuis peu à Thonon , ville appartenante au Duc de Sa-
voye , non loin de Genève , une Confrairie pour la converfion
àcs Hérétiques : & pour la rendre vénérable aux peuples, on luy
avoit donné le nom pitoyable de Congrégation de Nôtre T)a7nede
compaffion des fept douleurs. Cette nouvelle focieté ne fut pas
plutôt formée, qu'elle écrivit aux Princes Catholiques, pour les
inviter à entrer dans cette Ligue. D'Oïïàt ne nia pas au Roy qu'el-
le n'eût écrit au Pape: mais il afliira que le Pape avoit rejette cette
vaine propofition , comme capable d'unir les Proteftans pour leur
mutuelle dcfenfe -, ce qui ne pouvoit porter que du dommage à la
Religion Catholique -, & donner beau jeu au Turc pour étendre
fes conquêtes fur la Chrétienté, pendant les divilions de l'Europe.
Ce Prélat accufbit aufïï le Duc de Savoye d'avoir abufé des com-
milîions & des procurations de cette Confrairie -, fiir Icfquelles il
avoit bâti l'ouvrage de cette Ligue imaginaire , pour s'en fervir dans
les defleins qu'il avoit de brouiller la France. Aurefteildecrivoit
ce Baron comme l'efpritlc plus léger qui eût jamais été. Il avoit
été Prêtre , & pendant ce tems-là il avoit commis un meurtre. Il
s'étoit fait Proteftant , peut-être pour éviter le fupplice qu'il meri-
toit. Il s'étoit marié: maiss'étant bien-tôt laflede la vie conjuga-
le , il étoit retourné dans la Religion Romaine , qu'en fuite il
avoit abanbonnée encore une fois. C'efI: à quoy ie réduit le por-
trait que le Cardinal fait de luy. fvlais
37^ HISTOIRE
%6oi. Mais quand il n'y ayroit eu rien à dire contre Baron , le Duc de
Savoye écoit trop lufpeâ: en matière de Religion, pour trouver de
la créance chez les Reformez. 11 n'étoit pas en réputation d'avoir
de la bonne foy: & fi on en juge parce que d'OlIàt dit de luy,
c*étoitun Prince d'un étrange caraélerej &qui avoit toujours en
^jfem. tète quelque confpiration contre le repos de l'Europe. Cependant
tai7r^' les Reformez fe raflemblerent à Sainte Foy, où ils ne fe contente-
sainte- rcnt pas de nommer des Députez Généraux : mais où ils traitterenc
^'y'- de beaucoup de chofes qui regardoient le gênerai & le particulier
des Eglifes. Peu après on prefcnta au Roy un Cahier, dont le
premier article , après l'avoir félicité fur la paix du Royaume, Se fur
la naifiance du Dauphin , demandoit le retabliffement de l'Edic
dans l'état qu'on l'avoit accordé à Nantes: & cette demande étoit
appuyée d'une prétention, que le Roy avoit promis ce retabliflè^
ment aufli-tôt que les affaires du Royaume le pourroient permettre,
Les principaux des autres articles demandoient que les Parlemens,
quin'avoient vérifié l'Edit que fous de certaines modifications, fuf-
fent obligez de les lever : qu'on accordât quelques exemptions aux
Collèges que les Reformez fonderoient , en confequence de la per-
mifiîon que l'Edit leur en donnoit : qu'on obligeât à fervir durant
plufieurs années dans les Chambres de l'Edit les Confeillers qu'on
y auroit dillribuez , & qu'on n'en changeât que la moitié à chaque
fois qu'on y voudroit faire quelque changement. Ils n'eurent rc-
ponfefur ce Cahier qu'au mois de Mars de l'annnée fuivante: &
les reponfes furent premièrement refoluës avec les Députez, &cn
fuitce trois femaines après raportées au Roy , qui les approuva Lç
premier article leur fut refufé abfolument, fous prétexte qu'il s'a-
giflbit de bien peu de chofe > qu'on avoit fait ces petits changcmens
pour le bien gênerai , & pour faciliter l'exécution de l'Edita qu'on
avoit pris l'avis des principaux Reformez, qui avoient été appeliez
aux délibérations qu'on avoit faites fur ces matières j qu'on ne les
pouvoir révoquer j & qu'on n'avoir point promis de le faire. On
peut juger par là , ou que ces promelîes n'avoient été faites que par
des gens qu'on ne craignoit point de de(a vouer 5 comme il y a tou-
jours à la Cour des négociateurs par qui elle donne des efperances,
de l'événement defquellcs elle ne veut pas repondre : ou que les
Reformez avoient pris pour des promefiès ferieufes, de certains
difcours enl'aù: 3 qu'on leur tenoit pour leurmettre dans l'efprit
que
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIII. 377
que les affaires pourroient changer , & qu'alors ils fe feroienc j^^j
rendre ce que la conjoncture prefente les obligeoit de foufFrir qu'on
leur ôrat : ou qu'enfin les Reformez de la Cour avoienr inventé
ces promefîês comme un lecret , pour fe garantir du reproche d'a-
voir iîaifémentconfenti à ceschangemens. Sur les autres articles,
on leur donnoit tout le contentement qu'ils auroient pu defircr :
mais parce qu'ils demandoient la liberté de continuer leur Aflèm-
bléc, fous le prétexte des difficultez que les Parlcmens apportoient
à l'exécution de l'Edit, le Roy temoignoit dans fès reponfes qu'il
avoit donné de fi bons ordres pour y remédier , que cette continua-
tion d'Afi^emblée étoit inutile.
Mais on drefia de bien plus amples Cahiers à Sainte Foy -, & fans Et fes
s'arrêter trop au reflis réitéré que k Roy avoit fait de remettre ^'^^'^rr,
l'Edit dans l'état où il avoit été mis à Nantes, on nelaiflà pas de
demander encore à peu près en détail les mêmes chofes qu'on n'a-
voit pu obtenir en gros. C'elt pourquoy en demandant qu'on
exécutât l'Edit par tout le Royaume, tel qu'il avoit été verifici Pa-
ris , on (c refervoit l'efperance de reparer quelque jour les brè-
ches que le Confeil y avoit faites : de forte qu'il fembloit qu'on ne
l'acceptoit que par provifion. Dans ces articles on nommoit plu-
fieurs Provinces , où la Cour n'avoit point envoyé de Commillai-
resj d'autres où ils n'avoient été que dans les villes capitales > plu-
fieurs lieux particuliers, où ils n'avoient accordé l'exercice que fous
de certaines refirivStions , comme je l'ay déjà remarqué. On ié
plaignoit qu'en jugeant le droit de poifedlon aquis par l'Edit de
1577. ils fe bornoient fcrupuleufementau dix-léptiéme de Septem-
bre j n'ayant point d'égard aux preuves de l'exercice qui avoit été
fait dans le même mois , devant & après ce jour , s'il n'y avoit preu-
ve aufli qu'il avoit été fait precifément dans ce jour. Cela redui-
foit les Reformez prefqueàl'impofiible, &: failoitde ce droit une
illufion, parce que le dix-feptiéme de Septembre avoit été cette
année-là un Mardi , jour où les Reformez ncpouvoient avoir fait *
leurs exercices publics que par une manière de haiard. On de-
mandoit que dans les lieux oùlesCommiflàiresnommeroientpour
leurs Subdeleguez les Juges Royaux, ces Juges fuffent obligez de
prendre un Adjoint Reformé , qui leur feroit nommé par les Re-
formez même , pour travailler enfemble en diligence & ians fi'ais
à l'exécution Aç,s Ordonnances àç,s Cpmmifîàires. On fe plaignoit
Tome L Bbb qu'en
3/8 HISTOIRE
7^01. qu'en plufieurs lieux les Catholiques nevouloient pas fbuffrir que
les Reformez y habitaflèntj qu'ils chafîbient les Artifans de certai-
nes villes; qu'ils ne vouloient pas même fouffîirdes Compagnons
dans leurs boutiques: qu'on leur difoit impunément des injures,
quand ils alloicnt à leurs exercices : que les Prédicateurs dans leurs
Sermons , & les Avocats dans leurs plaidoyers prenoient la même
licence, fans être reprimez : que les Juges Royaux, en plufieurs
lieux , ne faifoient pas julHce des excès commis contre leurs perfon-
nes : qu'en plufieurs Diocefes on les avoit fait enrôller , & met-
tre de certaines marques fur leurs maifons, pour les diftinguer de
celles des Catholiques: que par tout où il y avoit encore des Col-
lèges dejefuïtes dans le Royaume, c'efl-à-dire dans le reflbrt des
Parlcmens de Thouloufe & de Bourdeaux , ils avoient inventé une
autre manière de diftindion , faifant marquer les maifons des Ca-
tholiques de Croix ou de chapelets de fleurs , afin qu'on pût
mieux remarquer celles qui manquoient de ces ornemens -, qu'à
Vervins on avoit mis hors de la ville un Miniftre qui y étoit arrivé
en pafîànt le jour de Pâques; & qu'on avoit refufé même de loger
fon cheval. On feplaignoit qu'en divers lieux lesjuges cmpêchoient
de bâtir des Temples , quoy que l'exercice y fût permis : qu'en
plufieurs autres, qui étoient nommez , l'exercice même étoit em-
pêché, ou par l'oppofition des Seigneurs des lieux, ou par les
Ordonnances des Commifîaires. On raportoit fur ce fujet qu'à
Aubenas, où le Marquis de Mondaur commettoit mille violences,
quoy que les Commiffaires euffent fait rendre aux Catholiques le
clocher , la cloche & le cimetière , & laifïe aux Reformez la Maifon
de ville pour leurs exercices , les Jcfuïtes avoient bâti une Cha-
pelle contre la muraille , qu'ils avoient percée pour avoir vue
fur le Heu ; qu'ils faifoient fbnner une cloche pendant l'exercice j &
qu'ils avoient planté une Croix fur l'entrée. On demandoit que les
Seigneurs pufîent jouir du droit de leurs Juftices ; ^ y faire l'exer-
cice, quoy qu'elles fufîènt enclofesdans les villes Epifcopales: &
' que le Roy fit cefTer les recherches qui fe faifoient à Rouen , à
Bourdeaux & ailleurs dans les maifons des Libraires , pour enlever
les livres de Religion qu'on y trouvbit, quoy qu'ils ne fuflênt pas
expofèz en vente. On remontroit qu'en plufieurs Collèges on
avoit refufé d'admettre les Regens & les Ecoliers , par la feule rai-
fon de leur Religion : qu'en plufieurs lieux les Reformez n'avoient
point
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIII. ij^
point de cimetières: que pour éviter les inconveniens des convois i($oi.
funèbres qu'on faifbit la nuit, & qui expofoient les Reformez à
mille inful tes , dont ils ne fè pou voient garder , on dcvoit leur per-
mettre de faire leurs enterremens le jour. Ils joignoient à cela des
plaintes de l'exhumation de plufîeurs corps que les Curez avoient
faite 5 dans les lieux même qui a voient été aflîgnez aux Reformez
pour leurs fepultures avant les guerres civiles-, de quoy ils deman-
doient permiflîon d'informer : mais fur tout ils exaggeroient l'ou-
trage fait au' corps d'une Dame par le Cardinal de Sourdis Arche-
vêque deBourdeaux, l'homme le plus em.porté & le plus étourdi
de fon tems > & qui s'embarrafîbit dans toute forte d'affaires avec le
moins de reflexion. Il fit déterrer ce corps dix-huit ans après (a
lèpulture , & fit jetter les os fur un grand chemin.
Il y avoit une longue luite d'articles qui regardoient les Cham-
bres de TEdit ou Miparties : & par leur diverfité on peut reconnoî-
tre que les Catholiques vouloient Ibumettre ces Chambres aux
Parlemens , & en faire une elpece de Jurifdidtion fubalterne j
au lieu qu'elles dévoient être proprement de petits Parlemens, qui
n'ayant rien de mêlé avec ceux dont elles étoient membres, que
ce qu'elles étoient compolëes en partie déjuges pris de leurs Corps,
eufîèntla même étendue de jurifdi^tion & de privilèges. Ces ar-
ticles demandoient donc que les fix Confèillers du Parlement de
Paris, &les trois du Parlerhent de Rouen puflent entrer tous en-
femble dans les Chambres de l'Edit, à caufe des injufticcs qu'un
ieul n'étoit pas capable d'empêcher : que les entreprifes du Par-
lement de Thouloufe fur la jurifdiélion de la Chambre établie à
Caflres, dont onraportoit àç.s exemples tout nouveaux, fufient
reprimées : que les Confèillers Reformez qui (èrvoient à Rouen
dans les Enquêtes, puflent juger du privilège Clérical, & des cri-
mes dont les Ecclefiaftiques étoient prévenus j que les Chambres
de l'Edit connuflent de toutes lescaufcs où les Reformez feroient
parties i même des caufès Beneficiales pofl^flbires , des dîmes ,
des droits & domaines Ecclefiaftiques, des caufès criminelles où
\q.s Ecclefiafl:iques feroient défendeurs : qu'on trouvât un expé-
dient pour garantir les Reformez de la rigueur des Parlemens de
Thouloufe , de Bourdeaux & de Grenoble , de qui on ne pouvoir
efperer juftice , dans les affaires dont la connoiflance étoitôtéeaux
Chambres : que dans les caufès où il s'agiroit d'un fond prétendu
Bbb 2 Ec-
38o HISTOIRE
i^oi. Ecclefiaflique 5 les Chambres connuflentdelanature du fond pour
retenir la caufe, file fond n*étoitpas delà qualité prétendue: que
les affaires des Reformez contre les Ecclefiaftiques , en quelques
Parlemens dont les Juges ont leurs enfans pourvus de Bénéfices 8c
de charges d'Eglife , fuflent évoquées au Parlement de Paris , ou au
Grand Confeil : que les Chambrés connufiènt des affaires des Re-
formez touchant les Hôpitaux : qu'on leur attribuât la connoif-
fance des affaires des Aides & des Comptes aux Parlemens de
Rouen &: de Provence, dans les caufes où le Roy n'interviendroit
pas, & où on n'auroit affaire qu'à fes Fermiers: que les affaires de
Police , où les Reformez feroient parties, fuffent renvoyées aux
Chambres de l'Edit, quand ils le demanderoient : que la Cham-
bre de Grenoble pût tenir des audiences à huis ouverts > & que le
Parlement y reçût des Procureurs de la Religion Reformée : qu'on
pût faire exécuter les Arrêts de cette Chambre en Provence fans
demander Vareatis : qu'en chaque Bailliage on créât un Office
dont les provifions feroient données à la nomination des Refor-
mez , pour faire toute forte d'exploits concernant l'Edit & ion exé-
cution 5 parce qu'en Normandie & ailleurs le Parlement rcfufbit
des 'Pareatis pour l'exécution des Arrêts du Confeil , Lettres
Patentes & autres adles de même nature : qu'on créât à Paris un
Subfl:itut du Procureur General , qui fût de la Religion Reformée :
qu'on n'accordât point au Grand Confeil d'évocations au préju-
dice des Chambres : que les caufes des Prefidens & Confeillers
fufïènt retenues dans les Chambres où ils ferviroient , fans qu'ils
fuflent contraints d'aller plaider à la Chambre la plus prochaine:
qu'on n'évoquât point les caules fous prétexte des parens que les
parties auroient dans \qs Chambres : que les recufations y fuflent
jugées , avant que le Roy donnât des Lettres évocatoires : qu'on fit
un fond pour entretenir les feances des vacations dans les Cham-
bres , comme pour celles des Parlemens : que les Commis des
Greffiers aux Chambres de Caftres & de Nerac fufïènt mipar-
tis : que les Parlemens n'obligcafiènt pas les Confeillers qu'on
envoyeroit fèrvir dans ces Chambres , à juger fuivant de cer-
tains regîcmens, qui en bornoient trop la jurildidion : que dans
les inftrudions criminelles aux Parlemens, on prit des Adjoints
Reformez dont les parties feroient convenues , ou qui feroient
nommez d'office , fi les Enquêteurs étoicnt Catholiques.
Il
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIII. 381
Il y avoit d'autres articles qui parloienr des Charges. On fe j^qj^
plaignoit que les Catholiques formoient des conteftations aux
plus anciens Confeillers fur la prefidence -, & qu'à Paris à la re-
quête du Procureur General , on avoit informé de la Religion Ca th.
Ap. &Rom. de Mole, pourvu d'une Charge de Prefident. On
demandoit un règlement gênerai , conforme à la déclaration que
le Roy avoit faite de bouche fur plufieurs affaires particulières , tou-
chant le droit d'admettre indifféremment aux Confulats, &: autres
Charges éleflives , fans diftindion de Religion , ceux qui y fe-
roient appeliez par les voyesordmaires, anciennes & accoutumées.
La raifon de cette demande étoit , que les Reformez étant les plus
forts prefque dans toutes les bonnes villes de Guyenne & de Lan-
guedoc j & les perfonnes capables de ces emplois ne fe trouvant
que parmi eux, il arriveroit qu'ils rempliroient toujours les Char-
ges les plus honorables, fi elles étoient données félon les formes
ordinaires , à ceux qui en feroient jugez dignes par la pluralité
dts voix. Les Catholiques au contraire vouloient priver les Re-
formez de cet avantage j &s'opiniâtroient prefque partout à ren-
dre ces Charges miparties: en quoy ils fe fervoient de l'exemple
de certains Traittez , qui avoien t été faits en quelques lieux avant le
dernier Edit , qui partageoient également les Confulats entre les Re-
formez & les Catholiques. Il naiiîbit tous les jours des procès fur
ces prétentions oppofées , qui étant portez au Confeil ou diredle-
ment , ou fur \ts partages qui arrivoient dans les Chambres Mipar-
ties , engageoient les Communautez dans des longueurs & des de-
penfes ruïneuiës.
Il y avoit encore d'autres articles qui regardoient les Places que
les Reformez avoient en garde, dansleiquelleson demandoit que
les habitans Catholiques fuflènt obligez de contribuer aux répara-
tions des murailles, & aux frais des Corps de garde. On demandoit
aufli que de certaines Confrairies de Penitens , qui fourmilloient
dans le Royaume, &qui convertifîbientlesauileritez delà morti-
fication en une pieufe mafcarade , ne fufiènt pas rétablies dans
les villes de fureté : comme cela étoit arrivé en quelques lieux à
celle qu'on appelloit des Battm^ en vertu d'un Arrêt rendu fur re-
quête. On fe plaignoit de quelque château qu'un Catholique
avoit entrepris de fortifier, pour incommoder quelque Place voi-
fine , & on demandoit que les fortifications fuflent démolies.
Bbb X II
382 HISTOIRE
i^oi. Il y ciï 3.Yoit encore qui regardoient quelques cas 'particuliers.
On s'y plaignoit qu'en plufieurs lieux , quand les Reformez éroient
condamnez à l'amende 5 lesjuges, pour les chagriner , declaroient
les amendes applicables à l'entretien desCouvens, ou des Eglifes
Catholiques : & que les Etats de Languedoc les faifoient contri-
buer aux dons qu'on levoit fur la Province pour les Ecclefiaftiques ,
ou pour les Moines Mendians : qu'à Bourdeaux & ailleurs on ne
vouloit pas recevoir les Requêtes ou les plaintes des Reformez,
fous le nom d'un Syndic ou d'un Procureur de leur Communau-
té : qu'on y refufoit aux condamnez l'afli (lance des Miniftresj &c
qu'on les faifoit accompagner au fupplice par des Religieux : qu'on
taxoit les Miniftres à la taille, même pour leurs gages. Oniiip-
plioit le Roy de permettre aux habitans du Comté de Marie, qui
n'a voient de lieu d'exercice qu'à huit lieues de chez eux , de s'al-
fembler dans la Juftice d'un Gentilhomme Reformé , quoy qu'il
n'y fût pas refident : & on le prioit aulîi d'obtenir pour fes fu-
jets, qui trafiquoient en Efpagne, la même liberté de confcience
qu'on y accordoit aux Anglois, aux Ecoflbis, aux Danois & aux
Allemans. L'occalion de cette demande étoit qu'un certain Pra-
dilles de Mompellier étant allé en Efpagne, pour le recouvrement
d'une fomme qui luy étoit due, l'Inquifition l'avoit fait arrêter -,
l'avoit condamné à l'amende honorable j àtenirprifon an& jour,
& à la confifcation de fes biens.
Tous ces articles demeurèrent long-tcms entre les mains du Con-
feil, qui les garda jufqu'au mois d'Août 1602. Ils furent repon-
dus fort diverfement: les uns accordez purement & hmplement -,
les autres étendus même, amplifiez & exagérez : d'autres refu-
fez abfolument j d'autres en partie refufez , & accordez en partie.
Il y en avoit plufieurs fur lefquels le Confeil prenoit le tems de
condilter les Gens du Roy , pour en ordonner après leur avis :
d'autres où le Roy renvoyoït les intereflez à (e pourvoir devant luy
par leurs requêtes: d'autres où il demandoit à voir les Arrêts, &
les A^5les qui y étoient mentionnez : plufieurs où il le refervoit
d'ordonner ce qu'il aviferoit bon. Mais en gênerai il y avoit dans
toutes les rcponfes un efprit de faveur & d'équité, qui faifoit voir à
découvert le fecret des intentions du Roy , & qui mon troit claire^
ment qu'il vouloit fans deguiiement & fans équivoque que l'Edit
fût oblèrvé, & que les dimcultez qui naiflbient fur Ton exécution
fuf-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIIL 383
fufîcnt favorablement expliquées. Cet efprit défaveur &d'équi- K301.
té paroifibit fur tout dans les ordres qu'il donnoit pour Texecu-
tion de TEdit, aux lieux où elle n'écoit pas encore faite: dans
ceux qu*il envoyoit aux Juges & Officiers , pour leur enjoindre
de lairier demeurer les Reformez en tous lieux , fans permettre
qu*ils y fuflent moleftez : dans l'explication du privilège de l'Edit
de If//, qu'il trouva bon qu'on appliquât à tous les lieux où l'e-
xercice auroit été fait pendant le mois de Septembre, fans s'arrêter
preciiëment au dix-feptiéme du mois : dans la defenic des en-
rôllemens , & des marques feditieufes qu'on avoit mifes fur les
maifons : dans celle de parler injurieufement des Reformez dans
les prédications ou les plaidoyers : dans celle de faire des recherches
chez les Libraires : dans plufieurs articles qui touchoientla jurif-
didion , la dignité ou les privilèges des Confeillers Reformez au
Parlement de Paris, de Rouen & de Grenoble; ou la jurifdidion
des Chambres Miparties, & l'exécution de leurs jugemens : dans
la déclaration de fa volonté fur l'admilîion indifférente des Refor-
mez &des Catholiques aux Charges Confulaires , fuivant les for-
mes accoutumées , fans diflindion de Religion , ni limitation de
nombre: dans l'extenfion qu'il donna au droit d'exercice , que les
Commifîaircs avoient accordé à de certains lieux avec des reftric-
tions incommodes. lien étoit de même de plufieurs autres , où
les Reformez obtenoient comme dans les precedens tout ce qu'ils
pouvoient raifonnablement demander , fuivant les termes de l'E-
dit, qui devoit être la règle commune de leurs prétentions & de
leurs droits. Ceux qui leur furent refufez n'étoient ou que les mê-
mes en détail , qu'ils n'avoient pu obtenir en gros , ou que ceux qui
parloienr de chofes qu'on avoit des raifons fpecicufès de ne leur
accorder pas. Cette obfervation fait connoître la bonne foy &
l'exadntude du Roy , qui pour faire mieux garder fon Edit de-
cidoit folcnnellement lesdifficultcz qui regardoient fon exécution,
aufîi-tôt qu'elles étoient nées: & il paroît par la même confédéra-
tion 5 qu'il étoit injufte de renouvclicr & d'accroître de nos jours ces
mêmes difïicultez , puis que dans le tems qu'elles s'étoient formées
la première fois , elles avoient été toutes décidées. Cesdecifions
même dévoient être d'autant plus refpe6lées, qu'elles avoient été
données par un Roy qui favoit ce qu'il avoit voulu dire par chaque
article de fon Edit : dans un tems où il voyoit les chofes de près , &
les
^8+ HISTOIRE
16oi. ïcs pouvoir juger avec connoiflance de caufe. Il efl: évident que
puis qu'elles étoient aufïï anciennes que l'exécution mcme de
TEdit , & prononcées fur les difficukez que cette exécution feifoiç
naître, elles dévoient être prifcs pour la règle de le bien entendre,
&c d'entrer certainement dans les intentions de fon auteur. Tout
le monde fait que quand il y a des difficukez dans quelque loy , il n*y
a perfonne qui puifiè mieux les refoudre, que celuy qui Ta donnée.
1602. Mais ces bonnes intentions du Roy n'empéchoient pas qu'on
ne fit courir divers bruits, pour remplir les Reformez d'inquiétu-
des , & les difpofer à quelque foulevement. On debitoit que le
Rov alloit retrancher les deux tiers de leurs affignations j qu'ils ne
tircroient plus de luy de penllons particulières -, qu'il ne leur
prolongeroit plus la garde des Places de fureté -, qu'il ne donne-
roit plus de Charges , fans inférer dans les provisions la claufc
d'être Catholique. Mais ces artifices n'émurent perfonne. On
vit même fans s'ébranler la fuite du Maréchal Duc de Bouillon , qui
penfa être envelopé dans la confpiration du Maréchal de Biron.
^UïiTrl- ^^ ^'-'^ emporté par fes mecontentemcns , étoit entré dans ces
chAide intrigues un peu trop avant. Son deiTêin n'étoit pas de fai-
souiiiea. j.^ ^ç 1^ peine au Roy : mais il vouloit éloigner Rôni des affai-
res , où il avoir aquis trop d'autorité. Ce Favori , fe fentant ap-
puyé de fon Maître, otfenfoit tout le monde fans retenue) &
foiis le prétexte de fon ménage, qui flattoit les inclinations du
Roy, iîdonnoit du chagrin à tous ceux qui auroicnt voulu avoir
affaire à un Prince plus libéral. Le Duc n'avoit pas caché au Roy
que le crédit de Rôni étoit le prétexte des mecontens : &Rôni de
fon coté n'avoit pas manqué de rendre la pareille au Duc , & de
le réduire à quitter le Royaume, après la mort de Biron, de peur
de porter comme luy (à tête fur un échaffaud. Le Roy eût
voulu qu'il fe fut mis à fa difcretion ^ & il donnoit de grandes af-
fûranccs de luy faire grâce , pourveu qu'il vint franchement confef-
(èr fa faute. Mais le Duc ne voulut jamais s'y fier : foit que la
confcience luy fit craindre qu'il n'y eût pas de fureté > foit qu'il
eût peur de Roni , qu'il croyoit capable de tout, quand il pou-
voit couvrir un crime du prétexte de fervir l'Etat -, foit que les
deux raifons enfemble euffent part à fa défiance. Mais pour ne
iaifier pas fon innocence noircie par les accufations qu'on formoit
contre luy, il fe prefenta volontairement à la Chambre de Cadres,
du
DE UEDIT DE NANTES, Liv. VIII. ^8f
du reflbrtde laquelle il pretendoit être, àcaufedelà terre de Tu- i6o2,
renne : & il écrivit à la Cour pour y demander Ton renvoy : com-
me fi la fituation de ies biens avoit dû régler Ton domicile, plutôt
que la qualité de fà perfonnc & de fès emplois. La Chambre
liiy donna AS:e de fa (bumiffion : mais parce que le Confcil du
Roy n'y eut point d*égard, il ne fe trouva plus en fureté dans le
Royaume -, & après avoir paflè par Genève , il fe retira en Allema-
gne , où il demeura quelques années avant que fa paix fôt faite. ,.. - •
Pendant cette abfence , prefque tous les Protcftans écrivirent
en ù. faveur. Il leur donnoit à entendre que la Religion étoit le
principal prétexte de la perfêcution qu'on luy faifoit: &ilenalle-
guoit des raifbns qui pouvoient le perfuader. Il y en avoit bien d'au-
tres, dilbit-il , qui avoient effe£tivement plus de part aux confpira-
tions qu'on ne luy en attribuoit : on le choififîbit néanmoins pour luy
faire fon procès, quoy qu'il niât bien fortement d'y avoir trem-
pé» & qu'on n'eût point de charges contre luy : ce qui ne pou-
voit venir que de la différence que la Religion mettoit entre luy
& les autres, à qui on ne difbitrien. Mais ni (es raiibns , ni tout
le crédit qu'il avoit en France, n'y purent faire pafîer fon affaire
pour une affaire de Religion : &: les Reformez fe tinrent dans les
bornes d'une fimple intercefîion. Les Etrangers qui écrivirent
pour luy en firent de même: &fe contentèrent de prier que le zêlc
de Religion ne fît point faire d'injuftice dans cette affaire. La
Reine ^Elifàbeth , qui confîderoit ce Seigneur extrêmement, le
prit feule fur un autre ton. Elle l'excufà par fes lettres autant qu'el-
le put 5 & rejetta fur la haine de fà Religion toutes les affaires qu'on
luy fufcitoit. Le Roy difîîmula le mécontentement que ces let-
tres luy donnèrent : mais il parut irrité de ce que le Synode & les
Aflèmblées politiques fè mêloient des affaires du Duc : & il témoi-
gna ouvertement , qu'il prenoit en mauvaife part la protection qu'il
fembloit que la Chambre Mipartie luy avoit donnée , recevant fa.
Requête & retenant fa caufe. Au fond il demeura inflexible , à
toutes les prières qu'on luy fit au dedans & au dehors.
Mais fi cette affaire né caufa point de mouvement , il en fut de
même encore de la mortification que le Roy donna cette année à
la ville de la Rochelle. Une Afîèmblée tenue à Rouen en forme
d'Etats avoit établi un certain droit , qui fut nommé la Tancarte.
Ce droit devpit être fupprimé au bout de quelques années : mais
Tome I. Ccc les
^S6 HISTOIRE
1602. îes Panifans ayant continué de le leveraprèsle tems expiré, leur
Sédition entreprifc caufa divers troubles dansles Pro\'inces. Plufieurs bon-
M^f' ^^^ ^'^'^^- s'oppoferent à force ouverte à cette exa6lion> & la Ro-
chelle entre les autres exerça quelques violences : mais elle fut obli-
gée comme les autres de fe fbumettre à la volonté du Roy. Elle
reçut même Roni dans fes murailles , accompagné de douze cens
chevaux -, Se tout le crédit qu'elle avoit dans le party n'empêcha
pas que le refte des Reformez ne demeurât dans Tobeiflance. Il y
avoit néanmoins entre eux des particuliers pleins de foupçonsôc de
défiances , qui craignoient que le Roy n'eut contre eux des defleins
cachez: & d'autres qui prevoyoient parles eiîais qu'on en fai {bit ,
que la liberté publique étoit en danger d'être opprimée. LaTri-
mouille, hbre&hardi, parloit fur ce fujet d'une manière qui le fai-
foitpaffer à la Cour pour fort coupable : le Maréchal de Bouillon
étoit redoutable par Tes intrigues , quoy qu'il fût abfènt j & du Plef^
fis, irrité par l'outrage qu'il pretendoit avoir reçu du Roy à Fon-
tainebleau, étoit aulîi fufpect que les autres. On les craignoit
d'autant plus, qu'on favoit bien que leurs défiances n'étoient pas
Cabale fans fondement. Il y avoit à la Cour, & dans le Confeil même une
dinfu' * cabale toute Efpagnole , qui étoit animée par les intrigues du Con-
conreii. feil d'Efpagne , & par celles de la Cour de Rome. Cette cabale
%'trlirl rcmuoit toute forte de machines pour engager le Roy à détruire
les Re. les Reformez : de après y avoir employé les voyes directes , elle en
fcrmtz. ^yQi^ pj-jj d'obliques & d'éloignées , pour y amener le R.oy fans
qu'il y prit garde. C'étoit pour cela qu'elle preffoit extraordi-
nairement le rappel des Jefuites -, qu'elle formoit déjà des projets
d'allier la FrarKe avec l'Efpagne î qu'elle faifoit fonner bien haut
qu'au même tems qu'il étoit né un Dauphin en France , il étoit
né une Infante au Roy Catholique j comme fi cette rencontre eût
été un coup delà Providence, qui appelloit ces deux Couronnes
à s'unir par le mariage de ces deux enfans, pourlade{l:ru<5lion de
VHerefie. Taxis, Ambailadeur d'Efpagne, preffoit fans eefle le
Roy d'exterminer les Hérétiques de fbn Royaume, &:de donner
par là une marque évidente de la fincerité de fa rcdudlion à l'E-
gliiè Romaine. On dit même que cet Ambafîàdeur luy en ayant
parlé un jour, en des termes dont le Roy fe trouva piqué , ce Prince
luv repondit qu'il s'étpnnoit , qu'on le vouloit forcer à détruire des
gens qui l'avoient bien fervi , & qui quoy qu'ils eufTent des erreurs
que
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIÎI. 387
que rEglifecondamnoit, adoroient aumoinsjEsus-CHRisT, & 1602,
le croyoient Fils de Dieu , pendant que le Roy Catholique fouffroit
dans fes Etats des fedes Mahometanes , dont la Religion n'étoit
qu*un tiflu de blafphêmes contre le Chriftianifme. Le Roy fît cette
reponfe en des termes dont le tour fembloit l'obliger à faire en Fran-
ce contre les Reformez 5 ce que le Roy d'Efpagne auroit fait chez
luy contre les Maures: de forte que Taxis la prenant en ce fcns,
répliqua feulement au Roy , qu'il le prioit de fe fouvenir de fa pa-
role. On a cru que ce fut là le premier motif du banniflement de
ces malheureux: & que Taxis ayant rendu compte de l'entretien
qu'il avoit eu avec le Roy fur ce fujet , le Confeil d'Efpagne avoit
aulîî-tôt formé le defîèin de perfecuter ces miferables. Mais on
pourroit croire aufli que ce deflèin étoit formé depuis plus long-
tems: que Taxis qui le favoit bien s'en étoit prévalu à l'occafion,
& avoit voulu faire pafïer pour un effet du zèle du Roy fon maître ,
ce qui n'étoit qu'un effet de fa Politique. La prudence confeilloit
de fe défaire de ces gens , de qui l'inconflance & l'infidélité don-
noicnt tous les jours de grandes affaires.
Ce n'eft pas que l'Efpagne eût en effet le deflcin de détruire les
Reformez en France. Il étoit necefîaire pour fcs projets qu'il y. en
eût , & qu'ils y fufîènt aflez forts pour fè faire craindre. Mais il Bn vue
étoit neceiïàire auffi qu'ils n'y fuflent pas paifi blés, afin qu'ils puf^ iJri'us
fènt faire une diverfion des forces du Roy , qui l'cmpéchât de don- for.es Ju
ner du fècours aux Proteftans étrangers -, parce que la Maifbn d'Au- ^"^ ^'"'
triche efperoit de les détruire aifément , fi elle pouvoit les priver r» àviu,
de la protection de France. Le Confeil de cette Maifon , qui ren-
fermoit alors la plus profonde & la plus raffinée Politique de l'Eu-
rope 5 Se qui avoit alors les Jefuites dans fes intérêts , avoit déjà
marché long-tems vers le même but, fans le perdre de vue: & il
fe tint encore attaché au même defîèin environ trente ans , avec
elperance même d'un prochain fuccés. Mais la divifion des Refor-
mez, le bonheur de Louïs XIIL les profperitez de Guflave, &
les intrigues du Cardinal de Richelieu renverferent tous Ces pro-
jets , & fubrogerent , pour ainfi dire , la France aux prétentions
que cette puifîànte Maifon avoit eue à la Monarchie univerfelle.
C'étoit donc le feul but du Confeil d'Efpagne que de mettre le
Roy aux mains avec les Reformez , pendant qu'on travailleroit à
mettre en Angleterre un Roy Catholique , à fubjugucr les Provin-
Ccc 2 ces
388 HISTOIRE
1602. ces Unies, & à ruiner les Proteftans d'Allemagne. On croyoit qu'il
faudroit tant de tems pour détruire les Reformez, que TEfpagne
auroit le loifir d'exécuter Tes grands projets : & elle n*auroit pas
manqué d'employer fon argent & Tes intrigues > pour empêcher que
ce party ne fût trop tôt opprimé i comme on en peut juger par ce
qu'elle fit fous le règne de Louis XIII. Du moins cette guerre ci-
vile auroit brouillé le Roy avec les Proteftans étrangers : ce qui
étoit.une des vues de TEfpagne, parce que fans leur alliance elle
croyoitque la France ne luy pourroit nuire, ni les Proteftans luy
rcfifter. C'eft pourquoy tous les autres projets ayant manqué >
& la mort de Biron ayant diflipé les plus dangereufes conlpirations,
il ne reftoit plus d'autre reflbrt à faire jouer pour troubler le Royau-
me , que de faire prendre les armes aux Reformez , s'il étoit poftî-
ble. Pour y reùffir , Taxis tâchoit d'un côté de les rendre fufpe£ts
au Roy, en les luy reprefentant comme devenus fes ennemis, de-
puis qu'ils le croyoient Catholique de bonne foy : & il avançoit auflî
hardiment que s'il eût été vray , qu'ils avoient fouvent demandé le
sem des fecours d'Elpagne pour recommencer la guerre. D'autre côté il
^&deT rcpandoit parmi les Reformez mille bruits des Ligues qui fc fai-
eraintes foient contrc eux i & il faiibit entendre toujours que le Roy en-
entre ^^-^ froit fort avant daus ces complots, afin d'aliéner les Reformez de
wez. luy par la défiance.
11 en difoittrop pour être cru. Le Roy favoit bien comment il
devo' t prendre les confèils qui venoient d'Efpagne > & les Refor-
mez iavoient bien que le véritable intérêt de leur Roy étoit de les
conferver. Perfbnne n'ignoroit que comme il avoit des vues tout
oppofées à celles de laMaifon d'Autriche, il étoit aufti neceftaire
pour luy de maintenir les Proteftans du dedans & du dehors , qu'il
étoit neceflaire pour elle de les abaifler ou de les détruire. Néan-
moins comme oneftfujet à fe tromper, quand on raifonne fur les
intérêts des Princes , qui ayant leurs paillons ou leurs foibleflîês
comme les autres hommes , ignorent ou abandonnent fouvent leurs
véritables utilitez , pour d'autres prétentions chimériques , ceux
d'entre les Reformez qui étoient en réputation d'une grande pru-
dence , étoient d'avis qu'on prit des mefures pour les accidens in-
certains. Ils croyoient qu'on pare mieux un coup , avec quelque
force qu'il foit poufte , quand on eft en garde pour le recevoir ,
que quand on ne s'y attend pas ; & que ce n'eft pas une exculè bien
reçue
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIII. 389
reçue en Politique, ni qui puiflè reparer le mal d*une trop grande
fecurité, que de dire on ne Tauroit jamais cru. C'efl: pourquoy il y 160
en eut quelques-uns qui propofercnt de le mettre fous la protedlion
de Jaques I. fuccefîeur d'Elifabeth : mais la foiblefîe de ce Prince
qui fe fit bien-tôt connoître , Tamour des Reformez pour leur Roy,
&la fermeté qu'il témoigna dans le dcflein de les conferver, diilï-
perent ces inutiles propofitions.
Il parloit fort librement de l'afFedtion qu*il avoit pour le party
Proteftant : & peut-être qu'il en parloit trop librement pour un Roy
qui avoit de grands delîeins, & qui ne devoit rien dire qui les dé-
couvrît à ceux qui avoient intérêt de s'y oppofèr. Il appelloit ceux
de cette profeffion fes amis intimes & éprouvez -, il confeflbit qu'il
n'y auroit pas de fureté pour luy à renoncer à leur alliance 3 que
cela fortifieroit trop le party de fes ennemis , en afFoibliflànt le fîeni
que luy & le party Proteftant avoient befoin mutuellement l'un de
l'autre. Il temoignoit aufîi que fbn cœur ne pouvoit (buffrir la pen-
fée de perfecuter les Reformez , quand il fe fouvenoit qu'ils Ta-
voient afTifté de toutes leurs forces, lorsqu'il étoit attaqué de tous
les cotez. Ce n'étoit pas feulement aux Reformez de la Cour qu'il
parloit ainfi : mais il en difoit même quelquefois encore plus aux
Catholiques i &une fois entre autres enprefence de pi ufieurs Sei-
gneurs, entre lefquels il n'y avoit que Roquelaure qui ne fût pas
bigot, il fit un long difcours des fervices que les Reformez luy
avoient rendus. Il témoigna qu'il les avoit toujours éprouvez con-
ftans & fidèles j qu'ils avoient fouvent hafardé leur vie pour la fien-
ne y qu'à caufe de cela il vouloit leur faire un partage égal de fon
affedion & de fes bienfaits ^ que la Rochelle , Bergerac & Montau-
ban avoient toujours été pour luy desafiles, où jamais on n'avoit
ofé l'attaquer i qu'apparemment Dieu s'étoit fervi d'elles *au tems
de la Ligue pour luy fauver la vie j qu'il les âimoit pour cette rai-
fon, ,quoy qu'elles fifîènt quelquefois quelque efcapade; & qu'il
les gratifioit de quelque chofe tous les ans , pour leurs fortifications
& pour leurs Collèges.
Quand on rapportoit ces paroles aux Reformez, on leur hiColt -,
venir les larmes aux yeux ; on donnoit une nouvelle force à la ici\- rZcê
drefîè qu'ils avoient toujours eue pour leur Prote61:eur -, & ils attcn- "^'^'j^ *'
doient de luy des effets encore plus grands , quelesexpreflions n'é- RoyrJ^
toient obligeantes. C'eft le plus grand privilège d'un Roy qui ^'^^^ <»
Ccc a tient ^'"*'
^ue
35?o HISTOIRE
i(iO 3 . tient (es fujets par le cœur , qu*il s'afîure d'eux quand il veut , & que
pour diiïiper tous les ombrages qu'ils pourroient prendre de luy , il
n'efl pas obligé à faire d'autre depenfe que de quelque parole flatteu-
fè. Jamais il ne perd le fruit des expreflions tendres qu'il y employé,
&: les cœurs prévenus d'amour pour luy en croyent encore plus qu'il
ne leur en dit. Mais comme le Roy craignoit la Trimouille , qui
outre le crédit qu'il avoit en gênerai dans tout le party, & la part
qu'il avoit dans les intrigues étrangères , comme beaufrerç du Prin-
ce d'Orange &c du Maréchal de Bouillon , étoit encore toutpuif-
(ant dans le Poitou par les Places qu'il y tenoit , par le grand nom-
bre de Noblelle qui relevoit de luy , par le voilinage de du Flçf-
iis 5 qui étoit devenu redoutable depuis qu'on l'avoit offenfé , par-
ce qu'il étoit homme de tête, & Gouverneur d'une bonne Place,
& enfin par le grand nombre de Reformez qu'il y avoit dans la
Rêni eft Provincc : le Roy pour contrepefer cette puillànce , en donna le
dTaZ. Gouvernement à Rôni, qui ayant la bourléôc l'autorité, pouvoit
veme. j rompre aifément toutes les mefures de ceux de qui la Cour n'é-
mentde toit pas contcntc. Il fit peut-être plus qu'on n'efperoitj &:laTri-
ToitoH,
mouille ne vécut pas long-tems après que ce Favori fut établi dans
la Province.
Mort de Mais ccIa n'arriva que vers la fin de l'année: & auparavant le
^i^aJ"' Roy avoit perdu fa bonne fœur Elizabeth Reine d'Angleterre > &
beth. le Prince qui luy fucceda devenant par là le plus puifiant de tous
les Proteilans , il étoit de grande confequence de le connoître ,
de le prévenir , de (avoir quel fondement on pourroit faire fur (on
alliance. Rôni fut chargé de cette commiiïion , Scpaila en Angle-
terre, pour voir ce qu'on pourroit eiperer de luy. Il trouva cette
Cour toute changée. On n'ofoit y parler d'Elizabeth , de qui les
peuples' adoroient la mémoire : &Jaques I. n'y permit pas de por-
ter le deuil de cette Princelîè. Rôni avoit charge de ne luy com-
muniquer pas les delfeins du Roy, s'il ne trouvoit pas fon efprit
di(pofë à y prendre part , ou capable des grandes chofes. Il en
rapporta (èulement un Traitté d'alliance , qui n'empêcha pas
l'Anglois d'en faire bien-tôt un autre pareil avec l'Efpagne : mais
il en revint fur tout avec une mauuaife opinion des affaires d'An-
CAraBe- g^cfcrre -, & le tems fit connoitre que ce nouveau Roy ne feroit
redej*. pas d'un grand fecours pour les autres Princes de l'Europe. Il étoit
^'^^"J- timide, irre(blu, dilTimulé, négligent & fcrupuleux. Iln'aimoit
fHccede. pas
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIII. 391
pas à parler d'affaires i 6c il fe laifîbit gouverner par deux ou trois 1602,
de fonConfeil. Sa femme étoit imperieufeôc hardie 3 & il n'avoic
pas la force de luy refifter. Il fe plailbit à la contemplation plus
qu'à Tadion > & il aimoit les dilJDures de Théologie plus que la
guerre. La chafïè écoit fa feule paillon 3 & après qu'il en avoit pris
le plaifirle matin, avec une violence qui fatiguoittoutfon monde,
il dormoit toute l'apreiclinée. On le plaignoit fort durant fa vie ,
qu'au lieu de travailler à rompre les fers que la Maifon d'Autriche
preparoit à toute l'Europe , il s'amufoit à faire le Théologien , èc
qu'il ne fe fouvenoit prefque jamais d'être Roy. Il penià perdre
les Provinces Unies par les brouilleries qu'il y excita : & quoy qu'il
eût donné par là l'occafîon d'afîembîer le Synode de Dordrecht
contre les Remontrans , il miêla tant d'intrigues politiques dans
cette affaire de dodrine , qu'on ne luy ell qu'imparfaitement obli-
gé des fages decifîons de cette Afîemblée. La chaleur des dilputes ,
& l'animofité des partis firent plus de mal , que le jugement du
Synode ne porta de fruit 3 &le fchifme efl: demeuré après la deci-
fion. Ce Prince écrivit un livre touchant le pouvoir des Rois, à
l'occafîon d'un ferment qu'il avoit exigé âeCcs fujets Catholiques:
mais cet Ouvrage ne fervit qu'à faire connoitre le peu de cas que
les Catholiques faifoient de l'Auteur. On ne le voulut pas voir en
Efpagne -, on le brûla à Florence 3 l'Inquifition le mit à Rome au
nombre des livres défendus 3 il fut mal reçu en France des Catho-
liques , & le Roy défendit de le traduire & de l'imprimer. 11 n'y
eut que Venife où la ledure n'en fut pas interdite. Ces qualitez
luy aquirent le titre de Capitaine aux Arts, & de Clerc aux armes:
&: les Efpagnols pour le dégoûter de la France^ tâchèrent de luy
perfuader que c'étoit Henri I V. qui le luy avoit donné. Charles
fon fils n'avoit pas l'inclination Elpagnole 3 mais il étoit foible &c
inconftant : au lieu que la Reine étoit Efpagnole d'affection , &c
panchoit même vers la Religion Romaine , ou peu s'en faluc qu'el-
le n'entraînât fbn mari & l'Angleterre.
Cependant l'exécution de l'Edit ne s'avançoit pas en France d*u- co»(ra.
ne manière li uniforme & f] fmcere, qu'il n'y eût fujet de faire tous '^^l""'
les jours de nouvelles plaintes. C'efl: pourquoy les Députez Géné-
raux prefenterent au Roy un Cahier, qui en contenoie quelques-
unes allez importantes. On y remarquoit une entreprife des Gou-
verneurs & des Lieutenans de Roy dans les Provinces , qui fur une *
Cmple
392 HISTOIRE
1602. fimple Requête des Catholiques , defendoient de continuer Texer-
cice de la Religion Reformée, fans prendre connoifîànce de cau-
fe. Le Comte de St. Paul l'avoit fait en quelques lieux de Picardie,
Le Maréchal de Biron, qui n'avoit point de Religion, mais qui
s*étoit mis à faire le bigot , jufqu'à defcendre de carrofl'e ou de che-
val pour fe mettre à genoux toutes les fois qu'il rencontroit une
Croix , pendant le cours de fes confpirations , avoit fait la même
chofe en Bourgogne , avant que Ces menées fufîênt découvertes : &
Matignon les avoit irritez tout fraîchement en Normandie. Les Of-
ficiers inférieurs fe donnoient à leur exemple la même licence : com-
me entre autres le Lieutenant General deMortagne, dans laPrOf
vince du Perche , qui malgré plufieurs Arrêts du Confeil , qui don-
noient le fécond lieu de ce Bailliage dans un fauxbourgde la ville,
fans avoir égard aux oppofitions des Catholiques, ne laifïbit pas
d'empêcher qu'on n'y fit tranquillement l'exercice. L'Evêque d'E-
vreux fit à peu près la même chofe à l'Aigle , qui étoit de Ion Dio-
cefe. Il obligea les Catholiques de s'oppofer à l'établifièment d'un
lieu de Bailliage dans leur ville > & quoy que la Dame du lieu eût
témoigné n'être pas éloignée d'y donner les mains , il tira d'elle un
defàveu du confentement que les Reformez pretendoient avoir eu
d'elle. On voyoit aufli dans ce Cahier , que la conteftation pour la
préfeance n'avoit point été terminée, par tous les reglemens qu'on
avoit pu prendre fur ce fujet. Le Roy leur fit fur ces articles & fur
quelques autres , des reponfes aufli favorables qu'ils les pouvoient
defirer.
nue d« Qq fut cette année que le Duc de Rohan vit jetter les fondemens
de fa fortune , & du crédit qu'il eut fous un autre règne dans le
party Reformé. Le Roy le reconnoifibit pour ion parent du côté
des femmes j & il eft certain que s'il étoit mort fans enfans , il n'au-
roit point eu déplus proche héritier que luy au Royaume de Na-
varre. C'eft pourquoy le Roy nefaifoitpas difficulté d'appeller la
tante la mère de ce Seigneur. Son mérite avoit déjà beaucoup d'é^
cîat 3 & le Roy qui vouloit s'unir étroitement avec les Proteftans ,
eiit delfein de le marier avec la fille de Charles de Sudermanie , père
du célèbre Guftave. Ce Charles étoit Protefiant déclaré , & s'em-
paroit de la Couronne de Suéde fur Sigifmond Roy de Suéde & de
Pologne fon neveu , Prince fort Catholique , & qui avoit delîein
d'éteindre la Reformation dans Ces Etats du Nord. Ce mariage
nç
DE L'EDIT DE NANTES, Liv.VIlL 393
ne reuflîc point : mais comme ce jeune Seigneur avoic dcfCcin de 1605;
s*allier d'une manière qui ne plaifoit pas au Roy , & portoit Ces vues
pour cela de divers cotez chez les étrangers , le Roy luy fie époufer
quelque année après la fille de fon Favori. Cette femme étoit auili
hardie , & aufli ardente pour la Religion , que fon pcrc étoit froid &
indiffèrent fur cette matière. Elle prit un peu d'afcendant fur refprit
de fon mari -, & comme elle étoit aidée de fa belîe-mere , qui n'étok
pas moins zélée & moins courageufe, elles n'eurent pas de peine à
porter le Duc à tout ce qu'elles voulurent > luy qui de la part avoit
le cœur grand, l'efprit éclairé , & capable des plus hautes entrepri-
fès. Le Roy donc qui le vouloit avancer , &: qui le croyoit un fii-
jet propre pour. quelque aUiance étrangère, le fit Duc & Pair cette
année , & il en prêta le ferment le 7. d'Août.
Mais ce fut aufîî environ le même tems que les Jefuïtes obtinrent R^[>^ei
enfin leur rappel en France, Le P. Magio avoit vu le Roy à Lion ^'^' 7^'
de la part du Pape , pendant la guerre de Savoye ; où il n'en avoit '
obtenu que des paroles générales , & des affûrances de bonne vo-
lonté. Mais le Roy ayant fait un voyage cette année vers Mets ,
dont il vouloit s'aflurer, lesjefuïtes du Pont à Mouflon le virent à
Verdun , & obtinrent des promeflès pofitives de leur retabliflé-
menr. Les Jefuïtes Armand & Cotton eurent ordre de fe rendre à
Paris, à quoy ils n'eurent garde de manquer: &celuy-cy par une
converfation fiatteufe, par des prédications au goiit de la Cour,
par une hy pocrifie de fcelerat , dont il favoit l'art mieux que perfon-
ne de fa robe, entra fi avant dans l'efprit du Roy, qu'on le vit bien-
tôt dans le premier degré de la faveur. Ce qu'il y a de remarqua-
ble , eil que ce Jefuïte n'étoit connu au Roy que par la recomman-
dation de Lefdiguieres ; qui n'avoit jamais rendu peut-être autant
de fer vice aux honnêtes gens de fa Religion , qu'il en rendit par ce
moyen aux Jefuïtes. Leur principal appuy à la Cour étoit la Varen-
ne , qui s'étoit avancé par fés complaiîànces pour les amourettes du
Roy , & qui avoit plus de part aux affaires que beaucoup d'honnê-
tes gens. La cabale Efpagnole ne s'y épargnoit pas de fon côté :
mais tous les bons François avoient tant de répugnance à ce retablif-
fèment, que le Roy y trouva de grandes difficultez. L'affaire traî-
na jufques au mois de Septembre, que les Jefuïtes obtinrent un Edit:
mais quand il fut queffion de l'enregitrer à Paris, les difficultez le
rcnouvellerenti & le Parlement eut beaucoup de peine à confentir
Tome L Ddd au
394. HISTOIRE
T 60'' . a^i recour d'une Société qu'il a\^oit chafiee pour de fl bonnes railons.
Le Roy avoit pris l'occafion d'un voyage à Rouen , pour faire paflèr
cet Edit au Parlement de Normandie -, & il y trouva peu de refif^
tance. Mais celuy de Paris ne profita pas de l'exemple. De forte
que le reftc de l'année ie pafTa devant que l'Edit fût vérifié. On
voulut même faire croire que ce qui écoit arrivé à Gap , où les Re-
formez tenoient un Synode, avoit avancé l'affaire, qui fans cela
auroit pu traîner encore plus long-tems: mais que l'outrage qu'on
V fit au Pape , en faifant palier en article de foy qu'il étoit l'Ante-
chrift, avoit mis le Roy dans la necelîité de forcer tous les obfta-
cles qu'on mettoit au retabliflement desjefuïtes , afin de donner en
cela au Pontife une efpecede réparation de l'injure qu'on luy avoit
faite. Voicy comme la chofefepaiîa.
Synode a Les Rcformcz avoient obtenu permillion d'afîembler au mois
^■*^ d'Octobre un Synode National à Gap , ville du Dauphiné. Ce fut
un des plus célèbres qu'ils aycnt tenu, &ilsy traitterent de gran-
des affaires. Mais la plus importante de toutes fut la queftion de
l'Antechriff, qu'on y examina. Les Reformez enfeig^oient com-
munément que ce titre convenoit au Pape > dedans leurs Sermons
. ôcdans leurs écrits ils luy appliquoient tous les cara«5teres, par lef^
quels le St. Efprit fait la defcriprion de celuy qui le doit porter.
L'injure qu'on avoit faite à du Plellis , & qui tenoit au cœur de
tous les gens de bien 5 échaufFoit plus que jamais les efprits fur cet-
te matière , parce qu'on avoit pris pour prétexte , qu'il avoit don-
ne le nom d'Antechrift au Pape. De forte qu'on fe mit à parler
plus que jamais de ce fujet, & à prédire plus que jamais la chute
prochaine de Babvîone , & la à^ïziiç: de l'homme de péché par la
lumière de Tapparition dejESUs-CnaiST. Les Chaires ne reten-
tiflbient que de ce nom d'Antechriftj &il y eut même quelques
Eglifes que les Juges inquiétèrent , parce qu'on y avoit prêché cette
doclrine. Mais rien ne fit plus d'éclat que la hardieffe de Ferrier,
^^llrll Miniftre & Profcfïèyr en Théologie au Collège Royal de Nimes.
çettr a lî afficha des Thefes qu'il défendit publiquement , & où cette pro-
■Kwii:. pofition, quele^apeeftï'Antechrifi^ étoit foutenuë. Il n'épargna
pas même Clément VIII. dont le nom y étoit couché tout du long.
Le Parlement de Thouloufe luy fit un procès fur cette entreprife , Se
le mit en ajournement perfonnel : mais Ferrier qui ne vouloit pas
s'expofer au jugement de cette cruelle Cour , fe pourvut à la Cham-
bre de Cadres. . . s . Cela
Tnilei Je
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIII. 59^
Cela pouvoit arrêter les procédures du Parlement, mais pour j^o"*.
avoir une protection encore plus forte , Ferrier voulut faire voir
par quelque preuve (blennelle que fà doftrine étoit ceile de tout le
party : & comme il y avoit peu de Miniftres qui ne crufîent, ne
prêchafîènt, n'écrivifîènt la même cholè > & qu'on voy oit d'au-
tres Eglifes que celle de Nîmes à qui cette dodrine avoit attiré
des affaires , il n'eut de peine à obtenir ni que l'affaire fût miie
en délibération au Synode, ni que (a Théologie y fût approuvée-
Le génie de Ferrier étoit compofé de bonnes & de mauvaifes quali-
tez i mais les mauvaises étoient les dominantes : c'eil pourquoy
.elles l'entraînèrent dans le précipices & jamais la fin d'un honmic
n'a été fi différente de (es commencemens. Il fe laifla corrompre
par les cageoleries de la Cour: & les Jefuïtes fe vantent que dès
Tan i6oo.leurP. Cotton étant à Nîmes, où il eut une conférence
avec Chamier, dontilsluy attribuent tout l'avantage, il lia quel-
que commerce avec Ferrier, à qui il infpira dès ce tems-là dcsdil-
pofitions à trahir iès frères. Quoy qu'il en foit, il brouilla tout dans
les Afïèmblées Politiques oiï il fe trouva -, ce qui luy fit défendre
par les Synodes de s'en mêler plus. Il fe fit des affaires dans foa
Eglife & dans (à Province qui l'en firent chaflèr > & s'ennuyant d'ê-
tre Miniflre , il fe fit donner une Charge de Confeiller au Prefidial
de Nîmes , quoy qu'il eût promis à Paris de continuer en quelque
autre lieu l'exercice duMiniftere. En fuite on le depofa comme de-
fèrteur : enfin il fe révolta -, & mourut peu d'années après auffi haï
du peuple , qu'il en avoit été aimé dans le commencement de fa
vie. Il étoit intereffé , fourbe , ambitieux , inconftant, brouillon, ^^w m-
fàns jugement , & peu capable des intrigues où il eut l'impruden- ''^'^^'■««
ce de s'embarrafîcr. Mais il avoit aflèz de courage, l'efprit vif,
l'imagination enflammée , une grande facilité à parler , un ton de
voix impérieux , une véhémence dans l'adlion & dans le difcou;"S
qui entraînoit (es auditeurs , & qui ne leur laiflbit prcfque pas la
liberté de luy contredire. C'eft pourquoy la multitude qui fe laifîe
aifément éblouir par ces qualitez , étoit toujours dans fbn party : &
il l'emportoit fouvent, même dans les Synodes , fur Chauve fon con-
current. Ce Chauve avoit beaucoup plus de droiture & de jugement, & «^«y
& fur tout une gravité charmante, qui le rendoit fort confiderable ^^
dans les Afi[èmblées. Mais le feu de l'un l'emportoit fur le phlegme
de l'autrej & la vivacité de Ferrier obfcurcillbit la folidité de Chauve.
.^i; Ddd 2 Dwins
3p6 HISTOIRE
i(;o5. Da"s le Synode donc où Charnier prcfida , Ferrier tint la fécon-
de place, & fut Adjoint au Modérateur. De forte qu'il ne fut pas
mal-aifé, que ce qu'il y avoit de perfonnel dansfon affaire fût jugé
favorablement. Le Synode chargea les Députez Généraux de fup-
plier le Roy , de ne permettre pas qu'on fit des affaires aux Eglifes
ou aux particuliers fur cette matière, ni qu'on leur ôtât la liberté
de confelîèr j & d'enfeigner ce qu'ils tenoient pour une vérité. Il
écrivit aux Chambres Miparties , qu'elles prificnt en leur protedlion
ceux qui feroient inquiétez fur ce fujet. Mais il fit encore davan-
tage : & afin qu'on ne pût douter que ce ne fût la dodrine de tous
]gs Reformez , il ordonna qu'elle feroit cowchée entre les articles de
Foy 3 & qu'on en feroit un article qui feroit mis immédiatement
après le XXX. où il étoit parlé de l'égalité de tous les Parteurs^Ôc de
toutes les Eglifes en puifîance Se en autorité. Cet article, qui dc-
voit à l'avenir être le XXXI. dans laConfeiîion de Foy, dcvoic
contenir ces termes: ♦
udrticie 5, Et puis que TEvêque de Rome s'étant dreffé une Monarchie en
"^"'^^ . „ la Chrétienté, s'attribue une domination fur toutes les Eg-lifès &
ioferé „Paileurs, &s'eft élevé jufqucs à fe nommer Dieu, à vouloir être
'^'*"' ^^ ,> adoré y & s'attribuer toute puiflance au Ciel & en la terre , difpo-
^deToyT iy^Q"^ à fon plaifir de toutes chofes Ecclefiaftiques , définir des arti-
qui porte ^clcs dc Foy , autotifct & interpréter à fon plaifir les Ecritures,
p^J/fi? î, faire trafic des ames& du falut d'icelles , & difpenler des vœux
l'Ante. ^y^ fermens , ordonner nouveau fervice de Dieu , & pour le regard
'^'''^' „ de la Police , fouler aux pieds l'autorité des Magiftrats , ôtant 8c
3, donnant & changeant les Royaumes , nous croyons & mainte-
55 nons qu'il eft proprement TAntechrift , & le Fils de perdition pre-
35 dit en la parole de Dieu , la Paillarde vêtue d'écarlate, afîîfe fur
35 les fept montagnes , & la grande Ciré , qui avoit fon règne fur les
53 Rois de la terre , & attendons que le Seigneur , comme il a pro-
33 mis & commencé , le deconfifant par l'efprit de fa bouche , fina*
ijlementle dctruifepar la clarté de fon avènement.
Le Roy qui avoit des efpions dans l' Afièmblée 3 fut averti de bon-
ne heure qu'on meditoit ce décret : mais il n'y eut pas moyen de l'em-
pêcher, & l'article fut reçu avec une approbation prcfquc gênera-
is, ^cy le. Les Catholiques en parurent offcnfez au dernier point. Le
s-en of- Nonce en fit des plaintes amercs. Le Pape en fut outré, quand
■^'"■^'' il en apprit la nouvelle. Le Roy même en témoigna un grand
refTen-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIII. ^^j
renèntiment : & après que les Députez Généraux, qui avoient 1602.
aflîdé au Synode , eurent renciu compte en Cour de ce qui s'y étoit
pafle, ils eurent ordre d'écrire dans les Provinces combien le Roy
étoit irrité de cet outrage. Il fe plaignoit que les Reformez ,
qu'il avoit mis en état de fe maintenir, fe fufîènt avifezfous Ion
règne d'une chofe à quoy perfonne n'avoit penfé , depuis que
la Confeflion de Foy avoit été dreflec \ qu'on avoit laifle paÏÏcr ,
fans former ce décret , des temsoù la Couronne avoit fujet d'être
mécontente des Papes i qu'on s'étoitavifé de le faire, lors que le
Roy & le Pape étoient dans une étroite intelligence -, qu'on s'en
prenoit au Pape le plus modéré dans les affaires de Religion, qui
eût régné depuis la prédication de Luther. Il joignoit à cela des £/w#»*-
menacesdene fouffrir ni l'impreflion de cet article, ni le débit des "'
Livres où on l'auroit inféré > &de punir ceux qui entreprenoient
de troubler l'Etat, par des propofitions fi choquantes & fi hors
de faifon. Les Catholiques enflammoient fon efprit , en luy re-
montrant que c'étoit fur luy-même que l'injure retomboit, &
qu'on luy reprochoit d'une manière odieule parce moyen, qu'en
rentrant dans l'Eglife Romaine , il étoit devenu fauteur & di(<:i-
ple de l'Antechrill : d'où ils tiroient de terribles confcquences
contre l'afFedlion & la fidélité ^cs fujets , qui avoient des telles pen-
fées touchant la Religion de leur Souverain.
Les auteurs de cet article fe defendoient, par la necefîîté de di- ^^'Z"»*
re hautement une chofe dont ils étoient perfuadez en confcience. ./"/'^'"^
Ils pretendoient que cet article ne pouvoit pafler pour nouveau ,
parce qu'il étoit prefuppofé par toute leur dodrine touchant l'E-
glife-, qu'on le deduifoit ncceiîairement de ce qu'ils croy oient tou-
chant fa corruption , fa defolation & fa ruine j que c'étoit larai-
fon qui mettoit dans le plus beau jour la neceilité de leur feparation
d'avec l'Eghfe Romaine ^ que toutes les autres , qui faifoient voir
qu'on avoit dû indifpcnfablemcnt rompre avec elle, & qui fe ti-
roient des dépravations de fa doi^rrine , de fon culte , de (on gou-
vernement & de ia Morale : n'étoient au fond qu'une deduélicn
& un developement de celle-cy, qui les comprenoit toutes j qu'en
difantque le "Tape ejl l'Anîechrïfi on difoit toutj que puisqu'on
leur accordoit une pleine liberté de conicience, on ne pouvoit leur
ôrer le droit de joindre aux autres articles de leur Foy un décret , qui
naturellement y étoir compris 5 dont la matière fè tro-uVfc:)ir dans les
Ddd 3 terw
398 HISTOIRE
i(>02. termes des autres articles, dans tous les écrits de leurs Docteurs»
dans tous les Prêches de leurs Miniftres , dans toutes les plaintes
qu*on avoit faites contre les Papes , même plufieursfiecles avant
la Reformation -, que le même nom avoit été donné plufieurs fois
au Siège Romain , par des gens même qu'on n'avoir pas foupçonnez
d'être mauvais Catholiques -, qu'on devoit donc moins s'étonner
de voir cette vérité crue & confefîee par les Reformez , qui voyoient
plus clair dans la chofc , qui l'avoient mieux étudiée , & qui en
étoient convaincus par d'invincibles raifons.
-EdUiom L'article donc pafla malgré les obflaclcs , & les menaces du
nouvelles j^Qy n'empêchcrcnt pas qu'il n'y eût bien-tôt de nouvelles éditions
fefion dt delà ConfefllondeFoy, où il fut couché. Le peuple fe pourvut
■Eoy, ok de ces éditions nouvelles, fort content de voir fon averfion pour
*/? ^mfJé. ^^ Siège Romain autorifée par une decifion fi authentique : & pref-
que perfuadé que c'étoit aflez que le Pape fût appelle publique-
ment r Antechrift , pour donner lieu d'en efpercr la chute pro^
chaine. Mais la Cour n'ayant pu empêcher les chofes d'en venir
là, voulut éluder la decifion par quelques artifices: & pour con^-
tenter le Pape, on luy fit croire qu'elle y avoit reûlîi , & qu'elle
Artifices avoit rcndu ce fâcheux décret inutile. Elle tâcha donc de le faire
de u defavouër par quelques perfonnes confiderables dans le party ,
^our élu- ^oit dedans , foit dehors le Royaume -, afin que ce deiaveule fit
(1er ce de- paflcr pour unc doctrine particulière. Une fut pas malaifé d'avoir
Icdefaveu deRôni& defes femblablcs, qui traittoicnt le Pape de
Sa Sainteté. Mais on luy avoit déjà reproché tant de fois fa froi-
deur pour la Religion , & le peu de ibin qu'il avoit d'avancer les
affaires defes frères, que fon nom n'étoit pas de grande confidera-
tion dans cette rencontre. On en trouva un bon nombre , qui
fans defavouër la doftrine , jugeoient feulement que la decifion
étoit un peu hors de faifon , & que dans les commencemens d'une
paix qu'on avoit tant defirée , il auroit mieux valu laifîér les arti-
cles de la Confefiion de Foy tels qu'ils avoient été jufques-là , que
d'y en ajouter un qui pouvoir rallumer les haines mal éteintes des
Catholiques. Quelques-uns par crainte , quelques autres par com-
plaifànce favoriferent les deflems de la Cour, quoy qu'ils n'cuf-
fentpas de répugnance pour la ehofe décidée. On s'appuyoit fur
tout fiar le témoignage de Scaliger, qui avoit condamné l'article :
mais les Reformez luy deferoient aufîî peu , quand il s'agifix)it de
Théo-
<ret
,D,E L*EDIT DE NANTES, Liv. VIII, 395)
Théologie, qu'ils avoient de vénération pour fbnfîivoir dans les 160%
autres chofes. Cependant on étourdiffoit par ces defaveux ceux
qui vouloiçnt foutenirla doctrine de rAHemblée.
Mais parce qu'on rcgardoit Ferrier comme promoteur de cet-
te affaire, à caufe de ce qu'il s'éroit piqué d'avoir été mis en juftice
pour les Thefes qu'il avoit publiées , on crut que tout ferokaflbu-
pi, fi, on le pouvoit appaifer. On y travailla fi heureufement ,
qu'on obtint plus qu'on n'avoit efpcré. On luy gdta l'efprit &
le cœur. On l'attacha par des penfions Se des efperances aux in-
térêts de la Cour. Il ne fe fervit plus de fa véhémence & de Ton
feu que pour troubler fes fi"eres. Et enfin il fe précipita, comme
je l'ay dit, dans la defertionôc dans la révolte. Onfaitbit valoir Faufe
extrêmement , pour avoir lieu de décrier le Synode , la modéra- "'"''f'-^-
tionde Clément VI IL de qui on ne manquoit pas alors dédire, cw;;?
qu'il n'avoit fait du bruit des Edits accordez aux Reformez que ^-f^^-
par une formalité de bienfeance: comme en effet il avoit donné
à ces Edits un confentement aufli formel, qu'on le pouvoit atten-
dre d'un Pape. Il eft vray m.ême qu'il ne paroiflbit pas confeil-
1er, comme fes predecelîèurs , les maflacres & les fiipplices.
L'expérience luy avoit appris que la Reformation s'avançoit par-
mi les oppofitions , & que par tout où on avoit voulu la détruire
par la guerre, elle avoit pris des accroiflemens dommageables à la
Religion Catholique: qu'en Allemagne la guerre avoit fait les af-
faires des Protcfi:ans > qu'elle les aftermifibit dans les Provinces
Unies : qu'elle leur étoit favorable en bien d'autres lieux ; & qu'en
France elle auroit pu faire encore le même effet. D'ailleurs il
craignoit que la guerre ne réunit les Protefians , qui quand ils
vouloient s'entraidcr avoient des forces très-redourablcs. Mais
àw fond il étoit Pape, plein du defir de rétablir fon autorité par
"toutoii les peuples en avoient fecoué le joug : &:ce fut fous ion
Pontificat qu'on forma les premiers nœuds de ces pernicieufes in-
trigues, qui coûtèrent la vie à Henri IV. & qui pcnferent perdre
toute l'Europe. Il vouloit jouer à coup fur-, & procurer en-
tre tous les Princes de fa Communion une Lieue fi fecrette & Ci
forte, qu'elle pût accabler tout d'un coup les Protefi:ans, qui
n'auroient pas prevû cet orage.
Le même Synode avoit fait aufii quelques autres chofès qui A^tns
avoient chagriné le Roy. On y avoit adm.is des Mimftres étrangers, ''f'"'''
On j,.
400 HISTOIRE
î 60 2 . C)n y avoit reçu des lettres du Palatin, & on y avoit fait reponfe. On
y écrivit même au Duc de Savoy e, furie fujct des Reformez de Sa-
luces qu'il perfecutoit. On y reçut les lettres du Duc de Bouil-
lon, à qui on repondit fans hefitcri Se le Synode même fe char-
gea de follicirer pour luy. Cela ne plut pas au Roy, qui en té-
moigna quelque relTentiment: mais il ne s'en plaignit qu'en le par-
donnant, parce qu'il croyoit, difoit-il, qu'on l'a voit fait plutôt
par imprudence que par malice. Il ajouta néanmoins que Ci les
Aiîemblées Ecclefiafliques n'en ufoient avec plus de retenue, il
leur ôteroit toute liberté: ce qui n'empêcha pas qu'elles n'en ufâf-
fent comme auparavant , jufques bien avant fous le règne de
Louis XIII. On chargea les Députez Généraux de reprefenter au
Rov plufieurs choies , dont ils dreiîerent des Cahiers, L'article le
plus remarquable fut celuy où les Reformez demandoient , qu'on
ne les obligeât pas à le donner eux-mêmes le nom de T retendus
i^^r/^-z^-c; dans les A6tes publics, ou dans les plaidoyers de leurs
Avocats: & le Synode exhortoit à s*ab{lenir de ces termes. On
trouva un expédient pour les contenter, qui changeoit les mots
en laifTant la chofe: & on leur permit de nommer leur Religion
Reformée aux termes de 'Œdk. Mais les Juges , les Avocats^
les Notaires confcrverent encore long-rems la coutume de s'abfle-
nir & de cette nouvelle exprellion , & du mot diO. prétendue : &
continuèrent de donner limplemcrità leur Religion le nom de i^^-
//gio?i Reformée.
conJi' Cependant les Jediïtes travailloicnt à leurs affaires, & fbllici-
iionsJu toient au Parlement la veniication de l'Editqui les rappelloit. Il
7eTje. avoit été drefle fur des conditions que le Roy avoit propofées il y
/uitfi. avoit déjà long-tems, &dont on avoit fait la difcuilion à Rome.
Il v en avoit cinq ou fix que les Jefuïtes trouvoient trop dures :
non pas parce qu'elles étoient en elles-mêmes injufles ou inhumai-
nes > mais parce qu'elles donnoient de trop étroites bornes aux de-
firs de cette Société avare & ambitieufe. La première qui les fâ-
choit, étoit qu'on vouloit qu'ils ne reçuflent dans leur Ordre en
France que des François naturels. Cela étoit fort oppofé à leur
Politique de ce tems-là , dont toutes les vues tendoient à abaiflèr la
France fous une puiflànce étrangère. La féconde étoit qu'on leur
vouloit faire prêter le ferment de fidélité: ce qui étoit fort contrai-
re aux intentions d'une Société naturellement infidèle. Mais ce n'é-
toir
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIII. 401
toit pas le refped du ferment qui les retenoit: c*étoit qu'on les no- j^^,
toit d'infamie , en prenant avec eux une fureté qu'on ne prenoic pas ^'
avec les autres. La troifiéme étoit , qu'on leur defendoit d'aquerir
des biens , fans la permiffion du Roy. Ils étoient bien revenus
de l'erreur où Lainez leur General étoit tombé, pendant le Con-
cile de Trente , quand il voulut faire excepter fa Société de la pcr-
miiîion de poflèderdes biens, que le Concile accordoit aux Men-
dians: Scilsavoient 11 bien profité de l'avis que le Jacobin laTor-
re donna à ce General, pour le faire dcfifter de fa modcftc de-
mande, qu'ils ne pouvoiçnt plus même fouffrir qu'on leur ôrâtla
liberté de s'enrichir à toutes mains. La quatrième étoit , qu'on ne
vouloit pas permettre que ceux qui auroient pris une fois l'habit
retournaflènt en poflerfïon de leurs biens, quand il plairoit à leurs
Supérieurs de les chaflèr de leur Ordre -, ce qu'ils ont retenu
le pouvoir de faire, avant qu'on ait fait le quatrième vœu, quand
ils ne s'accommodent pas du génie de ceux qui fe font rangez à leur
Pifcipline. Cet article leur faifoit beaucoup de peine, parce
qu'ils tirent mille utilitez de ce pouvoir, de renvoyer dans la vicle-
çulierc ceux qu'ils ont imbus une fois des maximes de leur Ordre,
Mais il y avoit de fi bonne railbns , de ne leurlaifier pas ce moyen
de troubler le repos des familles , qu'on n'avoit pu s'empêcher de
leur impofer cette fâcheulè condition. La cinquième & la fixiç-
me \qs fbumettoient entièrement à la Jurifdi6lion & à la correc-
tion des Evêques ; & même à prendre d'eux la permiffion de con-
fefîèr ceux de leur Ordre. Cela étoit rude , qu'une Société qui vou-
loit fouler aux pieds tout ce qu'il reftoit de dignité aux Evêques ,
fiit réduite à dépendre de leur bon-plaifir.
Mais le crédit du P. Cotton fit modérer quelque chofe de ces ar-
ticles i & quand ils ont été une fois en poflèfîion , ils ont bien fçu
s'affranchir du refl:e. Néanmoins le Parlement s'oppofa tant qu'il
put à leur retour. Il fit des remontrances réitérées j il voulut mo^
difier l'Edit qu'ils avoient obtenu : mais il falut obéir, & vérifier
l'Edit tel qu'il étoit. A la vérité cela n'arriva pas fans qu'ils euf saùrt:
fent à effuyer mille fatires , mille pafquinades , mille fanglantes ""'''«
railleries. Tout fè déchaîna contre eux j & on convertit même la '**'
négociation de leur retour en une efpece de Farce, où ils étoient
traittez d'une manière fort comique. Mais ils ie confolcrent de
tout cclaparleplaifir du fuccés: &ce qui étonna tout le monde >
fut que, pour ainfi dire, dès le lendemain de leur retablifiement.
Tome I, Eee le
402 HISTOIRE
1 6o3 ^e crédit qu'ils avoient en France parut fi grand , qu*il n*y avoit per^
fonne qui en eût autant. Leurs joyes néanmoins furent troublées par
un'accidenr qui penfa les mettre à recommencer. Le Jefuïte Coton ,
7f>i>e qui fembloit avoir enchanté le Roy , qu'il menageoit comme il
S'r'. vouîoit 5 pen(a un foir erre tué dans un carrofle: mais la bleffure
'^ ' . qu*il reçut ne fut p:is mortelle. On voulut charger les Reformez
de cet allairinat , quoy qu'il y eût bien des Catholiques à qui le crédit
decet homme, qui en abufoitinrolemmcnt, faifoitplus d'horreur
qu'à eux. Il fut un de ceux qui fuivant les conditions de leur retout
dévoient demeurer à la Cour, comme pour fervir d'ùtagedelafi-
T^it délité des autres. Le Roy lefitfonConfefTeur, & depuis cela on
SX ^^*'^ point vu aux Rois d'autres Confefleurs que des Jeluïtes.
'Roy. On ne fauroic dire quelle raifon mit cet homme fi avant dan»
les bonnes grâces du Roy. Jamais homme n'a eu fi parfaitement
^r^l' ^'^^P^^^ Jefuïte. La fourbe luy étoit il naturelle & fi familière ,
jifuïte, qu'il en avoit toujours quelqu'une en oeuvre v & que quand elle luy
avoit malreùiîi, il en avoir une autre toute prête. Quoy qu'il fût
favorifé de Rôni , il ne laifia pas de luy jouer mille mechans tourS:
& après avoir reçu plus d'une fois un démenti folenneldcce qu'il
avançoit contre luy , ôc contre bien d'autres , il ne laiflbit pas de
marcher la tête levée , parce qu'il ne luy relloit pas aflez de pu-
deur pour en rougir. Néanmoins le Roy ou le craignoit, ou
Taimoit tant, que jamais ces accidens ne luy firent perdre rien de
Ik faveur. Ce qui luy arriva fur le fujet d'une prétendue Pofie-
dée, qu'il avoit charge d'cxorcifer, devoir le ruiner abfoîument:
mais le Rovle dilTimula-, Scû n'en arriva point d'autre mal au Je-
^'f- fiii'te , que d'elTuver fur cela de cruelles railleries. 11 avoit prepa-
rav/^ê- ré foixante & onze quellionS) (ur quoy il devoir faire repondre
4ff;f .fr.-. l'Efprit qui s'éioit , difoit-on , emparé de cette malheureufe. Il y
^Hne?cr ^ avoir plufieurs qui en bonne Politique le rendoieftc criminel
fedée. ' d'Etat : puis qu'elles regardoient la vie du Roy , 6c la fuccelTion de
{çs enfans: & comme il eft aifé de faire jouer aux prétendus Dé-
mons, qui fe mêlent de ces comédies , le perfonnage qu'on veut , on
pouvoir craindre que toutes ces queftions rie tuilènt préparées ,
pour obtenir des reponfes feditieuies. Il yen avoit feizeoudix-
iept qui regardoient les Reformez ou leurs affaires. L'une parioit
du Comte de Laval , petit fils de d'Andclot > qui changea de
Religion peu après, & qui mourut l'année fiiivante en Hongrie.
\JnQ- autre parlait de la guerre j & s'informoit fi le Rov la feroit aux
Ef-
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. VIII. 403
Efpagnols ou aux Hérétiques. Une autre parloit de Charnier & 160^,
de Ferrier, gens que les Jefuïtes avoient en vue, àcaufede leur
crédit chez les Reformez : & vraifemblablement ce Jcfuice auroit
voulu favoir le moyen de les détruire ou de les gagner. Une autre
touchoitle Roy & Rôni: & apparemment elle devoit s'informer
des moyens de perdre Tun dans l'efprit de l'autre. Une quilafui-
voit, demandoit, comme fubfidiairement , ce qui arriveroit tou-
chant la converJtondG ce Favori. Immédiatement après ils'infor-
moit, qui étoient les Hérétiques de la Cour les plus faciles à réduire
à la foy Romaine. En fuite il vouloir lavoir ce qui étoitle plus
utile pour la converjion des Hérétiques : c'cft-à-dire , s'il étoit plus
à-propos d'en venir avec eux à la force ouverte, ou de s'en tenir à
une tolérance frauduleufe. Il vouloit prendre aulFi du Dcmon
des leçons de Théologie , & le forcer à luy dire quel paflage de l'E-
criture étoit le plus clair pour prouver le Purgatoire , & pour
montrer l'égalité de la puiffence du Pape à celle de Saint Pierre. 11
luydemandoit aullien quel tems /'//.pr£//> de Calvin feroit éteinte.
Il l'interrogeoit fur la dépravation des pafTages de l'Ecriture par les
Hérétiques : & il avoir raifon de demander fur cela les lumières du
Prince des ténèbres , parce qu'il preparoit un Ouvrage où il accufoit
la Verfion de Genève d'un grand nombre de falfifications. Il paf^
foit aux affaires étrangères \ pour favoir comment on pourroit (è
prendre à convertir le Roy & la Reine d'Angleterre, & tout le
Royaume , & pour y reùfîir avec plus de facilité : comment on pour-
roit défaire le Turc , & convertir les Infidèles : d'où venoit que Ge-
nève avoit étéfi fouvent confervée ^ Puis revenant aux affaires du
Royaume, il demandoit quelque chofè touchant les Places de fu-
reté j touchant Lefdiguieres & Ï-Si converjion : Se touchant la durée
de l'Here/ie.
Laqueftion qui regardoit la confèrvation de Genève, étoit fans ccn/er^
doute fort curieufe. Le Duc de Savoye faifoit de continuelles entre- '^'''^""' "^^
prifes fur cette ville , & vers la fin de l'année précédente , il s'en étoit ccm7a
peu falu qu'il ne s'en fût rendu le maître. Il avoit intelligence avec ^^' *«^''''
Blondel, un des Syndics de la ville, de qui la trahiion ne fut de- nuc'je'*
couverte ni punie que plufieurs années après. Mais fes gens déjà s^roje.
maîtres de la muraille , déjà entrez dans la ville , &c en état de forcer
les Corps de garde qui gardoient les Portes, ne laifîerent pas d'ê-
tre défaits. Ceux qui ne furent pas tuez demeurèrent prifonnicrs ,
& furent en fuite exécutez corrfme des voleurs. Le Duc voulant
Eee 2 avoir
404 HISTOIRE
j6oà,. avoir par force , ce qu'il avoit été fi près d'emporter par furprife^
le Roy intervint, & déclara au Duc qu'il auroit affaire à luy s'il pouf-
foie TafFaire plus loin : de forte qu'il falut que ce Prince remit fes
defîeins à une autre foi^. Genève avoit imploré dans ce befoin le
fecours des Eglifes de France , & avoit écrit à leurs Députez Géné-
raux 5 pour les prier de faire faire une bonne coUecle , pour l'affif-
ter dans la guerre qu'elle croyoit avoir contre ce redoutable»voifin -,
& St. Germain n'avoit pas manqué d'en écrire par tout le Royau-
me. Mais l'entremiie du Roy délivra Genève de cette terreur, &
les Reformez de cette depenfe. Le Jefuïte Cotton ne pouvant com-
prendre , comment la Providence favorifoit fi ouvertement cette vil-
le Herei/que , contre les prétentions d'un Prince il Catholique,
vouloit que le Deraon luy developât ces mylteres du Confeil de
Dieu : & luy dit d'où venoit que cette ville ne fuccomboit jamais
aux cntreprifes d'un voifm bien plus puifîant qu'elle.
Toutes ces queliions ou la plupart étoient couchées à demi mot:
mais il n'efl: pas mal-aifé d'entendre le but de chacune d'elles, fi on
fait tant foit peu quel étoit l'état de la Cour & de la Religion en es
tems-là > & quelles étoient les vues & les intrigues des Jefuïtes. Le
Jefuïte eut l'imprudence d'écrire toutes ces queftions de ià main fur
une fueille volante, & de la mettre dans un livre que GillotCon-
ièillcr au Parlement de Paris luy avoit prêté en 1 60 3 . Quelque an-
née après , en rendant le livre il y oublia la fueille , que le Prefl-
dent de Thou y trouva en le lifant. La chofe parut trop extraor-
dinaire à ce fage Magiftrat, pour ne tâcher pas de découvrir qui
étoit l'auteur de ce curieux Interrogatoire. On voyoitbien que le
Jefuïte y avoit part , puis que cet écrit k trouvoit dans un livre qui
fortoit de fon cabinet. Mais le foupçon paffa en certitude , quand
on eut confronté ce papier avec fon écriture, qu'il n'étoit pas diffi-
cile de trouver. Le Roy ne trouva pas cette curiofité de (on goûti
mais le Jefuïte regnoitj. il ne faloit pas en faire de bruit > & le Roy
fe fit donner le mémoire qu'il fupprima. On ne laiffa pas de s'en
étonner, d'en murmurer, d'en frémir: pi ufieurs s'en divertirent,
& trouvoient quelque chofe de fort comique dans le deffein de quef-
tionner le Démon, non feulement fur les affaires d'Etat , mais fur
la Religion , fur l'état & la converfion des cœurs , & de prendre les
lumières de ce Doéleur pour guides dans l'intelligence de l'Ecriture.
L"n autre que ce Jefuïte auroit été au moins mortifie par cette avan-
ture: mais il ne s'en mit pas fort en peine, parce qu'il n'ea fut pas
plus
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. VIII. 405
plus mal à la Cour. La fouplefîè de fon efprit, fa complaifance , i<>04,
îès manières flatteufes & infinuantes le maintinrent dansundeoré
de faveur, dont Ces fourberies & fa témérité auroient dû le faire
tomber, fi la bienveillance des Rois étoit toujours donnée au mérite.
Au refte ceux qui ont écrit la vie du Jefuïte Cotton , ne fâchant Deguife.
comment accorder cette avantureavec toutes les faufletez qu'ils de- "'""^ '^^
bitent à l'honneur de cefceîerat, fefont avifez d'en altérer le rcckavZturt
par toute forte de deguifemens. Principalement le dernier de ces 'f''"' ^"
Auteurs a enchéri fur l'impudence de l'autre : & comme il a bien jlfJtfe"
jugé que ceux qui compareroient la manière dont il en fait l'hiftoirc,
à celle dont le Prefident de Thou la rapporte, s'étonneroient de
cette différence , & ne feroicnt pas difficulté de croire ce vénérable
Magiftrat preferablement au Jefuïte , il a voulu le rendre fufped de
palîîon Se d'infidélité dans cette rencontre. Mais la bonne foy &
Texadlitude de ce fage Hiilorien eft fi bien établie, que fon témoi-
gnage , dans les chofes qui ont pafTé fous Ces yeux & par ks mains ,
l'emportera toujours devant les honnêtes gens fur celuy de tout
rOrdre des Jefuïtes. Ce que ces Auteurs difent donc , que lejefuïte
n'avoit couché furcet écrit que ce qu'il luy étoit permis par les Ca-
nons de demander au Démon , eft une invention toute pure pour
deguifer la vérité. Il en eft de même de la diverfité des copies qui
en parurent en public. Il eft vray quelesjefiiïtes purent bien iç-
mer eux-mêmes parmi le peuple des mémoires faits à plaifir , pour
pcrfuader à ceux qui ne remonteroient pas jufques à la fource , que
c*étoit une malice qu'on vouloit faire à leur Société 5 & que chacun
y mêlant ce qui luy venoit dans i'efprit, il en nailîbit cette foule
d'écrits differensles uns des autres. Mais il étoit impoflible que le
Prefident de Thou, & le Confeiller Gillot, & Rôni, & le Roy
même , qui avoient vu la pièce originale , avant que la chofe devint
publique , fe laifiaflent duper par cet artifice. La vérification (Té-
criture que lejefuïte fit faire par des experts à fa dévotion, fans
formede Jufiice, fans avoir de partie qui y prit garde, & fur tel
écrit qu'il luy plut de leur produire , puis que l'original ne put être
trouvé, à ce que dit fon Hiftorien , n'eft pas une pièce qui doive
prévaloir contre le témoignage de ces Magiftrats , qui avoient eu
l'original entre les mains , & qui avant que d'en parler s'étoient af-
fùrez par leurs yeux que l'écriture étoit celle du Jefuïte. Il eft re-
marquable que le dernier Auteur de fa vie , oubliant l'apologie qu'il
avoic faite de ia conduite de fon Héros fur ce fujec , rapporte dan^
pee 3 la
4o6 HISTOIRE O
i()04. la fuite de fon Hiftoire les reponfes que la Pofledee luy avoit faites ,
fur quelques-unes des queftions qui étoient contenues dans ce mé-
moire. Cet événement appartient à l'année 1605. "^^is je Tay
placé icy, comme fervant à faire connoître le caraéleredu Jefuïte
Cotton, & fur quelles qualitezfa faveur étoit fondée. Je reviens
maintenant à Tordre que j'avois quitté. g3m
Mort Je LaDucheflè de Bar mourut au commencement de cette année,
ile^rde ^'"^ ^"^^ qu'elle avoit pris pour une grofîeOe , & que Ces Médecins
SAr. ne connurent point. Elle fut perfecutéede conférences jufques à
la mort. Du Perron avoit aquis tant de réputation entre les Catholir
ques par le fuccés de Fontainebleau , qu'ils croyoient qu'il reùiïiroic
par tout de même. Mais il n'avoit pas fi bonne opinion de luy quç
les autres -, & il ne vouloit pas hafarder fur des elperances incertain
nés une gloire fi bien établie. Quand il y avoit donc quelque con*
ference prête , on ne manquoit pas de la rompre fur les condition^
préliminaires. On les propofoit aux Reformez li injuftesou fi im-
pofîibles, qu'ils étoient réduits à les refufer : ÔcTEvêque prenoit
de là occalion de publier que les Miniflres avoient peur de luy, 6ç
le fuyoient toutes les fois qu'il étoit prêt d'entrer en lice avec eux.
Ils fe defendoient contre ce reproche par des relations exactes de cç
qui fè pafîbit en ces rencontres : & le fruit de ces apologies étoit
toujours que les Catholiques s'en rapportoient à l'Evêque , &
que les Reformez croyoient que leurs Miiiiftres avoient raifbn.
Mais ces relations ne fè lifoieiit point à Rome , où les lettres de
l'Evêque étoient reçues comme des témoignages d'un parfait triom-
Progrès phe. C'eft pourquoy le Roy n'eut pas de peine , après la mort du
de u for- Cardinal d'Oiîàt , à luy faire donner le Chapeau : & quelque tems
du'pel' après il le fît encore Grand Aumônier , & Archevêque de Sens. Rô-
*"«»• ni favorifoit de tout fon pouvoir la fortune de ce Prélat: mais Iç
cœur de du Perron n'étoit pas fait pour être lié par la reconnoif^
fance, ou par l'amitié. Sa fortune étoit fon idole. Il rampa devant
Rôni pendant qu'il eut de l'autorité : mais il ne fit rien pour fon
fèrvice , quand les affaires eurent changé.
Intrigues La Cabale Efpagnole reçut cette année une rude choc , & Ville-
"^«tf^w ^^^ ^^^ ^^^ foupçonné d'en être eut peine à fe foutenir. Le Con-
cour de ^^^ d'Efpagne avoit des confidens en France dans toutes les Pro-
irance. vinces, dans tous les Ordres de l'Etat, à la Cour, aux cotez du
Roy , dans le Confeil même. La Reine qui étoit pouflëe par les
confeils dltalie^ &par les Italiens qui étoient à ion fcrvicej n'af^
i^ , piroic
DE L^EDIT DE NANTES, Liv. VIII. 407
piroit qu'à ralliailce d'Efpagne j parce qu'elle lacroyoit neceflaire 1604.
pour afîurer la fucceflion de Tes enfans. Les Agens d'Efpagne fa-
voient bien luy faire peur des conteftations qui pourroient naître
un jour fur ce fiijet , & les entreprifes que la N/Iarquife de Verneuil
croit capable de former contre là perfonne. D'autre côté les mê-
mes Agens hauffoient le courage à la Marquife, quiprenoit pour
argent comptant les aflùrancesfecrettes qu'on luy donnoit de la pro-
téger contre les prétentions de la Reine. Elle entroit en diverfes
confpirations pour s'appuyer -y & elle fe rendoit infupportable au
Roy par mille malices , & à là Reine par mille piquoteries. De
forte que pour la mortifier, le Roy fut contraint de mettre en juf*
tice elle , (on père , & le Comte d'Auvergne fon frère. Ils avoicnt
eu tant d'intrigues contre le bien de l'Etat , qu'il ne fut pas mal-aifè
de les convaincre > & qu'il y auroit eu de quoy les perdre , fi le
Roy n'avoit eu Tame trop tendre pour faire périr une maîtrcflè.
On peut compterpouruntroifiémepartyceîuy du Comte de Soif-
fons, efprit inquiet 5 & qui aimoit le changement. Il croyoitêtre
le plus proche de la Couronne de tous les Princes légitimes. Dms
un tems de brouillcries , il ne l'auroit peut-être cédé ni aux enfans de
la Reine, ni à ceux de la Marquife, ni au Prince de Condé. B
avoit voulu faire ôter à Lefdiguieres les Places qu'il tenoit en Dau-
phiné , & fe les faire donner. Il trouvoit mauvais que ce Capitaine,
qui n'étoit que fon fubalrerne dans la Province, y i\xt plus fort que
luy Prince du Sang , qui en avoic le Gouvernement. Cette entre-
jyrife étoit venue aux oreilles de Lefdiguieres , & luy avoit fait
craindre qu'un voyage que le Roy parloit de faire en Provence , ne
fut préparé pour le depoiîèder. Mais quoy qu'on eût rompu le
deflèin de ce voyage , pour luy ôter les ombrages qu'il en avoit
pris , on ne luy guérit pas î'efprit entièrement -, & il fe rapprocha
un peu pour fa fureté du refte des Reformez ,' de qui les affaires ne
l'avoienr pas fort touché jufques là. Ses ibupçons neanmoms n'é-
toient pas apparemment bien fondez, puis quil n'eft pas croya-
ble que le Roy eût voulu le ruiner en Dauphiné , pour mettre en fa
place un homme, qui s'il s'^y étoit rendu puifîant, pouvoit faire
encore plus de mal que luy.
Tout le Confeil étoit partagé entre ces diverfes cabales, & par
confequent la plupart entroit dans les intrigues d'Efpagne , qui
avoient influence dans toutes ces factions. Villeroi tenoit le party
de la Reine , 6c comme il avoit une étroite intelligence avec Rome,
"'^^iiq • par
rot.
408 H I S T O I R Ei &c.
t6oj^. par le moyen du Cardinal d'Oflat fa créature, il étoit impofîlble
qu'il n'en eût aufli un peu avec les Italiens domeftiques de cette
Princefle, & par leur moyen avec l'Efpagne qui les faifoit acrir.
Trahifon On n'en douta prefque points après l'affaire de l'Hôte l'un de Tes
commis Commis. Ce fripon donnoit avis eh Efpagne de tout ce qui fe paf-
deviUe- foit au Confeil de France : de forte que l'Ambafladeur que le Roy
tenoit à la Cour d'Efpagne , trouvoît toujours les Efpagnols infor-
mez de tout ce qu'il avoit à leur dire par les ordres de Ion maître.
Un François nommé Rafis 5 qui s'ennuyoit en Elpagne , où on le
recompenfoit mal de fes fervices paflez , parce que la ruine de la
Ligue l'empêchoit de les continuer , promit à l'Ambaiîàdeur de luy
révéler ce my flere , fi on luy pardonnoit le pafle , & qu'on luy per-
mît de revenir en fureté finir iks jours dans ion pais. Ses bons deA
feins penferent avorter , parce que les dépêches qu'on luy accorda
fur ce fujet pafîercntpar les mains deVilleroi & de fon Commis:
& que fur les avis de celuy-cy Rafis penlà être arrête en Efpagne.
Mais il fe fauva hcurculèment , après avoir dit à l'Ambaffadeur Igi
perfidie de l'Hôte ; & étant arrivé en France il fè découvrit à Vil^»
leroi , qu'il trouva dans une maifon de campagne , prêt à fe ren-
dre à la fuite du Roy à Fontainebleau. Villeroij au lieu de s'affûrer
de fon Commis, remit à parler de la chofe au Roy, quand il fe^
roit auprès de luy. Cela donna le tems à un Courier , parti d'Ef-
pagne peu d'heures après Rafis , d'arriver , & d'avertir l'Hôte qu'il
prît garde à luy. Ainfi ce malheureux échapa , & on le trouva
noyé à vingt ou trente lieues de Paris fur le bord de la Marne , qu'il
avoit voulu pafler à guay pour (è retirer en Flandres. Sa mort ne
parut pas moins fufpe^te que ion évafion ; & plufieurs crurent que
Villeroi avoit connivé à rune,8c procuré l'autre. On jugeoit peu vrai.-
femblable qu'un homme qui avoit été plus de trente-cniq ans dans le
Mniftere , n'eût pas fçu que la première chofe qu'il falloit faire étoit
de fe faifir du Commis : & la négligence d'une précaution fi necei^
faire faifoit ibupçonner .5 que le maître avoit quelque raifonde vou-
loir que le domeftique échapât. Mais le Roy voulut bien prendrç
i'afilidion que Villeroi témoigna pour une preuve de fon innocence:
& il reçut les mauvaifes excufes de ce Miniitre comme fi elles avoient
été meilleures. De ibrte qu'il demeura dans le Miniflerc comme au-
paravant 5 & que s'il perdit peut-être quelque chofe de Teftime &
ie la confiance du Roy , au moins il ne perdit rien de fa dignité.
Fin du huitième Livre.
HIS-
Pag. 409
HISTOIRE
DE
L'EDIT DE NANTES,
LIVRE NEUVIEME.
Sommaire du IX. Livre.
LEs Reformes^ craignent que le Roy ne s'abandonne trop auy:
Je fuîtes. Il repond leurs Cahiers favorablement. Gex.
Génie de laTrimouille ^ & fa mort. Procès de la veuve du Car^
dinal de Châtillon. pyramide abattue. FaEîions nouvelles.
Affemblée à Châtelleraud : affaires qui s'y dévoient traitter.
Lettre de St. Germain au Maréchal de Bouillon. Rôni Commif-
faire pour le Roy à r Affemblée. Ses injlru^ions. ^luelle récep-
tion luy ejl faite. Sa harangue. Confeils Provinciaux . ^eputezi
Généraux. Affemblèes générales. Union renouvellèe. Lefdi-
guieres y entre. Rôni excufe ce nouveau ferment. Brevets
pour la garde des villes d* otage. LAffemblèe laiffe prendre les
T laces du Maréchal de Bouillon. Autres avantages que Rôni ob-
tient de lAffemblee : dont le Tape ejî fort content. "Députez de
P Affemblée careffez à la Cour. Affemblée du Cierge. Artifi-
ce pour empêcher les Ecclefia/iiques de changer de Religion.
Edit en faveur du Clergé. Rôni TI>uc & Tair de France. Le
Maréchal de Bouillon fait fa paix . Traitté avec les Roche lois
en faveur des Catholiques. Prêtres qui ne prioient pas Dieu
pour le Roy. Conspiration des poudres. Serment exigé des Ca-
tholiques d'Angleterre. Exercice pertnis à Charenton pour les
Reformez de Taris : à quoy le Seigneur du lieu s'oppofe en vain.
Sédition à Taris. Cahiers répondus favorablement. Entre-
prife du Jefu'tte Seguiran^ pour prêcher à la Rochelle. Morti-
fications des Jefuïtes. Cahier de Normandie. Synode à la Ro-
chelle. Députez Généraux, ^neftion de lAntechrifi renou-
vellèe. Députez gagnez à la Cour. Clairvoyans de lEglifci
To-me L Fff ' &
i6o4-
4ïO HISTOIRE
éf fom tin Synode. La queji'wn eft furjzfe^ ér Vtgnier chargé
de la trmtter amplement. Le Synode nomme fadement deux
députez Généraux. Affaires traittées au Synode. Minijlres
étrangers. Malwin appelle à U Rochelle. Le Roy refufe la
nominatmi des 'Députez: permet une Ajf emblée générale àGer-
geau. Sulli fufpecî aux Reformez. Affaires de VAffemblée.
''I* laces perdîtes pûur les Refermez. Confermces ô" ^han^
gemens de Religion. U Ajfemblee fe range aux defirs du
Roy. A ff emblée du Clergé. Ferme repmfe dn Roy , & defa-
*veu d*une promeffe faite en fon nom par fis Procureurs dans
l'affaire de l*abf oint ion. Lejefuïtt CvttonTr^cepteur duDau-
phin. Fond pour les Minijlres qui changeroient 4e ReJ^ion.
Trait té avec les Morifques perfecutez en Efpagne i eft rompu
par les bigots. LefMguieres Maréchal de France. Chagrins
doTneJliques du Roy. Divers fentimens fur l'alliance d'Effa-
gne. Fraudes pour renouveUer les guerres civiles. Pouvoir des
'Jefuïtes : établis en Bearn. Cahiers repondus. Synode à St.
Maixant. Théâtre de l'AniechriJl. Atteinte donnée aux droits
Seigneuriaux, y urif diction des Chambres. Livre trouvé à la
Flèche. Difc/mrs de Jeannin fîir la liberté de confcience. Edit
en faveur des Morifques. Evafion du F^ rince de Condé. Guer-
re déclarée à l'Archiduc. Redoutable puiffance du Roy. Ses
deffeins. Sa mort imprévue.
E S Reformez prènoient beaucoup de part à ces ac-
1^
/:^^S cidens particuliers, parce qu'ils regardoient comme
SM
\ leurs ennemis jurez tous ceux qui entroient dans Tin-
telligence d'Efpagne , & qu'ils croyoient que tous
les projets de cette Cour avoicnt pour fondement ce-
luy de les ruiner. De Ibrte qu'ils étoient toujours aux
écoutes , pour découvrir les defîeins de cette cabale , & pour em-
pêcher qu'elle ne devint trop puiflante en France , où ils n'a voient,
pour ainfi dire, d'ami que le Roy. Encore n'étoient-ils pas fi af-
furez de luy , qu'ils n'euflènt quelque défiance de fa fermeté : &
lejpeu de confiance qu'ils avoient remarquée en luy fur le chapitre
de la Religion , leur faifbit craindre qu'il n'en eût auiïî peu en
Us Re- matière de reconnoifîànce & d'amitié. Ils voyoient qu'il fe kifîbit
formez ^j^^p pofîèdcr pat les Jefuïtes: ôcilsfe plaignoient xjuelquefois en
crai£»en, faifanc
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 411
fâiiànt allufion au nom defonConfeiïèurj qu'il n'écoutoit plus Tes 1^04.
anciens amis , depuis qu'il avoit les oreilles bouchées de Cotton. Ils î'« le
voyoient même en luy 5 parmi (es grandes qualitez , de grandes ^ZaL
foiblefles : & que pour avoir la paix domeftique il portoit la pa- dcme
tience & la complaince fi loin , que le moindre bourgeois auroit Tt '^"'^
eu de la peine à en faire autant. 11 y avoit donc tout fujet de ^'^"""^
craindre que pour contenter la Reine, de qui les intentions ne leur
étoient pas favorables , il ne rompît avec eux , & ne fe laifîat por-
ter à l'alliance d'Efpagne , dont ils ne doutoient pas que leur de-
ftruélion ne fiit une fuite necefîaire. Ces terreurs qui n'étoienc
que trop légitimes , comme il parut fous un autre règne , les obli-
geoient à fe munir tous les jours de nouvelles précautions.
Le Roy qui craignoit que ces alarmes ne (èrviflènt de prétexte
à ceux qu'il ne croyoit pas affeélionnez à fan Etat , eût bien voulu les
diflîper par les témoignages de la ferme volonté qu'il avoit de main-
tenir les Edits -, & quelque mécontentement qu'il eût de quelques
particuligrs , il favorifoit la caufe générale autant qu'il luy étoit pof-
fîble. Environ le tems dont je parle , il le fit paroitre par la ma- // repmj
niere dont il repondit aux Cahiers que les Députez Généraux luy ^/J^]^^
prefenterent. On s'y plaignoit entre autres chofes de certains mo- voraéitS
numcns des guerres paflées, que les Catholiques confervoient , '"^'*'
comme pour rendre éternelle la mémoire des troubles. Ainfi on
voyoit dans l'Eglifè Cathédrale de Bazas , une infcription qui trait-
toit les Reformez à^ Hérétiques Huguenots -, & qui leur imputoic
des profanations & des ruines. Le Roy avoit Ibuvent commandé à
l'Evêque d'effacer ces termes choquans> maisl'Evêque n'avoitpas
voulu obéir. On fe plaignoit encore des excès qui iecommettoicnc
en quelques lieux contre les Miniftres & leurs enfans j du délai d'éta-
blir l'exercice de la Religion Reformée en plufieurs lieux où il de-
voir être fuivant l'Edit de i f// j de la peine où on fe trouvoit, quand
les lieux delignez par les Commilîàires pour faire cet exercice , tom-
boient par fucceiîion ou autrement entre les mains des Catholiques j
de quoy ils alleguoient un exemple en Baujolois , où le propriétaire
d'une grange , qu'on leur avoit defignée pour leurs Aflémblées,
étoit fur le point de la vendre. On faifoit encore des plaintes des
termes (èditieux dont les Prédicateurs Catholiques fe fervoient dans
leurs Sermons i comme ils avoient fait tout le Carême à Blois, à
Orlea;)s , à Angers : & d'ailleurs à Châlons fur Saône , à IS lortagne ,
Fff 2 à
412 HISTOIRE
l6o±. à Chartres , fans que les Juges à qui on en avoit porté les plaintes fê
fulîent mis en devoir de les reprimer. On y parloir aufli del'en-
trcprife de quelques Juges , qui vouloient prendre l'autorité d'é-
galer eux-mêmes fur les Reformez les fommes dont ils avoient be-
fbin pour l'entretien de leurs Miniftres. Les reponfes du Roy fu-
rent toutes favorables -, mais elles n'empêchèrent pas qu'il ne falûc
revenir plus d'une fois à demander l'abolition de cesmonumens,
Gex. qui confervoient la mémoire des guerres civiles. A peu près au
même tems les habitans du pais de Gex follicitoient la confirma-
tion des reglemens qu'ils avoient obtenus fur les affaires de Reli-
gion , depuis que leur pais étoit venu fous la puiflànce du Roy.
J'ay déjà remarqué qu'on y avoit fuivi les difpofitions de l'Edit,
comme dans tout le refte du Royaume , foit pour y remettre l'exer-
cice de la Religion Romaine 5 foit pour y maintenir les Reformez
dans la pofïèflion où le Roy les avoit trouvez. Mais pour avoir
un titre plus fort que ces reglemens faits fur des incidens particuliers,
ils demandèrent quelque chofe de plus autentique, qui J^s fit va-
loir j & ils l'obtinrent au mois de Juin , par une Déclaration ex«
prefîè.
Cependant les Reformez fe preparoient pour tenir une Afîem-
blée générale : & en effet l'année fuivante ils la tinrent à Châtellc-
raud. Le Roy craignoit fort qu'il ne s'y pafîat des chofes contre
(on fervice , parce qu'on difoit que cette Aflemblée accorderoit fà
protection au Maréchal de Bouillon. Ce Maréchal faifoit paiïèr
fon affaire dans toute l'Europe pour une affaire de Religion :
& quand il avoit écrit au Roy depuis fa difgrace , il avoit pris plu-
tôt le ton d'un accufateur qui menace , que celuy d'un coupable
qui s'humilie. Il écoit dangereux pour l'exemple qu'on prit pour
caufede Religion, dans les Afièmblées des fujets, ce qui paflbit
pour crime d'Etat dans le Confeil du Souverain. D'ailleurs ce lieu
étoit fu fpedl , parce que c'étoit Chàtelleraud , d'où la Trimouille &
cenie de du Plefîls n'étoicnt pas fort éloignez. Comme le Duc avoit une
mouJli'e g^^"de paillon pour la liberté, & des fentmiens fur ce lu jet fort
dignes d'un Héros, s'il ne fût pas né dans une Monarchie, on
craignoit qu'il ne travaillât à faire du party Reformé une efpece
de République i dont on accufoit le Maréchal de Bouillon d'avoir
formé le projet. Cela même donnoit d'autant plus à penfer au Con-
feil du Roy, qu'on y avoit peut-être déjà des vues pour l'oppref-
fion
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 413
fîon delà liberté publique par le pouvoir abfolu. Ilefl: certain au i^ox.
moins que les inipirations qui venoient d'Italie ou d'Efpagne tcn-
doient là -, & qu'on vit courir parmi le peuple de petits écrits , où
on enfeignoit comment on pourroit monter au plus haut degré de
l'autorité defpotique. Les Reformez ne goûtoient pas ces defîcins
d'une puifîance fans bornes ; parce qu'ils favoient bien ce qu'ils
dévoient attendre d'un Confeil Catholique , quand il fe feroit mis
au deflus des promeiïès & des loix. C'eft pourquoy il y en avoic
plufieurs entre eux qui vouloient prendre des mefurcs pour éviter
la fervitude civile , parce qu'ils voyoient bien qu'il feroit aifë de
tomber dans la fervitude de la confcience , quand la première fe-
roit une fois établie. Mais la mort du Duc de laTrimouille délivra £, y^
le Roy de peine. Elle arriva fi à-propos , qu'on eût pu dire qu'el- w"""^-
le avoir été procurée. Son mal commença par des convuUions ,
qui fe terminèrent en une langueur dont il traîna quelques mois :
& lors qu'il fembloit qu'il en dût guérir , fçs convulfions le reprirent
& l'emportèrent. Il avoit mangé chez Rôni peu de tems avant que
fon mal commençât j & j'ay connu de fes domeftiques qui étoienc
fort perfuadez que fa mort n'avoit pas été naturelle. Cette mort
fut prifèpar le Roy pour un coup de bonheur, parce que le génie
de ce Seigneur luy donnoit beaucoup de peine. Il eft mal-ailé d^
fe ménager avec les Rois : fi on fe fait craindre, on eft haï ; fi on
eft paifible, on eft mcpriféj & quand on obtient quelque part à
leur bienveillance , il n'eft pas agréable à un homme de cœur d'en
être plus obhgé à une complailànce aveugle, ou à unefervile dé-
pendance 5 qu'à fon mérite.
Il y eut cette année une affaire de grand éclat, qui fut jugée à Pr»cés de
la Chambre de l'Edit. Le Cardinal de Châtillon s'éroit marié des 'f ""'""'"'
, . (lu Car'
Tan 1 5 64. & n'avoit p'as quitté pour cela fon habit ni fà dignité. Sa Mmi âe
mort étant arrivée quelques années après, ià veuve s'accommoda ^'^''*"^"
pour fa fucceflion avec l'Amiral : & depuis ayant été enlevée par
un homme qui luy vola tout ce qu'elle en avoit tiré , elle s'avifà
quand TEdit de Nantes eut été donné, de demander la revifion
des contrats qu'elle avoit faits , & de difputer aux héritiers de l'A-
miral la fucceflion de fon mari. Eilefe fondoit fur l'Edit, qui par
le XXXIX. article des particuliers ordonnoit la tolérance des ma-
riages pareils au fien. Mais d'autre côté, la qualité de la perfonne
étoit un grand obftacle à fcs prétentions. Elle auroit pu micLix
ij.',. ^ Fff 3 reùifir,
4t4 HISTOIRE
1604. reùHîr 5 s'il avoit été queftion dun autre que d*un Prélat, Mais Taf.
front auroit été trop fenfible pour le Pape, û on avoit confirmé le
mariage d'un Cardinal , Evêque ôc Pair de France , qui avoit afFedé
de retenir après ce mariage Tes revenus & fa Pourpre. D'ailleurs le
Cardinal étoit l'aîné de l'Amiral &: de d' Andelot , 6c Ton mariage ne
pouvoit, ce femble, être confirmé, fans ruiner les deux familles
qui étoient (orties de ces Seigneurs -, l'une delquelles étoit demi
Catholique , fa voir celle de d' Andelot , dont le fils avoit embraffé
& la Religion Romaine & la Ligue. Servin Avocat General fie un
long difcours fur cette caufe. Il ne parla de ce mariage duCardi«
nal que comme d'une conjon£lion illicite , & ne voulue jamais pre-
fuppofer qu'il y eût eu de célébration de ce mariage , même dans
les formes accoutumées entre les Reformez. Comme Servin pan-
choit beaucoup vxrs leur do£lrine , on peut juger que tout fon
difcours étoit fait exprès pour être envoyé à Rome , où il étoit à-*
propos de faire voir qu'un tel mariage n'avoit pas été approuvé.
Ses conclufions ôtoicnt à la femme du Cardinal la quaUté de fâ
veuve 5 la deboutoient de tout ce qu'elle pouvoit prétendre en
cette qualité , & n'alloient pas même à ordonner pour fts enfans
une provifion ahmentaire. La Cour appointa les parties au Con-
fbil, pour des raifons autres que celles qui parurent dans l'Arrêt i
c'eft-à-dire > pour ne rien prononcer dans une affaire de cette na^
ture , & pour donner lieu à un accommodement. Un Auteur fort
palTionné , qui a inféré le difcours de Servin dans fon Ouvrage , dit
que l'Arrêt fut conforme aux conclufions 5 mais il ne rapporte point
les termes de l'Arrêt : au lieu que l'Avocat General Talon les rap-
porte dans un de (es plaidoyers tels que je viens de le dire. Au refle
cette affaire fut une des principales raifons de drefîer le XXXI}^
article des particuHers tel qu'il eft j & les intérêts oppofèz de la
veuve & de fes parties donnèrent lieu à de grandes conteflations.
Dès l'an 1600. la caufe d'un Chartreux qui avoit quitté le Cloître
avant l'Edit , & qui demandoit partage avec fes frères j & en 1 60 f ,
celle d'un Capucin qui étoit au même cas , furent jugées félon la
teneur de l'article. Si on s'en écarta un peu dans la caufe de cettç
veuve, il efl aifé de voir qu'on eut en cela plus d'égard à la qua*'^
lité des intereffez , qu'à la nature de l'affaire.
Le Duc de Rohan eut auffi cette année quelque chagrin à la
Cour. Il ne vouloit pas demeurer inutile au monde -, & dans le
deflèin
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 415
dedein de s'y avancer il fit quelques démarches dont le Roy ne fut i6ojU
pas content: mais cela s'appaifa parla ibumiflion du Duc, quife
remit à la difcretion de Ibii maître. Mai5 l*année fuivante les Refor- 1605-.
«lez&tous les bons François eurent le deplaifir de voir abattre la Pyrami.
Pyramide, qu'on avoir dreiTéc pour y «lettre fur une plaque de f^^"^*'*
bronze l'Arrêt du banniflement des Jefuïtes, après l'attentat de
Chatel. Ces aflaflîns qui avoienc eu le crédit de fe retabHr mal-
gré •cet Arrêt , eurent encore celuy défaire démolir ce monument
■àc ce qu'ils étoient capables de faire : & le Parlement qui avoit une
répugnance mortelle à voir détruire la plus belle marque de fon
zêle pour le bien de la France , ne put l'empêcher ni par oppofitions,
ni par remontrances. Tout ce qu'il obtint fut qu'on ne le contrai-
^litpas à défaire luy-même fbn propre ouvrage, & que la démo-
lition iè fit ïàns fbrmalité de Juftice. On fit lur ce fujet des dif-
icours, des écrits, des vers: mais les Jefijïtes , qui avoient ce qu'ils
demandoient , laiflbicnt paflèr ces petits orages , fâchant bien que
c'eft une liberté fans con/equence , qu'on peut accorder pour fa
confolvation à un ennemi qu'on ne craint plus , que de luy laifîer
■évaporer fon ckagrin par des fatires & des Pafquinades. Après
cela on ne vit plus que grâces accordées à cette Société , que Béné-
fices unis à leurs Collèges , que maifbns bâties pour loger plus à
leur aife leurs Profés ou leurs Novices.
Cependant le Royaume étoit plein d'alarmes , & le Roy rece- F^aiom
voit de toutes parts des avis des grands dcfîèins que les Efpagnols "/"^''^'
avoient flir diverfes Places. Il le formoit divers partis de mecon-
tens, dont les uns avoient pour prétexte le bien public j les autres
le defîein de relever laNoblefîè trop humiliée -, les autres celuy
d'abaifîer Roni , dont on comparoir la fortune à celle que Sejan
avoit faite fous Tibère , & de laquelle on fbuhaitoit que la fin fut fem-
blable à celle de ce Favori , comme il y avoit eu de la refîèmblance
dans le progrés de l'une & de l'autre , & dans l'abus qu'on preten-
doit que l'un, à l'imitation de l'autre, faifbic delà faveur de Con
Maître : d'autres pretextoient la vangeance de Biron , de qui ils
étoient ou parens ou créatures. La plupart de ces intrigues ve-
noient du Maréchal de Bouillon, qui fongeoit à fe faire craindre ,
peut-être pour fe faire rappeller : &qui avoit par tout de fi grandes
intelligences , qu'il fembloit capable de remuer toute l'Europe. Il
trâvailloit fur tout à engager. les Reformez dans quelque Ligue ,
par
4i6 HISTOIRE
idof. par la crainte que le Roy n'eût promis au Légat de les ruiner: Se il
leur faifoit propofer d'établir des Confeils fixes dans toutes les Pro-
vinces 5 pour traitter des affaires de la caufe commune i d'exclure les
Officiers du Roy de toutes les délibérations politiques de leurs Af-
fembléesi dedrefler des reglemens pour faire des levées d'hom-
mes & de deniers j & de fe liguer avec les étrangers pour leur com-
mune defenfe. Mais je ne lày comment d'ailleurs on pouvoit luy
imputer des projets fort incompatibles avec ceux-là -, comme de
vouloir changer de Religion ^ de confpirer de démembrer le Royau-
me-, de vouloir prendre le Dauphiné pour fa part; troubler la fuc-
celTion du Dauphin -, fe liguer avec les Efpagnols ; , faire la paix en-
tre eux & les Provinces Unies. On ne fauroit allier ces dcfleins
avec les autres : de fon côté il nioit conilamment d'avoir jamais eu
de telles penfées -, & il luy fut d'autant plus aifé de s'en juftifier ,
qu'il ne fut pas poiîible de trouver contre luy la moindre preuve
par écrit. Quelqu'un depofa qu'on avoit diftribué par les ordres du
Maréchal à quelques particuliers de Querci , de Guyenne & de Lan-
guedoc, de l'argent qui venoit d'Efpagne ; & qu'on avoit promis
en même tems qu'il en viendroit de plus grands fecours : mais la fbm-
me, qui ne paflbit pas dix ou douze mille écus, étoit fi petite,
qu'il n'étoit pas croyable qu'elle vint d'Efpagne, qui n'auroitpas
borné ks profufions à fi peu de chofe. On crut que le Maréchal avo^t
tiré cette fommc de fa bourfe, pour entretenir lès amis dansl'elpe-
rance d'un profit plus confiderable.
Ajfem- Néanmoins tout faifoit ombrage dans un Royaume , où les relies
ch/teiie-^^ tant de vieilles fadions donnoient lieu de craindre qu'il ne s'en
rauj. formât de nouvelles : & l'Affèmblée de Châtelleraud étant furve-
nuë dans cet état des affaires , en redoubla l'embarras. On favoit
Afaires ^^^^ ^ ^^ Cour qu'il devoir s'y traitter de grandes chofes. Onyde-
qtùi'y voit parler des moyens de conferverles Places de fureté, dont on
fàvoit que leConléil vouloittout d'un coup leur ôter les deux tiers,
en diftinguant celles qui appartenoient aux Seigneurs particuliers,
de celles qui étoient feulement au Roy. La révolte des Gentils-
hommes , dont on avoit déjà vu plufieurs exemples , faifoit crain-
dre la confequence : parce qu'ainfi une perfonne qualifiée venant à
changer de Religion , toutes fes Places feroient perdues pour le par-
ty . D'ailleurs le Roy parloit ouvertement de faire la guerre au Maré-
chal de Bouillon , 6c de s'emparer de ks Places : & rien ne pouvoir
l'en
dévoient
traitter.
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 417
l'en détourner que le refped de fes Brevets , qui laiflbient les Places 1 605 ♦
aux Reformez pour un tems qui n*étoit pas encore expiré. Mais
la difficulté étoit levée, fi les Places des particuliers n'étoient pas
comprifes dans celles qu'on appelloit de fureté: &ils'enfuivoitde
là que quand il plairoit au Roy , il depoflèderoit les Reformez
de toutes ces Places l*une après l'autre: après quoy la brèche étant
déjà faite , il ne feroit pas mal-aifé d'ôter aulTi aux Reformez la gar-
de des principales. De plus ces Places des particuliers étoient pro-
prement celles qui pouvoient faire de la peine au Roy , & à caufè
de leur grand nombre , & parce qu'elles autorifoient ceux qui en
étoient les Seigneurs , défaire quelquefois des chofes où l'autorité
du Roy étoit blcflee. Il étoit fâcheux que le Roy ne pût tirer rai-
fon d'eux que par unfiege dans les formes, Ôcenleurfaifant une
julte guerre ; au hazard même d'ofFenfer tout le party , qui étoit
perfuadé que fà fureté dependoit de la confèrvation de ces Places.
De forte que quand le Roy temoignoit quelque dépit de voir tant
de Places entre les mains des Reformez , c'étoit proprement ces Pla-
ces particulières qu'il avoit en vuéj & elles furent tout le fujetde
la négociation dont il chargea Rôni avec l'Aflèmbléede Chatelle-
raud. Il y avoit des Agens du Maréchal de Bouillon qui ne man-
quoient pas de donner des avis fur ce fujet , & de reprefenter la
liaifon que fon affaire particulière avoit avec la fiireté générale.
D'autre côté les Reformez étoient fi peu difpofez à fbuffrir que
leurs Places leur fuflènt ôtées , que pour fe maintenir contre les
confpirations qui fe faifoient tous les jours contre eux , ils vou-
loient demander la prorogation du tems pour lequel la garde leur en
étoit accordée. Ils pretendoient même conferver celles ou que le
Roy avoit données à des Reformez depuis l'Edit, ou qui étoient
à des perfonnes qui ayant embraiTé depuis peu la Religion Re-
forinée , avoient été afliirez qu'on les maintiendroit dans la poC-
fèiîîon de leurs Places. De forte que cette affaire étoit compliquée de
diverfes ditficultez, dont on ne favoit pas comment on trouveroic
le dénouement.
Saint Gemiain , l'un des Députez Généraux , étoit tout aquis au
Maréchal, &cntrctenoit avec luy une étroite correfpondance: &le
Maréchal, par fon moyen communiquoit avec toutes les Eglifes.
C'efl pourquoyil eût bien fouhaitté qu'on Teût continué dans cet
employ. Cela de voit encore être mis en dehberation dans l'Aflém-
Tome I. ^SS ^^^^
4i8 HISTOIRE
i^QC blée j c'eft pourquoy le Roy, qui n*avoit permis d'abord que par
provifion de tenir des Dépurez auprès deluy, pour les affaires de
FEdit , voulut bien rendre cette commiilion ordinaire , à condition
que l'Afiemblée luy envoyât la nomination deilx, dont il choiiiroit
deux, afin de n'être pas obligé à continuer St. Germain, ou à re-
Lettre Je ccvoir en ù. place quelque autre de ion caradere. Avant la tenue
Saint de l'Aflemblée St. Germain écrivit au Maréchal , pour luy communi*
^^''Zl'" quer Tes fentimens Tur la conjoncture prefente : & la lettre fut ou iii'
rechai Je tcrccptée , OU copiée par quelqu'un de ceux qui donnoient avis de
Bouillon. jQ^^j. ^ \^ Cour. 11 s*en trouvoit pluileurs dans chaque Province
qui faifoient ce métier , les uns pour mériter leurs penfions, ou
pour en obtenir, les autres par une efpece de limpîicité qui leur faifoit
croire que le party de la Cour étoic toujours le plus innocent , à eau-
fè que le nom du Roy étoit toujours à la tête. Ce fut par leur
moyen que la Cour fut avertie de plufieurs propofitions , qui
avoient été faites dans les Ailèmblées Provinciales , & qui dévoient
être portées à la Générale. ^
Saint Germain dans cefttc lettre exhortoitlc Maréchal à députer à
rAffemblée. Il y rapportoit diverfes raifons qu'il croyoit qu*on
avoit de iè défier du Roy -y fa déférence pour les avis qui venoicnt
de Rome -, Tautorité qu'il donnoit aux Jefuïtes -, la grande depen-
fe qu'il avoit faite pour faire élire un nouveau Pape à fon gré , après
la mort de Clément V I II. la démolition de la Pyramide : fur le fu-
jet de laquelle on avoit porté la rigueur fi loin , que quelqu'un ayant
fait graver «ne planche de la Pyramide , qui en reprefentoit toutes
les faces & toutes les infcriptions, pour conferver au moins l'ima-
ge de ce monument, que les bons François voyoient abattre à leur
grand regret, on avoit fait rechercher & fupprimer cette planche ,
pour complaire aux Jefuïtes. St. Germain reprefentoit de plus le
mal que Rôni pouvoir faire. Il ajoûtoit les raiiôns qui dévoient l'o-
bliger à (e défaire de la deputation générale, qui ncpourroit luy
être continuée fans l'expofèr à ofFenler le Roy ou les Reformez :
parce que d'un côté on Taccuferoit de faire trop , & de l'autre de fai-
re peu. il avertifibit le Maréchal que Rôni craignoit de ne tenir pas
dans TAlfemblée un rang convenable à fa dignité , parce que le Roy
ne vouloit pas luy donner charge expreflè d'y prefider. Hdilbit qu'on
ne pouvoit prévoir certainement quelles feroient les inclinations
des Députez qui formeroient rAflèmblée : mais qu'en tous cas il
fe-
DE UEDIT DE NANTES, Liv. IX. 419
feroitbiendeluy écrire j & que cela feroit toujours bon à quelque j^^^
chofè. 11 étoic en peine qui le Maréchal pourroit charger de fa dcpu-
tation : Se il confeilloic de donner cette commiillon aux Députez de
Guyenne , qui pouvoient l'accepter comme une dépendance de
leur charge particulière , parce que les Députez de chaque Provin-
ce prenoient ordinairement la charge des affaires des particuliers qui
en étoient membres.
Cet expédient pouvoit rompre les mefurcs que la Cour prenoit ,
pour empêcher les particuliers de députer en leur nom à l'AHcm-
blée. Elle en avoir à craindre plufieurs: & outre le Maréchal de
Bouillon, elle avoir des défiances de Lefdiguieres , du Duc de Ro-
han, de la Force, de Châtillon, de duPlefîls& de plufieurs au-
tres. Pour donner donc le meilleur ordre qu'on pourroit à ces ^°"'
brouilleries , leRoyrefolut d'envoyer RôniàChâtelleraud avec dcrj/^/"'^'
fort amples inftrudions. 11 en avoir de deux fortes -, les unes gène- poHr u
raies; les autres fecrettes en forme d'addition aux premières. Lcsf.'-^^f^j
premières le chargeoienr de remontrer à rAffemblée qu'elle étoit Hée . /«
peu neceflàire, puis qu'il ne s'agilToit que d'entendre le compte'"^""""
que les Députez Généraux avoient à rendre, de ce qu'ils avoient
fait durant trois ans-, ce qui fe pouvoit faire avec moins de bruit :
que néanmoins le Roy l'avoit accordée volontiers, efperant qu'elle
ferviroit comme de conjouifîance pour la paix que le dernier Edit
avoir faite: fur quoy il devoir dire qu'on l'avoit exécuté entière-
ment-, queleRoy le vouloit entretenir j qu'on avoitpourvu à le
faire garder au gré des uns & des autres , comme il paroiffoit par les
reponfes faites aux Cahiers des Catholiques & des Reformez, par
lesquelles on avoit donné ordre à l'inftant aux chofes de conféquen-
ce. 11 devoir dire de plus que le Roy, après avoir donné tant de
marques de fa bienveillance, recevroit un grand deplaifirde voir
prendre un autre Protedeur que luy , qui l'avoir toujours été, qui
le vouloit toujours être: que de telles Aflcmblées devenoient dé-
formais une affaire de confequence , parce que les Edirs ne permet-
tent que celles où on traitte feulement delà Difcipline, &c où il
n'entre que des perfonnes qui doivent la faire garder : que pour
les affaires de la Police il faut s'adrefîer aux Juges ^ & pour les grâ-
ces au Roy, de qui elles dépendent : que les raifons de tenir des
AiTemblées politiques , où il n'étoit quellion que des Députez
Généraux , ne vaîoient pas tant d'éclat & de depcnfc : que la
^' Ggg 2 rc-
420 HISTOIRE
idoy. relidence des Députez en Cour n'étoit portée ni par TEdit, ni par
les articles particuliers , ni par les Brevets: qu'elle avoit été agréée
par tolérance, en attendant la vérification de l'Edit : que néan-
moins le Roy accordoit cette refidence , & conièntoit à une cer-
taine forme d'élire les Députez > fa voir d'en nommer iîx , dont le
Roy en choifiroit deux. Il étoit chargé de faire en forte quel' Af.
fèmblée ne traittât que de cette nomination : de déclarer que cette
Aflemblée tiendroit lieu de celle que le Synode de Gap avoit deman-
dé permiilion de tenir à la Rochelle : de n'engager rien fans en,
donner avis au Roy, fi on perfiftoit à en demander une autre ,
fur tout fi on pretendoit en tenir de contraires aux Edits. Le Roy
luy permettoit de donner des afî'ûrances de fà propre affection j &c:
luy ordonnoit d'excufer le changement qu'on faifoit à Orange ,
dont il faloit ôter le Gouvernement à Blacons, qui n'agréoit pas
à Philippe de Naflau , à qui la ville appartcnoit : mais de pro-
mettre que le Roy feroir en forte que la Place fût mife entre les,
mains d'un Reformé. C'étoit avec raifon que le Roy donnoit char-
ge d'excufer ce changement, parce que les Reformez en faifbient^
grand bruit -, &c que la ville n'étant prefque que de gens de leur,
Religion , ils regardoient cette affaire comme étant d'une confe-
quence générale pour leurfùreté. ^
Les additions après une petite préface, où le Roy temoignoit,
qu'il efperoit de l'afFedion & de la fidélité desReformezj qu'ils n'au-.
roient chargé leurs Députez quedechofes permifès, & qui ne luy
feroicnt pas defagreables , le chargeoient de prendre garde qu'on
lie renouvellât point la queftion de l'Antechrift > qu'on ne reçût
point de lettres du Maréchal de Bouillon , ni des Princes étrangers^
que d'abord il l'empêchât fous main j que fi cela ne fuffîlbitpas ,
il s'y oppofât ouvertement, & qu'il fit valoir fon autorité de Gou-
verneur de la Province j qu'il n'y fouffrit perfonne en qualité de
Député d'un particulier, comme de Lefdiguieres , par exemple,
qui étant alors mécontent de la Cour, fe reûnifîbit au party pour
fcs propres intérêts. On luy ordonnoit de parler de certaines cho-
ies dont l'avis avoit été donné au Roy, comme s'il les avoit appri-
fes fur le lieu même -y de donner d'abord efperance que le Roy pro-
longeroit la garde des Places de fureté, fans diflinguer des autres
celles qui appartenoient aux particuliers j parce que le Roy vouloit
leur faire une grâce entière , pourveu qu'ils fe comportafiTent com-
me
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 421
me ils le dévoient. Il étoit chargé du Brevet de cette prorogation î i 6q< ,
mais il devoit le garder ju(qu*au commandement de le produire.
Le Roy vouloit aufll qu'il refufât à l'Aflèmblée le retabliflèment
de certains fonds qui avoient été retranchez , ou pour les Places du
Maréchal de Bouillon -, ou fur Tétat gênerai des autres villes de fu-
reté} ou fur les arrérages de certaines aflignations particulières.
L'excufe de ces retranchemens étoit , que le Roy en avoit fait de iem-
blablcs furies états des villes & des garnifons tenues par les Catho-
liques : & qu'il y auroit eu lieu pour ceux-cy de s'en ofFenfer , û on
n'a voit pas traittéles Reformez avec le même ménage. D'ailleurs
il fembloit que les Catholiques étant affoibhs , par la réduction de
leurs garnirons à un moindre nombre de foldats , on ne faifoit
point de tort aux Reformez de réduire aufli celles de leurs Places,
puisqu'elles n'avoient plus befoin d'autant de monde pour les gar-
der, que quand les garnifons de ceux qui leur étoient fufpecls étoicnt
plus nombreufes. Mais ils ne goûtoient pas ces raifons -, parce
qu'ils ne croyoient pas que leurs villes & leurs Troupes fuflent de
la même qualité que celles des Catholiques. Le Roy n'entretenoïc
celles-cy que parce qu'il le vouloit bien : mais il y avoit un Traittc en-
tre luy & les Reformez 5 qui l'obligeoit à leur laiflér pour un tems
de certaines Places , dont il devoit payer les 'garnifons : de forte
que celles des Catholiques étoient revocables quand il luy plai-
roit, au lieu que c'étoit faire brèche au Traitté , que de toucher à
celles des Reformez avant la fin du tems, pour lequel les villes de
fureté leur étoient lailîées. Ils n'obtinrent rien néanmoins de Rôni
furcefujet : parce qu'il étoit aufli dur pour eux, en matière de Fi-
nances , que pour tout le monde, C'eil pourquoy ils redemandèrent
encore plus d'une fois le retabliflèment de ces fonds, &lepa)'ement
des arrérages , & fous ce règne & fous le règne fuivant. Le Roy
ordonnoit enfin par ces inftru^tions à Rôni de refufer d'intercéder
pour le Maréchal de Bouillon, en remontrant ce qu'il avoit tenté
inutilement pour fa reconciliation : d'accepter la preiidence de l' Af-
femblée, fi elle luy étoit offerte: defe gouverner avec du Plefîis
& les autres , félon ce qu'il remarqueroit de leur affedion pour
le fcrvice du Roy , & de donner avis de tout ce qui le paf-
fèroit.
Ces inflrudtions étoient dreffées fur la connoifîànce qu'on avoit
à la Cour de tout ce qui devoit être propofé dans l'Aflèmblée } parce
Ggg 3 qu'il
422 HISTOIRE
160K. qu'ily avolt dans toutes les Provinces des gens qui avertifïbient le
Confel , comme je Tay dit , de toutes les propofitions dont les.Af-
fèmblées particulières avoient chargé leurs Mémoires. Mais une
des principales aflaires étoit la conlërvation dçs Places de fureté :
& comme les Reformez faiibient dépendre leur falut de la garde de
ces forterefles y dans un tems où ils voyoient prefque à découvert
les confpirations qu'on faifoit contre leur repos, la crainte qu*on
ne les leur ôtât par diverfes rulès les tenoit dans de grandes agita-
tions. Les chofes étoient dans cette difpofition, quand Kôni
vint dans l'Ailemblée. Il n'y a rien de plus oppofé que ce que les
^elle Mémoires difènt de la réception qui luy fut faite. Quelques Hiflo-
/«^/■«r ^^^^^^ d'une grande exactitude , & d'une grande autorité dilent qu'il
faite. yprefida. Les compilateurs des Mémoires deSulli difent le con-
traire : & ils rapportent plufieurs lettres de leur maître au Roy j où
ils'excule de n'avoir pas accepté la prefidence, pour des railbns
qu'il s'afliire de faire goûter au Roy , quand il pourra luy en rendre
compte. Ils difent feulement qu'il ne tint qu'à luy d'y prefider :
néanmoins il n'y prit pas même feancc -, parce que n'y prefidant
pas 5 il n'y pouvoit tenir un rang convenable à la dignité de Gou-
verneur de la Province. D'autres enfin rapportent qu'on luy re-
fufà l'un & l'autre d'une manière peu obligeante j & ils content
le fait ainfi.
La Cour, difent-ils , voulant avoir dans TAflèmblée des per-
fonnes qui luy fuflent dévouées , afin de ménager les efprits le-
• Ion fes intentions , Rôni & Parabere s'y prefenterent à ce delïèin >
prétendant qu'on ne pouvoit leur refufèr d'y prendre fèance , à cau-
ie de leur qualité : mais l'Afièmblée les pria làns cérémonie de la laiC-
fer en liberté. Parabere étoit entièrement dans les intérêts de la
Cour , excepté qu'il ne vouloit pas croire que le Maréchal de Bouil-
lon fût coupable des crimes dont on l'accufoit. Quand donc il
voulut fe prévaloir de l'article drefie à Ste. Foy , qui permettoit aux
Gouverneurs de Province de prendre place dans les Aflèmblées,
quoy qu'ils ne fuffent pas Députez , il y eut des gens qui luy repon-
dirent fans façon , que c'étoit à caufe de luy qu'on avoit changé l'ar-
ticle. En effet pour fe garder des faux frères , & pour éviter
les brigues & les conteftations qui étoient ménagées ordinairement
pour mettre la divifiondans rAfîèmblée , on élut dans celle-cy le
Prefidcnt avant la ledure des lettres d'envoy , contre ce qui avoic
été
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 423
été pratiqué dans toutes les précédentes. Rôni fut regardé comme i ^o f.
envoyé pour rompre doucement TAflemblée , ou pour l'amener par
Tes avis à quelque compofition. C*eft pourquoy il étoit chargé de
Brevets & de promeflcs, pour gagner ceux qui avoient le cœur ten-
dre de ce côté-là. Mais ou Ton humeur farouche , ou le defir de
icrvirla Cour au préjudice même de fa propre Religion, comme
c*étoit fa coutume , luy fit prendre un autre chemin. Il comman-
da à l'Aflcmblée 5 quand elle auroit nommé des Députez Généraux,
de fe feparer dans le lendemain midi, &il exprima ce commande-
ment en des termes fort rudes , fans dire un mot des Brevets qu'il
avoit en poche. Il avoit cru que quelques membres de l' Affemblée
le feconderoient ; & luy aideroient à donner l'alarme aux autres.
Mais ceux de qui il attendoit cette complaifance luy ayant déclaré
qu'ils demeureroient unis à FAfîemblée , & qu'ils obeïroient à fes
refblutions , il falut qu'il fe radoucît > & qu'il fit même quelque ia-
tisfacl^ion à ceux qu'il avoit offenfez en particulier. Il montra les
Brevets qu'il avoit voulu cacher, & diftribua lespenfions dont on
Vouloit acheter les fafFrages des plus redoutables.
Il femble que ces derniers Mémoires s'accordent mieux avec de ^^ ^«-
certaines circonftances , qui fe recueillent des propres Mémoires de ''^"^"'^
ce Seigneur. On y voit la première harangue qu'il fit à l'Afièm-
blée, qui fut plus menaçante que modefle i & dont la hauteur mé-
contenta tout le monde. Il pafla de bien loin les inftrudlions
qu'on luy avoit données par écrit : & (bit qu'on luy eût donné verba-
lement d'autres ordres , ou qu'il eût trouvé à-propos de faire plus
qu'on ne luy commandoit , il prit un tour auiîi rude &auflî defobli-
geant , que celuy de ics inftrudions étoit fage & modéré. Il eft vray
qu'il dit plufieurs chofes qui pouvoient être utiles : mais la véri-
té même perdoit fà force dan? la bouche d'un homme fufpeft
comme luy. C'eft pourquoy il employa toutes les forces inutile-
ment à dégoûter les Reformez delà garde de leurs Places. Il ta-
cha de perfuader que chacun voulant garder la fienne, le grand
nombre ne fervoitqu'à diftraire leurs forces , qui demeuroient ain-
fi trop divifées. Il les avertit de ne (è fier pas à Lcfdiguieres , qui
changeroit de Religion aufii-tôt que ce pas luy feroit nccc/îàire ,
pour conferver en Dauphiné fbn autorité & fes Places. Comme
'il n'avoit rien de tel à dire contre du Pleflis , de qui les mœurs
étoient fans reproche, & la Religion hors d'atteinte, il tacha de
tour-
424 HISTOIRE
1(305. ^°"^^^^ en ridicule & luy & le deflein qu*il avoir de fortifier Sau-
mur 5 dont il vouloir faire Tenceinte fi grande , qu'il y faudroit met-
tre huit mille hommes de garnifbn. 11 les exhorta de remettre au
Roy neuf parties de leurs Places -, &: de n'en retenir que la dixième ,
qui feroit plus aifée à défendre: après quoy il les avertitdene re-
cevoir ni en commun , ni en particulier, ni lettre ni deputation des
Etrangers, ou des perfbnnes fulpedles qu'il leur nomma 5 parce
que CQS perfbnnes , fi elles avoient dQS affaires , avoient pu les fai-
re employer fur le Cahier de leurs Provinces : & enfin s'ils refu-
foient , il les menaça de fon autorité de Gouverneur.
Ce fut là vraifemblablemcnt ce qui luy attira les rebuffades dont
ces derniers Mémoires font mention : mais quand il fe fut huma-
'1 nifé les Députez s'apprivoiferent j & après plufieurs négociations,
il obtint prefque tout ce que le Roy fouhaittoit, parce qu'il avoit
confetis enfin donné contentement aux particuliers & àl'Aflèmblée. Ilob-
tZhx.' f*"f donc qu'on fè defiftât de la penfée d'ériger par tout des Confcils
Provinciaux , qui auroient été differens des Afïemblées Provincia-
les politiques en diverfès chofes -, mais fur tout en ce qu'ils au-
roient été fixes & toujours fur pied , au lieu que ces Aflèmblées
nefe tenoient que par occafion & de tems en tems. Il n'avoit pas
néanmoins ordre exprés d'empêcher ce nouvel établiffement > mais
feulement de l'empêcher, s'il étoit poflible: ou autrement de fai-
re en forte qu'on les compofât de gens paifibles, affedlionnez à
l'Etat, & d'une qualité à pouvoir s'y adrefîèr en cas de befoin.
C'eft- à-dire qu'on n'y auroit point voulu de Confiftoriauxi parce
que c'étoit dts gens avec qui la Cour n'aimoit pas à négocier -, &
qu'elle croyoit moins dependans d'elle que les gens d'épéeou de
robe. Cette affaire coûta peu d'inflance à Rôni -, parce que pour
empêcher cette inflitution nouvelle, il n'y eut qu'à témoigner que
le Roy ne l'approuveroit pas. Il y en avoit néanmoins déjà de dref^
fèzdans quelques Provinces , fuivant lesreglemens prisàSte. Foy ;
mais ils ne faifoient prefque rien j & fur tout ils manquoient de cor-
refpondance les uns avec les autres. C'efl pourquoy fous le règne
fuivant on difoit, que les Reformez avoient ufé de cette inflitution
Be^tiîtx. modeflement fous celuy-cy. La nomination des Députez luy coû-
ta bien davantage. Le Maréchal de Bouillon prelîbit fort que St.
Germain fût continué. Lefdiguieres vouloit qu'on nommât Bel-
lujon j qui étoit tout à luy 5 & qui fous le nom de Député Gene-
ral,
Géné-
raux.
DE L^EDIT DE NANTES, Liv. IX. 425
rai , auroit été à la Cour fon efpian & fon confident. Les raifons 1 60K.
qui faifbient Ibuhaitter à ces deux Seigneurs des Députez en qui ils
puflent prendre confiance , faifoient aufîî que le Roy ne vouloit ni
Tun ni Tautre. D'ailleurs on avoit propofé dans quelque Province
d'augmenter le nombre des Députez Généraux , & d'en joindre aux
deux ordinaires un qui feroit pris dans l'ordre des Miniftres. Be-
raud , l'un des Miniftres de Montauban , appuyoic cette propofi-
tion , parce qu'il prctendoit à la nomination , & qu'il la briguoic
prefque ouvertement. Mais la Courue vouloit point cette mul-
tiplication de Députez : & elle vouloit encore moins y confentir
en faveur d'un Miniftre, Rôni fit fi bien qu'on fe tint au nombre
de deux 5 & qu'on fit une nomination defix perfonnes, entre lef-
quelles le Roy élut la Noué & du Gros. Il efl: vray que la no-
mination de fix ne fut qu'une cérémonie , puis qu'on favoit bien
que la Noué & du Gros auroient l'approbation du Roy : l'un à
cau(è de la modération , l'autre parce qu'il étoit Député de la Pro-
vince de Dauphiné à l'Afi^mblée -, & qu'en refuiànt Bellujon ,
dont le Roy ne vouloit point , il avoit offert d'agréer un homme
qui dependroit de Leldiguieres , comme relevant de luy , & demeu-
rant dans un pais où il avoit tout pouvoir.
Rôni vouloit fuivant fes inftrudions faire confentir les Refor- ^jfem.
mez a ne tenir plus d'Afierablées générales, parce qu'elles don- ^''"£''
noient toujours quelque jaloufie à la Cour. Mais cette propofition
faifoit peur aux Reformez , qui la regardoient comme infpiréc par
leurs ennemis , Se comme un moyen qui tendoit à rompre l'union
qui les avoit maintenus jufqucs-là. Ce ne fut pas afîéz pour les
contenter , que de leur promettre qu'on leur laifix^roit tenir des Col-
loques & des Synodes, pour y traitter des affaires de leur dilcipli-
ne. Il y avoit d'autres affaires d'un auffi grand poids , dont ces AC-
ïèmblées Ecclefiafliques ne prenoient pas connoifiance j qui néan-
moins ne pouvoient être négligées , fans expofèr les Reformez à
une prochaine ruine. De forte qu'il falut aulli leur accorder qu'ils
puflent tenir des Afîemblées Politiques , à condition de rendre
compte au Roy des raifons qui le feroient juger ncccfîàire : & en
ce cas, fileRoy trou voit qu'il y en eût occafion, il promettoit de
pourvoir à leur contentement. Par cet accommodement le Roy
demeuroit le maître > & en accordant fur le champ ce qui auroit
pu domier lieu à une Afièmblée, il pouvoit en faire évanouir le
^ . Tome L Hhh projet;
4,26 HISTOIRE
i6of. projet: & les Reformez d'un autre eèté s*attendoient bien qu'il
naîtroit tous les jours afîèz d'occafions d'en demander la pcrmiflîon.
En efFet ils s'aiTèmblerent encore plufieurs fois fous ce Règne Se
fous le fuivant j jufqu'àceque leur divifion & leur foiblefîè donna
unien lieu à la Cour de leur en oter toute liberté. Mais ce que Rôni leur
JJ^"" accorda fur ce fujet , n'empêcha pas l'Aflemblée de renouveller
rUnion de Mantes, £^ de la jurer de nouveau. La Cour en eut
beaucoup de chagrin ^ &:ony regarda ce ferment comme un pro-
ie/^/- jet de Republique qu'on vouloit former dans l'Etat. Le Roy trou-
pûeres y y^ f^j. jq^jj- mauvais que Lefdiguieres eût figné l'Union ^ après avoir
reçu depuis peu une grâce particulière. On avoit donné à Crequi ,
fon gendre, le commandement des Gardes, pourluy faireoublier
l'entreprife du Comte de Soiflbns , & le voyage de Provence. Mais
quoy qu'il fe piquât fort peu de Religion , il crut trouver mieux ^ts '
furetez pour cette fois dans l'union des Eglifes, que dans la fepa-
ration de Ces intérêts.
nôni ex- Rôni qui n'avoit pu parer ce coup, prit le party de Texcufer,
cH/e ce ^ j^>çj^ exténuer la confequence. It écrivit au Roy que cette union
ferment, ne vcnoit pas de la mauvaife intention des Reformez -, qu'elle ne
leur étoit infpirée que par la crainte qu'on ne cherchât à les détrui-
re, fi on les voyoit defunisj qu'ils ne craindroient rien fi le Roy
étoit immortel , mais que le fouvenir du 24. d'Août 15 72. leur te-
noitaucœurs que la propofition du Duc de Mayenne, de ne leur
donner qu'àtems un Édit de tolérance, les obligeoit de penfer à
l'avenir , d'autant plus que la demande de ce Prince exprimoit la
prétention de prcfque tous les Catholiques, écfur tout de la Cour
de Rome j que c'étoit là le but de leur union, quin'étoit au fond
qu'une chimère dont il fe moquoit ; qu'elle fe detruiroit d'elle-mê-
me > que leurs Places leur étoient plus à charge par leur nombre,
qu'elles n'étoient utiles pour leur fureté. On eût bien voulu néan-
moins que les Reformez n'eufièntpas infifté à demander la conti-
nuation de leur garde au delà des huit ans , que le Roy leur avoit
■Breveti accordcz à Nantes. Mais enfin on confentit qu'ils les retinfienî
fourU encore trois ans: & parce que cela ne les contentoit pas, on y
^^^^^^/^'' ajouta un an> de forte que par un Brevet du premier d'Août , on
me. leur continua la garde de leurs Places pour quatre années, lis ob-
tinrent même fous d'autres termes encore un an , par un autre Bre-
vet du même jour, qui declaroit que les huit ans accordez à N an»
'-- " tes
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 427
tts ne dévoient commencer à courir, que du jour de la vérification i6o<i
de l'Edit dans tous les Parlemens, Dans ces Brevets on ne diftin-
guoit point les Places des particuliers d'avec les autres : & en effet
il auroit été bien mal-aifé d'obtenir que chaque particulier eût con-
fenti au retranchement de la Tienne , en voyant confer ver celle d'un
autre. Mais pour autoriser Rôni , & pour faire croire qu'il tra-
vailloit de bon cœur à la confervation de fes frères, le Roy voulue
qu'il parût que ces grâces ne leur étoient accordées qu'à la follici-
tation.
Ce fut à ce prix , & par quelques penfions promifcs ou refti- v^jfem.
tuées, qu'on acheta la permifîion de s'emparer des Places du Ma- ^i'eiaife
rechal de Bouillon. Les intrigues de Rôni furent plus efficaces , que \Z"pUcêt
les inftances du Maréchal & celles de Tes amis. L' Aflemblée refufa d» Mare.
de s'intcrelïcr pour la confervation de {ts Places. On prit pour ^^^//^^
prétexte que dans quelques Afîèmblées précédentes > où les intri-
gues du Cabinet l'avoient porté à travcrfer les particuliers qui vou-
loient recommander leurs affaires au gênerai , il avoit fermé la
porte par fon exemple à de ièmblables délibérations -, & qu'il ne
devoit pas s'étonner qu'on le traittât aujourdhuy fuivant ics pro-
pres maximes , puis qu'on le luy avoit prédit dans le tems qu'il les
pratiquoit contre les autres. L'effet de cette négociation fut , qu'a-
près l'Afîemblée le Roy s'empara des Places du Maréchal , quoy
qu'elles fuiïènt Places de fureté comme les autres , & que pas un
Reformé ne branla pour les défendre. Le Maréchal fit de fon
coté un coup d'habile homme , en donnant ordre à {es gens de
les rendre au Roy , fans attendre d'y être forcez : foit qu'il crût
que l'innocence dont il fe vantoit ne pcrmettoit pas qu'il prit les
armes contre fon Souverain -, foit que voyant bien qu'il n'étoit pas
aflez fort pour fe maintenir contre des forces Royales, il voulût
empêcher le degdt & la ruine de fès Places , qu'il efperoit fe faire
rendre par un accommodement.
Outre tous ces avantages , Rôni obtint encore que l'Afîemblée Autra
ne fit point d'in (tance pour faire remettre l'Edit dans fa première ^J/''^^'
étendue : de forte que pour cette fois le Roy ne fut pas importu- Rôni ob-
né d'une propofition , dont les Reformez ne defillerent enfin JI^V^*,
qu'après la ruine de leurs affaires fous le règne de fon fils. On ne bUt,
remua point auffi la matière de l'Antechrill: , parce que les Aflém-
blées Politiques laiflbient aux Synodes les affaires de la doctrine.
Hhh 2 La
428 H I S T O I R E
1605. La grande machine que Rôni fit jouer pour gagner lesefprits, ou-
tre les gratifications & les promefTes , fut celle des grands defîèins>
du Roy, où les Princes Proteftans entroient fous de certaines con-
ditions, dont l'une étoit la confervation de la Religion Proteftan-
te, &de la Reformée. Il n'en faloit pas davantage pour éblouir
des. gens , qui croyoient que tout ce qui leur étoit promis s'ac-
çompliroit d'auffi bonne foy., qu'ils le defiroient de bon cœur.
■»> Les Efpagnols à leur ordinaire faifoient beaucoup de bruit à
Rome , de ce que le Roy avoit continué pour quatre ans aux Re-
formez la garde des Places de fiireté : & il fe trouvoit même plu-
fieurs des Ipeculatifs de cette Cour, qui crioient que le Roy au-
roit dû les reprendre à force ouverte , au hafard même de renou-
veller les guerres civiles. Mais le Pape craignoit la Ligue , où le Ma-
réchal de Bouillon vouloit faire entrer tous les Reformez de l'Eu-,
rope, (bus le Roy d'Angleterre, de qui les inclinations trop Ca-
tholiques n'étoient pas encore bien connues. Il luy fèmbloit que
la Religion Romaine auroit été en danger de fuccomber à cette
puiflante Union , fi on avoit donné lieu aux Proteftans d'armcc
pendant la chaleur de leur premier zèle, avant qu'on eût formé
jentre les Etats Catholiques une Ligue aflez forte pour leur rc-
fificr. D'ailleurs la guerre ne pouvoit fervir qu'à lier plus étroite-
ment les Reformez de France avec les Puifiânces étrangères, de
qui ils avoient befoin pour leur confervation : au lieu que pendant
la paix & avec le tems , il étoit inévitable que leur ardeur ne vint à
fè rcft-oidir , qu'on ne vit leurs Chefs mourir ou (è diviicr , que leur
difcipiine ne fe relâchât, qu'ils ne perdiiTent leurs liaifons & leurs
intelligences. De forte que le Pape fut fort content de la pruden-
ce du Roy , & trouva fort bon qu'il eût donné aux Reformez en-
pIT//? ^^^^ P^"^ quatre ans la garde de toutes leurs Places. Ainfi la dc-
jortlon- putation de Rôni à Châtelleraud fut fort utile au Roy : mais en mê-
*'^- me tems fa négociation fut fi agréable à Rome, que du Perron,
qui y étoit alors luy écrivit y pour le féliciter du fuccés de cette com-
mifiion , & pour luy témoigner le contentement que le Pape en
avoit reçu.
C'éroit une ambition aflez finguliere que celle de Rôni. Quoy
qu'il fit profeffion d'être Reformé, il s'étudioit fort à gagner les
bonnes grâces du Pape. Il fe faifoit honneur d'avoir plus d'amis à
Rome,. &d'y recevoir plus d'applaudifièment que parmi ceux de
"• ia
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 42P
fà Religion: &il ne trouvoit point fa confciencc chargée, que la i<îof:
Cour de Rome fût plus contente que fçs frères , de la manière dont
il menageoit leurs libertez & leurs furetez. Cependant les Depu- Def>Mtix,
tez de TAffemblée fe rendirent à la Cour, où ils furent fort bien '^' ^'if'
reçiKS , &: où on ne leur épargna ni les belles paroles , ni les carcfTes. (^Tr/.!
La principale raifon de ce bon accueil futTafllirance fecrettc qu'ils * '*
portoient, que les Reformez ne prendroicnt pas les armes pour Ic^'"''
Maréchal de Bouillon 5 & qu'ils n'empêcheroient point que le Roy
ne fe rendît maître de fesPlaces, &n'en difpofât comme de villes
prifes dans une jufte guerre. D'ailleurs ces honnétetez retour-
noient à l'avantage de Rôni , de qui les négociations avoient été fi
heureufes : & le Roy ne pouvoit faire mieux connoître que par ces
marques de bienveillance , combien il étoit content des complai-
fànces que l'AfTemblée avoit eues pour ce Favori.
Le Clergé s'aflembla cette année aufli bien que les Reformez j & ^j,^
il ne fe (èpara que l'année (uivante. Le lieu de l'AfTemblée ^ut^^^'^^
Paris, où Villars Archevêque de Vienne, qui harangua le Roy,.^^*'^-"
remplit fbn di(cours d'allufions qui regardoient les Reformez.
Mais il fe plaignit fur tout en termes fort pitoyables de l'état où la-
Religion Cadiolique étoit réduite y & il ne tint pas à luy qu'il ne
perluadât qu'elle gemifîbit dans une grande oppreilion. C'efl: le
ftile ordinaire de ces harangues: on y parle toujours le même lan-
gage-, & on a vu le Clergé dans le plus grand lullrc où il ait paru-
depuis cinq cens ans, faire des plaintes aufll ameresque fi i'Eglife
Romaine avoit été dans la dernière defblation. Les plaintes de
^Archevêque fereduifoient néanmoins à demander la publication
du Concile de Trente, le retabliflèment des élections, & l'aboli-
tion des penfions laïques &des confidences. Il accufàdeplus les
Reformez de plufieurs contraventions à TEdit de Nantes, &de
plufieurs fcandal es commis contre la Religion Catholique. Entre
autres il les accufbit d'avoir profané quelques Egliiès ; & de ce qu'à
Milhau on avoit foulé aux pieds le Sacrement que les Catholiques
adcwent. Le Roy repondit d'une manière qui fut prifediverfement:
les uns ayant trouvé la reponfe favorable, & les autres defbbli-
geante. Mais fur le fujet des excès qu'on reprochoit aux Refor-
mez , il parla en Prince qui n'étoit pas perfuadé que ces faits fuf-
fènt véritables. Il en demanda des preuves , & à cette condition il
promit d'en feire juftice. Le Clergé eut oecaiion de rcnouveller
^A Hhh 3 CCS.
430 HISTOIRE
i6oK. ces plaintes fous le Règne fuivant, & enfin il fevangea fur tout lé
party ci*un outrage prétendu , dont le refîentiment ne devoit tom-
ber tout au plus que fur ceux qui en auroient été coupables.
1606, C)n reconnoiîîbit alors de bonne foy que TEdit donnoit la li-
berté de confcience à tous les François , foit qu'ils fuflènt EcclefiaC-
tiques ou Laïques. Ceft pourquoy on voyoit fouvent des Moines
ou des Prêtres qui embralîbient la Religion Reformée. Ces con-
vcrfions étoient autant de mortifications pour le Clergé , qui regar-
doit comme une infulte la coutume de quelques Egliles des Provin-
ces méridionales , où on gardoit dans la chambre du Confiftoire
les habits de ces Profelites , comme des trophées dreflez des de-
Artijice pouillcs de laRcligiou Romaine à l'honneur de la Reformée. Le
f.ntr em- dergé n'ofant pas demander qu'on empêchât ces converfions , par-
^EcciefJf- ce que la loy qui les autorife étoit trop nouvelle , pour être fi-tôt
titiues de violée datts un point de cette importance, s'avifa d'un expédient
^/rS- qui pouvoit avoir le même effet qu'une defenfe formelle. Il em-
gm. ploya dans fes Cahiers un article , où fuppofant que les Ecclefiaf.
tiques ne pouvoient fe ranger au party des Reformez > que pour
éviter la punition canonique de leurs crimes & de leurs deregle-
mens, il demandoit qu'il luy fût permis de leur faire leur procès,
avant qu'ils pufîènt faire profeilion de la Religion Reformée. C'é-
toit là le moyen infaillible d'empêcher les Ecclefiaftiques de chan-
ger, puis qu'il n'auroitpas été mal-aifé de former une accufation
vraye ou fauile contre une perfonne fufpede i après quoy on au-
roit pu ou luy faire changer d'avis par des menaces & des traitte-
mens rigoureux, ou le laifer par de longues prifons , ou s'il avoit
fallu enhn le relâcher , le couvrir de condamnations infamantes ,
qui auroient ruiné tout le fruit que les Reformez efperoient de
fèmblables converlions. Cet article fut accordé au Clergé, qui
s'en eft prévalu quelquefois , quand il a pu mettre la main fur ceux
qu'il ne croyoit pas fermes dans la doctrine Catholique. Mais il
n'en a jamais tiré tout l'avantage qu'il s'étoit promis , parce que
ceux qui vouloient quitter la Religion Romaine, trou voient pres-
que toujours le moyen d'échaper aux fureurs de ces impitoyables
Juges.
^dit en Le Clergé obtint néanmoins plufieurs reglemens favorables 5;
^dTcUr ^^^^ ^" compofa un Edit qui fut long-tems à drefîèr , & encore:
gé, plus long-tcms à vérifier. Ce qui regardoit la Religion étoit > que
les
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 431
les Reformez ne pourroient avoir leurs fcpultures dans lesEglifes, 1^06.
ni dans les Monafteres , ni dans les cimetières des Catholiques,
fous prétexte même de fondation ou de patronac^e : qu'on ne bâ-
tiroit point de Temple fi près des Eglifes, que les Ecclcllafliques
faifant le Service en reçuflènt de l'empêchement ou du fcandale:
que les Regens , Précepteurs ou Maîtres d'Ecole des villages fe-
roient approuvez par les Curez , fans préjudicier à l'Edit de
Nantes.
Rôni vie cette année. fesfervices recompenfez par la dignité de RôniDuc
Duc & Pair -, & c'étoit pour empêcher que le Pape n'en murmurât, ^ ^"'"^
qu'il avoir fait tant de démarches pour perfuader à Rome , qu'il cl. ^'^'"'"
n'étoit pas fort entêté de la Religion Reformée. Le Maréchal de te Mare.
Bouillon fit aufli fa paix , lors que le Roy s'avançoit pour mettre ^'^^^ 'i*
le licge devant Sedan. Sulli, ce fut le nom que Rôni prit après fa r^^'^rj*
nouvelle "dignité, avoit puiflamment poulie à ce liege, &fait de/^a-.
grands préparatifs pour prendre la Place. Mais la loumillion du
Maréchal rompit les mefures de cet envieux. Il remit le château
de Sedan au Roy, qui devoit le luy rendre au bout de quatre ans :
mais le Roy ne s'en empara que pour la cérémonie > & il le ren-
dit au Maréchal, prelque auili-tôt que le Maréchal le luy eut re-
mis. Cette reconciliation fe traitta fans la participation du Duc de
Sulh, qui en fut fort mortifié: foit que le Roy eùtaffc6lé dcluy
en cacher le deflein , de peur qu'il ne le traveriâtj foit queVillc-
roi qui en avoit la conduite , eût voulu que le Maréchal n'en fût
obligé qu'à luy. Sulli au moins fe plaignoit , que Villeroi luy avoit
envoyé par un détour afFeâ:é la lettre du Roy, qui le convioit à
prendre part à ceTraitté : de forte qu'il n'en apprit le projet qu'a-
près la conclufion. Au fond le Maréchal étoit necefîaire au Roy
pour fes deficins, à caufe du crédit qu'il avoit chez les Proteilans
étrangers, qui avoient en luy une entière confiance, & de qui le
Roy vouloir conferver l'amitié à quelque prix que ce fût. C'cll
pourquoy on vit le Maréchal, dès le lendemain de fa reconcilia-t
tion , aulli avant dans la confidence & dans la familiarité avec Iç
Roy, qu'il y eût jamais été.
Cependant on continuoit de faire exécuter l'Edit où il étoit ne^ Trainc
ceflaire. Les Cemmiflaires avoient retabh la Méfie à la Rochellcj RocheUk *
mais il y avoit fi long-tems que ce culte y étoit interrompu , que ^» /«-
le peuple en étoit tout defaccoutumé , & que fon renouvellement c"îL/»"
■ >l reçut 5«fj.
432 H I S T O I R. «E
1606. reçut de grandes rraverfcs. Les Eccleilaftiques s'adreflerent au
Roy, pour fe taire donner déplus grandes liberrez : mais on n'o-
ia repondre leurs Cahiers , ni favorablement, de peur de caufcr
quelque émotion à la Rochelle -, ni durement , de peur que les Ec-
clefiaftiques ne fufîènt privez par là de l'efperance d'y revenir.
On mit la chofc en arbitrage , & Sulli en fut le médiateur. Les
Rocheloisavoient quelque confiance en luy, peut-être parce qu'il
y en avoit parmi eux qui recevoient des penlions. Il avoit paru
des effets de cette confiance dans l'affaire de la Tancarte. Les de-
mandes des Ecclefiaftiques étoient réduites à iix articles. Sulli les
fit defifter des deux premiers , qui rcgardoient leurs mailbns 6c
leurs revenus. Il leur fit accorder fur le troificme la liberté de
vifiter les malades dans les Hôpitaux , & les criminels & autres
dans les prifons , & de leur adminiflrer la ConfefTion & la Com-
munion , à condition de le faire fecretrement & fans pompe : mais
il fit refbudre les Ecclefiaftiques à n'accompagner point les crimi-
nels au fupplicc. Sur le quatrième , il fut d'avis que IcsEcclefiaA
tiques afllftafient aux enterremens, pourveu que ce ne fût pas en
forme de Procelfion , & portant la Croix haute : mais aufii qu'on
leur permît de porter l'habit Clérical dans les rués, &: qu'on em-
pêchât le peuple de leur faire infulte, & de leur dire éç.s injures.
Il confeillafurle cinquième, que les Catholiques ne pretendiilent
aux Charges que quand ils y feroient appeliez par la voye ordi-
naire des fufrrages : mais aufli qu'on ne fit nulle difficulté de les
recevoir aux arts & métiers , & qu'on ne chafîk point de la ville
les Compagnons CathoHques, de peur que les Catholiques n'en
fifîent autant à la pareille, dans les lieux où ils étoient les plus
forts. Sur le fixiéme , par lequel les Catholiques demandoient un
lieu d'exercice , prétendant que les Commiflâires leur en avoienc
defigné un , il fut d'avis qu'on leur permît d'y bâtir une Eglife ,
pourveu que le li-eu ne fût point fufpedt ni incommode: qu'en ce
cas il falloit tâcher de leur en faire accepter un autre ; qu'à leur
refus, il falloit prefenter Requête au Roy pour obtenir un règle-
ment, & s'abftenir desvoyes de fait. Ces avis, qui avoient été
concertez avec le Roy & les Catholiques , & qui fervirent à peu
près de loy jufqu'au renouvellement des troubles , font voir que
la grande maxime obfervée dans l'exécution de l'Edit , étoit de
iaifîèr les chofes dans l'état où TEdit les avoit trouvées > & de
con-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 453
confêrver à la Religion Reformée le privilège de dominante , dans 1606.
les lieux où elle en jouiflbit au tems de TEdit : comme la Religion
Romaine y étoit maintenue > à l'égard des lieux oii elle n*en avoit
pas été depofîèdée.
Il fembloit que la reconciliation du Roy avec le Pape, & tout Prêtres
ce qu'il avoit fait depuis pour perfuadcr qu'il étoit iinceremcnt ^".' .'"
Catholique, dévoie avoir levé tous les fcrupules des bigots, &ra-/>«f Dieu
mené tous les efprits à leur devoir. Cependant il y avoit encore l""^ ^«
des Ecclcfiaftiques fi mal intentionnez pour luy, qu'ils ne faifbient ''^'
pas encore de prières pour fa perfonne dans le Service public. Il
y avoit même plufieurs Eglifes dans le relTort du Parlement de
Thouloufc, qui fe (èrvoient de MiiTels où cette prière étoit omife :
& ces Miflels avoient eu tant de cours qu'il s'en étoit débité trois
éditions pendant les guerres, une de Lion, une de Paris, Se une
de Bourdeaux. Le Parlement de Thouloufe fut obligé d'y remé-
dier cette année, par un Arrêt qu'il rendit au mois de Juin. Ilde-
fendoit l'ufage de ces Miflels , & il ordonnoît aux Prêtres de faire
mention du Roy dans les prières de la Mefl^.
Mais une affaire de bien plus grand éclat donna de quoy par- conj^ir*.
1er à toute forte de gens. Les Jefuites avoient depuis quelque ''""''"
tems brouillé toute l'Europe par leurs intrigues j & ils avoient fait
jouer de iànglantes Tragédies en Suéde, enMofcovie, en Polo-
gne, enPrufle, en Hongrie. Mais ce qu'ils avoient préparé pour
l'Angleterre étoit bien plus digne d'eux, lî le fuccés avoit repon-
du à leur efperancc. Ils avoient entrepris de faire fauter le Roy &
le Parlement par des poudres, qu'ils avoient cachées fous la falle
où il s'aflembloit > & on y devoit mettre le feu à point nommé,
lors que le Roy s'y trouveroit. La confpiration fut découverte fur
le point de l'exécution, & quelques Jefuïres qui y trempoient fu-
rent punis , comme convaincus de haute trahifon : ce qui n'empê-
cha pas ^pur Ordre de les compter entre fes Martyrs. Les com-
plaifances du Roy pour la Cour de Rome n'empêchèrent pas qu'on
ne format contre luy cette horrible conjuration. Quoy qu'il fe fit
un honneur de perfuadcr à Rome qu'il n'étoit pas éloigne des fen-
timens Catholiques j qu'il le témoignât par fes difcours publics &
particuliers , qu'il y eut une efpece de négociation fecrette entre
le Pape & luy touchant laRehgion, dont Henri I V^ étoit le mé-
diateur, la Cour de Rome ne fe iioitpas à luy : foit qu'elle n'eût
Tome L lii pas
terre.
454 HISTOIRE
i(5od. P^s bonne opinion de (à fermeté , foit qu'elle crût que (à com-
plaifance n'étoit qu*un effet de Politique, pour obliger les Catho-
liques de fes Royaumes à demeurer paifi blés, par Telperance d*u-
serment "^ meilleure condition. Il acheva d'y ruiner là réputation par le
txiii des ferment qu'il voulut faire prêter aux Catholiques , où il leur fai-
?««' ^^^^ reconnoître qu'ils ne dependoient de nulle puifîànce étrange-
^Angh- re 3 S: qu'il étoit Souverain dans fes Etats , même dans les chofès
Ecclefiaftiques. Ce ferment fut l'entretien de l'Europe durant
pliificurs années j & fcrvit à mettre la divifion entre les Catholi-
ques d'Angleterre, dont les uns le foutenoient légitime, & les au-
tres contraire à leur confcience. Le Pape appuyoit ces derniers 5
& c'étoit aufli le party des Jefuïtcs. Niais il y avoit à^s Prêtres
Anglois qui n'en vouloient croire ni lesJefuïtesnilePape, &qui
exhortoienr les Catholiques à prêter ce ferment fans fcrupule. Le
Roy écrivit luy-mêmc en faveur de fon ferment, & fon livre eut
le fuccésque j'ay dit ailleurs.
En France les Jefuïtes faifbient leurs affaires avec une merveil-
leufe facilité : & quoy qu'il y eût bien des lieux où les villes refu-
foient dé confentir à leur établiflèment, ils nelailîbient pas d'ob-
tenir tous les jours de nouvelles grâces. Ils ne purent néanmoins
empêcher que le Roy n'accordât cette année un pafledroit aux
Reformez. Par leTraitté delà réduction de Paris, on ne pou-
voir leur accorder l'exercice de leur Religion qu'à la diftance de
cinq lieues. On l'avoir mis à Ablon, un peu plus près que cet ar-
ticle ne le portoit. Mais l'éloignement étoit encore fi grand, qu'il
étoit impoiîible, fur tout en Hiver, d'aller & de revenir en un
jour. Cela caufoit de grandes incommoditcz à ceux qui avoient
des enfans à bâtifer , parce que les Reformez obfervoient alors
d'une manière fort rigoureule de n'adminiflre/ le Batême que dans
leurs Afîêmblées. On difoit qu'il éroit mort plufieurs enfans en
chemin , qui auroient pu être batiîcz fi le lieu de l'exercice avoit
été moins éloigné: railbnqui pouvoir toucher les Catholiques , à
caufe de l'opinion qu'ils ont fur la neceffité du Batême. De plus
îes étrangers , & les Seigneurs de la Cour fe plaignoient, qu'il leur
étoit impoiîible de rendre leurs devoirs à Dieu & au Roy dans un
même jour, à caufe de cette grande diftance où ils étoient obli-»
gez d'aller faire leurs dévotions : ce qui paroiffoit alors plus incom-
mode que jamais , parce que la mort de la Ducheffe de Bar leur avoit
ôté
our
DE L^EDIT DE NANTES, Liv. IX. 435
ôté ravanrage d'avoir l'exercice à la Cour , qu'ils avoient eu pendant ^ ^^^
ù. vie. Les Reformez demandèrent donc un lieu plus près , pour re- Exercice
mcdier à ces inconveniens : & parce que le Roy vouloit bien les fa- f'?"" *
vorifer , de deux lieux qu'ils deiignerent on leur en accorda un^tonlZ'
qui fut le village de Charenton , près, de l'Abbaye de Sc.Maur, à^'^^'f'
deux,petitci> licuës de Paris. Ils obtinrent fur ce fujet des Lettres p^'^'Jj.'
Patentes en datte du premier d'Août -, en vertu defquelles on les
en mit en poiTeiîion peu de Jours après. Le Roy retint par les
mêmes Lettres la connoillance de toutes les opporitions& les ap-.
pcllations qu'on pourroit former fur ce fujct , ce défendit au Par-
lement & à tous autres Juges de s'en mcler.
Cette, affaire ne paiîà pas fans difficulté: mais il n'y en eut
point de la part de ceux qui pouyoient faire la plus redoutable j fa-
voirlesParifiens, qui pouvoient prétendre que cette grâce violoit
l'Edit de leur réduction. Cefut le Seigncurde Charenton qui s'y Aquoyit
oppofaj fe fondant fur l'article de TEdit, qui defendoit d'établir ^'''^"^«»'
Texercice des Reformez dans les fiefs des Catholiques , contre Ic's'cppo/t
gré des Seigneurs : mais, ces oppolitions furent éludées en les évo-«» •^-"'^
quant au Confeil. Néanmoins les fuccefleurs de ce Seigneuries
ont renouvellées de teras en tems , comme s'ils eufîènteuun grand
intérêt d'empêcher que leur fief n'en valût davantage ; le village
qui de luy-même étoit un des plus miferables du Royaume, étant
devenu un des plus confiderablcs& des plus riches, parTuicroya-
ble débit de toutes chofès qui s'y faifoit tous les Dimanches. Mais
malgré ces oppofitions , l'exercice a été continué dans le même lieu
jufqu'à la revocation de l'Edit. La populace de Paris fut plus dif-sedithn
ficile à reprimer que les tentatives du Seigneur. Elle excita, peu'* ^''*''"'
après ce nouvel établiflèmcnt , une violente fedition à la porte de
St. Antoine, quieft la plus proche de Charenton, contre les Re-
formezqui revenoientde leurs exercices. La Juftice quis'y trans-
porta n'eut pas l'autorité d'y remédier: &1I feroit arrivé quelque
chofe de plus fâcheux , fi le Roy hc fût revenu exprès de Fontai-
nebleau à Paris pour y donner ordre. Sa prefence remit la paix
& l'union dans la ville, ScalTûra aux Reformez la poflêiîion de la
grâce qu'il leur avoit faite.
Environ le même tems, le Roy repondit favorablement les Ca-
hiers que les Députez Généraux luy prefenterent -, & qui étoient
fort amples & fort importans. Les plus confiderables articles de-.
lii 2 man-
436 HISTOIRE
1^06. mandoient qu'on fie lever les modifications del'Edit, faites par dw
verfes Cours & JurifdiéVions : qu'on le fit enregîtrer avec les Articles
. particuliers aux lieux où ils ne Ta voient pas encore été : qu'on
obligeât les Commifîaires déjà nommez à exécuter l'Edit en
Bourgogne, en Dauphiné, &en d'autres lieux où ils nel'avoient
pas fait: qu'on pourvût aux frais de leurs voyages , pour leur ôter
le prétexte de leur retardement : qu'on n'exemtât point les Sei-
gneuries Eccleliaftiques des premiers lieux de Bailliage: qu'on ôtât la
rcftridiondu fécond, qui avoit été ajoutée après la première expé-
dition de l'Editj & qu'on ne comprit point les terres quiapparte-
noient aux Ordres de Chevalerie, fous le nom de Seigneuries Ec-
clefiaftiques : que les pauvres fuflent reçus aux Hôpitaux , Se aux
aumônes publiques à proportion du nombre des habitans, &
qu'on ne les moleftât point pour la Religion ; ou qu'autrement
les Reformez 5 habitans des lieux oùonferoit des collectes généra-
les , ne fuflènt pas obhgez d'y contribuer : que dans les lieux où on
n'avoitpas voulu donner de cimetières aux Reformez, il leur fut
permis d'enterrer leurs morts dans les cimetières anciens, & qu'il
fût défendu aux Eccefiafliques de les y troubler , ou de déterrer les
corps, comme on accufoit TOfficial d'Angers , l'Evcque d'Alby,
& le Cardinal de Sourdis de l'avoir fait, à l'égard de corps enterrez il
y avoit iix ou même dix-huit ans : qu'on arrêtât les l'éditions qui
s'excitoient en pluficurs lieux contre les Reformez -, ou quand ils
revenoient de leurs exercices, ou quand ils tcnoient leurs Collo*
ques & leurs Synodes j & qu'on défendit aux Officiers de préten-
dre feance en cette qualité dans leurs Aflemblées , comme ils l'a-
voient prétendu en plufleurs Provinces : qu'il fût permis aux Mi-
niftres de vifiter les malades , & ceux qui étoient condamnez à mort ,
& défendu aux Prêtres & aux autres Catholiques de les divertir de
leur créance : qu'on les exemtât de contribuer aux Confrairies , fon-
tes de cloches , réparations d'Eglifes & chofes fembîables , confor-
mément au deuxième article des particuliers , que les contraintes
ordonnées par les Juges, & la précipitation des Syndics rendoient
inutile -, forçant même les Reformez de contribuer à de certaines
collectes qu'on faifbit pour les Capucins , pour les Jefuites , &. pour
d'autres Ecclefiaftiques -, fur quoy on fupplioit que quand le Roy
permettroit de telles levées de deniers , il fit mettre dans lespro-
vilions une clauiè exprefle , qui déclarât les Reformez exemts de ces
tir
DE UEDIT DE NANTES, Liv. IX. 437
taxes, & qui attribuât aux Chambres de TEdit la connoiflance des 160^.
contraventions : qu*on fit jouir paifiblement les Reformez des
Charges dont ils éroient pourvus % furquoyon alleguoit plufieurs
exemples des empêchemens qu'on leur avoit formez : qu'on les
reçût même aux états de Receveurs des Décimes: quelesfixCon-
feillers Reformiez, ou du moins trois, fervifîent ordinairement à
Paris dans la Chambre de PEdit, afin qu'il y eût aflez de gens pour
veiller à l'o bferv^ation des Edits, Ôcque même en cas d'abfenceou
de recufation, il demeurât toujours quelqu'un qui pût y prendre
garde : que les Parlemens ne puflènt juger les affaires des Refor-
mez , que quand ils y auroient procédé volontairement •-, 8z que les
Confeillers Reformez, qui feroient accufez de malverfation dans
leurs Charges , ne fuflènt convenus que devant les Chambres dont
ils feroient membres: qu'on n'accordât d'évocations des Cham-
bres que pour de juftes caufeSj qu'en ce cas la Chambre voi-
lîne jugeât félon les formahtez, ufages & coutumes des lieux où
les inilances étoient pendantes, fans obliger les parties d'y aller en
pcrfbnne , finon aux frais de ceux qui Pauroient demandé : que
les Greffiers des Parlemens de Bourgogne , Provence & autres
fuflènt obligez d'envoyer aux Greffes des Chambres, où les affai-
res des Reformez de leur refibrt étoient commifes, l'original des
informations criminelles dont ils feroient faifis, parce qu'en plu-
fieurs cas les extraits ne pouvoient fuffire : qu'on n'obligeât point
les Reformez à venir en perfonne demander leur renvoy -, m à fc
rendre prifonniers y lauf à le faire aux Chambres où le renvoy fe-
roit demandé. Il y en avoit plufieurs autres ou refufez, ou non
repondus, ou de moindre confequence. 1^
Mais fur tous ceux-cyles reponlès furent aufii favorables & auf^ <^Rr.'
fi juftes qu'on pouvoit l'attendre d'un Prince équitable, &: affedion- y^ondus
né au repos de fes fujets. Le Roy ordonna que toutes les mo- ^Umm, '
difications de TEdit fufiîent levées : qu'on en fit l'enregîtrement
dans les lieux où il n'étoit pas encore fait : que les Baiiiifs & Sé-
néchaux , ou leurs Lieutenans executaiîènt l'Edita la première re-
quifition, &prifîent un Ajoint Catholique ou Reformé, félon la
Religion dont ils feroient eux-mêmes : que les Reformez con-
tinuafi^ent l'exercice où ils le dévoient avoir par l'Edit de 1577-
danslesheux appartenans aux Ecclcfiaftiques ; mais quclcs terres
de l'Ordre de Malthe eulïènt le même privilège, pour les cxcrci-
lii 3 ces
43 s H I^mS) T. O fi R E
1606. ces accordez par le nouvel Edit, que les autres terres du Clergé : que
les pauvres participalîènt inditfercmment aux Hopitauxôc aux au-
mônes : qu'on pourvût les Reformez de lieux pour leurs fepul-
tures, & qu'on ne fit nulle recherche contre eux pour les cnter-
remens faits jufqucs là dans les cimetières des Catholiques : que
les Oiiiciers de fa Majefté empêchafTent les émotions populaires,
Se les injures de parole & de fait: qu'il leur fût défendu detrou-
bler les Refor-mez dans leurs Colloques & dans leurs Synodes, &
d'y prétendre feancci que les Reformez aufli n'y admifient que
des Minières & des Anciens , & n'y traittalïent que des affaires de
Difcipîine , fauf à tenir d'autres Afîcmblées par permiiTion du
Roy , pour nommer des Députez Généraux qui relidcroient au-.
près de luyj que le quatrième des particuliers, touchant la liberté
d'affilier les malades & les condamnez , fûtobfèrvé: qu'on obfer-
vât de même le deuxième , qui exemte des contributions aux Con-
frairies : que la claufe d'exemption fûtmife en faveur des Refor-
mez dans les Lettres que le Roy accorderoit, pour faire des collec-
tes applicables aux ufages de l'Eglife Romaine ; & que les con-
traventions ne fuflent jugées qu'aux Chambres deTEdit ou Mipar-
ties : que fuivant le vingt-feptiéme article de l'Edit , on fie cefler
tous les empêchemens donnez aux Reformez qui auroient été
pourvus de quelques Charges 5 qu'on ne changeât rien à l'ordre
établi pour la Chambre de l'Edit de Paris j mais qu'en cas de maladie,
de recufation , ou d'abfence de celuy qui devoit fcrvir dans la Cham-
bre , le plus ancien des cinq autres fervit en la place , pendant que ces
caufes auroient lieu: que les Arrêts des Parlemens ne fuiîènt exécutez
; m que contre ceux qui y auroient procédé volontairement j & que les
^[^ Officiers Reformez qui feroient accufez de malverfation , ne fuflent
convenus pour cela qu'aux Chambres de l'Edit : qu'on n'accor-
dât point d'évocations au préjudice de l'Edit : que les Greffiers
laifis d'informations contre les Reformez, envoyafl^nt les origi^
naux aux Chambres, fi ce n'eft qu'il y eût des Catholiques coupables
du mêmecrin^e, ouintereflez dans Tes dépendances , & déjà pre-
veaus par des Juges Catholiques ,qui auroient ordonné la remife des
informations en leurs Greffes > auquel cas on en remettroit feulement
aux Greffes des Chambres les extraits ou les copies : qu'enfin
^. Ips Reformez fufi^ènt reçus à demander aux Parlemens leur ren-
voy par Procureur , fans être obligez d'y comparoitrc en perfonne.
Dès
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 435)
Dès le commencement de l'année fuivante , les Jefuites entrepri- 1 ^o j,
rentunechofe, qui en d'autres qu'eux auroit été jugée digne d'une ^nmpri^
fevere punition: & qui comme elle fait voir qu'ils ne craignoient-(*-j'"^'^
rien, montre afîez clairement qu'ils avoient trouvé le fecret de Ç^gunan
faire craindre. Seguiran , un des plus hardis de leur Ordre , appuyé ^^'"' K''
delà Varenne leur prote£beur, obtint de deux Secrétaires d'Etat yKochtUt^
fans le demander au Roy , des lettres en fon nom à ceux de la Ro-
chelle , avec commandement de le laifler prêcher dans leur ville.
Le Jefuïte fe prefenta aux portes j dit hardiment fon nom, fàpro-
fefïïon, fon dcfïèin, &le pouvoir qu'il pretendoit avoir du Roy.
Les Rochelois luy refuferent l'entrée de leur ville, & luy repondi-
rent qu'ils favoient bien que Jésus n'avoitpoint de compagnons,
' ni luy de lettres du Roy. Le Jefuïte fit grand bruit de ce refus :
& le Roy , par Politique , pour ne decrediter point les lettres
contrefignées par les Secrétaires d'Etat , ou pour n'ofFenfer pas une
Société li entreprenante , en parut aufll fort irrité. Il donna d'autres
lettres à Seguiran , &: obligea la Rochelle à le recevoir pour la
forme j après quoy il eut ordre de revenir tout doucement. Pen-
dant même que le Roy feignoit d'être en colère , il difoit à l'oreille
de fes confidens que les Rochelois n'avoicnt pas tort. Niais il J Monif^
avoit même des Catholiques , qui ne traittoient les Jelliites gueres * '^^«^'^
plus favorablement que les Rochelois avoient fait. Poitiers ney^^ttlf'
vouloit pas leur permettre d*établir un Collège dans fon fein ; 6c"
l'Evêque étoit le plus redoutable des oppoians. Le Jefuïte Cot-
ton voulut s'en prendre au Duc de Suîli , & faire croire au Roy
que c'étoit luy qui les empêchoit d'être reçus dans cette ville
importante î l'accufant d'avoir écrit contre eux des lettres à l'Eve-
que. Ce Prélat, qui n*étoit pas leur ami, rendit témoignage du
contraire i & pour convaincre plus aifément lejefuïte de calomnie,.
il renvoya au Roy les lettres que Sulli luy avoit écrites furie fujec
de cet établiflement. Ceux qui ont écrit la vie du Jefuïte Cot-^^
ton, ou plutôt le Roman qu'ils ont intitulé fa vie, ont fait men-
tion de l'accufàtion de Sulli par ce Jefuïte: mais ils ont trouvé à-
propos de taire le démenti que l'Evèque luy en donna. Aurefte
rien ne peut faire mieux connoître quelle eftime les Catholiques
même, qui avoient le cœur François, faifoient de la probité de
ctîtQ fede , que ce qui fe pafîa entre quelques Jefuïtes , & un Cha-
Boiiifi de Nôtre-I>ame de Paiis. Les Jefuïtes pour honorer leur.
4-4-0 HISTOIRE
1^07. EgUfe de la Flèche, follicitoient inftamment le Roy de leur ac-
corder fon cœur , pour Ty mettre après fa mort. Le Chapitre de
Nôtre-Dame pretendoit que c'étoit un ancien privilège de cette
Eglifc , que d'avoir le coeur des Rois en dépôt : de forte que la pré-
tention des Jefuïtes trouva de grandes oppofitions dans ces Cha-
noines , qui ne vouloient pas leur céder un avantage fi confide-
rable. Pendant les conteftations , un des Chanoines piqué de
l'audace des Jefuïtes leur demanda cruellement, en faifant aîlu-
fion au nom de la ville , pour laquelle ils briguoient cet honneur ,
lequel des deux ils defiroient le plus ardemment , ou de mettre le
Cœur du Roy dans la Flèche, ou de mettre la flèche dans le cœur
du Roy. Il leur arriv^oit fouvent de pareilles mortifications : mais
le fiiccés de tous leurs defi^ins les confoloit de toutes chofes -, & ils
meprifoient tout le monde, parce qu'ils avoient à leur dévotion les
plus autorifez du Confeil , & que le Roy les craignoit.
Cahier Au mois de Février le Roy repondit le Cahier particulier de la
maa7i'e. Ptovince de Normandie. Les Refi^rmez s'y plaignoient de plu-
fieurs chofes où on leur faifoit de la peine , fans avoir égard aux re-
glemens déjà faits en leur faveur. Ils remontroient particulière-
ment que par abfence , recufationou maladie du Confeiller Refor-
mé, qui fervoit à la Chambre de l'Edit , il arrivoit que fbuvent
dans le jugement des procès il ne fe trouvoit point de Reformé :
fur quoy ils demandoient que l*un des deux autres pût prendre la
place de Tabfènt. Ils fe plaignoient des évocations que le Conleil
accordoit , à des gens qui les forçoient d'aller plaider dans des Par-
lemens fufpedbs : que les Seigneurs dans le fief de qui leurs lieux
d'exercice leur avoient été donnez , les troubloient dans la poflèf-
fion de ces places , pour lé faire donner par les Communautez
homme vivant , mourant & confîfquant ; & ils demandoient d'en
être quittes par un dédommagement une fois payé : qu'à Rouen
aux Fêtes folennelles on ne leur ouvroit que le guichet des portes de
la ville -y ce qui leur ôtoit la Uberté de leurs exercices : qu'on leur
donnoit des places fort incommodes pour leurs lepultures; les Ju-
ges ne les voulant prendre que dans les grands chemins, ou dans
des voiries , ou dans des Communes éloignées de toute habitation;
ce qu'ils ne vouloient même faire qu'en fè faifant payer de leurs pei-
nes. Le Roy leur accordoit fur tout cela des reponfes favorables.
Il ordonnoit qu'en l'abfence du Confeiller fervant dans la Chambre
de
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 441
de l'Edit, le plus ancien des deux autres s'y trou veroit i qu'on ne K^or.
donneroit plus d'évocations contraires à l'Edit-, & qu'on rappor-
teroit au Confeil celles qui avoient été l'occafion de la plainte,
pour les révoquer fi elles n'étoient pas conformes aux reglemens :
que les Seigneurs fe contenteroient d'une indemnité une fois payée,
à dire d'experts ou choifis d'accord de pardes , ou nommez d'office :
qu'on ticndroit les portes de Rouen ouvertes les jours folennels
pour la commodité des Reformez , au moins les deux qui étoient du
côté du lieu où ils alloient faire leurs exercices j & que les Juges don-
neroient des lieux commodes pour les fepultures , dans des places ap-
partenant au Roy ou aux Communautez , ou qu'autrement ofi
acheteroit un lieu aux dépens communs des Reformez Sz des Ca-
thoKqueSj ce que les Juges feroient obligez de faire fans frais, &c
dans la quinzaine portée par les articles XXVIII. & XXIX. de
l'Edit de Nantes.
11 ne fe palîà rien de confiderable ailleurs, que le Synode Na- symje i
tional qui fe tint à la Rochelle. Les Reforihez avoient follicité '^ ^''-
pour l'obtenir dès l'année précédente : mais le Roy craignant de '^ ' *
fcandalifer le Légat, qui venoit en France pour le Batéme du Dau-
phin, s'il accordoit dans cette conjonélure un Synode aux Refor-
mez, qui fc preparoient à parler encore de l'Antechrift , il falut
qu'ils fe payaffent de raifbn , & qu'ils remiflent leur Synode à cette
année. Il s'y fit ou s'y propofa diverfes chofes dont la Cour ne
fut pas contente: Scie Roy n'oublia rien pour faire que les affaires
s'y terminafîent à (on gré. Le Synode, félon la coutume, aufll-
tôt qu'il fut aifemblé députa au Roy trois de fes Membres. Ils fu-
rent chargez d'obtenir de luy principalement trois chofes. L'une o^M'x.
écoic, qu'on procédât à la nomination de deux Députez Généraux , fJI^^'^
en la place de ceux qui avoient fervi depuis l'AlIemblée de Chatel-
leraud : l'autre , qu'on réduisît le rems de leur fervice à une année:
la troifiéme , que les Reformez fuflent tenus de nommer feulement
au Roy deux peribnnes, qu'il auroit la bonté d'agréer. Mais le
Roy vouloit formellement le contraire : qu'on ne parlât point alors
de cette nomination, parce qu'il y avoit trop peu detems que les
deux derniers nommez étoient en charge : que les Députez i'crviC-
fent trois ans , afin qu'il ne falût pas permettre des Aflemblécs Po-
litiques tous les ans , fous le prétexte d'en nommer d'autres : que
les Reformez nommafi^nt fix perfonnes , dont le Roy choifiroic
Tome L Kkk deux,
leuie.
442 HISTOIRE
1607. deux, afin qu'il eût plus de moyen de choifir ceux qui luy feroient
agréables. Sulli tint les Députez à Paiis aulli long-tems qu'il iiJt
neccfîaire pour les renvoyer bien incenrionnez -, après quoy les
avant difpofez à ce que la Cour defiroit d'eux , il les fit partir pour
le Synode, & les chargea de les lettres, qu'il écrivoit comme de
fon propre mouvement, quoy qu'en effet il le fit par l'ordre du
Rov.' Dans une de ces lettres il tâchoit de porter cette Aflembiée
à ne parler point de l'affaire des Députez Généraux, à caufe du
peu de tems qu'ils auroientpour y penfer, &:du petit nombre de
gens qui compofoient le Svnode -, parce que les maladies avoicnt
^tjiion empêché quelques-uns des Députez de s'y rendre. Par une autre
"^^ hriT' ^^^^^^ à-part, quoy qu'elle fut de même datte, il donnoit fon avis
Znou- fur la queltion de l' Antechrift , qui devoir le renouveller au Syno-
de. Il y avoir des Provinces dont les Députez avoient fait lavoir
au Roy , qu'ils y portoient des mémoires fur cette matière. Sulli
les exhortoit à ne troubler point par descontre-tems la paix qu'ils
avoient tant defiréej ôc il les aflijroitque le Pape qui tenoit alors
le Sicge , ne vouloir que les voyes de la douceur pour gagner
les confciences. En quoy ce Seigneur , qui ne le piquoit pas plus
de Théologie que deRehgion, railonnoit comme en décidant fi
le Pape étoit Antechrifi:, le Synode devoir avoir plus en vue les
qualitez perfonnelles du Pape régnant , que la puifiance tyranni-
que que le Siège Romain s'attribue.
Mais lesP^efbrmez n'ignoroient pas que l'efprit Catholique ell
toujours le même -, que l'Egliie Romaine croit toujours qu'il ell
de ion devoir de periecuter > qu'il y avoir dans l'Europe une con-
fpiration générale contre les Proteftans -, qu'on ne la tenoit même
plus fecrettej qu'elle éclattoit en divers lieux par mille injull-ices;
qu'on excitoit même en France les peuples contre eux -, que TEl-
pagne avoir des Agens qui Lichoicnt de gagner des Prêtres ,
pour infpirer par leur moyen aux Catholiques des aigreurs & des
haines contre les Reformez : ce que les Jeiuites fi.ir tout failbient
prejque à découvert. Ils n'étoient donc pas perfi-iadez que ce fut
faire tort au Pape, quelles que furent fes maximes particulières,
que de luy donner un nom qui convenoit au caraclere de fà digni-
té , &c qui eft bien plus attaché au Sicge même , qu'aux qualitez
des perfonnes qui l'occupent. C'eft pourquoy le Synode ne laiflà
pas de poufler fon entrepnie. 11 reçut bien ks Députez quand ils
tevin-
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. IX. 445
revinrent de la Cour: mais il ne fut pas touché des raifons qui ks i6or.
avoienr perfuadez , peut-être parce que les gratifications , qui De^n/ei
étoient les principaux argumens de Sulli , ne ê communiquoient^"-^?* *
pas à tout le Synode. Il y avoit à la Cour quelques perfonnes toû- '* ^'"*'^'
jours pleines de confiderations politiques , dont ils fe iërvoient
pour faire craindre aux Reformez d'offenfcr le Roy -, & ils por-
toient toujours leur pré\^oyance à des inconveniens que les autres
ne voyoient point. C'eil pourquoy le Synode les appelloit par cUir.
raillerie les Clairvoyans de l'Eglife. Sulli étoit le plus autorifé de ^"^f^r
tous: maisfes lettres, ni celles de quelques autres, ne firent pas//.. ^^*'
plus d'effet que les raifons des Députez. Il y en avoit réciproque- àr /"«*
ment au Synode que la Courappelloit \çsFous du Synode, parce j^^'/-'""'
qu'elle trouvoit qu'ils avoient la tête trop dure, & qu'ils penlbient
trop fortement à leur fureté. Ces prétendus fous furent les plus
forts : & quoy que Montmartin eût fait de grands efforts pour grof-
fîr le party de la Cour dans l'Afîèmblée , fa cabale ne fut pas afîez
puiffante pour y dominer.
Il obtint néanmoins en partie ce qu'il fbuhaittoit , touchant la ta quef.
queftion de T Antechrift. 11 portoit des ordres du Roy fi exprés & ^;^^" J^
fi forts fur cefujet, & il fit fi bien connoître qu'on l'offenferoit, '
fî on s'opiniâtroit à faire imprimer l'article de Gap dans toutes les
Confeffions, que le Synode n'ofapaffer outre j &:fous le prétexte
de furleance il abandonna l'affaire. Il fe contenta de promettre la
protection des Eglifes à ceux qui feroient inquiétez pour avoir prê-
ché , ou confeflé , ou dit , ou écrit quelque chofe de cette matière.
C'eft-à-dire en un mot que la dodtrine fut retenue, & qu'on tint la
queftion pour décidée : mais que l'intérêt d'Etat ne permit pas qu'on
l'inférât comme un article de foy parmi les autres. Ce fut à peu
près ce que le Synode écrivit au Duc de Rohan , de qui il avoit re-
çu des lettres fur ce fu jet , qui l'exhortoicnt à contenter le Rov , & à
n'outrer point cette matière. D'ailleurs comme on avoit déjà dé-
bité une édition delaConfefllondeFoyoù cet article étoit inféré,
le Synode fupplia le Roy de ne permettre pas qy'on fit des affaires
à perfonne, ou pour avoir eu part à l'imprefllon, ou pour tenir
des exemplaires de cette édition précipitée. Le Roy n'eut garde
de le refufer, puis que fon defTein n'étoit que de faire qu'il n'en
fût jamais parlé. Cependant le Synode voulant montrer plus clai-
rement qu'il ne defavouoit pas ladodrine décidée, quoy qu'il eût
Kkk 2 aiiez
444 HISTOIRE
i(5o7. afTèz de complaifiince pour accorder au Roy qu*on n*en fît pas urî
& Vf ' article exprés de la Confefîion de Foy , il exhorta Vignier de traitter
^f"'' , amplement cette matière : de quoy il s'aquitta d'une manière qui
charge de r \ \ • r
u trait, ntdu bruit en Ion tems.
ter am. FouY l'affaire des Députez Généraux , elle ne fè pafla pas de mê-
fhfnent. ^^ j^^ Nouë & du Cros , qui avoient reçu cette qualité à l'Aflèm-
blée de Châtclleraud , apportèrent un Brevet du Roy datte du
mois de Décembre 5 qui autorifoit le Synode de nommer fix per-
fbnnes , dont le Roy choifircit deux j mais qui excepté cette affai-
re, luy defendoit de traitter d'autres chofes que de la Difcipline,
Le Confeil avoir cru gagner quelque chofe en fe relâchant jufques
là: quoy que par cette permiifion qu'il accordoit au Synode, il
fèmblât confèntir que les Députez Généraux ne demeuraflènt en
charge qu'un an > puis que la Nouë & du Cros n'avoient exercé la
dépuration gueres plus long-tems. Mais il efperoit qu'en accordant
ce pafîèdroit , il fe delivrcroit pour trois ans de la crainte des Afîèm-
blées générales, parce que le Roy pouvoir refufer d'en permettre
une , fous prétexte que le Synode auroit pourvu pour ce tems-là
à la feule chofe qui la rendoit neceffaire. Le Synode n'auroit pas
eu le droit de faire cette nomination, parce qu'elle fbrtoitdes bor-
nes de la Difcipline > c'eftpourquoy le Roy avoit expédié ce Bre-
vet pour l'autorifer. Mais après que le Synode l'eut examiné , il
ne le trouva pas fiiffifant , parce qu'il ne luy donnoit le pouvoir ni
de donner décharge aux Députez, qui dévoient fortir d'employ
par une nouvelle nomination , ni de donner des inftruffions à ceux
qui prendroient leur placer fans quoy la nomination devenoit ab-
folument inutile. On écrivit en Cour fur ce fujet de très- humbles
remontrances. Le Roy les reçut fort bien : & ceux qui les luy
avoient portées revinrent chargez de fa part de lettres fort obligean-
tes, & rapportèrent une fatisfaclion prefque entière fur le fujet de
leur dépêche i quoy que S ulli par fes lettres particulières exhortât à
ne s'en fervir point. Vraifemblablement les Députez avoient révé-
lé le fecret du Synode, qui n'étoit pas difpofé à contenter la Cour
fur la nomination de fix perfonnes. C'efl pourquoy le nouveau
Brevet renouvellant cet article, on eût peut-être mieux aimé que
le Synode eût remis l'affaire des Députez à une autre fois , que de
la voir terminer d'une manière qui ne plairoit pas. C'efl pourquoy
le Roy luy permettoit d'y travailler, de peur de le chagriner par
un
DE L»EDIT DE NANTES, Liv. IX. 445
un refus j mais fon Favori luy écrivoit, pour liiy perfuader s'il 1607.
eût pu de n'en parler pas. Le Synode n'en crut m luy, ni les au-
tres qui étoient de fon avis , ni les Députez que Siilli avoit<^a-
gnez. Il déchargea la Noue & du Gros , avec une grande prot\\- ^e sy»oje
lion de remercimens & de louanges: après quoy il nomma ièule-^"J^'"*
ment deux perfonnes , encore que le Brevet Tobligeât exprefle- Z,T'"*
ment d'en nommer fix. La raifonou le prétexte fut , que les non- ^'!"*^'^
voirs que les Députez avoient apportez de leurs Provinces ne leur fmx,
permettoient pas de pafler ce nombre. Mais pour témoigner qu'on
ne vouloitpas offenfer le Roy par ce refus de fuivrefes intentions,
on le fuppliade permettre une Aflemblée générale, pouravifer fi
on feroit à l'avenir la nomination de fix , comme le Roy le fouhait-
toit : & d'agréer en attendant les deux Députez qui luy étoient nom-
mez par le Synode. C'étoient Villarnoul&Mirande, perfonnes
de grand crédit entre les Reformez , & de grand zèle pour le bien
commun.
Les defenfes de parler d'autres cliofcs que de Difcipline n'em- ^f-*'"*
péchèrent pas le Synode d'examiner plufieurs affaires qui regar- ZTsynl-
doient le bien des Eglifès , &: qui pafîerent fous le nom des inftruc- ^ie-
tions qu'il faloit donner aux Députez, & des articles dont ilfaloit
qu'ils chargeafïent leurs Cahiers. La délivrance de plufieurs pri-
fbnnicrs qu'on tenoit à Paris & ailleurs à caufe de la Religion : la
pourfuitedel'établiilèmentdesEglifes, dont l'exercice é toit encore
empêché ou contefté : la naturaUfation des Reformez réfugiez du
Marquifat de Saluées: le foin de reprimer l'infolence des Moines,
qui faifoient fouvent des entreprifes feditieufes -, comme il étoit
arrivé à Alençon, où un Capucin avoit affiché des placards inju-
rieux > &àla Rochefoucaud , où les Carmes avoient faitdiverfes
infultes aux Reformez : l'affaire d'un certain Mafcla , qui avoit un
grand procès pour la fepulture de fa mère , qui luy avoit coûté
lèptou huit mille fi-ancs : lesPafteurs étrangers, qui dcmandoient
des Lettres de naturalité : les évocations qu'on accordoit au préju-
dice delà JurifdiiStion des Chambres , malgré les reglemens pro-
mis d'autres fois furlemèmefujet , furent les principales affaires
dont les nouveaux Députez fe chargèrent. On leur recommanda
principalement l'exemption des Miniltres , dont on avoit obtenu
déjà des Lettres Patentes , que la Cour des Aides avoit vérifiées.
Au relie dans l'affaire des Députez & de leurs inflrudions , le
IV.; Kkk 3 Sy-
44^ HISTOIRE
1607. Synode permit aux Députez du Corps de ville de la Rochelle
d'alîifter à Ces délibérations , parce que c'étoit une affaire politi-
que, & que la Rochelle tenoir rang de Province dans les Aflèm-
blées où on traittoit des affaires de cette nature. D'ailleurs le Syno-
de jouit de la hberté que les autres avoient eue à l'égard des étran-
gers. Il reçut des lettres de la part des Princcs,& des Univerfitez Pro-
i^UKi/ires teftantes : & il y eut des Miniftres ou affilbns au Synode , ou re-
gers. cherchez par les Eglifes , quoy qu'ils ne fuffent pas François na-
turels. Mais la Rochelle donna quelque mécontentement à la
Cour, par la recherche qu'elle fit de Malwin Miniftre Ecofibis.
Il étoit prifonnier en Angleterre , pour àcs -diicours 6c des écrits
Malwin^ trop libres qu'on l'accufoit d'avoir faits, & qui oftrnibient le Roy
/j'^R,'!* Jaques & fon Confeil. Ce Prince, pour le défaire de luy, l'ac-
eheiie. corda aux Rochelois, avec une déclaration expreffe, qu'il ne luy
donnoit la liberté qu'à condition qu'il fortiroit de ^çs Etats, 6c
qu'il viendroit exercer Ton Miniftere en France. De forte que
c'étoit une efpece d'heureux bannillcment , où Malwin n'auroit
pas laiffé de trouver fon compte. Primrofe , autre Miniftre étran-
ger appelle au fervicede l'EgUfe de Bourdeaux , révéla ce fecret
au Roy , pour obtenir plus tacilement la liberté de s*établir dans
ce poiie avantageux. Il avoit pu en parler avec certitude, parce
que c'étoit luy qui avoit porté les lettres de la Rochelle au Roy
d'Angleterre , ù. qui avoit reçu la reponfè de ce Prince. Ainfi
les intérêts particuliers commençoient à div^ifer le party ; & les
plus honnêtes gens fe laifîbicnt aller à de petites infidelitez con-
tre la caufe générale , pour faire mieux leurs affaires propres. Le
Roy trouvoit deux chofes à blâmer dans la recherche que la Ro»
chelle avoit fait^dc Malwin : la manière, parce qu'elle avoit fait
cette recherche fans l'aveu du Roy 5 la perlbnnc , parce qu'un
homme prilbnnier en Angleterre-pour avoir offenfé le Gouverne-
ment n'étoit pas propre pour la France, où la difpofition desef^
prits ne permettoit pas de tolérer des perfonnes de ce caraftere j
encore moins à la Rochelle qu'ailleurs, à cauiede l'amour de la li-
berté qu'elle porroir un peu plus loin qu'il n'eft permis , félon la Poli-
tique des Monarchies. Sulli écrivit aux Rochelois de venir feju fti-
fier, s'ils éroientaccufezàtort , ou demander pardon s'ils étoient
cou pables. Mais l'affaire en demeura là fans avoir de fuites fàcheufcs.
Cependant Charnier fe morfondoit à la Cour , où le Synode Ta-
voit
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 447
voit député , pour prefenter au Roy la nomination de Villarnoul i^o7,
fedeMirande, & les remontrance? de TAilcmblée fur les dépen-
dances de cette affaire. Après fix mois de fejour , il n^avoit pu en-
core obtenir Thonneur déparier au Roy. Saperfonne n'éroitpas
agréable, parce qu'il étoit de ces fous du Synode que le Roy n'ai-
moit pas : de ces têtes dures que rien ne fléchit : de ces cœurs
inacceilibles aux craintes & aux elperances , qui font les plus fortes
machines de la Cour. Il n'étoit peut-être gueres plus agréable au
Jcfuïte Cotton , avec qui il avoit eu autrefois à Nimes une confé-
rence , dont chacun s'étoit vanté à l'ordinaire d'avoir eu tout
l'avantage. La vérité cft que le Jefuite avoit ébloui les audi-
teurs par des digreilions éloquentes , qui faifoient perdre de vue
à tout moment le lu jet deladiipute: &: que Charnier plus folideôc
plus Scoîailique avoit obligé par fès argumcnsle Jelliïte à (c iauver
par cet artifice. Ceux même qui ont écrit la vie de ce f efuïte en di-
fentafïezj pour faire connoître que la fechereflè de Charnier auroit
déconcerté leur Héros, s'il n'avoit paré le coup par des difcours
éloquens & hors d'œuvre qui ne luy coûtoient rien. Mais les af-
faires dont Charnier étoit chargé étoient encore moins agréables
que fa perfonne. Le Roy ne vouloit pas agréer la nomination que Le Roy
le Synode avoit faite , parce qu'elle n'étoit pas dans les formes pref- '''^"^' ^'*
• 1 T-> T1 -1 \ F 1 ^-, /- . ,' - nomma.
entes par le Brevet. Il y avoit deux choies que le Confcil delap- tion des
prouvoit également j dontilfalloitde neccflicé quel'une ou l'autre d^M^'^-
fiît accordée. Ou il falloit recevoir les deux Députez que le Sy-
node prefèntoitj ce qui ne paroilîbit pas bienfeant, après que le
Roy avoit fi expreffément déclaré que cette forme de nornination
neluy plaifoitpas: ou il falloit permettre une Ailèmblée générale,
comme le feul moyen de reparer le mal > ôcleConfeil ne donnoic
jamais ces permifiions de bon cœur. On eût peut-être bien vou-
lu ennuyer Charnier, à force de le faire attendre , ôcluy faire ain-
fi quitter la partie. Mais il étoit mal-aifé de le renvoyer fans quel-
que fatisfadbion , parce que les Reformez n'ayant alors perfonne
pour veiller à leurs affaires, elles empiroient tous les jours. La
Noue & du Cros n'y pouvoient vaquer , parce qu'ils en étoient dé-
chargez par le Synode : Villarnoul & Mirande ne le pouvoient , par-
ce que le Roy ne les vouloit pas agréer. Ainfiles plaintes des Re-
formez demeuroient fans reponfe : les maux qui demandoient de
promts remèdes n'en recc voient point. Tout confideré donc , on
ai-
mez,.
448 HISTOIRE
1608. aima mieux leur permettre de tenir une Aflèmbléc} mais on rac-
compagna de tant de limitations j qu'ils n*en pouvoient efperer
««e'^/- ^^ grands avantages. On leur prefcrivit de quelles chofes ils pour-
fembiée Toicnt traittct 3 on ne laifîà pas le lieu à leur choix , & on leur don-
S^Geri* na Sulli pour efpion. Gergeau futchoifi pour la tommoditéde ce
gtAH. Seigneur, parce que cette ville étoit à luy, & qu'il avoit la maifon
dont il portoit le nom dans le voifmage.
Ifalui' ^^ y f^^^'^cÇ'-ï ^^on comme un homme qui prenoit quelque intérêt
Refor- à la Religion) mais comme un homme qui venoit négocier de la
part du Roy. On avoit même de grands foupçons qu'il vouloit
changer de Religion j & il avoit donné lieu de le croire par une
conduite fort finguliere. Le Roy luy avoit ofFert pour Ion fils une
de Ces filles bâtardes , pourveu qu'ils fe fifîent tous deux Catholiques :
& il Tavoit obligé d'avoir des conférences avec le Jefuïte Cotton, qui
depuis qu'il étoit à la Cour , avoit partagé avec le Cardinal du
Perron la qualité de Convertijfeur. On ne voyoit prefque jamais
revenir perfonne de ces conférences, parce qu'elles étoient ordi-
nairement acceptées par ceux qui ne vouloient plus qu'un prétex-
te de changer. Néanmoins foit que ce fût un jeu concerté entre
le Roy & Sulli , foit que cela fe fit tout de bon , Sulli refufa de
changer, mais il permit à (on fils de le faire s'il luy plaifoit. Le
Roy le preflant d'y obliger fon fils , il ne voulut pas le luy
commander: mais il déclara qu'il s'en raportoit à fa volonté, de
quoy le Roy fit femblantde n'être pas entièrement (àtisfait. Je
ne voudrois pas afiurer que tout cela fût autre chofe qu'une Co^
medie qu'on faifoit jouer à Sulli, pour rétablir fa réputation chez
les Reformez , qui ne le comptoient prefque pas pour un homme
de leur party. En effet il y a peu d'apparence que Sulli eût refufç
ferieufementde faire ce que le Roy propofoit , pour parvenir à une
alliance que plufieurs Princes de l'Europe n'auroient pas dédai-
gnée. Il luy étoit aufiî aifé , fuivant les accommodemens qu'il
avoit infpirez au Roy, de faire pour luy-même une Religion ré-
duite à de certains articles généraux, que delà perfuaderàun au.-
tre, ou que de croire qu'il pouvoit innocemment autorifer fbn fils
de fe faire Catholique. Quoy qu'il en foit on luy fait honneur de
fon refus dans fes Mémoires : où on raporte que le Roy luy repro-
cha qu'il aimoit les Huguenots plus que luy , parce qu'au mêmç
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 449
tems qu'il refufoit fon alliance, il traittoit de marier Ton fils avec 1608.
la fille de la ComtefTe de Saux, petite-fille de Lefdic^uieres. Mais
ce reproche a bien Pair d*une raillerie. On favoit fort bien à la Cour
que ni Lefdiguieres , ni fçs enfans , n'étoient pas du nombre des en-
têtez en matière de Religion -, & le Jefiiïte Cotton en favoit plus
de nouvelles que perfonne. Mais toute cette intrigue ne fcrvit
qu'à perfuader que Sulli n'étoit pas fort religieux : & l'Affcmblée
deGergeau le traitta comme s'il eût été Catholique. DuPlcllis y
avoit envoyé fur cela de bons mémoires qui furent fi.iivis.
Mais Sulli ne laifTa pas de fervir le Roy à rAfîèmblée , quoy qu'il 4f'»'>"
ne voulût pas y prendre la qualité d'Envoyé ou de Commiflaire. ?J1^('
Il y eut fept ou huit articles importans qui donnèrent delà peine, "'*
& qui pouvoient donner lieu à tenir long-tems fur pied l'Aflèm-
blée, dont le Roy craignoit la longueur. Le principal regardoit
les Places de fureté. Il y en avoit quelques-unes qui appartcnoient Pi'jrfs
à des Seigneurs Catholiques , ou qui étoient tombées entre leurs ^'"'T
mams par lucceihon ou autrement. Ces Seigneurs y mettoient des Refor.
Gouverneurs Catholiques. Les Reformez avoient déjà perdu Cau- '"**•
mont de cctit manière : ils étoient fur le point de perdre de mê-
me Montandre & Tartas : & ils craignoient qu'ils ne perdifient ainfi
peu à peu beaucoup de leurs Places > d'autant plus que les ^^?2^'^r-
Jïons étoient à la mode, & qu'il y avoit plufieurs Seigneurs qui ne
paroiflbient pas fort zêlez pour la Religion. Ils en avoient vu quel- confe-
ques-uns qui après avoir lonç^-tems cherché un prétexte de chan- 'f^"^
ger, avoient enhn pris celuy d une conférence imprévue, que le mens de
Jefuïte Cotton avoit liée avec Gigord Miniftre de quelque reputa- ^^^'S'»"-
tion. Il le trouva à la Cour, & en prefence de gens mal difpofez
il l'engagea dans une difpute, dont le Jefuïte & fcs partifans ne
manquèrent pas de donner le defavantage au Miniilre : & parce
qu'elle fut interrompue fans fe renouer, à cauiè que le Miniftre ne
vouloir pas rentrer dans ces difputes tumultucufes , où ceux qui
parlent le plus Se le plus haut lèmblent avoir toujours raifon, &
dont les mauvais Reformez ne manquoicnt pas d'abufer pour co-
lorer leur changement , on l'accula de icntir fa foiblcllë , &z de fc con-
feflèr vaincu. Ce fut afièz pour donner lieu à Cafielnau &.à quel-
ques autres d'achever ce 'qu'il y avoit long-tems qu'ils avoient re-
folu , & de fe ranger à la Rehgion Romaine. Gigord ne demeura
pas muet fur le lûjet des ades de cette conférence , que les amis des
To?/^e I. LU Jcfuites
450 HISTOIRE
i6oS. Jefuïres publièrent: mais ceux qui avoient leurs raifbns de croire
qu'il avoit mal foutenu fa caufe , fe mirent peu en peine de ks
juflifications. Un pareil jeu fe jouoit fi (buvent à la Cour, que
les Reformez avoient quelque fujet de fe défier de tous les Sei-
gneurs de leur Religion , & fur tout de ceux qui avoient des Places>
qu'on tâchoit principalement de corrompre. Sulli donc voyant
que cette afFaire , iz les autres qui étoient de confequence , pou-
voient donner lieu à de longues contefiations , écrivit au Roy qu'il
feroit bon de mettre dans les Places de cçttç nature des Gouver-
neurs Reformez, amis ou parens des Seigneurs: ce qui étoit un
expédient propre à lever les ombrages de part & d'autre. Sur les
autres articles il confeilloit ou de leur en accorder une partie, ou
de permettre qu'ils les employafiènt fur le Cahier dont ils charge-
roient leurs Députez. Le Roy choifit le dernier expédient, par-
ce qu'il ne vouloit traitter de rien avec l'Afiemblée ; ôc que ne
l'ayant permife que pour la nomination des Députez Généraux 5 il
ne vouloit pas qu'il y fût parlé d'autres affaires. Il vouloit qu'a-
près la nomination faite elle (e fepardt incontinent. Cependant la
reponfè qu'il fit à Sulli étoit fort obligeante pour les Reformez. Il
les afiiîroit de fa prote^bion, & reconnoiflbit qu'ils l'avoient méri-
tée par leur perfeverance à fon fervice.
VAjfem- L'Aflèmblée fe rangea donc à la volonté du Roy. Elle nomma
^^"J^ f^ fix perfonnes , dont Villarnoul & Mirande étoient deux > & elle
aux de. envoya leur nomination au Roy avec des lettres fort refpeélueufès.
firs du Le Roy témoigna qu'il auroit mieux aimé qu'on luy eût envoyé
°^' des Députez , pour luy porter la nomination que l'Alîcmblée avoit
faite, que de fe contenter de luy en écrire: mais il excufà ce man-
quement ; & néanmoins fit favoir qu'il ne decîareroit point les
deux perfonnes qu'il auroit choifies , que l'Aflemblée ne fût fepa-
rée. Après qu'elle eut obéi, il choiiit Villarnoul & Mirande, que
le Synode de la Rochelle luy avoit déjà prefentez: & fit voir ainfi
que le refus qu'il avoit fait de leurs perfonnes Tannée précédente,
ne venoit pas de quelque averlion qu'il eût pour eux , mais de ce
que les formalitez de leur élection ne luy avoient pas été agréa-
bles.
^If'»^- Le Clergé s'afiembla auflî cette année à Paris -, & fes Députez
cilrit renouvellerent au Roy les plaintes accoutumées contre le Concor-
dat & les penfions laïques. Ce qu'il y eut de plus remarquable fut ,
que
DE UEDIT DE NANTES, Liv. IX. ^^i
que Fremiot Archevêque de Bourges portant la parole, reprefenta i<5o8.
TEglifè dans une mifere capable de faire pitié. Néanmoins Tétat
où il parut devant le Roy, ne repondoitpas à la peinture qu'il fai-
foit de cette defolation. Outre une fuite nombreufe d'Evêques
dont il étoit accompagné , & dont l'air n'avoit rien de rnifcrable ,
il y avoit encore cinq Cardinaux dans la compagnie : & cette pom-
peufe deputation étoit bien plutôt la marque d'un grand excès de
profperité mondaine , que celle d'une Eglife affligée , & abbattuë
par de grandes adverfitez.
Les inflances que le Clergé fit encore cette fois , pour la publica-
tion du Concile de Trente, ne furent pas bien reçues. Le Roy ^^''f»'
repondit plus ferme qu'il n'avoit jamais fait : &fur ce qu'on luy ^r^v,
alleguoit la promcfîe que fes Procureurs en avoient faite en fon nom & def^-
pour obtenir (on absolution , il ne fit point de difficulté de les defa- 11".^^'^'
vouer. Il fe plaignit qu'ils l'eullcnt promis fans l'en avertir. Il dit mejfe
que cette publication ouvriroit le chemin à fes envieux, pour luy-'^'*''* "*
demander en fuite Tlnquifition : & il fit connoitre que li Fran- p:irfet
Cois I. Henri II. & Charles I X. qui n'avoient pas de Traittez fi ^''*^''-
lolennels que luy avec les Reformez , & qui n'en avoient pas reçu jam '
tant defervices, n'avoient pas approuvé ce Concile, il devoit ^'^/f'^*
beaucoup moins l'approuver, de peur de renouvellcr les trou blés y-Z/^^^f^^"
de fon Royaume. Ce fut là une efpece de confoîation pour les Lejefitï-
Reformez , du deplatfir qu'ils eurent de voir cette année l'éduca- te cctton
tion du Dauphin commife aux foins dujefuïte Cotton y puis qu'ils f/J^'^^^
purent oppofer les aflurances de la bonne volonté du Roy , à la D^u^hi».
crainte de luy voir fucceder un jour un Prince, qui étant tombé fi
jeune en de fi mauvaifes mains leur feroit vraifemblablement fort
peu favorable. Mais il y eut encore une autre affaire, où le Roy
donna agréablement le change au Clergé. Ce riche Corps l'avoit
follicité d'établir un fond , d'où on put tirer des penfions pour les
Miniftres qu'on obligeroit à changer de Religion j & comme on
leur donnoit alors peu de gages, le Clergé, de qui l'interét eft la
paflion dominante, nedoutoit point qu'en fùlànt la condition de
ceux qui changeroient meilleure , on n'en invitât plufieurs à ce
changement. Mais le Roy qui vouloit charger la bourfe du Clergé
de cette depenfe plutôt que fon Epargne, fit écrire par le Pape un
Bref au Clergé qui Texhortoit à faire ce fond. Le Bref fut pre-
fenté à l'Aflemblée par le Cardinal de Joyeufe. Elle arrêta de fai-
LU 2 ' re
452 YT H I S T O I R E
i(>o8 ^^ "" ^^^^ ^^ trente mille livres de rente annuelle, d'où on tire-
Tond roit des penfions pour les Miniftres feuls -, & drefîà un règlement
pour les q^[ excluolt dc CCS recompenfcs tous ceux qui n'auroient pas été
g«'7w Miniilres ou Profefleurs -, & tous ceux qui ayant embraflé la Reli-
£eroie}2t gioH Rcformée depuis le fixiéme d'Août, reviendroient à laRe-
'^' ^'"''' hgion Catholique. On obli^coit auili par le même redement ceux
qui jouiroient de cespenlions, a tournir tous les ans auxAgens
du Clergé des atteiiations de leur bonne conduite > & on prefcri-
voit la manière de leur payer les fommes qui leur feroient adjugées.
Cette fomme n'étoit pas groiïe -, néanmoins le Clergé n'a jamais
fait afiez de conquêtes pour l'épuifer : & quelques années après on
prit fur ce fond , dont la plupart écoit inutile , les gages de cer-
tains MiiTionnaires laïques, qui firent mille vexations aux Refor-
mez i & les recompenfes de certaines gens , dont le métier étoit de
folliciter le menu peuple à changer de Religion.
Pendant ce tems-là le Confeil d'Efpagne perfecutoit les Morif-
ques i foit que cela vint du propre mouvement du Confeil , foit
Traitté que ce fût un effet de l'avis que Taxis avoit donné. Ces malheu-
nvec les j-g^^ otfrir nt de fe foumettre au Roy de France , fi le Roy vouloit
^f^e%er. Ics prendre en fa prote£tion. Mais ce Prince n'ofant fe fier à ces
fecutez, peuples naturellement volages & infidèles, fe contenta d'envoyer
'If/^^^' fur les lieux , pour voir ce qu'on pouvoit attendre de cette ouver-
ture. Son Envoyé fut Paniifaut , Gentilhomme Gafcon & Refor-
mé. Il y pafla en habit de Cordelier, avec une Obédience qu'un
Gardien de quelque Maifon de cet Ordre luy avoit donnée. Il ne-
o-ocioit fi heureufement, qu'on auroit pu en cfperer quelque fruit
eji rompu confiderable , fi on l'avoit lailfé faire : mais les bigots firent enten-
paries dre au Roy qu'il leur infpiroit la doctrine des Reformez > ce qui
^'^'*^^' pouvoit être vray , & qui n'auroit pas manqué d'être utile, parce
que cette dodrine levé aux Mahometans les prétextes de l'averfion
que le culte de l'Eglife Romaine leur a infpirée contre le Chrit
tianifme. De forte que Panifiant auroit pu les faire Chrétiens &
bons François y mais le zélé Catholique trouva plus raifonnable
qu'ils demeuraflént Mahometans , que de fe faire Huguenots. Pa-
nifiant fut donc rappelle -, & on fit prendre fa place à Claverie ,
Gentilhomme Catholique du même pais: mais comme il agifix)it
fur d'autres principes , que les Morifques ne goûtèrent pas , ià né-
gociation n'eut point de fuccés.
Lefdi-
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. IX. 4^3
Lefdiguieres obtint cette année le bâton de Maréchal de France. i<5o8.
Il avoit aflez bien fervi pour le mériter : mais on l'accorda moins W-^^-
à (on mérite , qu'au deflein de luy faire oublier les mécontente- ^'"^l"
mens qu'il avoit reçus de la Cour. Cependant la faction Efpagno- chai de
le ne s'endormoit pas : & pour exciter quelque trouble en France, ^''^""•
elle femoit la divition de toutes parts. La famille Royale étoit fort chfr^ns
brouillée. Le Roy & la Reine vivoient mal enlemble. Cette Prin- jo-nefii-
celTe le piquotoit inceflamment : & ce qu'il y avoit de plus écran- *?"" '''*
ge , elle s'entendoit avec les Eipagnols , de qui cinq ou fix Italiens ''"^*
qui la fervoient appuyoicnt les intérêts auprès d'elle. On luy avoit
propofé le mariage du Dauphin avec l'Infante d'Efpagne , & ce-
luy d'une des filles de France avec l'Infant , comme un moyen qui
aflîireroit à jamais la fucceflion à fes defcendans. Pour la faire en-
trer plus aifément dans ce projet , ils aigriflbient Ton efprit par de
noires calomnies contre le Roy -, & ils luy perfuadoient qu'il vou-
loit fe défaire d'elle 3 après quoy les charmes de la Marquife de
Verneuil , & les promeflès de mariage qu'elle avoit reçues du Roy,
pouvoient faire craindre qu'il ne fit monter fes enfans iiir le Trône,
au préjudice de ceux de la Reine. Ces aigreurs allèrent fi loin ,
que Conchini 6c la femme aprêtoient eux-mêmes dans leur cham-
bre ce que cette Princefle devoit manger, comme fi elle avoit eu
quelque raifon de craindre qu'on ne la voulût empoifonner. Sulli
confeilloit quelquefois au Roy , pour arrêter le cours de ces defor-
dres , de renvoyer ces efprits pernicieux en Italie , & de faire paf-
fer la Marquife & fon frère en Angleterre, afin que la Reine n'ayant
plus ni d'ombrages ni de mauvais confeillers , elle fût réduite plus
facilement à vivre en paix avec le Roy. Mais ce Prince ne pouvant
ni éloigner de luy fa Maîtrefle, ni chagriner la Reine en luy ôtant
fes confidens, pendant qu'elle auroit toujours (à rivale devant les
yeux , cmpiroit le mal par fon irreiblution , Se donnoit tous les
jours à la Reine de nouveaux fujets de le quereller. D'un autre
côté il ne goûtoit point le mariage propolé , dont le projet ne
s*accordoit pas avec fes defi^ins. Il étoit impofiiblc qu'il recher-
chât l'alliance d'une Maifon qu'il avoit dcfifein d'abaillêr. D'ail-
leurs les intentions du Confeil d'Efpagne ne paroifibient pas droi-
tes dans cette propoiition , parce qu'une des conditions étoit de
faire la guerre aux Protefians -y ce que le Roy voyoit bien qui ten-
doit à deuxchofes, dont TEfpagne auroit tout le fruit, & luy tout
LU 3 ' le
454 HISTOIRE
1605?. le dommage. L'une écoit de rompre l'alliance des Proteftans étran-
gers avec la France ^ l'autre de remettre les guerres civiles dans le
Royaume. Le Roy ne vouloit ni l'un ni l'autre : & pour aflurer fur
tout Tes fujets de Tes bonnes intentions, il promettoit quelquefois
de laifler de li bonnes inflruclions à fcs enfans , qu'ils le garde-
roient bien de renouveller les divifions pafî'ées , & de forcer les-
Reformez à s'appuyer d'un protecteur étranger. Il vouloit leur
prêcher pour prmcipale m.axime , de ne mettre jamais leurs fujets
dans un état où ils eufîent befoin d'un intercefleur auprès de leurs
Princes : maxime également utile pour porter au plus haut degré le
bonheur des peuples, & l'autorité des Rois. C'elt une marque du
bonheur des peuples, qu'ils n'ayent pas befoin d'avoir recours au
crédit d'un médiateur, afin que les bienfaits de leur Roy defcen-
dent jufques à eux : Ôc jamais un Roy n'efl: plus puiffant , que
quand il n'y a perfonne qui partage avec luy l'honneur de fes bien-
faits , & la reconnoillàncc de fes peuples.
Divers II y avoit dcs Catholiques dans le Royaume qui avoient aiirti
fentiment bcaucouD d'avcrfion pour ces mariaees , principalement les Frin-
fur l'ai. . ^ y > ^ r> • r>r 1 y
limce ces, &:ceux qui avoient peur qu une Reine Llpagnole n apportât
d'Ejp». en France avec elle les maximes defporiques , dont toute la Politique
^"^' de la nation étoit formée. Ils croyoient que le pouvoir des Grands ^
& la liberté des peuples fe conferveroient mieux pendant une
guerre étrangère, que pendant un repos qui donneroit au Con-
leil une favorable occafîon , d'humilier ceux qui avoient un peu trop
de fuite & de crédit : & ils voyoient bien que le Roy marchoit à
grands pas à ce degré d'autorité, qui ne laifle aux fujets pour leur
part que d'obeïr fans réplique. Mais il y en avoit bien d'autres*
& principalement ceux qui avoient encore l'ame ligueufe , qui
croyoient que la grandeur de la Maifon d'Autriche , & le triom^
phe de la Religion Catholique marchoient d'un même pas: qu'a-
fin que la France eût part à l'unSc à l'autre, l'alliance d'Efpagne
luy étoit neceflaire i 6c que Ton véritable intérêt étoit de fè confer-
v^r par une bonne intelJigence avec cette puilîànte Maifon, en luy
abandonnant tout le refte de l'Europe. De forte que par zèle de
Religion ils s'oppofoient à la gloire de leur patrie , & qu'ils nene-
Traudes gjigeoient rien pour mettre aux prifes le Roy & les Reformez. On
nouvluer fé fcrvoit pour cela tous les jours de nouvelles rufes. On fema dans
les gutr. 1^ j.yç5 j^ \^ Rochelle des Lettres feditieufes qui donnoient l'aJar-
res civi- * .^_
DE UEDIT DE NANTES, Liv. IX. 45^
me, comme fi le Roy eût été prêt à déclarer la guerre: & l'efFet 1^00.
qu'elles eurent fut de faire hâter les fortifications, & prendre des
mefures pour éviter les furprifes. En même tems on fit tomber
de fauffes lettres entre les mains du Roy, où on cxacreroix les en-
treprifes des Rochelois , pour l'obliger à donner quelques marques
de refllentiment.
Cependant les Jefuïtes qui brouilloient tout le refte de l'Europe, Tonvoir
n'oubîioient rien pour remettre en France toutes chofes dans le '''' J*-
defbrdre. Il y en avoit à la Cour qui abufoient de la patience du'''"''"*
Roy avec une hardiefle étonnante. Le Jefuïre Cotton fut convaincu
d'avoir révélé des fecrets que le Roy luy avoit confiez : mais on ne
fît femblant ni de le fàvoir ni de le croire. Le Jefuitc Gontier étoit
un efprit impétueux & violent, qui ne refpiroit que le trouble &
la brouilleric. Ignace Armand étoit fbuple & adroit , d'autant plus
dangereux que Tes intrigues étoient couvertes du voile de la ino-
àd^iiç, & de la fimplicité. Leurs entreprifes donnoient de grandes y
amertumes d'efprit au Roy , qui avoit beaucoup de peine à les re-
primer. Mais il s'étoit mis en tête qu'il les apprivoiferoit par Îqs
bienfaits ; & qu'au moins ils n'attenteroient rien contre fa vie , pen-
dant qu'ils auroient lieu d'efperer de luy de nouvelles grâces : de
forte qu'il ne leur refufoit prefque rien de ce qu'ils avoient la har-
diefle de luy demander. Il les avoit établis en Bearn, malgré la 1608.
contradidion des Etats, & des Députez de la Province, qui pro- £'«-*
teftoient que cet établiflement feroit contraire au bien de fon fcrvi- g^^/"
ce & au repos du pais -, & qui faifoicnt valoir un Arrêt du Parlement
de Pau, rendu dès l'année ifpS. qui defendoit de les y recevoir.
Les inftances de l'Evêque d'Oleron l'emportèrent fur ç.^s remon-
trances 5 & on luy envoya des Jefuites avec un Edit, qui leur or-
donnoit feulement de fe foumettre aux loix du païs , & à la difci-
pline des autres Ecclefiafl:iques : conditions qu'on pouvoit s'aflTirer
qu'ils n'obferveroient que jufqu'à ce qu'ils fuflîènt afl^z puifîàns
pour s'en difpenièr. Cette année ils dreflèrent à Paris un Novi- i (^op.
tiat, Recommencèrent à bâtir leur Collège deClermont.
Cependant on examinoit les Cahiers de la dernière Aflemblée. c.^bieri
On accorda l'abolition de certaines folennitez que les Catholiques ^'^''^^*^-
avoient établies , en mémoire des bons fuccés qu'ils avoient eus
contre les Reformez : comme la Fête qu'on avoit dédiée à Char-
tres à Notre -T)ame de la brèche , à caufe d'une prétendue y'i'îiow
de
45^ H I S T G I R E
i6op. delà bicnheureufe Vierge , qui defendoit la brèche contre les Re-
formez qui avoient mis le fiege devant la ville en 15-68 : la Pro-
ceflion de Dreux , qu'on y failoit tous les ans au jour que le Duc
deGuife avoit gagné la bataille contre le Prince deCondé: ôccels
le qu'on faifoit à Thouloufe pour quelque autre événement de-
premieres guerres. On leur accorda que dans les conflits de Ju-
rifdidicn les Chambres fufîent juges de leur propre compétence.
On défendit aux Juges Royaux de Bretagne , d'exiger des Refor-
mez qui avoient des affaires devant eux une renonciation au bé-
néfice de TEdit , qui leur accordoit d'appeller des Sentences de ces
Juges aux Chambres de TEdit , ou au Grand Confeil. On promit
que la création des offices d'AiTeflèur aux Enquêtes dans tous les
Sièges Royaux , qui étoit une invention de Sulli pour avoir de l'ar-
gent, ne derogeroit point au privilège que l'Edit leur accordoit,
de prendre un Ajoint Reformé dans de certains cas : & on pro-
mit de traitter comme François naturels tous ceux du Marquifat
de Saluces , qui viendroient s'établir en France , tant Reformez
que Catholiques.
spoJe a II fe tmt un Synode National peu après à St. Maixant , où il ne fut
Ji»r^' P"'^^^'^^ traitté que d'affaires de Difcipline. Entre autres chofes
on y permit aux Soldats eftropiez de recevoir une fubvention que le
Roy avoit fondée pour les entretenir : & parce que ceux qui en
jouïfîbient étoient obligez de porter une ligure de Croix fur leurs
manteaux , on leur déclara qu'ils pouvoienc porter cette marque
fans blefîer leur confciencc. On remarqua aufîi dans ce Synode
que Sulli avoit donné de 11 mauvaifes afiignations aux Reformez >
pour le payement des fommes que le Roy leur devoir payer pour
les années 1605. & 1606. que tout étoit prefque en non-valeurs.
Mais la principale affaire dont il y fut parlé, fut celle de i'Antc-
chriir. On y reçut le livre que Vignier avoit compofé fur cette
matière , félon l'exhortation du Synode précèdent ; & on en commit
l'examen à l'Académie de Saumur , pour le faire imprimer en fuite.
Théâtre avecleiiom de fou Auteur. Ce livre parut peu après fous le nom
'^^ 1'"^"' ^^ Théâtre de l'Antechrift : & entre les autres effets qu'il produifit ,
il porta Gontier J efuïte à prêcher contre le XXXI. article de la Con-
fefîîon defoy des Reformez: ce qu'il fit devant le Roy d'une ma-
nière fi feditieufe & fi infolente , que le Roy même luy en fit de fe-
veres réprimandes ; mais afin que les Catholiques ne l'accufafîènt
pas
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 4.57
pas pour cela defavoriler les Reformez, & de laiflèr pafîèr leurs ^^^9'
écrits (ans en dire mot , il défendit aufli le débit du livre de Vi-
gnier.
On vit donner cette année la première atteinte aux droits honori- ^^/,;^^^
fiques des Seigneurs Reformez , par un Arrêt de la Chambre de 'donnée
rÉdit de Paris. Cet Arrêt maintenoit , contre une veuve d'un 2oits
Seigneur de Vieille- vigne , à qui ces droits appartenoient dans une s«^»fv-
certaine Paroillè dont elle avoit le patronage , un Gentilhomme ''"*"**
qui les ufurpoit par cette feule raifon , qu'il n'y avoit que luy de
Gentilhomme Catholique dans cette Paroifle -, & que cette Dame
étant de la Religion Reformée ne fc trouvoit jamais à l'Eglifc.
L'Avocat General foutint la caufe du Catholique -, & prétendit
qu'on ne fàifoit point de tort à cette Dame , par la Sentence dont
elle étoit appellante -, parce qu'on ne la privoit de fes droits que
quant à prefeyiî : ce quilcsluyconfervoit quand elle feroit en état
de les reprendre. L'Arrêt fut conforme aux concluions des Gens
du Roy i & porta que la jouïflance du Catholique ne feroit nul
préjudice à la Dame ni à fes fucccfîèurs, quand ils feroient de la
qualité requifc pour uferde ces privilèges j c'eft-à-dire , quand
ils feroient Catholiques.
La jurifdidion des Chambres Mipartie* reçut aufli une atrein- Jfirifdic.
recette année, (bus prétexte qu'on en abufoit. Bordes Moine ^111"
Auguftin , & Guiraud Confeiller à Thouloufe, furent accu fez ^^^.
d'une aflaffinat dont les circonftances étoient fort odieufes. Le
Moine chercha un afile dans les principales villes des Reformez,
à Tonneins , à Milhau , à Nimes ; & ayant embraflc leur Reli-
gion , il demanda fon renvoy à la Chambre Mipartie de Lan-
guedoc. Il foutenoit qu'on ne luy en vouloit à Thouloufe , qu'à
caufe qu'on avoit remarque en luy des (entimens peu Catholiques:
&il alleguoit la cruauté ordinaire de ce Parlement, qui en haine
de fon changement ne fongeroit qu'aie faire périr (ans mifericor-
de. L'affaire ayant été portée au Confeil d'Etat , le Roy ren-
voya le procès au Parlement de Thouloufe. Les Reformez fc
plaignirent de cette atteinte donnée à leurs privilèges -, eftimant que
cet Arrêt leur faifoit tort en toute manière : que fi le Moine étoit
accufé mal à-propos , c'étoit une injuftice que d'ôter la cortnoif-
lànce de fon affaire à des Juges équitables , pour la commettre à
jd'<iniplacables ennemis : que s'il étoit coupable , c'étoit faire tort à
i;"i Tome L Mm m l'in-
458 HISTOIRE
'i^Qp,Vinzegvké des Juges Reformez, quede croire qu'ils voulufTènt fa-
vorifer un exécrable aflaflin , fous prétexte qu*il auroit embraifé
leur doclrinc pour trouver de la proteéiion. Mais foit que le
crime fût trop connu , & l'hypocrifie du Moine trop manifefte 5
foit que le Clergé eût aflèz de crédit pour remporter fur les Re-
formez, leurs plaintes n'empêchèrent pas que le Parlement nede-
fneurât maître du procès, &ne condamnât rigoureufèment lesac-
cufez.
Livre Mais il arriva aufll cette année une chofe qui pouvoit les confbler
^!'"^y'} de cette petite difgrace 5 & qui donnoit quelque îuftre à leur fidélité 9
^' '* en reyelant lepanchant que les Catholiques avoient aux con (pira-
tions contre l'Etat. On trouva dans la maifon d'un habitant de la
Flèche , ville où les Jefuïtes avoient leur principale refidence >
chez un nommé Medor, quifemêloitd*enfeigner quelques enfans
de bonne Maifon , & de qui le logis étoit fitué proche d'une
Hôtellerie, quiavoit pourenfeigne lesquatre vens, dans uneruë
quiavoitlemêmenom, un livre bien relié, &doré fur tranche. II
y avoir de l'écriture jufques' vers le milieu du livre > don: une bon-
ne partie étoit faite avec du fàng, & un grand nombre defigna-
tures écrites de même. Ce livre fut apperçu par une femme qui
-le denonç:|. Mais il ne falloir pas voir en ce tems-là tout ce qu'on
voyoit : & quoy que les circonflances dufTcnt donner de grands
foupçons contre ceux qui avoient part à ce livre, on ne poufîà pas
bien loin les enquêtes qui en furent faites.
T)\jcoHrs Je ne puis oublier aufTi que Jeannin , autrefois paflionoé Li-
nilfur' g^'^^r, mais homme de bon (ens, &: qui avoir beaucoup départ
Uiiher- aux affaires, ayant été envoyé en Hollande, où les Ambafîadeurs
feienft"' ^^ Francc avoient été Reformez durant quelque tems, ilpropofà
aux Etats de la part du Roy d'avoir de la tolérance pour ]çs Catho-
liques, qui étoient en grand nombre dans leurs Provinces. II fit
un fort beau difcourspour montrer la juflice de ce fupportj &il
femble qu'il parloit comme il le penfoit, puis qu'on trouve dans
fès Mémoires un pareil difcours en faveur des Reformez fous le rè-
gne de Louis X I II. Il difoit donc que les Catholiques avoient con-
couru au fcrvice de l'Etat , dans le tems même qu'ils étoient pri-
vez de la liberté de leur Religion, dont ils attendoientlaref^itu-
tionparle moyen de la paix: qu'il n'y avoit point de fervitude fî
intolérable que celle de la confcience: que les Provinces l'avoient
^j^ -- fkit
DE LEDIT DE NANTES, Liv. IX. 45^
fait voir par leur propre exemple, ayant couru aux armes pour fc i^op.
délivrer de cet efclavage : qu'on en avoit fait autant en d'autres
lieux derEurope, & en France même: que Dieu avoit ce femble
permis l'heureux fuccés de ces guerres , pour montrer que la Re-
ligion devoit être enfeignée & perfuadée par les mouvemens qui
viennent du Saint Efprit 5 non par la force & par la contrainte: que
le Roy ayant reconnu par expérience que le confeil fuivi par Tes
predecefîeurs , n'avoit fervi qu'à augmenter le mal dans la Religion
^ dans l'Etat , travailloit chez luy à éteindre par la paix les ai-
greurs qui naiflent delà diverlitédes Religions: qu'il avoit tiré de
bons effets de fa modération pour la Religion Reformée , qu'il
avoit permife dans fcs Etats , èc de l'obfervation de (es Edits , au
lieu qu'auparavant on ne les donnoit que pour les violer : que s'étanc
bien trouve de ce confeil , il le donnoit volontiers à fes amis :
que les Provinces Unies avoient trouvé les Catholiques dans leur
Etat , quand il s'étoit formé j d'oii il s'enfuivoit qu'elles dévoient
les y fbuffrir: que les Souverains qui n'ont pas trouvé les deux
Religions chez eux , peuvent bien refufer d'y admettre celle qui
n'y ellpas reçue > mais qu'ils ne feroient pas fagement d'y rcfiller ,
s'ils mettoient parla leur Etat en danger: que la rigueur des Pro-
vinces contre les Catholiques qui s'y trouvoient feroit d'un dange-^
reux exemple, & feroit préjudice ailleurs où les Reformez fe-
roient les plus foibles: qu'il n'y auroit rien à craindre en leur don-
nant quelque liberté , puifquc s'ils avoient été fidèles pendant la
guerre làns en jouir , ils le feroient encore plus après Tavoir recou-
vrée.
Il repondoit en fuite à diverfès objections , qui étoient à peu
près les mêmes qu'on avoit faites en France contre la tolérance
des Reformez , en changeant feulement les nom5. 11 nioit que
l'Etat des Provinces Unies fût fondé fur la profcdlon de la Reli-
gion Reformée 5 parce , difoit-il , que les Catholiques avoient
aufli concouru à le fbutenir. Il nioit que ce fût un moyen d'obli-
ger les Catholiques à embralTèr la doctrine des Reformez -, par-
ce , difoit-il , que la contrainte ne ferviroit qu'à les affermir davan-
tage; que leur mort même n'éteindroit pas leur créance j qu'ils la
laiiîèroient comme par cabale ou par tradition à leurs enfans , ou
qu'ils tomberoient dans l'irréligion : mais qu'il valoit encore mieux
tjûlcrer la fuperftition que l'impiété. Il dilbit fur la permifiïon de
V. Mm m 2 fe
466 HISTOIRE
ï2^ô^; fe retirer qu'on auroit pu îeur donner jqu^on ne pouvoir avec juftf-
ce ordonner à des gens qui n'avoient point fait de maîuneerpecc
d'exil 5 qui les faifoit renoncer à toutes les douceurs que Tamour
qu'on a pour Ton pais comprend en foy : qu'ils avoient aidé à con-
quérir le pais dont on les voudroit chafler : qu'on feroit dans l'E-
tat des folitudcs , qui feroient encore fuivies d'autres grands in-
convenièns. Il finiHôit en déclarant qu'il ne demandoitpas pour
eux la liberté de l'exercice public j mais feulement qu'on ne les re-
cherchât point pour ce qu'ils faifoient dans leurs maifons 5 &:ilpro-
pofoir des précautions pour empêcher le mal qu'on en pourroit
craindre. Cette négociation eut le fuccésdont on voit encore au-
jourdhuy les fiiites. On n'accorda point aux Catholiques d'Edit
de libertés maison les toléra en quelques Provinces fans leur rien
dire. On les a vus en divers lieux porter leurs avantages plus loin
qu'on n'avoit eu defîcin de les étendre -, Sz on n'a pas fait de grands
efforts pour l'empêcher : &: quoy qu'il n'y ait point de loy publique
qui lesiaaintienne 5 ils jouïflènt d'un repos dont on a privé ailleurs
ceux à qui leurs Souverains! 'avoient promis par des Edits fblennels.
Pendant ce rems-là les affaires des Morifques empiroient en Ef-
pagne > Meilleur fut enfin ordonné de fe retirer dans un terme aiïcz
court, &: avec des conditions aflez dures , qui même leur furent
bien mal gardées. Le Roy refolut d'accorder le pafTage libre par
i6io. ion Royaume à ceux qui le voudroienc prendre : & pour tirer
fji'e'r un double profit de leur m.alheur , en fortifiant fon Royaume, en
'jes Mo- même tems que leur retraitte affbiblifToit l'E^agne , il les invita
rtfo^uei. parunEdit exprés à venir demeurer en France. Mais les condi-
tions en étoient fi peu favorables , qu'il y en eut fort peu quivou-
luflent s'y arrêter. Elles les obligeoient à s'établir en deçà de la
Dordorgne , afin de les éloigner de la frontière d'Efpagne > à fe
faire Catholiques > & à la peine de mort ^ s'ils ne perfeveroient pas
dans la Religion Romaine. Il y en auroit eu peut-être un plus
grand nombre qui auroient préféré le doux climat de la France
aux ardeurs des côtes d'Afrique , fi on leur avoit fait de meilleu-
res conditions j &: comme ils étoient la plupart bons marchands ,
experts ardfans , diligens laboureurs , ils auroient apporté de
grandes commoditez à l'Etat par leur indufbie > outre qu'ils em-
portoient avec eux de grandes richefles , quov qu'on leur en eût fait
laiiîer la meilleure partie en Efpagne. Mais en France même on ne
laif^
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 461
lailîà pa;s de leur faire fur leur pafTage mille violences & mille injuftil j^^^,
ces. Ceux qui étoient chargez de leur conduite & de leur embar- ^*
quement les makraitterent , les pillèrent, les reduifirent à de gran-
des extremitez. Les Députez qui en portèrent les plaintes en
Gour , en revinrent avec une ombre de fatisfac^ion qui s*cn alla en
fumée : les bigots croyant tout permis contre des Infidèles, 6c
protégeant hautement ceux qui proflituoient la foy de la France
par leurs injuftices, dans une cccalion fi importante. Ainfi ces
malheureux n'emportèrent d'Europe que leurs arts &: leuradre(îè>
avec une haine implacable contre les Chrétiens, qu'ils ont toujours
regardez depuis comme des gens fans foy & fans probité : & les en-
fans fevangent encore aujourdlîuy par leurs infidelitez & par leurft
pirateries, des injuftices que les Chrétiens firent alors à leurs famil-
les en pillant leurs pères.
Le Roy ne vit point cepaftàge: & comme il étoitfraiic& équi-
table , il auroit peut-être empêché qu'on n'eût fait un fi mau-
vais traittement à ces miferables. Mais une mort imprévue rom-
pit toutes les mefures defes defîeins, priva le Royaume de fon ref-
taurateur, les Reformez de leur appui, ôc toute l'Europe de fon e(^
perance. Le Prince de Condéavoit époufé depuis peu la fille du
Connétable. Avant ce mariage , le Roy ne s'étoit prefque pas
apperçu qu'elle étoit la plus belle perlbnne de la Cour: mais tout
d'un coup il en devint amoureux, jufqu'à faire éclatter fapaflion.
Le Prince jaloux , & craignant la puilîance de fon rival , enleva fa
femme, qui confèntoit à fuir le piège qu'on tendoit à fa vertu, tcEvaforp
pafifà en Flandres avec elle fans fuite &: fans équipage. Le Roy"''*/^^^'
OU emporte par la paiiion dont il n etoit pas le maître , ou voulant le je.
fervirdel'occafionpour attaquer la Maifon d'Autriche, comme ilj^'f''^
y avoit long-tems qu'il en avoit la penfée , les redemanda à TAr- ^'r'Jr.
chiduc , qui les avoit fort bien reçus : & au refus qu'il fit de les ren- chjdjic^
dre , il luy déclara la guerre. Quelques-uns de fes Confeillcrs rrou-
voient cette déclaration un peu précipitée , & ne croyoient pas que
le Prince , qui n'avoit ni biens , ni Places , ni créatures , fut allez
redoutable pour mériter que le Roy fit tant de bruit à l'occafion de
là fuite : Sz fans prendre ce prétexte de faire la guerre , il le prelèntoic
dans l'ouverture de la fucceflion de Cleves uneoccafion favorable
pour la commencer , à caufe de l'alliance du Roy avec quelques-un^
des pretendaus. 11 manc^uoit encore quelque choïè aux préparatifs d£i
Mmm 3 ta
4j6i histoire
1610, îa guerre, parce que les Alliez n*étant pas avertis n'étoicnt pas en-
core en état d'agir. Mais le Roy avoit fes vues, &(à volonté dé-
cida la queftion.
Redouta. Il étoit donc tems que l'Erpagneprît garde à elle. Jamais on n'a-
frn^tdti voit vu en France de fi beaux préparatifs. Les guerres civiles
Roy. avoient fait de bons foldats de prefquctous les François. Il y avoit
un nombre incroyable de vieux Officiers , fignalez par une longue
expérience. On ne manquoit point de Généraux expérimentez: &
le Roy étoit reconnu de toute l'Europe pour le plus hardi ôc le plus
grand Capitaine de Çon tems. Le fang bouilloit dans les veines des
Reformez , qui s'affùroient de voir finir leurs terreurs avec la gran-
deur de la Maifon d'Autriche j &:qui ne demandoient que Tocca-
fion de fe vanger par une légitime guerre 5 des mafîacrès & des vio-
lences qu'ils croyoient que le Confeil d'Efpagne avoit infpirées con-
tre eux à celuy de France. Les Catholiques efperoient s'avancer,
& fe faire valoir par la guerre. L'économie & la vigilance de Sulli
avoit mis un ordre aux affaires , qu'on ne fe fouvenoit pas d'y avoir
jamais vta. Jamais il n'y avoit eu tant d'armes à l'Arfenal : & ce
qui étoit le plus extraordinaire pour la France , jamais tant d'argent
comptant, ni tant de refîburces pour plufieurs années. Les allian-
ces étoient belles & puillàntes : outre celle des Provinces Unies
qu'on avoit renouvcllée , il y en avoit une conclue depuis peu à
Hall en Suaube , malgré les oppofirions de l'Empereur, avec une
quinzaine de Princes rroreftans. Cet appareil faifoit trembler Ro-
me pour la Religion , & l'Efpagne pour là grandeur : & les intérêts
de l'une paroifîbient tellement mêlez avec l'autre , qu'il fembloit
qu'elles courufïènt les mêmes rifques , & qu'elles culîent bcfoin à^s
mêmes fecours.
A la vérité on ne peut dire certainement quel étoit le dcfîein du
Roy : & parce qu'il n'eut pas le tems d'en fuivre longuement le pro-
jet, il n'arriva rien qui put donner lieu de pénétrer fesfccrettcs in-
tentions. On luypropofbit des projets fi differens, qu'on ne pou-
voit deviner jufl:e quel étoit le fien : d'ailleurs on fait qu'encore que
les Princes commencent la guerre fur un certain plan, ils l'abandon-
nent bientôt , quand les occafions plus ou moins favorables leur
Ses def' infpirent de nouvelles penfées. Mais il y avoit deuxchofes qu'on
peut tenir pour certaines , ou du moins pour fort vraifemblables.
L'une que Sulli étant fon confident, le projet qu'on a inféré dansfès
Me-
DE L'EDIT DE NANTES, Liv. IX. 4^3
Mémoires, & dont il avoir entretenu pluiictirspcrfonnes, n'ctoit i^io.
pas entièrement chimérique j que fuivantcela on devoit craindre
que le Roy ne penfât à fonder l'équilibre des Fuiflànces de l'Europe
lur l'équilibre des Religions : que par confequent il n'cntendroit ja-
mais à exterminer la rroteftante. C'eft pourqtioy à Rome on le
croyoit mauvais Catholique , & on n'y doutoit pas qu'jl n'eût re-
tenu de fa première Religion le deflein d'abaifler ce fuperbe
Siège : refted'/f^rif/^f plus odieux en ce païs-làque les plus detef-
tables erreurs. Cette crainte ctôit encore fondée fur ce qu'on ne
voyoit prefque dans Ton alliance que des Protcflans: d'où ils'cn-
fuivoit naturellement que s'il reùflilîbit dans ihs entreprifes, il n'y
auroit que des Protellans qui profiteroient de fcs vidoircs : dont
par con(equent le dommage retomberoit fur la Religion Catholi-
que. Ileft vray qu'on offroitau Pape la réunion du Royaume de
Naples au Domaine de VEglife : mais la Religion ne gagnoit rien
en cela , puis que ce Royaume efl tour Catholique ; au lieu qu'elle
perdroit tout ce qui tombcroic fous la puifTance des Proteilans.
L'autre chofe étoit que le Roy vouloit abaiflcr la Maifbn d'Autriche,
6c qu'il n'engageoitdiverfesPuiflancesdans /es intérêts, qu'en leur
promettant de les enrichir des dépouilles de rEfpagne: ce qui paf-
foit dans leConfeil de cette Cour pour un crime encore plus irre-
miiïibie que VHerefie.
Mais pendant que toute l'Europe étoit attentive à la révolution
qui feprcparoit, &que tous les efprits étoicntrufpendus entre la
curiofité, refpcrance, & la terreur, la Scène changea de face par un
trifte dénouement. Le Roy avoit eu pour la Reine la complaifàn-
ce de la faire couronner avant que de partir. Il n'y avoit ncn qu'il
ne fit pour vivre en paix avec elle: & comme la guerre qu'il alloit
faire rompoit toutes les mefures de la Reine pour le double mariage
du Dauphin avec l'Infante, & de la fille aînée de France avec l'In-
fant , il avoit voulu luy en ôter le chagrin par une cérémonie qui
fembloit importante à cet efprit défiant, pour afîTirerla Couronne
à fes enfans. Il y avoit eu des gens fages qui avoient voulu détour-
ner le Roy de cette pompe , qui devoit l'engager à une depenfe peu
convenable dans les commencemens d'une guerre, dont on ne
pouvoit prévoir la durée. Rôni même avoit eu le crédit de faire rom-
pre le projet de cette cérémonies ce qui acheva de le perdre dans
TefpritdcIaReinej déjà aigrie contre luy par d'autres raifons. Mais
en-
4,64 HISTOIRE
1610. enfin le Roy voulut donner ce contentement à (à femme à quelque
prix que ce fût. La cérémonie du Couronnement fut célébrée à
St. Denis avec beaucoup de magnificence : mais pendant qu'on
preparoit à la Reine une fuperbe entrée, après laquelle leRoyde-
sa mort yoit aller iè mettre à la têtedefon armée qui approchoit desfron-
Sr" tieres, un exécrable aflalîin le tua dansfon carrolîele dixième de
Mai 5 comme il alloit à l' Arfenal pour y donner quelques ordres qui
regardoient fon entreprife. Les Hilloires du tems raportent ample-
ment toutes les circonftances de cette mort , dont on fit écrire exprès
diverfes relations, pour diiîîper les foupçons qu'on avoit par tout
le Royaume , qu'il y avoit des gens à la Cour qui avoient feu le fecret
de ce parricide. Mais on n'immola point d'autre vidime aux Mâ-
nes de ce grand Prince , que le {celerat qui luy avoit donné le coup :
& ceux qui étoient le plus obligez à rechercher & à faire punir les
véritables auteurs de ce crime, n'eurent pas plus deibinde levan-
ger, que luy-même n'en avoit eu de vangerla rnortde Henri III.
fbn predeceflèun Tout ce qu'il y eut de plus honorable pour ià
mémoire, fut que tous fes bons (ùjets le regrettèrent comme leur
père i & prévirent bien qu'il ne monteroit de long-tems fur le trône
un Roy qui méritât de luy être comparé.
C'eft unechofe furprenante, que ceux qui ont travaillé à détruire
les Reformez , ayent choifi le tems de la mort de ce grand Roy
pour l'époque d'une ridicule entreprife, qu'ils ont imputée à la ville
de la Rochelle. Comme je ne fay point en quel tems on a inventé
cette calomnie , je ne puis en rapporter l'hiftoire plus à-propos
qu'au moment où on dit que la chofe eft arrivée. On accule donc
cette puifîante ville d'avoir voulu étendre encore plus loin fa puif-
iance , en s'emparant de la ville de Brouage. Le deflèin ctoit , dit-
on , de jetter dans le port dès le point du jour deux vaifîèaux
pleins de fbldats , deguifcz en marchands , qui fous le prétexte de
décharger leurs marchandifcs , dévoient fe làifir de la petite porte
du port. On avoit accoutumé pour la commodité du trafic , de l'ou-
vrir de meilleure heure que les autres j & ces gens dévoient fè fervir
de cet avantage, pour entrer dans la ville fans empêchement. Ils
avoient ordre de pafler au fil de l'épée tout ce qui feroit quelque re-
fiflance : & la Rochelle avoit promis de leur envoyer , aulîi-tôt
qu'ils feroient maîtres de la Place, un fecours aflez fort pour s'y
maintenir. Ces vaifîèaux , dit-on, arrivèrent à l'heure marquée :
mais
DE L'EDIT DE NANTES , Liv. IX. 4^5
mais la petite porte ne fut point ouverte pendant toute la matinée. 16 10.
La raifon de la tenir fermée fut , que la nuit précédente le Gou-
verneur avoit appris par un Courier exprés la funefte mort du Roy.
De forte que ce contre-tems obligea les vaifîèaux de fe retirer , après
avoir attendu Touvcrture de la porte jufques à huit heures. Jamais c4omni»
calomnie n'a été plus mal imaginée : &jene fayce qui doit le plus r"/;^'^J*
étonner ou de l'impudence de Tinventeur , ou de la crédulité de &flr^
Deagean qui Ta débitée. Je laifîè à juger à tous ceux qui ont du f*^*f''>»'
bonfens, quelle apparence il y a que dans la plus grande profpe-
rité où le Roy fc fût vu , dans le tems où il étoit afTez puiHant pour
donner la loy à toute l'Europe , une ville comme la Rochelle , fans
hgue inteftine , fans intelligence étrangère, eut été capable de luy
déclarer la guerre 5 & d'entreprendre de faire des conquêtes fur luy?
Je dis fans intelligence ni au dedans, ni au dehors ^ parce qu'il eft
impoffible que s'il y avoit eu quelque chofe de femblable , il ne s'en
fut pas confervé aiîcz de lumière pour fonder au moins un foupçon:
& qu'il ne fût pas refté dans quelques Mémoires une (èule trace d'un
tel Traitté. Il eft certain même que le refte des Reformez ne pou-
voit alors entrer dans une fl honteufe confpiration -, & que fi elle
avoit été véritable , la Rochelle auroit été infailliblement defavoùéc
de tout Icparty. Le Roy s'engageoit dans une guerre qui flattoit
extrêmement les Reformez , & du fuccés de laquelle ils attendoient,
pour ainfi dire , le dédommagement de toutes leurs mifercs paflees.
Ils fe croyoient fur le point de triompher de leurs anciens ennemis.
Ils avoient de tout leur pouvoir pouffé le Roy à cette entreprife.
Les alliances de ce Prince étoient en partie un effet de leurs intri-
gues. Il eft aifé de conclure de tout cela, qu'ils auroient été inca-
pables de prendre part à des deft^eins qui auroient traverfé celuy de
la gi.ierre , qui leur tenoit fi fort au cœur : & que fi la Rochelle
àvoit ofé former le projet qu'on luy impute , tous les Reformez
Tauroient abandonnée à l'indignation du Royj &fe feroient mê-
me peut-être fait un honneur de luy aider à fe vanger d'elle. Ceux
qui gouvernoient cette ville flivoient aftez bien quel étoit Tinterêt
gênerai des Reformez , pour ne s'attendre pas à autre chofe : & il
eft bien loin de la vraifemblance , que dans cette connoiffince ils
euffent fait des entreprifes d'une confequence fi dangcrcufc. Je
ne trouve pas mieux pcnfé ce que ceux qui ont fait former à la Ro-
<:helle un fi ridicule deflein , dans un tems fi mal choifi , le luy font
Tome I. Nnn aban-
^66 HISTOIRE
1610. abandonner lors que la mort imprévue du Roy j Se la confufîori
qui fe repandit en un moment dans toutes les affaires, pouvoit fèr-
vir non feulement au fuccés , mais même à l'impunité de l'entreprilè.
On cherche le tems du delbrdre , & de l'embarras où les autres fc
trouvent, quand on veut faire quelque profit à leur dommage. Ce-
pendant on fait prendre à la Rochelle , pour une entreprife de la
dernière audace , le tems où le Roy qu'elle devoit offenler étoit le
mieux en état de l'en punir j & on luy ftiit rompre fon defîein , lors
que par le malheur de l'Etat on auroit été contraint de dillimuler
fon mfolence. II faut avouer que cette calomnie eft fort mal con-
çue. Aufîî ne le trouve-t-il qu'un témoin qui en révèle le fecret :
& ce témoin porte fon reproche fur le front. C'eft un homme qui»
comme Deagean le rapporte dans fes Mémoires , abandonne (a
Religion, &qui trahit fon païsj jufqu'à donner des avis pourflir-
prendre la Rochelle j èzdes avis 11 certains, qu'on y auroit reùlÏÏ,
Si on avoit fçu en profiter. Cet homme , à l'imitation de tous ceux
, qui par un intérêt de fortune embralîbient la Religion Catholi-
que, vouloit fe fignalerpar une importante découverte > &il n'a-
voit trouvé rien de plus à-propos pour s'avancer , que d'imputer à
la Rochelle des delfeins noirs & odieux -, parce que de telles accu-
fations étoient fort bien reçues à la Cour , où on f^pportoit im-
patiemment la puiflànce de cette ville. Que le Ledteur juge s'il
ell imaginable qu'un deflein , qui a dû être communiqué à tant de
gens, qui a dû être connu prefque à toute une grande ville, dont
il a fallu former les apprêts lentement & à loilir , foit demeuré
néanmoins fi fecret durant plufieurs années, qu'il ne fe foit trou-
vé qu'un feul homme capable de le révéler. La Cour avoit des
créatures dans tous les Confeils de la Rochelle. Il y avoit des gens
de bien qui aimoient le Roy , & de qui les bonnes intentions fai-
foient avorter Ibuvcnt les deficins que la ville formoit pour fa lé-
gitime defenlè. Cependant ce ne Ibnt ni ces créatures de la Cour,
ni ces gens bien inrentionnez , qui révèlent une cholè fi impor-
tante. C'eft un homme qui change de Religion, qui en donne la
première connoilîànce -, & un homme qui étant prêt à vendre fa
patrie pour faire fortune , pouvoit bien aulîi la charger d'une fauHè
accufation. D'ailleurs c'eft un homme de peu de poids, pour être
cru dans une affaire de confequence. Deagean qui dit que ce
fcelerat avoit eu part à ce defîein , & qu'il étoit fur un de ces vaif-
feauxj
DE L*EDIT DE NANTES, Liv. IX. 467
(eaux, luy donne la qualité de Miniftre ingénieux des Rochelois. 1610.
Je ne comprens pas le fens de cet épithete, fi par un Miniftre il '^
faut entendre là un Prédicateur. L'éloge à' ingénieux eft bien froid,
quand il s'agit d'un homme de ce caradere. Ce que Deagcan ,
parlant ailleurs du deflêin qu'il avoit eu de livrer la Rochelle au
Roy , luy attribue d'avoir eu la charge des fortifications de la ville,
me fcroit croire qu'au lieu à' ingénieux il faudroit lire Ingénieur :
& fi je ne fiiis trompé, les Grammairiens pourroient marquer un
tems oii on confondoit l'un & l'autre. En ce fens je trouve que
ces deux qualitez de Miniflre 6c d'Ingénieur s'accordent bien mal :
& je ne puis juger par quelle raifon les Rochelois auroient donné
à un Théologien , plutôt qu'à un homme d'épée, une commiiîion
fi importante, & fi peu convenable à fes légitimes occupations.
C'eft là une confideration qui peut bien jufl:ement rendre fiifpedt
tout le refte de ce conte. J'en dis autant de la fuite de ce traître ,
qui fe retira, dit-on, à Rome, parce qu'après que Ton entrepri(e
ftit découverte , il ne croyoit plus qu'il y eût de lîireté pour luy
dans le Royaume : comme s'il n'y avoit pas eu en France en mê-
me tems d'autres traîtres que luy , à qui les Reformez n'ofoient
même faire mauvais vifage , bien loin de les faire périr. Je me
fiiis arrêté à réfuter cette calomnie un peu au long par deux rai-
fbns. La première eft que les Catholiques l'ont relevée , comme
fi elle avoit eu quelque fondement. La féconde eft que fur le
caractère de cette acculàtion , il eft aifé de juger de plufieurs au-
tres , par lefquelles on travailloit à irriter les Puifîànces , ou en
particulier contre cette, importante ville , ou en gênerai contre tout
le party des Reformez. On en inventoit tous les jours i mais on
n*y gardoit gueres mieux les règles de la vraifemblance.
Fin du premier Volume.
Nnn 2 GATA-
C A T A L O G U E
des Livres & des Auteurs , d'où on a tiré la matière
du premier Volume de cette Hiftoire.
HIJioire de Jaques Augufte de Thou,
Hiftoire de Mezerai,
Abrégé Chronologique du même.
Hiftoire de Matthieu,
de Du Pleix.
d^Aubigné,
Novefiaire,
de la Paix.
du progrés & delà décadence dePRereftç.
Latine de Grammont.
tMemorie recondite di Vittorio SirL
Mémoires Du DucdeNevers.
de Du PleJJîs.
de Jeannin,
de Villeroi.
de Sulli.
du Clergé,
du Cardinal d^OJfat y ou Lettres,
du Cardinal du Perron , ou %Amhajfadcs &ç*
de Bajjbmpierre.
de Deagean.
de Du Maurier,
Vie de P^Amiral de Châtillon.
de Jaques Augufte de Thou.
de Henri IV,
du Duc d^Epernon.
du Duc de Rohan.
de Du Plejfîs.
Vie
Vie de Lefdiguieres.
de François de la Noue,
de Tierre du Moulin .
du Jefuite Cottmi , par Tierre Jofcpb d Orléans.
Autre du même en Latin , par ....
oiâes des tAjfemhlées générales,
tAâes des Synodes Nationaux,
Conférence des Edits de pacification.
Decijions Royales de Fille au.
Lettre de Maldonat au Duc de Mmipenfier.
Lettres du T. Taul Sarpi.
JHercure François,
Je n'ajoute point icy les noms de ceux que je réfute. On ne
peut douter que je n'aye lu ceux à qui j'ay entrepris de repon-
dre. Je ne parle point auilî de ceux dont je me fuis fcrvi pour le
premier livre de cette Hiftoire en particulier y parce que ce font
des Auteurs connus de tout le monde.
Je ne dis rien des Mémoires manufcrits que j'ay lus, & qui me
font venus de quelques particuliers. Je ne les pourrois marquer
que du nom de leurs Auteurs , qui ne fouhaittcnt pas que je le
fafle.
Toutes les pièces & titres que je cite dans cet Ouvrage, com-
me Edits, Déclarations, Arrêts, Brevets, &c. dont je ne donne
pas icy le catalogue , parce que le détail en feroit de peu d'im-
portance -, ou que je ne fais pas imprimer entre les preuves , de
peur de rebuter le Le6leur par la grofîeur de cette compilation ,
font encore î ou ont été entre mes mains en bonne forme ; plu-
fieurs en original, la plupart en copies authentiques, foit manu-
fcrites , fbit imprimées.
Celles que je n'ay plus ont été reftituées à ceux q^ui m'ça
avoient donné communication.
Nnn 5 AD-
ADDITIONS & CORRECTIONS.
que comme ces vilies e'toient en leur
pouvoir au tems de TEdit , elles dé-
voient leur être laiffe'es , en vertu de
l'article du Brevet , qui portoit qu'il
n'y feroit rien innové j puis que c'e'-
toit la plus importante innovation
qu'on y pût faire, que de les ôter
d'entre leurs mains ; ou que d'en ra-
fer les fortifications , pour les leur
rendre inutiles. Cette difpute s'c-
chauffa extrêmement fous Louis
XIII.
P. iiîj. /. 5. & ^. s'arrétes, ///. s'arrê-
ter.
P. 192. /. 31. les, ///. des.
P. 33<î. /. jz.nene , ///.ne.
P. 337. /. 8. avant que, ///. avant que de,
p. 349. /. 18. mettre y , lif.y mettre.
P. 3 7 5. /, 9. perfuaJa , ///". perfuada pas.
P. 387. /. 5 5. eue , lif. perfuada pas.
P. 387. /. 3 5. eue. ///. eues.
P. 392. /. 9. irritez , ///. imitez,
P. 397. /. 21. des, lif.de.
P.407. /.4. les , lif. des.
P. 4 1 1 . /. 5. complaince , ///. complai-
fance.
P. 429./. I. &: 2. que la Cour de Rome
fût ,^ ///. de ce que la Cour de Rome
étoit.
P. 430. /. 1 4. autorife , ///. autorifoit.
P. 43 3 . /. I o, ôtez. encore.
P. 442. /. 20.& 21. comme en décidant
fi le Pape étoit Antechrift: ///. com-
me fi en décidant que le Pape étoit
l'Antechrift.
P. 444, /. 34. C'eft pourquoy le, ///.
De forte que le.
ni fur le petit état: &on foutenoit P. 447. /. 37. reponfe: les, /i/". repon-.
qu'il n'y avoit de Places de fureté, que fe & les.
celles qui étoient expreflement nom- ^ . 4. cels, ^-r cel-
mées dans l'un ou dans l'autre. Mais ''^ ''5. de-, ■''des.
les Reformez difoient au contraire, P. 457. /. 24.006 , ///. un.
FIN.
Vag, 9. ligne 3 1 . évelation, lif. élévation,
P. 14. /. 24. rais , ///. mettre.
P. 19. /. 32. Ferdinant , ///. Ferdinand.
P. 21. /. 20. qu'il , lif. qu'ils.
P. 57. /. I. deux. ///. d'eux.
51.1a Religion, ///. fa Religion.
P. 58./. 10. que la, ///*. que fur la.
P. 62./. 3.&4. qu'ils ne fulîèntéchapez,
lif qu'elles ne RilTent échapées.
P. 66. L 27. c'eft le naturel de, lif il eft
naturel à.
P. 8(J. /. 24. Catholicifé, ///. Catholifé.
P. 92.7. 2i.difputer, ///. entrer en con-
férence.
P. 1 1 7. /. 20. accrurent, ///. s'accrurent.
P. 1 5 1 . /. 1 4 les Députez fe rendroient,
Itf elle fe rendroit.
P. 141./. 27. rendre, lif. vendre.
P. 145./. II. ces, ///.les.
P. 147./. 22. &: 23. de marier, déli-
re , ///. à marier , à faire.
P. 179. /. 2. la fpecieufe, /// la plus
fpecieux'e.
P. 1 80. /. 2 7. aflfront de les , ///. aftront
que de les.
P. 209. /. 3. n'avoit pas , eff-ice":^ pas,
P. Z16.I. 24. par, lif 2,
P. 233./. 1 5. la, ///.fa.
P. 238./. 38. & p. 239./. I. jufquesàux,
/// même fur le droit d'être reçus
aux.
P. l'^i.l.i'^.dprhces mots, laifîoit en
garde, ajoute"^: On forma la même
conteftation fur celles où il n'y avoit
point de garnifon entretenue aux dé-
pens du Roy , êc qui pour cette rai-
fon n'étoient couchées ni fur le grand,
RECUEIL
DEDITS.
CONFERENCES,
8c autres Pièces,
Tour fervir de preuves à la première
Tartie de l'Hijloire de l'Edit
de Nantes.
(O
RECUEIL
DEDITS,
CONFERENCES,
&, autres pièces.
Pour fervir de preuves à la première Partie
de THiftoire de l'Edit de Nantes.
E D I T du Ro}' Charles I X. fur les mtyeiis plus propres dUppaifer les troubles
& [éditions pmr le fait de la Religion y du mois de Janvier 15^1.
fuhlié en la Cour de Parlement de Paris le 6. Mars audit an.
jHarles par la grâce
de Dieu Roy de Fran-
ce , A tous ceux qui ces
prelentcs lettres ver-
ront , Salut, On fait
ûflcz quels troubles &
feditions fe font des pieçà , & de jour
en jourfjfcitées , accrues & augmen-
tées en ce Royaume par la malice du
tems , & de la diveifité des opinions qui
régnent en la Religion : & que quel-
ques remèdes que nos Predeccfleurs
ayent tenté pour y pourvoir , tant par la
rigueur & feveritc des punitions, que
par douceur, fclon leur accoutumée <Sc
naturelle bénignité & clémence: la cho-
fe a pénétré fi avant en nôtre dit
Royaume, & dedans les efprits d'une
partie de nos fujets de tous (cxcs, états ,
qualitez & conditions: que nous nous
fommes trouvez bien empêchez à nôtre
nouvel avènement à cette couronne ,
Tome I.
d'avifer & refoudre les moyens que
nous aurions à fuivre, pour y apporter
quelque bonne & falutaire provifion.
Et de fait , après avoir longuement &:
meurement confultc de cet affaire ,
avec la Roine nôtre très-honorée &
améeDame & mère, nôtre très cher
& très-amé Oncle le Roy de Navarre ,
nôtre Lieutenant gênerai , repiefentant
nôtre perfonne par tous nos Royaumes
& pais , & autres Princes de nôtre fang,
& gens de nôtre Confeil prive : Nous
aurions fait alfembler en nôtre Cour de
Parlement à Paris nôtre dit Oncle ,
Princes de nôtre fang , Pairs de France,
& autres Princes & Seigneurs de nôtre
dit Confeil Prive.
Lefquels avec les gens de nôtre dite
Cour auroient après plufieurs conféren-
ces & délibérations , refolu l'Edit du
mois de Juillet dernier : par lequel nous
aurions entre autres chofes deftendu fur
A peine
(l)
peine de confifcation de corps 8c de biens
tous conventicules (3c aflèmble'es publi-
ques avecques aimes , ou fans armes,
Enfemble les privées, où k feroient
Prêches & adminiftration des Sacremens
en autre forme , que félon l'ufage ob-
fervé en l'Eglife Catholique dès & de-
puis la foy Chrétienne , reçue par les
Rois de France nos Predecelfeurs , par
les Evéqucs & Prélats , Curez leurs Vi-
caires & députez : ayans lors eftimc que
la prohibition defdites alTemble'es e'toit
le principal moyen , en attendant la dé-
termination d'un Concile gênerai , pour
rompre le coui's à la diverfité defdites
opinions : & en contenant par ce moyen
nos fujets en union & concorde , faire
ceflèr tous troubles & feditions. Lef-
quelles au contraire par la defobeïflance ,
dureté & tnauvaife intention des peuples,
&pour s'être trouvée Texecution dudit
Edit difficile & perilleufe , fe font beau-
coup plus accrues, & cruellement exé-
cutées, à nôtre très -grand regret &
dcplaifir, qu'elles n'avoient fait aupa-
ravant. Pour à quoy pourvoir , & at-
tendu que ledit Edit n'étoit que provi-
fional : Nous aurions été confeillez de
faire en ce lieu , autre aflèmblée de nô-
tre-dit Oncle , Princes de nôtre fang,
Se gens de nôtre Confeil privé : pour
avec bon nombre de Prefidens , & prin-
cipaux Confeillers de nos Cours fouve-
raines par nous mandez à cette fin , &
qui nous pourroient rendre fidèle compte
de l'Etat & neceflité de leurs provinces,
pour le regard de ladite Religion , tu-
multes & feditions : avifer les moyens
les plus propres , utiles , & commodes,
d'apaifer , & faire celTer touces lefdites
feditions.
Ce qui a été fait : & toutes chofes
bien & aieurement digérées & délibé-
rées en nôtre prefence , & de nôtre dite
Dame & mère , par une li grande &
notable compagnie , Nous avons par
leur avis & meure délibération dit &
ordonné , difons & ordonnons ce qui
s'enfuit.
I. A favoir , que tous ceux de la nou-
velle Religion , ou autres qui fe font
emparez, de Temples , feront tenus après
la publication de ces prefcntcs, d'en
vuider & s'en départir : Enfemble des
maifons , biens & revenus appartenans
aux Ecclefiaftiques , en quelques lieux
qu'ils foient fituez & affis : defquels ils
leur delaifleront la pleine & entière pof-
fefîîon & joiiifTance , pour en joiiir en
telle liberté & feureté qu'ils faifoient au-
paravant qu'ils en enflent été defîààfis.
Rendront & rcftitueront ce qu'ils ont
pris des Reliquaires,(Sc ornemens defdits
Temples 6c Eglifes, fans que ceux de la-
dite nouvelle Religion puifîènt prendre
autres Temples , n'en édifier dedans ou
dehors les Villes , ni donner aufdits Ec-
defiaftiques en la jouïilànce & percep-
tions de leurs difraes & revenus , & au-
tres droits & biens quelconques , ores
ne pour l'advenir , aucun trouble , de-
tourbier ni empêchement. Ce que nous
leur avons inhibe , & deffendu , inhi-
bons & défendons par cefdites prefeiï-
tes : 6c d'abattre & démolir croix ,
images , & faire autres ades fcandaleux
& feditieux : Sur peine de la vie, & fans
aucune efperance de grâce ou remiflîon.
I I. Et femblablement de ne s'ajfem-'
hier dedans lefdites Villes pour y faire
Prêches & prédications : foit en public,
ou en privé, ni de jour ni de nuit.
III. Et néanmoins pour entretenir
nos fujets en paix & concorde , en at-
tendant que Dieu nous face la grâce de
les pouvoir reiinir , & remettre en une
même
même bergerie > qui eft tout nôtre defir,
& principale intention : Avons par pro-
vision ) & jufques à la détermination
dudit Concile gênerai , ou que par nous
autrement en aie été ordonné : furfis ,
fufpendu ôc fupercedé , furfeons, fufpen-
dons 6c fupercedons les deftenfes ôc pei~
nés appofées , tant audit Edit de Juillet,
qu'autres precedens , pour le regard des
ajfemblées qui fe feront de jour hors def-
dites villes , pour faire leurs Prêches ,
prières, & autres exercices de leur Re-
ligion.
I V. Deffendant fur lefdites peines ,
à tous Juges, Magiftrats , & autres per-
sonnes , de quelque état , qualité , ou
condition qu'ils foient , que lors que
ceux de ladite Religion nouvelle iront ,
viendront & s'affemhleront hors defditcs
villes , pour le fait de leur dite Religion:
ils n^ayent a, les y empêcher , inquiéter,
molelter , ne leur courir Cjs en quelque
forte ou manière que ce foit. Mais où
quelques-uns voudroient les offencer :
Ordonnons à nofdirs Magiftrats & Of-
ficiers , que pour éviter tous troubles &
feditions , ils en empêchent , & facent
fommairement & feverement punir tous
feditieux , de quelque Religion qu'ils
foient , félon le contenu en nofdits pre-
cedens Edits 6c Ordonnances , mêmes
en celle qui eft contre Icfdits feditieux ,
& pour ie port des armes : que nous
voulons 6c entendons en toutes autres
chofesfortir leur plain 6c entier eftéd:,
& demeurer en leur force.6c vertu.
V. Enioignant de nouveau , fuivant
icelles, à tous nofdits fu jets , de quel-
que Religion , état , qualité , 6c con-
dition qu'ils foient, qu'ils n'ayent à faire
aucunes Ajfemblées a port d'armes, 8c
à ne s'entre injurier, reprocher, ne pro-
voquer pour le fait de la Religion , ne
(3)
faire, émouvoir, procurer ou favorifcr
aucune fedition : mais vivent & fe com-
portent les uns avec les autres douce-
ment 6c gracieufement , fans porter au-
cunes piftolcs , piftolets , haquebuttcs ,
ne autres armes prohibées 6cdcfténduës,
foit qu'ils voifent aufdites aflèmblccs ou
ailleurs , fi ce n'éû Gentilshommes ,
pour les dagues 6c épées , qui font les
armes qu'ils portent oïdinairement.
VI. Deftcndons en outre aux Mi-
niftrcs 6c principaux de ladite Religion
nouvelle , qu'ils ne reçoivent en leurs dites
ajfemblées aucunes perfonnes , fans pre-
mièrement s'être bien informez de leurs
vies , mœurs , 6c conditions : afin que
fi elles font pourfuivies en jufticc , ou
condamnées pardeftaut & contumaces
de crimes méritant punition , ils ks
mettent & rendent à nos Officiers pour
en faire la punition.
5 Et toutes & quantes fois que nof-
dits Officiers voudront aller efdites affem-
blées pour aflîfter à leurs Prêches, & voir
quelle do(5b:ine y fera annoncée , qu'ils
les y reçoivent 6c refpectent félon la
dignité de leurs charges 6c offices. Et fi
c'eft pour prendre 6c appréhender quel-
que mal-faideur , qu'ils leur obeïfient »
prêtent 6c donnent tout aide , fiveur 6c
allîftance dont ils auront befoin.
VII. Qu'ils ne facent aucuns Sjm-
des ne Cotifijioires , fi ce n'eft par congé,
ou en prefencede l'un de nofdits Offi-
ciers : ne femblablement aucune créa-
tion de Magiftrats entr'eux , loix , fta-
tuts , 6c ordonnances , pour être chofc
qui appartient à nous feul. Mais s'ils
eftiment être neccflàire de conftitucr en-
tr'eux quelques reglemens pour l'exer-
cice de leur dite Religion : qu'ils ks
montrent à nofdits Officiers, qui ks
authoriferont , s'ils voyent que ce foit
A z chofc
chofe qu'ils puifTent & doivent raifonna-
blement faire : finon , nous en averti-
ront pour en avoir nôtre permiflîon y
Se autrement en entendre nos vouloir &
intention.
VIII. Ne pourront en femblable fai-
re aucuns enrollcmens de gens , foit pour
fe fortifier & aider les uns les autres ou
pour ofïencer autruy : ne pareillement
aucunes impofitions , cueillettes , & le-
vées de deniers fur eux. ^ E^ quant à
leurs Cfe^rir^:^ & Aummes elles fe feront
non par cottilation & impofition , mais
volontairement.
JX. Seront ceux de ladite nouvelle
Religion tenus garder nos Loix politi'
ques , mêmes celles qui font reçues en
nôtre Eglife Catholique en fait de fefies
ôc jours chomables ôc demaruge, pour
les degrez de confanguinité & affinité :
afin d'éviter aux débats & procès qui
s'en pourraient en fuivre à la ruine de la
plupart des bonnes maifons de nôtre
Royaume, &. à la diflbiution des liens
d'amitié qui s'acquièrent par.raariaoe ^
alliance entre nos fujets.
X. Les Minifires feront tenus fe reti-
ifr par devers nos Officiers des lieux ,
pour jurer en leurs mains l'obfervation
de ces prefentes , & promettre de ne prê-
cher dûclrine qui contrevienne à la pure
parole de Dieu , félon qu'elle eft con-
tenue au Symbole du Concile de Nice-
ne , & es livres Canoniques du Vieil &
Nouveau Teftament : afin de ne rem-
plir nos fujets de nouvelles herefies.
Leur défendant très-expreflément , &
fur les mêmes peines que defTus , de ne
procéder en leurs prêches que par con-
viées contre la Méfié , &: les cérémonies
reçues 5c gardées en nôtre dite Eglife
Catholique : & de n'aller de lieu en au-
tre, & de village en villac^e, pour y
(4)
prêcher par force , contre le gré & con-
lentement des Seigneurs , Curez » Vi-
caires, 6c Marguilliers des Parroifles.
X I. Et en femblable à tous Frê-
cbeurs , de n'ufer en leurs fermons &
prédications d'injures ôc invectives con-
tre lefdits Minières 6c leurs fedateurs :
pour être chofe qui a jufques icy beau-
coup plus fervi à exciter le peuple à fe-
dition , qu'à le provoquer à dévotion,
XII. Et à toutes perfonnes de quel-
que état , qualité ou condition qu'ils
foient j de ne recevoir , receler , ni re-
tirer enfamaifon aucun acctifé , pour-
fuivi ou condamne pour fedition : fur
peine de mil écus d'amende applicable
aux Pauvres. Et où il ne fera fol vable,
fur peine du fouet, & de banniiïèment,
XIII. Voulons en outre , que tous
Imprimeurs, femeurs 6c vendeurs de \
placars , & libelles diffamatoires , foient
punis pour la première fois du fouet,
di. pour la féconde de la vie.
XIV. Et pour ce que tout l'effet &
obfervation de cette prefente Ordonnan-
ce , qui efl faite pour la confervation
du repos gênerai 6c univerfel de nôtre
Royaume , & pour obvier à tous trou-
bles 6c feditions , dépend du devoir ,
foin 6c diligence de nos Officiers. Avons
ordonné 6c ordonnons , que les Edits
par nous faits fur les refidences , feront
gardez inviolablement , & les offices de
ceux qui n'y fatisferont , vaquans &
impetrables : fans qu'ils y puiflènt être
remis ni confervez , foit par Lettres pa-
tentes , ou autrement.
XV. Que tous Baillifs , Sénéchaux,
Prévôts , & autres nos Magiflrats 6c
Officiers feront tenus , fans attendre
prière ou requifition , d'aller promte-
raent 6c incontinent la part oij ils enten-
dront qu'aura été comcois quelque ma-
léfice 9
lefice , pour informer ou faire informer
contre les delinc|uans &: malfaiteurs, &
fe faifir de leurs perfonnes , & faire ôc
parfaire leurs procès : ^ fur peine de
privation de leurs états , fans efperance
de refcitution , <Sc de tous dommages 8c
intérêts envers les parties. Et s'il eft
queftion de [édition , puniront les fe-
ditieux , fans déférer à l'appel , félon
( & appelle avec eux tel nombre de nos
autres Officiers ou Avocats fameux)
qu'il eft porté par nôtre dit Edit de
Juillet, &toutainiî que fi c'étoit par
Arrêt de Tune de nos Cours fouveraines.
XVI. En dépendant à nôtre très-
cher & féal Chancelier , & à nos amez
& féaux les Maîtres des Requêtes ordi-
naires de nôtre Hôtel tenans les féaux de
nos Chancelleries , de ne bailler aucuns
reliefs d'appel : & à nos Cours de Par-
lemens de ne les tenir bien.relevez , ne
autrement empêcher la connoifTance de
nofdits Officiers inférieurs audit cas de
fedition : attendu la perilleufe confe-
quence, & ce qu'il efl befoin d'y don-
ner promte provilion & exemplaire pu-
nition.
Si Donnons en mandement par
cefdites prefentes à nos amez & féaux les
gens tenans nofdites Cours de Parle-
mens, Baillifs , Sénéchaux , Prévôts,
ou leurs Lieutenans , & à tous nos au-
tres Jufliciers & Officiers, & à chacun
deux , fi comme à luy appartiendra.
Que nos prefentes ordonnances, vouloir
& intention , ils facent lire , publier ,
&enregîtrer, entretiennent gardent &
obfervent, & facent entretenir , garder
& obferver inviolablement , & fans en-
freindre. Et à ce faire & fouffiir , con-
traignent & facent contraindre tous ceux
qu'il appartiendra , & qui pour ce feront
à contraindre : & procéder contre les
C5)
tranfgrcficurs, par les ft.fdites peines
Et nous avcrtinentlcfdits Baillifs, Sé-
néchaux, Prévôts, & autres nos Of-
ficiers , dedans un mois après la publi-
cation de ces prefentes , du devoir qu'ils
auront fait en l'exécution & obfcrvation
d icdles. Car tel eft nôtre plaifir. Non-
obftant quelconques Edits , Ordonnan-
ces, Mandemens, ou deftènces à ce
contraires : Aufqueis nous avons pour
le regard du contenu en cefdites prefen-
tes ,^ 6c fans y prejudicier en autres, dé-
rogé & dérogeons. En témoin deee,
nous avons fait mettre nôtre ktl à cef-
dites prefentes.
E>onné à faint Germain en Laye,
le dixfeptiéme jour de Janvier , l\m de
grâce mil cinq cens foixante 6^ m : & de
nôtre règne le deuxième.
Ainfi figné. Par le Roy étant en Ton
Confeil , B o u r d i n. Et fcellé fur
double queue de cire jaune.
Déclaration & interprétation du Ro^ , fur
aucuns mots & articles VI. & Vil,
coitiemis au prefent Edit du dixfeptié-
me de Janvier , mil cinq cens foixan-
te & un.
CH A F L E s par la grâce Dieu Roy
de France , A nos amez de féaux
ks gens tenans nos Cours de Parlement,
Baillifs, Sénéchaux, Prévôts, ou leurs
Lieutenans & à tous nos autres Jufti-
ciers & Officiers <k chacun d'eux, G
comme à luy appartiendra , falut & di-
ledion.
Par nôtre Ordonnance du dixfeptié-
me jour du mois de Janvier dernier paf-
fé , cy attaché fous le contre- fecl de nô-
tre Chancellerie , fait rour le repos &
pacification de nos fujets , & pour' ap-
paifer <St faire cefler ks troubles ôc fcdi-
A 5 lions
C^)
tions que fufcke en cettuy nôtre Royau-
me la diverfité des opinions qui règne à
nôtre Religion: il eft dit entre autres
chofes , [Article V I.] Que toutes &
quantes fois que nos Officiers voudront aller
5 Et davantage avons ordonné , 3c
ordonnons , quant à ce qu'il eft dit puis
après \_Ar.t. VU.'] en ladite ordonnance.
Que ceux de la nouvelle Religion ne facent
aucuns Synodes ne Confiiioires , fi ce
aux Ajfemhlées de ceux de la nouvelle Rc~ ne fi far congé > ou en prefence de l'un de
ligion four afiificr à leurs Prêches , & voir nofdits officiers. Qiie lî leurfdites aflem-
quelle doctrine y fiera annoncée , ils y fie- blées qu'ils appellent Synodes & Confiiftoi-
ront reçus & refipe^e"^ fielon la dignité de tes , font générales de tout le gouverne-
leurs charges & Offices : Et fi ceft pour ment & Province , ils ne fe pourront
prendre & appréhender quelque mal-fai- faire , fi ce n'eft par congé ou en pre-
îeur , feront obéis & afifiifiez, : félon qu'il fence du Gouverneur , ou nôtre Lieute-
nant gênerai de la Province, de fon
Lieutenant gênerai , ou autres par eux
commis : Et fi ladite Aflèmblée e{ï par-
ticulière , par congé ou en prefence de
l'un de nos Officiers Magiftrats, qui fera
élu & député par ledit Gouverneur ou
fondit Lieutenant gênerai. ^ Pourveu
toutefois que lefdites aflèmblées qu'ils
appellent Synodes & Confiftoires , fe
eft plus à plein contenu en l'Article de
ladite Ordonnance qui en fait mention.
Et pource que à l'interprétation de
ce mot d'officiers i ainfi généralement
couché audit article , il fe pourroit mou-
voir quelque difficulté, pour favoir fi
tous nos Officiers de judicature y font
indifféremment entendus & compris.
Nous pour donner à nôtredite ordon-
nance la plus claire intelligence qu'il facent feulement pour le règlement de
nous fera pofïïble , & ne laifier nen qui
puide être révoqué en doute ou difficul-
té , Avons en l'interprétant dit & décla-
ré , difons (Se déclarons , que fous cedit
mot doffciers , & la pcrmiflîon que
nous leur avons faite de fe trouver auf-
dites aflèmblées , pour le fait contenu
en nôtre dite ordonnance , nous n'avons
entendu comme encore n'entendons
Religion , & non pour autre occafion.
^ Et le tout par manière de provifion y
en attendant la détermination du Con-
cile gênerai , ou que par nous autrement
en ait été ordonné. Et fans que par
nôtre-dite ordonnance ôc la prefente dé-
claration , nous ayons entendu & n'en-
tendons approuver deux Religions en
nôtre Royaume , ains une feule qui eft
avoir donné le pouvoir qu'à nos Officiers celle de notre fainte Eglife , en laquelle
ordinaires , aufquels appartient la con- nos predeceffeurs Rois ont vécu.
noiffance de la Police , comme Baillifs,
Sénéchaux, Prévôts, ou leurs Lieu-
tenans , & non à ceux de nos Cours
fouveraines , ni à nos autres Officiers de
judicature , que nous entendons vivre
en la foy de nous , & de nos predecef-
feurs. Et s'étendra ledit pouvoir lors
feulement que l'occafion fe prefentera
pour pourvoir , & donner ordre à ce qui
eft porté par ladite Ordonnance.
Si voulons & vous mandons qu'en
procédant à la leâ:ure, publication &
enresîtrement de nôtre - dite Ordon-
nance , vous raciez par même moyen
lire, publier, &enregîtrer nôtre pre-
fente déclaration & interprétation , &
icelle entretenir , garder & obferver in-
violablement ôc fans enfraindre : Car tel
eft nôtre plaifir , nonobfiant le contenu
en nôtre - dite Ordonnance , & queU
conques
conques Edits , raandemens, ou def-
fenfes à ce contraires. Donné à Saint
Germain en Laye le quatorzJéme jour
de Terrier l'an de grâce mil cinq cens
foixame & un^ Ôi. de nôtre règne le
deuxicme.
Ainfi figné , Par le Roy étant en Ton
Confeil : auquel la Roine fa mère ,
Monfeigneur le Duc d'Orléans , le Roy
de Navarre , Meilleurs les Cardinal de
Bourbon & Prince de la Roche- fin -Yon,
Cardinaux deTournon &: de Chaftillon,
Vous les Sieurs de Saint André , Ôc de
Montmorenci Maréchaux , Ôc de Chaf-
tillon Admirai de France , du Mortier
& Evéque d'Orlcans , d'Avanfon ôc
Evcque de Valence , de Sclve, de Gon-
nor, & Dandelot, & plufieurs autres
croient prefens,
B OURDIN.
Treniieres Lettres de Jt^ffion du Roy en-
voyées Ji la Cour de Parlement de Paru,
four faire publier l'Edit du mois de
Janvier,
iHarles par la giuce de Dieu
^Roy de France, à nos amez de
fcaux les gens tcnans notre Cour de
Parlement à Paris , Salut & diledion.
Nous avons vu les remontrances que
nous avez envoyées par nos amez &
féaux Maîtres Chriftophle de Thou
Prefident , ôc Guillaume Violle , Con-
feiller en nôtredite Cour vos confrères ,
fur l'ordonnance qu'avons fait expédier
ledixfeptiéme du mois de Janvier der-
nier pafle , pour le repos & tranquillité
de nos rujcts,& pour faire cefler les trou-
bles , ôi. fcditions que fufcite en ce
Royaume la diverfîté des opinions qui
reone en la Rclii^ion. Et aprcs avoir
fait lire article après article , & de mot
(7)
à mot icellcs remontrances , en la prc-
fence de nous, ik de la Roine nôtre
très-chere ëc trcs-amcc Dame ^ mcre,
de nôtre très-cher & très-amé frère le
Duc d'Orléans , denôcie très-cher Ôz
amc oncle le Roy de N. nôtre Lieute-
nant gênerai, rcprefcntqnt nôtre per-
fonne par tous nos Royaume , & païs ,
& des autres Princes de nôtre fang , &
gens de nôtre Confeil privé : Nous par
leur advis , & pour les grandes , raifon-
nables Ôc neccflàires caufcs «ix occafions
qui nous ont été motives de ladite or-
donnance, vous mandons , comman-
dons (Se expreflémcnt enjoignons que
vous procédiez à la ledure , publication
& cnregîtrement d'icclle Ordonnar.ce,
& de la déclaration par nous faite fur
icelle y attachée. Et fûtes le tout entre-
tenir, garder & obferver inviolablcmcut,
& fans enfraindre : le tout par manière
de provifion , en attendant la détermi-
nation du Concile gênerai , ou que par
nous autrement en ait été ordonné : &
félon qu'il eft plus à plein mandé par
ladite Ordonnance & déclaration , fans
remettre la chofe en nouvelle longueur
ou difficulté, pour ne nous donner oc-
cafion de vous en faire expédier autre ne
plus exprés mandement que ces prcfen-
tes , que prendrez pour féconde, tierce ,
& toute autre jufïîon , que vous fauriez
rechercher de nous en cet endroit , Car
tel eft nôtre plaifir : nonobflant ce que
de{fus , & quelconques Edits , Ordon-
nances , Mandemens & deffcnfes à ce
contraires. Donné à Saint Germain en
Laye le q!Utor':^éme jour de Terrier,
Van de grâce mil cinq cens foixante & un:
& de nôtre règne le deuxicme. Ainfi
figné , Par le Roy étant en fon Confeil.
B o u R D I N.
Secon-
(8)
Secondes Lettres de Juffion,
CHARLES par la grâce de Dieu
Roy de France, A nos amez &
féaux les gens tenans nôtre Cour de Par-
lement à Paris , Salut. Comme par cy-
devant nous vous ayons envoyé nôtre
Ordonnance du dix-reptiéme de Jan-
vier dernier paflé , fur laquelle plufieurs
bonnes remontrances nous ayant été
faites de vôtre part , que nous avons fait
voir par les gens de nôtre Confeil privé
étans lez nous : & s'étans depuis & de
nouvel prtfentées , comme il fe pre-
fente encores par chacun jour, plufieurs
grandes & urgentes occalions concer-
nans la tranquillité de l'état de nôtre
Royaume, qui nous meuvent de plus
en plus à ddirer la ledurc , publication
& enregîtrement d'icelle Ordonnance :
Nous avons de nouveau mis l'aftaire en
délibération des gens de nôtre- dit Con-
feil privé : auquel étoient nôtre très-
chere ôc très-amée Dame & mère la
Roine, nôtre très -cher ôc très-amé
oncle le Roy de Navarre nôtre Lieute-
nant gênerai , reprefentant nôtre per-
fonne par tous nos Royaume & pais ,
& plufieurs autres Princes de nôtre fang,
6c gens de nôtre-dit Confeil , par le
commun avis defquels a été avifé &
refolu qu'il eft plus que necefl'aire pour
le bien de nôtre fervice 6c repos de nos
fujets, que la ledure, publication &
enregîtrement de ladite Ordonnance fè
face en nôtre- dite Cour.
Poui'ce eft-il, que nous , fuivant ledit
avis , ÔQ attendu la necelîîté du terrs
& importance de l'affaire. Vous man-
dons, commandons & expreflement en-
joignons . que toutes longueurs & diffi-
cukcz celfant, vous ayez ù faire lire,
publier, & enregîtrer ladite Ordon-
nance & déclaration faite fur icelle , de
point en point , félon leur forme 6c te-
neur, & icelles entretenir, garder &
obferver : Le tout par provifion, jufques
à la détermination du Concile gênerai ,
& que par nous autrement en ait été or-
donné. Car tel eft nôtre plaifir. Nonob-
ftant quelconques Ordonnances , Man-
demcns , ou deftenfes à ce contraires.
Donné à Saint Germain en Laye ,
le premier jour de Mars l'an de grâce mit
cinq cens foixante & un. Et de nôtre
règne le deuxième. Ainfi figné. Par le
Roy étant en fon Confeil , auquel la
Roine fa mère , le Roy de Navarre fon
Lieutenant gênerai , reprefentant fa per*
fonne par tous fcs Royaume & pàïs,
Mefficurs les Cardinal de Bourbon ,
Prince de Condé , & Prince de la Ro-
che-fur-Yon , Cardinaux de Tournon ,
de de Chaftillon. Vous le Sieur de Saint ^
André , Maréchal de France , le Sieur
du Mortier , & TEvéque d'Orléans , le
Sieur d* Avanfbn , & l'Evéque de Va-
lence , (Se les Sieurs de Selve , de Gon-
nor, Se deCypierre, tous Confeillers
audit Confeil, 6c plufieurs autres étoient
prefens,
BOURDIN.
Publication de TEdit de Janvier , & des
Déclarations , & Interprétations d'i-
celuy.
L'Eclat fuhUcata & tegiftrata, audito
Vrocuratore Gênerait Régis , refpe£iu
habito literis paîentibus Régis, prima diei
hti'j us înenfis , urgenti neceffitati temporis ,
& okemperando voltintaîi dicti Domini
Rcgis, abfque tamen approbatione nova
Religionis : & id totum per modum pro-
viftonis , & donec Miter per diiium Do-
minum
nùnum Regem fuertt ordinatum, TAtifiis
in FarUmetito fexta die Martij anno Do-
mini millefirao quingentefimo fexage-
fitno prirao.
Sicfignatum y
Du Tille T.
VEët du Roy Charles IX, De l'an mil
cinq cens fef tante , [ur U pacification
des tr$ubles de ce Royaume,
CHARLES par la grâce de Dieu
Roy de France, à tous prcfens
& avenir , Salut. Confiderans les
grands maux & calamitez avenus par
les troubles & guerres defquelles nôtre
Royaume a été longuement , & eft en-
cores de prefent affligé -, & prevoyans
la defolation qui pourroit avenir, fi par
la grâce & mifericorde de notre Sei-
gneur lefdits troubles n'étoienr prom-
tement pacifiez. Nous pour à iceux
mettre fin , remédier aux afflictions qui
en procèdent , remettre & faire vivre
nos fujets en paix , union, repos & con-
corde , comme toujours a été nôtre in-
tention. Savoir faifons, qu'après avoir
fur ce pris l'avis bon & prudent con-
feil de la Roine nôtre très-chere &
très-honorée Dame & mère , de nos
très-chers & très-amez les Duc d'Anjou,
nôtre Lieutenant gênerai , & Duc
d'Alençon, Princes de nôtre fang , &
autres grands & notables per/bnnages
de nôtre Confeil Privé. Avons par ice-
luy avis & bon confeil , & pour les
caufes & raifons deffus-dites, & autres
bonnes & grandes confiderations à ce
nous raouvans , par cettui nôtre pre-
fent Edic perpétuel Se irrévocable , dit,
déclaré > ftatué , & ordonnons, voulons
& nous plaît , ce qui s'enfuit.
I. Premièrement, que la mémoire
Tmie I.
(9)
de toutes chofcs pafîées d'une paii <5(
d'autre , & dès éc depuis les troubles
avenus en nôtre dit Royaume, & à Toc- ^
cafion d'iceux , demeure éteinte &
afïbupie comme de chofts non ave-
nues , & ne fera loifible ne permis i
nos Procureurs généraux , ni autre per-
fonne publique ou privée quelconque ,
en quelque tems ni pour quelque occa-
fion que ce foit en faire mention , pro-
cès ou pourfuite en aucune Cour ou Ju-
rifdidioir
I I. Dcfendans à tous nos fujets de
quelque état ôc qualité qu'ils foient»
qu'ils n'ayent à en renouveller la mémoi-
re , s'attacher , injurier ne provoquer
l'un l'autre par reproche decequis'efl:
pafle. Endifpute, contefter , quereller
ne s'outrager ou oftenfer , de fait ou de
parole , mais fe contenir & vivre paifi-
blement enfemble comme frères , amis
& concitoyens : fur peine auxcontre-
venans d'être punis comme infradeurs
de paix , & perturbateurs du repos pu-
blic.
III. Ordonnons que la Religion
Catholique & Romaine , fera remife &
rétablie en tous les lieux & endroits de
cettiii nôtre Royaume & pays de no-
tre obeïflance où l'exercice d'icelle a
été intermis , pour y être librement &
paifiblement exercée fans aucun trouble
ou empêchement , fur les peines fus-di-
tes. Et que tous ceux qui durant la pre-
fente guerre fe font" emparez des mai-
fons, biens & revenus appartenais aux
Ecclefiaftiques ou autres Catholiques,
qui les détiennent &: occupent , leur en
delaifTèront l'entière poffeflîon «Se paifi-
b!e jouïflance , en telle liberté & fure-
té qu'ils faifoient auparavant qu'ils en
eufl'ent été defi'aifis.
IV. Et pour ne laiflcr aucune occa-
B fioti
»^
(10)
flon de troubles. &: differens entre nos
fujets , leur avons permis & permet-
tons , vivre & demeurer far toutes les
Villes & lieux de cettui notre Royaume,
& pais de nôtre obeïflànce , fans être
enquis , vexez ni moleftez , n'aftraints
à faire chofe pour le fait de la Religion
contre leur confcience : ne pour raifon
d'icelle être recherchez es maifons &
lieux où ils voudront habiter , pouiveu
(qu'ils s y comportent félon qu'il eft con-
tenu en ce prefent Edit.
V. Nous avons auflî permis à tous
Gentilshommes 8c autres perfonnes tant
regnicoles qu'autres , ayans en nôtre
Royaume, Ôc pais de nôtre obeïflàn-
ce , haute Juftice ou plain fief de Hau-
bert , comme en Normandie , foit en
» propriété ou ufufruit en toutou partie,
' avoir en telle de leurs maifons defdites
haute Juftice , ou fief qu'ils nommeront
pour leur principal domicile à nos Bail-
iifs , & Sénéchaux chacun en fon dé-
troit , l'exercice de U Religion qu'ils di-
/ fent Rcformc'e , tantqu'ils y feront refi-
dens , & en leur abfence leurs femmes,
ou famille , dont ils repondront, & fe-
ront tenus nommer lefdiies maifons à
nofdits Baillifs , & Sénéchaux , avant
que de pouvoir jouir du bénéfice d'ice-
luy : auront auflî pareillement en leurs
autres maifons de haute juftice ou dudit
jfi.^f de Haubert, tant qu'ils y feront pre-
fens, & non autrement, le tout tant
pour eux que leur famille, fujets Vau-
tres qui y voudront aller.
VI. Es maifons rf^^É-/, où lefdits de
/ la Religion n'auront ladite haute Juftice
' & fief de Haubert ne pourront faire ledit
exercice , que pour leur famille tant
feulement : ne voulant toutefois que
s'il y furvient de leurs amis jufques au
nombre de dix , ou quelque Batême
prelTc en compagnie, qui n'excède le»,
dit nombre de dix , ils en puifîem être
recherchez. : ;
VII. Et pour gratifier nôtre très*
chère & très-ame'e Tante laRoined^
Navarre , luy avons permis qu'outre ce
que cy-deflus a été ottroyé aufdits Sei-
gneurs hauts Jufticiers, elle puifl^ d'a-
bondant en chacune de (^s Duché? d'Aï-
hret , Comte? d'Armagnac , loix &
Bigarre , en une maifon à elle apparte-
nant où elle aura haute Juftice , qui fera
par nous choifie & nommée, avoir le-
dit exercice pour tous ceux qui y vou-
dront aflîfter, cncores qu'elle en foit ab-
fente.
VIII. Pourront auflî ceux de ladite
Religion faire l'exercice d'icelle es lieux
qui enfuivent : à favoir , pour le Gou-
vernement de l'ifle de France , aux
fauxbourgs de Clermont eu Beauvoi-
fis , & en ceux de Crefpi en Laonnois,
Pour le Gouvernement de Champagne
& Brie , outre Vezelai qu'ils tiennent
aujourdhuy , aux fauxbourgs de Ville-
noce. Pour le Gouvernement de Bour-
gogne , aux fauxbourgs d'Arnai-le-Duc,
& en ceux de jMailli la ville. Pour le
Gouvernement de Picardie y aux faux-
bourgs de Mondidier, & en ceux de
Riblemont. Pour le Gouvernement de
Normandie, aux fauxbourgs du Ponteau-
de-mer , & à ceux de Carentan. Pour
le Gouvernement de Lyonnois, aux faux-
bourgs de Charlieu , & en ceux de Saine
Geni de Laval. Pour le Gouvernement
de Bretagne , aux fauxbourgs de Bêche -
rel & en ceux de Kerhez. Pour le Gou-
vernement de Dauphiné , aux faux-
bourgs de Crcft & en ceux de Chorges.
Pour le Gouvernement de Provence, aux:
fauxbourgs de Merindol & en ceux de
Forealquier. Pour le Gouvernement de
Languedoc , outre Aubenas qu'ils tien-
nent aujourdhuy j aux fauxbourgs de
Montaignac. Pour le Gouvernement de
Guyenne , à Bergerac , outre S. Sever
qu'ils tiennent aufB aujourdhuy. Et
pour celuy <i'0r/^4Mi , le Maine, &païs
Chartrain , outre Sencerre qu'ils tien-
nent , au bourg de Maillé,
IX. Et d'abondant leur avons ac-
cordé faire & continuer l'exercice de
ladite ReIigion> en toutes les viUts où il fe
trouvera publiquement fait le premier
jour du prefent mois d'Août.
. X. Leur défendant très-expreflcment
de faire aucun exercice de Religion, tant
pour le miniftere > que règlement, difci-
pline , ou infHtution publique des en-
fans & autres, fors qu'es //é-wa: cy-def^
fus permis ôc octroyez.
XI. Comme auflî ne fe fera aucun
exercice de ladite Religion prétendue
Reformée, en nôtre Cour nïz deux
lieues à Tentour d'icelle.
X I r. En ferablable n'entendons
qu'il foit fait aucun exercice de ladite Re-
ligion en la vlIle,Prevôté & Vicomte de
Taris , ni à dix lieues à l'entour d'icelle
ville , Lelquelles dix lieues nous avons
limitées & limitons aux lieux qui enfui-
vent. Savoir eft , Senlis (Se les faux-
bourgs , Meaux & les fauxbourgs , Me-
lun & les fauxbourgs, une lieue par delà
Chartres , fous Mont-le-Heri , Dour-
dan & les fauxbourgs , Rembouiller ,
Houdan & les fauxbourgs une lieue
grande par delà Melun , Vigni , Meru ,
S. Leu de Serens , aufquels lieux fuf-
dits , nous n'entendons qu'il foit fait
aucun exercice de ladite Religion : fans
toutefois que ceux d'icelle religion :
puiflènt erre recherchez en leurs mai-
fons : pourveu qu'ils fe comportent ainfî
^e defïïiseft die
(il)
XIII. Enioignons à nos Baillifs,
Sénéchaux ou Juges ordinaires chacun
en leur détroit , les pourvoir de lieux à.
eux appartenans , foit de ceux qu'ils onc
ià cy-devant acquis, ou autres qu'ils
pourront acquérir , pour y faire l'enter -
rement des morts , èç. que lors de leur
decés, l'un de ceux de fa maifon ou fa-
mille , rira dénoncer aux Chevalier du
Guet , lequel mandera le foflbyeur de U
Parroifle , & luy commandera qu'avec
tel nombre de Sergens du Guet qu'il
trouvera bon de luy bailler pour l'ac-
compagner, 6c garder qu'il ne fc face
aucun fcandale , il aille enlever le corps
de nuit , & le porter audit lieu à ce def-
tine , fans convoi plus grand que dix
personnes : & es autres villes où n'y au-
ra Chevalier du Guet, y fera commis
quelque miniftre de Juftice par \qs Juges
des lieux.
XIV. Ne pourront ceux de ladite
Religion faire aucuns mariages en degré
de confanguinité ou affinité prohibé par
les loix reçues en ce Royaume.
X V. Ne fera faite diflcrence ni dif-
tiniflion pour raifon de Religion, à rece-
voir tant es Univerfitex. , écoles , kôfi-
taux , maladeries , qu'aumônes publi-
ques , les écoliers , malades & pau-
vres.
XVI. Et afin qu'il ne foit douté de
la droitte intention de nôtre dite Tante
\^ 'Ruine de Navarre i de nos très-chers
& trè.s-amez frère & confins Princes de-
Navarre & de Condé, père «Se fils ,
avons dit ôc déclaré , difons & décla-
rons , que nous les tenons & reputons
nos bons parens , fidèles fujets (Se fervi-
teurs. «
XVII. Comme audî tous les Sei-
gneurs Chevaliers , Gentilshommes ,
Officiers & autres habitans des villes »•
£ z com-
communautez, bourgades $ êc autres
lieux de nôtredic Royaume de pais de
nôtre obeïfîànce, qui les ont fuiris ôc
fecourus en quelque part que ce roit>
pour nos bons loyaux fujets & fervi-
teurs,
XV m. Et pareillement le Duc
des deux Ponts , & Tes enfans , Prince
d'Orange , Comte Ludovic & fes frè-
res , le Comte Woirat de Mansfeld , &
autres Seigneurs étrangers qui les ont
Aide':^ôc fecourus, pour nos bons voi-
fins , parens , & amis.
XIX. Et demeureront tant nôtre-
«Hte Tante , que nofdits frerc & cou-
fin , Seigneurs > Gentilshommes , Of-
ficiers , corps des villes & communau-
tez , & autres qui les ont aidez & fe-
courus , leurs hoirs & fuccefleurs , quit-
tes & defchargez. , comme par ces pre-
fentes nous les quittons & defchargeons
de tous deniers qui ont e'té par eux > ou
de leur ordonnance pris & levez , tant
de nos Rccepres Si Finances à quelque
fomme qu'ils fe puifTènt monter > que
des villes , comm.unautcz ou particu-
culiers , des rentes, revenus & argente-
rie , vente de biens meubles , tant Ec-
clefiaftiques qu'autres , bois de haute
fiâtaye , foit de nous , ou autres, amen-
des, butins, rançons , ou autre nature de
deniers par eux pris , tant pour l'occa-
fion de la prefente que précédentes guer-
res , fans qu'eux ni ceux qui ont été
par eux commis à la levée defdits de-
niers, ou qui les ont baillez & fournis ,
en puiflênt être aucunement recherchez
pour le prcfcnt , ni à l'avenir , & en de-
meureront quittes ,. tant eux que lefdits
commis , de iout ledit maniement &
adminiftration > en rapportant pour tou-
te décharge, acquit de nôtrcdite Tan-
tse > ou de nofdits frère & coufin , de
CiO
ceux qui par eux auront ete commis à
l'audience & clôture d'iceux. Demeu-
reront aulïî quittes ôc déchargez de tous
ades d'hoftilité , levée & conduite de
gens de guerres, fabrication de mon^
noyé, fonte & prife d'artillerie & muni-
tions, tant en nos magazins que des
particuliers , confeâiion de poudres &
falpétres, prifes, fortifications , deraan-
telïemens , & démolitions de villes, en-
treprifes fur icelles , brulemens ,. Si dé-
molitions de Temples & maifons , éta-
bliflèment de Juftice, jugement & exé-
cution d'iceux , voyages, intelligences >
traittez , négociations & contrats faits
avec tous Princes ôc communautez
étrangères , introdudion defdits étran-
gers es villes & autres endroits de nôtre
Royaume. Et généralement tout ce qu'a
été fait , géré de negotié durant & de-
puis les prefens , ^premiers & féconds
troubles , encores qu'il dût être par-
ticulièrement exprimé & fpecifié.
XX. Auffi lefdits de la Religion
prétendue Reformée fe départiront &
dcfifteront de toutes ajfociations qu'ils
ont dedans & dehors ce Royaume , &
ne feront d'orefnavant aucunes levées
de deniers fans nôtre permifïïon, enrôl-
lemens d'hommes , congrégations ni
aflemblées, autres que deflus, & fans ar-
mes , ce que nous leur prohibons & dé-
fendons, fur peine d'être punis rigou-
reufement, comme contempteurs &
infraéleurs de nos commandemens Se
Ordonnances.
XXI. Toutes places', villes & Pro-
vinces, demeureront & jouiront de mê-
mes privilèges, immunitez , libertez>
fi-anchifes, jurifdiftions , & fieges de
Juftice y qu'elles faifbient auparavant les
troubles.
XXII^ Et pour Qtcr toutes plaia-
tes
tes à l'avenir, avons dedarc <Sc décla-
rons ceux de ladite Religion capables de
tenir & exercer tous états , dignite':(^y &
charges publiques , fcigneuriales , 5c des
villes de ce Royaume, & êtreindiHè-
remment admis & reçus en tous con-
feils , délibérations, aflemble'es , états &
fondiions qui dépendent des chofes fuf-
dites , fans en être en forte quelconque
rejetrez n'empêchez d'en jouir, inconti-
nent après la publication de ce prefent
Edir.
XXIII. Et ne pourront lefdits de
la Religion prétendue Reformée , être
cy-après furcharge"^, ni foulez d'aucu-
nes charges ordinaires ni extraordinaires
plus que les Catholiques , & félon la
proportion de leurs biens & facultez. Et
neantmoins attendu les grandes charges
que prennent à porter ceux de ladite
Religion , ils feront déchargez de tou-
tes autres que les villes impoferont pour
les depences paflees , mais contribue-
ront à toutes celles que nous impofe-
rons : pareillement à celles des villes à
l'avenir comme les Catholiques,
■ XXIV. Seront tous prifomi'rers ,
qui font détenus foit par autorité de
Juftice ou autrement, mêmes es galè-
res , à l'occafion des pref-^ns troubles ,
élargis & mis en liberté d'un côté ôc
d'autre ,' fans payer aucune rançon r
nentendant toutefois que les rançons
qui ont été ià payées puiflent être répé-
tées fur ceux qui les auront reçues.
XXV. Et quant aux dijferens qui
pourroient intervenir à caufe defdites
vendttïons à^s terres ou autres immeu-
bles, obligations , ou hypothèques faites
à l'occafion defdites rançons: comme auflî
pour toutes autres difputes dépendantes
du fait des armes , qui pourroient furve-
air , fe, retireront les parties par devers
(15)
nôtredit très cher & très-amé frère /e
Duc d'Anjou , pour appelez ks Marc-
chaux de France , en être par luy décidé
& déterminé.
X X V J. Nous ordonnons , voulons
& nousplart, que tous ceux de ladite
Religion tant en gênerai qu'en particu-
lier , retournent & foient conferve?,
maintenus & gardez fous nôtre protec-
tion Ôc autorité en tous & chacuns leurs
biens, droits & adions , honneurs,
états, charges, penfions & dignitez de-
quelque qualité qu'ils foient , fauf les
Baillils , ôc Sénéchaux de robbe longue ,
& leiu-s Lieutenans généraux: au lieu
defquels a été par nous pourvu en titre
d'office durant la prefente guerre : auf-
quels fera baillée aflignation pour les
rembourferdelajufte valeur deleurfdits
offices fur les plus clairs deniers de nos
Finances, fr mieux ils n'aiment être
Confeillcrs en nos Cours de Parle-
ment, de leurs reflorts , ou Grand^
Confeil , à nôtre choix , auquel cas
ne feront rembourfez que de la plus'
valeur dcfdits offices, fi elle y échetr
comme auflî payeront ks parenfus :
fi leurs offices font de moindre va-
leur.
XXVII. Les meubles qui fe trou*
veront en nature, & qui n'auront été-
pris par voyed'hoftilité, feront rendus
à ceux à qui ils appartiennent , en ren-
dant toutefois aux acheteurs le prix de
ceux qui auront été vendus par autorité"
dejuflice, ou par autrecommiiïïon ou-
mandement public, tant des Catholi-
ques que de ceux de ladite Religion. Er
pour l'exécution de ce quedefiijs, fe-
ront contraints ks détenteurs defdits
biens meubles fujets à reftirurion incon-
tinent & fans délai , nonobft-ant toutes
oppofitions ou exceptions > fes rendre 5e
S 3 iQStJr
(14)
fcftltuer aux propriétaires pour le prix
qu'ils en auront paye.
X X V 1 1 1. Et pour le regard dzs
fruits des inmteubles , un chacun rentre-
ra en fa maifon , & jouira réciproque-
ment des fruits de-la cueillette de la pre-
fente année. Nonobftant toutes fai-
fies & empêchemens faits au contraire
durant les troubles. Comme auilî cha-
cun jouira des arrérages des rentes qui
n'auront par nous été prifcs , ou par
nôtre commandement , permiflîon ou
Ordonnance de nous ou de nôtre Juf-
tice.^
XXIX. Auffi les forces à' g^irnu
fons qui font ou feront es maifons , pla-
ces, villes & châteaux appartenans à
nofdits fujecsde quelque Religion qu'ils
foient, vuideront incontinent après «la
publication du prefent Edit , pour leur
en laiffer la libre & entière 'jouïflance ,
comme ils l'avoient auparavant être def-
faifis.
XXX. Voulons pareillement que
nos chers & bien-amez le Vrhice d'Or An-
ge & Comte Ludovic Confins de Napu
fon frère, foient aduellcment remis
& réintégrez en toutes les terres , Sei-
gneuries de jurifdidions qu'ils ont dans
nofdits Royaume & pais de nôtre
obeïflânce, enfemble de la principauté
d'Orange, des droits , titres , papiers &
documens & dépendances d'icelles ,
prifes par nos Lieutenans généraux, &
autres nos Miniftres par nous à ce com-
mis ou autrement ; lefquelles feront au-
dit Prince d'Orange,' & Comte fon
frère remis & rétablis au même état
qu'ils y étoient auparavant îefdits trou-
bles : jouiront d'icelles d'orefnavant, &
fuivant les provifions, Arrêts & Décla-
rations accordées par feu de très loiia-;
ble mémoire nôtre très-honoré Sei-
gneur Se père le Roy Henri , que Dieu
abfolve , -ôç autres nos predeceffeurs
Rois , comme ils faifoient auparavant
les troubles.
XXXI. Com me en femblable, nous
entendons que tous titres , papiers , en-
feignemens & documens qui ont été
pris, foyent rendus & reftituez d'une
part & d'autre , à ceux à qui ils appar-
tiennent.
XXXII. Et pour éteindre & af-
foupir autant que taire fc pourra la mé-
moire de tous troubles *Sc divifions paf-
(ées : avons déclaré <5c déclarons toutes.
fentences , jugemens , arrêts, Ôc prôcedu-,
res , faifies , ventes & décrets faits &.
donnez contre Iefdits de la Religion
prétendue Reformée , tant vivans que
morts, depuis le trépas de notred. très-»
honoré Seigneur ^ père le Roy Hen-
ri , à l'occafionde ladite Religion, tu-,
multes^c troubles depuis avenus, en-
femble l'exécution d'iceux jugemens &.
décrets , dès à prefent caflèz , révoquez
& annuliez : lefquels à cefte caufe nous
voulons être rayez & ôtez des regîtres
de nos Cours tant Souveraines qu'infé-
rieures , comme auflî toutes marques ,
vertiges 6c monumens defdites exécu-
tions , livres & acftes diffamatoires con-
tre leurs perfonnes , mémoires & pof-
terité , ordonnons le tout être ôté &
effacé. Et les places efquelles ont été
faites pour cette occafion , démolitions,
ou rafemens , rendues aux propriétai-
res d'icelle pour en ufer & difpofer à
leurs volontez.
XXX III. Et pour le regard des
procédures faites , jugemens de arrêts
donnez contre Iefdits de la Religion en.
quelconques autres matières que defdi-
tes Religion & troubles ; enfemble des
prefçriptions & hïCit^ féodales çchuës.
pen-
pendant les prefens , derniers &r prcce
dens troubles , commençans l'an mil
cinq cens roixanre-fcpt , feront eftimces
comme non faites } données ni ave-
nues , & ne pourront les parties s'en
aider aucunement , ains feront remis en
l'e'tat qu'ils étoient auparavant iceux.
XXXIV. Ordonnons auffi que
ceux de ladite Religion demeureront aux
lo'tx politiques de nôtre Royaume : à fa-
voir que les fêtes feront gardc'es , & ne
pourront ceux de ladite Religion be-
fogner , vendre & e'taller efdiis jours
boutiques ouvertes. Et aux maigres ef-
quels l'ufage de la chair eft défendu par
ladite Eglife Catholique & Romaine:
les boucheries ne s'ouvriront.
XXXV. Et afin que la jufticc foit
rendue &: adrainiftrée à nos fujets fins
fufpicion d'aucune haine ou faveur, nous
avons ordonné & ordonnons : voulons
Se nous plaît, que les procès & difte-
rens mus <3c à mouvoir entre parties
étans de contraire Religion , tant en
demandant qu'en défendant, en quel-
conque matière civile ou criminelle que
ce foit , foyent traittées en première
infiance devant les Baillifs , Sénéchaux
de autres nos Juges ordinaires , fuivanc
nos Ordonnances , & où il écheiroit
appel en aucune de nos Cours de Parle-
mens , pour le regard de celuy de Paris,
qui eftcompofé de fept Chambres, la
Grande, la Tournelle , 8c cinq des
Enquêtes , ceux de la Religion préten-
due Reformée pourront , fi bon leur
femble, es caufcs qu'ils auront en chacu-
ne defdites Chambres , requérir que qua-
tre , foit Prefidens ou Confeillers, s'ab-
ftiennentdu jugement de leurs procès,
lefquels fans aucune expreffion de caufe
feront tenus de s'en abftenirjnonobflant
l'Ordonnance , par laquelle les Prefidens
Cr5)
& Confeillers ne fe peuvent tenir ponr
excufez fans caufe. Et outre ce contre
tous autres Prcftdens Ôc Confeillers leur
feront refervccs toutes rccufations de
droit fuivant les Ordonnances.
XXXVI. Quant aux procès qu'ils
auront au Parlement de T}wtiloHz.e ^ i\ les
parties ne fe peuvent accorder d'autre
Parlement , feront renvoyez par devant
les Maîtres des Requêtes de nôtre Hôtel
en leur auditoire au Palais à Paris : lef-
quels jugeront leurs procès indiftcrem-
mcnt en dernier reflbrt & fouverainetc,
comme s'ils eulfent été jugez en nofdits
Parlemens.
X X X V 1 1. Et pour le regard de
ceux de Rouen , Dijon , Provence , Bre-
tagne & Grenoble , pourront requérir
que fix Prefidens ou Confeillers s'ab-
ftiennent du. jugement de leurs procès :
à raifon de trois pour chacune Chambre,
Et en celuy de Bourdeaux , à raifon de
quatre en chacune Chambre.
X X X V 1 1 1. Les Catholiques pour-
ront aufli requérir fi bon leur femble,
que tous ceux defdites Cours qui ont été
déchargez de leurs états pour raifon de
la Religion par lefdits Parlemens , s'ab-
iïknnent du Jiigeine Ht ik leurs procès:
audî fans aucune expreflîon de caufe >
& feront tenus iceux de s'en abftenir.
Pareillement leur feront refervccs con-
tre tous autres Prefidens & Confeillers ,
toutes les recufations ordinaires , & de
droit accordées par les Ordonnances.
XXXIX. Et parce que plofieurs
particuliers ont reçu & fouftrent tant
d'injures Se dommages en leurs biens 6c ^
perfonnes, que difficilement ils pour-
ront en perdre fi-tôt la mémoire , com-
me il feroit bien requis pour l'exécution
de nôtre intention , voulans éviter tou$
iiiconveniens , & donner moyen à ceux
qui pourroient ^tre en leurs maifons ,
d'être privez de lepos , attendant que les
rancunes & inirauiez foient adoucies,
nous avons baillé en garde à ceux de la-
dite Religion , lesr///fi de la Rochelle,
Hontauban , Cognac , & la Charité,
efquelles ceux d'entr'eux qui ne voudront
fi- tôt s'en aller en leurfdites maifons ,
fe pourront retirer <Sc habituer. Et pour
la fiireté dicelles nofdits frère & cou-
fin , les Princes de Navarre & de Con-
dét & vingt Gentilshommes de ladite
Religion qui feront par nous nommez ,
jureront & promettront un feu 1 & pour
le tout , pour eux & ceux de leurdite
Religion, de nous garder lefdites villes ,
& au bout & terme de deux ans les re-
mettre es mains de celuy qu'il nous plai-
ra députer en tel état qu elles font , fans
y rien innover ni altérer , & fans aucun
retardement ou difficulté pour caufe ou
occafion quelle qu'elle foit : au bout du-
quel terme l'exercice de ladite Religion
jrfera continué, comme lors qu'ils les
auront tenues, Neantmoins voulons &
nous plaît, qu'en icelles tous Eccle-
fiaftiques puiflent librement rentrer &
faire le fervice divin en toute liberté ,
& jouir de leurs biens , enfemble tous
les hibitans Catholiques d'icelles Villes :
lefquels Eccleliaftiques & autres habi-
tans, nofdits frère & coufm & autres
Seigneurs prendront en leur protection
& fauvegarde , à ce qu'ils ne foient em-
pêchez à faire leurdit fervice divin , mo-
ïeftez ne travaillez en leurs perfonnes &
en la jouiïïance de leurs biens : mais au
contraire remis & réintégrez en la pleine
pofl'eflion d'iceux. VouLms en outre
qu'efdites quDtre villes nos Juges y
foient rétablis , <Sc l'exercice de la Juiîi-
ce remis, comme il fouloit être aupa-
ravant les troubles.
(i6)
X L, Voulons femblabîement qu'in-
continent après la publication de cedic
Edit, faite es deux Camps, ksarnKS
foient par tout généralement fofées t
lefquelles demeureront feulement- entre
nos mains , & de nôtredit très-cher &
très-amé frère le Duc d'Anjou.
X L I. Le libre commerce & paflàge
fera rerais par toutes villes , bourgs ,
& bourgades , ponts , & partages de
nôtredit Royaume , en l'état qu'ils
étoienr auparavant ks prefens & derniers
troubles.
X L 1 1. Et pour éviter les violences
&: contraventions qui fe pourroient com-
mettre en plufieurs de nos villes , ceux
qui feront par nous ordonnez pour l'exé-
cution du prefent Edit , les uns en l'ab-
fence des autres , feront jurer aux prin-
cipaux habitans defdites villes des deux
Religions qu'ils choifiront , l'entretene-
ment & obfcrvation de nôtredit Edit ,
mettront les uns en la garde des autres ,
les chargeront refpeclivement&: par ade
public , de repondre civilement des
contraventions qui feront faites audit
Edit dans ladite ville > par les habitans
d'icelle refpedivement , ou bien repre-
fenter & mettre es mains de Jullice lef-
dits contrevenans.
X L 1 1 J, Et afin que tant nos Jufti-
ciers & Officiers que tous autres nos fu-
jets, foient clairement & avec toute cer-
titude avertis de nos vouloir 8c inten-
tion , & pour ôter toutes doutes , ara-
biguïtez & cavillations qui pourroient
être faites au moyen des precedens Edits:
nous avons déclaré & déclarons tous
autres Edits , Lettres^ Déclarations , mo-
difications , refiriâions & interprétations y
arrêts & regitres , tant fecrets qu'autres
délibérations cy - devant faites en nos
Cours de Parlemens , & autres qui par
cy- après pourroient être faites au préju-
dice denôtredit prefentEdic, concer-
nant le fait de la Religion,6c des troubles
avenus en cettuy nôtre Royaume, être
de nul effet & valeur. Aufquels ôc aux
dérogatoires y contenues , avons par
iceluy nôtredit Edit dérogé & déro-
geons, & dès à prefent comme pour
lors les cadbns , révoquons & annul-
ions : déclarons par expies que nous
voulons que cettuy nôtredit Edit foie
fur , ferme & inviolable , gardé <Sc ob-
fcrvc tant par nofdits Jufticiers & Offi-
ciers que fujets , fans s'arrêter ni avoir
aucun égard à tout ce qui pourroit être
contraire, & dérogeant à iceluy.
X L I V. Et pour plus grande affij-
rance de l'entretenemcnt (Se obfervation
que nous defirons d'iceluy : voulons,
ordonnons & nous plaît, Que tous Gou-
verneurs de nos provinces , nos Lieute-
nans généraux , Baillifs , Sénéchaux ,
& autres Juges ordinaires des villes de
cettuy nôtre Royaume , incontinent
après la réception d'iceluy nôtredit Edit,
jureront de le garder 6c obferver, faire
garder, obferver & entretenir chacun
en leur détroit , comme auffi feront les
Maires , Echevins , Capitouls , & au-
tres Officiers annuels ou temporels, tant
les prefens après la réception dudit Edit,
que leurs fuccelleurs au ferment qu'ils
ont accoutumé de faire à l'entrée de
leurs-dites chuges & offices, defquels
fer mens feront expédiez Aâes publics ù
tous ceux qui le requerront.
Mandons auflî à nos amez 8c féaux
les gens de nos Cours de Parlement ,
qu'incontinent'après le prefent Edit re-
çu , ils ayent toutes chofes ceffantes ,
& fur peine de nullité des Afles qu'ils
feroient autrement, faire pareil ferment,
& nôrreditEdit faire publier & enre^L
Tme I.
(17)
trer en nofJites Cours , félon fa forme
& teneur, purement & fimplement fans
ufcr d'aucunes modifications , reflric-
lions, déclarations ou regître fecret,
ni attendre aucune julîion ne mande-
ment de nous ; 6c à nos Procureurs gé-
néraux en requérir 6c pourfuivrc incon-
tinent &c fans delay la publication : la-
quelle nous voulons être fuite aux deux
Camps & armées, dedans fix jours après
ladite publication faite en nôtre Cour de
Parlement à Paris, pour renvoyer auflî-
tôt les étrangers. Enjoignant pareille-
ment à nos Lieutenans généraux , &
Gouverneurs, d'iceluy nôtredit Edit
faire auffi incontinent publier , tant par
eux que par les Bnillifs', Sénéchaux,
Maires, Echevins, Capitouls, & au-
tres Juges ordinaires des villes de leur-
dit gouvernement , par tout oij il appar-
tiendra : enfemble iceluy garder , obfer-
ver & entretenir chacun en Ion endroit ,
pour au plutôt faire cefîer toutes voyes
d'hoflilité , & empêcher que toutes im-
portions faites ou à faire à l'occafion
defdits troubles , foient levées après la
publication de nôtre prefent Edit. Ce
que Aès lors de ladite publication , nous
déclarons être fujet à punition & répa-
ration : Savoir eft contre ceux qui ufe-
ront d'armes , forces , & violences en
la contravention ck infradion de cettuy
nôtre prefent Edit , empcchans l'effet ,
exécution ou jouïflànce d'iccluy,de peine
de mort, fans efpoir de grâce ni remif-
fion. Et quant aux autres contraven-
tions , qui ne feront faites par voyes
d'armes , forces & violences , feront
punies par autres peines corporeIIes,ban-
niflèmens , amendes honorables &• au-
tres pécuniaires , félon la gravité & exi-
gence des cas, à l'arbitre & modération
des Juges à qui nous en avons attribut
C !d
(i8)
h conno'flance : chargeant eu cet en-
ciroit leurs honneurs & confciences d'y
prccecier avec la jiiftice & e'galiié qu'il
appartientjfans r.cccption ou diôèrencede
perfonnes ni de Religion,
Si donnons en mandement aufdits
gens tenans nofdites Cours de Parle-
menr. Chambres de nos Comptes,
Cours de nos Aides , Bailiits , Sene-
choux, Pre%'ôts, <5c autres nos Jufti-
ciers & Officiers qu'il appartiendra, ou à
Jcurs Lieutenans , que cettuy notre pre-
fent Edit , & Ordonnance ils iacent lire,
publier & enregitrer en leui-s Cours <Sc
Jurifd'.dions , Ôc iceluy entretenir, gar-
der & obferver de point en point , âc du
contenu jouir & ufer pleinement & pai-
siblement tous ceux qu'il appai tiendra ,
celTans <Sc faîfans cefler tous troubles &
empéchemens au contraire : Car tel eft
nôtre plaiilr. En témoin de quoy nous
avons ligné ces prefentes de notre pro-
pre main , & à kelks , afin que ce Toit
chofe ferme & ftable à toujours , fait
mettre & appofer nôtre feel. Donné à
Saint Germain en Laye au mois d'Aoùr,
l'an de Grâce mil cinq cens foixante &
dix : ôi. de nôtre règne le d:xiérae.
Signé, CHARLES.
it au (Uffous, Tar k Koj ttéua en fou
Coiiful,
Signé, De Neuf VILLE.
Etàcôré, Vifa & fc-ellées du graud
feel en cire verte , en laqs de foye rouge
& verte.
Liiésy publiées , & enregl.réesy oui
fur ce y & ce requeraut le Fioinreur gê-
nerai du Rv)f , à Pans en FMemenU l'on,
^eiiie jour d'AoàîyL'animl cinq cens foi-
XMtte & dix.
Signé
Du TiLLET,
EDIT de P4cif cation fArt far ïe 'Roy
Henri llî. pour mettre fn aux troul^es
de fon Royaume , & faire de formait
vivre tous fes fujets en bonne paix ,
union & concorde , fous fon ohajfance.
Lu & publié en la Cour de FarUmenty
le S. jour d'Octobre l'y jj,
HE N R I par la grâce de Dieu Koj
de France & de Pologne , à tous
prefens & à venir , Salut. Dieu qui
eft Scrutateur des cœurs des hommes ,
& voit le fond de toutes leurs pen-
fées , nous fera toujours vray ] uge , que
nôtre intention n'a jamais été autre que
de régner félon ks faints Comroande-
mens , «Se gouverner nos fujets en toute
droiture & juftice : nous rendant à tous
père commun , qui n'a autre fin que
leur falut & repos. Pour a quov parve-
nir , nous nous fomraes inceflâmment
efforcez de faire tout ce qu'avons cftimé
plus convenable félon ks occafjons & le
temiS ; mémementivec cette intention
d'établir un allure repos en cettuy nôtre
Royaume, & pourvoir aux defordres&
abus qui y font cmrez par la l.cence de (i
longs troubles : &: le remettre en fà
première dignité & fplcndeur. A cette
fin nous aurions convoqué en nôtre
ville de Blois nos Etats généraux , où
fiircnt traittées pluheurs chofes , & fpe-
cialement fur le Fait de la Religion; ayant
été propofé par aucuns , que l'un des
meilleurs rcroedes étoit , d'interdire tout
exercice d'autre Religion que de la Ca-
tholique. Toutefois Dieu n'a permis
qu'en ayions recueilli le fruit que dev-
rions : ains comme il iuy plaît quelque-
fois vifiter les Royaumes ik Potentats
avec fa ver^ç de rigueur pour les oflênfes
& péchez des hommes , les troubles ih
/èroient rallumez en nôtre Royaume
plus
plus que jamais, à nôtre trcs-grand re-
gret & deplaifir. Et ce qui fur tout plus
nous étoit grief, c'étoit que l'innocent,
c'eft à favoir nôtre pauvre peuple,
portoit le plus de mal , d'oppre/ïîon ,
& dlinjures. Lefquelles chofes ayans
jour & nuit conliderces , & nous ayant
l'expérience en nôtre Majorité de vingt-
cinq ans , fait connoître que de la con-
tinuation des armes ik de la guerre ne
peut provenir le bien que nous avons
tant defiré Ôc procuré: & croyans ferme-
ment qu'il plaira à Dieu par fa bénigni-
té convertir enfin fa rigueur en mileri-
corde : 6c que (es vifitations foient fa-
lutaires admonétemens pour le recon-
noître , & retourner au droit chemin de
nôtre devoir : Après avoir imploré fon
aide , & fupplié de nous infpirer à trou-
ver les remèdes plus propres & conve-
nables pour le bien de nôtre Etat : &
pris fur ce l'avis de la Roine nôtre
très-honorée Dame S<: mère , de nôtre
très-cher & ti cs-amé frère le Duc d'An-
jou , des Princes de nôtre fang, & au-
tres , âes Officiers de nôtre Couronne,
& autres Seigneurs & notables peifon-
nages de nôtre Confeil Privé : Avons
en attendant qu'il ait plu à Dieu nous
faire la grâce , par le moyen d'un bon ,
libre , & légitime Concile generni , de
reii.ir tous nos fujéts à riôtre Eglife
Catholique, par cettuy nôtre prefent
Edit perpétuel & irrévocable , dit , dé-
claré , ftatuc (!^' ordonné : difons , dé-
clarons , ftatuons & ordonnons ce qui
s'enfuit.
I. Premièrement, Que la mémoire
de toutes chofes paCces d'une part &
d'autie , des ôc depuis les troubles ave-
nus en nôtre dit Royaume, 6c à l'oc-
cafion d'iceux , demeurera éteinte &
afloupic, comme de chofe non arenuë :
(î9)
Et ne fera loifible ni permis à nosPro*
cureurs généraux, ni autres pcrfonnei
quelconques , publiques ni privées , en
quelque tems ni pour quelque occafion
que ce foit , en faire mention, procès ou
pourfuitc , en aucune Cour ou Juiifdic-
tion que ce (bit.
I I. Défendons à tous nos fujets ,
de quelque état & qualité qu'ils foient >
d'en renouveller la mémoire , s'attaquer »
rcflcntir , injurier ni provoquer l'un
l'autre par reproche de ce qui s'elt paflc*
pour quelque caufe & prétexte que ce
foit : en difputer , conteftcr, quereller,
ni s'outrager ou offenfer de fait ou de
paroles : mais fe contenir & vivre pai-
iiblemcnt enfemble , comme frères,
amis & concitoyens , fur peine aux con-
trevenans d'ctre punis comme infrac-
teurs de paix , & perturbateurs du repos
public.
III. Ordonnons que la Religio» Ca-
tholique , Apofi:olK]ue & Romaine foie
remife & rétablie en tous les lieux & en-^
droits de cettuy nôtre Royaume , &
pais de nôtre obeillance , où l'exercice
d'icelle a été intermis , pour y erre pai-
fiblement <Sc librement exercée , fans
aucun trouble ou empêchement: Défen-
dant très-ex preffé ment à toutes pi'rfon-
nes de quelque état, qualité ou condi-
tion qu'elles foient , fur les peines que
dcffus , de ne troubler , molcfter ni in-
quiéter les Ecclefiaftiqucs en la celcbnv
tion du Divin Service, joii^ fiance &: per-
ception des dîmes , fruits ^ revenus
de leurs Bénéfices , & tous autres droits
& devoirs qui leur appartiennenN Et
que tous ceux qui durant les prcfcns ôc
prccedens troubles fe font emparez des
Eglifes , maifons , biens & revenus ap-
partenans aufdits Ecclefialtiques, Si qui
les détiennent & occupent , leur en àe-
C 1 laiflèut
(20)
lailTent l'entière poiTe/Hon & paifibie
jouulànce , en tels droits , libcrtez &
furetez quils avoicnt , auparavant <]u*il5
en furtènt dellaifis.
I V. Et pour ne laifier aucune occa-
hon de troubles Ôc diôerens entre nos
fujers , leur avons pern:i:s & [permettons
vivre i3c demeurer par toutes les villes &
lieux de cettiiy nôtre Royaume , & pais
ce nôtre obeillance > fans être enquis ,
vexez , moleftez , n'aftraints à faire
chofe pour le tait de la Religion contre
leur coiifaenci , ne pour raiion d'icelle
être recherchez e's maifons &: lieux où
ils voudront hjbiter, en fe comportant
au refte félon qu'il eft contenu en nôtre
prefent Edit.
V. Nous avons auflî permis à tous
Seigneurs , Gemilsbommes, & autres per-
sonnes , tant regnicoles , qu'autres fai-
fans profeffion de la Religion prétendre
Reformée > ayans en nôtredit Royaume
ik pais de nôtre obfilTance haute Jufti-
ce, ou plein tief de Haubert , comme
en Normandie , foit en propriété ou
ttfufruit , en tout , ou par moitié , ou
pour la tro.lîé me partie , avoir en telle
de leurs raaifcns defdires haures Juftices
ou fiefs fufdits , qu'ils feront tenus nom-
incr devant à nos Bjillifs & Sencchaiix ,
chacun en fon détroit , pour leur princi-
pal domicile, Vexercïce de hdite Reli-
gion , tant qu'ils y feront rciîdcns : èc en
leur abfence , leurs femmes ou fimiKes
dont ils répondront. Nous leur per-
mettons aufîî avoir ledit exercice en leurs
autres maifons de haute Juftice eu fief
fufdit de Haubert , tant qu'ils y feront
prefens , &: non autrement : le tout tant
pour eux , leurs familles, fujets, qu'au-
tres qui y voudront aller.
V I. Es maifons de fief , où ceux de
ladite Rel'sioii n'auront ladite haute
Juflice ou fief de Haubert : ne pourront
faire ledit exercice que pour leur bmille
tant feulement. N'entendons toutefois ,
s'il y furvient de leurs amis jufques au
nombre de dix , ou quelque Batême
preilé , en compagnie n 'ex cédant ^kdit
nombre de dix , qu'ils en pui lient être
recherchez. Moyennant auffi que lefdites
maiforts ne foient au dedans dcsA'illcs y
bourgs & villages appartenans aux Sei-
gneurs hauts Juiticiers Catholiques autres
que nous , efqaels lefdits Seigneurs Ca-
tholiques ont Ivfurs maifons : auquel Càs
ceux de ladite Religion ne pourront dans
lefdites villes , bourgs & villages , fai-
re ledit exercice, fi ce n'eft par per-
mifîîon <5c congé defdits Seigneurs hauts
Jufficiers , & non autrement.
VII. Nous permettons aufli à. aux
de ladite Religion , faire & continuer
l'exenice d'icelie en toutes les vilUs ô
bourgs , où il fe trouvera publiquement
fait le dix-fepticrae jour du prefent mois
de Septembre. Excepté toutesfbis es
bourgs appartenans aux Catholiques,
tenus â prefent par ceux de ladite Reli-
gion, efqueîs l'exercice n'étoit fait avant
la dernière reprife des armes, meŒie
durant les précédentes paix.
VIII. Davantage en chacun des
anciens Bailliages, Senechaufiées & gou-
vernemens tenans lieu de Bailliage , reA
fortiffant nuément & fans moyen es
Cours de Parlement , nous ordonnons
cp'ésfauxboHTgs d'une rilU , où il y aura
plufieurs villes , & au défaut de villes »
en un bourg ou village, l'exercice de
ladite Religion (e pourra faire pour touft
ceux qui y voudront aller.
IX. Defîtrxians très - exprefïcment
à tous ceux de ladite Religion faire ait-
cun exercice d'iccUe, tant pour leMi-
lîiftere , que règlement > Difcipline , ou
in-
inftitution publique d'enfans 3c autres
en cettLiy notredic Royaume & pais de
nôtre obeïilànce , en ce qui concerne la
Religion , fors qu'es lieux cy - deilîis
permis ^ottroyez.
X. Comme auflî de Elire aucun exer-
cice de ladite Religion en nôtre Cour de
fuitte , ni à deux lieues es environs d i-
ccilc : ni pareillement en nos terres &
pa'is qui font delà les monts : ni auiîî
en nôtre ville, Prévôté, & Vicomte
de Paris , ni à dix lieues autour de la-
dite ville : lefquelles lieuës nous avons
limitées & limitons aux lieux qui en-
fuivent ; favoir eft Senlis &. les Faux-
bourgs , Meaux 6c les Faux -b. Meulun
& les Faux-b. une lieuë par delà Châtre
fous-Mont-lehery, Dourdan & les Faux-
bourgs , Rambouillet , Houdan ôc ks
Faux-bourgs j une lieue grande par de-
là Meulan , Vigni, Mcru & S. Lcu de
Serans. Aufquels lieux fufdits nous
n'entendons qu'il foit fait aucun exercice
de Kidite Religion. Toutefois ceux
de ladite Religion , demeurans cfditcs
terres & pais delà les monts , tk en nô-
tredite ville. Prévôté & Vicomte de
Paris, étendue ainfi que dit efl:, ne pour-
ront être recherchez en leurs maifons ,
n'aftraints à faire chofe pour le regard de
leur Religion contre hur confcience,
en fe comportant au rtTte fclon qu'il efl:
contenu en nôtre prefent Edit.
X I. Nous dépendons à tous Prê-
cheurs , Lecfleurs & autres qui parlent
en public, d'ufer d'aucunes paroles, dif-
cours & propos tendans à exciter le peu~
pie a [édition : ains leurs avons enjoint
& enjoignons de fe contenir & compor-
ter modeflement , ni dire nen qui ne
foit à l'inrtruflion & édihcation des au-
diteurs , (Se à maintenir le repos & tran-
^llité. ,{>ar nous établie en nôtrcdit
C21)
Royaume , fur les peines portées par nos
precedens Edits. Enjoignans tres-cx*
preflémcnt à nos Procureurs «eneraux ,
& autres nos Officiers d'y tenir la main.
XII. Ceux de ladite Religion ne fe-
ront aucunement aftraints, ni demeure-
ront obligez pour raifon des abjurations ,
promeiles, Cx fermeus qu'ils auroient
cy-dcvant laits , ou cautions par euH
baillées concernant le fait de ladite Re-
ligion : & n'en pourront être moleflez
ni travaillez en qiielque forte que ce foit,
XIII. Seront tenus auflj garder &
obferver le hetes indites en l'Eglife Ca-
tholique , Apoaolique & Romaine : &
ne pourront^ es jours d'icelle befogner ,■
vendre ni écallcr à boutiques ouvertes :
ôc aux jours efquels l'ufàge de la chair efl
défendu les boucheries ne s'ouvriront,
XIV. Ne pourront en nôtrcdit
Royaume, pais, terres <5c Seigneuries
de nôtre obeilfance , être vendus au-
cuns livres fans être premicrement vus
par nos Offieiers des lieux ; ou pour le
regard des livres concernans ladite Re-
ligion prétendue Reformée, par ka.
Chambres cy- après par nous ordon-
nées en chaam Parlement, pour juger
des caufes «ik diiîerens de ceux de ladite
Religion. Dcffendant trés-ex preflé-
mcnt l'impre/fion , publication ck ven-
dition de^ tous livres , libelles & écrits
diffamatoires fur les peines contenues
en nos Ordonnances : enjoignant à
tous nos Juges «Se Officiers d'y te-
nir la mviin,
X V. Ordonnons qu'il ne fera fait
différence ni diflinélion , pour le regard
de ladite Religion , à recevoir les Eco-
liers pour être infîruits es Univerlitcz ,
Collèges , (Se Echoles : & ks malades
& pauvres es hôpitaux , maladerics , &
aumônes publiques,
C S XVJU
Cil)
XVI. Ceux de ladite Religion pré-
tendue Reformée feront tenus garder les
bix deTEglife Catholique, Apolloli-
que & Romaine, reçues en cettui nô-
tredit Royaume , pour le fait des maria-
ges connadez &: à contracter es degrez
de confanguinité 6c affinité , pour évi-
ter aux dcbats 6c procès qui s'en pour-
roient enfuivre , à la rume de la plu-
part des bonnes maifons d'iceluy , &
diflblution des liens d'amitié , qui s'ac-
quièrent par mariage , & alliance entre
nos fujets.
XVII. Pareillement ceux de ladite
Religion payeront les droits d'entrée,
comme il ciï accoutumé , pour les char-
ges <Sc offices dont ils feront pourvus ,
fans être contraints affilier à aucunes
cérémonies contraires à leur-dite Reli-
gion, Et ctans appeliez par ferment ne
feront tenus d'en faire d'autre , que de
kver la main , jurer & promettre à
Dieu qu'ils diront la veiité : & ne feront
auffi tenus de prendre difpenfe du fer-
ment par eux prêté co palîànt les con-
trats & obligations.
X V I il. Voulons & ordonnons que
tous ceux de ladite Religion prétendue
Reformée , 6c autres qu*, ont fuivi leur
party , de quelque état , qualité ou con-
dition qu'ils foient, foient tenus tik con-
traints par toutes voycs ducs & raifon-
nables, ^ fous les peines contenues en
nos précédents Edits fur ce la-its , payer
& acquiter les dîmes aux Curez , & au-
tres Ecclcfiaftiqucs , Ôi. à tous autres à
qui ils appartiennent, félon Tufancc &
coutume des lieux.
X I X. Afin de reiinir d'autant
mieux les voloi.tez de nos fu'ets , com-
me eft nôrre intention, &ôter toutes
plaintes à l'avenir , déclarons que tous
ceux de ladite Religion prétendue Re-
formée, & autres nofdits fujets qui ont
fuivi leur party , capables de tenir à*
exercer tous états , dignité?, offices ^
charges publiques quelconques , Royales,
Seigntunaks, ou des villes de nofdits
Royaume , pais , terres & Seigneuries
de nôtre obiïllance , & d'être indiffc-
rcmment admis <k reçus^n iccux , fanj
qu'ils foient tenus prêter autre ferment,
ni aftraints à autres obligations , que de
bien tk fidèlement exercer leurs états ,
dignitez, charges & offices, & gar-
der les Ordonnances. Lfquels états,
charges & offices, pour le regard de
ceux qui feront en nôtre difpofition , il
y fera, avenant vacation , par nous pour-
vu indiffiîremment , & fans dillinc-
tion de Religion , de perfonnes capa-
bles , comme verrons être à faire , pour
le bien de nôtre fervice. Entendons
aufli , que ceux de ladite Religion puif-
fent être admis & reçus en tous Con-
feils, délibérations , affcmblécs, Se fonc-
tions qui dépendent des chofes fufùitcs ;
fans que pour raifon de ladite Religion
ils en puillent être rejcttez , ou empê-
chez d'en jouïr.
X X. Ordonnons pour l'enterrement
des morts de ceux de ladite Religion ,
pour toutes les villes & lieux de ce
Roy.iumc , qu'il leur fera pourvu prom-
tement pnr nos Officiers & Magiftrats,
en chacun lieu , d'une place la plus com-
mode que fiirefe pourra. Ce que nous
enjoignons à nof i:ts Officiers de Faire :
&: tenir la main q.i'aufdits enterrement
il ne fc commette aucun fcandale.
XXI. Et afin que la juftice foit ren-
due , & adminiftrée à nos fujets fans
aucune fufpicion, haine eu faveur, com-
me étant un des principaux moyens
pour les maintenir en paix & concorde ,
AroiTS ordonné & ordonnoas, qu'en
cha-
chacune de nos Cours de Paricmcns de
Paris, Roiien, Dijon , & Rennes , fera
établie une Chambre compcfée pour le
regard du Parlement de Paris , d'un Pie-
fident Ôi. i6. Confeillers. Pour celuy
de Rouen,d'un Pielident & douze Con-
feillers. Et pour ceux de Dijon, & Ren-
nes ) chacun d'un Prelldent & dix Con-
feillers : leTtjuels Prefidens »Sc Confeil-
lers feront par nous pris & choilis du
nombre de ceux defdites Cours.
XXII. Et pour le regard de nos
Cours de Parlemens de Bourdeuux, Gre^
ncbU & Aix , fera pareillement e'tablie
une chambre en chacun d'iceux , com-
pofée de deux Prefidens , f un Catholi-
que i & l'autre de ladite Religion pré-
tendue Reforraée,& douze Confeillers ;
dont les huit feront Catholiques , & les
quatre autres de ladite Religion. Lcf-
quels Prefidens <Sc Confeilltrs Catholi-
ques feront par nous choilis <Sc nommez,
du nombre des Prefidens ik Confeillers
defdites Cours. Et quant à ceux de ladi-
te Religion , y feront employez ceux
qui fe trouveront encores à prefcnt
pourvus defdits offices efdites Cours. Et
ou ils ne feroient nombre fuffifant , fera
par nous faite ercclion d'autres offices ,
autant qu'il fera neceflaire pour parfaire
le nomWe fufdit , aux mêmes gages,
honneurs , autoritez 6c prérogatives,
queies autres de nofdites Cours , dont
feront pourvus perfonnages de ^adite
Religion.
XXIII. Et pour le reflTort de nôtre
Cour de Parleincnt de Thoidoufe, fe-
ra femblablement établie une Chambre
compofe'e comme les autres d>i deux
Ppefidens , l'un Catholique, ^ l'autre de
la Religion : & douze Confeillers, huit
Catholiques, 6c les quatre autres de la-
dite Religion, Lefquels Catholiques fe-
C23)
ront par nous choifis de nos autres Court
de Parlement , & du grand Confcil ,
& pour le regard de ceux de ladite Reli-
gion , y feront colloquez ceux qui (è
trouveront cnoores à prefent pourvus
d'offices en iccluy Parlement de Thou-
loufe, faifant création du nombre qui
fera befoin pour remplir ladite Chambre,
ainfi qu'il cil dit pour les autres. Laquelle
Chambre ainficon:>porce fera par nous
envoye'e en nôtre ville de ... . Et pour
le regard de celle de Dauphiné , la leance
en fera fix mois en nôtre ville de Gre-
noble , (Se les autres fix mois, en telle au-
tre ville que nous ordonnerons par cy-
après.
XXIV. Lefquclles Chambres com-
pofccs , ainfi que dit eft , & ctabhes
par tous nofdits Parlemens, connoîtront
6c jugeront en fouveraineté 6c dernier
reiToit, par Arrêt privativemcnt a tous
autres, à^s procès 6c dift-brens mus 6c
à mouvoir : efcpcls prcce's ceux de la-
dite Religion prétendue Reforme'e , 6c
autres qui ont fuivi leur party , feront
parties principales ou garants , en de-
mandant ou défendant, en toutes matiè-
res , tant civiles que criminelles > foient
lefdits procès par écrit , ou appellations
verballes : & ce fi bon femb'e aufdites
parties , & Tune d'icelles le requiert ,
avant conteliation en caufc pour le re-
gard des procès à mouvoir.
XXV. Voulons au/Tî par manière
de provifion , & jufques à ce qu'en
ayions autrement ordonne , qu'en tous
proce's mus ou à mouvoir , là oii ceux de
ladite Relii^ion feront en qualité de de-
mandans ou defcndans parties principa-
Icsjou garants c's matières civiks, cfqnel-
les nos Officiers es Sièges Prtfidiaux ont
pouvoir de juger fouverainemer.t & en
dernier rcflbrt, leur foitperm-is de re-
quérir.
quérir, que deux de la Chdmhrey où
lefdits proce's fe devront juger, s'ab-
ftiennent du jugement d'iceux: lef^uels,
fans aucune expreffion de caufe , feront
tenus de s'en abllenir : nonobflant l'Or-
donnance par laquelle les Juges ne fc
peuvent tenir pour recufcz fans caufe,
leur demeurans outre celés recufations
de droit contre les autres. Et es matiè-
res criminelles , efquelles auflî ils jugent
fouverainement , pourront les prévenus
étans de la fufdite Religion requérir,
que trois defdics Juges s'abftiennent du
jugement de leurs procès fans cxprefîion
de caufe. Et les Prévôts des Maréchaux
de France , Vibaillifs , Vifencchaux ,
Lieutenans de robbe courte , 6c autres
Officiers de femblable qualité , jugeront
félon les Ordonnances & reglemens cy-
devant donnez pour le regard des vaga-
bonds. Et quant aux domiciliez chargez
& prévenus des cas Prevôraux « s'ils font
de la fufdite Rel'gion , pourront requé-
rir que trois des Juges Prefidiaux , où
lefdits cas fe doivent juger par les Or-
donnances, s'abftiennent du jugement
de leurs procès : & feront tenus s'en
abftenir fans aucune cxprcfHon de caufe ;
fauf Cl en la Chambre dcfdirs Sièges Pre-
fidiaux où lefdits procès fe jugeront,
fe trouvoient jufquts au nombre de deux
en matière civile, & trois en mitieré
criminelle de ladite Religion : auquel cas
ne fera permis de recufer fans expiefllon
de caufe. N'entendons tcutcfwis que
lefdits Sièges Prefidiaux , Prévôts des
Maréchaux , Vibaillifs Se Vifenechaux >
en vertu de ce que dit efl, prennent
connoiffance du fait des troubles pnilez.
XXVI. Ordonnons , voulons &
nous plaît j que nôtre très-cher & très-
amé frère le Roj de Navarre, nôtre très-
cher & bien - amc coufui le Prince dt
(M)
Condêi & femblablement tous autre*
Seigneurs Chevaliers , Gentilshommes >
& autres , de quelque qualité ou con-
dition qu'ils foient , de ladite Religion ,
5c autres qui ont fuivi leur party , ren-
trent &. foient effeduellement confervez
en la jouïlfance de leurs Gouvernemens»
charges , états & offices Royaux, dont
ils jouïnbient auparavant le 24. d'Août,
mil cinq cens foixante & douze , pour
\ci tenir & en ufer tout ainll , &: en la
même forme & manière que les autres
Gouverneurs & Officiers de cettuy nô-
tredit Royaume; fans être aliraints pren-
dre nouvelles provifions , nonoblhnt
tous A-rréts & Jugeraens contr'eux don-
nez , & \ts provifions qui auroient par
autres été obtenues defdits Etats. Pa-
reillement qu'ils rentrent en la jouïf-
fance de tous 6c chacuns leurs biens >
droits, noms , raifons & avions, non-
obftant les jugemens ensuivis pour rai-
fon defdits troubles. Le fquels Arrêts,
Jugemens , provifions , & tout ce qui
s'en feroit enfuivi , nous avons à cette
fin déclarez «Se déclarons nuls , 6c de nul
cftvt & valeur.
X X V 1 1. N'entendons toutefois
que ceux de ladite Religion, & autres qui
ont fuivi leur party , lefquels ont reftgné
leurs états 6c off.ces en vertu de nos Let-
tres patentes , ou du feu Roy nôtre
très - honoré Seigneur & frère , que
Dieu abfolve , puiflent les recouvrer &
entrer en la poifeffion d'iceux ; leur re-
fervant néanmoins toutes adions contre
les pofleflcurs 6c titulaires defdits offices,
pour le payement du prix contenu en-
tr'eux , au moyen defdites refi»nations.
Et pour le regard de ceux qui ont été
par les j-)articuliers contraints de fait &
par force a refigner leurfdits états 6c of-
fices, leur permettons , 6c à leurs héri-
tiers 9
tiers 9 d'en faire înflance & pourfuîte par
juftice civilement , tant contre ceux qui
auront ufé defdites forces, que contre
Jeurs hoirs & fucccfl'eurs.
XXVIII. Et quant à ceux de ladite
Religion , & autres qui ont fuivi leur
party , qui auroient été pourvus déf-
aits offices avant le 24. Août mil cinq
cens foixante & douze , & non encores
jeçus en iccux, Nous voulons qu'ils
foient re^us efdits états , & toutes provi-
fions neceflàires leur en foient expedie'es.
XXIX. Ordonnons aufîi fi aucunes
Commandertes de l'Ordre de S. Jean de
Jerufalem appartenant à ceux de ladite
Religion prétendue Reformée, & autres
qui ont fuivi leur party , fe trouvoient
faifies par autorité de juftice ou autre-
ment , à l'occafion & prétexte feule-
ment àts troubles, ils en e'toient en
quelque forte que ce foit depofl'edez,
que pleine & entière main levée en fbit
faite aufdits Commandeurs, & eux remis
en tel état & poflelîîon defdites Com-
rtanderies , qu'ils étoient avant le 14,
Août, 1572.
XXX. Les criées, affiches & fub-
haftations des héritages dont Ton pour-
fuit le décret , feront fiites es lieux &
heures accoutumées , fi faire fe peut,
fuivant nos Ordonnances , ou bien es
marchez publics , fi au lieu oii font affis
lefdits héritages y a marché : & où il
n*y en auroit point , feront faites au plus
prochain marché étant du reflbrt du Siè-
ge où l'adjudication fe doit faire. Et fe-
ront \qs affiches mifes au poteau dudit
marché , ôc à l'entrée de l'Auditoire du-
dit lieu. Et par ce moyen feront bonnes
& valables lefdites criées , & pafle ou-
tre à l'interpofition de décret, fans s'ar-
rêter aux nullitez qui pourroicnt être
alléguées pour ce regard.
(î5)
XXXI. Les acquifitions que ceux de
ladite Religion prétendue Reformée, &
autres qui ont fuivi leur party , auroient
faites par autorité d'autre que de nous ,
pour les immeubles appartenant a l^Eglife,
n'auront lieu ni effet: Ains ordonnons,
voulons & nous plaît , que lefd.ts Eccle-
fiaftiques rentrent incontinent ik fans
délai , Ôi foient confervez en la poflèf-
fion & jouïfîànce réelle ôc aduelle def-
dits biens ainfi aliénez , fans être tenus
de rendre le prix defdites ventes : & ce
nonobftant lefdits contrats de vendi-
tion , lefquels à cet eftet nous avons
caflez & révoquez comme nuls , fauf le
recours aux acheteurs contre qui il appar-
tiendra. Et pour rembourfer les ache-
teurs defdites terres des deniers par eux
véritablement & fans fraude débourfez,
feront expédiées nos Lettres patentes de
permifîion à ceux de ladite Religion »
d'impofer & égaller fur eux lesfommes
à quoy fe monteront lefdites ventes 9
fans qu'iceux acquéreurs puifient pré-
tendre aucune aClion pour leur domma-
ge & intérêts à faute de jouïifance , ains
fe contenteront du rembourfement des
deniers par eux fournis pour le prix def-
dites acquifitions, précomptant fur iceluy
prix les fruits par eux perçus , en cas que
ladite vente fe trouvât faite à trop vil dz
injufte prix.
XXXII. Les exheredatioris ou pri-
vations-, foit par d'fpofition d'entre vifs ou
teftamentaires , faites feulement en hai-
ne ou pour caufe de Religion , n'auront
lieu , tant pour le paflé que pour l'a-
venir , entre nos fij* ts : & néanmoins
\çs teftamens militaires qui ont été faits
durant lefdits prcfens & precedens trou-
bles , tant d'une part que d'autre vau-
dront , & tiendront fclon la difpofition
de droit.
j) XXXIII*
ii6\
XXXIII. Les dcjordre^ &. excès
faits le 24. Août , 6c jours enfui vans en
confcqiier.ce dudit jour en nôtre twnne
ville de Paris , 5t autres villes & endroits
de norrediî Royaume , font avenus à
exécutions ^ livi:cs &: acles di^ntrîtoirei
contre leurs p^rfonnes , mémoires 2c
poftetitez,, Lt que les places efaadks
ont été faites pour cette. occallon demo-
litioas eu raieicens , foient rendues en
nôtre très-grand regret & deplaifir. Ec tel état qu'elles font aux propriétaires
pour demonthation hnguliere de nôtre d'icellcs, pour en jouir <Sc difpofer à leur
bonté & b enveiilance envers nos fujets, volonté. Et généralement avons caiTé ,
déclarons les veuves & enfans de ceux
qui ont été taez Icfiits jours , en quel-
que part quecefbit de no tredit Royau-
me, exemts de contribuer aux impo-
lltions qui fe feront pour raifon du Ban
Se Arriere-ban , fi leurs maris ou pères
étoicnt nobles : ôc ou kurfdits maris ou
révoqué & annuUé toutes procédures
6c informations fiites pour entreprlfes
quelconques, prétendus crime de leze
Majcfté ou autres : Xoncbftant lef-
quelles procédures , Arrêts & Jugemens
contenans reiinion y incorporation Se
connfcation , voulons que ceux de ladite
pères auroient été de qualité roturie- Religion, & autres qui ont fuivi leur par-
re , Se taillables : Nous pour les me
mes confiderations , déchargeons lef-
dites veuves &: enfans de toutes tailles
Se impofitions : le tout pour Ôc durant
l'efpace de lix années prochaines : dcf-
endans à nos Officiers , chacun en fon
endroit, de les y comprendre au pré-
judice de nos prefêns vouloir & inten-
tion.
XXXIV. Déclarons aufS toutes
Stntences , Jugemens , Arrêts , procé-
dures , failles , ventes Se décrets taits &
ty , tk leurs héritiers , rentrent en la
porfeffion réelle Se actuelle de tous Se
chacuns leurs biens.
XXX V. Et d'autant qu'au moyen
de notre fufdite Declaration,tous Arrêts
Se Jugemens donnez contre le teu Sieur
de C^ùidlon Amird de Ftjjuc , 6c exé-
cution d iceux demeurent nuls , 6c de.nul
effet, commexbofe non faite , ni avCa
nue : Xous en confcquence d'icelle Dé-
claration , ordonnons qu;.* tous lefdits
Arrêts > Jugemens, procédures &: actes
donnez contre ceux de ladite Religion; faits contre ledit Sieur de Chatilion foient
ptetenduë Reformée, tant vivans que
morts , depuis le trépas du feu Roy
Henri nôtre très-honoré Seigneur Se
à l'occaiion de ladite Religion,
rayez , biffez , ùc mis hors des regitres
des Gicdes , tant de nos Cours de Parle-
ment, que de toutes autres Jurifdictions :
6c que tant la mémoire dudit Amiral,
que les enfans d'iceluy demeurent entiers
en leurs honneurs 6c biens , pour. ce. re-
gard : nonobftant que lefdits Arrcti por-
pere, . .v...-..^. ..^ ^.
tumultes Se troubles depuis avenus ,
enfemble l'exécution d'iceux jugemens
& décrets , dès à prefent caiTez , révo-
quez Se annuliez , 6c iceux calions , re- tent reunion 6c incorporation d'iceux
vaquons 6c anullons. Ordonnant qu'ils biens au Domaine de nôtre Couronne,
dont nous ferons expédier aufdits enfiuis
plus ample 6c fpecialeDedaration, û
métier eft.
XXXV l. Le femblable voulons
être fait pour le regard des Siears-de
foyenr rayez 6c ôtez des regitres des
Grerfes dts Cours , tant fouveraines
qu'inférieures : comme nous voulons
auffi être ôcées & ç&icéçs toutes mar-
ques, vefiiges, & mçnumens defdites
Jdontgtmmery i Montbrun, Briquemaut
é" Cavaignes,
XXXVII. DefFendons de faire
aucunes Procejjions , tant à caufe de la
mort de feu nôtre coufin le Prince de
Condé ) que de ce qui avint le jour
S. Barthelemi , cinq cens foixante <Sc
■douze , ik autres Ades qui puillènt ra-
mener la mémoire des troubles.
' XXXVIII. Toutes pocedtires
faites , Jugemensj & Arrêts donnez con-
tre ceux de ladite Religion portans les
armes , ou abfens de nôtredit Royaume,
ou bien retirez es villes 3c paï's d'iccluy
par eux tenus , en quelqu'autre matière
que de la Religion & troubles, enfembîe
toutes péremptions d'inftance , prefcrip-
tions tant légales , conventionnelle? ,
que coutumieres , & faifies féodales,
échues pendant les prefens 8c precedens
troubles , feront eftime'es comme non
faites , données ni avenues , & telles
les avons déclarées & déclarons : & icel-
les raifes & mettons au néant , fans que
les parties s'en puiflTent aucunement ai-
der , ains feront remifes en l'état qu'ils
étoient auparavant , nonobftant Icfdits
Arrêts &c l'exécution d'iceux ; & leur
fera rendue la pofl'eilîon en laquelle ils
étoient pour le regard defdites chofes
ledit 24. d'Août , cinq cens foixante &
douze. Ce que deflus aura pareillement
lieu pour le regard des autres qui ont
fuivi le party de ceux de ladite Religion,
depuis la dernière rcprife des armes , ou
qui ont été abfens de nôtredit Royaume
pour le fait des troubles , & pour les
enfans mineurs de ceux de la qualité fuf-
dite , qui font morts pendant lefdits
^roubles. Remettant les parties au même
état qu'elles étoient , fans refonder les
dépens , ny être tenus de confîgner les
amendes. ■' ■ r
(^7)
XXXIX. Tous prtfonniers qui font
détenus, foit par autorité dejultice ou
autrement, même es galères, à l'oc-
cafion des prefens & precedens troubles,
feront élargis ôc mis en liberté d'un côté
& dautre, fans payer aucune rançon.
Caiïant & annullant toutes oblicacions
paflces pour ce regard , déchargeant les
cautions d'icelîes , inhibant ik défen-
dant très-expreflément à ceux, es mains
defquels font lefdits prifonniers , de n'u-
fer de force & violence envers eux , ni
les mal- traiter, ou leur mefaire aucu-
nement en leurs perfonnes, fur peine
d'être punis, & châtiez très-rigoureu-
fement. N'entendant toutesfois que les
rançons qui auront été jà débourfces ,
& payées par ceux qui étoient prifon-
niers de guerre feulement , puiflènt ctra
répétées fur ceux qui les auront reçues.
Et pour le regard des diflèrens conccr-
nans lefdites rançons de ceux qui'ont ctc
faits prifonniers , d'une part ôi. d'autre »
durant lefdits troubles, la connoillàncc
6c jugement en e{[ refervée, comme
nous la refervons à nous & à nôtre per-
fonne. Défendant aux parties d'en faire
pourfuite ailleurs que par devant nous:
& à tous nos Officiers & Magif^rats d'en
prendre^aucune Cour, Jurifdidion ou
connoifTànce.
X L. Et quant à ce qui a été fait ou
pris hors la vo/e d'hofiilitcy ou par h^-ftili-
té , contre les reglcmcns publics ou par-
ticuliers des Chefs de des Communautcr
& Provinces qui avoient commande-
ment , en pourra être fait pourfuitte par
la voye de Juftice.
X L I. Ordonnons auffi que puni-
tion foit faite des crimes & délits com-
mis entre perfonnes de mêmepavty en
tems de troubles , trêves Si fufpcniions
d'armes , fi ce n'eft en ades commandez
D z par
parles Chefs d'une part & d'autre, félon
lanecefTité, loy& ordre de la guerre :
& quant aux levées & exactions de de-
niers, ports d'armes , & autres exploits
de guerre , faits d'autorité privée, &
fans aveu , en fera fait pourfuite par la
voye de Juftice.
XL II. Les meuhUs qui fe trouve-
ront en nature , & qui auront été pris
par voye d'hoftilité , feront rendus à
ceux à qui ils appartiennent , s'ils font
& fe trouvent être encore lors de la pu-
blication du prcfent Edit , es mains de
ceux qui les ont pris , ou de leurs he-ri-
tiers , fans rendre aucuns deniers pour la
reftitution d'iceux. Et où lefdits meu-
bles auroient été vendus ou aliénez par
autorité de Juftice , ou par autre com-
niiffion ou mandement public , tant des
Catholiques que de ceux de ladite Reli-
ii%)
Condé , ou autres commandemens fol»
eux.
XL IV. Tousmrfr, papiers ^ eti'
feignemens 6" documens qui ont été prn ,
feront rendus Ôc reftituez d'une parc &
d'autre , à ceux à qui ils appartiennent ,
encore qu^leidits papiers, ou les châ-
teaux èc maifons efquelles ils étoient
garde2 ayent été pris & faiiis , foit par
nos fpeciales commiflîons , ou mande-
mens des Gouverneurs & Lieutenans
généraux de nos Provinces , ou de l'au-
torité des chefs de l'autre part > ou fous
quelque autre prétexte que ce foit.
X L V. Ceux de ladite Religion ne
pourront cy - après être furcharge? ni
foule"^ d'aucunes charges ordinaires ou
extraordinaires plus que les Catholiques ,
& félon la proportion de leurs biens &
facukez ; éc pourront les parties qui
g!on , pourront néanmoins être vendi- prétendront être furchargées , fe pour-
quez , en rendant le prix d'iceux aux voir par devant les Juges aufquels la con-
acheteurs: déclarant n'être acte d'hof- noiflance en appartient. Et feront tous
tilité ce qui fut fait à Paris ôc ailleurs le nos fujets , de quelque Religion Se qua-
ns foixan- lité qu'ils foient , indifféremment de-
24. jour d'Août , mil cinq cens
te & douze , 6c es jours confecutifs en
confcquence d'iceluy.
X L II I. Pour le regard des fruits
des immeubles , chacun rentrera dans ks
maifons &: biens , & jouira réciproque-
ment ^Gs fruits de la prefente année,
qui ne fe trouveront pris & recueillis le
17. jour de ce prcfent mois de Septem-
bre. Mêmement les Ecclefiaftiques :
nonobfliant toutes faifies & erapéche-
mens faits au contraire , durant lefdits
prefens & precedens troubles : comme
auffi chacun jouira àcs arrérages des
rentes qui n'auront été prifes par nous
ou par nos raanderaens Se permifHons ,
ou^par Ordonnance de Juftice , ou par
mandemens de nofdits frère & coufîn
le Roy de Navarre , & Prince de
chargez de toutes charges qui ont été
impofées d'une part & d'autre , fur ceux
qui étoient abfens & ne jouïflbient de
leurs biens , à l'occolion des troubles y
fans toutefois pouvoir repeter les fruits
qui auroient été employez aupayemenl
defdites charges.
X L V I. N'entendons aufîî que ceux
de ladite Religion, & autres qui ont fui-
vi leur party , ni les Catholiques > qui
étoient demeurans es villes & lieux par
eux occupez & détenus , & qui leur ont
contribué , foient poarfuivis pour le
payement des tailles, aides, o^rois, crues >
tailhn , utenfdes , réparations , & autres
importions & fubildes échus & impofez
depuis le 24. jour d'Août > mil cinq
cens feptante-deux > jufques à prcfent ,
foit
foit pas nos mandemens , ou par l'avis
& délibération des Gouverneurs & Etats
des Provinces , Cours de Parlemens ,
Se autres dont nous les avons déchargez
& déchargeons, en défendant aux Thre-
foriers de France , généraux de nos Fi-
nances , Receveurs généraux & parti-
culiers, leurs Commis Ôc entremetteurs,
& autres Intendans & Commiflàires de
nofdites Finances , les en rechercher ,
molefter , ni inquiéter directement ou
indiredement , en quelque forte que ce
foit.
X L V 1 1. Les forces & garni [ons qui
font ou feront es maifons , places , vil-
les & châteaux appartenans à nos (u]çts >
vuideront incontinent après la publica-
tion du prefent Edit , pour en laifler la
libres entière jouïflance aux propriétai-
res, comm'e ils avoient auparavant en
êtredeflaifis : nonobftant toutes, préten-
tions de droit que ceux qui les détien-
nent pourroient alléguer : fur lefquelles
prétentions fe pourvoiront par les voyes
ordinaires de Juftice j après qu'ils auront
delaifl'é ladite pofTeflîon , ce que fpecia-
Jement voulons être efi^clué pour le re-
gard àçs Bénéfices, dont les titulaires au-
ïoient été depofledez.
^ XL VIII. Le libre commerce & paf-
fage fera remis par toutes les villes,
bourgs & bourgades , ponts Se partages
de nôtre Royaume , pais, terres &
feigneuiies de notre obeïflance <Sc pro-
tection , tant par mer que par terre ,
rivières & eaux douces , comme ils
ctoient auparavant les prefens & precc-
dens troubles : & tous nouveaux péa-
ges & fubfides impofcz par autre autorité
que la nôtre , durant iceax troubles,
feront ôtez.
X L I X. Toutes pUceSi villes & Pro-
vinces de nôtredit Royaume, pais, terres
(19)
& feigneuries de nôtre obeiïTance , ufe-
ront& jouiront de mêmes privilèges,
immunitez , libériez, franchifes, Foires,
rnarchcz , jurifdiétions <Sc Sièges de Juf-
tice , qu'elles faifoient auparavant les
prefens & precedens troubles , nonob-
Ihnt toutes lettres à ce contraires, & les
tranllations d'aucuns defdits Siegcs,pour-
vcu qu'elles ayent été faites feulement à
l'occafion dçs troubles, lefqucls Sièges
feront remis & rétablis es villes & lieux
où ils croient auparavant.
L. Es villes démantelées pendant les
troubles paflez & prefens , pourront les
ruines & démantelemens d'icclles être
par nôtre permiffion reédifiées &: repa-
rées par ks habitans , à leurs frais &
dépens.
L L Ceux de ladite Religion préten-
due Reformée , & autres qui auroient
fuivi leur party, lefquels auroient pris
à ferme avant ks prefens troubles an-
cuns Greffes , >ou autre Domaine, & au-
tres droits à nous appartenans , dont ils
n'ont pu jouir à caufe d'iceux troubles ,
demeureront déchargez, comme nous
ks déchargeons de ce qu'ils n'auroient
reçu defdites fermes depuis le 24.
d'Août, mil cinq cens feptante-deux ,
ou qu'ils auroient fans fraude payé ail-
leurs qu'es receptes de nos Finances,
nonobfiant toutes obligations fur ce par
eux paflees.
LU. Et afin qu'il ne foit douté de
la droite intention de nôtre dit frère le
Roy de Navarre , & de nkredit coufin le
Vrime de Condé ^ Avons dit <3c déclaré ,
difons & déclarons , que nous ks tenon^
& reputons nos bons parens , dàcks fu-
jcts & ferviteurs.
LUI. Comme au/Ii tous ks Seig-
tieurs i Chevaliers , Gentilshommes,
Oificicrs, & autres Ihibitaus des villes ,
I> 5 Com-
Coramunautez > bourgades > & autres
lieux de nô crédit Royaume , &. pais de
nôtre obeïflànce , qui les ont fui vis ,
fccourus & favorifez en quelque part que
ce foit , pour nos bons &. loyaux fujets
& ferviteuis : déclarons tous Arrêts, in-
formations ôc procédures faites Ôi. don-
nées contr'eux à Toccafion defdits trou-
bles , nuls & de nul effet , comme cho-
fe non faite , ni avenue : voulans qu ils
foient rayez hors des regîtres des Gref-
fes , tant de nos Cours de Parleraens ,
qu'autres jurifdi(5lions , où ils ont été
C30)
cnregitrez.
L I V. Pareillement déclarons , que
nous tenons & reputons nôtre Coufin le
Duc Jean Ca'^imir pour nôtre bon voi-
fin , parent &: ami.
LV. Et demeureront tant nofdits
frère ik coufin le Ro) de Navarre Ôi. Pnn-
ce de Conclu i que les Seigneurs , Che-
valiers , Gentilshommes , Officiers,
Corps de villes & Communautez,& tous
les autres qui les ont aidez & fecourus ,
leurs hoirs ôc fuccefl'eurs , quittes & dé-
chargez de tous deniers qui ont été par
eux ou leurs Ordonnances pris & levez t
tant de nos receptes & Finances à quel-
ques fommes qu'ils fe puifiènt monter ,
que des villes , communautez , 6c par-
ticuliers : des rentes , revenus , argen-
teries , ventes de biens meubles , Eccle-
fiafliques & autres : bois de haute fû-
taye à nous appartenans , ou à autres :
amendes , butins , rançons , ou autre
nature de deniers par eux pris , à l'oc-
cafion des prefens & precedens troubles,
fans qu'eux , ne ceux qui ont été par eux
commis à la levée defdits deniers , ou
qui les ont baillez & fournis par leurs
Ordonnances , en puiflent être aucune-
ment recherchez à prefent ni pour l'ave-
nir. Et demeureront quittes , tant eux
que leurs Commis , de tout Je manie-
ment & adminiftration defdits deniers y
en rapportant pour toutes décharges dans
quatre mois après la publication de nô-
tre prefent tdit , faite en nôtre Cour
de Parlement de Paris , acquits dûë-
raent expédiez par nofdits frère 6i. coufin
le Roy de Navarre ou Prince de Condc,
ou de ceux qui auront été par eux com-
mis à l'audition & clôture de leucs
comptes , ou des Communautez des vil-
les , qui ont eu commandement & char-
ge durant lefdits troubles. Demeureront
pareillement quittes & déchargez de tous
ades d'hoftihté , levée & conduite de
gens de guerre , fabrication & évalua-
tion de monnoyes faites félon l'Ordon-
nance defdits chels , fonte, &: prife d'ar-
tillerie & munitions , tant en nos maga-
fms que des particuliers , confe(ftion de
poudres & falpétrcs , prifes , fortifica-
tions, démanteiemens de démolitions
des villes, châteaux, bourgades, entre-
prifes fur icelles , biûlemens & démoli-
tions d'Eglifes & maifons, établilfemens
de Juflice , jugemens ôc exécutions d'i-
ceux , foit en matière civile ou crimi-
nelle , police & reglemens faits entr'eux,
voyages, intelligences, négociations,
traittez & contrats faits avec tous Princes
6c Communautez étrangères , introduc-
tion defdits étrangers es villes , & autres
endroits de cettuy nôtre Royaume, &
généralement de tout ce qui a éîé fait,
î^eré ou negotié durant les troubles pre-
fens ou palfez , depuis la mort de feu
nôtredit Seigneur & père, par ceux de
ladite Religion prétendue Reformée,
& autres qui ont fuivi leur party , enco-
res qu'il dût ctrc particulièrement ex-
primé &: fpecifié.
LVI. Auffi ceux de ladite Religion
& autres , qui ont fuivi -leur party , fe
<U{l4.rtiront. & defiprmt des à frefent de nez hors notredit Royainre , foient te-
toutes pratiques , ligues & intelligences nus pour vrais Françoise regnicoies,
c^' ils ont hors iwtredtt Royaume , comme & tels les avons déclarez & déclarons >
terontaufli tous nos autres fujets qui en fans qu'il leurfoit befoin prendre aucu-
pourroient avoir. Et feront toutes ligues, nés Lettres de naturalité , ou autres pro-
aflbciations&confrairies faites ou à taire, vifions de nous que le prefent Edit :
fous quelque prétexte que ce foit , au
préjudice de notre prefent Edit , caflees
&annulle'es, comme nous hs caflbns
6c annulons , défendant très-exprcffé-
ment à tous nos fujets de faire d oréna-
vnnt aucunes cottifations & levc'es de
deniers fans nôtre permiflion , fortifi-
Gitions, enrôllemcns d'hommes , con-
grégations , & afTemblees , autres que
celles qui leur font permifes par nôtre
dit prefent Edit , ôc fans armes : ce que
nous leur prohibons & défendons fur
peine d'ctre punis rigourcufêment , &
comme contempteurs <5c infraâcurs de
nos mandemens & Ordonnances.
L V 1 1. Toutes pifes qui ont été
faites tant par mer que par terre, en
vjertu des congcz & aveux donnez , &
lefquelles ont été jugées par les Juges
de l'Amirauté , & autres Commiflaires
à ce députez par ceux de ladite Religion,
demeureront affoupies fous le bénéfice
de nôtre prefent Edit , Ç.\i-\s qu'il en
puiffe être fait aucune pourfuite , ni les
Capitaines , leurs cautions , & lefdits
Juges , Officiers & autres recherchez ,
ni moleftez en quelque forte que ce foir,
Nonobftant toutes Lettres de marque &
faifie pendantes , & non jugées , dont
nous voulons leur être faite pleine & en-
tière main-levée.
L V 1 1 1. Voulons que les enfans de
ceux qui fe font retirez, hors notredit
Royaume t depuis la mort du feu Roy
Henri nôtre très- honoré Seigneur &
père , pour caufe de la Religion & trou-
bles > encores qvie lefdits enfans foienc
nonobftant nos Ordonnances à ce con-
traires , aufquelles nous avons dérogé Se
dérogeons.
L 1 X. Ordonnons qu'incontinent
après la publication de cçttuy nôtre Edit,
toutes troupes & armées , tant par mer
que par terre fe fcparent & retirent.
Seront tenus ceux de ladite Religion ,
& autres qui ont fuivi leur party , vuider
toutes garnifons des villes , places , châ-
teaux & maifons qu'ils tiennent , appar-
tenans tant à nous, qu'aux Eccleîiafti-
ques & autres paitrculiers,6c les deJailîcr,
rendre & remettre en pleine liberté ,
ainfi qu'elles étoient en pleine paix au-
paravant les prefens & precedens trou-
bles. ^ Et neantmoins parce que piu-
fieurs particuliers ont reçu & fouftbrt
durant les troubles , tant d'injures &
dommages en leurs biens & perfonnes ,
que difficilement ils pourront en perdre
fi tôt la mémoire , comme il fcroit bien
requis pour l'éxecution de nôtre inten-
tion : voulans éviter tous inconveniens
qui en pourroient avenir, en attendant
que les rancunes & inimitiez foient ad-
doucies , nous avons baillé en garde à
ceux de ladite Religion prétendue Re-
formée pour le rems &: terme de fix ans ,
les villes qui s'en fui vent : A favoir en
Languedoc , celles de Montpellier &
Aiguefrnortes : en Dauphiné , Nyons
& Serre, ville <Sc château : en Provence,
Seine, la Grand' tour, & circuit d'icclle:
en Guyenne, Perigueux , la Reolle,
& le Mas de Verdun, Lefquelles villes
nofdits firere & couiin le Koy de Na-
varre
C5»)
▼arrc & Prince de Condé , 6c vingt
Gentilshommes de ladite Religion , ou
autres qui ont fuivi leur party , qui fe-
ront par nous nommez : <Sc en outre
ceux qui feront commis à la garde àe{-
dites villes Ôc châteaux d'icelles , jure-
ront & promettront , un feul & pour le
tout , pour eux & ceux de ladite Reli-
gion , & autres de leur party , de les
nous bien Se fidèlement garder , & au
bout du terme fufdit de fix ans , à comp-
ter du jour & date du prefent Edit , les
remettre es mains de ceux qu'il nous
plaira députer , en tel e'tat qu elles font ,
fans y rien innover ny altérer , & fans
aucun retardement ou difficulté, pour
caufe (Se occafion quelle qu'elle foit : au
bout duquel terme l'exercice de ladite
Religion y fera continué comme lors
qu'ils les auront tenues : neantmoins
voulons & nous plaît , qu'en icelles tous
Ecclefiaftiques puiflent librement ren-
trer , faire le Service Divin en toute li-
berté , <Sc jouir de leurs biens : pareille-
ment tous les habitans Catholiques d'i-
celles villes. Lefquels Ecdeliartiques &
autres habitans nofdits frère & coufin y
ôc autres Seigneurs , enfemble les Gou-
verneurs 6: Capitaines defdites villes ôc
e^ns de guerre , qui y feront rais en gar-
nifon , prendront en leur protedion &
fauvegarde , à ce qu'ils ne foient em-
pêchez à faire ledit Service Divin , mo-
îeftez & travaillez en leurs perfonnes,
& en la jouiffance de leurs biens : mais
au contraire remis & réintégrez en la
pleine pofleffion d'iceux : voulans en ou-
tre, qu'efdites villes nos Juges y foient
rétablis , & l'exercice de la Juftice remis
comme il fouloit être auparavant les
troubles.
L X. Défendant très-expreflement à
tous nos fujets , de quelque qualité &
condition cp'iis foient , de faire aaamc»
entrepnfés ne mompoles , pour furpren-
dre le! dires villes baillées en garde à ceux
de ladite Relrgion , ni auflî pour prendre
& faifir aucunes des autres villes , châ-
teaux & places de notredit Royaume Se
pais de notre obeiflance, fur peine d'ctre
punis ôc châtiez comme infracteurs de
paix , & perturbateurs du repos public.
L X I. Ne feront mis par nous au-
cuns Gouverneurs ni garnifons es villes
que tiennent a prefent ceux de ladite R^-
ligion , & qui par eux feront delaiflées j
finon qu'il y en eût de tout tems, 6c mê-
me du règne du feu Roy Henri nôtre-
dit Seigneur «Se père. Pareillement dc-
iirans foulager en tout ce qui nous eft
poflîble nos fujets de toutes nos villes ,
Nous entendons que les Gouverneurs «
Capitaines & gens de guerre qui y ont
été rais en garnifbn , à rcceafion des
troubles , en vuident : fauf de celles qui
font frontières de nôtredit Royaume,
lefquelles il eft befoin garder pour la de-
fenfe <Sc fureté d'iceluy. Ne voulons
aufîî qu'il y ait es villes , châteaux, mai-
fons 3c biens appartenans particulière-
ment à nos fujets , de quelque qualité
qunls foient , autres garnifons que celles
qui ont accoutumé d'y être en tems de
paix.
L X 1 1. Et afin que tant nos Jufti-
ciers , Officiers, qu'autres nos fujets
foient clairement , Ôc avec toute certi-
tude , avertis de nos vouloir & inten-
tion : & pour ôtcr toutes ambiguïtez,
& doutes qui pourroient être faits au
moyen des precedens Edits, pour la di-
verfité d'iceux : Nous avons déclaré Ôc
déclarons tous autres precedens Edits t
Articles fecrets , Lettres, Déclarations,
modifications, requifitions, reftridionSf
interprétations , Arrêts j regitres , tant
fecret*
fecrets, qu'autres délibérations cy-devant
par nous faites en nos Cours de Parle-
mens & ailleurs , concernans le fait de
la Religion , & des troubles avenus en
nôtredit Royaume > être de nul efïèt &
valeur : aufquels > & aux dérogatoires y
contenues , Avons par cettuy nôtre Edit
dérogé & dérogeons , & àés à .prefent
coname pour lors les caflbns , révo-
quons & annulions , dechrans par ex-
près que nous voulons que cettuy nôtre
Edit foit ferme ôc inviolable , gardé &
obfervé tant par nofdits Jufticiers, & Of-
ficiers ) qu'autres flijets , fans s'arrêter
ni avoir aucun égard à tout ce qui
pourroit être contraire > ou dérogeant à
iceluy.
L X 1 1 1. Et pour plus grande aflu-
rance de l'entreteneinent & obfervation
que nous délirons d'iceluy , voulons ,
ordonnons & nous plaît , que tous Gou-
verneurs &X-ieutenans généraux de nos
Provinces , Baillifs , Sénéchaux & au-
tres Juges ordinaires des villes de cettuy
nôtredit Royaume , incontinent après la
réception d'iceluy Edit , jurent de le fat'
rè garder & obferver chacun en leur dé-
troit : comme aufîî les Maires , Eche-
y\ns ) Capitouls , Confuls 8c Jurats de
villes , annuels ou perpétuels. Enjoig-
nons aufîî à nofdits Baillifs, Scnechaux,
ou leurs Lieutenans , ou autres juges ,
Faire jurer aux principaux habitans déf-
aites villes ) tant d'une que d'autre Re-
ligion, l'entretenement du prefent Edit,
incontinent après la publication d'iceluy,
mettans tous ceux defdites villes en nô-
tre profession ôi. fauvegarde , & les uns
en la garde des autres : les chargeans
refpeâivement &: par acles publics , de
repondre civilement des contraventions
qui feroient faites à nôtre Edit dans lef-
dites villes par les habitans d'icelles , ou
Tome l.
O5)
bien reprcfenter , & mettre es mains de
Juftice lefdits contrevenans.
L X I V. Mandons à nos amcz &
féaux les gens tenans nos Cours de Par-
lemens , qu'incontinent après le prefent
Edit reçu, ilsayent toutes chofes ccf-
fautes , & fur peine de nullité des ades
qu'ils feroient autrement , à faire pareil
ferment que dcflus , & iceluy nôtre Edit
faire publier , 6c enregîtrer en nofdites
Cours félon fa forme & teneur , pure-
ment & fimplement , fans ufer d'au-
cunes modifications , rellri(5lions , dé-
clarations , ou regitres fecrets > ni at-
tendre autre jufîîon ni mandement de
nous ; 6c à nos Procureurs généraux en
requérir & pourfuivré incontinent &
fans délai ladite publication. Enjoignant
pareillement aufdits Gouverneurs <Sc
Lieutenans généraux de nofdites Provin-
ces,de le faire incontinent publier chacun
en l'étendue de fa charge , par tous les
lieux 6c endroits à ce faire accoutumez,
le faire garder 6c obferver, fans atten-
dre la publication de nofdites Cours de
Parlemens , à ce que nul ne prétende
caufe d'ignorance. Et que plus promte-
ment toutes voyes d'hoftilité , levées
de deniers , payemens 6c contributions
échus 6c à échoir , prifes, démoli-
tions , fortifications de villes , pinces &
châteaux » ccfl'ent d'une part & d'autre.
Déclarant dés à prefent icelles levées
de deniers , fortifications , démolirions,
contributions , prifes 6c raviflemens de
biens meubles , & autres aétcs d'hofti-
lité qui fe feroient après ladite publica-
tion 6c vérification , que lefdits Gou-
verneurs 6c Lieutenans généraux de no{^
dites Provinces en auront fait faire , fu-
jettes à reftitution , punition 6c répara-
tion. Savoir eft , contre ceux qui y
uferoient d'armes, forces & violences
£ en
C54>
en la contravention àc nôtredit Editi
cmpêchans l'cfret & exécution d'iceluy ,
de peine dç mort , fans efpoir de grâce
ne renaillîon. Et quant aux autres con-
traventions j qui ne feroient faites par
voyes d'armei , forces & violences , fe-
ront punis par autres peines corporelles,
bannillcmens , amendes honorables, &
autres , félon la gravité & exigence des
cas , à l'arbitre de modération des Ju-
ges , aufquels nous en avons attribué &
attribuons la connoiflance , chargeant en
cet endroit leur honneur 5c confcience,
d'y procéder avec la juftice & égalité
qu'il appartient , fans acception ou dif-
férence de perfonnes , ni de Religion.
Si donnons en mandement aufdits
Gens tenans nofdites Cours de Parle-
mens, Chambres de nos Comptes,
Cours de nos Aides » Baillifs , Séné-
chaux , Prévôts , & autres nos Jufti-
ciers Ôc Officiers qu'il appartiendra , ou
à leurs Lieutenans , qu'ils falTent lire ,
publier Se enregîtrcr cettuy nôtre pre-
fent Edit & Ordonnance en leurs Cours
& Jurifdictions : & iceluy entretenir »
garder & obferver de point en point ,
& du contenu en faire jouir & ufcr plei-
nement & paifiblemcnt tous ceux qu'il
appartiendra : ceflans & faifans cefler
tous troubles 5c empêchemens au con-
traire. Car tel eft nôtre plaifir. En té-
moin dequoy nous avons figné ces pre-
fcntes de nôtre propre main : & à icel-
les , afin que ce foit chofe ferme & fia-
ble à toujours , fait mettre & appofer
nôtre feel.
Donné à Poitiers au mois de Sep-
tembre , l'an de grâce 1 5 77.
Et de nôtre Règne le quatrième.
Et plus hds, TdrU^ejf étant en fm
Confeil ,
Et a cote.
De Neufvi lli,
Vifa.
Etfeellées fur hcs de foyc rouge &
verte , en cire verte , du grand fcel.
Lues i publiées , & regttrées, oui y
ce requérant & confemant , le Procureur
gêner aI du 'Roj' , a Paris en Parlement ,
le huitième jour d'O^obre l'an mil cinii
cens foixame & dix-fept.
Signé ,
De Hivez,
Lues femhUhlemelit , publiées & regt^
trées en la Chambre des Comptes ^ oui y
& ce requérant à" confentant le Procureur
gênerai du Roy en tcelle , l'onzjéme jour
d'Oâohre , l an mil cinq cens Çaixante &
dtx-fept.
Signé,
Danes»
lu & publié à [on de trompe & cri
public par les carrefours de la vilk de Pa*
ris , places & lieux accoutumes^ a faire
cris é" publications , par moy Paquier
Jioffgnol, Crieur du Boy es VilU , Prévô-
té & Vicomte de Paris , accompagné de
Michel Koiret Trompette Juré dudit Sei-
gneur efdits lieux , à' de quatre autres
Trompettes , leS. d'Octobre , l'an mil cin^
cens joixante & dix fcpt.
Signé >
Signé
HENRL
Rossignol,
AT'
I.
Articles fccrets du 1 7. Septembre,
Premièrement.
A Majefté pour gratifier le Roy
i^dc Navarre luy permettra , outre
ce qui eft accordé par les Articles géné-
raux aux Sieurs Hauts Jufticiers de la
(55)
fauxbourgs defquelles ceux de ladite Re-
ligion pourront avoir ledit exercice pour
tous les Bailliages , Senechauflces &
Gouvernemens qui en dépendent, &
au défaut des villes leurs feront bailler
deux bourgs ou villages commodes.
Quartement, pour la grande éten-
due des Senechauflées de Provence &
Poitou , a été accordé à ceux de ladite
Religion en chacune d'icclles une autre
Religion ; de faire faire le Service pour ville , es fauxbourgs de laquelle > ou
tous ceux qui y voudront aller , encore en défaut de ville un bourg ou village
qu'il en foit abfent , es maifons à luy
appartenantes es lieux quis'enfuivent ;
Savoir au Duché de Vendômois en la
ville de Montoire.
I I. Pareillement fadite Majeflé per-
mettra à Monfeigneur le Prince de
Condé avoir ledit exercice en (es mai-
fons de la Ferté fur Loire , & Anguien,
encore qu'il en foit abfent.
II I. Sur l'Article faifant mention
des Bailliages , a été déclaré & accordé
ce qui s'enfuit. Premièrement , que fa
Majefté entend fous le nom d'anciens
commode, où ils pourront avoir l'exer-
cice de ladite Religion , outre ceux
qui leur feront ottroyez par ledit Arti-
cle.
IV. Pareillement a été accordé, qu'il
ne fera en vertu dudit Article établi es
terres appartenantes en propre à la Rei-
ne mère de fa Majefté , aucun lieu pour
faire l'exercice public de ladite Reli-
gion : Néanmoins les Gentilshom-
mes qui ont haute Juftice ou Fiefs de
Haubert dedans lefdites terres pourront
jouir (Se ufer de la permiflîon qui leur fe-
Baiiliages , parler de ceux qui étoient du ra accordée par l'Êdit , comme ailleurs.
tems du feu Roy Henri tenus pour
Bailliages , Senechauflées , Gouverne-
mens reflortiflans nuement & fans
moyen es Cours de Parlement.
Secondement qu'es Bailliages , Se-
nechauflées, & Gouvernemens, efquels
ceux de ladite Religion tiennent à pre-
fênt deux villes ou Bourgs appartcnans
à fadite Majefté , ou à Seigneurs Ca-
tholiques , Hauts Jufticiers , efquels il
leur eft permis continuer l'exercice de
ladite Religion , ne leur fera pourvu
d'un autre lieu pour y fa're ledit exerci-
ce» comme es autres Bailliages de ce
Royaume. Tiercement qu'au Gouver-
nement de Picardie, ne" fera pourvu par
fadite Majefté que de deux villes , aux
V. Ne fera auffi pourvu d'aucun
lieu pour le Bailliage de Bcaujolois, ap-
partenant à Monfeigneur le Duc de
Montpenfierj mais lefdits Sieurs Hauts
Jufticiers y jouiront du privilège de
l'Edit , comme ailleurs.
V I. Sera ordonné un lieu pour tou-
tes les Ifles de Marcnncs , &: un autre
pour rifle d'Olcron, efquels deux licnx
fera permis à ceux de ladite Reî'gion
avoir l'exercice d'iceilc, pour tous ceux
defdites Iflc's qui y voudront aller.
VII. Pareillement fera pourvii
pour le paï's de Mcfîîn,&: autres qui font
fous la protecftion du Roy, comme il
fut fait par les Articles fccrets faits avec
l'Edit de l'an 1570.
£ 2. VIII.
VIII. Pour les mariages des Prê-
tres (3c pei formes Religieufes qui ont été
cy-devant contractez , fa Majefté ne
veut ni n'entend pour pluûeurs bonnes
confiderations qu'ils en foient recher-
chez ni moleftez , (Se fera fur ce impo-
fc iilence aufdits Procureurs Généraux,
& autres Ces Officiers. Sadite Nîajefté
déclare néanmoins qu'elle entend , que
les enfms ifTus defdits mariages pour-
ront fucceder feulement aux meubles»
acquêts, & conqacts immeubles de leurs
pères & mères , ne voulant que lefdits
Religieux & Religieufes profez puiflent
venir à aucune fucceffion direcfle ni col-
latérale. Sadite Majefté ne veut auflîjque
ceux de ladite Religion qui auront cy-
devant contraire mariage au tiers ou
quart degré en puiflent être moleftez ,
ni la validité defiiits mariages révoquée
en doute, ni pareillement lafucceflîon
océe, ni querellée aux enfans nais ou à
naître defcendans defdits mariages ; &
pour juger de la validité defdits maria-
ges faits &: contractez par ceux de ladite
Religion , & .vcider s'ils font licites ou
iilicites , fi celuy d icelle Religior^eft
défendeur , en ce cas le juge Royal con-
Boîtradufait dudit Mariage; & où il
feroit demandeur , 6c le défendeur Ca-
tholique , la connoifTance en appartien-
dra à rOfficial (Se Juge Ecclefiaftique;
de quoy feront expédiées par fadite Ma-
jefté Lettres Patentes , pour être véri-
fiées en {es Cours de Parlement.
I X. Et quant aux mariages qui
pourroient jà être traitez^ ou de fécond
ou autres entre ceux de ladite Religion ,
fe retirans vers fadite Majefté , ceux, oui
ièront de cette qualité , & auront con-
tradé mariage en tel degré, leur feront
baillées telles provifions qui leur feront
ûeceflaires, , afin qu'ils ne foient recher^
(^6)
chez ni moleftez eux ni leurs enfàny,
X. Sur ce qui a été accordé par ks
Articles Généraux , qu'en chacun des
Parlemens de Paris , Rouen, Dijon, &
Rennes > fera compofée une Chambre
d'un Prefident , & certain nombre de
Confeillers,pris & choifis efdites Cours,
A été avifé Ôc convenu , ahn d'ôter
toutes occafions de foupçon à ceux de
ladite Religion , & fatisfaire en cela à
la requête (Se fupplication très-humble
qu'ils en ont faite à fa Majefté j que le»
Prefidens & Confeillers feront par fadi-
te Majefté choifis fur le tableau des Of-
ficiersd'iceux Parlemens , des plus équi-
tables , paifibles & modérez , defquels
la lifte fera communiquée aux Dépu-
tez dudit Sieur Roy de Navarre , & de
ceux de ladite Religion , qui fe trouve-
ront auprès de fadite Majefté, avant
qu'être ordonnez pour fervir lefdites
Chambres : & où aucuns d'iceux leur
feroient fufpeâ;s , leur fera loifible le fai-
re entendre à fadite Majefté , laquelle
en élira d'autres en leur place,
X I. Le femblable fera obfervé en
réled:ion des Officiers Catholiques qui
doivent fervir es Chambres , qui feront
établies es païs de Guyenne , Langue-
doc, Dauphinc& Provence.
X I î. Pour le regard de la provifîon
de ceux de ladite Religion , & Offices
de Prefidens & Confeillers qui feront
érigez par ledit Edit , pour fervir efdites
Chambres , a été accordé qu'elle fera
Elite par fadite Majefté , fur l'atiefta-
tion dudit Sieur Roy de Navarre pour la
première fois , & fans en prendre aucu-
ne Finance : & avenant vacation d'i-
ceux , qu'il y fera par fadite Majefté.
pourvu de perfonnes capables , étans
de ladite Religion,
XI il. Et d'autant que ceux de ladi-
te
te Religion om allègue pîufieurs caufes
de foupçon contre ceux de Ja Cour de
Parlement de Roiien > à raifon de quoy
ils faifoient inftance d'y e'tablir nne
Chambre, comme pour les Parlemens
de Bordeaux , Thouloufe <Sc Dauphiné >
afin de ne rendre ledit Parlement diffor-
me à ceux de Paris , Dijon & Rennes ,
a été accorde que ceux de ladite Reli-
gion qui auront procès audit Parlement,
s'ils ne veulent recevoir pour Juges
ceux de la Chambre qui y fera drellée ,
en fe retirant devers fadite Majclté ,
leur fera par elle pourvu de Lettres d'é-
vocation en la Chambre du Parlement
de Paris, ordonnée pour l'adminiftra-
tion de la J uftice à ceux de ladite Reli-
gion , ou au Grand Confeil, des procès
mus , ou de ceux à mouvoir avant con-
teftation en caufe , en apportant attefla-
tion bien & dûment faite, comme ils
font de ladite Religion Prétendue Re-
formée.
XIV. Sadite Majefté veut & en-
tend qu icelles Chambres compofées &
établies efdits Parlemens, -pour la diftri-
bution de la Juftice à ceux de ladite Re-
ligion , foient reiinies & incorporées
en iceux Pîftlemens , quand befoin fera ;.
& que les eau fes qui ont mu fadite Ma-
jeflé d'en faire l'établiffement cefleront y
& n'auront plus de lieu entre fos fujets.
X V. A ces fins les Prefidens &
Confeillers qui feront pourvus des Of-
fices nouvellement créez efdites Cham-
bres, feront nommez Prefidens &: Con-
feillers des Cours de Parlement , chacun
en celle où ils feront établis , & tenus
du nombre àcs Prefidens Ôc Confcillers
d'iceile Cour ; & jouiront des mêmes
gages, autoritez , prérogatives que font
ks Prefidens & Confeillers des. autres
Cours.
(37)
XVI. L'examen defquels Prefidena
& Confeillefs nouvellement érigez , fera
fait au Confeil Privé de fa Majefté , ou
par lefdites Chambres , chacun en foiî
détroit , quand elles feront en nombre
luffifant; & néanmoins le ferment ac-
coutumé fera par eux prêté es Cours r
où lefdites Chambres feront établies j
excepté ceux de ladite Chambre de
Languedoc , lefquels prêteront le fer-
ment es mains de Monficur le Chancel-
lier, ou en icelle Chambre quand elle
fera établie.
XY il. En ladite Chambre de Lan-
guedoc y aura deux Subftituts du Procu-
reur & Avocat de ladite Majefté, donc
celuy du Procureur fera Catholique , &
l'autre de ladite Religion, lefquels feront
pourvus par fadite Majcfté , avec gages
competens.
XVIII. Y aura auflî deux Commis
du Parlement de Thouloufe , l'un au Ci-
vil & l'autre au Criminel , dont les
Greffiers repondront.
XIX. Plus il fera ordonne d.Q%'
Huiflîers , qui feront pris en ladite Cour
ou d'ailleurs , félon le bon plaifir du-
Roy , autant que befoin fera pour le fer-
vice d'icelle Chambre.
X X. La feance de laquelle fera par
fa Majefté établie & transférée aux vil-
les 6c lieux dudit pais de Languedoc,.
félon qu'il fera par elle avifé , poiirlo!
commodité de (es fujets.
X X I. Sur ce qui a été remontré
par ceux de ladite Religion, que depui»
la publication de l'Edit fait l'an 1572*
jufques au jour de la publication de ce-
luy qui fera prefentement , il y a plu-
fieurs prefcriptions , péremptions, d'in-
ûances, ou jugemcns donnez contre
ceux de ladite Religion, où ils n'ont été
cuis ne défendus j ou bien ayant de-
£ j ~ mande
(38)
mandé renvoy aux Chambres Mipar-
ties, leur a été dénié: leur accorde
qu'en faifant de ce dûment apparoir,
ils feront reçus en leur premier état.
XXII. Pareillement fur ce qui a
été remontré de la part defdits Sieurs
Roy de Navarre Ôz Prince de Condé ,
qu'ils font pourfuivis en plufieurs inftan-
ces , par ceux qui ont acheté durant
les troubles des biens du temporel de
l'Eglife , requérant qu'il foit dénié tou»
te action aux acquéreurs contr'eux &
autres , qui par leur commandement
ont fait les Contrads dcfdites ventes:
leur eil accordé au nom de fadite Maje-
flé , cjue toutes provilions qui leur fe-
ront necefl'aires pour les décharger &
indemnifer defdîtcs ventes , leur feront
particulièrement expédiées ; à la charge
néanmoins du rembourfement des de-
niers , comme il eft porté par les Arti-
•clcs «Tcneraux de l'Edir.
X"X III. Sa Majcfté promettra &
jurera l'obfervation ik entretenemcntde
l'Edit qui fera fait fur lefdits Articles
Généraux , ôc d'en faire jouir ceux de
ladite Religion , & autres quiontfuivi
leur party : 6c pareillement fera promet-
tre & jurer à la Reine fi mère , & à
Monfeigneur le Duc d'Anjou fon frère
garder Se obferver ledit Edit.
XXIV. Le femblable fera fait auffi
par lefdits Sieurs Roy de Navarre &
Prince de Condé.
XXV. Dtfqueîles promeflès & fer-
mens feront faits & paffez ades fignez
des mains , & feellez du feel des armes
de ceux cjui les auront faits, qui feront
réciproquement mis di. délivrez es mains
de fa Majcfté, <Sc dudit Sieur Roy de
Navarre , ou de ceux qui feront par eux
députez pour les recevoir.
X X V L Sera permis audit Seigneur
Roy de Navarre, après la conclufion
de la paix , envoyer vers la Reine d'An-
gleterre & le Duc Jean Cafimir * pour
les en avertir; & fera baillé paiTeport
& faufconduit de fadite Majeûé à ceux
que le Roy de Navarre y dépêchera, .
XXVII. Tous ceux de ladite Re-
ligion qui feront demeurez titulaires def-
dits Bénéfices , feront tenus les refigner
dans fix mois à perfonnes Catholiques >
& ceux qui auront promcflès de penfions
fur lefdits Bénéfices avant le vingt-qua-
trième Août 1572. en feront doréna-
vant payez , (Se le payement defdites pen-
fions continué • & feront ceux qui doi-
vent lefditcs penfions , contraints leur
payer les arreraj^es fi aucuns y en a,
pourveu qu'ils ayent aétueliement joui
des fruits d'iccux Bénéfices , excepté
toutefois les arrérages échus durant les
troubles.
X X V I II. Et pour le regard de ceux
qui ne feront de ladite Religion, 6c
néanmoins les ont fuivis durant les trou-
bles , ils rentreront en la même poflèf.
fion & jouïfiànce de leurs Bénéfices qu'ils
avoient auparavant le 24. Août 1572,
& ceux qui d'autorité privée , fans man-
dement , ou don de fadite Hfajefté au-
ront joui' & perçu les fruits defdits Bé-
néfices appartenans aux delfufdits, feront
tenus & contraints le leur rendre & ré-
tablir.
XXIX. Sur l'inftance faite d'annul-
΀r les obligations , ceduics & proraefits
faites par ceux de ladite Religion , &
autres qui ont fuivi leur party ; enfemble
les jugemens donnez fur icelles con-
tr'eux , pour raifon des Etats , Charges
& Offices à eux rcfignez avant les der-
niers troubles , ou depuis , dont au
moyen d'iceux troubles n'auront pu
obtenir les provifions , & cependant
lefdits
kfdits Etats 8c Offices auroient cce im-
pctrez par autres , requérons pareille^
jnent rembourfeinent de ce qu'ils en
auront fourni , foit aux Finances de fa
Majefté ou aux rellgnans ; a été décla-
ré , que faifant entendre à fadite Ma-
jeflc les £iits particuliers doot eftquef-
tion, elle y pourvoira , & fera faire ou-
verture de Juûice^
XXX. ^Sera auflî pourvu par ks
Officiers de la Juftice , fur le débat par-
ticulier & inftance des parties , touchant
(39)
XXXII. Sent confirmée par fit
Majeflé la Déclaration octroyée jxir le
feu Roy dernier aux habirans de Ramiers
de ladite Religion , pour la callàtion des
Arrêts donnez pour quelques excès
avenus en ladite ville au mois de Juiir
I5<i^. 6c fera iccUe Dtclaration à cette-
fin prcfentée à faJite iVîajefté.
X X X I i I. A été accordé audit
Roy de Njft'arre & autres de ladite Re-
ligion l'entretenement de huit cens
hommes payez par fadite Majellé , pour
la caflacion rcquife par ceux de ladite mettre dans les villes qui leur feront laif-
Religion> & autres qui ont fuivi leur
party , des baux à ferme par eux faits de
leurs biens & héritages depuis ledit 14.
d'Août , pour pouvoir rentrer en iceux
en 'rembourfant par eux ce qu'ils en au-
ront reçu.
XXXI. Les Officiers de fa Majef-
té en la ville de la Rochelle, Maire,
Echevins , Confuls, Pairs & autres ha-
bitans d'icelle ville , feront confervez &
maintenus en leurs anciens droits & pri-
vilèges ; & ne feront redierchcz , mo-
leftez ni inquiétez pour leurs mande-
mens, décrets & prifes de corps faites
•tant en la ville que dehors > exécutions
de leurs jugemens depuis enfuivis , tant
pour raifon de quelques prétendues en-
treprifcs faites contre ladite ville au
mois de Décembre 1575. que par un
Navire nommé nrondellc,6c exécution
des Jugemens donnez contre ceux de
l'équipage d'icelle > ne pour autres actes
quelconques, dont ils feront entière-
ment déchargez. N'auront aufll autre
Gouverneur que leSenechal, & ne fera
mis aucune garnifon en ladite ville &
Gouvernement.
Ne pareillement es villes ôc places
qui font du Gouvernement de Langue- die , auquel ù Majefié veut qu'il foit
doc, fauf à celles où il y cnavoitdii co»{èrvé.
tems du feu Roy Henri, X X X V t
fées en garde pour leur fureté ; auf-
quelles ne pourra faditc Majefté mettre
aucun Gouverneur X jii autres garnifons ,
& pourvoira de telle façisn : (i bien fera
connoiitre aux Gouverneurs <Sc Licute-
nans généraux de ft::s Provinces , que
lors qu'ils voudront palfer par icellcs ôc
les vifirer , ils ne donneront à ceux de
ladite Religion aucune occalion d'cntror
en affaire.
XXXIV. Ledit Sieur Roy, de Na-
varre reprefentera à fadite Majefté ceux
qu'il prétendra colloqucr à la garde def-
dites villes, lefqucls y feront par elle
commis : Se là où aucun d'iceux com-
mis à la garde fe gouverneroit infolem-
ment , &: malverferoit en fa charge t
n'obfervant ledit Edit de pacification ,
ledit Sieur Roy de Navarre fera tenu de
le depoffedcr , & d'en prefenter un au-
tre à fadite Majefté, pour être mis erî
fa place.
XXXV. La ville de Saint Jean
d'Angeli fera dclaiflee à Monfieur le
Prince de Condé pour fa retraite & de-
meure, pour le tems &: terme de fix ans,
en attendant qu'il puifte cfFeétuellcment
jouir de fon Gouvernement de Picar-
XXXVI. Ledit Sieur Prince pro-
mettra à fadite Majefté de /bien & fidel-
iement garder ladite ville de S. Jean , &
aux bout 6c termes fufdits de fix ans la
remettre avec le Château es mains de
-celuy qu'il plaira à fa Majefté députer,
€a tel état qu'elle eft , fans y rien in-
nover ni altérer , ôc fans aucun retarde-
ment ou difficulté , pour caufe ou occa-
iion quelle qu'elle foit ; voulant fa Ma-
jefté que tous les Ecclefiaftiques puif-
feat librement rentrer en icelle ville,
faire le Service divin en toute liberté , &
jouir de leurs biens, enfemble tous les
habitans Catholiques ; lefqucls Hccle-
fiaftiques & autres habitans ledit Sieur
Prince prendra en fa protcdion & fau-
vegarde , à ce qu'ils ne foient empêchez
à taire ledit Service divin , moleftez ,ne
travaillez en leurs perfonnes , ni en la
jouïlTance de leurs biens, mais au con-
traire remis &c réintégrez en la pleine
pofl'effion d'iceux.
XXXVII. Ledit Sieur Prince de
Condé prefentera èc nommera à fadite
Majefté celuy qu'il voudra commettre
a la garde de ladite ville , afin qu'il luy
en foit expédié provifion par fadite
Majefté , comme il a été* cy-devant
fait.
XXXVIII. Pour la garde & fu-
reté de ladite ville , fera accordé audit
Sieur Prince cinquante hommes entre-
tenus aux dépens de fadite Majefté , ou-
tre ce que ledit Sieur Roy de Navarre
iuy départira des huit cens , qui luy font
delaiflez pour la garde des autres villes.
Voulant fadite Mnjefté que lefdits huit
cens cinquante hommes d'armes delaif-
fez , ainli que dit eft, aufdits Sieurs Roy
de Navarre ik Prince de Condé , foient
<Jepartis & colloqucz en garnifon dedans
iefdites villes , ainii qu'il a été arijeté ,
(4<5)
fans en pouvoir être tirez ni eroployct
ailleurs que par le commandement ex-
prés de fadite Majefté , pour éviter h
foule de fon peuple , ôi. lever toutes oc-
cafions de dcffiances entre Ces fujets.
Entendant auflî fadite Majefté , que les
huit cens cinquante hommes de guerre
foient licentiez après le terme échu de
la remife & rcftitution defdites villes.
XXXIX. Par les Articles géné-
raux la ville de Montpellier eft delaiftee
en garde à ceux de ladite Religion, pour
la retraite (Se fureté de ceux du pais de
Languedoc , mais fadite Majefté entend
que ce foit à Ja charge que ladite ville fc
trouve encore entre les mains, & au
pouvoir de ceux de ladite Religion, le
jour que ces prefens Articles feront ac-
cordez ck fif^nez en cette ville de Berse-
rac , & non autrement ; auquel cas au
lieu d'icelle ville leur en fera par fadite
Majefté baillée une autre, de celles
qu'ils tiennent & occupent de prefênt
audit pais de Languedoc à leur choix,
X L, Sadite Majefté écrira à Ces
Ambaftadeurs faire inftance & pourfuite
pour tous (es fujets de quelque Religion
qu'ils foient , à ce qu'ils ne foient re-
cherchez en leur confcience ,. ni fujets à
rinquifition , allans, venans , furvenans,
negotians & trafiquans par toute l'Ef-
pagne, l'Italie, & tous autres pais
étrangers , alliez & confcderez de cet-
te Couronne, pourveu qu'ils n'ofiên-
fent la Police du pais oii ils feront.
X L I. Toutes pièces d'artillerie ap-
partenantes a fadite Majefté, qui ont été
prifes durant les prefens & precedens
troubles, feront incontinent rendues &
mifes aux magafins de fadite Majefté j
néanmoins celles qui font es villes bail-
lées pour fûieté y demeureront; mais
fera fait inventaire d'icelles , afin qu'el-
les
îes foient fendues paflc le terme de
fikans.
■ X L 1 1. D'autant que fi tout ce qui
a été fait contre les Reglemens d'une
part & d'autre eft indiff-eremment ex-
cepté, & refervé de la générale abolition
portée par l'Edit , & fujet à être recher-
ché , il n'y a homme de guerre qui ne
puiiîè être mis en peine ; dont pourroit
avenir renouvellement de troubles, a
cette caufe a été accordé que feule-
ment les cas exécrables demeureront ex-
ceptez de ladite abolition , comme ra-
vinèmens & forcemens de femmes &
filles , brûlemens > meurtres de voie-
ries faites par prodition, & pour exercer
vengeance particulière contre le devoir
de la guerre , infraction de pafl'eports &
fauvegardes , avec meurtre ôc pillages
fans commandement; pour le regard
de ceux de ladite Religion , & autres qui
ont fuivi le party du Roy de Navarre, ou
de Monfieur le Prince Condé , fondé
fur particulières occafions qui les ont
mus à le commander & ordonner.
X L 1 1 1. Sera ordonné que tout ce
qui fera pris d'une part & d'autre par
voye d'hoftiiité ou autrement , pour
quelque caufe ou occalion que ce foit ou
autrement , procédant des prefens trou-
bles, àés & depuis ledix-feptiéme du
prefent mois , que les articles ont été
accordez , arrêtez & fignez en cette vil-
le de Bergerac , fera fujet à reftitution
& réparation civile.
^ XLIV. Pour le regard delà ville
d'Avignon, & Comtat Venaifïîn, defi-
rant fadite Majefté que les habitans d'i-
celle ville & Comtat fe reOéntent &
cjouïlTent du fruit de la paix qu'elle efpe-
re avec l'aide de Dieu établir dans fon
Royaume , tant pour laconiideration de
îiôtre S. Pcre le Pape , que pour avoir
• Tmie L
(4O
toujours ladite ville & Comtat cré fous Li
protedion des Rois ks predecellèurs , 6c
queceftchofequi importe grandement
à l'ctabliffement de ladite paix é$ Pro-
vinces qui en font circonvoilines : .fadite
Majefté fuppliera fadite Sainteté vouloir
accorder aux fujets de ce Royaume qui
ont biens en ladite ville d'Avignon &
Comtat, & pareillement aux fujets de
ladite ville ôc Comtat, lefquels font de
ladite Religion , ou qui ont fuivi leuf
party , qu'ils foient remis & réintégrez
en l'entière <Sc paifible jouiïTance de
leurs biens, defquels ils auroient été
privez à l'occafion des troubles palTcz
& de ladite Religion , fans qu'ils puif-
fent étrccy-après empêchez ou molef-
tez en ladite jouïflàncc pour ladite occa-
fion. Et ce fait feront ceux qui occupent
& détiennent à prefent audit pais les vil-
les,places & lieux de fa Sainteté ou de fês
fujets , tenus les remettre incontinent
& fans aucune difficulté , délai ou lon-
gueur, entre les mains de ceux qui feront
ordonnez par fadite Sainteté : à l'cflèt
de quoy le Roy de Navarre & Monfieur
le Prince de Condé envoyeront un
Gentilhomme exprés devers les dé-
tenteurs d'icelles places, pour leur ii-
gnifier ce que defiùs , <3c les requérir &
lîemondre d'y obéir ; & où ils ne vou-
droient fatisfaire , promettent Icfdits
Sieurs Roy de Navarre & Prince de
Condé , tant en leurs noms que de ceux
de ladite Religion & autres qui ont fuivi
leur party , Si autres , de ne leur don-
ner aucun confort , aide ni affifiance.
Comme aufii fa Majeflé promet que là
oîi af>rés la reftitution & remife defdites
places entre les mains de ceux qui y fe-
ront ordonnez par fadite Sainteté , au-
cuns des fujets de fadite Majefté ayant
biens efdîtes villes & Comtat, ou de
F ceux
ceux de fadite Sainteté faifans profeflîon
de ladite Religion , feroient empêchez
en Ja jouïdance de leursdits biens à Toc-
carton iufdite de la Religion , leur pour-
voir tir les biens que les autres fujets de
ladite ville d'Avignon & Comtat ont es
terres & pais de fan obeïlTance , par
Lettres de marque <5c reprefaille , lef-
quclles feront à cette fin adrellées aux
juges aufcjuels de droit la connoifl'ance
en appartient.
X L V. Les fommes qu'il leur con-
viendra lever pour le payement de ce
qui efl: dû aux Reitres , tant des pie-
fens que precedens troubles , feront im-
pofées égales fur tous les fujets de fa
Majefté. Et d'autant que lefdits de la
Religion prétendent que la plupart
des deniers deftinez pour le payement
defdits Rcïtres des troubles precedens
croient levez auparavant le vingt-qua-
trième Août mil cinq cens feptanie-
deux , & leur furent otez & remis , &
que fa Majefté pourroit par furprife
avoir fait don de quelques parties defdits
deniers à certains particuliers , fa Ma-
jefté entend que ceux qui auront eulef-
dks deniers pour quelque occafion que
ce foit , & fous quelque prétexte que ce
foit , feront contraints par toutes voyes
dues <Sc raifonnables à les rendre; &
les Receveurs & autres qui ont encore
des deniers de ladite nature , feront
tenus de les mettre promtement es
mïiins des Receveurs Généraux de fadi-
te Majefté > & ceparemprifonnement
de leurs perfonnes -, fî bcfoin eft : &
moyennant ce , fadite Majefté a dé-
chargé & décharge lefdits de U Reli-
gion de toutes obligations &^ promeffes
qu'ils en en auroient faites & paflees,
tant envers fadite Majefté que le£iits
Keîtres & tous autres.
C4O
X L V L Sur ririftance que ledit
Sieur Roy de Navarre & ceux de ladite
Religion ont fait à fadite Majefté., pour
le payement des Reitres dû audit Jçan
Calimir , (es Colonels & Rent-me-
ftres : fadite Majefté a déclaré qu'elle
mettra peine d'y fatisfaire le plus prom-
tement, ôc aux plus briefs termes que
la neceffité de fes aftaires luy per-
mettra.
X L V IL Et pour le regard des (Ix
cens mille livres que ceux de ladite Re-
ligion ont fait entendre leur avoir été
permis par la dernière paix d'impofer &
lever fur eux, pour s'acquitter de cer-
taines fommes par eux dues : leur a été
accordé qu'en faifant apparoir de ladite
permiftîon , & qu'il n'a cy-devant été
par eux rien levé en vertu d'icelle , ains
que les fommes pour lefqudies elle leur
avoir été ottroyce font encore dues j la-
dite permiflîon leur fera par fadite Ma*
jefté confirmée.
XLVIiL Monfieur le Prince d'O-
range fera remis & réintégré en toutes
{es terres, jurifdidions ôi. Seigneuries
qu'il a dans cedit Royaume, <5c pais de
l'obcïffance de fadite Mjjefté. Pareille-
ment luy feront rendas les titres , docu-
mens & papiers concernans fa Princi-
pauté d'Orange > fi aucuns ont été pris
& tranfportez par les Gouverneurs ôc
Lieutenans Généraux , & autres Offi-
ciers de fadite Majefté, fi jà ce que de/fus
n'a été exécuté.
Les prefens Articles ont été faits &
accordez par exprés commandement
du Roy, au nom de fa Majefté, fous
fon bon plaifir,. par Monfieur le Duc de
Môntpeafier, & les Sieurs de Biron,
Defcars, S. Sulpice, de la Mothe-Fene-
lon , en vertu du pouvoir à eux donné
par £iditc Majefté, pour conclure &
ac£or-
(43)
«corder de Jla pacification des^troublcs l,, articles di U Conférence faite k Ne^
^ac par U Reine mère du R9J t dvecU
Rojf de Navdrre , & les Députe? de U
Religion prête iidu'e Keforjnée.
POur faciliter l'exécution de l'Edit
dernier de Pacification fait an mois
de Septembre, mil cincj cens foixante
& dix-fept , & éclaiicii & refôudre les
difficultez qui font intervenues , & qui
pourroient encores retarder le bien &;
c&tt d'iceluy Edit : A été fur la Rc.
quête, fuplication &: Articles prefen-
tez par ceux de la Religion prétendue
Reformée , refolu ik arrêté ce qui s'en«
fuit , en la Conférence tenue a Nerac
en ce prefent mois de Février , mil cinq
cens foixante & dix-neuf , entre la Rei-
ne mère du Roy , afllllée d'aucuns Prin-
ces & Seigneurs du Confeil privé du
Roy : & le Roy de Navarre, aufîî affiftc
du Député de Monfeigneur le Prince de
Condé , Seigneurs & Gentilshommes ,
& dts Députez de ceux de la Religion
prétendue Reformée.
J. Que les Hauts JujUciers ou ceux
qui tiennent plein jif/ de Hatibcrty loii en
propriété ou ufufruit , en tout , par moi-
tié ou tiers , pourront faire continuer
l'exercice de la Religion prétendue Re-
formée , es lieux par eux nommez pour
leurs principaux domiciles , encores
qu'ils en foient abfens & leurs femmes ,
pourveu qu'une partie de leur fimille
demeure audit lieu : & encore que le
droit de Juftice ou plein fief de Haubert
foit conrroverfé , néanmoins l'exercice
de ladite Religion y fera continué, pour-
veu que les fufdits foient en po/lèflîon
aduelle de ladite Juflice. Et pour le
regard de l'exercice public de ladite Re-
ligion pre-tenduë Reformée , es lieux
ordonnez par le Roy , fi quelqu'un dcf-
f 2 dits
de ce Royaume , d'une part. Et par le
Roy de Navarre & Monfieur le Prince
de Condé , & ks Députez de ceux de
ladite Religion Prétendue Reformée,
fè faifant forts tant par ledit Sieur Roy
•<k Navarre & Prince de Condé, & Dé-
putez pour tous ceux des Provinces de
ce Royaume , païs , terres <Sc Seigneu-
ries qui font fous l'obeiflànce de fadite
Majcfté , lefquels font profeffion de la-
-dite Religion , <Sc autres qui les ont fui-
vis, d'autre part. Pour témoignage de
<juoy lefdits Articles ont été lignez de
leurs propres mains en la ville de Berge-
rac , leiy. jour de Septembre 1577..
Ainfi fignez à l'Original Henri de
Bourbon $ Louis de Bourbon , Biron ,
Defcars , S. Sulpice , de la Mothe-Fe-
nelon, la Noue , L. Dufaur Chancelier
du Roy de Navarre , S. Genis , Chau-
vin, Dufaur, Claufonne député du Lan-
guedoc ; Morin député de Guyenne ,
Scorbion député de Montauban , Payan
député de Languedoc, & fuivant fon
pouvoir Thore pour l'iile de France,
de Signo député de Dauphiné , Durand
, dcpnté de Guyenne, Guyet pour la Ro-
chelle , S. Boignon pour la Rochelle,
Courtois députe de Vendomois , Roux
député de Provence , T. Davaux pour
la Rovergue. Ainfi figné , Collationné
deNeufville, Se cft écrit, Extrait des
Regîtres de Parlement,
Signé ,
DePontac.
Collationné AU manufcrit qui eji dans
la Bibliothèque du Roy , par moj Con-
feiller Secrétaire du Roy y Mai fin ,
Couronne de France & de fes Fhian'
ces y du Qsllege ancien.
Signe a G 0 m.
âHts lieux fe trouve incommode , prefen- la conduite defd, corps morts : fur pdne
tant requête au Roy à ces fins pour le de concuffion.
transférer ailleurs, leur fera pourvu Tuf-
fifamment, Se à leur commodité par
fa Majeflé.
1 1 . Que fuivant certaines Lettres pa-
tentes du Roy , donne'es à Paris le 15.
Novembre , 1577. contbrmément à
l'Article X I. de ce qui fut arrêté ôc
V. lit pour obvier à tous differens qui
pourroient furvenir entre les Cours de
Parlemens , & les Chambres d'icelles
Cours ordonnées par iceluy Edit,le Roy
fera au plutôt un bon & ample règle-
ment, entre lefdtes Cours de Parlement
& lefdites Chambres : & tel que ceux
figné à Bergerac le 1 6. Septembre aud. de ladite Religion prétendue Reformée
an 1577. qui par inadvertenceauroit été jouiront entièrement dudit Edit : fera
Gbmis en l'Edit dernier de Pacification : proratement paflé outre à l'établiflè-
eft permis à ceux de ladite Religion ment de la Chambre de Languedoc, fui-
prctenduë Reformée pouvoir acheter ,
faire édifier & conftruire des lieux pour
faire ledit exercice de Religion aux faux-
bourgs des villes , ou des bourgs & vil-
lages qui leur font ou feront ordonnez
en chacun Bailliage , SenechnulTée ou
Gouvernement, ex ^ux lieux ou réser-
vant iceluy Edit. Mais s'il fe voit cy-
après que le nombre des Juges n'y foit
fuffifanc pour l'affluence des caufes , pre-
fentans kfdits de la Religion requête à
fa Majeflé > leur fera pourvu fuffifani-
ment. Pour le regard des Gens du Roy ,
feront fuivis les Articles fccrets de l'an
cice de ladite Religion leur eft permis 1577. tant pour le regard delà Chambre
par l'Edit. Et ceux qui fetrouveiont de Languedoc, que de celle de Guyen-
aufdits lieux avoir été par eux édi-
fiez, leur feront rendus en tel état qu'ils
III, Eft permis à ceux de ladite
Religion prétendue Reformée eux af-
fembler par devant le Juge Royal, 6c par
fan autorité égaler , ik lever fur eux
telle fomme de deniers qu'il fera arbitré
être neceflaire, pour être employée pour
l'entretenemeiiî de ceux qui ont charges
pour l'exercice de leurdite Religion ,
dont on baillera l'état audit Juge Royal ,
pour iceluy gnrder,
1 V. Que fuivant le X X. Article du^
dit Edit de Pacification , il fera prora-
tement par les Juges & Migiftrats dts
villes pourvu de lieu comm.ode, pour
enterrer les corps des morts de ceux de
ladite Religion prétendue Reformée.
Etdo'.ïL lont faites defenfes autant aufdits
©fiicièrs q^u'autces ,. -de rien exiger pour
ne. Néanmoins lefdits Gens du Roy en
cette charge feront continuez , fans pou-
voir être révoquez , finon es cas de l'Or-
donnance , combien qu'ils portent titre
de Subftituts d'Avocats & Procureurs
généraux efdites Cours de Parlement.
Les Commis des Greffiers Civile Cri-
minel eiti. Chambres , exerceront leurs
charges par commifîîon du Roy : & fe-
ront appeliez Commis aux Greffes Civil
& Criminel. Et partant ne pourront être
deftituez , ni révoquez par lefdits Gref-
fiers des Parlemens , toutefois feront
tenus rendre l'émolument defdits Greffes
aufdits Greffiers , lefc^uels Commis fe-
ront fahriez par lefdits Greffiers , félon,
qu'il fera avifé & arbitré par lefdites
Chambres. Et quant aux Huilfiers,
'outré ceux qui /èrbnt pris cfdits Parle-
mens , lefqutls feront Catholiques , en
fera érigé de nouveau deux en chacune
Cham-
Chambre , qai feront de ladite Reli-
gion. Et feront tous lefdits Huiflîers
réglez par iefdites Chambres , tant en
l'exercice (5c département de leurs char-
ges , qu'c's émolumens qu'ils devront
prendre. Seront aufîî es villes y où Ief-
dites Chambres feront érigées > deux
offices de Sergens , pour être tenus par
perfonnes de ladite Religion. Et quant
aux Procureurs , eft permis aux Procu-
reurs defdits Parlements d'aller poJftulcr
efdites Chambres. Et en cas que le
nombre ne fût fuffifant , en fera érigé
par le Roy , 6c^ pourvu gratuitement à
la nomination defdites Channbres, tel
nombre qu'elles aviferont, pourveu qu'il
n'excède dix : & dont elles envoyeront
le rôlle , fur lequel feront faites & feel-
lées les provifions. Les expéditions de
Chancellerie defdites Chambres fe fe-
ront en prefence de deux Confeillers
d'icelles Chambres , dont l'un fera Ca-
tholique , & l'autre de ladite Religion
prétendue Reformée : en l'abfence d'un
dtis Maîtres dçs Requêtes de l'Hôtel du
Roy > l'un, des Notaires & Secrétaires
defdites Cours de Parlement , fera reft-
dence es lieux defdites Chambres , on
bien un des Secrétaires ordinaires de la
Chancellerie , pour figner les expédi-
tions de ladite Chancellerie. Et a été
arrêté , que la Chambre de Lang^ucdoc
fera établie en la ville de l'Jfle en Al-
bigeois.
V I. Quant aux ArrêtS' donnez es
Cours de Parlement , depuis ledit Edit ,
efquels les parties n'ont procédé volon-
tairement, c'eft-à-dire, ont allégué &
propofé fins declinatoires y ou qui ont
été donnez par défaut , tant en matière
civile que oimineile , nonobftant Icf-
quellcs ont été contraints de paflèr ou-
tre , ils feront cenfez & reputez comme
(45)
ceux qui ont été donnez auparavant VE-
dit , ik révoquez par iceluy. Le fem-
blable eft ordonné pour les jugemens
Prefidiaux donnez depuis l'Edit, v^,- pour
ks cas abolis par iceluy Edit , & par la
prefenre Conférence. Et pour le regard
des Arrêts donnez contre ceux de ladite
Religion prétendue Reformée, qui ont
procédé volontairement, &: fans avoir
propofé fins declinatoires , iccux Arrêts
demeureront: âd néanmoins fans pre-
judxe de l'exécution d'iccux fc pourront,
il bon leur femble, pourvoir par Re-
quête Civile devant Iefdites Chambres.
Etjufques à ce que Iefdites Chambres &
Chancelleries d'icclles foient établies,
ks Appellations verbales , ou par écrit,
interjcttées par ceux de ladite Religion
devant les Juges, Greffiers , ou Commis
exécuteurs des Arrêts & Jugemens,
auront pareil efl-et que fi elles étoient
relevées par Lettres Royaux. Et pour les
procès non encorcs jugez, pendans efdi-
tes Cours de Parlement , de la qualité
fufdite , feront renvoyez , en quelque
état qu'ils foient , efdites Chambres du
reflbrt , fi l'une des parties le requiert ,
fuivant l'Editjdedans quatre mois es Pro-
vinces où les Chambres font établies ,-
après l'enregrtrement de ces prefens Ar-
ticles : & pour ks autres Provinces oh"
elles ne font encores établies, quatre
mois après rétablilfement d'icelles , de-
vers les Greffiers deftiites Cours de Par-
lement , ^x ce pour le regard des procès
qui font inftruits & prêts à juger. Er
quant à ceux qui font difcontinucz , &
ne font en état de juger, lefdits de la
Religion feront tenus faire ladite décla-
ration à la première intimation & ûgni-
fication qui leur fera faire de la pour-
fuite , & ledit tems paflc ne feront plus
reçus à requérir lefdits renvois. Et quaat
(
4tNc procès évoquez tant çs Cours de
Paiement , Grand Confeii, qu'ailleurs,
«n cottant particulièrement par lefdits de
la Religion lefdits procès , leur fera
pourvu.
VII. Eft inhibe , attendant l'in-
^allation defdites Chambres , & défendu
•a toutes Cours Souveraines, & autres
de ce Royaume , de connoitre & juger
les procès civils <Sc criminels defdits de
la Religion , &: autres q^ii ont fuivi leur
party , donc par ledit dernier Edit de
faix eft attribué laconnoiihnce aufdices
Chambres. Seront aufîi réitérées les
defenfes contenues en l'Article XXVI.
dudit Edit de Pacification , pour le re-
gard delaconnoiflance du fait des trou-
bles jufques à huy : & généralement
tous Jugemens ôc Arrêts donnez contre
& au préjudice dudit Edit , feront caflez
& révoquez , enfemble tout ce qui s'en
e(i enfui vi.
VIII. Qje dorénavant en toutes
infiruâions , autres qu'informations de
proce's criminels, es Scnechiullc'es de
Thouloufe, Carcaflonne , Roversue,
Lauragais , Beziers , Montpellier &
Nimes , le Magiftrat ou Commilfaire
députe' pour ladite infirudion , s'iieft
Catholique » fera tenu prendre un Ajoint
qui foitde Ud'tte Religion prétendue Re-
formée, dont les panics conviendront :
^ où ils n'en pourront convenir , en
fera pris d'office un de la fufdite Reli-
gion par ledit Magilhat ou Commiffai-
re : comme en fcmblable fi ledit Ma-
gif^rat ou Commillàire d\ de ladite Re-
Ègion , il fera tenu , en la même forme
<Jefltrfdite , prendre un Ajoint Catholi-
flue. Et «juand il fera queftion de faire
procès crîmiiid par les Prévôts des Ma-
réchaux , ou leuis Lieutcnans , à quel-
Jiou'un de ladite ReHgion domicilié , qui
45)
foit chargé & accufé d'un crime Prevô*
tal , leidits Prevoîs ou leurs Lieutc-
nans, s'ûs font Catholiques, feront tenus
appciler à l'indruction defdits procès
un Ajoint de ladite Religion. Lequel
Ajoint afîîftera auilî au jugement de U
compétence -^ & au jugement dcffinitif
dudit procès. Laquelle compétence ne
pourra être j-gée qu'au plus prochain
Siège Prefid:al , en alTemblèe, avec les
principaux Officiers dudit Siège, qui fe-
ront trouvez fur les lieux à peine de nul-
lité.
I X. En exécutant ledit Edit de Pa-
cification , feront rétablies les Jujiicei
k Montduban-, Montpellier ^ Nîmes, &
par tout ailleurs , où elles fouloient être
avant les troubles. Le tout fuivant ice-
luy Edit.
X. La fabrication de la momtjfe fera
remife en la ville de Montpellier , ainfi
qu elle y ètoit auparavant lefdits trou-
bles.
X I. Le Roy pour ne laifler aucune
occahon de diflenfions qui puiflent alté-
rer le repos entre fes fujets , ordonne que
tout ce qui eft avenu depuis la publica-
tion dud.t dernier Edit jufques à huy ,
contre 6c au préjudice d'iccluy Edit ,
d'une part & d'autre, fera de demeurera
éteint cb* ajfoupi comme non avenu. Et
ne fera aucun recherche pour raifon des
aflemblées de gens de guerre , fzltcs dans
les villes ou aux champs , érabliflèment
& entrctcnement des garnifons , entre-
prifes & faifies des villes , places , Châ-
teaux & maifons , meurtres, emprifon-
nemens, rançons, n'autres excès en ce
furvenus, ne pareillement dçs raines
des temples , maifons & édifices des Ec-
xlefiâftiques & autres , dont lefdits fu-
jets d'uue paît & d'autre (êront& de-
meureront <]uittcs & déchargez : & ne
fera
fera permis aux Procureurs généraux de
fa Majefté « n'autres peifonnes quelcon-
ques , publiques ni privées , en quelque
tems ) ni pour quelque occallou que ce
foit , d en faire pourfuite «n quelque
Cour ou Jurirdi(ftion,n'en aucune manie-
le que ce puifle être. Le tout en la mê-
me forme & manière qu'il eil porté par
l'article L V. dudit dernier Edit de Pa-
cification : excepte les ravifl'emens des
femmes (k filles , brûlemens , voleries ,
meurtres faits par prodition , Ôc de guet
à pens , hors les voyes d'hoftilité , ou
pour exercer vengeance particulière > 6c
autres crimes & délits refervez par le-
dit dernier Edit de Pacification , lefqueis
pourront être pourfuivis par les voyes
de Juftice : & diceux être fait la puni-
tion telle que les cas le requerront. Et
pour le regard des deniers pris y tant des
Finances du Roy > que des villes , com-
munautez , & autres particuliers : Se
ceux auflî qui ont été impofez 6c cueil-
lis de quelque forte 6c nature de deniers
que ce foit > & en quelque manière
qu'ils ayant été levez par Icfdits de la
Religion > & autres qui ont tenu leur
party depuis ledit Edit de Pacification ,
en font & demeurent entièrement de-
.chargcz, fans qu'ils en puifîènt, ne ceux
qui l'auront commandé , Corps de villes
& commuttuitez , ni aulïï leurs Com-
mis j être aucu.iement recherchez» Se-
ront néanmoins lefdirs de .la Religion
tenus s'aflèmbler avec les communautcz
des villes r & fiire un état au vrayen
en commun dedans le dern'er jour d'A-
vril prochain pour tous délais > tant en
recepte que depenfe , jufques à huy : le-
quel étvit ils feront terius de figner &
affermer tous conjointement , Se iceluy
mettre es mains, dedans ledit tems de
deux mois , d^ ceux qui font ordonnez
(47)
pour exécuter ledit Edit de Pacificanoa
en Languedoc , afin que fur ledit état
les Chambres des Comptes pallènten
recepte , 6c allouent en dcpenfe ce qui
fera contenu audit état , 6c non davan-
tage. Et afin de reprimer rinfolence de
plufieurs, 6c empêcher ces maux à l'a-
venir , le Roy déclare que ey-après it
ne donnera aucune abolition ni grâce
des fufdites 6c (embbblcs contraven-
tions à l'Edit. Et f^it defcnfes à fon-
Chanccllier a.i Garde des Seaux de le»
feeller , 6c à tous Juges d'y avoir égard»
en quelque bçon que ce foit. Et fi au-
cuns de ceux à qui la prefente grâce tïk
faite retomboient en même faute, feront
non feulement punis pour ladite nouvel-
le faute: mais aufli feront privez &: dé*
chus du fruit & bénéfice qui leur eft ac-
cordé par cet Article.
X IL Qiie tous les procès 6c inftan-
Cis concernans le fait des troubles , qui
ont été renvoyez par les Commifiàires
exécuteurs des precedens Edits de Paci-
fication par devant les Juges Prefidiau»
ou autres Juges , feront renvoyez ea
récat qu'ils font aufdites Clumbres de
l'Edit. N'entendant le Roy quefcsfu-
jets foient recherchez de ce qui eft ave-
nu depuis les premiers troubles , fuivanc
l'Article LV. dudit dernier Edit : 6c s'il
y avoit des procès jugez, fera loifible
aux parties fe pourvoir par les voyes de
droit aufdites Chambres de l'Edit.
X 1 1 L Pour ce qu'au commence-
ment de l'Article X L 1 1. dudit dernier
Edit de Pacification>en plufieurs impref-
fions communes qui ont été faites j fe
trouvent ces mots : & qui auront eîe
prii par voye à hoWû'né , par affirmation :
combien qu'il doit être conçu négative-
ment , 6c en cette forte : & (\m n>iU-^
ront éu pris far voje d'beplité : ainlî
qu'il
qu'il s'eft trouvé -être écrit en lorîginal ,
qui fut convenu (îk figné à Bergerac le
17. Septén:brc 1577. Eft ordon-
né , que la correction en fera faite fui-
vanticeluy original: Cx, enjoint à tous
Juges de juger conformément à la pre-
fente corredion.
XIV. Qac tomes cvttifaùons ■, im-
pofitions , cneillettes , levées de deniers
& nouveaux fubfides , par qui ik pour
quelque occaficn que ce foit , faits au-
trement que pir commi(Iion exprefle
du Roy , cclTeront , & ne s'en pourra
cy-apres autrement faire aucuns , fur les
peines portées es Ordonnances.
XV. Les AJfemblées générales des
villes & communautez fe feront félon
les anciennes coucujries , 6c y feront ap-
peliez les habitans d'icelles qui ont ac-
coutumé de s'y trouver , fans diftinction
de Religion , fuivant ledit dernier Edit
de Pacificn.tion , Article dix-neuviéme.
XVI. Que TEdit de Pacification ,
& ce qui a été refolu en cette Conféren-
ce, ferafx^r^ré en tous fes Articles, &
félon fa forme (Se teneur, & que ladite
exécution fe commencera au premier
jour de Mars prochain , pour le plus
tard , di feracontinu-ée en la Guyenne ,
fans interruption d'une part & d'autre.
Et pour le regard de Languedoc , ladite
exécution fe commencera le premier
jour du mois d'Avril prochain , pour le
plus tard: mais que cependant tous pri-
-fonniers de guerre feront mis en liberté ,
fans payer aucune rançon : & tous afles
d'holtilité , & autres contraventions à
l'Edit généralement quelconques ced'e-
ront , fuivant les commifîions qui ont
été pour ce expédiées , & feront en-
voyées par tout es gouvernemens de
GuvCTine , Languedoc , & autres Pro-
vinces où befoin fera.
(48)
XVII. A été auffi accordé par la,
dite Dame Reine mère du Roy , ledit
Sieur Roy de Navarre , & rous les def-
fîifdits , que toutes les villes & places
gardeei par lefdits de la Religion feront
remifes aux Gouvernemens de Guyenne
& de Languedoc , au teras déclaré pkr
le précèdent Article : & y fera l'Edit de
Pacification entièrement exécuté , com-
me auffi, & par même moyen , es au-
tres villes ou les Catholiques font en
plus grand nombre , fans qu'il (bit per-
mis d'y mettre aucune garnifon de part
ne d'autre : ains demeureront les habi-
tans d'icelles , de l'une &: de l'autre Re-
ligion , en la fpeciale fauvegarde du Roy
nôtre fouverain Seigneur, de fans qu'il
foit loifible, fur peine de mort , de leur
méfaire, ni entreprendre aucune chofe
contre la liberté & fureté defdites villes.
Néanmoins pour fureté de ce quedef-
fus , & afliirancc de l'exécution dudit
Edit , l'on laiiTe & baille en fiarde audit
Sieur Roy de Navarre les villes qui s'en-
fuivent : à favoir au Gouvernement de
Guyenne , Bazas , Puymerol 6c Fiçeac,
jufques au dernier jour d'Août prochain
venant , non plus long - tems : tk au
Gouvernement de Languedoc , Ravel ,
Briatefte, Aleth, iàinte Agréve, Baiz
fur Baiz , Bnignols , Alletz , Lunel ,
Sommieres , Aymargues 6c Gignac ,
jufques au premier jour d'Octobre auflî
prochain venant , 6c non plus long-
tems : à la charge , 6c non autrement ,
qu'ils ne pourront en icelles faire aucune
fortification , démolition des Eglifes &
autres lieux, ni autre chofe quelconque
contre l'Edit.
XVIII. Qu'efdites vilUt tous les
Ecclefijfiiques, 6c autres habitans Catho-
liques y rentreront fans aucune difficulté ,
& jouiront entièrement de tous leurs
biens
biens 5c fruits tficeux : feront en icelles
le Service divin félon l'Eglife Catholi-
que : la Juftice y fera aulîî librement
adminiftrée : les deniers du Roy , tant
ordinaires qu'extraordinaires ^ feront le-
vez Se cueillis : & y fera au demeurant
r£dit entièrement gardé & obfervé.
Comme en femblable , fuivant ledit
Edit ) fera fait pour le reqard de ceux
de ladite Religion prétendue Reformée>
es autres villes où les Catholiques font
en plus grand nombre. Et eft aufÏÏ re-
folu } que les Magiftrats & Officiers des
villes tiendront la main , f-jr peine de
fufpenlîon de leurs Offices pour la pre-
mière lois ) (Se de privation pour la fé-
conde à ce que deflus.
XIX. Qi-ie lefdites villes j durant le
tems cy-devant déclare , feront com-
mandées par gens de bien , amateurs de
la paix 5c du repos public : lefquels fe-
ront nommez par le Roy de Navarre,
& agréez par ladite Dame Reine raere
du Roy : lefquels s'obligeront avec fix
aux principales , & quatre aux moindres
d'icelles , de les bien conferver fous l'o-
beïflânce du Roy,& faire bien entretenir
l'Edit, & ce qui a été prefentement
refolu entre icelle Dame Reine mère du
Roy , & ledit Sieur Roy de Navarre ,
maintenir tous les habitans d'icelles en
fiireté, fuivant ledit Edit)(Sc nommément
de remettre lefdites villes , à favoir celles
du gouvernement de Guyenne , le pre-
mier jour de Septembre prochain ve-
nant: & celles du gouvernement de
Languedoc , le premier jour d'Oiflobre
aulîi prochain venant > entre les mains
deceluy qu'il plaira au Roy commettre
pour fe tranfporter efdites villes , afin de
les voir remettre incontinent en l'état
qu'il eft porté par iceluy Edit de Paci-
iScation , fans y mettre aucun Gouver-
(49)
neur ou Garnifon , & fans rien depli-
cer d'icelles villes de ce qui y é\ de mu-
nition d'artillerie , & autres chofes fer-
vant à la defcnfe defJircs villes , appar-
tenant au Roy ou aux Communautés
defdites villes.
X X. A été aufll remis par ledit
Sieur Roy de Navarre le Mur de Baruis
à icelle Dame Reine , laquelle à fa no-
mination a trouvé bon que la garde e«
foit commife au Sieur d'Arpajon , pour
en avoir la charge jufqucs audit dernier
jour d'Août prochain. Auquel tems le-
dit Sieur d'Arpajon fera tenu le remet-
tre es mains du CommilTaire, qui ira
aux autres villes , pour les lai (fer en
l'état qui eft porté par l'Edit, comme
\qs autres quatorze villes cy - devant
nommées.
XXI. Et pour éviter à toutes foules
de opprefîîons des habitans deffites vil-
les , & lieux circonvoilins d'icelles , la-
dite Dame a promis & promet audit
Seigneur Roy de Navarre , ôc aufdits de
la Religion prétendue Reformée , de
faire fournir trente- lîx mil livres tour-
nois , lefquels feront délivrez es mains
de ceux que ledit Sieur Roy de Navarre
nommera au commencement de chacun
defdits mois , au prorata & par égale
portion , Idon le département qu'il en
fl'ra,
XXII. Et par ce moyen a été ex-
preflément refolu, que Icfdits de la Re-
ligion prétendue Reformée, ceux qui
commanderont en icclles yiiles, ni pareille-
ment ceux qui feront commis a It garde
âefd. villes , ne pourront loger es mai-
fbns i\Qs Catholiques , que le moins que
faire fe pourra , lever ne exiger des ha-
bitans d'icelles ne autres, ni auflî des
lieux circonvoilins aucune chofe, fous
quelque couleur & prétexte que ce foit ,
G fans
fans permidîon du Roy. Mais les Con-
fuis deidites villes feront tenus durant
ledit tems de fix mois fournir les chan-
delles des Garde$,& le bois des Corps de
gardes ; ce qui ne fe pourra gueres mon-
ter, attendu h faifon de l'çtç : f^uf tou-
tefois à h première A lUttte d'impofer
6c lever fur les Diocefcs ë<. Sencchauf-
fces , la femme à laquelle fe trouveront
monter lefdites chandelles & bois : ce
qu'il leur eft permis de faire , fans tirer
à confequence. Et pour le regard des
garnifons ctans à prefent es villes dudit
pais de Languedoc tenues par lefdits de
la Religion » leur eft permis de lever ,
fi jà il n'a c'té levé' , ce qu'il faut feu-
lement pour leur entretenement jufques
au dernier jour du mois de Mars pro-
chain , & non plus. Et bailleront , fui-
vant cela, aux Commiflàiics qui vont
prefentement faire ceflir tous a^tes d'ho-
fiilitc', l'Etat auvray à quoyfe monte
le payement defditcs garnifons. Et fera
ledit Etat drefie fans fiaude, fur ks vieux
relies. En ce non compris, pour le
Fceard du haut païs de Languedoc , les
iieux de Dornh-e , S. Germa-, Pechau-
die, Pierrenifle, Carlus , Frigerolles ,
Myeules Se Poftrims , qui feront prom-
tement démantelez, & delaiflez. Et pour
cet eflet ceux qui ks détiennent en fe-
ront incontinent ledit debiû^ement c's
mains de ceux qui font envoyez pour
foire celTer les auèes dlioftilité , fur tant
^'ils défirent jouir de l'abolition géné-
rale , accordée à. ceux qui ont contre-
venu à l'Edit de Pacification depuis la
publication d'iceluy. Et à faute d'obeïr
à ce que dellus , feront privez du béné-
fice de ladite abolition , <Sc punis comme
perturbateurs du repos public , & fans
efpoir d'aucune grâce. Et feront aufS
sommées aux exécuteurs de l'Edit,
(50)
t^nt en Guyenne que bas Languedoc,
le^ villes , bourgs & châteaux qu'il fau-
dra démanteler , félon l'avis de ceux dv
païs, de l'une &. de l'autre Religion ;
& c€ qu'il plaira après au Roy en ordon"
fier fur ledit zv'is , fans y comprendre
les places des Seigneurs particuliers. Et
pour le regard du haut Languedoc , fera
comme dit eft , avifé par lefdits exécu-
teurs , s'il y a aucuns lieux de la part des
Catholiques qu'il foit requis & a propo«
démanteler, fuivant , comme dit eft,
l'avis de ceux dudit païs de l'une & dç
l'autre Religion , & aufîî félon ce qu'il
plaira après au Roy en ordonner.
X X 1 1 1. Et pour bonne , ferme »
droite & fincere afliârance de tout ce quç
dcflus , ledit Seigneur Roy de Navar-
re , enfemble mondit Seigneur le Prin-
ce de Condé , & vingt des principaux
Seigneurs & Gentilshommes de ladite
Religion prétendue Retormc'e, tels qu'il
plaira à la Reine fa mère nomnaer, en-»
femble les députez qui font icy » au nom
d^s Provinces qui les ont envoyez : ou-
tre ceux qui commanderont lefdites vil-
les qui leur font delaiflées pour lefdits
fix mois, promettront & jureront fur
leur foy & honneur , & obligation de
tous leurs biens > de faire vuider toutes
garmfons , tant defdites quatorz^e villts ,
que citadelles d icelles , enfemble d'icel-
les villes &' citadelles remçttre,fans aucun
dtlay , excufe , tergiverfation , ni autre
prétexte quelconque , dedaas les fufdi»
premiers jours de Septembre 5c 0(^q-
bre prochains , entre les mains du Com-
miffaire fufdit , pour les laiflèr en Tctat
qu'il eft porté par ledit Edit de Pacifka*
tion , ainfi qu'il ef^ dit cy-devant,
XXIV, A été auÔî refolu, que s'il
avenoit qu'il fe fît de part ou d'autre
quelque mcntAt au préjudice dudit Edic
dernier
dernier de Pacification , & de tout ce
^ue delliis , la plainte & pourfuitte s'en
fera aux Gouverneurs & Lieutenans gé-
néraux du Roy ) & par voye de Juftice
aux Cours de Parleraens ou Chambres
établies , chacun pour fon regard > fui-
vant l'Edit. Et ce qui fera ordounc par
eux fera exécuté promteinent , & pour
ie pius tard dedans un mois après > à la
diligence à&s Gens du Roy , pour le re-
gard ^Qs jugemens qui interviendront ,
lans ufer d'aucune connivence ou diffi-
mulation. Et eft exprefle ment ordon-
ne aufdits Gouverneurs & Lieutenans
généraux àcs Provinces , enfemble aux
Baillifs & Sénéchaux , de tenir la main >
donner tout aide & confort, & em-
ployer Us forces du Roy à l'exécution
de ce qui aura été avifé & ordonne
pour la réparation dudit attentat. Par
ainfi les attentats de part ni d'autre ne
feront pris ni reputez pour infraftion de
l'Edit ; pour le regard du Roy , & du
Roy de Navarre , du gênerai dès Catho-
liques , & defdits de la Religion. Etant
la droite & ferme intention de fa iMa-
jeflé, & fuivant la fupplication dudit
Sieur Roy de Navarre , qu'ils foient in-
continent reparez , & la corre<flion des
coupables feverement & exemplaire-
ment faite.
X X V. Et pour ce faire feront tenus
les Gentilshommes & les habitatîs -des
villes , tant d'une Religion que d'autre ,
d'accompagner les Gouverneurs & Lieu-
ten4nfgejjeran»duRo/i & les aider de
leurs perfonnes ^ moyens f C\ befoin eft,
& en font requis pour faire reparer in-
continent Icfdits attentats. Seront tenus
lefdits Gouverneurs & Lieutenans gé-
néraux, enfemble lesBailiifs & Séné-
chaux, s^y employer vivement fans aucu-
ne remife> delay ni f xcufe, & y appor-
C5O
ter toute diligence ic nîoyefts à eux ^of-
fibles , pour la réparation defdits atten-»
tats , & punition des coupables par les
peines portées en l'Edit, Et outre a ctc
auffi refolu , que ceux qui feront cntrc-
prifes fur villes , places & châteaux , ou
qui leur donneront aide, afliftance, faveur
ouconfeil , ou qui commctront aucun
attentat contre & au préjudice de l'Edit ,
& de tout ce que deflus : pareillement
ceux qui n'obeïront & re/iltcront par
eux, ou par autrui, directement ou indirec-
tement, à l'effet & exécution dudit Edit
de Pacification, & de tout ce que dcl7us ,
font àés à prefent déclarez crmiincls de
Lcze Majeftc, eux & leur pofterité , in*
famés & inhabiles à jamais de tous hon-
neurs , charges , dignitez 3c fucceffions r
& encourus en toutes les peines portées
par les loix, contre les criminels de Leze
Majefté au premier chef : declarnnt en
outre fa Majeftc, qu'elle n'en donnera
aucune grâce : défendant à fes Secrétai-
res de les figner , à fon Chancelier ou
Garde àts féaux d'en fecller , aux Cours
de Parlemens d'y avoir égard à l'avenir,
quelques exprés &: reïteiez mandemens
qui leur en puiffent être faits.
XXVI. A pareillement été refolu^
que les Seigneurs députez pour l'éxecu-
tion dudit Edit de Pacification , enfem-
ble à^s Articles fecrets faits lors duJit
Edit dernier de Pacification , & de tout
ce que dcffus , procedans à ladite exé-
cution , remettront les maifons & chà'
te AUX dudit Sieur T<oy de Navarre-, à me-
fuie qu'ils paflèront par les Scnechauf--
{ces , ou lefdits châteaux & maifbns
dudit Seigneur Roy de Navarre font fi-
tuez : & feront delaiffez fans garnifon
de part «5c d'autre, & remis en tel état
qu'il eft porté par l'Edit de Pacification ,
& fuivant les anciens privilèges.
G 2 XXVIL
(5^
X X V 1 1. Que tout ce que deffus ,
ôc ce qui eft porte par l'Edit dernier de
Pacification , fera invioUblemenî gardé
& obfervé de part & d'autre , fur les pei-
nes portées par ledit Edit : qu'il fera
mandé aux Cours de Parlemens <k
Chambres ordonnées pour la juftice,
fuivant iceliiy Edit , Chambres àes
Comptes j Cours des Aides , Bailiifs >
Sénéchaux, Prévôts, & tous autres Of-
ficiers qu'il appartiendra , ou leurs Lieu-
tenans, faire enregîtrer les Lettres pa-
tentes qui feront dreflces de tout ce que
dedus , êc le contenu d'icelles fuivre ,
garder & obferver de point en point )
félon leur forme &: teneur. Et fera en-
joint aux Gouverneurs & Lieutenans
généraux de toutes les Provinces de ce
Royaume , faire incontinent cependant
publier » chacun en l'érenduë de fa char-
ge , lefditcs Lettres patentes , afin que
perfonne n'en puiffe prétendre caufe d'r-
î^norance , & le contenu d'icelles aufîî
inviolablcment garder & obferver, fur
les peines portées par ledit dernier Edit
de Pacification , & autres cy-defïïis dé-
clarées.
Fait à Nerac le dernier jour de Fé-
vrier , l'an mil ctnci censfoixante & dix-
mnf.
Ainfi figné »
Caterine, Henri.
ISouchart , Député de Uonfeigneur le
Trince de Coudé , Biron , Jojeufe , Janf-
fac , Fjbrac , de la Mothe Fenelorh Clair-
mont , Duranti , Furenne , Guitry , D«-
Faur Chancellier du Roy de Navarre y
Scorbiac , Député de la généralité de Bour-
deauxy Xolet & de Vaux Députez, pour
M^ouergue.
Après que le Hoj a vu. , & mûrement
confideréde mot à autre tout le contenu en
ces pre[ens Articles , accerde:^en la Con-
férence que la Reine [a mère a faite à Ne-
rac , avec le Roy de Navarre^ & les Dé-
putez, de la Religion prétendue Reformée,
qui y étaient affemble'^ , pour faciliter
l'exécution du dernier Edit de Pacifica-
tion : lefdits Articles arrêtez. , & f\gne7
départ & d'autre audit lieu deNerac, le
dernier jour du mois de Février dernier
paffé : Sa Majeflé les a approuveT, con-
firmez, & ratifiez. , veut & entend qu'ils
foient obfervez. & exécute? félon leur
forme & teneur , a ces fns que les provi-
fions & dépêches requife.s en foient ati
plutôt faites à" envoyées.
Fait à Paris le 1 4. jour de Mars , mil
cinq cens foixante & dix-neuf.
Signé ,
Et plus bas
HENRI.
DE NeuFVILLE.
Fdiit du Roy fur la Vacification des trou-
bles , contenant confirmation , amplta-
tion , & déclaration tant des prece-
dens Èdits fur ledit fait , même en
l'an 1577. que des Articles arrêtez.^
la Conférence de Nerac. Publié a Paris
en Parlement, le 16, de Janvier,
1579-
HEnri par la grâce de Dieu Roy
de France & de Pologne , à tous
prefens & à venir , Salut.
Combien que depuis l'accord & pu-
blication de nôtre Edit de Pacification ,
fait l'an mil cinq cens foixante & dix.-
fept , nous ayïons fait tout ce qui nous a
été poflîble pour le faire exécuter , fui-
vre & obferver par tous nos fujets , ]uf-
ques
ques à donner la peine à la Reine nô-
tre très-honorce Dame & mcre, defe
tranfporter es principales Provinces de
nôtre Royaume , pour remédier Ôc
pourvoir , félon Ton accoutumée pru-
dence, aux d.fficultez & obftacles qui
privoient nofdits fujets du bénéfice de
nôtredit Edit , dont feroient enfuivis les
articles de la Conférence faite à Nerac ,
entre ladite Dame accompagnée d'au-
cuns des principaux Princes de nôtre
fang , ôi. Seigneurs de nôtre Confeii Pri-
ve : & nôtre très-cher (Se très-amé
frère le Roy de Navarre, afÏÏité des Dé-
putez de nos fujets , faifans profe/llon
de la Religion prétendue Reforme'e,
Néanmoins n'ayant pu , à nôtre plus
grand regret , éviter que les troubles
n'ayent été renouveliez en nôtre Royau-
me , Nous aurions recherché «Se ufé de
tous les moyens plus propres & conve-
nables que nous avons pu excoj^itcr
pour les amortir, & pour délivrer nofdits
(ùjets du mal de la guerre , ayans pour
cet efl'et décerné nos Lettres de pouvoir
à nôtre très- cher &c trcs-amé frerc uni-
que le Duc d'Anjou, de faire entière-
ment exécuter nofdits Edits de Pacifica-
tion , ôc Articles de ladite Conférence
de Nerac : lequel s'étant depuis, fuivant
nôtre^ intention , tranfporté en nôtre
pais & Duché de Cujenne , auroit fur ce
amplement confeic avec nôtredit frère
le Roy de Navarre , & les Députez de
nofdits fujets de ladite Religion préten-
due Reformée y convoquez & aflem-
blez. Où auroient été propofcz& Hiis
en avant les Articles attachez à ces pre-
fe.Jtes fous le contrefeel de nôtre Chaa-
cellerie. Lefquels nous ayans été en-
voyez par nôtredit frère , Nous après
avoir iccux vus & bien confiderez , pour.
le fingulier defir que nous avons de baiir.
(53)
nir de nôtre Royaume les impictcz , ex-
torfions, & autres accidcns que eau-
fentlefdits troubles, y réintégrer l'hon-
neur & fervice de Dieu, faire place i
la Juftice , <Sc foul.igcr nôtre pauvre
peuple ; avons de nôtre mouvement ,
pleine puifTance & autorité Royale
agréé , ratifiée 6z approuve Icfuits arti-
cles : iccux agréons, ratifions & approu-
vons par ces prefentes fîgnccs de nôtre
main : voulons , entendons «Se ordon-
nons qu'ils foient fuivis , gardez, exé-
cutez Ôc obfcrvcz inviolablcmcnt, fclon-.
leur forme & teneur , tout ainlî que nô-
tredit Edit de Pacification.
Si donnons en mandement à nos
<1mez & féaux les Gens tenans nos Cours
de Parlcmens , Chambres de nos Com-
ptes, Cours de nos Aides, Baillifs, Sene-
chauxjPrevôts & autres nos Jufliciers &
Officiers qu'il appartiendra, ou leurs
Lieutenans , que Icfdits Articles, cy
comme dit efl: attachez , ils facent lire ,
publier, cnregitrer , garder , exécuter de
obfervcr inviolablcmcnt , tout ainlî que
iceluy Edit de Pacification , & les Ar-
ticles accordez en ladite Conférence de
Nerac , 6c du contenu faire jouir 6c ufcr
pleinement & paifiblement tous ceux
qu'il appartiendra , ccfTans <Sc faifans
cefler tous troubles &: empcchemcns an
contraire. Car tel efl nôtre plaifir , &
afin que ce foit chofe ferme & fiable à
toujours , nous avons fait mettre nôtre
kQ\ à cefJites prefentes»
Donné k Blois , atd mois de Décembre »
Van de grâce mil cinq cens quatre-YingtS'
Et de nôtre Règne le feptiéme.
S '"né,
HENRI.
Et fur le rqli , Var le Roj.y
P I N A R T.
2*
EtfeelU en Ua deÇoyc rouge & verte t
du grand Se au de cire verte.
Et efi aaffi écrit far le re^li defdites
lettres ,
Visa.
ARticIes propofez 5c mis en avant
en i'Allèmblée & Conférence
taice au lieu de Flex , près la ville de
Sainte-Foy , entre Monfeigneur le Duc
d'Anjou frère unique du Roy > en vertu
du pouvoir que (a Majefte luy a donn(r,
Se le Roy de Navarre aiîifté des Dépu-
tez de la Religion prétendue Relormce,
fe faifant fort pour tous les fujets du Roy
fàifant profeffion de lad:te Religion ,
pour être prefcntez à fa Majefte , &
par elle > li tel eft fon plailir , accordez
& agréez. Et ce faifant mettre fin
aux troubles ôc defordres avenus en ce
Royaume depuis le dernier Edit de Pa-
cification , hit au mois de Septembre ,
mil cinq cens foixante & dix-fept : &
Conférence tenue à Nerac le dernier
jour de Février mil cinq cens foixante &
dix-neuf, remettre les fujets de fa Majef-
te en bonne union & concorde , & fous
fon obeïflance , & pourvoir par une
bonne & promte éxecution , que d o-
rénavant il ne puiffc avenir entr'eux,
chofe qui altère ladite Pacification.
Article I. Qlic ledit dernier Edit
de Pacification, & Articles [ecrets & par-
ticuliers accordez avec iceluy , enfembic
les Articles de la fufdite Conférence te-
nue à Nerac , feront réeljement <Sc par
cflêt obfervez > & exécutez en tous &
chacuns leurs points: qui tiendront &
auront lieu , non feulement pour les
chofes avenues durant les prccedens
troubles , mais auffî pour celles qui font
furvenuè's depuis ladite Conférence juf-
^ues à prefent , & que tous ks fujets du
(H)
Roy d'une & d'autre Religion jouiront
du bénéfice des déclarations , aveux,
décharges , & abolitions , contenues
aufdits Articles, Edit 8c Conférence,
pour ce qui a été fait & commis, pris &
levé de part & d'autre durant les prefen»
troubles , & à loccafion d'iceux, com-
me ils euflfent fait pour ce qui croit avenu
durant les precedens troubles , fauf ce
qui eft expreflément dérogé par les pre-
fens Articles.
I I. Les Articles dudit Edit , con-
cernans le retablijjement de U 'Religion
Catholique i Apoftolique & Romaine,
à la célébration du divin Service, es lieux
où il a été intermis , enfemble la jouïf-
fance & perception des dîmes , fruits &
revenus des Ecdcfiaftiques , feront en-
tièrement exécutez , fuivis , & obfervez,
6c ceux qui y contreviendront très-rigou-
reufement châtiez.
III. En exécutant le premier , fé-
cond & onzième Articles dudit Edit,
fera enjoint aux Procureurs généraux du
Roy , & leurs Subftituts aux Bailliages,
ScnechaufTées & autres Jurifditlîons
Royales , informer d'office, & faire
pourfuite au nom du Roy , contre toi»
ceux qui cmouvans [édition ou autre-
ment , ôc en public tiendront propos
fcandaleux , & en quelque façon que ce
Toit contreviendront aufdits Edits , Ar-
ticles 6c Conférence , pour les faire pu-
nir des peines portées pariceuxt & à
faute de ce faire feront lefdits Procureurs
& Subftituts rcfponfables defdites con-
traventions , en leurs propres & privez
noms , 6c privez de leurs états, fans ja-
mais y pouvoir être remis & rehabilitez.
Et feront les Evcqucs exhortez,& antres
pcrfonnes EcclefiaftiijUes , de garder &
faire garder aux Prcxheirrs qui feront par
etjx commis , le conterru aufdits Arti-
cles,
c\es , comme en femblable fa Majefté
l'ordonne très-expreflcment à tous au-
tres qui parlent en public > fur les peines
contenues en TEdit.
1 V. En confequence des IV. IX.
&; XI II. Articles dudic Edit, tous
ceux de ladite Religion > de quelque
qualité & condition qu'ils foient , pour-
ront être & demeurer [urement par tou-
tes les villes & lieux de ce Ro/aume , fans
pouvoir être recherchez ne inquiétez
pour le fait de ladite Religion , fous
quelque couleur que ce foit , en fe com-
portant au refte félon qu'il eft ordonné
par les Articles fufdits dudit Edit. Et ne
feront contraints tendre & parer le de-
vant de leurs maifons aux jours & Fêtes
ordonnez pour ce faire : mais feulement
fbuffrir qu'ils foient tendus & parez par
l'autorité des OHîciers des lieux. Ne fe-
ront tenus auJii contribuer aux frais des
réparations des Eglifes » ni recevoir ex-
hortation lors qu'ils feront malades ou
prochains de la nwrt , foit par condam-
nation de juftice ou autrement , d'autres
que de ceux de ladite Religion,
V. Le premier Article de la Confé-
rence tiendra Se aura lieu , cncores que
le Procureur General du Roy foit partie
contre les H^u^ts Jujïïc'ters-, qui étoient en
poflefGon adiîelle de ladite Juftice , lors
de la publication dudit Edit.
V I. En exécutant le VIII. Article
éudit Edit 5 ceux de ladite Religion
nommeront au Ro-y quatre ou cinq Iknx
en chacun Bailliage ou SencchauOée de
la qualité portée par TEdit , afin q^i'a-
prcsêtie informé de la commodité ou
incommodité , fa Majcfté en puiflè
choiijr l'un d'iceux pour y établir i exer-
cice de lemdite Religion y ou bien s'ils ne
fe trouvent cottimodes , leur ctre par
elle poucvu. d'un autie dan«. uq mois
^55)
après ladite nomination , le plus à leur
commodité que faire fe pourra, 6c feloft
la teneur dudit Edit.
Vil. Et pour le regard des fepulttu-
tes de ceux de ladite Religion , les Odfv-
ciers des lieux feront tenus dedans quin-
zaine, après la rcquilirion qui en fera fai-
te , leur pourvoir de lieu commode pour
lefdites fepultures , fans ufer de longueur
& remife , à peine de cinq cens ccus en
leurs propres & privez noms.
VIII. Lettres patentes feront ex-
pédiées adreflàntcs aux Cours de Parle-
ment, pour enregiîrer &i faire obferver les
Articles particuliers 6c fecrets , faits avec
ledit Edit. Et pour le regard des maria-
ges & differens qui furviendront pour
iceux , les Juges Ecclefiafliques , ÔC
Royaux , cnfemble lefdites Chambres ,
ew connoîtront refpeciivemcnt , fuivant
kfdits Articles,
I X. Les tjixes à" impoftions de de-
niers qui feront faites lur ceux de ladite
Religion, fuivant le contenu en l'Ar-
ticle troifiéme de ladite Conférence , fe-
ront exécutoires , nonobftant oppoii-
tions ou appellations quelconques.
X. Sera permis à ceux de ladite Re-
ligion avoir l exercice d'icelle es villes $c
lieux où il étoit le dix-feptiéme du mois
de Septembre mil cinq cens foixante &
dix-ièpt, fuivant 1 '.Article feptiéme du-
dit Edit.
X I. Le Roy cnvoyera au pa'i's &
Duché de Guyenne une Chambre de
yuifice , compofée de deux Prefidens >
quatorze Conf illers , un Procuieur ÔC
Avocat du Roy, gens de bien, ama-
teurs de paix , d'integrifé & fijflîfance
rcquife , lefqueis feront par fa Majcf^
té choifis & tirez des Pnriemens de ce
Royaume , & du Grand Confeil , & en
fera la litte communiquée ati Roy de
Navarre , afin que fi aucuns d'iceux
croient rufpecls , :1 Toit loifible le faire
entendre à ladite Majefté , laquelle en
cJira d'autres en leurs places. Lefquels
-Prefidens 6c Conieillers ainfi ordonnez
<:pnnoitront & jugeront toutes caufes ,
procès , diftcrens & contraventions à
i'Edit de Pacification , dont la connoif-
fance & jurifdidion a c'té par ledit Edit
attribuée à la Chambre compofée par
iceluy : ferviront deux ans entiers audit
païs , & changeront de lieu & feance
par les Sencchaulfces d'ictiuy de fix
mois en fix mois, afin de purger ks Pro-
vinces , & rendre juftice à un chacun
fur les lieux. Et néanmoins a crc' ac-
corde' , cjue par rétablifiemcnt de ladite
Chambre , ceux de ladite Religion pré-
tendue Rctorme'e duditpaïs, ne feront
privez du privilège & bénéfice qui leur
eft concède par ledit Edit , par l'e'ta-
blillemcnt de la Chambre Tripartie, or-
donnée par iceluy. De laquelle les Pre-
fidens , «Se Confeillers de bdite Reli-
gion demeureront unis &: incorporez en
ia Cour de Parlement de Bourdeaux fui-
vant leur éredion ) pour y fervir &
avoir rang & feance du jour qu'ils y
ont été r<:çus , & jouïiont des hon-
neurs , autoritez, prééminences, droits ,
émolumens ôc prérogatives quelconques,
ainfi que les autres Prefidens ck Con-
feillers de ladite Cour. Et pour le re-
gard des Provinces de Languedoc &
Dauphiné , les Chambres qui leur ont
été ordonnées par ledit Edit , y feront
établies Se continuées félon ôc ainfi qu'il
efl: porté par iceluy , & les A\ ticles de
Jadite Conférence de Nerac. Et fera la
feance prochaine de celle de Languedoc
•en la ville de Et pour
■celle de Dauphiné fera établie, fuivant
■es qui a été cy-devaPit ordonné.
(5<^)
Xn. Lefquels Prefidens , Confeiî-
1ers & Officiers defditts Chambres feront
tenus fe rendre proq;)tement es lieux
ordonnez pour ladite feance > afin d'y
exercer leurs charges , fur peine de pri-
vation de leurs Offices, & de fervir ac-
tuellement , & refider aufdites Cham-
bres , fuis qu'ils s'en puifiTent départir
ni abfenter, que préalablement ils n'aycnt
congé defdites Chambres enrc^îtré ,
lequel fera jugé en la compagnie fur les
caufes de l'Ordonnance. Et y feront
lefdits Prefidens , Confeillers <Sc Offi-
ciers Catholiques continuez le plus lon-
guement que taire fe pourra , & comme
le Roy verra être necefl'aire pour fon
fervice & le bien du pj^blic : ôc en licen-
tiant les uns fera pourvu d'autres en
leurs places avant leur partement.
X I I I. Inhibitions & defenfes feront
faites à toute.s Cours Souveraines , & au-
tres de ce Royaume, de connoître ik ju-
ger des procès civils <Sc criminels defdits
de la Religion , jufques au jour que lef-
dites Chambres feront feantes , ni après ,
fur peine de nullité , dépens , domma-
ges & intérêts des parties , finon que de
leur confentement elles procedaficiit ef-
ditcs Cours, fuivant les Ai ticles XX V L
dudic Edit, V I. & V IL de ladite Con-
férence.
XIV, Sera pourvu par le Roy d'af-
{îgnation vallable pour fournir aux frais
de Jtiïl'ice efdites Chambres , fauf d'en
répéter les deniers fur les biens des con-
damnez.
X V. Sera fait par le Roy , le plus
promtement que faire fe pourra , un
Règlement entre lefdites Cours de Parle-
ment & lefdites Chambres , fuivant I'Edit
& Article V. de ladite Conférence, ouïs
fur ce aucuns Prefidens &c Confeillers
defdits Parlemens &; Chambres. Lequel
regle-
ii:
règlement fera gardé & obfervé , fans
avoir égard aux precedens.
XVI. Ne pourront lefdites Cours
de Varlemeju , ni autres Souveraines &
Subalternes , prendre connoiflànce de ce
qui fera pendant & introduit efdites
Chambres , & dont elles doivent connoî-
tre par ledit Edit , fur peine de nullité
des procédures.
XVII. Es Chambres où il y aura
Juges dune de d'autre Religion, fera gar-
dée la proportion des Juges & jugemens
félon leur établidennent , finon que les
parties confentiflent au contraire.
XVIII. Les recufations qui feront
propofées contre les Prehdens & Con-
feillers defdites Chambres de Guyenne ,
Languedoc & Dauphiné , pourront être
jugées au nombre de fix, auquel nom-
bre les parties feront tenues de fe ref-
traindre , autrement fera paflé outre,
lâns avoir égard aufdites recufations.
• XIX. Les Prefidens & Confeillers
defdites Chambres ne tiendront aucuns
C57)
XXI. Ne feront accordées aucunes
évocations de caufes dont la connoiilance
eft attribuée aufdites Chambres, finon
en cas des Ordonnances , dont le ren-
voy fera fait à la plus prochaine Cham-
bre établie fuivant l'Edit : &c fur la re-
vocation des évocations , & caluuion d(^s
procédures bites fur icelle , y fera pour-
vu par le Roy fur les requêtes des par-
ticuliers : Ôi les partages des procès def-
dites Chambres feront jugez en la plus
prochaine , obfervant la proportion Ôc
forme defdites Chambres d où Icfdits
procès feront procédez.
XXII. Les Ojj'iticrs fubalternes des
Provinces de Guyenne , Languedoc Ôc
Dauphiné, dont \a réception appartient
aux Cours de Parlemens , s'ils font de
ladite Religion pourront être examiiu"/
& reçus enh Chambre de l'Edit, fans
qu'autres fe puiflent oppofcr & rendre
parties à leurs réceptions , que les Pro-
cureurs du Roy de les pourvus dcfdits
Offices. Et néanmoins le ferment ac-
confeils particuliers hors leurs compag- coutume fera par eux prêté efdites Cours
nies. Efquelles aufîî feront faites les de Parlemens , lefquels ne pourront
propofitions , délibérations & refolu- prendre aucune connoilfance de ladite
tions qui appartiendront au repos public, réception: & au refus dcfdits Parlemens,
& pour l'état particulier & Police def- les Officiers prêteront ledit ferment auf-
dites villes , où icelles Chambres fe- dites Chambres,
ront. XXIII. Ceux de ladite Religion
X'X. Tous Juges aufqueîs l'adreffe qui ont refigné leurs états & offices , pour
fera faite des exécutions des Arrêts & la crainte des troubles , depuis le 24.
autres commifTions deCdkes Chambres , Août mil cinq cens foixante &: douze ,
enfemble tous Huiffiers & Sergens , fe-
ront tenus les mettre à exécution. Et lef-
dits Huiflîers & Sergens faire tous ex-
ploits par tout le Royaume, fans de-
mander Placer , Vifa, ne Pareatis, à pei-
ne de fufpenfion de leurs états , & des
dépens , dommages & intérêts des par-
ties , dont la connoiflànce appartiendra
aufdites Chambres.
Tome I.
aufqueîs pour raifon de ce auroit été fait
quelques promelfes : en veiifîant lefdi-
tes promelfes leur fera pourvu par la
Juftice , ainfi que de raifon.
XXIV. Le XL VI. Article dudic
Edit fera entièrement exécuté , & aura
lieu pour la décharge du payement des
arrérages des contributions, 3c tous autres
deniers impofcz durant les troubl .s.
h' XXV.
XXV. Toutes delibernîfom faites
aux Cours de Parlemens , lettres , re-
montrances <5c autres chofes contraires
audit Edit de Pacification & Conterencc,
feront raj'ées des regitres.
XXVI. Les procès des vagabons
feront jugez par les Juges Prefidiaux ,
Prévôts des Maréchaux y <5c Vicene-
chaux , fuivant le XXV. Article dudit
Edit , 6c V 1 1 1. de ladite Conférence.
Et pour le regard des domkille':^és Pro-
vinces de Guyenne, Languedoc & Dau-
phinc, les Subdituts des Procureurs Gé-
néraux du Roy efdites Chambres feront
à la requête defdits domiciliez apporter
en icelles les charges & informations
faites contre iceux , pour connoître &
^uger Cl les cas font prevôtables ou non ,
pour après fçlon la qualité des crimes ,
être par icelles Chambres renvoyez,
pour être jugez à l'ordinaire ou pre-
vôtablement , ainfi qu'ils verront être à
faire par raifon , en obfervant le conte-
nu efdits Articles dudit Edit & Confé-
rence. Et feront tenus lefdits Juges Pre-
fidiaux , Prévôts des Maréchaux , &
Vicenechaux , de refpecter , obéir &
fatisfaire aux commandemens qui leur
feront faits par lefdites Chambres , tout
ainfi qu'ils ont accoutumé de faire auf-
dits Parlemens , à peine de privation de
leurs états.
X X V I L En toutes villes démante-
lées pendant les troubles , pourront les
ruines & demanteleraens d'icelles être
par permiflîon du Roy réedifiez ôc repa-
rez par les habitans , à leur frais & dé-
pens , fuivant le cinquantième Article
dudit Edit.
XXVIII. Seront accordées pareil-
les décharges & abolitions pour le regard
des chofes faites ôc avenues d'une part
& d'autre depuis ladite Conférence juf-
(58)
ques à prefent , que celles qui font con-
tenues audit Edit, Article L V. ncn-
obllant toutes procédures , Sentences &
Arrêts, & tout ce qui s'en eftenfuivi,
qui feront déclarez nuls , 6c de nul effet ,
comme non avenus , dérogeant pour ce
regard au contenu du XXV. Article de
ladite Conférence, lequel néanmoins
pour l'avenir demeurera en fa force &
vertu. Efquelles abolitions feront com-
prifes les prifes de Bazas ôi de Langon :
la première faite durant la guerre » en
l'an mil cinq cens foixante & feize , &
l'autre après ladite Conférence deNerac,
Se ce qui s'en eft enfuivi , nonobftant
tous Arrêts & jugemens qui pourroient
être intervenus au contraire.
XXIX. Après la publication dudit
Edit, faite la part où fera mondit Sei-
gneur, toutes troupes & armées d'une part
& d'autre fe fepareront & retireront y
ôc après qu'elles feront retirées ; c'eft à
fçavoir les Fr.ançoifes licentiées , & fo«-
gediées , & les étrangères feront hors du
gouvernement de Guyenne , pour fortir
hors du Royaume. ^ Après que les vil-
les cy-après nommées feront remifes
entre les mains de Monfeigneur , ledit
Sieur Roy de Navarre 6c ceux de ladite
Religion , 6c autres qui ont fuivi leur
party , feront tenus de mettre entre les
mains de mondit Seigneur les villes de
Mande , Cahors, Monfe^us, S. Milion»
6c Mont-aigu : lequel Mont-aigu fera
démantelé auflî - tôt qu'il aura été re-
mis entre les mains de mondit Sei-
gneur.
XXX. Intontinent après la remifc
àes fufdites villes , Monfeigneur fera re-
mettre entre les mains dudit Sieur Roy
de Navarre les maifons , villes & châ'
teaux qui luy appartiennent , lefquelies il
ddaiiîèraen i'état qu'il eft ordonné par
ledit
ledit Edit , & Articles de ladite Confé-
rence.
"XXXI. Et le Rby fera en même
tems remettre entre les mains de mondit
Seigneur , lequel en repondra à fa Ma-
jefte', la ville & château deUReolley
laquelle mondit Seigneur baillera en
garde à Monfieur le Vicomte de Turen-
ne , qui paflèra telle obligation 6c pro-
mefle qu'il plaira à mondit Seigneur ,
de la rendre ïk remettre entre Tes mains,
afin de la reftituer à fa Majefté , au cas
que dedans deux mois après ladite publi-
cation les villes delaillccs par ladite Con-
férence étant en Guyenne , ne fuOènt
remifes par ceux de ladite Religion en
rétat qu'elles doivent être , par ks Ar-
ticles de ladite Conférence : pour le re-
gard defquelles villes tenues encores à
prefent par ceux de ladite Religion > &
& à eux delaill'ées par ladite Conférence,
promettront ledit Sieur Roy de Navarre
& ceux de ladite Religion à mondit
Seigneur , lequel en baillera fa parole au
Roy , en vuider les garnifons , & les
remetrre en l'état qu'elles doivent être
par ledit Edit & Conférence : Savoir eft
celles dudit pai's de Guyenne dedans lef^
dits deux mois après ladite publication
défaits prefens Articles faite la part que
fera mondit Sieur , & celles de Langue-
doc , dedans trois mois après ladite pu-
blication faite par le Gouverneur ou
Lieutenant General de la Province, fans
y ufer d'aucune longueur , remife , ter-
givcrfation ou difficulté, fous quelque
caufe & prétexte que ce foit. Et quant à
Ja liberté Se carde defdites villes , obfer-
veront ce qui leur eft enjoint par lefdits
Articles de ladite Conférence. Et feront
le femblable pour celles qui leur ont été
baillées en garde pour leur -fiireté par
ledit Edit , ik nommeront à fa Majefté
(59)
perfonnages de mœurs , qaalîtez & con-
ditions requifes par ledit Edit pour j
commander. Et feront tenus <Sc obligez
de ks lailîer & remettre en l'état porté
par ledit Edit , incontinent api es que le
tems qui refte à échoir du terme qui
leur a été accordé par iccluy fera ex-
piré , fuivant la forme & feus les peines
y contenues.
XXXII. Toutes autres v///f y, pLuest
châteaux & matfons appartenans au Roy
& aux Ecclefiafiiqucs , Seigneurs, Gen-
tilshommes , 8c autres fujcts de fa Ma-
jefté d'une (ik d'ature Religion : cnfem-
ble leurs titres , papiers , enfejgnemens
& autres cnofes quelconques , feront re-
mifes en l'état qu'il eft ordonné par le-
dit Edit & Articles de ladite Confe.en-
ce , & reftituez aux propriétaires incon-
tinent après ladite publication defdits
prefens Articles , pour leur en lailIêr la
libre jouïflance ôc polîèflîon , comme
ils avoient auparavant qu'en être deflai-
fis, fur les peines contenues aufdits Edits
& Articles , nonobP.ant que le droit de
la propriété ou poflTciUon fut en con-
troverfe. Et vuideront toutes garnifons
defdites villes, places & châteaux , &
feront à cette fin les Articles de l'Edit
& Conférence concernant ks Gouver-
nemens , & garnifons des Forts & Cita-
delles des Provinces , villes & châteaux,
exécutez félon leur forme & teneur.
XXXIII.Pourreftet dequoy mon-
dit Sei<!fneur a oftcrt & promis demeu-
rer ledit tems de deux mois audit pais
de Guyenne , exécuter ôc faire exécuter
ledit Edit <Sc Articles, fuivant le pou-
voir à luy donné par fa^ite Majefté,
laquelle a cette fin fera fuppliée établir
prés de fa perfonne un confeil com-
pofé de perfonnes capables ik fuffi-
fantes.
H 2 XXIV.
(^o)
XXXIV. L'Article XL VI II.
dudit Edit concernant la liberté du com-
merce , & iext'uiction de tous nouveaux
péages & fubfides impofez par autre au-
torité que celle de fa Majefté , fera fuivi
& efteétué : & attendu les abas & con-
traventions faites audit Edit depuis la
publication d'iceluy , fur le fait du Tel de
Peccjuaiz , feront faites inhibitions & de-
fenfes à toutes perfonncs , de quelque
qualité' & condition qu'elles foient ,
d'empêcher diredeniient le tirage du
fel dePecquaiz, impofer> exiger j ne
lever aucuns fubfides, tant fur les marais,
que fur la rivière du Rône , ni ailleurs ,
en quelque part & forte que ce foit ,
fans l'cxprcfle permiffion de fa Majeftc,
fur peine de la vie.
XXXV. Toutes pièces dUrtilkrie
appartenant à fa Majelté , qui ont été
prifes durant les prefens & precedens
troubles , feront incontinent rendues
fuivant l'Article X L II T. des fecrets.
XXXVL L'Article XXX. dudit
Edit concernant les prifonniers & les
rançonf, fera fuivi & oblervc pour le
regard de ceux qui ont été faits prifon-
niers depuis le renouvellement de la
guerre , ôi. n'ont encore été délivrez.
XXXVII. Le Roj de IJavarre ,
& Monfietir le Prince de Condé jouiront
effeduellement de leurs Gouvernemens,
fuivant ce qui eft porté par ledit Edit &
Articles fecrets.
XXXVIII. La levée de fix cens
mû livres , qui fut permife & accordée
par lefdits Articles , fera continuée fui-
vant les commifîîons qui en ont été de-
puis expédiées en vertu d'iceux j à la-
quelle fera fa Majeflé fuppliée faire ajou-
ter la fomme de quarante cinq rail li-
vres , fournie & avancée par le Sieur de
la Noue.
XXXIX. Les Articles, XXII.
X X J 1 L & X X I V. des fecrets ac-
cordez à Bergeratf, touchant lesfermens
& fromejjes que doivent faire le Roy ,
la Reine fa mère , Monfeigneur Ion
frère , le Roy de Navarre , & Monfei-
gneur le Prince de Condé feront réité-
rez & accomplis.
X L. Les Princes du Sang , Officiers
de la Couronne , Gouverneurs de Lieu-
tenans Généraux , Baillifs , Sénéchaux
des Provinces , & principaux Magiflrats
de ce Royaume , jureront & promet-
tront de faire garder <Sc obfcrver lefdits
Edits & prefens Articles , s'employer
& tenir la main , chacun pour fon re-
gard, à la punition des contrevcnans.
X L I, Les Cours de Parleraens en
corps feront pareil ferment , lequel fera
réitéré en chacune nouvelle entrée , qui
fe fera tous les ans à la Fctc de Saint
Martin , à h^quelle ils feront lire (Se re-
publier ledit Edit.
X L 1 1. Les Sénéchaux & Officiers
des Senechaufle'es es Sièges Prefidiaux ,
feront aulîî le même ferment en corps ,
& le reïtereronc, faifanthre & repu-
blier ledit Edit en chacun premier jour
de jurifdidiion après les Rois.
X L I II. Les Prévôts , Maires , Ju-
rats , Confuls , Capitouls, &: Echevins
de villes feront femblablc ferment aux
maifons communes, appeliez les prin-
cigaux habitans d'une & d'autre Reli-
gion , & ks réitéreront à toutes nouvel-
les clefliions defdites charges.
X L I V. Tous les deffufdits & au-
tres fujets quelconques de ce Royaume ,
de quelque qualité qu'ils foient , (e dé-
partiront & renonceront à toutes ligues ,
aflbciations, confrairies, 6c intelligen-
ces , tant dedans que dehors le Royau-
me. Et jureront de n'en faire déformais,
ne
ne y adhérer , ne autrement contrevenir
direclement , ne indireftement audit
Edit , Articles , di Conférence > fur les
peines porte'es par iccux.
X L V. Tous Officiers Royaux , &
autres , Maires , Jurais , Capitouls ,
Confuls & Echevins , repondront en
leurs propres di privez noms des contra-
ventions qui feront faites audit Edit , à
faute de punir & châtier les contreve-
nans tant civilement i que corporeile-
ment li le cas y cchet.
X L V I. Et pour le furplus de tout
ce qui eft contenu , & ordonné par lef-
dits Edits , Conférence & Articles ,
fera exécuté & obfervé de point en point
félon fa forme & teneur.
FaitàFi^x, prés Sainte Foy , le 16.
jour de Novembre , 1 580. Ainli ligné
de la propre main de Monfeigneur frère
du Roy ,
François,
Et de la propre main du Ro/ de Navarre ,
HENRI.
X L V 1 1. Depuis les Articles fignez
à Flex le 26. du mois pallc , a été ac-
cordé entre Monfeigneur , ôc le Roy de
Navarre , & ceux de la Religion pré-
tendue Reformée , qu'au lieu de la ville
& château de la Reole mentionnée au
XXXI. defdits Articles , les villes de
figeac en Quercy , & Moiifegnr en Ba-
zadois , feront delaiflées audit Sieur Roy
de Navarre & ceux de ladite Religion
pour la fureté de leurs perfonncs , ^ les
garderont durant le tems qui refte à
échoir , de fix années accordées par
TEdit de paix , à mêmes charges ôc con-
ditions que les autres villes leur ont été
delaiflces. Et pour la fureté dcfdites vil-
les, le Roy entictiendra audit Sieur Roy
(60
de Navarre deux compagnies de gens
de pied , chacune de cinquante hommes,
outre & par deflus k nombre des autres
garnifons , accordées par les Articles
fecrcts. Et fera donnée aflîgnation bon-
ne & valable pour l'entretenement def-
dites garnifons , & ladite ville de la Reo-
le Ôc château remis en tel état que les
autres villes non baillées en garde. Le
tout fous le bon plaifir du Roy.
Fait à Coutras le 1 6. jour de Décem-
bre , mil cinq cens quatie-vingts.
Ainfi figné de ladite propre main de
Monfeigneur frère du Roy ,
F R A N Ç O I ?>.
Et de ladite propre main du T\oy de
Navarre ,
HENRI.
Après que le Roy a vu & mûrement
confideré de mot à autre tout le conte-
nu en ces prcfens Articles, propofez en
la Conférence que Monfeigneur le Duc
d'Anjou fon frère unique a frite à F/f.v
& Coutras , avec le Roy de Navarre ,
& les Députez de la Religion prétendue
Reformée , qui y étoient affemblez pour
faciliter l'exécution du dernier Edit de
Pacification, Icfdits Articles arrêtez &
figncz de part & d'autre aufdits lieux de
Fiex ôc Coutras , fa Majeflé les a ap-
prouvez , confirmez & ratifiez , veut &
entend qu'ils foicnt obfervcz &: exécu-
tez félon leur forme & teneur , & que
les provifions & dépêches rcquifes forent
au plutôt faites & envoyées.
Fait a Blois le vingt-fixiéme jour de
Décembre, mil cinq cens quatre-vingts.
Ainfi figné,
Et au deflbus ,
H 5
HENRI.
P I K A R T.
Lues y
(6i)
Lues , fuhliees & regttrées , oui ^ ce
confentant le Procureur General du Ko; ,
en confequence des autres Lettres concer-
mns le - fait de la Pacification des troubles
de ce Pioyaume cy- devant publiées & re-
gîtrées , a Paris en Parlement le vrngt-
fixiéme jour de Janvier , l'an mil anq
cens quatre vingt s-im.
Ainll figné ,
Du Tl LLET.
E D I T du Roj , fur la Pacification des
troubles de ce Royaume. Donné a Nan-
tes au mois d'Avril 1598. & publié
en Parlement le 15. Février 1599.
Avec les Articles particuliers intervc-
VHS fur icehi/ , auffi verifie'^^ en Par-
lement.
HE N R I par la Grâce de Dieu Roy
de France <Sc de Navarre : A tous
prefens ôc à venir , Salut. Entre les
grâces infinies qu'il a plu à Dieu nous
départir , celle eft bien des plus in-
fignes & remarquables , de Nous avoir
donné la vertu & la force de ne céder
aux effroyables troubles , confullons &
defordres qui fe trouvèrent à nôtre avè-
nement à ce Royaume , qui étoit divifé
en tant de parts & de factions , que la
plus légitime en ctoit quafi la moindre ;
& de Nous être néanmoins tellement
roidis contre cette tourmente, que Nous
l'ayïons enfin furmontée , & touchions
maintenant le port de falut & repos de
cet Etat. De quoy à luy feul en foit la
gloire toute entière , & à Nous la grâce
& l'obligation , qu'il fe foit voulu fer-
vir de nôtre labeur pour faire ce bon
œuvre , auquel il a e'té viiîble à tous ,
fi Nous avons porté ce qui étoit non
feulement de nôtre devoir & pouvoir,
mais quelque chofe de plus , qui n*eut
peut - être pas été en autre tems bien
convenable à la dignité que Nous te-
nons , que Nous n'avons plus eu crainte
d y expoler , puis que Nous y avons tant
de fois & il librement expofé nôtre
propre vie. Et en cette grande concur-
rence de il grands & périlleux affaires 1
ne fe pouvans tous compofer tout à la
fois & en même tems , il Nous a fallu
tenir cet ordre, d'entreprendre premiè-
rement ceux qui ne fe pouvoient termi-
ner que par la force , éc plutôt remettre
Se fulpendre pour quelque tems les au-
tres qui ie dévoient & pouvoient traitter
par la raifon & la juffcice : comme les
ditferens généraux d'entre nos bons Su-
jets , & les maux particuliers des plus
faines parties de TEtat , que Nous eff i-
mions pouvoir bien plus aifement guérir,
après en avoir ôté la caufe principale ;
qui étoit en la continuation de la guerre
civile. En quoy Nous étant ( par la
grâce de Dieu ) bien 8c hcureufement
fucccdé , & ks armes & hoffilitez étans
du tout cédées en tout le dedans du
Royaume , Nous efperons qu'il fucce-
dera auffi bien aux autres afuiires qui
refient à y compofer , & que par ce
moyen Nous parviendrons à l'établif-
fement d'une bonne paix & tranquille
repos , qui a toujours été le but de tous
nos voeux & intentions , dz le prix que
Nous defirons de tant de peines & tra-
vaux , aufquels nous avons paflé ce cours
de nôtre âge. Entre lefdits affaires,
aufquels il a fallu donner patience , &
l'un des principaux , ont été les plain-
tes que nous avons reçues de plnfieurs
de nos Provinces & villes Catholiques ,
de ce que l'exercice de la Religion Ca-
tholique " n'étoit pas univerfellement ré-
tabli > comme il eft porté par les Edits
cy-devant faits poui' la Pacification des cette occafion , ayant reconnu cet aflTaî-
troubles à loccalion delà Religion, re de très-grande importance, & di^ne
Comme au/Iî les fupplications & re- de très - bonne confîdciation , après
montrances qui nous ont été faites par avoir repris les Cahiers d.s plaintes de
nos fujets de la Religion prétendue Re- nos fujets Catholiques , ayant auflî pcr-
forme'e> tant fur l'inexécution de ce qui mis à nofdits fujets de ladite Reli^^ion
leur elt accordé par lefdits Edits, que fur prétendue Reformée , de s'adembler
ce qu'ils defireroient y être ajouté, pour par Députez pour drcfler les leurs , Se
l'exercice de leurdite Religion, la liberté mettre enfemble toutes leurfdites re-
de leurs confciences,& la lu icté de leurs montrances, & fur ce fait conféré avec
perfonnes ôi. fortunes : prefumans avoir eux par diverfes fois , & revu les Edits
jufte fujet d'en avoir nouvelles & plus preccdens , Nous avons jugé neccflàire
grandes apprehenfions , à caufe de ces de donner maintenant furie tout à tous
derniers troubles &: mouvemens, dont le nofdits fujets une loy générale , claire,
principal prétexte & fondement à été nette & abfoluc , par laquelle i^s foient
furleur ruine. A quoy , pour ne nous réglez fur tous les difterens qui font cy-
charger de trop d'aftaires tout à la fois , devant fur ce furvenus cntr'cux , <Sc y
& auffi que la fureur des armes ne com- pourront encore furvenir cy-après , ik
patit point à l'établiflëment des Loix , dont les uns & les autres ayent fujet de
pour bonnes qu'elles puiflent être, Nous fe contenter , félon que la qualité du
avons toujours différé de tems en tems tems le peut porter. N'étans pour nô-
de pourvoir. Mais maintenant qu'il
plaît à Dieu commencer à nous faire
jouir de quelque meilleur repos , Nous
avons eftimé ne le pouvoir mieux em-
ployer, qu'à vaquer à ce qui peut con-
cerner la gloire de fon faint Nom &
fervice , ôc à pourvoir qu'il puifle être
adoré & prié par tous nos Sujets : & s'il
ne luy a plu permettre que ce foit pour
encores en une même forme de Reli-
gion , que ce foit au moins d'une mè-
tre regard entrez en cette délibération >
que pour le feul zcle que nous avons au
fervice de Dieu , & qu'il fe puiflè d'o-
rénavant faire & rendre par tous nof-
dits fujets , & établir entr'cux une bon-
ne Se per durable paix. Sur quoy nous
implorons & attendons de fa divine
bonté la même protCiflion &: faveur »
qu'il a toujours vifibiement départie à ce
Royaume , depuis fa naiflànce , 6c pen-
dant tout ce long âge qu'il a atteint , &
me intention , & avec telle règle , qu'il qu'elle face la grâce à nofdits fujets de
n'y ait point pour cela de trouble ou de bien comprendre, qu'en l'obfervation
tumulte entr'eux : & que nous 8l ce
Royaume puiflions toujours mériter &
conferver le titre glorieux de Très-
Chrctien , qui a été par tant de mérites
& dès fi lon^ tems acquis : & par mê-
me moyen ôter h caufe du mal (Se trou
de cette nôtre Ordonnance confifle
( après ce qui eft de leur devoir envers
Dieu & envers tous ) le principal fon-
dement de leur union , concorde , tran-
quilité (Se repos , ^ du rérabli;]cment de
tout cet Etat en fa première fplenjeur.
ble qui peut avenir fur le fait de la Re- opulence & force. Comme de nôtre
ligion , qui eft toujours le plus gliflant part nous promettons de la faire exnfte-
& pénétrant de tous les autres. Pour ment obfcrver , fans fouftrir qu'il y foit
au-
(^4)
aucunement contrevenu. Pour ces
CAUSES, A) ans avec l'avis des Prin-
ces de nôtre Sang, autres Princes de Of-
ficiers de la Couronne , & autres grands
& notables Perfonnages de nôtre Con-
feil d'Etat étans pre's de nous , bien 3c
diligemment pefé & confideré tout cet fonnes de quelque état , qualité ou con-
aflraire ; Avons par cet Edit perpe- dition qu'elles foient, fur les peines que
tuel& irrévocable j dit, déclaré & or- deflus de ne troubler, molcfter niin-
ik. endroits de cettuy nôtre Royaume
& païs de nôtre cbeïflànCe , où l'exer-
cice d'icelle a été intermis , pour y être
paifiblemenf&librement exercée , fans
aucun trouble ou empêchement. De-
fendant très-exprefiément à toutes per-
donné, difons , déclarons & ordon-
nons.
I. Premièrement, que la mémoire
de toutes chofes paflées d'une part &
d'autre , depuis le commencement du
mois de Mars 1585. jufques à nôtre
avènement à la Couronne , & durant
les autres troubles precedens , & à l'oc-
cafion d'iceux, demeurera éteinte 5c af-
foupie, comme de chofe non avenue.
Et ne fera loifible ni permis à nos Pro
quieter les Ecdefiailiques en h célébra-
tion du divin Service , jcuïlTance &
peiceptiondes dxmes , fruits 5c revenus
de leurs Bénéfices , & tous autres droits
& devoirs qui leur appartiennent : &
que tous ceux qui durant les troubles fe
font emparez des Eglifes, maifons, biens
& revenus appartenans aufdits Ecclefiaf-
tiques , & qui les détiennent & occu-
pent , leur en delaiflent l'entière pofi'ef-
îion (5c paifible jouïfl'ance, en tels droits,
cureurs généraux, ni autres perfonnes libertez & furetez qu'ils avoient aupa-
quelconques, publiques ni privées , en ravant qu'ils en fuflènt deOaifîîs. Defen-
quelquetems, ni pour quelque occafion dans aufîi très-exprél1cment à ceux de
quecefoit, en faire mention, procès ladite Religion prétendue Reformée,
ou pourfuitte en aucunes Cours ou Ju- de faire Prêches ni aucun exercice de la-
lifdiccions que ce foit. dite Religion , es Egîrf.s , maifons &
II. Défendons à tous nos fujets, de habitations defdits Ecciefiaftiques.
quelque état 5c qualité qu'ils foient, IV. Sera au choix defdits Ecclcfiaf-
d'en renouveller la mémoire, s'attaquer, tiques d'acheter ks maifons 5c bâtimens
reflentir, injurier, ni provoquer l'un conftruits aux places profanes fur eux
l'autre par reproche de ce qui s'eft pafle, occupées durant les troublés , ou con-
pour quelque caufe 8c prétexte que ce
foit , en dîfputer , contefter, quereller ,
ni s'outrager , ou s'oftènfer de fait ou de
• r • • • -
parole : mais fc contenir & vivre paili-
blement enfemble comme frères , amis
& concitoyens , fur peine aux contre-
venans d'être punis comme infrauteurs
de paix , & perturbateurs du repos pu-
blic.
III. Ordonnons que la Religion
Catholique , Apoftolique & Romaine,
fera remife $ç rétablie en tous les lieux
traindre les poflefTeurs defdits batimcns
d'acheter le fond, le tout fuivant l'ef-
timation qui en fera faite par experts ,
dont les parties conviendront •, 5c à fau-
te d'en convenir , leur en fera pourvu
par les Juges des lieux , fauf aufdits pof-
fefleurs leurs recours contre qui il ap-
partiendra. Etoùlefdits Ecclcîiaftiques
contraindroient'les poflèlTeurs d'acheter
le fond ,les deniers de l'eftimation ne fe-
ront mis en leurs mains, ains en demeu-
reront lefdits poffeifeurs chargez , pour
en
' en faire profit à raifon du denier vingt ,
jurqu'à ce qu'ils ayent été employez au
pro^t de l'Eglife : ce qui fe fera dans un
an. Et où ledit tems paflé , l'acquéreur
ne voudroit plus continuer ladite rente,
il en fera déchargé , en confignant les
deniers entre les mains de perfonne fol-
vable, avec l'autorité de lajuftice. Et
pour les lieux fàcrez , en fera donné
avis par les Commiffaires qui feront
.ordonnez pour l'exécution du prcfcnt
Edit , pour fur ce y être par nous
pourvu.
V. Ne pourront toutefois les fonds
& places occupées pour les réparations
& fortification des villes & lieux de nô-
tre Royaume , & les matériaux y em-
ployez ) être vendiquez ni répétez par
les Ecdefiaftiques , ou autres perfonnes
publiques ou privées , que lors que lefdi-
tes réparations & fortifications feront dé-
molies par nos Ordonnances.
V I. Et pour ne laifler aucune occa-
fion de troubles & difterens entre nos
fujets , avons permis & permettons à
ceux de ladite Religion prétendue Re-
formée , vivre & demeurer par toutes
les villes & lieux de cettuy nôtre Royau-
me, & païs de nôtre obcïllancej fans
être enquis, vexez, moleftez, ni aflraints
à faire chofe pour le fait de la Religion
contre leur confcience , ne pour raifon
d'icelle être recherchez es maifons 2c
lieux ou ils voudront habiter, en fe com-
portant au refte félon qu'il eft contenu
en nôtre prefcnt Edit.
VII. Nous avons aufîî permis à
tous Seigneurs , Gentilshommes , 8c au-
tres perfonnes , tant regnicolcs qu'au-
tres, faifans profelîîon de la Religion
prétendue Reformée, ayans en nôtre
Royaume & païs de nôtre obcïflànce
Haute Juftice , ou plein fief de Haubert
. lome I,
(<^5)
(comme en Normandie) foit en pro-
priété ou ufufruit , en tout ou par moi-
tié , ou pour la troifiérae partie ; avoir
en telle de leurs maifons dcfdites Hautes
Jul^ices , ou fiefs fufdits , qu'ils feront
tenus nommer devant à nos Badlifs 8c
Sencchaïur , chacun en fon détroit, pour
le principal domicile, l'exercice de h-
dite Religion , tant qu'ils y feront refi-
dens : & en leur abfcnce , hurs femmes,
ou bien leur famille, ou partie d'ictllc.
Et encores que le droit de Juftice ou
plein fief de Haubert foit controvcrfc ,
néanmoins l'exercice de ladite Religion
y pourra être fait , pourveu que les def-
fufdits foient en pollellîon actuelle de
ladite Haute Juftice , encore que nôtre
Procureur General foit partie. Nous leur
permettons auffi avoir ledit exercice en
leurs autres maifons de Haute Juftice ou
fiefs fufdits de Haubert , tant qu'ils y fe-
ront prefens , & non autrement : le
tout tant pour eux , leur famille , fujets ,
qu'autres qui y voudront aller.
VIII. Es maifons des fiefs, où ceux
de ladite Religion n'auront ladite Haute
Jiifticc ou fief de Haubert , ne pourront
faire ledit exercice que pour leur famille
tant feulement. N'entendons toutefois ,
s'il y furvenoit d'autres perfonnes , juf-
ques au nombre de trente , outre leur
famille , foit à Toccafion des Batêmcs ,
viiites de leurs amis , ou autrement ,
qu'ils en puilTènt être recherchez:
moyennant aufîî que lefdites maifons ne
foient au dedans des villes , bourgs ou
villages appartenans aux Seigneurs Hauts
Jufticiers Catholiques , autres que nous ,
cfquels lefdits Seigneurs Catholiques ont
leurs maifons. Auquel cas ceux de la-
dite Religion ne pourront dans lefdites
villes, bourçs ou villages , faire ledit ex-
ercicc , fi ce n'elt par permiffion oc con-
gc defdîts Seigneurs Hauts Juflîciers , &
non autrement.
I X. Nous permettons auflî à ceux
de ladite Religion j faire «5c continuer
l'exercice d'icelie en toutes les villes &
lieux de nôtre obeïfTance, où il é toit
par eux établi & fait publ:que;nent par
plufieurs & diverfcs fois , en l'année mil
(66)
Edit , Articles particuliers & Conferenr
ces , & où il n'y auroit des villes , en un
bourg ou village ) l'exercice de ladite
Religion prétendue Reformée fe pourra
faire publiquement par tous ceux qui y
voudront aller , encores qu'efdits Bail-
liages, Senechauflees & Gouverneraens,
y ait plufieurs lieux où ledit exercice
cinq cens quatre-vingts fcize, & en l'an- foit à prefent établi » fors & excepté
née mil cinq cens quatre-vingts dix- pour ledit lieu de Bailliage nouvellement
fept , jufques à la fin du mois d'Août ,
nonobftant tous Arrêts ôc Jugemens à
ce contraires.
X. Pourra femblablement ledit exer-
cice être établi & rétabli en toutes les
villes & places où il a été établi > ou
dû être par l'Edit de Pacification fait
en l'année foixante & dix-fept , Articles
particuliers , Se Conférences de Nerac
accordé par le prefent Edit > les villes
efquelles il y a Archevêché & Evcché y
fans toutesibis que ceux de ladite Reli-
gion prétendue Reformée foient pour
cela privez de pouvoir demander , &
nommer pour ledit lieu dudit exercice,
les bourgs & villages proches defdites
villes : excepté aufîi les lieux & Seigneu-
ries appartenant aux Ecdefiaftiques ,
& Fleix , fans que ledit établiflement efquelles nous n'entendons que ledit fe-
puifTe être empêché es lieux & places cond lieu de Bailliage puifle être établi »
du Domaine donnez par ledit Edit, Ar- les en ayans de grâce fpeciale exceptez
ticles & Conférences pour les lieux de & refervez. Voulons & entendons fous
Bailliages, ou qui feront cy- après, en- le nom d'anciens Bailliages, parler de
cores qu'ils ayent été depuis aliénez à ceux qui étoient du tems du feu Roy
perfonnes Catholiques , ou le feront à
l'avenir. N'entendons toutefois que le-
dit exercice puifle être rétabli es lieux
& places dudit Domaine qui ont été cy-
devant pofledez par ceux de la Religion
Henri nôtre très-honoré Seigneur &
beaupere , tenus pour Bailliages , Sene-
chauflees ôc Gouvernemens reflbrtif-
fans fans moyen en nofdites Cours.
XII. N'entendons par le prefent
prétendue Reformée , efquels il auroit Edit déroger aux Edits ôc accords cy-
cle mis en'confideration de leurs perfon- devant faits pour la reduâion d'aucuns
nés , ou à caufe du privilège des fiefs , fi
lefdits fiefs fe trouvent à prefent pofle-
dez par perfonnes de ladite Religion
Catholique <, Apoftolique & Romaine.
X I. Davantage , en chacun des an-
ciens Bailliages , Senechauflees & Gou-
vernemens tenans lieu de Bailliages ,
Princes , Seigneurs , Gentilshommes >
& villes Catholiques en nôtre obeiffan-
ce , en ce qui concerne l'exercice de la-
dite Religion ; lefquels Edits & ac-
cords feront entretenus & obfcrvez pour
ce regard , félon qu'il fera porté par les
inftrudiions dc« Commiflaires , qui fe-
reflbrtiflans nuëment & fans moyen es ront ordonnez pour l'exécution du pre-
Cours de Parlement , Nous ordonnons fent Edit.
qu'es fauxbourgs d'une ville , outre celles X I II. Défendons très - exprefle-
qui kur ont été accordées par ledit ment à tous ceux de ladite Religion ,
Élire
faire aucun exercice d'icelle, tant pour
leMiniftere, règlement, Difciplineou
iiiftruâiion publique d'enfans , & autres,
en cettuy nôtre Royaume , & pais de
nôtre obeïflànce , en ce qui concerne la
Religion , fors qu'es lieux permis &
ottroyez par le prefent Edit.
XIV. Comme auffi de faire aucun
exercice de ladite Religion en nôtre
Cour & fuite , ny pareillement en nos
terres & pa'is qui font delà les Monts ,
ny auffi en nôtre ville de Paris, nia
cinq lieues de ladite ville : toutefois
ceux de ladite Religion demeurans efdi-
tes terres & païs delà les Monts , &
en nôtredite ville , 6c cinq lieuè's autour
d'icelle , n^ pourront être recherchez
en leurs maifons, ni aftraints à faire
chofe pour le regard de leur Religion
contre leur confcience , en fe compor-
tant au refte félon qu'il eft contenu en
nôtre prefent Edit.
X V. Ne pourra aufîî l'exercice pu-
blic de ladite Religion être fait aux Ar-
mées , finon aux quartiers des Chefs qui
en feront profeflîon , autres toutefois
que celuy où fera le logis de nôtre per*
fonne.
XVI. Suivant l'Article deuxième
de la Conférence de Nerac , permet-
tons à ceux de ladite Religion de pou-
voir bâtir des lieux pour l'exercice d'i-
celle , aux villes & Places où il leur eft
accorde ; & leur feront rendus ceux
qu'ils ont cy-devant bâtis, ou le fond
d'iceux , en l'état qu'il eft à prefent y
même es lieux où ledit exercice ne leur
eft permis > linon qu'ils euflent été con-
vertis en autre nature d'édifices. Auquel
cas, leur feront baillez par les pollèf-
feuirs defdits édifices , des lieux & pla-
ces de même prix & valeur qu'ils étoient
^yant qu'ils y euflent bâti, ou lajufte
(67)
eftimatîon d'iceux , à dire d'experts î
fauf aufdits propriétaires & pofleflcurs
leur recours contre qui il appartiendra.
XVII. Nous défendons à tous
Prêcheurs, Lecteurs , ^c autres qui par-
lent en public , d'ufer d'aucunes paroles,
difcours, ôc propos tendans à exciter le
peuple à fedition: ains leur avons enjoint
& enjoignons de fe contenir & com-
porter modeftement , & de ne rien dire
qui ne foit à l'inftrudion 3c édification
des auditeurs , ôc à maintenir le repos
& tranquilité par nous établie en nôtre-
dit Royaume , fur les peines portées par
les precedens Edits. Enjoignan's trés-
exprefl^ément à nos Procureurs Géné-
raux & leurs Subftituts , d'informer d'of-
fice contre ceux qui y contreviendront ,
à peine d'en repondre en leurs propres
& privez noms , de de privation de leurs
Offices.
XVIII. Défendons aufîî à tous
nos fujets , de quelque qualité & condi-
tion qu'ils foicnt , d'enlever par force
ou indudion , contre le gré de leurs
parens , les enfans de ladite Religion ,
pour les faire bâtifer ou confirmer en
TEglife Catholique , Apoftolique 8c
Romaine : comme aufli mêmes défen-
des font faites à ceux de ladite Religion
prétendue Reformée, le tout à peine
d'être punis exemplairement,
XIX. Ceux de ladite Religion pré-
tendue Reformée ne feront aucune-
ment aftraints , ni demeureront obligez
pour raifon des abjurations , promellcs
& fermens qu'ils ont cy-dcvant faits , ou
cautions par eux baillées, concernans
le fait de ladite Religion , Se n'en pour-
ront être molcftcz ni travaillez en quel-
que forte que ce foit.
X X. Seront tenus auffi gni'Jer <Sc
obferver les Fêtes indites en l'Egliiè
I z Ca-
(6S)
Catliolique y Apofiolicjue & Romaine , corn me il eft accoutumé , pour les Char-
ge ne pourront es jours d'icelles befo- ges Ôi. Offices dont ils feront pourvus ,
gncr, vendre , ni étaller à bouticjues
ouvertes , ni pareillement les Artifans
travailler hors Icuis boutiques, ik en
chambies & maifons lermccs , efdits
jours de Fêtes , 8c autres jours défen-
dus, en aucun métier, dont le biuit
puiffe être entendu au dehors dt,'s paOàns
ou des voifins : dont la recherche néan-
moins ne pourra être fa:te que par hs
Oliîciers de la Juflice.
XXI. Ne pourront les livres con-
cernans ladite Reh'sion prétendue Rc-
rormee , être imprimez oc vendus pu-
bliquen>ent , qu'e's villes & lieux oii
i'cxcrcice public de ladite Religion eft
permis. Et pour les autres livres qui fe-
ront imprimez es autres villes, feront
vus & vifitez , tant par nos Officiers que
T heologiens , ainfi qu'il eft porté par
nos Ordonnances. Défendons très-
expreficment Timpreffion, publication
Ôi vente de tous livres , libelles ôi. écrits
diffamatoires , fur les peines contenues
en nos Ordonnances : enjoignans à tous
nos Juges C^c Olîiciers d'y tenir la main.
XXII. Ordonnons qu'il ne fera fait
différence ne diftinclion , pour le regard
de ladite Religion , à recevoir les Eco-
liers pour être inftiuits es Univerfitez ,
Collèges (Se Ecoles , & les malades (^
pauvres es Hôpitaux , Maladcries & tes à l'avenir , Déclarons tous ceux qui
aumônes publiques. font ou feront profeffion de ladite Reli-
X X 1 1 1. Ceux de ladite Religion gion prétendue Reformée , capables de
prétendue Reformée feront tenus gar- tenir & exercer tous Etats , dignitez ,
dcr ks Loix de l'Eglife Catholique, Offices &: Charges publiques quelcon-
Apoftolique <Sc Romaine, reçues en cet- ques , Royales , Seigneuriaks , ou des
fans être contraints aflifter à aucunes
cérémonies contraires à leurdite Reli-
gion : Ôi. érans appeliez par ferment ,
ne feront tenus d'en faire d'autre cjue de
lever la main, jurer & promettre à
Dieu qu*ils diront la vérité : ne feront
aulîî tenus de prendre difpenfe du fer-
ment par eux prêté enpallànt les con-
trats de obligations.
XXV. Voulons & ordonnons que
tous ceux de ladite Religion prétendue
Reformée , (Se autres qui ont fuivi leur
party , de quelque état , qualité & con-
dition qu'ils foient , foient tenus 8c con-
traints par toutes voyes ducs & raifon-
nables , & fous les peines contenues aux
Edits fur ce Eiits , payer (Se acquiter les
dîmes aux Curez , (Se autres Eccleiiaf^
tiques , & à tous autres à qui elles ap-
partiennent, félon l'ufage ik coutume
des lieux.
XXVI. Les exheredations ou pri-
vations , foit par difî)ofition d'entre vifs
ou teftamentaires , faites feulement en
haine , ou pour caufe de Religion, n'au-
ront lieu tant pour le paflé , que pour
l'avenir entre nos fujets,
XXVII. Afin de reiinir d'autant
mieux les volontez de nos fujets, comme
cfl: nôtre intention, (Se ôter toutes plain-
tuy nôtre Royai'me, pour le fait des
mariages contndez & à contrader es
dcgrez de confanguinité Ôc affinité.
XXIV. Pareillement ceux de ladite
Religion payeront les droits d'entrées.
villes de nôtredit Royaume, pais, ter-
res & Seigneuries de nôtre obeïirance >
nonobftant tous fermens à ce contraires,
& d'être indififeremment admis & reçus
en iceux > (Se fe contenteront nos Cours
de
de Parlemens &. autres Juges , d'infor
mer & enqucrir fur la vie , mœurs.
Religion > de Iwnnéte converfation de
ceux qui font ou feront pourvus d'Offi-
ces , tant d'une Religion que d'autre ,
uns prendre d'eux autre ferment, que
de bien & fidèlement fervir le Roy en
l'exercice de leurs Charges , & garder
les Ordonnances , comme il a été ob-
fervé de tout tems. Avenant au/fi vaca-
tion defdits Etats , Charges ik Offices,
pour le regard de ceux qui feront en nô-
tre difpolicion , il y fera par nous pour-
vu inditïeremmenr, ^ fansdiftindion
de perfonnes capables , comme ehofe
qui regarde l'union denosfujets. En-
tendons auffi que ceux de ladite Religion
prétendue Reformée puillènt être admis
& reçus en tous confeils , délibérations ,
allemblées & fon(ftions qui dépendent
des chofcs denùfdites ; fans que pour rai-
fon de ladite Religion ils en puiflcnt être
Kjcttez , ou empêchez d'en jouir.
XXVIII. Ordonnons pour Ten-
terremcnt des morts de C£ux de ladite
Religion , pour toutes ks villes & lieux
de ce Royaume , qu'il leur fera pourvu
promtement en chacun lieu par nos Of-
ficiers *3c Magiftrats, 6c par les Com-
milfaircs que nous députerons à l'exé-
cution de nôtre piefcnt Edit , d'une pla-
ce la plus commode que faire fc pourra.
lit les Cimetières qu'ils avoient par cy-
devant , & dont ils ont été privez à
1 occafion des troubles , leur feront ren-
dus , (inon qu'ils fe trouvaflènt à prefent
occupez par édifices Si bâcimcns, de
quelque qualité qu'ils foient , auquel cas
leur en fera pourvu d'autres gratuite-
ment.
XXIX. Enjoignons très-exprcfTé-
ment à nofdits Officiers de tenir la main,
-à ce qu'aufdits cnterremcns il ne fe com-
(^9)
mette aucun fcandale : & feront tenus
dans quinze jours après la requifition qui
en fera faire , pourvoir à ceux de ladite
Religion de lieu commode pour lefditcs
fepulturcs , fuis ufcr de longueurs ik re-
mifes , à peine' de cinq cens ccus , en
leurs propres tS: prive z noms. S'ont aufîî
faites defénfes, tant aufdiis Officiers,
que tous autres , de rien exiger \our la
conduite dtfdits corps morts , fur peine
de conciifîion.
XXX. Afinqucla Jufficefoit ren-
due Ck adminiffrce à nos fujtts, fans
aucune fu/pc:on , haine ou faveur, com-
me étant un des principaux moyens pour
les maintenir en paix & concorde.
Avons ordonné & ordonnons, qu'en
nôtre Cour de Parlement de Paris fera
établie One Chambre, compofée d'un
PrtfidcRt , (S<: feize Confcillers dudt
Parlement , laquelle fera appellce & in-
titulée laChninbie de l'Edit , & con-
noîtra non feulement des caufes & pro-
cès de ceux de ladite Religion prétendue
Reformée, qui feront dans retendue
de ladite Cour ; mais aufTî des rcfforts
de nosPailemens de Normandie &: Bre-
tagne , félon la ]urifdi«51:ion qui luy fei-a
cy-aprês attribuée par ce prefent Edit ,
6c ce jufques à tant qu'en chacun defdits
Parlemens , ait été érnblie une Cham-
bre pour rendre la Juflice fur les lieux.
Ordonnons auffi que des quatre Offic' s
deConfeillers en nôtredit Parlement,
reftans de la dernière ércdion qui en a
par nous été faite, en feront prefentc-
nient pourvus <3v reçus audit Parlement
quatre de ceux de ladite Religion pré-
tendue Reformée, fuffifans Si capables,
qui feront difiribucz , à favoir le pre-
mier reçu en ladite Cham.brc de l'Edit >
& les autres trois, à mefure qu'ds feront
reçus, en trois des Chanilx es dt s Eu -
I ^ quêtes^
(70)
quêtes. Et outre que des deux premiers
Offices de Confeillers Laiz de ladite
Cour I qui viendront à vaquer par mort,
en feront auflî pourvus deux de ladite
Religion prétendue Reforrac'e ; Se iceux
reçus , dillribuez aufîi aux deux autres
Chambres des Enquêtes.
XXXI. Outre la Chambre cy-de-
vant établie à Caftres , pour le refl'ort
de nôtre Cour de Parlement de Thou-
loufe , laquelle fera continuée en l'état
qu'elle eft ; Nous avons pour les mêmes
conlîdcracions ordonné & ordonnons ,
qu'en chacune de nos Cours de Parle-
mens de Grenoble & Bourdeaux , fera
pareillement établie une Chambre com-
pofée de deux Prefidens , l'un Catholi-
que , & l'autre de la Religion prétendue
Reformée , & de douze Confeillers ,
dont ks fix feront Catholiques , & les
autres fix de ladite Religion ; lefquels
Prefidens & Confeillers Catholiques ,
feront par nous pris & choifis des corps
de nofdites Cours. Et quant à ceux de
ladite Religion , fera faite création nou-
velle d'an Prefident & lîx Confeillers
pour le Parlement de BourdeauxjtSc d'un
Prefident Se trois Confeillers pour celuy
de Grenoble , lefquels avec ks trois
Confeillers de ladite Religion , qui font
à prefent audit Parlement , feront em-
ployez en ladite Chambre de Dauphiné.
Et feront créez lefdits offices de nou-
velle création aux mêmes gages , hon-
neurs ) autoritez Se prééminences que
les autres defdites Cours. Et fera ladite
feance de ladite Chambre de Bourdeaux,
audit Bourdeaux ou à Nerac , & celle de
Dauphiné , à Grenoble.
XXXII. Ladite Chambre de Dau-
phiné connoitra des caufes de ceux de la
Religion prétendue Reformée du reflbrt
de nôtre Parlement de Provence, uns
qu'ils ayent bcfoin de prendre Lettre»
d'évocation ) ni autres provifions , qu'en
nôtre Chancellerie de Dauphiné : com-
me auflî ceux de ladite Religion de Nor*
mandie & Bretagne , ne feront tenus
prendre Lettres d'évocation , ni autres
provifions qu'en nôtre Chancellerie de
Paris.
XX XI IL Nos fujets de laReli-
çion du Parlement de Bourgogne , au-
ront le choix & option de plaider en la
Chambre ordonnée au Parlement de
Paris , ou en celle de Dauphiné. Et ne
feront auffi tenus prendre Lettres d'évo-
cation , ni autres provifions qu'efditcs
Chancellerie de Paris , ou Daupliiné ,
félon l'option qu'ils feront.
XXXIV. Toutes lefdites Cham-
bres compofées comme dit eft , connoî-
tront Se jugeront en fouveraineté &
dernier reflort, par Arrêt, privatlve-
ment à tous autres , des procès Se dif-
ferens mus & à mouvoir , efquels ceux
de ladite Religion prétendue Reformée
feront parties principales , eu garans >
en demandant ou défendant , en toutes
matières « tant civiles que criminelles ,
foient lefdits procès par écrit , ou appel-
lations verbales , & ce fi bon fcmble
aufdites parties , & l'une d'icelle le re-
quiert avant conteftarion en caufe , pour
le regard des procès à mouvoir • excep-
té toutesfois pour toutes matières Bene-
ficiales , & les pofleiibires des dîmes
non inféodez , les Patronats Ecclefiafti-
ques , & les caufes où il s'agira des droits
& devoirs ou Domaine de l'Eglife , qui
feront toutes traittées 8i jugées es Cours
de Parlement , fans que lefdites Cham-
bres de l'Edit en puilTent connoâtre.
Comme auffi nous voulons, que pour
juger & décider les procès criminels qui
interviendront entre lefdits Ecclefiafti-
ques.
ques , & ceux de ladite Religion pré-
tendue Reforine'e , û rEcclefiafliquc eft
défendeur , en ce cas la connoifTance &
jugement du procès criminel appartien-
dra à nos Cours Souveraines , privati-
vement aufdites Chambres ; <Sc où l'Ec-
defiaftique fera demandeur , & celuy
de ladite Religion défendeur, la con-
noiflanceiSc jugement du procès crimi-
nel appartiendra par appel & en dernier
reflbrt aufdites Chambres e'tablies. Con-
noitront auffi lefdites Chambres en tems
de vacations , dçs matières attribuées
par les Edits & Ordonnances aux
Chambres e'tablies en tems de vacation ,
chacune en fon reilbrt.
XXXV. Sera ladite Chambre de
Grenoble des à prefent unie & incor-
porée au corps de ladite Cour de Parle-
ment, & les Prefidcns & Confcillers de
ladite Religion prétendue Reformée t
nommez Prciidens & Confeillers de la-
dite Cour , (3c tenus du rang Ôc nombre
diceux. Et à ces fins feront premiè-
rement diftribuez par les autres Cham-
bres , puis extraits ôc tirez d'icelles ,
pour être employez, & fervir en celle
que nous ordonnons de nouveau : à la
charge toutefois , qu'ils aflifteront ôc
auront voix & feance en toutes les déli-
bérations qui fe feront les Chambres
aflemblées , &: jouiront des mêmes ga-
ges, autoritez 2^ prééminences que font
les autres Prefidens, & Confeillers de la-
dite Cour.
XXXVI. Voulons & entendons
que lefdites Chambres de Caflres &
Bourdeaux foient reiinies Ôc incorpo-
rées en iceux Parlemens , en la même
forme que les autres quand befoin fera ,
& que les caufes qui nous ont mu d'en
faire l'établiffement cenèront , & n'au-
f ont plus de lieu entre nos fujcts : di. fe-
C7O
ront à ces fins les Prefidens & Confeil-
lers d'icelles , de ladite Religion , nom-
mez & tenus pour Prelidens îk Confeil-
lers dcfdites Cours.
X X X V 1 1. Seront aufli créez &
érigez de nouveau en la Chambre or-
donnée pour le Parlement de Bour-
deaux , deux Subftituts de nos Procureur
6c Avocat Généraux , dont celuy du
Procureur fera Catholique , & l'autre de
ladite Religion , lefquels feront pour-
vus defdits Offices , aux gages com-
ptans.
X XX VIII. Ne prendront tous
lefdits Subftituts autre qualité que de
Subftituts ; 3c lors que les Chambres or-
données pour les Parlemens de Thoii-
loufe & Bourdeaux feront unies 6c in-
corporées aufdits Parlemens, feront lef-
dits Subftituts pourvus d'Offices de
Confeillers en iceux.
X X X 1 X. Les expéditions de la
Chancellerie de Bourdeaux fe feront en
prefence de deux Confcillers d'icelle
Chambre , dont l'un fera Catholique 9
& l'autre de ladite Religion prétendue
Reformée, en Tabfence d'un des Maî-
tres des Requêtes de nôtre Hôtel -, Et
l'un des Notaires & Secrétaires de ladite
Cour de Parlement de Bourdeaux , fera
refidence au lieu où ladite Chambre fera
établie , ou bien l'un des Secrétaires or-
dinaires de la Chancellerie , pour fignef
ks expéditions de ladite Chancellerie.
X L. Voulons 6c ordonnons qu'en
ladite Chambre de Bourdeaux, il y aie
deux Commis du Greffier dudit Parle-
ment, l 'un au Civil, 6c l'autre au Crimi-
nel, qui exerceront leurs Charges par
nos commifîions, & feront appeliez
Commis au Greffe Civil & Criminel ,
& pourtant ne pourront être deftitucz ni
révoquez par lefdits Greffiers du Parle-
ment ;
ment : toutefois feront tenus rendre
l'émolument ckfdirs Gteft-b aufdits
GrefHers , icfcjuels Commis feront fala-
riez par lefd-.rs GrefHers félon qu'il fera
avifé & arbitré par ladite Chambre,
Plus y fera ordonné des HuifTiers Ca-
tholiques, qui feront pris en ladite Cour>
ou d'ailleurs, félon nôtre bon plaifir,
outre lefquels en fera de nouveau érigé
deux de ladite Religion , & pourvus
gratuitement :■ & ieront tous lefdits
Huiiîjers réglez par ladite Chambre,
tant en l'exercice & département de
leurs Charges , qu'es émolumens qu'ils
devront prendre. Sera auffi expédiée
Corn million d'un Payeur des gages , de
Receveur des Amendes de ladite Clianj-
bre , pour en être pourvu tel qu'il nous
plaira, fi ladite Chambre eft établie
ailleurs qa'en ladite ville; &la Cora-
mi/Iîon cy-devant accordée au Payeur
des çaçres de la Chambre de Caftres ,
ibrtira Ion plain iSc entier effet , & fera
jointe à ladite charge la Commiffion de
la recepte des Amendes de ladite Cham-
bre.
X L I. Sera pourvu de bonnes <8c
fuffifantesafîîgnations pour les gages des
Officiers des Chambres ordonnées par
cet Edit.
X L 1 1. LesPrefidens , Confeillers,
& autres Officiers Catholiques defdites
Chambres, feront continuez le plus lon-
guement que faire fe pourra , & comme
nous verrons être à faire pour nôtre fer-
vice , 6: le bien de nos fujets : Et en
Jicentiant les uns , fera pourvu d'autres
en leurs places avant leur parteraent ,
fans qu'ils puiilent durant le tems de leur
fervice fe départir ni abfenter defdites
Chambres, fans le congé d'icelles , qui
fera jugé fur les caufes de l'Ordon-
nance.
(71)
X L 1 1 1. Seront lefdites Chambres
établies dedans fix mois , pendant lef-
quels ( fi tant rétablillement demeure
à être rait ) les procès mus & à mou-
voir , ou ceux de ladite Religion feront
parties , des reflbrts de nos Parlemcns
de Paris , Roiien , Dijon , & Rennes,
feront évoquez en la Chambre établie
prefentement à Paris , en vertu de l'E-
dit de l'an 1577. ou bien au Grand
Confeil , au choix & option de ceux de
ladite Religion, s'ils le requièrent : ceux
qui feront du Parlement de Bourdeaux,
en la Chambre établie à Caftres , ou au-
dit Grand Confeil , à leur choix : &
ceux qui feront de Provence , au Parle-
ment de Grenoble. Et fi lefdites Cham-
bres ne font établies dans trois mois ,
après la prefentation qui y aura été faite
de nôtre prefent Edit , celuy de nos
Parlemens qui en aura fait refus, fera in-
terdit de connoïtre ik juger des caufes
de ceux de ladite Religion.
X L I V. Les procès non encores
jugez , pendans efditcs Cours de Parle-
mens (Sv Grand Confeil , de la qualité
fufdite, feront renvoyez, en quelque état
qu'ils foient , efdites Chambres chacun
en fon relfort, fi l'une des parties de
ladite Religion le requiert , dedans qua-
tre mois aprcs rétabliifemeiit dicelles:
& quant à ceux qui feront difcontinuez,
& ne font en état de juger , lefdits de la
Religion feront tenus Faire déclaration »
à la première intimation & lignification
qui leur fera fiite de la pourfuitte ; &
ledit tems paflé, ne feront plus reçus
à requérir lefdits renvois.
X L V. Lefdites Chambres de Gre-
noble & Bourdeaux , comme au £fi celle
de Caftrcs , garderont les formes & ftile
âss Parlemens , au reflbrt dcfquels elles
feront établies » & jugeront en nombre
égal
égal d*une Se d'aufre Religion , fi les
parties ne confentcqt au contraire.
X L V I. Tous les Juges aufcjuels
l'adreflè fera faite des exécutions des
Arrêts , Commiflîons defdites Cham-
bres , & Lettres obtenues es Chancel-
leries d'icellcs , enfemble tous Huifllers
&Sergens, feront tenus les mettre à
exécution , & lefdits Huiflîers & Ser-
gens faire tous exploits par tout nôtre
Royaume ) fans demander Placet , Vifa
ne Pareatis, à peine de fufpenfion de
leurs Etats, & des dépens, dommages Se
intérêts des parties , dont la connoilîàn-
ce appartiendra aufdites parties.
X L V 1 1. Ne feront accordées
aucunes évocations des caufes , dont
la connoiflànce eft attribuée aufdites
Chambres , finon es cas des Ordon-
nances , dont le rcnvoy fera fait à la
plus prochaine Chambre établie fuivant
nôtre Edit. Et les partages des procès
defdites Chambres feront jugez en la
plus prochaine , obfervant la proportion
Se formes defdites Chambres , dont les
procès feront procédez : excepté pour
la Chambre de 1 Edit à nôtre Parlement
de Paris , où les procès partis feront
départis en la même Chambre , par les
Juges qui feront par nous nommez par
nos Lettres particulières pour cet eftet ,
C mieux les parties n'aiment attendre
le renouvellement de ladite Chambre. Et
avenant qu'un même procès foit parti
en toutes les Chambres Miparties , le
partage fera renvoyé à ladite Chambre
de Paris.
X L V 1 1 1. Les recufations qui fe-
ront propofées contre les Prelidens &
Confeillers des Chambres Miparties,
pourront être jugées au nombre de fix ,
auquel nombre les parties feront tenues
de fe reftraindre > autrement ferapaf-
rme /.
7Sl
ié outre , fans avoir égard aufdites recu-
fations.
X L I X. L'examen des PreHdens <Sc
Confeillers nouvellement érigez efditcs
Chambres Miparties fera fait en nôtre
Privé Confeil , ou par Icfditcs Cham-
bres, chacune en fon dctro.t , quand el-
les feront en nombre fuffifant : Ck néan-
moins le ferment accoutume fera par
eux prêté es Cours où Icfditcs Cham-
bres feront établies , & à leur refus , en
nôtre Confeil Privé : excepté ceux de
la Chambre de Languedoc, lefquels prê-
teront le ferment es mains de nôtre
Chancelier , ou en icelle Chambre.
L, Voulons 6c ordonnons que la ré-
ception de nos Officiers de ladite Reli-
gion , foit jugée efdites Chambres Mi-
parties par la pluralité des voix ; comme
il eft accoutumé es autres jugcniens ,
fans qu'il foit bcfoin que les opinions
furpaficnt des deux tiers , fuivant l'Or-
donnance , à laquelle pour ce regard eft
dcrogé.
L i. Seront faites aufdites Chambres
Miparties les propoiitions , délibéra-
tions & refolutions qui appartiendront au
repos public, & pour l'état particulier
& Police des villes où icelles Chambres
feront.
L I L L'Article de la Jurifdidion
defdites Chambres ordonnées par le
prefent Edit, fera fuivi & obfervé fé-
lon fa forme & teneur , mêmes en ce qui
concerne l'exécution & inexécution , ou
infraction de nos Edits , quand ceux de
ladite Religion feront parties.
L 1 1 L Les Officiers fubalternes
Royaux ou autres , dont la réception ap-
partient à nos Cours de Parlemens , s'ils
font de ladite Religion prétendue Refor-
mée, pourront être examinez & reçus
efdites Chambres: A favoir ceux des ref-
K forts
forts des Parlcmens de Paris , Norman-
die & Bretagne , en ladite Chambre de
Paiis ; ceux de Dauphiné & Provence ,
en la Ciianibre de Grenoble j ceux de
Bourgogne, en ladite Charr:brc de Pa-
ris ou de Dauphiné , à Itur choix ; ceux
du reilbit de rouloufe , en la Chambre
de Cadres ; & ceux du Parlement de
Bourdeaux , en la Chambre de Guyen-
ne ; fans qu'autres fe puiirentoppofer à
leurs réceptions , & rendre parties, que
nos Procureurs Généraux & leurs Sub-
ûituts , & les pourvus efdits Offices.
Etneanmoins le ferment accoutumé fe-
ra; par eux prêté es Cours de Parlemens ,
lefquels ne pourront prendre aucune
Gonnoiflance de leurfditcs réceptions; &
au refus defdits Parlemens, lefdits Offi-
ciers prêteront le ferment efditcs Chim-
bres -y après lequel ainfi prêté , feront
tenus prefenter par un HuifEer ou No-
taire l'aâe de leurs réceptions aux Gref-
fiers defditcs Cours de Parlemens, & en
laifl'er copie collationnée aufdits Grefr
fiers : aufquels il eft en'joint d'enrcgî-
trer lefdits a<5tes à peine de tous dépens,
dommages 3c intérêts des parties ; Se
où lefdits Greffiers feront refufans de ce
faire , fuffira aufdits Officiers de rappor-
ter l'ade de ladite fommation , expédié
par lefdits Huifliers ou Notaires , &
icelle faire enrecrîtrer au Greffe de leurs-
dites Jurifdi<5lions , pour y avoir recours
quand befoin feroit, à peine de nullité de
leurs procédures & jugemens. Et quant
aux Officiers , dont la réception n'a ac-
coutume d'être faite en nofdits Parle-
mens , en cas que ceux à qui elle appar-
tient fi fient refus de procéder audit exa-
(74)
L I V. Les Officiers de ladite Re-
ligion prétendue Reformée , qui feront
pourvus cy- après, pour fervir dans les
Corps de nofdites Cours de Parlemens >
Grand Ccnfeil , Chambres des Com-
ptes , Cours des Aides , Bureaux de*
Treforiers Généraux de France , & au-
tres Officiers des Finances , feront exa-
minez & reçus es lieux où ils. ont ac-
coutumé de l'être : 2c en cas de refus ,
ou déni de Juflice, leur fera pourvu en
nôtre Confeil Privé.
L V. Les réceptions de nos Oflfr-
ciers faites en la Chambre cy-devant éta-
blie à Caiires, demeureront valables,
nonobflant tous Arrêts & Ordonnan-
ces à ce contraires. Seront aufîi vala-
bles les réceptions des Juges , Confeil-
1ers, Elus, & autres Officiers de la-
dite Religion y faites en nôtre Priv^-
Confeil , ou par CommilTaires par nous
ordonnez pour le refus de nos Cours
de Parlemens , des Aides & Chambres
des Comptes , tout ainfi que fi elles
étoient faites efdites Cours & Chara^
bres , & par les autres Juges à qui la ré-
ception appartient. Et feront leurs ga-
ges allouez par les Chambres des Com-
ptes, fans difficulté; & fi aucuns ont
été rayez, feront rétablis , fans qu'il foit
befoin d'avoir aucune jufîion que le pre-
fentEdit, & fans que lefdits Officiers,
foient tenus de faire apparoir d'autre ré-
ception , nonobftant tous Arrêts don-
nez au contraire , lefquels demeureront
nuls ôc de nul effet.
LVL En attendant qu'il y ait
moyen de fuvenir aux frais de Juflice
defdites Chambres fur les deniers des
men & réception , fe retireront lefdits amendes , fera par nous pourvu d'aflî-
Officiers par devers lefditcs Chambres , gnation valable & f .ffifante pour fournir
pour leur être pourvu comme il appar» aufdits frais , fauf a'enrepeter lesdeniers:
Rendra, fur les biens dQs condamnez.
LYIK.
L V 1 1. Les Prefidens 6c Confeil
Icrs de ladite Religion prétendue Re-
formée , cy-devant reçus en nôtre
Cour de Parlement de Dauphiné, Se en
la Chambré de l'Edit incorpore'e en
iceile , continueront & auront leurs
feances & ordres d'icelles ; favoir eft
les Prefidens , comme ils en ont joui,
& jouïlTent à prefent , & les Confcil-
1ers , fuivant les Arrêts de provifions
qu'ils en ont obtenus en notre Confdl
Privé.
L V 1 1 1. Déclarons toutes Senten-
ces, Jugemens, Arrêts, procédures , fai-
ilcs , ventes, 6c décrets faits & donnez ,
contre ceux de ladite Religion préten-
due Reformée , tant vivans que morts y
depuis le trépas du feu Roy Henri
deuxième , nôtre très - honoré Sei-
gneur & beau-pei-e , à l'occafion de
ladite Religion , tumultes & troubles
depuis avenus , cnfemble l'exécution d'i-
ceux Jugemens & décrets, dés à prefent
caflez, révoquez & annuliez, & iceux caf-
fons, révoquons & annulions. Ordon-
nons qu'ils feront rayez d>c ôcez des
Regîtres des Greffes àes Cours , tant
ibuveraines qu'inférieures. Comme nous
voulons aulîî être ôtées & effacées toutes
marques , vertiges & monumens defdi-
tes exécutions , livres & acStes diffima-
toires contre leurs perfonnes , mémoires
6c pofterité : 6c que les places efquclles
ont été faites pour cette occalion dé-
molitions ou rafemens , foient rendues
en tel état qu'elles font aux propriétai-
res d'icelles, pour en jouir 6c difpofcr à
leur volonté. Et généralement avons
caffc , révoqué 6c annullc toutes procé-
dures & informations faites pour entre-
prifes quelconques , prétendus crimes
de leze-Majeftc ,6c autres. Nonobftant
lefquelles procédures , Arrêts & Juge-
C75)
mens, contenant reunion , incorpora-
tion 5c confîfcation , Voulons que ceux
de ladite Religion , & autres qui ont
fuivi leur party , 6c leurs héritiers, ren-
trent en la poffe/îïon réelle 6c aducllc
de tous 6c chacuns leurs biens.
L 1 X. Toutes procédures faites ,
Jugemens &: Arrêts donnez durant les
troubles , contre cmx de ladite Religion
qui ont porté les armes , ou fc font reti-
rez hors de nôtre Royaume , ou dedans
iceluy es villes Se pais par eux tenus , en
quelque autre matière que de la Reli-
gion de troubles, enfcmble toute pé-
remption d'inftances , prefcriptions tant
légales, conventionnelles quecoutumic-
res , 6c faifies féodales échues pendant
lefdits troubles , ou par empcchemens
légitimes provenus d'eux , & dont la
connoillance demeurera à nos Juges:
feront eftimées comme non faites , don-
nées ni avenues. Et telles les avons dé-
clarées 6c déclarons , 6c iccllcs mifcs 8c
mettons à néant, fans que les parties
s'en puiffent aucunement aider : ains fe-
ront remifes en l'étnt qu'elles étoient au-
paravant , nonobffant lefdits Arrêts,
6c l'exécution d'iceux ; Se leur fera ren-
due la poflcllion en laquelle ils étoient
pour ce regard. Ce que dedus aura pa-
reillement lieu* pour le regard des au-
tres qui ont fuivi le party de ceux de la-
dite Religion , ou qui ont été abfcns de
nôtre Royaume pour le fait des trou-
bles. Et pour les enfans mineurs de cl^ux
de la qualité fufdrte , qui font morts
pendant les troubles , remettons les par-
ties au rncme état qu'elles étoient au-
paravant , fans refondre les dépens , ni
être tenus de confi^ner les amendt'<: :
n'entendans toutefois que les jugemens
donnez par les Ju^cs Pre(id;a';x , ou
autres Juges inférieurs contre ceux de
K 1 ladite
kdite Religion , ou qui ont fuivi leur
party , demeurent nuls , s'ils ont été
donnez par Juges feans es villes par eux
tenues , 6c qui leur étoient de libre
accès.
L X. Les Arrêts donnez en nos
Cours de Parlement, es matières dont
la connoiflànce appartient aux Cham-
bres ordonnées par l'Editde l'an 1577.
& Articles de Nerac & Flex , efquelies
Cours les parties n'ont procédé volon-
tairement, c'eft-àdire, ont allégué &
propofé fins declinatoircs , ou qui ont
été donnez par défaut ou forclufion ,
tant en matière civile que criminelle,
nonobftant lefquelles fins lefd, parties
ont été contraintes de pafl'er outre , fe-
ront pareillement nuls 6c de nulle valeur.
Et pour le regard dt^ Arrêts donnez
contre ceux de ladite Religion qui ont
procédé volontairement , & fans avoir
propofé fins declinatoires , iceux Ar-
rêts demeureront : & néanmoins fans
préjudice de l'exécution diceux, fe pour-
ront, fi bon leur femble 5 pourvoir par
Requête civile devant les Chambres or-
données par le prefent Edit , fans que le
tems porté par \q& Ordonnances ait
couru à leur préjudice : 6c jufqucs à ce
que lefdites Chambres & Chancelleries
d'icellesfoient établies , 'les appellations
verbales , ou par écrit interjettécs par
ceux de ladite Religion , devant les Ju-
ges , Greffiers ou Commis , exécuteurs
des Arrêts & jugemens, auront pareil
efl-ct que fi elles e'toient relevées par
Lettres Royaux.
L X I. En toutes enquêtes qui fe fe-
ront pour quelque caufe que ce foit , es
matières civiles, Ç\ 1 Enquêteur ou Cora-
mifiaire efl: Catholique , feront \çs par-
ties tenues de convenir d'un Ajoint,
& où ils n'en, conviendroient , en fera
C7<^)
pris d'office par ledit Enquêteur oit
Com mi flaire , un qui fera de ladite Re-
ligion prétendue Reformée : & fera le
même pratiqué , quand le Commiflài-
re ou Enquêteur fera de ladite Religion.,
pour r Ajoint qui fera Catholique.
L X I L Voulons & ordonnons que
nos Juges puillènt connoître de la validi-
té à^s teftamens , aufquelsceux de ladite
Religion auront intérêt , s'ils le requiè-
rent : & les appellations defdits Juge-
mens pourront être relevez de ceux de
ladite Religion , nonobftant toutes cou-
tumes à ce contraires , mêmes celles de
Bretagne.
L X 1 1 L Pour obvier à tous diffê-
rens qui pourroient furvenir entre nos
Cours de Parlemcns , 6c les Chambres
d'icelles Cours ordonnées par nôtre
prefent Edit , fera par nous fait un bon
6c ample Règlement entre lefdites
Cours 6c Chambres , & tel que ceux de
ladite Religion prétendue Reformée
jouiront entièrement dudit Edit : lequel
Règlement fera vérifié en nos Cours de
Parlemens, & gardé 6«: obfervé, fans
avoir égard aux precedens.
L X I V, Inhibons 6c défendons à
toutes nos Cours Souveraines , & autres
de ce Royaume, de connoître & juger
les procès civils & criminels de ceux de
ladite Religion , dont par nôtre Edit eft
attribuée la connoiflànce aufdites Cham-
bres , pourveu que le renvoy en foit de-
mandé , comme il eft dit au X L. Ar-
ticle cy-deflus.
L X V. Voulons auflî par manière
de provifion , 6c jufqucs à ce qu'en
ayons autrement ordonné , qu'en tous
procès mus Ou à mouvoir , où ceux de
♦ ladite Religion feront en qualité de de-
mandeurs ou défendeurs parties prin-
cipales ou gaians, es matières civiles,
efquel-
efcjwelles nos Officiers & Sièges Prcfi
diaux ont pouvoir de juger en dernier
rellôrt , leur foie pernais de requérir,
que deux de la Chambre où les procès fe
devront juger , s'abftiennent du juge-
iiient d'iceux ; lelqucis fans expreiîion
de caufe feront tenus s'en abftcnir ,
nonobllant l'Ordonnance, par laquelle
les juges ne fe peuvent tenir pour recu-
fez fans caufe : leur demeurant outre ce
les recufations de droit contre les autres.
Et es matières criminelles , efquelles
auflî lefdits Prefidiaux j Ôc autres Juges
Royaux fubalterncs jugent en dernier
reflbrt , pourront les prévenus étans de
ladite Religion , requérir que trois dcC-
dits Juges s'abftiennent du jugement de
kurs procès , iàns exprefîlon de caufe.
Et les Prévôts des Maréchaux de Fran-
ce, Vibailiifs , Vifenechaux, Lieute-
nans de robbe courte , & autres Offi-
ciers de femblable qualité , jugeront fui-
vant les Ordonnances Se Reglemens cy-
devant donnez pour le regard des vaga-
bons. Et quant aux domiciliez , chargez
& prévenus de cas Prevôtaux > s'ils font
de ladite Religion , pourront requérir
que trois defdits Juges qui en. peuvent
connoître , s'abiiienncnt du jugement
de leur procès , & feront tenus s'en ab-
ftenir , fans aucune exprcïfion dr c.iufe,
fauf fi en la compagnie où lefdits procès
fe jugeront, fe trouvo:cnt jufques au
nombre de deux en matière civile , &
trois en matière criminelle, de lad'te
Religion, auquel cas ne fera permis de
reculer fans expre/îîon de caufc : ce qui
feracommuiî & rcciproq:ie aux Carho-
liques en la forme que dellus , pour le
regard dcfdites recufations de Juges ,
où ceux de ladite Religion prétendue
Rc'-ormce feront en plus grand nombre.
N'entendons toutefois que lefdits Sièges
(77>
Prefidiaux , Prévôts des Maréchaux,
Viccbailjjts , Vifcneciiaux , ik autres qui
jugent en dernier rellbrt , prennent en
vertu de ce que dit tft connoiflanee des
troubles pallez. Et quant aux crimes Sc
excès avenus par autre occjlion que du
fait des troubles , depuis le commence-
ment du mois de Mars de l'année 1585,
jufques à la tin de l'année 1597. en cas
qu'ils en prennent connoiffancejVoulons
qu'il y puille avoir appel de leurs juge-
mens par devant les Cliambres ordon-
nées par le prcfent Edit : comme il fe
pratiquera en femblable pour les Catho-
liques complices , & où ceux de ladite
Religion prétendue Refiarmée feront
parties.
L X V I. Voulons auflî & ordon-
nons, que d'orénavant en toutes in-
ftruL^tions , autres qu'intormation d«
procès criminels , es Senechaufices de
Thouloufe , Carcaflbnne , Rouergue ,
Loragais , Bcziers , Montpellier &- Ni*
mes , k Magiftrat ou Commilfaire dé-
puté pour ladite inftruélion , s'il eft
Catholique , fera tenu prendre un A joint
qui foit de ladite Religion prétendue
Reformée, dont les parties convien-
dront , & où ils n'en pourroient con»-
venir , en fera pris d'office un de ladite
Religion , par le fufdit MagiArat ou
CommifTaire : comme en femblable ,.
fi ledit Magiftrat ou Commiflairc eft de
ladite Religion , il fera tenu en la mê-
me forme deflùfdite, prendre un A joint
Catholique.
LXVl I. Quand il fera queflion de
fiiie procès crimmcl par les Prévôts des
Maréchaux , ou leurs Lieutenans , à
quelqu'un de ladite Religion domicilié ,
qui fo:t chargé & accufé. d'un crime
Prevôtal , lefdits Prévôts , ou leurs-
Lieutenans s'ils font Catholiques, fe-
K. 3 ront
ront tenus d'appel 1er à rinftradion def-
dits procès un Ajoint de ladite Religion:
lequel Ajoint affiliera auflî au jugement
<de la compétence., ôc au jugement dé-
finitif dudit procès : laquelle compéten-
ce ne pourra être jugée qu'au plus pro-
chain Siège Prefidial , en aflèmblée,
avec les principaux Officiers dudit Sicge
qui feront trouvez fur les lieux , à peine
de nullité , finon que ks prévenus re-
•quiflènt que la compétence fût jugée ef-
<iites Cliambi es ordonnées par le prefent
Edit. Auquel cas pour le regard des
domiciliez es Provinces de Guyenne,
Languedoc , Provence & Dauphinc ,
les Sui^ftituts de nos Procureurs Géné-
raux efdites Chambres , feront à la re-
quête d'iceux domiciliez , apporter en
icellesles charges & informations faites
contre iccux , pour connoître 6c juger
fi les caufcs font Prevôtables ou non ;
pour après félon la qualité des ciimcs
ctre par icelles Chambres renvoyez à
l'ordinaire, ou jugez prevôtablement ,
ainfi qu'ils verront être à faire par rai-
fon , en obfervant le contenH en nôtre
prefent Edlt : & feront tenus les Juges
Prefidiaux , Prévôts des Maréchaux ,
Vicebaillifs , Vifenechaux , & autres
oui jugent en dernier rcflbrt, de refpcc-
tivement obeïr & facisfaire aux com-
fnandemens qui leur feront faits par kf-
<lites Chimbres; tout ainfi qu'ils ont
accoutumé faire aufdits Parlemens , à
peine de privation de leurs états.
LXVIII. Les criées, affiches 5c
fabhaftationsdes héritages dont on pour-
fuit le décret , feront faites es lieux &
heures accoutumées , fi faire fe peut,
fuivant nos Ordonnances , ou bien es
marchez publics , fi au lieu où font affis
lefdits héritages y a marché ; & oij il n'y
en aurait point > feront faites au plus
(78)
prochain marché du reflôrt du Siège oè
l'adjudication fe doit faire , ôc feront les
affiches mifes au poteau dudit marché ,
ôc ,à rentrée de l'auditoire dudit lieu,
& par ce moyen feront bonnes & vala-
bles lefdites criées , & pafle outre à Tin-
terpofition du décret , fans s'arrêter aux
nullitez qui pourroient être alléguées
pour ce regard.
L X I X. Tous titres , papiers > en-
feignemens , <Sc docu mens qui ont été
pris , feront rendus ôc reftituez de part
& d'autre à ceux à qui ils appartiennent,
encorcs que lefdits papiers , ou les châ-
teaux 6c maifons efquels ils étoient gar-
dez , ayent été pris 6c faifis , foit par
fpeciales commiffions du feu Roy der-
nier decedé, nôtre trcs-honorc Seigneur
& beau - frère , ou nôtres , ou par les
mandcmens des Gouverneurs 6c Lieu-
tcnans Généraux de nos Provinces , ou
de l'autorité des Chefs de l'autre part,
ou fous quelque autre prétexte que <^
foit.
LXX, Les enfans de ceux qui fc
font retirez hors de nôtre Royaume ,
depuis la mort du feu Roy Henri deuxiè-
me , nôtre très -honoré Seigneur &
beau - père , pour cnufe de la Religion
6c troubles , encores que lefdits enfans
foient nez hors le Royaume , feront te-
nus pour vrais François 6c regnicoles ,
de tels les avons déclarez & déclarons ,
fans qu'il leur foit bcfoin prendre Lettre
de naturalitc> ou autres Provifions de
nous que le prefent Edit : nonobftant
toutes Ordonnances à ce contraires,
aufquelies nous avons dérogé & déro-
geons, à la charge que lefdits enfans
nez es pais étrangers , feront tenus dans
dix ans après la publication du pre-
fent Edit , de venir demeurer dans ce
Royaume.
LXXL
(7?)
L X X L Ceux de ladite Religion
prétendue Reforme'e , & autres qui ont
fuivi leur party , lefcjuels auioient pris
à ferme avant les troubles aucuns Gref-
fes , ou autre Domaine , Gabelle , im-
polition foraine , & autres droits à nous
appartenans , dont ils n'ont pu jouir à
caufe d'iceux troubles , demeureront dé-
chargez , comme nous les déchargeons
de ce qu'ils n'auront reçu defdites Finan-
ces , ou qu'ils auront fans fraude payé
ailleurs qu'es rcccptes de nos Finances ,
nonobflant toutes obligations fur ce par
eux payées.
L X X 1 1. Toutes Places , villes de
Provinces de nôtre Royaume , pais ,
terres & Seigneuries de nôtre obeïlfan-
ce t uferont <Sc jouiront des mêmes pri-
vilèges , iramunitez, libcrtez, franchi-
fes, foires, marchez, Jurifdidiions &
Sièges de Judice , qu'elles taifoient au-
paravant les troubles, co.jmencez au
mois de Mars, mil cinq cens quatre-
vingts & cinq , & autres precedens ,
nonobftanr toutes Lettres à ce contrai-
res , 6c les tranflations d'aucuns defdits-
Sièges : pourveu qu'elles ayent été faites
feulement à l'oceafion des troubles : lef-
quels Sièges feront remis & rétablis es
villes & lieux où ils étoient auparavant.
L X X 1 1 1. S'il y a quelques prî-
ibnniers qui foicnt encorcs tenus par au-
torité de ]ull.ice , ou autrement, mêmes
es Galères , à l"occalion des troubles,
ou de ladite Religion , feront élargis »Sc
mis en pleine liberté.
L X X I V. Ceux de ladite Religion
ne pourront cy- api es être furchargez &
foulez d'auciipes charges ordinaires , ou-
extraordiiiairesplus que les Catholiques,
& félon la proportion de leurs biens &
facultcz : &c pourront ks parties qui pre»-
tendront être fui chargez > fe pourvoit
par devant les Juges aufcpds la connoif-
fince en appartient : & feront tous nos-
iujcts , tant de la Religion Catholique ,
que prétendue Reformée , indifférem-
ment déchargez de toutes charges qui
ont été impoiécs de part «S: d'autre , du-
rant les troubles , fur ceux qui étoient de
contraire party, & non conîentans ; cn-
femblc des dubtcs créées ùk non payées »
trais bits fans le confentcment d'iceux ,.
fans toutefois pouvoir répéter les fruits,
qui auront été employez au payement
defdites charges.
L X X V. N'entendons aufH que
ceux, de ladite Religion , & autres qui
ont fuivi leur party, ni les Catnoliqueî
qui étoient demeurez es villes & lieu»
par eux occupées & détenues , & qui
leur ont contribué y foient pourfuivis
jSour le payement de Tailles, Aides,
Oftrois, Crue, T^aillon , Utencilcs ,.
Réparations, & autres impofitions &i
fubfides échus , & impofcz durant les
troubles avenus devant & jufques à nô-
tre avènement à la Couronne , foit par
les Edits , Mandemçns , des feu Rois
nos predeceHéurs , ou par l'avis & dé-
libération des Gouverneurs & Etats des.
Provinces , Cours de Parlement &: au-
tres, dont nous les avons déchargez Sc
déchargeons ; en défendant aux Trcfo-
riers Généraux de France & de nos Fi-
nances , Receveurs généraux & parti-
culiers , leurs Commis & entremetteurSr
& autres Intendans & Commillaires de
nofdites Finances, les en rechercher,,
molefter ni inquiéter dire(5lemcnt ou in-
dircdement, en quelque forte que ce
foit.
L X X V T. Demeureront toiic
Chefs , Seigneurs , Chevaliers, Gentils-
hommes, Ôfticiers, Corps de villes , ôc
Communautez , & tous ks autres qui
le»
les ont aidez & fecourus, leurs rcuves ,
hoirs Ôi. Aicceflèurs , quittes & déchar-
gez de tous deniers , qui ont été par eux
& leurs Ordonnances pris & levez , tant
des deniers Royaux , à quelque fomme
qu'ils Te puiflènt monter , que des villes
Se Communautez , 6c particuliers , des
rentes , revenus , argenterie , ventes des
biens meubles, Ecclefiaftiques & au-
tres , bois de haute fûtaye , .'bit du Do-
maine ou autres, amendes , butins , ran-
çons , ou autre nature de deniers par eux
pris , à l'occafion des troubles commen-
cez au mois de Mars , mil cinq cens
quatre-vingt-cinq, & autres troubles
precedelis jufques à nôtre avènement à
la Couronne : fans que ceux qui auront
été par eux commis à la levée defdits
deniers , ou qui les ont baillez ou four-
nis par leurs Ordonnances , en puiffent
çtre aucunement recherchez à prefent ,
ni pour l'avenir : & demeureront quit-
tes , tant eux que leurs Commis, de tout
le maniment & adminiftration defdits
deniers, en rapportant pour toute de-
charge , dedans quatre mois après la pu-
blication du prefent Edit , faite en nô-
tre Cour de Parlement de Paris , aquits
dûment expédiez des Chefs de ceux de
ladite Religion, ou de ceux qui avoient
été par eux commis à l'audition & clô-
ture des Comptes, ou des Commu-
nautez des villes qui ont eu commande-
ment & charge durant lefdirs troubles.
Demeureront pareillement quittes Ôc
déchargez de tous a6tes d'hoftilitc , le-
vée (Se conduite de gens de guerre, fvbri-
cation & évaluation de monnoye , faite
félon l'ordonnance defdits Chefs , fonte
&prife d'artillerie & munitions, con-
fedions de poudre <5c falpétres , prifes ,
fortifications , demantellemens & de-
nnolitions des villes , châteaux , bourgs
(80)
& bourgades , entreprifes fur icelles ,
brûlemens Ôc démolitions d'Eglifes Se
raaifons , établilTèment de Juftices, Ju-
gemens & exécutions d'iceux , foit en
matière civile ou criminelle , police &
règlement tait entre eux , voyages & in-
telligences, négociations, traittez & con-
traéîs faits avec tous Princes Ôc Commu-
nautez étrangères , & introdudion def-
dits Etrangers es villes, & autres en-
droits de nôtre Royaume , & générale-
ment de tout ce qui a été fait , géré &
négocié durant lefdits troubles , depuis
la mort du feu Roy Henri deuxième,
nôtre très- honoré Seigneur & beau-
pere , par ceux de ladite Religion , &
& autres qui ont fuivi leur party , encore
qu'il dût être particulièrement exprime
Si. fpecifié.
L X X V II. Demeureront auflî dé-
chargez ceux de ladite Religion , de tou-
tes Aflèmblées générales & provincia-
les par eux faites & tenues , tant à Man-
te , que depuis ailleurs jufques à prefent ;
enfeinbk des Confeils par eux établis
& ordonnez par les Provinces , Délibé-
rations , Ordonnances ôc Rcglemens
faits aufdites Allemblées Se Confeils,
établilièment & augmentation de garni-
fons , aflcmblces de gens de guerre , le-
vée & prifes de nos deniers, foit entre
les mains des Receveurs généraux ou
particuliers, Colledeurs des parroiflès ,
ou autrement , en quelque façon que ce
foit, arrêts de fel, continuation ou érec-
tion nouvelle de traites , péages, Pré-
ceptes d'iceux , mêmes à Royan , & fur
les rivières de Charante , Garonne , le
Rône & Dordogne , armemens ôc
combats par mer, Ôc tous accidens &
excès avenus pour faire payer lefHites
traites, péages Ôc autres deniers , fortifi-
cations des villes, châteaux Ôc places,
ini-
împoficions de deniers & corvées , re-
ceptes d'iceux deniers, deftitution de
nos Receveurs & Fermiers , & autres
Officiers , établiUement d'nutrcs en
leurs places , & de toutes unions, dépê-
ches & négociations faites tant dedans
que dehors le Royaume : & générale-
ment de tout ce qui a c'tc fait , délibéré ,
écrit & ordonne par Icfdites Afl'emblées
& Confeil , fans que ceux qui ont don-
né leurs avis , figné, exécuté, fait figner
& exécuter lefdites Ordonnances , Rè-
gle mens & délibérations y en puiffenc
être recherchez , ni leurs veuves , héri-
tiers & fucceffeurs , ores ni à l'avenir ,
encores que les particularitez n'en foient
icy amplement déclarées. Et fur le tout
fera impofé filence perpétuel à nos Pro-
cureurs Généraux & leurs Subftituts, &
tous ceux qui pourroient y prétendre in-
térêt , en quelque façon ôc manière
que ce foit , nonobflant tous Arrêts ,
Sentences , Jugemens , Informations ,
& procédures faites au contraire.
L X X V 1 1 1. Approuvons en ou-
tre , validons & autorifons les com-
ptes qui ont été ouïs , clos & examinez
par les Députez de ladite Aflemblée.
Voulons qu'iceux , enfemble les acquits
& pièces qui ont été rendues par les
Comptables , foient portées en notre
Chambre des Comptes de Paris, trois
mois après la publication du prefent
Edit, & mifes es mains de nôtre Pro-
cureur General , pour être délivrez au
carde des livres & reoîtrcs de nôtre
& y
Chambre , pour y avoir recours toutes
fois & quintes que befoin fera , fans que
Jefdits comptes puiflcnt être revus, ni
les Comptables tenus en aucune compa-
rution , ne corrcâion , finon en cas
d'obmiflîon de recepte ou faux acquits ;
impofant filence à nôtredit Procureur
Tome I,
C8i)
General, pour le furplus que l'on vou-
droit dire être dcfcdueux , & les forma-
litez n'avoir été bien gardées. Dcfen-
dans aux Gens de nos Comptes, tant de
Paris que des autres Provinces où ils
font établis, d'en prendre aucune con-
noiflance en quelque (brte ou manière
que ce foit.
L X X I X. Et pour le regird des
comptes qui n'auront encore été ren-
dus , Voulons iceux être ouïs , clos &
examinez par les Commilfaires, qui à ce
feront par nous députez , lefquels fans
difficulté paHcront & alloueront toutes
les parties payées par Icfdits Compta-
bles , en vertu des Ordonnances de la-
dite Aflemblée , ou autres ayahs pou-
voir.
L X X X. Demeureront tous Coî-
leéleurs, Receveurs , Fermiers , & tous
autres , bien & dûment déchargez de
toutes les fommcs de deniers qu'ils ont
payées aufdits Commis de ladite Af-
femblée, de quelque nature qu'ils foient,
jufques au dernier jour de ce mois.
Voulons le tout être paffé & alloué aux
comptes qui s'en rendront en nos
Chambres des Comptes purement &
fimplement , en vertu des quittances
qui feront apportées -, &i fi aucunes
étoient cy-aprcs expédiées ou délivrées,
elles demeureront nulles, & ceux qui
les accepteront ou délivreront , feront
condamnez en l'amende de faux employ.
Et où il y auroit quelques comptes jà
rendus, fur lefquels feroient intervenues
aucunes radiations ou charges , pour ce
regard avons icelles ôtcs»3clevces, réta-
bli & rctabliffons lefdites parties entiè-
rement , en vertu de ces prcfentes , fans
qu'il foit befoin pour tout ce que defllis
de Lettres particulières , ni autres chofcs
que l'extrait du prefent article. •
^ l LXXXI.
L X X X î. Les Gouverneurs , Capi-
taines > Confuls ,& perfonnes commiies
au recouvrement des deniers, pour payer
les garnirons des Placts tenues par ceux
de ladite Religion ; aufqucls nos Rece-
veurs (Se Collecteurs des Paroilfes au-
raient fourni par prêt fur leurs cedules
& obligations , foit par contrainte , ou
pour obeïr aux commanden:iens qui leur
ont été faits par les Trcforiers Géné-
raux t les deniers neceiTaires pour l'en-
tretenement defdites garnifons , jufques
à la concurrence de ce qui ctoit porté
par l'état que nous avons fait expédier
au commencement de l'an mil cinq cens
nonantc-flx , ôc augmentation depuis
par nous accordée -, feront tenus quit-
tes & déchargez de ce qui a été payé
pour l'effet fuldit, encores que par lefdi-
tes cedules & obligations n'en foit faite
exprefle mention , lefquelles leur feront
rendues comme nulles. Et pour y fatis-
faire , les Treforiers Généraux en cha-
cune Généralité , feront fournir par les
Receveurs particuliers de nos Tailles,
leurs quittances aufdits Colledcurs ; &
par les Receveurs généraux » leurs quit-
tances aux Receveurs particuliers : pour
la décharge defqucls Receveurs géné-
raux , feront les fommes dont ils auront
tenu compte , ainfi que dit efl , doflces
fur les mandemens levez par le Trefo-
rier de l'Epargne , fous les noms des
Treforiers Généraux de l'extraordinai-
re de nos guerres, pour le payement
defdites garnifons. Et où lefdits mande-
mens ne monteront autant que porte
nôtredit état de l'année mil cinq cens
nonante-fix, 6c augmentation, Ordon-
nons que pour y fuppléer , feront expé-
diez nouveaux mandemens de ce qui
s'en defaudroit pour la décharge de nos
Comptables , & reftitution defdites pro-
(82)
melTes 8c obligations, en forte qu'il n'en
foit rien demandé à l'avenir à ceux qui
les auront faites , 6c que toutes Lettres
de validations qui feront ncceflaires pour
la décharge des Comptables , feront ex-
pédiées en vertu du prefent article.
L X X X IL Auffi ceux de ladite
Religion fe départiront 6c defifteront
dés à prefent de toutes pratiques , né-
gociations & intelligences , tant dedans
que dehors nôtre Royaume ; 6v lefdites
Afleniblées & Confeils établis dans les
Provinces fe fepareront promtement,
ôc feront toutes ligues 8c aflociations
faites ou à faire , fous quelque prétexte
que ce foit , au préjudice de nôtre pre-
fent Edit , caflées ôc annullées, comme
nous les caffons & annulions •, défendant
très-exprelTément à tous nos fujetsde
faire d'orénavant aucunes cottifations
& levées de deniers fans nôtre per-
mi/îîon , fortifications , enrôllemens
d'hommes, congrégations 6c afïèmblées,
autres que celles qui leur font permifes
par nôtre prefent Edit , 6c fans armes :
ce que nous leur prohibons & défen-
dons , fur peine d'être punis rigoureu-
fement , ^ comme contempteurs &
infrafteurs de nos Mandemens & Or-
donnances.
L X X X 1 1 L Toutes pri fes qui ont
été faites par mer durant les troubles , en
vertu àcs congez & aveux donnez , 6c
celles qui ont été faites parterre, fur
ceux de contraire party , 6c qui ont été
jugées par les Juges & Commilîàires de
l'Amirauté, ou par les Chefs de ceux
de ladite Religion , ou leur Confeil ,
demeureront ailbupies fous le bénéfice
de nôtre prefent Edit, fans qu'il en puifTê
être fait aucune pourfuite ; ni les Ca-
pitaines & autres qui ont fait lefdites
prifes, leurs cautions , & lefdits Juges,
Oâi-
Officiers , leurs veuves &: héritiers , re
cherchez ni molcftez en quelque forte
que ce foit , nonobibnt tous An éts de
nôtre Confeil Privé , 6c des Parlemens,
& toutes Lettres de mvirques ôc faifics
pendantes & non jugées, dont nous
voulons leur être faite pleine & entière
main-levée.
L X X X I V. Ne pourront fembla-
blemenc être recherchez ceux de ladite
Religion , des oppofîtions 6c empêche-
mens qu'ils ont donnez par cy-devanc ,
mêmes depuis les troubles , à l'exécu-
tion des Anéts <Sc Jugemens donnez
pour le retabliflèment de la Religion
Catholique, Apoftoliquc 6c Romaine
en divers lieux de ce Royaume,
L X X X V. Et quant à ce qui a été
fait, ou pris durant les troubles hors
la voye d'hoftilité , ou par hoftilité ,
contre les Reglemens publics ou parti-
culiers des Chefs ou des Communautez
des Provinces qui avoient commande-
ment , en pourra être faite pourfuite par
la voyede Juftice.
L X X X V I. D'autant néanmoins,
que 11 ce qui a été fait contre les Re-
glemens d'une part & d'autre , eft in-
differemment excepté 6c refervé de la
générale abolition portée par nôtre pre-
fent Edit , 6c eft fujet à être recherché,
il n'y a homme de guerre qui ne puifl'e
être mis en peine , dont pourroit avenir
renouvellement de troubles; A cette
caufe , Nous voulons & ordonnons ,
que feulement les cas exécrables demeu-
reront exceptez de ladite abolition :
comme ravillemens 6c forcemens de
femmes & filles , brûlemens, meurtres,
di volerics faites par prodition , Ôc de
cuet à pens , hors les voyes d'hoftilité ,
éc pour exercer vengeances particulières,
contre le devoir de la guerre , infractions
C85)
de pafle-ports Ôcfauvegardes, avec meur-
tres & pillages , fans commandement ,
pour le regard de ceux de ladite Reli-
gion, & autres qui ont fuivi le party
des Chefs qui ont eu autorité fur eux ,
fondées fur particulières occafions qui
les ont mus à le commander 6c or-
donner.
L XX XVII. Ordonnons auflî que
punition fera faite des crimes & délits
commis entre perfonnes de m crac parry,
fi ce n'eft en ades commandez par les
Chefs d'une part & d'autre, félon la
necefîîté , loy & ordre de la guerre. Et
quant aux levées & cxadions de deniers,
ports d'armes , & autres exploits de
guerre faits d'autorité privée, ôc fans
aveu , en fera faite pourfuite par voye de
Juftice.
L X X X V 1 1 1. Es villes démante-
lées pendant les troubles, pourront les
ruines & demantellemens d'icelles être
par nôtre permifîîon rééditées 6c repa-
rées par les habitans , à leurs frais 6c dé-
pens, & les provilions ottroyées cy-
devant pour ce repard , tiendront 6c au-
ront lieu.
L X X X I X. Ordonnons , voulons
& nous plait, que tous les Seigneurs,
Chevaliers , Gentilshommes & autres ,
de quelque qualité & condition qu'ils
fuient de ladite Religion prétendue Re-
formée , 6c autres qui ont fuivi leurpar-
ty , rentrent, 6c foicntefïtftucilement
confcrvez en la jouillànce de tous 6c
chacuns leurs biens, droits, noms, raifons
ôc actions , nonobflant les JuG;emens
enfuivis durant kfdits troubles , & à
raifon d'iceux , lefqucis Arrêts , (ailles,
Juacmens , 8c tout ce qui s'en feroit en-
fuivi , nous avons à cette fin decl.ii^- ,
& déclarons nuls , & de nul elïét 6c
valeur.
I 2 XC-
X C. Les acquifitions que ceux de
Jadite Religion prétendue Reformée ,
& autres cjui ont fuivi leur party, auront
faites par autorité d'autres que des feu
Rois nos predeceileurs , pour les im-
meubles appartenans à l'Eglife , n'au-
ront aucun lieu ni efïet , ains ordonnons,
voulons & nous pi ait , que les Eccle-
fiafliques rentrent incontinent & fans
délai , ^ foient confervez en la polfef-
fion & jouiflance réelle de actuelle def-
dits biens ainli aliénez, fans être tenus
de rendre le prix defdites ventes; Ôc ce
ronobftant leldits contracts de vendi-
tion , lefquels à cet eft-ét nous avons
caliez & révoquez comme nuls : fans
toutefois que Icfdits acheteurs puilfenc
avoir aucun recours contre les Chefs ,
par Tautorité defquels lefdits biens au-
ront été vendus. Et néanmoins pour le
rembourfement des deniers par eux vé-
ritablement 8c fans fraude débourfez,
feront expédiées nos Lettres patentes de
permiflion à ceux de ladite Religion ,
d'impofer & égaler fur eux les fommes à
quoy fe monteronflefdites ventes ; fans
qu'iceux acquéreurs puiflent prétendre
aucune aétion pour leurs dommages &
intérêts à faute de jouïllànce,ains fe con-
tenteront du rembourfement des deniers
par eux fournis pour le prix defdites ac-
quilltions ; précomptant fur iceluy prix
les fruits par eux perçus , en cas que la-
dite vente fe trouvât faite à vil & injufte
prix.
X C L Et afin que tant nos Jufti-
ciers. Officiers, qu'autres nos fujets,
foient clairement & avec toute certitude
avertis de nos voi^loir & intention ; &
pour ôter toutes ambiguitez & doutes
qui pourroient être faits au moyen des
precedens Edirs , pour la diverfité d'i-
ceux ; Nous avons déclaré & déclarons
C84)
tous autres precedens Edits , Articles
fecrets, Lettres, Déclarations, modi-
fications , reftridions , interprétations.
Arrêts & regîtres , tant fecrets qu'au-
tres délibérations, cy-devant par nous ou
les Rois nos predece fleurs hites en nos
Cours de Parlemens, ou ailleurs concer-
nant le fait de ladite Religion , Ôc des
troubles avenus en nôtredit Royaume ,
être de nul cftèt & valeur ; Aufquels ,
& aux dérogatoires y contenues , nous
avons parcettuy nôtre Edit dérogé ôc
dérogeons , dès à prefent, comme pour
lors les caflbns, révoquons & annulions:
Declarans par exprès , que nous voulons
que cettuy notre Edit foit ferme & in-
violable , gardé & obfervé, tant par
nofdits Jufticiers , Officiers , qu'autres
fujets^fans s'arrêter ni avoir aucun égard
à tout ce qui pourroit être contraire,
ou dérogeant à iceluy.
X C H. Et pour plus grande aflfu-
rance de l'cntretenement & obferva-
tion que nous defirons d'iceluy , Nous
voulons , ordonnons , & nous plaît ,
que tous les Gouverneurs & Lieutenans
Généraux de nos Provinces , Baillifs ,
Sénéchaux , <Sc autres Juges ordinaires
des villes de nôtredit Royaume , incon-
tinent après la réception d'iceluy Edit,
jurent de le faire garder & obferver cha-
cun en leur détroit: comme auflî les
Maires,. Echevins, Cap'touls, Confuls,
<Sc Jurats des villes , annuels & perpé-
tuels. Enjoignons aufïî à nofdits Bail-
lifs , Sénéchaux , ou leurs Lieutenans »
& autres Juges , faire jurer aux princi-
paux habitans defdites villes , tant d'une
que d'autre Religion , l'entretenement
du prefent Edit, incontinent après la pu-
blication d'iceluy. Mettans tous ceux
defdites villes en nôtre proteélion &
fauvegarde, & les uns à la garde des au-
tres.
très , les chargeans refpedivement <Sc
par Ades publics , de répondre civile-
ment des contraventions qui feront faites
à nôtredit Edit dans lefdites villes , par
les liabitans d'icelles , ou bien reprefenter
& mettre es mains de Juftice lefdits con-
trevenans.
Mandons à nos amez & féaux les
Gens tenans nos Cours de Parlemens ,
Chambres des Comptes , & Cours des
Aides , qu'incontinent après le prefent
Edit reçu > ils ayent , toutes chofes ceC-
fantes , ôc fur peine de nullité des Ac-
tes qu'ils feroient autrement , à faire
pareil ferment que deffus , &iceluy nô-
tre Edit faire publier & enregîtrer en
nofditcs Cours félon la forme & teneur
d'iceluy , purement 6c fimplement, fans
ufer d'aucunes modifications , reftric-
tions , déclarations, ou regîtres fecrets,
ni attendre autre juiïîon , ni mandement
de Nous ; & à nos Procureurs Géné-
raux , en requérir Se pourfuivre inconti-
nent & fans délai ladite publication.
S I donnons en mandement aufdits
Gens de nofdites Cours de Parlement ,
Chambres de nos Comptes & Cours de
nos Aides , Baillifs , Sénéchaux , Pré-
vôts , & autres nos Jufticiers & Offi-
ciers qu'il appartiendra , ôc à leurs Licu-
tenans, qu'ils faffent lire , publier & en-
regîtrer cettuy nôtre prefent Edit &
Ordonnance en leurs Cours & Jurifdic-
tions ; & iceluy entretenir , garder «Se
obfcrver de point en point , & du con-
tenu en iceluy faire jouir & ufer plei-
nement & paifiblement tous ceux qu'il
appartiend'ra , cefTans & faifans ceflèr
tous troubles & empéchemcns au con-
traire. CAR tel eft nôtre plaifir.
En témoin de quoy nous avons figné les
prefentes de nôtre propre main , & à
icc'lles , afin que ce foit chofe ferme &
(85)
fiable à toujours , Nous avons fait met-
tre & adoflèr nôtre feel. Donne à
Nantes au mois d'Avril , l'an de grâce
mil cinq cens quatre-vingts dix- huit;
& de nôtre règne le neuvième.
Signé, HENRI.
Et au deflbus , Par le Roy étant en fon
Confeil,
FORCET.
Et à côté. Visa,
Et feellé du grand fcel de cire verte ,
fur lacs de foye rouge 5c verte.
Lues , publiées & regttrées , otii & ce
confentant le Procureur Gêner aI du Ko/ ;
à Farts en Parlerneiit , le vingt-cinquième
de Février mil cinq cens quatre-vingts dix-
neuf.
Signé , V o Y s I N.
Lu , publié & enregttré en la Cham-
bre des Comptes , oui & ce consentant le
Procureur General du Koy ^ le dernier
jour de Mars mil cinq cens quatre-vingts
dix-neuf.
Signé , De LA Fontaine.
Lu , ptélié & regttré, otii & ce con-
fentant le Procureur General du Koy ,
à Parts en la Cour des Aides, le trentième
& dernier jour d'Avril mil cinq cens qua-
tre-vingts dix-neuf.
Signé j
Bernard,
i 5
Âf-
(26)
Articles particuliers y extraits des Géné-
rât X , que le Rojf a accordez, à ceux
de la Religion prétendue Reformée :
lefqnels fa Jsiajesté n'a voulu être
compris efdits Généraux > ni er^ VEdit
qui a été fait & dreffé fur iceux , don-
né a Nantes au mois d'Avril dernier:
(jr néanmoins a accordé fidite Majefléy
qu'ils feront entièrement accomplis &
obfervet, , tout ainfi que le contenu au-
dit Edit. Et à ces pis feront rcgîtrez,
en fes Cours de Parlement , & ailleurs
où befoin fera ; & toutes Déclarations)
Provifions & Lettres necejfaires en fe-
ront expédiées.
Article Premier.
L'Article fixiéme dudit Edit touchant
la liberté de confcience , & per-
miflîon à tous les fujets de fa Majefté
de vivre & demeurer en ce Royaume ,
& païs de fon obeïflance , aura lieu &
fera obfervc félon fa forme & teneur :
mêmes pour les Miniflres , Pédagogues,
& tous autres qui font ou feront de la-
dite Religion , foient regnicoles, ou
autres i en fe comportant au refte félon
qu'il eft porte par ledit Edit.
1 1. Ne pourront être ceux de ladite
Religion contraints de contribuer aux
réparations & conftrudions des Eglifes,
Chapelles & Presbytères , ni à l'achat
desorncmens Sacerdotaux, Luminaires ,
fontes de Cloches , Pain béni , droits
de Confrairies, louages de maifons pour
la demeure des Prêtres & Religieux , &
autres chofes femblables , finon qu'ils y
faiïent obligez par fondations, dotations,
ou autres difpoficions faites par eux , ou
leurs auteurs de predecefleurs.
III. Ne feront aufîî contraints de
tendre & parer le devant de leurs mai-
fons aux jours de Fêtes ordonnez pour
ce faire : mais feulement foufRir qu'il
foit tendu & paré par l'autorité des Of-
ficiers des lieux , fans que ceux de ladite
Religion contribuent aucune chofe pour
ce regard.
I V. Ne feront pareillement tenus
ceux de ladite Religion de recevoir ex-
hortation , lors qu'ils feront malades ou
proches de la mort , foit par condamna-
tion de Juftice ou autrement , d'autres
que de la même Religion ; & pourront
être vifitez & confolez de leurs Minif-
tres , fans y être troublez : & quant à
ceux qui feront condamnez par Juftice,
lefdits Miniflres les pourront pareille-
ment viiKer& confoler, fans faire prières
en public, fmon es lieux ou ledit exer-
cice public leur eu permis par ledit
Edit.
V. Sera loifîble à ceux de ladite Re-
ligion, de faire l'exercice public d'icelle à
Pimpoul:"& pour Dieppe, au faux-
bourg du Paulet ; & feront lefdits lieux
de Pimpoul & du Paulet ordonnez pour
lieux de Bailliages. Quant à Sancerre ,
fera ledit exercice continué, comme il
eft à prefent , fauf à l'établir dans la-
dite ville, faifant apparoir parleshabi-
tans du confentement du Seigneur du
lieu , à quoy leur fera pourvu par les
Coramiflaires que fa Majefté députera
pour l'exécution de l'Edit. Sera aufli
ledit exercice libre & public rétabli dans
la ville de Montagnac en Languedoc.
V I. Sur l'Article faifant mention
des Bailliages , a été déclaré ôc accordé
ce qui s'enfuit. Premièrement , pour
l'établi nément de l'exercice de ladite Re-
ligion, es deux lieux accordez en chacun
Bailliage , SenechauOée & Gouver-
nement, ceux de ladite Religion nom-
meront deux villes , es fauxbourgs def-
quelles ledit exercice fera établi par les
" Com-
Comminâires que Sa Majeflé députera
pour l'exécution Je i'tdit. Et où il ne
leroit juge à propos par eux, nomme-
ront ceux de ladite Religion deux ou
trois bourgs , ou villages proches defJi-
tes villes , Hc pour cnacunes d'iceiles ,
dont lefdits Corn mi flânes en choifiront
l'un. Et fi par holtilitc , contagion ou
autre légitime empêchement , il ne peut
être continué efdits lieux , leur en feront
baillez d'autres pour le tems que dure-
ra ledit empêchement. Secondement,
qu'au Gouvernement de Picardie , ne
fera pourvu que de deux villes , aux faux-
(87)
I X. Les provifions ottroyécs par Sa
Majefté , pour l'exercice de ladite Re-
ligion en la ville de Mets , fortiront
leur plein & entier cflvt.
X. Sa Majellé vcut&rntcnj, que
l'article 17. de Ton Edit touchant l'ad-
raiflîon de ceux de ladite Religion pré-
tendue Reformée aux Offices &c digni-
tez , foit obfervc &: entretenu félon fa
forme & teneur, nonobUant les Edits
& accords cy-devant faits pour la réduc-
tion d'aucuns Princes , Se;gneurs, Gen-
tilshommes (Se villes Catholiques en fon
obeidàncclcfquels n'auront lieu au pie-
bourgs defquelles ceux de ladite Reli- jud'ce de ceux de ladite Religion, qu'en
gion pourront avoir l'exercice d'icelle ce qui regarde l'exercice d'iceUo. Et fera
pour tous les Bailliages , Senechauflces
& Gouverne mens qui en dépendent : &
où il ne feroit jugé à propos de l'établir
efdites villes , leur feront baillez deux
bourgs ou villages commodes. Tiercc-
ment i pour la grande étendue de la Se-
nechauflée de Provence , & Bailliaoe de
Viennois , Sa Majefté accorde en cha-
cun defdits Bailliages & Senechauflees
un troifiéme lieu , dont le choix Ôi no-
mination fe fera comme deflus, pour y
établir l'exercice de ladite Religion , ou-
tre les autres lieux où il efl; déjà établi.
VII. Ce qui eft accordé par ledit
article pour lexercice de ladite Religion
es Bailliages , aura lieu pour les terres
qui appartenoient à la feue Reine bel-
le-mcre de Sa MajeAé , & pour le Bail-
liage de Beaujolois.
V J I T. Outre les deux lieux accordez
pour l'exercice de ladite Religion , par
les articles particuliers de l'an 1577. es
Ifles de Marennes& d'OIeron , leur en
feront donnez deux autres , à la com-
modité defdits habitans : fa voir un pour
toutes les Jfles de Marennes , & un au-
tre pour rifle d'Oleion.
ledit exercice réglé , félon 6c ainfi qu'il
eft porté par ks articles qui s'enluivent ,
fuivant Icfqucls feront drcfle'es les in-
ftrudions des Commiflaires que Sa Ma-
jefté députera pour l'exécution de fbn
Edit , félon qu'il eft poi té par iceluy.
XI. Suivant l'Edit fait par Sa Majef-
té pour la reduârion du Sieur Duc de
Guife , l'exercice de ladite Religion
prétendue Reformée ne pourra être fait
ni établi dans les villes & hiuxbour^s
de Rheims, Rocroy, Saint Dilier , Gui-
fe, Joinville, Eimes, 6c Moncoinet
es Ardcnnes.
XII. Ne pourra aufîî être fait es
autres lieux , es environs defditcs villes,
& Places défendues par l'Edit de l'an
1577-
XIII. Et pour ôter toute ambiguï-
té qui pourroit naître fur le mot , es en-
virons; Déclare Sa Majeflé avoir enten-
du parler d^s lieux qui font dans la Ban-
lieue defdites villes , efquels lieux l'exer-
cice de ladite Religion ne pourra être
établi , linon qu'il y fût permis par l'E-
dit de 1577.
XIV. Et d'autant que par iceluy le-
dit
(88)
dit exercice ctoit permis généralement
es Fiefs pofledez par ceux de ladite Re-
ligion , fans que ladite Banlieue en ïùt
exceptée : Déclare Sadite Majefté , que
la même permiffion aura lieu , mêmes
es Fiefs qui feront dedans icelle tenus
par ceux de Indite Religion , ainfi qu'il
eft porté par fon Edit donné à Nan-
tes.
X V. Suivant aufîî TEdit fait pour la
réduction du Sieur Maréchal de la Châ-
tre , en chacun des Bailliages d'Orléans
& Bourges , ne fera ordonne qu'un lieu
de Bailliage pour l'exercice de ladite Re-
ligion , lequel néanmoins pourra être
continué es lieux où il leur eft permis
de le continuer par ledit Edit de Nantes.
XVI. La concefîion de prêcher es
Fiefs y aura pareillement lieu dans lefdits
Bailliages, en la forme portée par le-
dit Edit de Nantes,
XVII. Sera pareillement obfervé
l'Edit fait pour la redudion du Sieur
Maréchal de Bois-Dauphinj <k ne pour-
ra ledit exercice être fait es villes , faux-
bourgs & places amenées par luy au fer-
vice de Sa Majefté ; & quant aux envi-
rons ou Banlieue d'icelles , y fera l'Edit
de 77. obfervé , mêmes es maifons de
Fiefs , ainfi qu'il eft porté par l'Edit de
Nantes.
XVIII. Ne fe fera aucun exercice
de ladite Religion es viHes , fauxbourgs
& château de Morlais , fuivant l'Edit
fait fur la redudion de ladite ville, <Sc fe-
ra l'Edit de 77. obfervé au reHoit d'icel-
le , mêmes pour les Fiefs , félon l'Edit
de Nantes.
XIX. En confequence de l'Edit
pour la réduction de Quinpercoran-
.tin j ne fera fait aucun exercice de la-
dite Religion en tout l'Evéché de Cor»
nouaiile.
XX. Suivant aufîî l'Edit fait pour la
redu(5î:ion de Beauvais , l'exercice de la-
dite Religion ne pourra être fait en la-
dite ville de Beauvais , ni trois lieues à
la ronde. Pourra néanmoins être fait
de établi au furplus de l'étendue du Bail-
liage, aux lieux permis par l'Edit de 77.
mêmes es maifons des Fiefs , ainfi qu'il
eft porté par ledit Edit de Nantes.
XXI. Et d'autant que l'Edit fait
pour la redu(5tion du feu Sieur Amiral de
Villars n'eft que provifionne! , & juf-
qu'à ce que par le Roy en eût autrement
été ordonné , Sa Majefté veut & en-
tend j que nonobftant iceluy fon Edit de
Nantes ait lieu pour les villes &: reflbrts
amenez à fon obeïflàncc par ledit Sieur
Amiral, comme pour les autres lieux
de fon Royaume.
XXII. En fuite de l'Edit pour la
redudion du Sieur Duc de Joyeufe ,
l'exercice de ladite Religion ne pourra
être fait en la ville de Thouloufe , faux-
bourgs d'icelle , & quatre lieues à la
ronde, ni plus près que font les villes
de Villemur , Carmain & l'Ifle en
Jourdan.
XXIII. Ne pourra aufîî être remis
es villes d' Alet , Fiac , Auriac , & Mon-
tefquiou , à la charge toutefois., que fi
aufdites villes aucuns de ladite Reli-
gion fàifoient inftance d'avoir un lieu
pour l'exercice d'icelle , leur fera par ks
Commifiàires que Sa Majefté députera
pour l'exécution de fon Edit , ou par les
Officiers des lieux , afîîgné pour chacu-
ne defdites villes lieu commode & de
fur accès , qui ne fera éloigne defdites
villes de plus d'une lieue.
XXIV. Pourra ledit exercice être
établi , félon & ainfi qu'il eft porte par
ledit Edit de Nantes , au refibrt de la
Cour de Parlement de Thouloufe , ex-
cepté,
cepté toutefois es Bailliages , Senechauf-
{ées & leurs reHbrts dont le Siège princi-
pal a e'té ramène a J'obeiflance du Roy
par ledit Sieur Duc de Joyeufe , auquel
J'Edit de 77. aura lieu : entend toutefois
fadite Majellc , <jue ledit exercice puiflè
être continue es endroits defdits Bail-
liages Se Senechauflces , ou il étoit du
tems de ladite rcdudion , & que la con-
ceiîion d'iceluy es maifons des fiefs , ait
lieu dans iceux Bailliages Ôc Scncchnuf-
{ées, ftlon qu'il eft porte par ledit Edit.
XXV. L'Edit fait pour la réduction
■de la ville de Dijon fera obfcrvc, & fui-
vant iceluy n'y aura autre exercice de
Religion, que de la Catholique, Apoflo-
lique ik. Romaine en ladite ville &
faux-bourgs d'icelle, ny quatre licuës
à la ronde.
XXVI. Sera pareillement obferve
TEdit fait pour la reduiliion du Sieur Duc
de Mayenne , fuivant lequel ne pourra
l'exercice de ladite Religion prétendue
Reformée, être fait es villes de Châlons,
& deux lieues es environs de Soiffons ,
dbrant le tems de fix ans à commencer
au mois de Janvier , an I59<5. pafle le-
quel tems y fera l'Edit de Nantes obfer-
ve, comme aux autres endroits de ce
Royaume.
XXVII. Sera permis à ceux de la-
dite Reliî^ion de quelque qualité qu'ils
foient d'habiter ,-• aller & venir librement
en la ville de Lyon , & autres villes &
places du Gouvernement de Lyonnois ,
nonobftant toutes defenfes faites au con-
traire par les Syndics & Echevins de
ladite ville de Lyon , & confirmées par
Sa Majefté.
XXVIII. Ne fera ordonné qu'un
lieu de Bailliage pour l'exercice de la-
dite Religion en toute laSenechauflée
de Poitiers , outre ceux où il eft à
Tome I.
C89)
prefent établi , & quant aux fiefs fera
fuivi l'Edit de Nanrcs. Sera au fTi ledit
exercice continué dans la ville de Chau-
vigny : ik ne pourra ledit exercice être
rétabli dans les villes d'Agcn , Ôc Peri-
gueux, encores que par lEJit de 77,
il y pût être.
XXIX. N'y aura que deux lieux de
Bailliage pour l'exercice de ladite Re-
ligion en tout le Gouvernement de Pi-
cardie, comme il a été ditcy-delfus ,
& ne pourront lefdits deux lieux ccrc
donnez dans les reiTbrts des Baillia;^es
ôc Gouvernemcns refervez par les Edits
faits fur la reduélion d'Amiens , Peron-
ne , ik Abbeville. Pourra toutefois le-
dit exercice être fait es maifons de fiefs ,
par tout le Gouvernement de Picardie ,
félon Ôc ainfi qu'il emporté par ledit Edit
de Nantes.
XXX. Ne fera fait aucun exercice
de ladite Religion en la ville & faux-
bourgs de Senî , & ne fera ordonné
qu'un lieu de Bailliage pour ledit exerci-
ce en tout le reflbrt du Bailliage , fans
préjudice toutefois de la permifîion ac-
cordée pour les maifons de ûds , laquel-
le aura lieu félon l'Edit de Nantes.
XXXI. Ne pourra femblablemcnt
être fait ledit exercice en la ville Ôc faux-
bourgs de Nantes , & ne fera ordonne
aucun lieu de Bailliage pour ledit exer-
cice à trois lieues à la ronde de ladite
ville : pourra toutefois être fait es mai-
fons de Hcfs , fuivant iceluy Edit de
N-intes.
XXXI L Veut & entend fadite
Majefté , que fondit Edit de Nantes foit
obferve dès à prefent , en ce qui concer-
ne l'exercice de ladite Religion, es lieux
où par les Edits & accords faits pour la
redudion d'aucuns Princes , Seigneurs ,
Gentilshommes 6c villes Catlioliqucs,
M il
il ctait inhibé par provifion tant (èule-
ment , & jufques à ce qu'autrement fût
ordonne. Et quant à ceux où ladite pro-
hibition eft limitée à certain tems , paf-
{é ledit tems , elle n'aura plus de lieu.
X X X i ï I. Sera baillé à ceux de
hdite Religion un lieu pour la ville,
Prévôté & Vicomte de Paris , à cinq
lieues pour le plus de ladite ville , au-
quel ils pourront faire l'exercice public
d'icelle.
XXXIV. En tous les lieux où
l'exercice de ladite Religion fe fera pu-
bliquement , on pourra aflèmbler le peu-
ple, même à Ton de cloches , & Faire
tous a<5lcs Ôc fonctions appartenans tant
à l'exercice de ladite Religion , qu'au
règlement de la Difcipline , comme te-
nir Condrtoires, Colloques, 8c Synodes
Provinciaux & Nationaux par la per-
mifîîon de fa Majefté^
XXXV. Les Minières, Anciens &
Diacres de lad. Religion, ne pourront être
contraints de répondre en Juftice en qua-
lité de temoins,pourles chofesqui auront
été révélées en leurs Confiftoires , lors
qu'il s'ngit de cenfures , linon que ce fût
pour chofe concernant la perfonnedu
Roy , ou la conicrvation de Ton Etat.
XXXVI. Sera loiiible à ceux de
ladite Religion qui demeurent es
champs, daller à l'exercice d'icelle es
C^o)
XXXVIII. Sera loifible aux pè-
res faifans profeffion de ladite Religion »
de pourvoir à leurs enfans de tels éduca-
teurs que bon leur femblera , & en fub-
ftituer un ou plufieurs par teftament,
codicile ou autre déclaration paflée par
devant Notaires , ou écrite de fignée
de leurs mains , demeurans les loix re-
çues en ce Royaume , Ordonnances &
coutumes des lieux en leur force & vertu,
pour les dations de provifions de tuteurs
& curateurs.
XXXIX. Pour le regard des ma-
riages des Prêtres , & perfonnes Reli-
gieufes qui ont été cy- devant contra-
éiez , fadite Majefté ne veut ni entend
pour plufieurs bonnes confiderations ,
qu'ils en foient recherchez ni moleftez :
fera fur ce impofé filence à (es Procu-
reurs généraux , & autres Officiers d'i-
celle. Déclare néanmoins fadite Majef^
té , qu'elle entend que les enfans iflùs
defdits mariages pourront fucceder feu-
lement es meubles , acquêts & con-
quéts immeubles de leurs pères & mè-
res, 5c au défaut defdits enfans, les pareils
plus proches Se habiles à fucceder : &
les tcftamens , donations , & autres dif-
pofitions faites ou à faire par perfonnes
de ladite qualité , defdits biens meu-
bles , acquêts , & conquêts immeubles,
font déclarées bonnes & valables. Ne
villes & faux-bourgç. Se vautres lieux où il > veut toutefois fadite Majefté que lefdits
fera publiquement étaWi,
X X X V 1 i. Ne pourront ceux de
ladite Religion tenir Ecoles publiques,
finon es villes & lieux où l'cxeicice pu-
blic d'icelle leur efl: permis : & les pro-
vifions qui leur ont été cy- devant accor-
dées pour l'ereélion & entretenement
des Collèges ,, feront vérifiées où be-
Religieux Se Religieufes profés , puif-
fent venir à aucune fuccefîion dire<Se ni
collatérale ; ains feulement pourront
prendre les biens qui leur ont été ou fe-
ront lailTez par telhment , donations,
ou autres difpofitions , excepté toutefois
ceux defdites fucceflîons direcfles & col-
latérales : & quant à ceux qui auront
foin fera, &: fortiront leur plein ^ en- fait profeflion avant l'âge porté par les
îier effet. Ordonnances d'Orlcans & Biois > fera
iliivie
fuîvie 5c obfcrvce en ce quî regarde lef-
dites fucceflions, h teneur defdites Or-
donnances , chacune pour le tenis qu'el-
les ont eu lieu.
X L, Sadite Majefté ne veut auflî
que ceux de ladite Religion , qui auront
cy- devant contraélé ou controéteront
cy-après mariages au tiers & quart degré,
en puiflTent être moleftez , ni la validi-
té defdits mariages révoquée en doute ;
pareillement la fucceflîon otéc ni que-
rellée aux enfans , nez ou à naître d'i-
ceux : Ôc quant aux mariages qui pour-
roientêtrejà contractez en fccoad de-
gré j ou du fécond au tiers entre ceux de
ladite Religion , fe retirans devers fadi-
te Majefté , ceux qui feront de ladite
qualité, & auront contraélé mariage en
tel degré , leur feront baillées telles pro-
vifions qui leur feront necelfaires , afin
qu'ils n'en foient recherchez ni molef-
tez > ni la fucce/Iîon querellée ni deba-
tuë à leurs enfans.
X L I. Pour juger de la validité des
mariages faits & contradez par ceux de
Ihdite Religion > & décider s'ils font li-
cites , fi celuy de ladite Religion eft dé-
fendeur , en ce cas le Juge Royal con-
noîtra du fait dudit mariage , & où il
feroic demandeur & le défendeur Catho-
lique, la connoiifance en appartiendra
à rOfficial & Juge Ecclelîaftique -, Ôc fi
les deux parties font de ladite Religion,
la connoiifance appartiendra aux Juges
Royaux : voulant fadite Majefté que
pour le regard defdits mariages, ^k difte-
rens qui furviendront pour iceux , les
Juges Ecclefiaftiques & Royaux, enfem-
blè les Chambres établies par fon Edit ,
en connoiflent refpedivemcnt.
X L 1 1. Les donations & légats
faits & à faire , foit par difpofition de
dernière volonté à caafcde mort , ou en-
C9O
tre vifs , pour rentretcnement des \fi-
niftres , Doéleurs , Ecoliers & pauvre»
de ladite Religion prétendue Rctormce,
<Sc autres caules pies , kront valables ,
ik fortiront leur plein îk entier etict ,
nonobstant tous Jugcmcns, Arrc-ts &
autres chofes à ce contraires , fans pré-
judice toutefois des droits de fa M.ijcfté
& l'autruy , en cas que lefdits légats &
donations tombent en main morte : &
pourront toutes actions & pourfuites
necefiàires pour la jouïflânce defdits lé-
gats, caufes pies, & autres droits, tant en
jugement que dcliorsjctre faites par Pro-
cureur fous le nom du Corps Si Com-
munauté de ceux de ladite Religion qui
aura intérêt ; & s'il fe trouve qu'il ait été
cy-devant difpofé defdites donations &
légats, autrement qu'il n'eft porté par
ledit Article , ne s'tn pourra prétendre
aucune reftitution, que ce qui fe trouvera
en nature.
X L 1 1 1. Permet fadite Majené à
ceux de ladite Religion eux aflcmblcr
par devant le Juge Royal , & par fon au-
torité égaler ôc lever fur eux telle fom-
me de deniers qu'il ftra arbitré être ne-
ceiïaire , pour ctre employez pour les
frais de leurs Synodes , & entrerenement
de ceux qui ont charges pour l'exercice
de leurdite Religion , dont on baillera
l'état audit Juge Royal , pour iceluy gar-
der: la copie duquel état feia envoyée
par ledit Juge Royal de fix en fix mois à
fadite Majcfté ou à fon Chancelier , 8c
feront les taxes <3c impofitions defdits
deniers exécutoires , nonobftant oppo-
fuions ou appellations quelconques.
X L I V. Les Miniltrcs de ladite Re-
lision feront exemts âçs Gardes 6: ron-
des , & logis de zens de iîuerre , d^ aii-
très affietres Ôc cueillettes de Ta; lies ;
cnfcmbîe des tutelles , curatelles & com-
M 1 mifTîons
roifîîons pour la garde des biens faifis par
autorité de Juftice.
X L V. Pour les enterremens de ceux
de ladite Religion , faits par cy-devant
aux Cimetières defdits Catholiques-, en
quelque lieu ou ville que ce foir, n'entend
fadite Majefte' , qu'il en foit fait aucune
recherche , innovation ou pourfuittc ,
& fera enjoint à ics OtSciers d'y tenir la
main. Pour le regard de la ville de Pa-
ris , outre les deux Ci<"netieres que ceux
de ladite Religion y ont prcfcntement ;
à. iiu'oir celuy de la Trinité, & celuy de
Saint Germain , leur fera baille un troi-
liime lieu commode pour lefdites fepul-
tures aux faux-bourgs Saint Honoré ou
S. Denis.
X L VI. Les Prefidens & Confeil-
1ers Catholiques qui ferviront en la
Chambre ordonnée au Parlement de
Paris , feront choifis par fa Majcfté fur
le tabLau des Officiers du Parlement.
X L V 1 1. Les Confeillers de ladite
Religion prétendue Reformée q>ii fer-
viront en ladite Chambre , affilieront fi
bon leur fcmble es procès qui fe vuide-
ront par ComniilTaires , & y auront voix,
dehbcrativc , fans qu'ils ayent part aux
deniers condgnez, finon lors que par l'or-
dre ik prérogative de leur réception ils
y devront affifter. ,
X L V 1 1 L Le plus ancien Prefident
des Chambres Mipartics prefidera en
l'audience , & en fon abfence le fécond ,
& fe fera h diftriburion des procès par
les d^ux Prefidens conjointement , ou
altemativemiCnt > par mois ou par fe-
inaine.
X L I X. Avenant vacation des Offi-
ces , dont ceux de ladite Religion font
ou* feront pourvus aufdites Chambres de
l'Edit , y fera pourvu de perfonnes ca-
pables, qui auront atteftation du Synode
(9O
ou Colloque dont ils feront > qu'ils font
de Jadite Religion &: gens de bien.
L. L'abolition accordée à ceux de la-
dite Religion prétendue Reformée par
le L X X I V. Article dudit Edit , aura
lieu pour la prife de tous deniers Royaux»,
foit par ruptures de coffres ou autrement,
même pour le regard de ceux qui fe le-
voient fur la rivière de Charante , ores
qu'ils euiTent été affectez & afîîgnez à
des particuliers.
LL L'Article XL IX. des Articles
fecrets fait en l'année 1577. touchant la
ville 6c Archevêché d'Avignon 6c. Coni-
té de Venifc , enfemble le Traité fait à
Ni mes , feront obfervez, félon leur
forme & teneur ; & ne feront aucunes
Lettres de marque, en vertu defdits Arti-
cles de Traitez, données que par Lettres
patentes du Roy fécllées de fon grand
feau. Pourront néanmoins ceux qui les
voudront obtenir fe pourvoir en vertu du
prefent Article , &: fans autre commif-
fion , par devant les Juges Royaux , leC-
quels informeront des contraventions »
déni de Juftice, & iniquité des Juge-
mens propofée par ceux qui dcfireront
obtenir lefdites Lettres , & les envoyé-
ront avec leur avis clos & féellé à fa Ma-
jefte , pour en être ordonné comme elle
veiïa être à faire par raifon,
LU. Sa Majcfté accorde & veut que
Maiitre Nicolas Grimoult foit rétabli ,
& maintenu au titre <Sc poffe/îîon des
Offices de Lieutenant General Civil
ancien , Si. de Lieutenam General Cri-
minel , au Bailliage d'Alcnçon , non-
obftant la refignation par luy faite à Maî-
tre Jean Margucrit , réception d'iceluy,
& la provifion obtenue par Maître Guil-r
laume Bernard de l'Office de Lieute-
nant General , Civil & Criminel au
fiege d'Exmes : & les Arrêts donnez
contre
(5)3)
contre ledit Margnent refign«aire durant LUT. Sadite Majeftc écrira à " fés
les troubles au Confeil Privé , es années Ambafladeurs de faire inftance & pour-
1 5'8€. 1 5 87. & 1 5 88. par lefquels Mai- fuite pour tous fes fujets , mcmes pour
tre Nicolas Barbier eft maintenu es
droits <!k preiogatives de Lieutenant
General ancien audit Bailliage , & ledit
Bernard audit Office de Lieutenant à
Ex mes , lefquels fa Majcfté a cafl'cz , &
tous autres à ce contraires. Et outre fa-
dite Majcllé pour certaines bonnes con-
fidcrations , à accordé & ordonné que
ledit Griraoult rembourfera dedans trois
mois ledit Barbier de la finance qu'il a
fournie aux Parties cafuellcs pour l'Office
de Lieutenant General , Civil & Cri-
minel en la Vicomte d'Alençon , ôc de
cinquante écus pour les frais: commet-
tant à cette fia le Baillif du Perche , ou
fon Lieutenant à Mortaione. Et le rem-
bourfement fait , ou bien que ledit Bar-
bier foit refufant ou dilayant de le rece-
voir î fadite Majeftc a défendu audit
Barbier , comme auffi audit Bernard
après la lignification du prefent Article
ceux de ladite Religion prétendue Re-
formée , à ce qu'ils ne foient recherchez
en leurs confciences, ni fujets à l'In-
quifition , allans , venans , fejournans,
negocians & trafiquans par tous les pais
étrangers , alliez & contederez de cette
Couronne , pourveu qu'ils n'oflènfent la
Police dçs païs où ils feront.
L I V. Ne veut fa Majcfté qu'il foit
fait aucune recherche de la perception des
impofitions qui ont été levées à Royan,
en vertu du contraint fait ave c le Sieur de
Candclny , & autres faits en continua-
tion d'iceluy , validant & approuvant
ledit contrnd: pour le tcms qu'il a eu lieu
en tout fon contenu j jufques au dix-
huiticme jour de Mai prochain.
L V. Les excès avenus en la perfon-
ne d'Armand Courtines dans la ville de
Miilant en l'an 1 587. & de J^an Reines
& Pierre Scigncuret , enfemble les pro-
de plus s'ingérer en l'exercice defdits cedurcs faites entre eux par les Confuls
Offices, à peine de crime de faux , &
envoyé iceluy Gri moult en la jouiffance
d'iceux Offices, ôc droits y appartenans :
6c en ce laifant les procès qui étoient
pendans au Confeil Privé de Sa Majefté,
entre lefdits Grimoult , Barbier & Ber-
nard, demeureront terminez & aflôup;s,
défendant fadite Majefté aux Pailemens
& tous autres d'en prendre connoiflance,
& aufdites parties d'en faire pourfuitte.
En outre fadite N4ajcf(:é s'efl: charge'e de
rembourfer ledit Bernard de mil écus
fournis aux Parties cafuelles pour iceluy
Office, & de foixante écus pour le Marc
d'or & frais : ayant pour cet eft( t prefen-
tement ordonné bonne (ikfuffifante af-
dudit Miilant , demeureront abolies &
aflbupies par le bénéfice de l'Edit , fans
qu'il foit loifiblc à leurs veuves & héri-
tiers , ni aux Procureurs généraux de Sa
Majefté , leurs Subftituts ou autres per-
fonncs quelconques d'en faire mention ,
recherche , ni pourfiiite ; noncbftant <Sc
fans avoir égard à l'Arrêt donné en la
Chambre de Caftres ledixie'me jour de
Mns dernier , lequel demeurera nul &
fans effet , enfemble toutes informations
6c procédures faites de par: dz d'autre.
L V L Toutes pourfuites , procé-
dures. Sentences , jugemens 6c Ar-
rêts , donnez tant contre le feu Sieur de
la Noue , que contre le Sieur Odei de
fif^nation , le recouvrement de laquelle la Noue fon fils , depuis leurs deten-
feVera à la dilii^ence 6c fiais dudit Gri- tions 6>c prifons en Flandres , avenues es-
moult.
^i 3
mois
inois (k Mai 1580. 5c de NoTcmbrf
1 584. & pendant leur continuelle occu-
pation aa fiit des guerres 6c le/vice de Sa
Mijeftéj demeureront caflèz & annul-
iez , & tout ce t|ui efl enfuivi en confe-
quence d'iceux : >5c feront lefdits de la
Noue reçus en leurs defenfes , Ôc remis
entelétit qu'ils étoient auparavant ief-
dits Ju^emens 6c Arrêts ; fans qu'ils
foient tenus refonder les dépens, ni con-
ilgner les amendes , i\ aucunes ils avoien:
encouru , ni qu'on puille alléguer contre
eux aucune péremption d'inrtance , ou
prelcription pendant ledit tems.
, Fait par le Roy étant en fon Confeil
à Nantes , le deuxième jour de Moi mil
ciaq cens quarre-vingts dix-huit.
Signé ,
HENRI.
Et p!u3 bas, F OR CET.
£t [éellées du ^4nd [mu de cire jiune.
HENRI pnr la grâce de Dieu >
Roy de France & de Navarre,
A nos amez & féaux les cens tenans no-
tre Cour de Parlement à Paris , Salut.
Nous avons au mois d'Avril dernier
fait expédier nos lettres d'Edit , pour lé-
tablifièment d'un bon ordre & repos
entre nos fujers Catholiques , & ceux de
ladite Religion prétendue Retbrmée :
Et outre ce nous avons accordé aufdits
de la Religion , certains Articles fecrets
& particuliers , que vous voulons avoir
pareille force 6c vertu , 6c être obrer\'ez
6c accomplis tout aiofi que nôtre Edic
A ces caufes , nous voulons , vous man-
dons j 6c très-exprefiément comman-
dons par ces prefentes , que lefHits Ar-
ticles (îgnez as. nôtre nuio , cy- attachez
(94)
fous ie contre-féel de nôtre ChanccHe-
rie , vous fa/Bez regitrer es rcgitres de
nôtredite Cour , & le contenu en iceox
garder , entretenir, & obferver de point
en point, tout de même que celuydc
nôtredit Edit : Ceilans & faifant ceiTcr
tous troubles 6c empêchemens au cpn-
traire. Car té. eft nôtre plaifîr. Donné
à Nantes, le deuxiéore jour de Mai,
l'an de grâce mil cmq cens non ante- huit.
Et de nôtre r^ne le neuvième.
Signé, Par k Roy, Forcet.
£t féellé fur fimple queue de cire jaune.
Brrcet accordé par Henri le Grand, 4 fes
fajets de L Religion prétendue Refor-
mée, /r 50. Avril, 1598.
AUjourdhuy troiiléroe jour d'Avril
1598. le Roy étant à Nantes,
voulant gratifier fes {\i]çis delà Religion
prétendue Reformée , & leur aider à
fuvenir à plufieurs grandes depenfes,
qu'ils ont à fupporter , A ordonne & or-
donne qu'à l'avenir, à commencer da
premier jour du prefent mois , fera mis
entre les mains de Monfieur de V^ierfe ,
Commis par Sa Mjjefté à cet efiêt,
par les Treforiers de fon Epargne , cha-
cun en ion année , des refcriptions pour
la fomme de quarante- cinq mille écus,
pour employer à certains affaires fecrets
qui les concernenr,que fa Nlajefté ne veut
être fpedfiez ni déclarez : laquelle fom-
me de quarante-cinq mil écus fera afH-
spée fur ks Recettes générales qui en-
urivent : A favoir , Paris , fis mille
écus; Rouen, fix mille écus ; Caen, trois
mille écus ; Orléans, quatre mille écus:
Tours , quatre mille écus ; Poitiers ,
huit mille écus 5 Limoges, (ix mille écuj;
Bor-
(95)
Ton Confeil (TEtat , & Secrétaire de ft»
Commandemens.
Signé ,
£t plus bas,
HEKRL
De NEUFVILtE.
AUjourdIuiy dernier jour d'Avril
1598. le Roy étant à Nantes,
Bordeaux , huit mille c'cus. Le tout re-
venant enfemble à ladite fomme de qua-
rante-cinq mille ecus ; payable par les
quatre quartiers de ladite année des pre-
miers , & plus clairs deniers defdites
Recettes générales ; (ans qu'il en puiflè
être retranché ni reculé aucune chofe
pour les non - valeurs , ou autrement.
De laquelle fomme de 45000. ecus
fcra fournir acquit de comptant, qui fera voulant donner tout le contentement
mis es maius du Thieforier de fondit qu'il luy e(t pofîlble à fes fujets de la
Epargne pour luy fervir d'acquit , en Religion prétendue Reformée , fur les
baillant lefdites refcriptions etitiei-es , demandes & requêtes qui luy ont été
pour ladite fomme de 45000. écus , fur faites de leur part, pour ce qu'ils ont efti-
Icfdites Generalitez, au commencement mé leur être neceifaire , tant pour la li-
de chaque année. Et où pour la cora- berté de leurs confciences, que pour
modité des fufdits feront requis faire Taflûrancc de leurs perfonnes , fortunes
payer en Recettes particulières établies , & biens. Et pour 1 aCurance c]ue S. M.
partie defdites aflîgmtions : fera mandé a de leur fidélité , Se finccre afteftion à
aux Trcforiei s généraux de France , ôc fon iêrvice , avec plufieurs autres confi-
Recevcurs généraux defdites Gencrali- derations importantes au bien de repos
tez , de le faire , en déduction defîlites de cet Etat ; Sadite Majcfté outre ce qui
refcriptions defdits Threforiers de l'E- efl contenu en l'Edit qu'elle a nouvelle-
pargiie; lefquel les feront après délivrées ment refolu, 8c qui doit être public
par ledit Sieur de Vierfe , à ceux qui luy pour le règlement de ce qui les concer-
fcront nommez par ceux de ladite Reli-
gion au commencement de l'année,
pour faire la recette & dépenfe des de-
niers qui devront être reçus en vertu
d'icelles ^ dont ils feront tenus rappor-
ïK ; leur a accordé & promis , que tou-
tes les Places , Villes & Châteaux qu'ils
tenoient jufqu'à la fin du mois d'Août
dernier , elquelles y aura garnifons , par
l'état qui en fera dreffé ik figné par
ter audit Sr. de Vierfe à la fin de l'annexe S. M. demeurcrort en leur garde fjus
lin état au vray , avec les quittances des
parties prenantes , pour informer fa Ma-
jefté de l'employ defdits deniers : fans
que ledit Sieur de Vierfe, ni ceux qui
feront mis par ceux de ladite Religion ,
foient tenus d'en rendre compte en au
l'autorité & obeïlfance de Sadite M. par
refpace de huit ans , à compter du jour
de la publication duditEdit. Et pour les
aiTtres qu'ils tiennent , où il n'y aura
point de garnifons , n'y fera point nlteié
ni innové. N'entend toutesfois Sadite
cune Chambre : dont & de tout ce qui Majefté , que les Villes & Châteaux de
en dépend Sadite Majeflé a commandé Vendôme *3c Pontorfon fo:ent compri-
toutes Lettres & Dépêches ncCeflaircs fes au r^ombre defdites places laifléeseii
leur être expédiées , en vertu du piefcnt garde à ceux de ladite Religion. N 'en-
Brevet , qu'elle a fait figner de fa main , tend au/fi comprendre audit nombrctla
& conri-ellgner par noas Confeiller en Ville , Château & Ciudelle d'Aubcnas ,
de
de laquelle elle veut difpoièr à fà volon-
té , fans que fi c'eft entre les mains d'un
de ladite Religion , que cela fafl'e confe-
quence qu'elle foit après afïe<5tée à un
autre de ladite Religion « comme les au-
très Villes qui leur font accordées. Et
quant à Chauyi^ny , elle fera rendue à
l'Evéque de Poitiers Seigneur dudit lieu,
& \qs nouvelles fortifications faites en
icelle rafées 6c démolies. Et pour l'en-
tretenement àt^ garnifons qui devront
être entretenues efd. Villes , Places <Sc
Châteaux , leur a Sadite Mijcfté accor-
dé jufques à la forame de neuf-vingts
mille e'cus, fins y comprendre celles de
la Province de Dauphiné , aufquelles fe-
ra pourvu d'ailleurs que de ladite fomme
de cent quatre-vingts mille ccus par cha-
cun an: leur promet <ik afliire en faire
bailler les afiignations bonnes & valables
fur les plus clairs deniers , où feront éta-
blies lefdites garnifons. Et oià elles n'y
fufîîroient, & qu'il n'y eût en icelles
afièz de fonds , leur fera parfourni le
{Iirplus fur les autres Recettes plus pro-
chaines, fins que les deniers puiïfent
être divertis defdites Recettes, que ladite
forame n'ait été entièrement fournie &
acquitce. "Leur a en outre Sadite Majef-
té promis (Se accordé, que lors qu'elle
fera & arrêtera l'état defdites garnifons ,
elle appellera auprès d'elle aucuns de ceux
dv ladite Religion , pour en prendre
leur avis , & entendre fur ce leurs Re-
montrances, pour après en ordonner; ce
qu'elle fera toujours le plus à leur con-
tentement que taire fe pourra. Et iî pen-
dant le tems defdites huit années, il y
a occafion de faire quelque changement
fur ledit état ; foit que cela procède du
jugement qu'en fera Sadite Majefié , ou
que ce foit à leur requifition , elle en
ufcra de même , qu'à le refoudre pour
(9<^)
la première fois. Et quant aux garni-
fons de Dauphiné , Sa Majefté drelfant
état d'icelles , prendra fur ce l'avis du
Sieur de Lefdiguieres, Et avenant va-
cation d'aucuns Gouverneurs & Capi-
taines defdites Places , Sadite Majefié
leur promet aufiî & accorde , qu'elle
n'en pourvoira aucun qui ne foit de la-
dite R. P, R. (5c qui n'ait attcftation
du Colloque oij il fera refident , qu'il
foit de ladite Refgion, (5c homme de
bien. Se contentera néanmoins , que
celuy qui en devra être pourvu fur le
Brevet qui luy en aura été expédié > foit
tenu auparavant que d'en obtenir la pro-
vifion , de rapporter i'atteftation du
Colloque d'où il fera , laquelle auffi
ceux dudit Colloque feront tenus de luy
bailler promtement, fans le tenir en au-
cune longueur ; ou en cas de refus , fe-
ront entendre à Sadite M. les caufes
d'iceluy. Et ce terme defdites huit an-
nées expiré , combien que S. M. foit
quitte de fa promelfe pour le regard def-
dites Villes , & eux obligez de les luy
remettre : toutefois elle leur a enco-
re accordé & promis, que ^\ efdites Vil-
les elle continué après ledit tems d'y
tenir garnifons , ou y laiflèr un Gouver-
neur pour commander , qu'elle n'en de-
polfedera point ccluy qui s'en trouvera
pourvu , pour y en mettre un autre.
Comme pareillement déclare , que fon
intention efl: , tant pendant lefdices huit
années , qu'après icelles , de gratifier
ceux de ladite Religion , & leur faire
part des Charges, Gouvernemens & au-
tres honneurs , qu'elle aura à diflribuer ,
(Se départir indiftèremment & fans aucu-
ne exception , félon la qualité «5c mérite
^Qs perfon nés , comme à ^ts autres fu-
jets Catholiques ; fans toutefois que les
Villes & Places , qui Iqur pourront cy-
après
(
après être commifcs pour y comman-
der , autres que celles <]inls ont à prc-
fent , puiflent tirer à conlèquence d ctre
cy - après particulièrement aftèdlccs à
ceux de ladite Religion. Outre ce Sa-
dite Majefté leur a accorde' , que ceux
qui ont été commis par ceux de ladite
Religion à la garde des magafins , mu-
nitions , poudres ik canons d'icelles Vil-
les , & ceux qui leur feront laiflez en
garde, feront continuez efditcs Charges ,
en prenant Commi/îîon du Grand Maî-
tre de l'AitiHcrie , ^ CommilTaire gê-
nerai des vivres. Lcrquclles Lettres fe-
ront expédiées gratuitement, m.cttant
entre leurs mains les Etats lignez en
bonne & due forme defdits magalîns ,
munitions, poudres & canons ; fans que
pour raifon defdites Commifîîons, ils
puifient prétendre aucunes immunitcz
ou privilège. Seront néanmoins em-
ployez fur rétat qui fera fait defdites
garnifons , pour être payez de leurs ga-
ges fur les fommes cy-defl*us accordées
par Sa Majefté pour l'entretenement de
leurs garnifons , fans que les autres Fi-
nances de Sa M. en foient aucunement
chargées. Et d'autant que ceux de ladite
Religion ont fupplié Sa Majefté, de leur
vouloir faire entendre ce qu'il luy a plu
d'ordonner pour l'exercice d'icellc en la
Ville de Metz , d'autant que cela n'eft
aflèz donné clairement à entendre , &
compris en fon Edit & Articles fecrets ^
Déclare Sa Majefté , qu'elle a fait expé-
dier Lettres Patentes , par lefquclles il
cft porté; Qiie le Temple cy-devant
bâti dans ladite Ville par les habitans
d'icelle leur fera rendu , pour en lever
les matériaux , ou autrement en difpo-
fer, comme ils verront être à faire;
fans toutefois qu'il leur foit loifible d'y
prêcher, ni faire aucun exercice de la-
^V- ■■ ■
dite Religion ; & néanmoins leur fera
pourvu d'un lieu commode dans l'en-
clos de ladite Ville , où ils pourront fai-
re ledit exercice public , fans qu'il foit
neceflaire de l'exprimer par fon Edit.
Accorde aufli Sa Majefté , que nonob-
ilant la defcnfe faite de l'exercice de la-
dite Religion à la Cour& fuite dicclle;
les Ducs , Pairs de France , Officiers de
la Couronne , Marquis, Comtes, Gou-
verneurs &: Licutenans généraux , Ma-
réchaux de Camp , &: Capitaines (.\t^
Gardes de Sadite Majefté , qui feront à
h fuite , ne feront rechcrcluz de ce qu'ils
feront à leur logis , pourveu que ce foie
en leur famille paiticuliere tant feule-
ment , à portes dofes , ôc fans pfnlm.o-
dier à haute voix , ni rien faire qui piiilVe
donner à connoître , que ce foit exerci-
ce public de ladite Relig'on ; & fi Sa-
dite Majefté demeure plus de trois jours
es Villes &; lieux où l'exercice eft
permis , pourra ledit exercice après le-
dit tems y être continué comme il étoit
avant fon arrivée. Déclare Sa Majeflé »
qu'atendu l'état prefent de fes aftaires ,
elle n'a pu comprendre pour maintenant
fes pais delà les Monts , BrefTe, & Bar-
cellone , en la permiffton par elle ac-
cordée de l'exercice de ladite R. P. R.
Promet néanmoins Sa Majefté , que lors
que fcfdits pais feront en fon obcillance,
elle traitera fes fujers d'iccux peur le re-
gard de la Rel'gion , & autres points
accordez par fon Edit, comme fes autres
fujets , nonobftant ce qui fft poitc par
ledit Edit ; & cependanffcront main-
tenus en l'état où ils font à prefent.
Accorde Sa Majvfté , que ceux de ladite
R. P. R. qui doivent être pourvus dçs
Offices de Prefidens ,S: Confeillers ciécz
pourfervir ésChamibies ordonnées de
nouveau par fon Edit , feront pourvus
H defdits
(98)
defdits Offices gratuitement, & fans de l'exécution de fonEdit, jurqu'à ce
finance pour la première fois , fur l'Etat cjue fondit Edit foit vérifié en <a Cour
qui fera prcfencé à Sa Majefté parles de Parlement de Paris-, nonobftant.
Députez de rAffemble'e de Chatelle- qu'il leur foit enjoint par ledit Edit , de
rault: comme auflî les Subflituts des iefeparcr promtement : fans toutefois
Procureurs & Avocats généraux crîgez
par le même Edit en la Chambre de
Bordeaux : & avenant incorporation
de ladite Chambre de Bordeaux, Ôc
de celle de Thouloufe aufdits Parle-
mens , lefdirs Subftituts feront pour-
vus d'Offices de Confeillers en iceux
aufîî gratuitement. Sa Majefté fera au/îi
pourvoir Me/îire François Pitou de
l'Office de Subi^itut du Procureur Gene-
ral en la Cour de Parlement de Paris :
& à ces fins fera faite érection de nou-
veau dudit Office -, & après le dcccs
dudit Pitou , en fera pourvu d'un de la-
dite R. P. R. Et avenant vacation par
mort de deux Offices de Maîtres des Re-
quêtes de l'Hôtel du Roy les premiers
qui vaqueront , y fera pourvu par Sa
Majeflé de perfonnes de ladite R. P. R.
que Sa Majefté verra être propres & ca-
pables pour le bien de fon fervice : &
pour le prix de la taxe des Parties Ca-
fuelles. Et cependant fera ordonné ,
qu'en chacun quartier il y ait deux Maî-
tres'des Requêtes, qui feront chargez
de rapporter les Requêtes de ceux de la- expédiées,
dite Religion. Permet en outre S. M.
aux Députez de ladite Religion aflem-
blez en ladite ville de Châtellerauit,
de demeurer enfemble au nombre de dix
en h ville de Saumur , pour la pourfuite
qu'ils puiflcnt faire au nom de ladite Af-
femblce aucunes nouvelles demandes,
ni s'entremettre que de la folicitation de
ladite exécution-, deputation , & ache-
minement des Commilfaires, qui feront
pour ce ordonnez. Et de tout ce que
deflùs, leuraSa Majerté donné fa foy
de parole par le prefent Brevet , qu'elle
a voulu ligner de fa propre main, ik con-
tre-(îgner par nous ks Secrétaires d'Etat^
voulant iceluy Brevet leur valoir , <Sc
avoir le même effet que fi le contenu en
iceluy étoit compris en un Edit vérifié
en (es Cours de Parlement: s'étans ceux
de ladite Religion contentez , pour s'ac-
commoder à ce qui efl de fon fervice »
& à l'état de Ces affaires , de ne la prefier
pas de mettre cette Ordonnance en autre
forme plus autentique , prenans cette
confiance en la parole «8c bonté de Sa
Majefté , qu'elle les en fera jouir en-
tièrement. Ayant à cette fin comman-
dé, que toutes les expéditions & de-
pêches qui feront necellàires pour i'exe-
cution de ce que defius , leur en foient
Ainfi figné.
Et plus bas
HENRI.
FO RGET.
TABLE
TABLE
DES
MATIERES.
A.
ABfolution^«lîo;', difficile à obtenir,
fag, 1 1 4. Il 5 . Le Pape je relâ-
che. 132. Ses hautes prétentions, ibid.
Son impatience. 141. Di ver [né d 'avis au
Confetl.hïà. Le plus relâché l'emporte.
ibid. Comniiffwn de la négocier a qui don-
née. 142, Demandes fuggerées au Pape.
145, Inftrucitons des Procureurs. ih\à.
Article favorable aux Reforme:^ 144.
Honteujes prévarications des Procureurs.
ibid. ôc 145. Articles de pénitence. 145.
I ^6. Excufes de ces articles. 1 46, Arti-
cles fecrets crus accorde? au Pape. 147.
Accommodement de Religion , propofé
fans effet, cf. Nouveaux projets d'ac-
commodement. 115. Autres a hioinpcU
lier. 259.
Ducd'AVoQ. Son confiil.^6.
Duc ^('Alençon , entre dans les intrigues.
45. Eft arrêté, \\iïà. Se fauve. ^^.
M&urt. 48.
Alliance d Efpagne. Première ouverture qui
en efi faite, j86. Cabale qui y poujfe.
407. 41 1. Vues de l'EJp.îgne en la pro-
Amboife , quelle en fut lentreprife. 11.
Etoit une aff.itïe politique. 21. 22.
Amiens , furpns par les Ejp.ignols. 1 83. Ef-
fets de cette perte, ibid. ik 1 84. Condui-
te des Reforme"^ après cette furprifc j.c
manque fos d' excufes. 189. Leur est
reprochée. 301.
Amiral de Châtillon. 22. 16. 30. Accufé
par Poltrot. 3 2. Pourfmvi. 34. Calom-
nié, p. 3 7. P\econctlté avec la Uaifon de
Guife, ibid. Se laiffe tromper aux artifices
de la Cour. 40. Esl bleff' par Maurevel.
41. Eshnaffacré.'ibid.
d'AndQlot accufé. Sa fermeté, ij. Sa
mort. 39.
St. André Vre fuient , grand perfecuteur,
20.21. Affjjfmé. ihïd.
Annexes. Leur ancien ufage. 3 7, Sont des
lieux ou il ji a droit d'exercice. z^B.
AntcchiiO. Ce nom est donné au Pape par
le Synode de Gap. 394. Qucflion de
l' Antéchrist interdite a iAffewblee Géné-
rale, ^zo. ^zj. Renouvellée au Synode
de U R ochelle. 442 . Surftfe par ordre du
Roy. 443. Traitté fur cette matière pre-
fenîé au Synode de St. Maixant. 45 (S.
Armes , prifes par le Prince de Condé. 30.
Jufiifues. ibid. Reprifes. 3 7. St on les
peut prendre pour la Religion. 73.
Aiticles , accordez, a Mantes entre les Com-
miffaires. 109. De l'Affcmhlée Générale
de itc. Eoy. 128.1 19. De celle de Sau-
mur.i^o. Aiticles de pénitence. Voye7
Abrolution,
AitiHces. 40. 70. 71. 8(>. 91. Des Efpa-
guols. 95. Du Roy pour difpofr les Re-
formc':^à fa con\'cri)cn. 96, Peur cor-
rompre des Miiiifîres après le changement
du Roy. Ji2. Vour empêcher qu'ils n'en
parlent en termes forts. 115. Pour fe-
mcr la divifion & U terreur. 125. Pour
tirer le Prince de Condé des mains des
Reforme?. 151. Pour Us rendre odieux
au Roy. 156. 1 5 7. i 58. Du Pape pour
tenir le Roy dans fa dépendance, i 58.
Du Duc de McriOiUr pour fe maintenir
161. Pour faire goûter l'Edita quel-
N z ques
T A B
qties inecontem. 2 5 5. 1 5<$. Vour troubUr
UpMX de Religion. 293. 3S6. 587. 388.
454. Four ja'tie juccomler Du PUjjis
à Fontaintbleau. 344. 6i luiv. Pour en-
gager Hemi IV. a détruire les 'Refonm':^.
l'es. Four tUider le Décret p^^p' a dp.
398. FoHr empêcher la couver lion des E c -
dtfujliqHes.^^o. Pour aigrir la Reine
contre le Roy. 455.
AlTemblée fur la Religion à Helua. 11.
- - - ^ Mdhuîi. 43.
- - - à Saune Foj)'. 111.116. Tro-
fofuioiis. ib:d. Sesrefolutions. 127. 128.
ëcc. Règlement gênerai, ibid. Articles
fecrets. 1 29. Elle reftife d'ouir les Dépu-
te? de ijucl^iues jedhieux. 131.
Afleinblce Générale a Saumur. 13S. 159.
Raifons de la tenir, ibid. Et de la permet-
tre, ibid. ]sourelUs prepofitions. 140.
Articles oàfe reduijentjes demandes. ib:d.
Elle députe au Roj , 1 54. qui demaride fe-
.cours aux Reforme? contre l'Efpag}:ol ,
ibid. & mécontente les Députe:^: 155.
155, ce qui produit de nouveaux projets
de l'Affi. mblee , :bid. transférée a L oudun.
1 55. Ses plaintes & fes démarches. 16 j.
Elle députe au Roy, ibid. £i? refoltté
d'attendre à Loudun la reponfe du Roy :
168. ce qui attire un ordre frère de fe
feparer , 169. cr porte prefque let cho-
fes a iextranné. ib'.d. L'Ajfernblée trou-
ve tnaurais que Cilignon ait accepté la
qualité de Commiffaire du Roy. 1 76. y:e
(e contente pas des pouvoirs des Commif-
faires. ib:d. Esi transférée a Vendôme.
177. Elle infifîe fur la fureté, ih'.d. Sur
le payement des Miniftres , ér fur U Juf-
tice.iyS. Se relâche fur l'exercice -, (^
obtient compenfation. ïà\d. N'esi pascoK-
tente des nouveaux pouvoirs des Commif-
faires. 181, Les divifwnss'ygUjfefit. 182.
Elle fe rend à Saumur. iS^. Troubles
après la furprife d'Amiens. 1S4, Elle
LE
ne veut point traitier par Députe? avec
les Commijfaircs. 1 86, Tour qu'elU donne
a fts rcponjes. 187. Efî tr.inijeree a C hà-
tcUeraud, 188. où elle eH plus nombreu-
fe que jatnais. ibid. Ellefc depfle de plit-
feurs demandes. 193. Doute fur lu for-
me du Tramé. 194. Recherche linter ce f-
fiOn des Etrangers. 197. Continué fts in-
jiances.iii. Difficulté'^ non emore le-
vées. 221.222. i 'Ajjemblée séton ne de
voir le Roy avec une armée aux perles de
ChàtcUeraud. 223. Peut laijjer dix Dépu-
te"^ aS.îumur, en attendant la vérifica-
tion de l'Edit ,250. qui travatlknt a em-
pêcher l'effet des oppofitions. ly^. Leurs
Cahiers jur les ch.mgtmens faits k lEdtt,
285. Reponfes. s 89. *5c fui v. lUfe ren-
dent a Saumur. 355. O^und ils fe reti-
rent. 1=^6.^66.
Autre Al]cmbleeptr7;;i/f 4 Sainte Toy. ^66,
376. Ces Affcmblees fufpicics au Roy,
neceffaires aux Reforme?. 567.
Afl'emblce Générale à ChAttlicraud , 412.
ouRoni fe trouve avec infiru^ions. .i\i<).
Comment il y esi traitté. ^11. Propofi-
tion de ne tenir plus d'Affemblées Généra-
les. 42 5. Renouvellement d'Union: 426.
excufé. ibid. L'Affemblée ne parle point
dis premières altérations faites a lEdit.
427» Elle députe au Roy. ^1^.
- - - Autre à Gergeau : 448. écrit
au Ro}' fans députer. 450. Isomme f\x
perfonnes. ibid.
Anemblees Politiques. Sentimens de du
Fkffxs fur ce fnjet. 78.
Aflemblccs a Paris. 1 5.
Airemblées duClergé. 161. iji. Hara)i-
gue de fes Députe?, ibid. Reponfe du
Roy.zyz. Autre Affemblée.^z^. Ha-
rangue , & fon caraâere. ibid. Article
de fes Cahiers. ^^10. Autre Affcmblée.
450. Pompe de fa deput.iîion.^<)i. Ses
infiances pour la puliicattorr du Concile
de
DES MATIERES.
de Trente m,tî reçues, ibid. il f/it un fond
pour les Minijires convertis. 451.452.
Aubignc. 161. 251. 255. 555.
B.
BAîllingc. 230. Droit du fécond lieu :
229. 230. nesi pas une conceffon
tout a fait nouvelle. ib:d. Lieux com-
ment délivre":^ par les Commiffaires. 56 j.
354.
Bâillon inventé : mort étrange de fon inven-
teur. 14.
Diicbejfe de Bar. Voi Madame.
Bataiik de Dreux. 51. De Moncontour.
59. De Coutras. 49. D'ïvri: 73.
dont on perd le fruit. 74.
Bâté me rf^; enfuis empêché. zo6. Admi-
nifîré par des Prêtres avec violence. 210.
21 1.
Bcarn. Révolution en Be.irn.l^. Retablif-
fcment de U Religion Catholique. 284.
285.
Beraud , Minijlre célèbre , entre en confé-
rence a Mantes. 112. Se fait approuver
au Sjnode Natiotial. ibid. Brigue la De-
putation générale, 425.
Beze. Honneur qu'il reçoit du Ro^ Henri JV.
•■358.
■Maréchal de Biron , demande le Perigord
en fouvcraineté. ^'). Son entctemcm en
matière de Religion. 76. h(i d'un efprit
factieux. i-Jl- Sa mort. 584.
M.trechal de Bouillon , ferme dans la Reli-
gion. 42. Ne s'oppofe point à la con ver-
lion duRo)'.^6. Nommé Commiffaire
pour traitter d'un Edit. 109. Son caraC'
tere. 121. Il veut faire donner la Pro-
tedton à l'Eleveur Paiitin. 125. Ses
vues. ibid. Ambaffadcur extraordinaire
en Angleterre. T55. Rifufe de faire un
article du Traittéde Ligue tn faveur des
Reformez,, ibid. Efl fufptci ,iu Roj'. 160.
Veut faire prendre les armes. 184. Ce
qu'on en juge. 184. 185. A quoy fervent
fes troupes pendant le fiege d' Amiens. 19:.
195. Prend pour luy les menaces de U
Cour. 221. J/ est bun reçu du Roy. 224.
Se charge de faire goûter aux Rtforme-^^
le delajf de virijier l'Edn. i<^<^. il tst
averti d'une Ligue contre la Riformez.,
574. Sadifgrace. 5^4. Il ne veut pas
fe mettre a la difcretion du Roy. ibid. Il
comparoitala Ch.imbre de Caflres. ibid.
6v 3 8 5 . Il veut faire paffer fa caufe pour
une afuire de Religion. 185. 412. Ses
intrigues. 415. Le Roy veut luy fiire U
guerre. 4 1 (î. j/ ordonne de rendre fes
Pl.ices auVyoy. 427. Il fait fa pa:x,
431-
Antoine de Bourbon , Roji de Navarre, i <5.
18.28. 29.
Du Bourg , Confeiller au P.trlement de Pa-
ris, 7nis en prifon. iS. Sa mort. 10,
Brevet, fur le ferment du Sacre. 1 1 7.
- - - pour le payement des Mintfires.z^j.
- - - pour la garde des rl.ices.'iWul. Con-
tient plufieurs articles. '\\y.d. ik 248. 249.
Sa comlufxon importante, 250. Eorce de
ce Brevet, ibid.
- - - pour les gratifications particulières,
251.
- -- - fur U tenue des Synodes, 276.
Brevets fur la g.irde des Places de fureté,
Brochard B.iron , révèle une Ligue contre les
R eforme:^ 374. il débite ce f.iit en Alle-
magne & en Hollande. 375. Fondement
de cesdifco!{rs.\b\d. Portrait de Baron
par d'Ofit. ib'd.
Bulle de Grégoire XîV. contre le Roy,
comment reçue. 79.
Bulks obtenues pour rompre la p,ùx. i'^.
N 3
Cabale,
T A B
C.
CAbale , dont on rend Us Reformez, fuf-
fects. i6o.
- - - Efpagnole dans le Confeil de
France. 386. ^06.
Cabrieres. Majfacre i & la recherche qui en
eïl faite. 15.
Cahiers des Reformez^. 285. & fuiv. Repon-
{es. 289. & fuiv. 370. 371, Autres
Cahiers. IJ 6. Reponfes. ibid. Cahiers
de Sainte Fo^. 377. Reponfes direrfes
félon les cas. 382. Cahiers nouveaux.
391, Autres Cahiers. 411, Reponfes.
412. Autres Cahiers, ^i<^. ^16. Re-
ponfes. 437. Cahier de Normandie.
440. Reponfes. ibid. & 441. Nouveaux
Cahiers. 455. Repondus, ibid. & 456.
Calomnies, co/v/ré" /é-j Reforme?. 16.16.
Apres la St. Barthelemi. 41. Pendant
leurs AjfembU'es Générales. 171. 184.
186. 187. Touchant la bleffure du Je-
fuite Cottoth 402,
- - - contre Jaques Augufie de Thou,
405.
- - - contre la Rochelle. ^6^, Refu-
tée. 4(^5.
Calvin. Commencement & progrés de fa
prédication. 10.
Du Frêne Canaye , un des Commiffuires à
la Conférence de Fontainebleau. ^^^. Son
caractère, ibid.
Capucin, débite des extravagances fur le
mariage du Roj Henri ir. 373.
Capucins, roi Confpiration.
Cardinal de Chatillon fe marie. 32. Procès
' de fa veuve. 4 r 3 . 4 1 4.
_ - - dejojeufe. 165. Le Pape fe
plaint à luy de l'Edit de Nantes, 278.
279. il repond au Pape. 281. Bref
quil rend au Clergé. 451.
- - - de Soudis.^j^.
LE
Cafaubon , l'un des Commt^aires a la Con-
férence de F ontaineble.iU. 547. 349,
Son caractère, ibid. il promet de perfie-
verer dans la Religion. 370.
Catherine de Medicts. 15. 18. 21. 22. 23.
A recours au Prince de Condé , puis le
defavoue. 30. Ses maximes avec Us Re-
formez.. 303.
Catholiques. Leur dureté pour Henri IV.
55. 56.60. 85. Leur ingratitude pour
les Reformez.. 65. Leurs difpofxtions peu
équitables. 69. 70. 75.96.157. 195,
196, Leurs artifices pour gagner le Rojf,
86.91. Leur prévarication pour empê-
cher la paix. 89. Leur infidélité. 95,
Ils infultent au malheur des Reformez^
après le changement du Ro^. 1 06^ lli
empêchent les Députe":^ des Eglifes de le
voir. 107. Ils veulent , a l'exemple des
Ligueurs j oter l'exercice delà Religion
Reformée de certains lieux. 117. Ils font
fufpe^s au Rojf. 185. ils ne veulent
point de Traitté avec les Reformez, que
tous les Ligueurs ne foient contens,^^6.
Malices de quelques Catholiques. 205,
213.378. Ils ne veulent accorder aux
Reforme? rien de nouveau. 226. 227.
Ils confervent l'avantage a leur Religion
dans les Edits. 229. 230. Leurs pro-
meffes pour fe rétablir en Bearn. 285.
Reproches qu'iUfont aux Reforme?. 300,
301. Leur confentement a l'Edit de
Nantes, Voi Traittc. Ils s'ojfenfent de
l'article drejfé a Gap. 396. ils fonttO'
1ère? dans les Provinces Unies. 460.
Chimhîes ardentes. 20.
Chambres fupprimées. 8 1 . Projet d'en éri'
ger une À Moulins i ou à Clermont-ySz,
par qui appujé. 2)1. 84.
Chambres Miparties. 236.278.282. A
Caflres pour Thouloufe. ibid. Retient la
caufe du Maréchal de Bouillon. 385. Pour
Bourdeaiix, 236. 282. A Grenoble, ibid,
Chara»
DES MA
Chambres de PEdit-» a Parii. iy6. 282.
A Rouen. 256. 577. Coiumenî on la
devait former, ij-j. Service des Con-
jc'fllers Catholiques dans ces ChajJibres.
3 7<5. Plaintes fur lefujet de ces Cham-
bres. 579. 580. Rcponfcs favorables.
383. Aîtemte a leur Jurifdiciion. 457.
Charnier, Mimfire cekbre. 253. Prefde
au Synode de G.ip. $<^6. eH mal re^u à
la Cour. 446. Son caractère. 447.
Chancelier de l'Hôpital , fufpecl de favori-
fer les Reforme"^ 3 8.
Charcnton. L'exercice y esl permis pour
les Reforme":^ 4 5 4. Oppofuions. 455.
Charges. 'Les Catholiques en veulent exclure
les Reforme':^ 80. Les Ligueurs eonftn-
tent qu'on les admette au quart. 90. La
Cour des Aides les y reçoit, ^i. Duntc
du Parlement là'dejfus ; 95. de la Cour
même: 119. & en divers Parlemens. i 20.
Raifon qui force le Confcil a les y admet-
tre. 135.135. Dijficitltez. au Parlement.
ibid. & i 3 7. Lieux oii les Reforme7 en
font exclus. 213. l 'Edit de Kantes tes y
admet, 235.6.: fuiv. Illufon qu'ils fe font
fur ce fujet. 238. 239. r doivent être
pourvus gratuitement la première fois.
249. Charges de Maîtres des Requêtes
promifes. 250. Nouvelles difficulté? en
vérifiant l'Edit.zjj^.ij^. Excufes de
leur admifjion propofées au Pape. 282.
Altération importante à l'article des Cliar-
ges. 291. Création de nouvelles Char-
ges. 360. Plaintes touchant les Cha rges.
381. Charges Miparties. ibid.
Charles I X. z6. Sa profonde diffimulation.
41. Sa mort. -^7,.
Charpentier. Son caractère , C"" fa lettre
contre les Reforme'^ 41.
Chartreux. Vot Conlpiiation.
Châtillon. Voi Amira]. Mort de fon pe-
tit-fis. ^^-1.
Chauve, Mtnifire célèbre. Son caractère,
S95-
T I E R E S.
Chicanes. 80. Du Procureur General. 157.
Du Parlement de Grenoble fur la récep-
tion de Vulfon. 167. Faites aux Reforme?
fur le payement de leurs garni fons. 173.
Sur les conceffons des Comnujfaires de
l'Edit. 1^6. Sur les preuves des droits
d'exercice. 231. Sur la poffeffion aqutfe
par l'Edit ^f 1577. p. 363. Des Sei-
gneurs , fur les lieux d'exercice pris dans
leurs fefs. 440.
CimctiCics. Voi Sépultures.
Clairvoyans des T-glifes. 443.
Clément VUl. Pape. Pourquoy modéré fur
les affaires de T^eligion. l^^.
Clergé. San crédit. 13. Empêihe le chant
des Pfeaumes, 16. S'alarme de l'équité
de la Cour ,27. & fe racheté de la peur,
ib:d. Paye a regret de greffes fommes
pour faire la guerre qu'il a confciÛée. 48.
Se jette tout entier d.ws la Ligue. 50.
Petit nombre qui fuit le Rojf. 79. S'af-
femble , & drcffe des articles. 82. V.ivo-
rife le tiers party. 83. Ses intentions. 84.
Veut dépendre de Rome. 85. Veut faire
jurer au Roy la dijlruciion des Héréti-
ques. 98. Demande un Edit pour rciinir
/fi Hérétiques. i5i. Sesi)itentions pa-
roiffent bonnes. i6i. Il obtient un Edit
pour fes ajfiires , ibid. 6" /•' rcjïttution de
fes biens, ibid. J/ eïl attaqué par les
piiintes publiques des Reforme?. 204.
Ses apportions à la vérification de l'Edit.
271. Sesdem.indcs fur ce fujet. 272.
Son entêtement. 277. 291. il croit que
les Rois peuvent traitter avec leurs fujets,
325. Sa maxime remarquable. ^^^.
Comment il est intervenu à l'Edit. 3:;<1
& fuiv. Il s'oppofe à l' enterrement des Re-
forme? dans les anciens Cimetières. ^64.
Se plaint de contr.ivemions à l'Edit. 4:9.
Coligiiis. Leur pouvoir. 19.
Collèges, permis vtrb.iU'mcnt d'en avoir.
110. Empêchez, en divers lieux. 212.
Exemptions
T A
ixemttions demandées pour les Collèges.
5 ~6. Regens c^ Ecoliers exclus des Col-
lèges Catholiques. 578.
Colloc|ue de Poijfi : 27. fam effet. 28.
Coramilîaires , tiomtne:^ pour drejfer un
Edit. 109.
- ' ' du Roj à l'Affemblée Générale.
174. Vie & Cjlignon.i-/6. Leurs pou-
voirs efiimez, trop bornez,, ibid. Leur re-
tour à l'Affemhlée. 180. Scbomberg &
De Tbou. 185. Demeurent feuls Corn-
jniffiires. 1 95 . Accordent divers articles.
194. Effet de leur modération. 195. Ils
font diflraits du Traitté par d'autres com-
miffions. 195. Sont calomnie? par le
Clergé. 2-/^.
- - - exécuteurs de l' Edit. 1^2. y^o.
Comment ils s'en aquittent. ^60. ^61,
565. t^e vont pas par tout, ^j y. Ad-
joint demandé a leurs Subdcleguez. Ca-
tholiques, ibid.
- - - pour la conférence de Fontaine-
bleau nofnme? par le Rojf : 549. qui en
fuite change la nomination, ibid. Leur
jugement en faveur de Du Perron. 552.
Commdec Je fuite. Son impudence. 269.
Compenfation , prétexte des nouvelles grâ-
ces accordées aux Reforme?. 178. 179.
22(5.
Concile à Bourges. 10.
- - - à Paris, ibid.
• - - à Trente. II. Transféré à Bologne.
12. Remis 4 Trente, ihid.^z. .S^^w. 54,
Sollicitations pour le faire publier en
France. 280. 284. 429. 450.
Condamnez. On empêche les Reformez, de
lesconfoler. 209. 382.
Condé. Prince de Cov.dé.i^. Chef fecret
de l'entreprife d'Amboife. 25. Ménagé k
/4 Co«r. ibid. Arrêté. 16. Cor.damné à
mort, ib'.d. Sauvé par la mort du Rojf.
ibid. Prend les armes, ^o. Eïlfaitfri-
fonnier. 52, Repend les armes. 5 7. En
BLE
danger d'être furpris à tioyers. 59. 1?/-
prend les armes. 59. Eii tué a Baffac.
ibid.
Prince de Condc (^Is). 42. Se fauve en Al-
lemagne. 45. Fait reconnoiffance publique
d'avoir été a la Meffe. ibid. En élu Chef
des Refonne"^ ibii. La manière dont il
reçoit les lettres des Etats. ^6. Meurt cm"
poifonné. 49. Sa veuve accufée & con-
damnée accouche d'un fils. ibid.
Prince de Condc (fils) élevé à St. Jean
d'AngcU. 89. On le veut tirer des mains
des Reforme:^^. 155. Diffictùtez.. ibid.
151. 152.155. il est remis entre les
mains de Pifani. 155, Précautions pour
la fureté de fa Religion. ib\d. La Cour
les viole, ibid. & 2 1 1. Jujlification de la
Frinceffe , 155. qui change de Religion,
154. Uariage du Prince. ^61. Il fort
de France avec fa femme, ibid.
Conférence de IS/erac. ^6.
- ' ~ de Fleix. 47.
- - - de St. Bris. 49.
- - - entre Villeroi & du Pleffis , 87.
fans effet. 89. Préjudices qu'elle caufe
aux Reformez., ^o. Autres conférences
inutiles. 96.
- - - propofée d'où on exclut du Plef-
fis. 96.
, - ' de Mantes. lUufion de cette con-
férence, ^y.
- - - frauduleufe. m.
- - - de Fontainebleau, ^^o. Occa-
fion. 342, Difficultez.. 345. Artifices,
544. Entêtement des peuples pour les
conférences. ^^2. Conditions injujies de
la conférence, ibid. Protejlations récipro-
ques. 351. Ordre de la conférence, ibid,
Conclufion du premier jour. 352, Refle-
xions, ibid. Rupture de la conférence. 354.
' ' - de Gigord avec le Jejuite Cof-
ton. 449.
Conférences de Religion promifes.SS. ^6,
Con-
DES MA
Conférences à l'occafion de Madame fceur
du Roy. z6-j. 40(5.
E^ets des Conférences. 448.
Qonnh:\h\Q de Hommorenci. 17.19. Sa,
mort. 57.
Confciencc des Reformez, , forcée en plu-
/leurs chofes. zio. m. Droits de fa
liberté. 319.
Confeil General créé à Ste. Voy. 127. Con-
feils Provinciaux: 128. dont Cétahliffe-
ment a peu d effet, 424.
ConfeiUers du Parlement de Paris fufpeiis
d'{-{crd\e& emprifonnez.. 18. Leur élar-
gi ffement. 20.
ConCpiration de Barrière contre la vie du
Roy. 105.
. ^ . de Chatel & des Je fuites. 135.
- - - Capucins (j Chartreux s'en mê-
lent. 265. Prétexte des confpirations.
ibid.
- - - du Maréchal de Biron. $B^.
- - - des Poudres, j:^^^.
- - - générale contre les Reformez,.
442.
- - - peu approfondie. ^'^S.
Converfion du Roy. Artijices qui Vavan-
cent. Voi Catholiques. Miniftres. Du
Perron. Rôni. R^ifons poiitic[ues tou-
chant cette conrerfwH. 93. Moyens dy
faire confenttr les Reforme"^ 96. Eji ren-
due fufpech au Pape. 1 5 S . 3 4 1 .
- . - des Prêtres & des Moines, ^jo.
- - - des Miniftres. Fond pour la pro-
curer. ^<)i. 452.
Converfiohs à la mode, 449.
Cotton Je fuite, ami de Lcfdiguieres. 160,
393, Permet Chypocrifxe.hxà. Son ca-
ra^ere, & fa faveur 393. Son crédit
fait modère) les conditions impofees a fon
Ordre. 40 r . lle'si bleffé ".. r un inconnu.
402 . Il fft Confeffi ur du, Roy. ibid. Son
naturel fourbe & w.pudent. ibid. Quef-
tions qu'il devoit faire À une poffedée.
Terne L
T I E R E S.
402. 6c luiv. Malice quil fait auDttc
de SuUi. 439. Sa profeffion de Couver-
tireur. 448. Sa conférence avec Gigord.
449. Le Roy luy commet l'educutun du
Dauphin. 451.
Croquans. 130. Arttjice pour les diffipef.
13..
Cruautez , à Amboife. 22. Pendant U
première guerre, 31. A Rome contre
deux Hérétiques. 147.
D.
DAnct, Evêque de Lavaur , affifle au
Concile de Trente, 12.
Dauphin. Sa naiffance. i,-j i,. Prcdiilion fur
fa naiffance. ib^d. Son tducation commifc
au Je fuite Cotton. 451.
Declararion. Projet d une nouvelle en fa-
veur des Reformez,, 74- 75- approuvé -,
puis révoqué. 76. Autre donnée à Saint
Germ.tin. 135.
DeMances. 36. 37. 65. 133. i6j^.i6^.
173. 219. Réciproques. 182.
Députez des Eglifesy reçus du Roy. loS.
Trouvent défectueux les articles arrêtet.
p.xr les Comvtipires. 1 1 o. Font des re-
montrances mutiles. III. Se retirent me-
contens. ibid.
- - - del'AffembléedeSte.Foyi amu-
fe'^ala Cour. 131.
- - - ^f l'Affemblée de Chatellcraud ,
tie veulent rien relâcher des chofes accor-
dées. 196. Peuvent Liilfer quelques uni
d'eux a Saumnr -, jufqu'à la veripcatioH
cir exécution del Ldit. 250.
- - - dé l'AjJiniblée Générale, bien
reçus à la Cour 4:9.
- - - Généraux. Leur origine. S 6-j.
Differens avec la Cour fur U nombre &
la qualité de ces Députe^. 368. Sur le
tcms du fervice. ibi-J. lN: 441. Stir U
manière de les nommer. ^ 69. 441 . Clun-
O gemens
T A
gemens fur ce ftijeî. ^6^. St. Germain
Cr Desbordes premiers Députez. Ge/ie-
raux.^ôS. Le Roy deriunde une noaii-
tution de fix personnes : 41 S. & l'ob-
tient. 424. 425. La Noué & du Cros
' élus. 425. Fropofiticii d'en avoir un troi-
fiéiue de l'Ordre des Minifires. 425. Vil~
larnoul & Mirande nomme? feuls au Sj-
mde de la Rochelle. 445. Le Roy refiife
de les agréer: 447. & en fuite les ap-
prouve. 450.
Dîmes adjugées au Clergé, 55. Les Refor-
mez, veulent s'exemter deles paver. 1^1,
Donations autorifees. 1 10.
Droits Civils confervez. par l^'Edit aux Re-
formez,. 255.
E.
ECoIes empêchées. 2 1 1. 2 1 2. Difficultez.
a ce fuj'et en tr autant l'Edit. 252.
234. Comment terminées, ibid.
Ecrit figné du Roj Henri IV, & des Frimes
du Sang , donné aux Reformez.. ^6.
- - - de plaintes, zoo. Caraiiere de cet-
te pièce. 201.
'Ecnisdes Reforme '^irritent les Vuiffances,
2 I.
- - - pour cr contre VEdit. ^00.
Edit de Chateaubriant. 12. 18.
- - de tolérance. 16.
- - de 'janvier -i 19. confirmé, ^o.
- - captieux. 3 S. Autre de revocation des
precedens. :bid. Autre qui prive les Re-
formez, de leurs charges, ibid.
- - en faveur de ceux qui fcroient paifibles.
45.
- - delachîqtiicme paix. i\<y.
- - de i^jj. ou de Poitiers. ^6. Comment
exécuté. 47. Rejette par les Reforrr.ez.,
IG9. 124. 166. Eil vertjié À Rouen:
178. ca qui offenfe le Pape : 179. que
d'Ojfat appaife, ibid. Chicane fur la fof-
BLE
feffion aquife en vertu cU cet Edit. 5<Jj.
Plainte fur ce fujet. 377. Pxtponje fa-
vorable. jS},
Edit d'union contre les Reformez.. 49.
- - 4 Mantes. 79.
- - 4 Traver ci en faveur du Clergé. 161,
~ - de Nantes. Quand conclu. 224. Esi
confgné entre les m.iins des Députe?,
ibid. Dij^cultez. fur la chofe y & fur U
inaniere, 225. Edit nouveau requis cr
obtenu. 226. 227. Diverfes formes de
conceffwns.i^'y. Edit.ïûià. Articles fe-
crets. ibid. Brevets. 246. Effets de U
coihiufion de l'Edit. 255. Delay de la vé-
rification, ibid. & 260, Atteintes pot'
tées a l'Edit pendant ce delay. 271. z-j6.
Leur importance. 286. Il esi enfin véri-
fié. 278. Reconnu donné en pleine paix,
280. Son utilité à l'égard des Catholi-
ques.i^i. Générale, ^oj, Confidera-
tions fur l Edit. 3 o 7. & luiv. Sa neceffi-
té. 309. Sa juftice, 3 1 2 . <Sc fuiv. Natu-
re des droits qu'il conferve aux Reformez^
314. & fuiv. Ses conceffions ne font
préjudice a perfonne. ^i6, SonirrevocA-
hiUté. 317. & fuiv. lorce des termes,
317.518. Matière de V Edit le rend ir-
révocable. 319. Comme aufft la forme de
Traitté. 321. 323. La forme d'Edit
n'anéantit point le Traitté. ibid. Divers
égards de iEdit. ^1^. 330. Comment
l E dit de Nantes cft exécuté. 3 5o. 561.
Les difficultez. comment refolués. 166,
Répara- ton des altérations demandée :
376. 377. cj- vérification abfolué. ibid.
Demande de réparation fur(ife à Châtel-
leraiid. ^.ij. Suite de l'exécution de l'E-
dit.^p.
Edit pour le Bearn , touchant la ReUgiort,
2S4.
- - obtenu par le Clergé, j^io.
- - en faveur des Mortfques.^6Q.
Edits fevtres contre ks Luthériens, 11,
Edits
DES M A
"ESts : leur inconjtafue fur la competeme
des y liges di;l hcrciic. 15. 25. 27.
- - cohfimiatifsduTraiaéd Amboife. ^^.
- - de réduction des Ligueurs , viuUnt les
promejfes faites aux Reformez.. 116.
Eglifes , formées & affermies pendant la per-
fecution. 14. Taxées a certaines femmes
par permif'ion du Rojf. 46. 47. Dépu-
tent à Henri IV. par fort ordre. 97.
- — formées en 1 598. Ce que c'vji. 257.
258. Clairvoyans des Kglifes. 445.
Elizabetli, Reine d'Angleterre^ donne fec ours
aux R eforme':^ 31. Les Catholiques abu-
fent de quelques-unes de fes paroles. 85.
Elle reproche au Roy fon changement.
105. Vr end ombrage de la conduite du
"Roy avec les Reformez^. 155. SoÏÏuite
pour eux. ibid. Sa vieiUeffe excite des in-
trigues pour fa fucceffwn, 571. Elle écrit
en faveur du Maréchal de Bouillon. 585.
Sa mort. 590.
Enfans. Leur éducation dans laReliç^ionde
leurs pères & mères. 2 1 o. Enleve7 à
leurs pères & mères i 211. ou force?
d'aller a la Meffe. ibid.
Entreprifc de Monceaux. 57.
Duc d'Epçrnon fe retire de l'armée après la
mort de Henri III. 60.
Ducheffe d'Enm\^çsfavorife la Reformation,
é'I'embraffe. 8. 9.
Erat de la France: 1(^4. avant cr après
lEdit. 307. Rai fon d'Etat neïi pasgott-
tée par les Reforme'^ 181. Tlainte qu'ils
en font. 211.
Etats Généraux étniande^ par les Refor-
me?. 44. Tcmis contre ttt.v. 45.
Etrangers , par qui premièrement appelle?
en France. 3 r . Inondent la France. 49 .
Cabrielled'Etïccs travaille à faire changer
le Roy. 93. Sa mort. z6ji.
Eveques favori fent la Reformaîion. 7. z6.
Evocations éludées. 215.
Exercices de Religion empêche'^: 204. 20 5»
T I E R E S.
207. 378. 440. même à r.irmee, 20S.
V dans les Seigneuries des Cjtholiqnes,
OH ils avaient accoutumé de p faire. 208.
Liberté d'exercice obieniie. 116. Ses ex-
tevjwns & rejirictions. ibid. Ck 229.
Droits aquis eni'^^6. & en Kf^j.fcnt
diiïerens. ib:d. Sei ond lieu de BatUia^e.
229. Divers fonUemens du droit d'exer-
cice. 229. Difficulté'^ fur le lieu. i^o.
Pour Us luux delà les Monts comment ré-
glées. 249. Dijji.ultez^ fur les preuves.
2ji. Empèchemens. 392. 411. 440.
F.
FAdîons. Leur origine. 17. Continuent
à, la Cour. 1 8. Plus grandes que ja-
mais après la St. Barthelemi. 43, 44.
Les noms s'en renouvellent en Provence.
16 j. Reprochées aux Reformez.. 301.
Nouvelles factions. 373.^74. 407. 415.
Fcriicr, Muuflre celcbre y 594. affuhe &
défend des The fes ou le Pape est déclaré
Antéchrist. 394. 395. Génie de Fcrrier.
395. Sa chute, ibid. *Sc 399.
Formiilaiic double , dont le Roy pire fun 9
& l'autre est envoyé à Rome. 98. 99.
François I. a du panchant pour la Refor-
7nation : 8. dont il c^l détourné.^. Nr
veut pas itrel'Iijffitution que Calvin luy
dcdic. 10. Donne peu de fecours aux
PiGtefians dAlli magne. 11. Perfecute
ceux de France, ibid. Meurt. 1 2.
François I i. p. 19. Meurt. 2(5.
G.
GArnifons des Tycformcx.. Ce quelles
coûtent au Roy. 208. Dijjicultc^^
fur leur payement. 244. Comment le-
vées. \b\à. Manière de les payer. 252.
• Retranchemens & leurs prétextes. 421.
Genève. 358. 403. 404.
Gex , vient fous U domination de Fran-
O z (e.
T A B
ce. 5 59. Ef^r ie U Religion en ce fais.
ib:d. La Meife y est retdiie. 571. De-
cUïAtion pour les Reformez, du fMi. 412,
Gigord , M: ni (ire célèbre. 449.
Gontier J.jutte. S 071 carucicre. 45 5. 4 5(5.
Gouverneurs if^j Pluies de jurt;té y conimtnt
rmnmt'^ 212. 242.
- - -' de BourgenBriJfe.,^ de Chahau
Dauphin. 559.
Gratihcat!ons aux particuliers. 244.245.
Leur iiUidicité. 251.
Guerre déclarée a l'Ejp.igne. 154. D a-
bord peu brureufe. 155.
- - - de Religion terminée. 1^1. Cruau-
té des guerres de Religion, 309.
- - - de Sxroye. 5 5 S.
Duc de Guife , favori de Henri 1 1. l'excite
d perfecuter les Reforme'^ 12. Son peu-
yoir à U Cour de Fr.mçois IL 19.
Accroiffement de fon crédit. ? i . 5 2 . E/r
tué par Poltrot. 52. Pour fuites contre
l'Amiral a ce fujet. 54.
Di^c de Guiie (fils). 37. Son audace. ^S.
Defalt les Re'ures. ^(^. Oblige le Roy à
quitter Paris. \\i\à. Af^ne a découvert À
U Couronne. '^o, Sainort.\\>'\à,
H.
H
Arar.gues du Cierge. Leur caraâere.
2~I.
Hav;e lie Grâce mis en dépôt entre les mains
des Anglais. 51. Repris fur eux. 34.
Henri 1 1. perfecute les Rcfonner^y 1 2. arec
«ne extrême rigueur, 18. Proiefle contre
U Concile ds Trente. 12. Impreffion que
les cris des mourans font fur luj. 14.
Meurt. 18,
Henri de Valois élu Roy de Pologne , 42. re-
rient en Fran.e.J^^. Fait U p.îix & U
rompt. 45. Se fait Chef de la Ligue. ibi4
Sa déclaration fur la paix. ibid. La ma-
nière dont il iobferfe. 47. Il eft perfe-
L E
cuté pal U Ligue. 48. Aha^idonne Taris
au Duc de Guife. 49. Il ejl fiiivi a Char-
tres par une ridicule proctfjion de Peni-
tens. ibid. Ajfemble les Etats, ibid. Jure
I Union. 50. Fait tuer le Duc de Guife (f
le Cardinal fon frère, ibid. Renouvelle le
ferment d'Union, ibid. Sa haine comre les
Reforme'^ ibid. Il efî abandonné de tout
le monde, ibid. Le Pape l excommunie,
ibid. Infolences des Ligueurs, ibid. Ex-
trémité ou le Roy fe trouve. 51. Rejfource
defes .t^xires, ibid. Il ajftege Paris^rec
une belle armée, ibid. Il est affaffine. 52.
II reconnoit en mourant le Roy de Navar-
repour fou héritier legiùme. 54. Confu-
fion caufee dam les affaires par fa mort.
ibd. Ses O^ciers font peu affectionnez. À
fonSucceffeur. 56. La vengeance de fa
mort esî négligée, 1 63 .
Henri de Bourbon y Roy de Navarre. .1^$,
Esî arrêté, ibid. Se fauve. 44. Fait re-
ccrimijftnce publique a la Rochelle. 45.
Sa reponfc aux Etats. 46. Ses lettres aux
Etats. 48. Il e(î excommunié par Sixte V.
ibid. Il fait aff\chcr a Rome une protefia-
tion. 48. 49. On veut le déclarer indigne
de la Couronne. 50. il fuccede a Hen-
ri II I. '^'y. Les Catholiques Itiy vendent
leurs fervices. ibld. Les Princes du Sang
luy dor.nent peu de fecours. ibid. Ses dtf-
fofuions touchant la Religion. 57. 58.
Articles que les Catholiques luy prefcntent,
59. Il les accepte, horsmts le fécond, ibid.
Son armée fe diffpe, 61, Extrémité où
ilfe trouve réduit, \\Ài^Coinhat d'Arqués,
ibid. Il soffenfe de ce que les Reformez^
parlent délire un autre Protecteur. 66,
Sa lettre fur ce fujet. 67. Son effet. 62,
Etat des forces du Roy, 6S. 69. Divifions
entre fes ferviteurs. ibid. Contrainte où il
esi réduit dans les exercices de fa Religion.
73. 74. 79. il esl excommunié par Gré-
goire XIV. 78, Sa reponfe aux atiicles du
Clergé,
DES MA
Clergé. 84. Ses irrejolutions fur lu Reli-
gion.^^. SA.dij]imuUtio:i outrée. 95. 97.
Il change de Religion. 9B. Ht/w/r de ju-
rer la dtjiruitioH des Hcrciic]ucs, ibid. &
de figfier un formulaire exact d'abjura-
tion, ibid. Changement d'Affaires. 10 r.
Redurchcs faites à l'Ejpagne. 1 01. Con-
jpiraîion contre la vie du Ro^. 10^, il
craint l abord des Minijires. ibid. il fx-
aifefon changement. 1 07. Reçoit les Dé-
putez, des Eglifes. lo'è. Fait trêve avec
les Ligueurs. 105. 1 15, EH recherché a
fon tour de la part du Pape, i ;; z. Ce qu'il
ejîimoit des Ajfemblées Politie^tfes des Re-
formez., 1^^. Il veut bien être importu-
né. 1 $9. Ses raijons de complaire au Pa-
pe pour avoir l'abfolution, 1 4 1. 1/ confeffe
qu il eïi obligé aux Reforme'^j & qu'il a
befoin d'eux. 144. Il est jufceptible des
mauvaifes impreffwns. 156. 158. De
quoy il paye le Pape, 159. Ses fouhaits.
159. 160. Alarmes de fa confcieiice. 161.
î^eglige de venger la mort de fon prede-
ctfjiur.16^. Réflexion notable. 16^. Il
ordonne A l'Affemblée de Loudmi de fe fe-
parer. 169. Révoque cet ordre par un au-
tre fort preffint. 1 7 r. Nomme des Com-
mijfaires. 1 j6. Se plaint & s'excufg. ibid.
nouvelles plaintes. iSi. Embarras ou il
fe trouve après la prife d'Amiens. 185. Le
Roy fe relÀihe a de nouvelles conceffions.
194. Sa fermeté. 196. il a des refies
de fa première Religion. Z'^6. Profperité
de fes affaires. ib\d. Safoibleffe pour les
femmes. 265. Raifens de favorifer les
Je fuites. 16 <). Ses diiretc"^ pour Mada-
me. 267. Sa prudence pour faire pajj'er
lEdit lyj. Sa bonne foy. lUid. Diffelu-
tion de fon mariage avec Marguerite de
Valois. 1^'). Comment il veut mouifcr
du Pliffs. 542. il in fuite à fon malheur.
5 54. Comment il explique Us dtfiiidrez..
de l'Edtt. ^66, Il travaille à rcdttirg
T I E R E S.
l'Angleterre a la Religion Romaine. 372.
lli'offenjedece que les Rtforme-^ prote--
gent le Duc de houillon. 385. Hes fenti-
mens pour les Reforme:^ 389. lls'offtnfe
du Décret pajje a Cap. 596. Ses plant'
tes. 397. Ses embarras domejîiques.^oj.
Ses depenfes pour fitre élire un Pape à
fon gre. 418. Il s'empare dei Pbcis du
Maréchal de Bouillon. 427. Il accorde
fon cœur aux Jtfuites de la l'Uche. 440.
Il rend témoignage aux fervices des Kr-
/or;/ifZ-. 450. Sa rcponfe aux tnjtances
duCUrgé touchant le Comile de Trente.
451. Il ih.irge le Clergé de faire un fond
yur les Mnnjlres convertis, ibid. & 452.
Ses figes maximes pur la paix interieu^
re de l'Etat. 454. il donne pajfage aux
MorifqueSi 460. dont il ne voit point
l'effet. j^6i. il devient amouieuxde U
Princcjje de Condc. ibid. Déclare la guer-
re à l Archiduc, ibid. Sa puijf.ince. 462.
Ses deffttns. ibid. Couronnement de U
Reine. .^6^. Mort du Roy , 464. mal
vengée, ibid.
Huguenot. Origines de ce mot. 25. 24. 2 5.
I.
JAqucs Stuart, Royd'EcoJfej 572.389^
fuccede à Eliz..ibcth. 390. Son carac-
tère, ibid. & 391.433. Eiunprife des
Jefuites contre l:ty. 433, J / écrit un livre
delà putffance des Rois. 391.434,
Jeanne, Reine de Navarre. 16. Conjp'na-
tion contre elle & fes enfans. 55. Meurt
tmpvifonncc. 41.
Jcannin , Minijlre d' Etat. 83. 87. 105,
273. Son difcours fur la liberté dt con-
fcience. 458.
Jcfuïtcs établis à P.xris. 1 8. En faveur Apres
la convcrlîon du Roy. 1 i S. Bannis de
France. 133. N^ peuvent faire brùUrle
Traitté de l'EuchariJîit. zCi, Pourfuites
O l fut
T A
pour leurretahlij[ement. z6^. Leur ait-
d.ice. ibid. Leurs Protecleurs. ibid. Aban-
doiitient V Ahbé de Rundan. 25)5. De quoy
ils fe chargent en cas d'une ligue contre
les Reforme^ 374. Leurs malices fedi-
tieufes.^yS, Leur rappel en France. 595,
Oppofniens. ibid. &: 594. 401. Les con-
ditions. 400. Leur grand crédit. 415.
Brouillenes quils excitent dans toute l'Eu-
rope. 455 . Leurs 2\lartjrs en Angleterre.
ibid. Leur prcjperité en France. 434.
Leurs entreprij'es. ^l^, Accidcns qui les
t7Jort!Jient. ibid. Leurefprit brouillon &
entreprenant. 455. Ils font établis en
Bearn. ibid,
Infidclitez. 51. 38. ^^. 45.47. 418.
Injures. 214. 378.
Injuftices. 29. 35. 37. 119. 120. 173.
200. & ruiv.2i<5.
Infcriptions injurieuses. 41 1.
Inftruciion du Roj , comment prife par les
Reforme?. 59, Equivoque de ce mot.
ibid. & 2ii. Injîriiciionde pure cérémo-
nie. 97.
Intérêts divers à la Cour. 1 S. Dans l'ar-
mée qui venoit de perdre Henri 1 1 1. 5 5.
Des Reforme? à fervir Henri IV. 57.
Intrigues étrangères brouillent la France.
165.
Irrévocable. Voi Edit de Nantes.
Jurifdidion. Enîreprifes de Jurifdiciion.
2S9.
Juflice déniée. 215. 378. Comment r^dit
règle fon admintfiration à l'égard des Re-
forme':^^ 2 3 5. 2 36. 2 3 7. Jufltce de l'E-
dit. Voi Edit de Nantes.
Hautes ]u(\')cçs enfermées dans les villes
Epi fcop aies, 378.
L.
LEgat en France. 154. Reçoit l'abjura-
tion de U Princelfe de Condé. ibid.
Son arrivée rend l'importuuité des Refor^
BLE
tue-^ neceffaire. 175. Enregttrement de
fes pouvons. ïbid. Soné-iuiié. 174. 193,
Ojle a là fcciir unique du Roj U liberté de
célébrer U cène a Rouen. 208. Esl caufe
du reîardémmt de U vérification de l'E-
dita 222. 160. Promet de faire réfuter
le Traitté de l'Euchariftie. z6l.. Les plus
grandes oppofaions a l'Ediî fe font après
fon départ. 271.
Legs. Toi ^Donations.
Lefdiguief es. 72 . Sa Religion ç^ fes mœurs,
120. Ch.ijfe les F.pernoniftes ue Proven-
ce, 167. Son avis après la furprife d'A-
miens. 190. Il fait fes affaires A part,
242. E^et de fon avarice. 259.370.
Son peu de Religion. z6o. 298. Ses om-
brages, ^o-j. Il jure i union. ^16. Grâ-
ces quele Rojflu^ fait. ibid. Il esl fait
Maréchal de France. 453.
Lettre , de ceux de Genève au Ro^ fur fon
changement. 103.
- - - de la Reine Eli:^beth. ibid.
■• - • de du Pleffis fur le même fujet. 1 04.
Autre du même. \6-j. Autre du même,
170.
' - - du SjfKode National de Saumur au
Roy. 175. Autre au Connétable. 176.
- - - des Commiffaires au Rojf. 181. Autre
de Schomberg Cf de Thou. ibid. Autre de
du Pleffis. iSz.
- - - du Roy pleine de plaintes, ibid.
- - - de l A ff emblée de Saumur au Roy,
1 87. 1 88. Df celle de ChattUeraud. 194.
- - - de Lefdiguieres. iS5.
- - - de Saint Germain au Maréchal de
Bouillon, ^i S.
- - - de Sullt au Synode de la RocheUe.-
442. Au Ko/. 450. Repmfc duRoy,
ibid.
- - - deTAffemblée de Gergeau.^'^o.
Lettres , de Henri IV. à du Pleffis. 6j.
du Pre(ident de Thou au Duc de
Bouillon. 5>d.
Lettres,
DES MA
Lettres , du Chancelier a l'Evêi^ue de Char-
tres. 97.
- - du Roy. i8<^. 1S7. 194.
Liberté d h.il;it.ttion , ziS. emi'êchée en di-
vers lieux. 378. Remède. 385.
- - - d'exercice. Ftf/ Exercice.
' - - de cuiifiience prefuppofée p.tr /*£-
dit. 246.450. Droit de cette liberté.
319.
- - - eH: pivHegie'e. 111.
Lieux d'exercice, loi Hxcrcice.
Ligue /.iwfrt/f. 45. Ouelen était le but.
ibid. le Roy s'en f.ut Chef, '\[)k\. Elle
pretid les itrmes contre /«^. 48. Elle cïi
relevée far le Duc de M.iyemie. 5 o. Re-
pend courage .tprès la dij'fipatiou de V ar-
mée de Henri I V. 61. Etat de [es forces.
6S. Dnifion entre fes Chefs. 69. Ses
fuperbcs prétentions. 87. Son audace dans
les Conférences. 102. Serment d'Union
renouvelle après le changement du Roy.
103. Les Chefs vendent an Roy leur ré-
duction. ïb'id. Chute de la Ligue. n6.
Ses chefs font les plus modère? fur le
fujet de l'Edit de Nantes. 274.
Ligues contre les Reforme'^ 34. 37. 442.
L'ivïcdeJ.iques I. 391.434.
- - - trouve à la Flèche. 458.
Livres à l'ufage des Reforme:^, défendus à
Rennes. 110. Z09. Saifis. zo<). Trai-
té de l'Euch.irifîie mis au jour. 161. Ef-
fets de fa publication, ibid. Efi condam-
né au feu. 262. E/? attaqué en diverfes
m.inieres. 340. D.btt de l'Ouvrage. 341.
Livres recherche"^ dans les m.iifons des Li-
braires. ^jS. Dcfinfes. ^S^.
Lorjf^ucurs au Covfcil. Leurs eau fes. 1 9 7,
Cardinal de Loïi^imc. 15. 17.28.32.
M
M.
AdaTi.e, fccurduRov, prête fon nom
pour (ouvrir le p.ijement des Ait-
T I E R E S.
mfires. 110.247. Traittement que le
Parlement de Bourdeaux luy f.ut.io6.
Sort de Rouen pour faite la Cens. 208.
Son m.iriage avec le Duc de Bar. z66.
Sa confiance dans la Religion. 267. 259.
Ses qualité"^ ibid. Oppositions du Pape k
fon maÏLigc: z66. Ck: fuiv. par dcfj'us
lefi]uclles on p.iffe. 268. Bruitdcfagrof-
fejje fuivi de fa mort. 270. Ce que les
rKcformc-^ perdent en elle. ibid. Tems de
fa mort. 406.
Malades. On empêche quils ne foient cofift"
le'^ 209.
Malices. 205. 213.
Mal-v/in , Miniflre étranger , appelle à l.t
Rochelle. 44<î.
Mariage de Henri I V. pourfuïtc pour le fit-
re paffer. 263.
- - - duCardin.ilde Châtillon, 2S' ^^S'
Mariages d'Ecclefi.tfiiques. 414.
Marie Stuard , Reine de Fr.ince d" d'Ecof-
fe.19.
Mallàcre, àVafp.z^. A Sens. ^i. En di-
vers lieux. 38. De la St. Barthelemi. 4 1 .
AlaChataigneraye. 149.207. Excepté
des cas remijfibles p.tr un Trait té de p.ùx,
150.
Maures. Origine du dcffein de les ckiffer
(i'Kyp.t^w. 386. 387. Henri II', trattte
avec eux. 452. Comment la négociation
esl rompue, ibid. Us font bannis d'Efpa-
gne. 460. Invitez, a demeurer en Fr.tn'
ce : ibi J. ou ils font indignement pille:..
Duc </c Mayenne, frère du Duc de Cuife,
évite la mort. 50. Relevé la Ligue, ibid.
Serment du Duc empêche fa reduciion.
142. Se foumstau Ro). 16}. Dffficul-
fez. fur U vcrtf(.ttion de l'Edit d'anwiflie,
ibid. LeDiic refufe de soppofer àlEdit
de Nantes. 274.
Melanc^on invité à venir en France. 9.
Duc de Mercocur , retient la Bretagne dans
U
T A
la Ligue, 151. Ses prétentions, ibid. Ob-
tient la paix avant les Reformez., 223,
Merindol. Voi Cabrieres.
Mefle à fept points, 9.
Métiers. Les Reforme":^ en font exclus, 215.
Mets. Article qui regarde fon Temple & fes
exercices. 249.
Meurtres impunis, ^6.
Miniftres , confultez, fur la guerre & fur
la paix.jo. 32. Predifent la prochaine
deftruction de l'Antechnsi. 58. Comment
pajyez. de leurs gages. 6^, Quelques-uns
font gagnez, pour faire changer le Roy,
92. Min'iftres mande? à Mantes. 97.
Vourquoy ac eu fe'^d' avoir fut la difpute.
98. 112. Deji public qu'ils font aux Eve-
ques. 99. Minifîres Députe? voyent le
IRoy. 108. Article qui affùre leurs gages,
1 1 o . mal exécuté. 1 20. ils tiennent dans
les Confeils Politiques le rang du fécond
Etat, 11^. Le Synode leur permet daf-
fjfler aux Affemblées Politiques pour la
jrieceflîté. 175. Arrêt k Bourdeaux qui
défend de fe cottifer pour leurs gages,
207. Règlement pris pour leur paye-
ment, 233. Brevet fur ce fujet. 247.
Miniftres font exclus de la Deputation ge»
nerale.^6^. Accufez. de fuir la difpute
avec du Perron. ^06. Juges Royaux fe
veulent mêler des importions de leurs ga-
ges, ^iz. Exemption des Miniftres. 44 5.
■» - - convertis, tond pour leurs pen-
pons. 451. 452.
Miniftres de Genève bien reçus du Roy, 358.
Miniftres étrangers, ibid. & 44 <^.
MiHîon Dragonne. 16^,
Moines , après la converfion du Roy , re-
fufenîde prier Dieu pourluy. 123. 142,
Sont Ces ennemis, 2(^5. Leurs entreprifes
fediîieufes. 445.
Mongomraeri. Sa mort. 43.
Montholon. Ses fentimens peu équitables
fur U Religion, 'jo.
BLE
Monumens des guerres civiles aboli f,^^^^
456.
•Mouchards. Origine de leur nom , & leur
caraèiere. 20.
Du Moulin , Miniflre célèbre y 2^7. favo"
rifé de Madame, 271.
N.
Duc de
NEvers , demeure fans fe décla-
rer. 60. Négocie en vain
pour le Roy a Rome. 113. 114.
Noblefîe Catholique peu ajfeèitonnee a Hen-
ri III. "^i. Ne reconnaît Henri ly. que
fous de certaines conditions. 56.
Nonce du Pape, Sa modération fur le fujet
de l'Edtt. 273.
François de la Noue. 43. 72.
O.
d'/'^ (Marquis). Son cara^ere. '^6. Ses
V^ raifons pour faire changer de Re-
ligion au Roy. 87. Il veut exclute les Re-
' forme"^ de tous les emplois : 119. princi"
paiement du Gouvernement des Places,
ibid. & 244.
Occafion de cette Hifioire. 3. & fuiv.
Prince </' Orange affaffmé. 48.
Gouvernement ^' Orange ôté à Blaçons. 420,
^'Oilat. Témoignage quil rend aux Refor-
mez,. 133. 179. Service qu'il rend au
Pape. 142. Efl adjoint a du Perron pour
traitter de l'abfolution, ihid. Appaife le
Pape irrité de la vérification de l'Editde
I577,p.i79. 180. Confejfe que les Re-
forme? pouvoient fe faire donner davan-
tage, ibid. Sollicite une Dtfpenfe pour le
Duc de Bar. 270. Fait Cardihal. 279.
Repond au Pape qui fe plaignoit de l'Edit
de Nantes. iSi. Eji mal avec RÔni. i^S.
Il tire du Pape un confentement tacite À
ïcbfervation des Edits. 338. Ce quil re-
pond
DES MATIERES
fond fur les difcoursde Brocfurd Baron-,
touclunt une Ligue contre les Protejlitns.
575.
Oftagc. Villes d'otage. Voi Sûretc.
Outrage f retendu fait a l Ilojtie conJAcrce.
429.
P.
PAix 4 Amhoïfc. 51. Vaix devant Char-
tres. ^S. Trotfiéme paix.^.o. Ou.i-
triéme faix. 42. Cinquième paix. 45.
Sixième paix , ^6. troublée par des de-
vances : ibid. par la guerre des amou-
reux. 47. Confirmée à Nerac & rleix.
46. 47. Depuis cela dure cinq ans. ibid.
Forte de grands dommages aux Rcfor^
mez.. 47.
Paix propofée entre Les Couronnes : 16^. re-
doutable aux Reformez.. 191. Quand
conclue. 225.
Paix de Religion. 252.
Pape Grégoire XIV. excommunie Henri 1 V,
78.
- - Clément VI IL fait le difficile fur Vab~
felution. 114. 115. Ses hautes préten-
tions. 1 3 2 . 1 4 1 . 1/ obtient ce qnil defirc.
1 42. Pénitences ordonnées au Roj. 1 46.
Articles fecrets. 147. Adrcffe du Pape.
158. 264.341. Il fe plaint de la vérifi-
cation de l'Edit de i'>,j-j.^. !-]<). Il in-
tercède pour les Je fuites. 264. il refufe
Difpenfe au Duc de Bar : 268. & l'accor-
de enfin trop tard. 270. Se plaint amère-
ment de lEdit de Nantes. 278. & Tuiv.
539. Onlujf repond pour le Rojf.iSi. Il
dijfout le mariage du Roy avec Marguerite
de Valois. 296. Se plaint que la Irimouil-
le ait été fait Duc & fatr. 297. Com-
ment il confent à l'ohfcrvaùon des Edits.
358.
Pape élu par les intrigues de Henri IV. ^\S,
Craint la Ligue des Reforme:^ 428.
Tome I.
Paraberc « Seigneur Reformé. .^12.
Parlement de Paru oppofc aux Jcfuites.
z66, Di^cultei, fur la ver/f cation de
l'Edit. 274.
- - - de Bourdeaux j comment le par-
tage y eji vuidé. 1 5. Infolence de ce Par-
lement. zo6.
- - - de Grenoble. Son infolence. 211.
Parlemcns. Leurs rigueurs. 31. 38. 80.
90. 120. 166. 167. zi6. Leur crédit.
266.
' ' - de Thotdoufe & de Beurdeaux
ne veulent bannir les Jt fuites. 133.2 64.
Patriarche. On propofe d'en créer tm en
France. 86. 91. 132.
Patronages. Atttinte portée à ce droit. 1 52.
431.
Pauvres Reformez, exclus des aumônes. 212,
Du Perron. 82. 92. Eréqite d'Lvrcux. 93.
Ses artifices pour gagner le Roy. ib'd. £/?
envoyé a Rome pour négocier l'abfolution.
142. Son génie dangereux, i^'). Ac-
cepte le défi de du Pleffis. 343. Ses rufes
pour le furprendre. 345. 6c fuiv. 350.
Sa m.ilignite. 351. Il est à fon tour accti-
fé de faux. 355. Il eïi fait Cardinal.
406. il félicite RÔni fur le fuccés de fes
négociations a Cbâtclleraud. ^zS. Il esi
Convertilkur tic profcffion. 448.
Philippe II. Roy d'Efpague, échauffe les
fictions en France. 19.
Placards. 1 1,
Places de mariage. Voi Sûretc.
Plaintes du Clergé. 429.
- - - des Reforme'^^publiées. 100. Con-
clufion forte & touchante. 218. Voi auffi
Cahiers.
- - - fur des cas particuliers. ^2i.
Plan & di'ffein de cette Hifîoire. 5. 6.
DuPkBsMornai. Comment il prend l'ar-
ticle de l'inftruâion du Roy. 60. Ses fen-
ttmens fur la Religion du Roy. 72. Fait
prêcher a Chateatidtm. 73. Ct qu'il efpere
p du
T A B
. 4a fiege de Varis. 74. I^ dreffe un projet
d'Edit pour les Reformez.. 7 ^. Ce qu'il
dit au Maréchal de Biron. 76. Ses re-
montrances au Rojt fur le refus de ce pro-
jet, ibid. & 77. 78. Leur effet. 79.
Donne un Mémoire au Varlement contre
les prêterions du Clngè. 82. Empêche
la dtfjipation d'un fond deftuié pour une
armée étrangère. 8 5 . Confent a linpuc-
îion du R07. 87. Son intention & fcs rai-
fons. 88. Précautions & efperanccs. '\b\d.
& 89. Il écrit au Koy fur fou changement.
1 04. Il eïi accufé d'avoir voulu majfa-
crer les CathoHciues à Saumur : 107. de
quoy il fe plaint, ibid. il eïi nommé
Commiffaire pour traitter d'un Edit. 109.
Son génie & fon crédit. 122. 125. Em-
fêchc l'Affemblée de Loudun de fe feparer.
1(^9. 1 70. Sert le Rojacelle de Saumur.
188. Publie unTraitté de l'Euchariftie.
261. Commencement de difgrace pour
luy. ibid. Mouvcmens que ce livre excite.
ibid. Modération de l'Auteur. i6z. Ca-
lomnié par Commcletjtfiiite. 269. Com-
ment il esltrattté à Fontainebleau. $^^.
& fuiv. Son foible fur le reprocha de
faiiffeté.i^l. 544. Son défi fur ce fujet.
345. On luj donne le change. 550. Com-
ment il fe défend. 551. lleït condamné.
552. Il écrit fur le fujet. ^^^.S'y^. il
tombe malade de chagrin. 354. Ses plain-
tes, ibid. 1/ e^ ftifpect a la Cour. i8<5,
Poitiers refufe un Collège de "^je fuites. 439.
Politique mutuelle des Reformez. & des Ca-
tholiques. 94. Du Confeil & des Affem-
hlées Politiques. 187.195. Delà Cour
de Rome. 158. 180. 240. 2<54. 2(j8.
399. Des Princes. 166. D'Efpagne.
387.453.454. Des Catholiques Li-
gueurs & autres. 454.
politiques. Fanion en France. 43.
PofTtdée. Fille eflimée poffedée de l'efprit
malin. 293. Feinte reconnue par plufieun.
LE
ibid. Appuyée des Moines ^ des bigots.
294. Jugement des Médecins, ibid. L'Ab^
bé de Randan s'en empare , cjr la mené À
Rome. 294.295. Fin de la Comédie,
295.
PofTede'e que le Jcfuite Cotîon devoit exor-
cifer. 402. 403.
Pouvoir arbitraire. Projet de l'établir en
France. ^11,^1$.
Pragmatique pour la collation & adminifira"
tion des Bénéfices. 86. 132,
Du Prat Cardinal , soppofe à la Reforma
tion. 10.
Vïedksktçms feditieux . 106, 378.411.
Prcfleance otéeaux Officiers Reforme?. iT^l
Difputée au Prefident Reformé de Caflres
par le Catholique. 288. Raifons. ibid. Aux
plus anciens Cojifeillers Reforme":^ 381.
Prêtres qui ne prient point Dieu pour le Roy,
435.
Preuves du droit d'exercice. 231,
Prières pour le Roy ordonnées au Synode Na»
tional. 123. Refufées par les Moines, ibid,
& 142. Miffcls où les prières pour le Roy
manquent. 43 3.
— -Si les Prières font preuve du droit
d'exercice. 231.
— - - contre l' Edit .ordonnées par quelques
Prélats, zy^.
— - particulières des Reforme? empêchées,
105. Notable impudence des Juges de
Digne. 209. >
Primrofe, Mi/iiflre étranger à Bourdeaux,
44^. . ^
Princes du Sang. Leurs difpofttions a l'égard
de Henri IV. 55.
Pioceflîons folemnelles à Paris, 1 1. 12.
Projets de maffacrer les Reforme:^ 4 1 ,
Protedieur. Propofition d'en élire un nou-
veau, 6i. Raifons. ibid. Ce que c'e^
qu'un Protedeur. 6^. Protection récipro-
que entre le Roy de Navarre (^ les Refor^
me:^ 64. La propofition e^ rejettée, 6j.
L4
«#
DES MA
La qmflion fe renouvelle, 125. Les E^li-
fes font lajfes de frote^ion.'ihiià. Elle e^
étetnte aSte.Voy.iij, Les Catholiques
soffen[enî que te Roj fe dit Protecteur
<i ritrcti^^ues. ibid. j-iques 1. propofé
four Protcâeur. 589.
provinces. Pitges ou donne celle de l'jjle de
France. 124. 125. Diverfe politique
des Provinces éloignées de la Cour j O" de
cilles qui en font voi fines. 125. 116.
Dangereux ejfets des compUifances de cel-
les-cj. 201.
V(t2Mmc^chMne':^en public. 16. Leur chant
empêche. 209. S'il fuit preuve du droit
d'exercice. 2 j i.
Pyramide drcjfée à Paris. 135. Abattue.
415. Planche qui la repre fente fuppri-
mée, 418.
V^CTartiers. r« Annexes,
R.
REflcxions fur les plaintes des Refor-
w;f^.2i9.
Rctorraation. Intérêts qui syoppofent. ^,
4. Inégalité de fes progrès. 4. Obfia-
des quelle trouve en France, ibid. (5c 5.
Son commencement, 6, Son progrés, ibid.
& 10. 14. 18. Ses caufes. 6. 7. to. 14,
78. Son entrée en France, 6. Particu-
lièrement à M.eaux, ibid. Inconfiance de
Brijjbnnet. ibid. ElU eH reçue en Bearn.
7. 8. Elle fait de grands progrés en Al-
lemagne. 8.
Reformez , pourquoi acctife'^^ de n aimer
pas la Monarchie. 21. Attachez, aux in-
térêts de la Maifon de Bourbon. 25. f <<-
von fez., à la Cour. 26, 27. Accu fez. de
f^.r lièges. 31. Se rctahliffent après la St.
Barthelemi. 42. Sotit déclarez, capables
T I E R E S.
des Charges & Honneurs. ^6, Sauvent
Henri lll,a Tours. 5 1 . Compofent pref-
que toute fon armée devant Pans, ibid.
Us reconnoijjent Henri 1 V. fans condition.
57. 72. ils s'alarment des promcfjes fai-
tes par le Rojf aux Catholiques : Ci, 62.
& de l ingratitude des Catholriuei. 65.
66. Rejettent la propofition délire un
Protecteur. 66. 67. Dejauts de leur par-
ty. 71. Leurs demandes.']'^, Ob.iennent
tin Edit de provifion. 79. Leurs plaintes
fur la vérification. 81. L eur fidélité. 94.
Ils s'apperfoivent quelcRojf a promis de
changer de Religion, (^^y. Leurs craintes
après fon changement, i o r . Leur con-
fiance dans fon fervice, ICI. Leurs fen-
timens fur fon changement. 1 04. C>c fuiv.
Leur équité dans l'état des aff.iires, loS.
Ils s'alarment des recherches faites au
Pape ; 1 1 j . & fuiv. & des Traitiez, avec
les Ligueurs : n6. & du ferment du Sa-
cre: 117. & de la faveur des Ji fuit es.
118. Comment ils repondent à la parabo-
le du jeune prodigue. 119. Ils s'alar-
ment des hautes demandes du Pape-^ 152.
& des articles de peniteme; 146, & des
articles fecrets. 147. ils font rendus fuf-
pectj. 158. Pojfedent des Bénéfices par con-
fidence, 161. Nouvelles raifom de de-
fiances. j6^. Leur patiemeje Ujfe. 171,
Ils relâchent de leurs demandes. 1 72. Ils
arrêtent les deniers des recettes Royales,
174. Ce qu'ils aur oient pu obtenir , s^ils
avaient voulu. 179. Leurs offres fi on les
fatisf.iit. 182. Soupçonnez, d'avoir penfé
a prendre les armes aptes la firprife d'A-
miens: 1S4. ce qui t il rc futé. :h\d. Leur
conduite après cette perte n'cft pas fans ex-
cufe. 1S9. il y avoit nombre de Refor-
mez, au fiege. 192. L'état du Royaume
les touche. 195. S'offenfent de ce qu'on
leur préfère le Duc de Mercœur. ibid.
Publient leurs plaiistes : 200, que les
P 1 Cour-
TA
Couytifms dcfavotiént. 201. Ih font pri-
vez, de Lt liberté de demeurer en plufieurs
lieux: 212. /«y tout à Lien. ibid. Les
longueurs & les difcours renouvellent les
alarmes, izo. Ils attendent une promte
décadence du Siège Ramain 256. Delaj/
de la verijicatim de l'Edit les inquiète.
255.260. Ils s' of^ofent au retour- des Jé-
suites, 166, Ils s'alarment des négocia'
lions du Roy a la Cour de Rome. 265.
Avantages des Reformez, pendant la vie
de Madame. 270. I eur mécontentement
à caufe des changemens faits à l'Edit.
285. Leurs reponfes aux reproches des
Catholiques, ^oz. Leurnegligence dans
l'exécution de l'Edit. ^61. Ses caufes.
ibid. (Se 362. Leurs efperances fur l'ac-
croiffcmcnt de leur Religion. 561. On veut
leur infpirer des défiances : 374-. ce qui ne
reiifpt pas. ^j6. Marques feditieufes de
dijîinciion mifes fur leurs maifens par les
Catholiques, 578. défendues. 585. Bruits
répandus pour alarmer les ReformeT. 584.
Jls intercèdent pour te Maréchal de Eouil-
/o«. 385. ils fe difpenfent de nommer
leur Religion pietenduë Reformée. 400,
Ils craignent l'inconftance du Roy. 410.
411. Jls laiff'jnt prendre les Places du
Maréchal de EouHlon. ^1-/. Grâce faite
a ceux de Paris. 434.
ReFiiiTiez du Comtat bien reçus en France.
40.
Retties défaits par le Duc de Guife à. Au-
neaiè. 49.
Relipjon. Comment elle entre dans les fac-
tions. js). Edit ou entre le nom de Reli-
gion p rete n du ë R efor m ec . 4 5 . Si la R e~
hgion efi une raifon fuffifante pour des fu-
fets de prendre les armes contre leur Prin-
ce. 73. L'exercice de la Religion Refor-
mée exclus de Chartres. 79. Religion Re-
formée diflinguee de la cabale. 1 60. Re-
Iji^ion Catholique gar-de [et avantages dam
BLE
les Edits. 229. 230. Guerres quelle âtt-
tarife font les phts. cruelles. 309. Diver-
verfité de Religion peut être tolérée. 510.
Cara&ere delà Religion Reformée, ^ii,
312. .
Reponies aux Cahien, Voi Cahiers. Im-
portance de celles de Henri IV. ^2^. ^ 84.
Requête des Reformez.. , prefcntée. au Roy k
la Fere. 160. Publiée. 200.
La Rochelle, affiegée. 42. N^ veut pas
qtton rende le Prince de Condé. 153. Suf-
pccte a Jîenri IV. 160. Refifle aureta-
bliffement de la Meffe.. 1^6. 'N'obtient rien,
des Commiffaires du P^oy. 2 2 3. EH depo-
fitairc de l'Edit. 224. Mortification quel-
le foujfre. 385. 386. Conditions du réta-
bli jfement de la Religion Catholique. 432.
Un Je fuite y veut prêcher par furprife.
459. La Rochelle fait une Province à part
dans les Affemhlées Politiques. 44<5. Ap-
pelle Maljpin afon fervice. ibid. Calom-
nie contre cette ville : 464. refutée. 465,
Vue de Rohan. Commencement de fin luf-
tre. 392.393. Lp»ufela fille de Roni,
ibid. Reçoit quelque chagrin a la Cour,.
413.414.
Cour de Rome. Son ignorance de r Evangile-,
114. On y rit des malheurs de France.
ibid. Secrets de la Politique de la Cour
de Rome. 1 80, On y triomphe du. fuc"
ces de la Conférence de Fontainebleau.
354. On s'y offtnfe de quelques mcidens
de la guerre de Savoye. ^'^2. Ses vues
fur le Royaume d'Angleterre. 371.
Roni. Ses fcntimens fur la Religion. 72,
121. Ouvertures qu'il donne au change-
ment du Roy. 92. Avance du Perron. 93,
Convient du formulaire de l'abjuration du
Roy. 99. Il esl jaloux de l'autorité des
Seigneurs Rcfor-me'^ 173. EH fait Sur-
intendant. 298. Elevé à d'autres emplois,
ibid. Traitte le Pape de fa Sainteté, ibid.
Ses prévarications à la conférence de. Fon-
taimbleatu.
D E s M A
ta'webleM. j^y. Il infulte au malheu-
reux. 354. // esl peu exact à pajer les
Reformez^, 570. Ini?mrfe7 qu'il attire
par [on humeur farouche. 584. il entre
en armes à la Rochelle. 585. Il eïl fait
Gouverneur de Poitou. 590. Le Roy l'en'
yoye a Chatcllerand. ^i'^. Ses inJîruC'
ttons. ibid. 6c fuiv. Comment il eït reçu
k iAjfewblée. 412. Le difcours qu'd y
fait. 425. Confeil qu'il donne fur les
Places de fureté. 424. Il ne peut empê-
cher de tenir des Affemblées Générales:
425. ni de renouveller l'Union de Mantes:
42^. ce qu'il excufe.\h]d. Rejforts qu'il
fait jouer. 428. Sa politique fingulicre.
ibid. Il eïi fait Duc & Pair. 45 r. Ilcfi
arbitre entre les Cittheliques & la ville de
la Rochelle. 452. Ecrit au Synode de la
Koc^ff/?. 442. 444. Se trouve a l'Af-
fcniblée de Gergeau. 448. Il y est fuf-
pecl , & pourqtioy. ibid. Avis qutl donne
au Rc;. 450.
Des Roliers. Son inconfiance. 42.
Rotan, Mimftre fufpe^. m. E^excufe
au Synode National, ibid.
S.
SAvoye (Dttcde) perfecute lesVaudois:
265. dr /n ReformC^de SalucesÀhid,
Son portrait pard'Ofit. 57(5»
Jofeph Scaliger condamne la decïfion du Sy^
nodede Gap. 39S.
Schifmc d'Af{^leterrc. 8.
Sedan. L'Eerttitre éponfc le Vicomte de Tu-
renne. 84.
Sédition à Paris. 29. A Rouen. 40. A
Orange, ibid. A Tours. 205. Autre a
Rouen. 208. A Paris : 45 5. & ailleurs.
Scg^uiran , Jejuite. Son ai!d.tce. 459.
Sciffieiirics C.irhoUqiics. Exercice de la Re-
ligion Keforviie en tsibatmi, 166,
T I E R E S.
Seigneurs Reformez,. 120. iji. I22. At-
teinte donnée aux droits Seigneuriaux,
457-
Sépultures. Cruauté des Catholiques. 91.
Arrêt inhumain à Bourdeaux fur ce fujet,
120. Défendu d'inhumer dans les Cime-
tières &c. des Catholiques. 161. 431.
Divers exemples d'injufiice fin ce fujet.
217. 436. Diffictdtez. fur ce fujet au
Trait té del'Edit.i^z. Comment levées
par l'Edit. ibid. Altération de ^article
XLVl. des particuliers, 287. tacitement
rétablie. 289.290. Incommodités, des
Reformez.. 289. Traverfes fur ce fujet
en i exécution de l'Edit. 364. Cimetierei
partagez, par les Commijfaires. 3 6^ . Trou»
blés , ér leurs remèdes. 371. Lieux fans
Cimetière. 378. 379. lncommodite':(^des
convois de nuit. ibid. Corps dcterrez..
379. Malice des Juges en Kormayidie*
440.
Serment requis des T\£f orniez., ^'è.
- - - de Henri III. 45.328.
- - - Précaution contré le ferment de l'Or-
dre du St. Efprity & celuy du Sacre, iio.
Brevet pour alfnrer les Reformez, contre ce
ferment, iij.
- - - exigé des Reformez, pour être admis
aux offices de Greffiers & de Notaires.
119.
- - -'du Duc de Mayenne, de ne point
reconmître le Roy s'il neïl bien avec le
Pape. 142.
- - - Arrêt à Rennes fur tm ferment fi-
ftré a un Catholique. 29.5.
- - - exigé des Catholiques Anglais. .1^^^.
Services. Leur grandeur reionnué. 137.-
144. 179. 313. 450. 451. Lerepro-
che offenfe les Catholiques. 154, J 57,
219. Mention fréquente de ces fcrvices^
iy6. 202. 209.
Servitude , ci"/ contraire à la nature, ^î2,^
Eïïe a de certains droits, ibid. •
P 3. Siège:
TA B
Siège de U Rochelle & de Smcerre, 42,
- . - de Paris. 74.
-*"- de Chartres, j^.
-' - de Rouen, ^i,
- - delà Y ère. 1 60.
- - d'Amiens. 195.
Societez. La cgnfervation en eïi le but, 310,
Sorbonne , [e déchaîne contre Henn I V,
Souvéraîns. Leur première obligation, ^lo,
32,1. ils peuvent traitter avec leurs fu-
jets. 32 5. ôc /uiv.. Garans nez. des Trait-
te7de concorde entre leurs fajets. 330.
331.334. Le fuccejfeur entre dans les
obligations du predecejfeur. 335.
Sulli. Foi Rôni.
Superftitioii pour les Images. 20. 28.
Supplices. 8. II. 12. 14. 16. Surfis. 16.
Supplices a Rome de deux Heretnjues.
Sûreté. Villes de fureté; 40. données au
nombre de quatre, ibid. Au nombre de
huit, ^\'^. sûreté fait la principale de-
mande des Reforme":^ 1 891. Vlaces otées
aux Reformez, ou démantelées. 119. 208,
Difficulté? fur la nomination des Gou-
verneurs de ces Places: 222. 242. &
fur la garde. 240. 241. Raifons des Re-
formez, pour les retenir. 240. Cette gar-
de nétoit pas contre les intérêts du Roy,
242. 243. Qualité des Places Reformées,
251. sârete7 reprochées aux Refor-
meT^loi. Elles font des marques d'iné-
galité entre les parties. 515. Sûreté com-
mune eii le but des Societez.. 320. Pour-
quoi les Reformez, retiennent des Places
après l'Edit. 325. Plaintes fur le fujet
■ des Places. ^Si, Dijptite fur les Places
des particuliers. 4 1 7. Confiderations fur
leur nombre, ^i^. Leur garde prolon-
gée. 426. Places perdues pour les Re-
formez,. 449.
Synode , premier National à Paris. 1 8,
Synode NMionat à Gergeau. 3 66,
- - - Natiorialà Gap. ^^^. Déclare U
Pape AntechriH. 1^6. Dont ildrep un
article exprès, ibid. Excufes ds fa cm"
duite. 397. 398. Autres démarches du
Synode. 399. 400.
- - National à la Rodjelle. 44 1 . Députe
au Roy. ibid. Charge des Députe?, ibid.
ils jont gagnez., a la Cour. 442. On y re-
nouvelle la que(iion de l'Antechrijt. 442.
Tous du Synode 443. Il promet protec-
tion a ceux qui ont traitté la matière, ibid.
Charge Vignier d'en traitter exprès. 444.
Nomme feulement deux perfonnes à U
Depuiation Générale. 445.
- - - National à St. Maixant, 45^.
Synodes. 37. 40. 46.
' • - à Montauban. m. 112. 123. 5c
fuiv. Ordonne de prier Dieu pour le Roy,
ibid. & pour fon retour a La Religion.
ibid. Ne fe veut point contenter de l'Edit
</^ 1577. ibid. Ses raifons. \hvl.
- - - a Saumur.ij^. Se réduit aux af-
faires de Difcipline. ibid. Ecrit & députe
au Roy. ibid.
- - - rf Mompellier. 257. Nombre des
Eglifes, ibid.
T.
TEmpIes. On empêche de les bâtir. 378,
Doivent être éloigneT des EgUfes
Catholiques, ^^i.
De 1 hou (Prefident). Ecrit au Duc de
Bouillon fur la converfton du Roy. ^6. .Eji
indiqué par du Plefjis pour Commiffaire
. du Roy. I y o. Accufe près du Légat de
favori fer les Reforme?. 1 74. Le contente
par fes excufes. ibid. Rcfufe la commiffion
de traitter avec les Reformez,. 176. ï efi
enfn envoyé. 185, lle^ Commijfaire a U
conférence de Eontainebleau. i^<). 350.
Calomnie des Je fuite s contre Uiy,/{0<^.
Tiers
DES MA
Tiers part^. 82. Son origine) & [es def-
fcins. ibid. &. fuiv. Ses appuis & [on pro-
grés. 85. Son audace, ibid. Ck 95.
Cardinal de Tolède. 114,
Cardinal de Tournon trurerfe la Hieforma-
tion. 9. 10. Rompt le Colloque de Poifji.
1 7. Vrotccleur des Jl fuites. 1 64 .
Traittc. 7ouîe Souveraineté fuppofe un
Trailté. ^11. ToutEdit de conferratioii
renouvelle ce Traitté. ibid. de 325. fer-
meté des Traittez,. ibid. La forme d'Edit
ne leur ôte point leur force, ibid. VEdit
de Nantes est un Traitté entre le Roj' &
Us Reforme"^: 524. en deux égards, de
recompenfe o' de fur été. ibid. Villes de fa-
rt te font des gages de bonne foy. 325. il
y a lieu au Traitté entre Princes & fu-
jets : ibid. & 326. « qui eft reconnu par
les Rois mêmes. ji6. ^ly. En quelles oc-
caftons il y a lieu au Traitté. ^zj. Il y
avoit lieu entre Henri I V. & les Refor-
w;^:^. ibid. & 328. 329.
Traitté entre les Catholiques & les Refor-
me"^ à la garantie du Roy. 324. 330. &
fuiv. Avec confentcment réciproque. 331.
332. Celuy des Catholiques Royattx :
1^,1, des Ligueurs : ibid. des Parlemens.
336. Intervention du Clergé, ibid. &
337. Confentcment du Pape. 338.
Traittc de l'EuchariJîie. Voi Livres.
Trêve avec la Ligue. 105.115. Vcfavan-
tageufe au Roy. ibid.
- - - fous laquelle vivent les Reformez.. J^r,
de U Trimcuille (Claude) s'allie avec le
Prince de Condé. 49. Tuteur & éduca-
teur dujils de ce Prince. 89. Son caracle-
re & fon tnente. m. 122. il prefente
T I E R E S.
Requête pour U Princejfe de Condé fa
fœur. 153. Efififpe^ au Roy. 1 60. Veut
jatre prendre les armes. 1 84. Ce qu'on
en juge. 1 84. 1 85. Ce que font fes trou-
pes pendant que le Roy affiege Amiens,
192. 193. S'offenfe des menaces deU
Cour. m. Il est bien reçu du Roy. 224,
Effet de fon :(éle pour la Religion. 252.
£/? fait Duc cr Pair. 297. Sa hardiejfe
fufpeâe à la Cour. 386. 41 2. Sa mort
fufpecle. 413.
Triumvirat, & fon origine. ij. Trium-
virs. 30.
Turenne. Vicomte de Turenne époufe l'He-
ritiere de Sedan. 85. £iï fait Maréchal
de France, ibid. Voi Maréchal de BomU
Ion.
VArcntînois (Duchejfe de) violente en-
nemie des Reforme':^ 1 3.
VilJcroî , :^lé Ligueur. 48. 83. 87. 103.
Menacé de difgrace. 40^. 408.
Violences. 205.206.207. 209,213.3:78.
Union des Reforme:^, renouveUée a Mantes,
1 1 1. Autoïïfée par le Roy. ibid. Affermie
à Ste. Foy. 1 26. & fuiv. Calomniée à U
Cour. 134. Ils la veulent continuer pour
leur fur été. 367. RenoiivdlécaChàtel-
Uraud. 426.
Y
Y.
Vri. Foi Bataille,
TABLE
y
TA B L E
D' E D I T s , CONFERENCES, &c.
qui fervent de preuves à la première Partie
de cette Hiftoire.
EDIT du Roj Charles IX. fur les
moyens les plits propres 4'appaifer les
troubles & [éditions pour le fait de la Re-
ligion, du mois de Janvier i ^6 1, Sec,
Pag. I
Déclaration & interprétation du Roy fur au-
cuns mots & articles VI. & Vlï. conte-
nus au prefent Edit du 17. de Janvier
15^1. 5
E D I T </« Roy Charles l X. de Van 1 570.
fur la pacification des troubles de ce
Royaume, 9
EDIT de Vacif cation fait par le Roy
Henri III. pour mettre fin aux troubles de
fon Royaume-, <jr faire déformais vivre
tous fes fujets en bonne paix , union &
concorde y fous fon obet^ance. Lu & pu-
blié en la Cour de Parlement y le S. jour
d'OQobre 1577. 18
Articles fecrets du 1 7. Septemh. 1577. $ 5
tes Articles de la Conférence faite à Nerac
par la Reine mère du Roy , avec le Roy de
Navarre , & les Députe:^ de la Religion
ftetenduè Reformée. 45
EDIT du Roy fur la pacification des trou-
bles > contenant confirmation , amplia-
tion , & déclaration tant des precedens
Edits fur ledit fait, même en l'an l'^J'J*
que des Articles arrête:^ a la Conférence
de Nerac. Publié à Paris en Parlement ,
le 16. de Janvier i')J9. 52
EDIT du Roy , fur la pacification des
troubles de ce Royaume, Donné à Nantes
au mois d'Avril 1598. &c. Avec les Ar-
ticles particuliers intervenus fur iceluy ,
. &c. 6z
Articles particuliers , extraits des généraux,
que le Roy a accorde":^ a ceux de la Reli-
gion prétendue Reformée : lefquels fa^
Majejîé n'a voulu être compris efdtts Ge-^
neraux , ni en l'Edit qui a été fait &
drejje fur iceux , donné à Nantes au mois
d'Avril dernier , &c. 8^
Brevet accordé par Henri le Grand , a fes
fujets de la Religion prétendue Reformée,
le $0, Avril 1598.
F I N.
1
': Ro-
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f.J^
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